Language of document : ECLI:EU:T:2023:495

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

6 septembre 2023 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Services de spécification, de développement, de maintenance et d’assistance des plateformes informatiques pour la direction générale “Fiscalité et union douanière” – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution du marché au soumissionnaire dont l’offre avait été initialement retenue – Exécution d’un arrêt du Tribunal – Article 266 TFUE – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑108/22,

Sopra Steria Benelux, établie à Bruxelles (Belgique),

Unisys Belgium, établie à Machelen (Belgique),

représentées par Mes L. Masson et G. Tilman, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes L. André et M. Ilkova, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, V. Valančius et R. Mastroianni (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Sopra Steria Benelux et Unisys Belgium, demandent l’annulation de la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2021, par laquelle celle-ci n’a pas retenu l’offre commune qu’elles avaient soumise pour le lot A dans le cadre de la procédure d’appel d’offres portant la référence TAXUD/2019/OP/0006 concernant des services de spécification, de développement, de maintenance et d’assistance de 3e niveau des plateformes informatiques de la direction générale (DG) « Fiscalité et Union douanière » et a attribué le marché afférent audit lot au consortium dont l’offre avait été initialement retenue (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 6 décembre 2019, la Commission européenne a publié au Supplément  du Journal officiel de l’Union européenne (JO 2019/S 236-577462) un avis de marché public concernant l’appel d’offres en cause. Ledit marché se composait de deux lots, à savoir le lot A, intitulé « Services d’évolution pour la plateforme CCN/CSI », et le lot B, intitulé « Services d’évolution pour les plateformes CCN2(ng), SPEED2(ng), CDCO/TSOAP et SSV », et avait pour critère d’attribution le meilleur rapport qualité-prix, la qualité technique et le prix comptant, respectivement, pour 70 % et pour 30 % dans l’évaluation des offres. Pour chacun de ces deux lots, la Commission devait conclure un contrat-cadre pour une durée de 36 mois, renouvelable trois fois pour des périodes successives de douze mois, avec le soumissionnaire offrant le meilleur rapport qualité-prix, à condition qu’il satisfasse à certains critères minimaux concernant l’éligibilité, la non-exclusion, la capacité et la conformité de l’offre.

3        Le 27 février 2020, les requérantes ont soumis une offre commune dans le cadre d’un consortium dirigé par la première requérante, Sopra Steria Benelux. La seule autre offre déposée pour le lot A dans les délais était celle du consortium ARHS-IBM, formé par ARHS Developments SA et International Business Machines of Belgium SA.

4        Par un courrier du 2 juillet 2020, la Commission a informé les requérantes du rejet de leur offre pour le lot A, au motif que celle-ci n’était pas économiquement la plus avantageuse, et de l’attribution du marché à un autre soumissionnaire (ci-après la « décision initiale »). Elle y a annexé un extrait du rapport d’évaluation de leur offre indiquant les notes qui lui avaient été attribuées, accompagnées d’explications, et les a informées que les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, la valeur du contrat ainsi que le nom de l’attributaire pouvaient leur être transmis sur demande écrite. Les requérantes ont adressé une telle demande le jour même.

5        Il ressort de l’extrait du rapport d’évaluation que l’offre des requérantes a reçu une note totale de 90,81 points, répartis comme suit :

Soumissionnaire

Prix

Score qualitatif

Score financier

Score total

Consortium dirigé par [la première requérante]

21 699 281,86 EUR

70,00

20,81

90,81


6        Par un courrier du 3 juillet 2020, la Commission a informé les requérantes que le contrat avait été attribué au consortium ARHS-IBM et leur a adressé un extrait du rapport d’évaluation de l’offre de celui-ci indiquant les notes qui lui avaient été attribuées, accompagnées d’explications.

7        Il ressort de cet extrait du rapport d’évaluation que l’offre de l’attributaire a reçu une note totale de 98,53 points, répartis comme suit :

Soumissionnaire

Prix

Score qualitatif

Score financier

Score total

Consortium ARHS-IBM

15 054 925,60 EUR

68,53

30,00

98,53


8        Par un courrier du 10 juillet 2020, les requérantes ont contesté le résultat de la procédure d’appel d’offres et, s’agissant du prix indiqué dans l’offre retenue, ont invité le pouvoir adjudicateur à confirmer, notamment, s’il avait vérifié que l’offre de l’attributaire ne présentait aucun risque de « dumping social ».

9        Par un courrier du 20 juillet 2020, la Commission a répondu, notamment, qu’une analyse détaillée sur le plan financier de l’offre retenue avait révélé que l’offre de l’attributaire était en conformité avec les conditions du marché des pays à partir desquels les contractants et leurs sous-traitants exécuteraient les services demandés. 

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2020, les requérantes ont introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑546/20, ayant pour objet, notamment, l’annulation de la décision initiale.

11      Par arrêt du 1er décembre 2021, Sopra Steria Benelux et Unisys Belgium/Commission (T‑546/20, ci-après l’« arrêt ayant annulé la décision initiale », EU:T:2021:846), le Tribunal a annulé la décision initiale pour insuffisance de motivation.

12      Par un courrier du 8 décembre 2021, les requérantes ont interrogé la Commission afin de connaître ses intentions, d’une part, quant à la possibilité de se pourvoir devant la Cour contre l’arrêt ayant annulé la décision initiale et, d’autre part, quant aux mesures qu’elle envisageait de prendre afin d’effectuer une remise en état adéquate de leur situation.

13      Le 20 décembre 2021, la Commission a adopté la décision attaquée, dont elle a informé les requérantes par un courrier du même jour. Dans ce courrier, elle a, notamment, précisé ce qui suit :

« Pour tenir compte de l’arrêt [ayant annulé la décision initiale], et en réponse à la question soulevée dans votre lettre du 10 juillet 2021 [Ares(2020)5605281] sur les risques allégués de dumping social, la Commission peut vous fournir les informations supplémentaires suivantes :

–        en ce qui concerne la valeur du marché et la composition des prix de l’offre retenue, veuillez noter que la part maximale du marché que le contractant est susceptible de sous-traiter pour le lot A est de 84 %, comme cela a été communiqué dans l’avis d’attribution du marché publié dans le supplément du Journal officiel de l’[Union européenne] sous la référence 2020/S 155-378304 ;

–        le contractant (et ses sous-traitants) sont établis en Grèce, au Luxembourg, en Belgique, au Danemark, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suède, au Royaume-Uni et en Roumanie ; en particulier, il est proposé de sous-traiter environ 60 % des tâches à des sociétés établies en Roumanie et en Grèce ;

–        le contrat pour CCN-Évolution – Spécification, développement, maintenance et support de troisième niveau des plateformes informatiques de TAXUD Numéro de référence : TAXUD/2019/OP/0006 Lot A : (Services d’évolution pour la plate-forme CCN/CSI) a été signé le 28/07/2020. »

14      Par un courrier du 21 décembre 2021, les requérantes ont fait, notamment, valoir que la motivation figurant dans la décision attaquée n’était qu’une redite des éléments communiqués par la Commission lors de la procédure devant le Tribunal ayant donné lieu à l’arrêt ayant annulé la décision initiale et ne pouvait être considérée comme une remise en état adéquate de leur situation.

15      Par un courrier du 26 janvier 2022, les requérantes ont demandé à la Commission de clarifier la portée qu’elle entendait donner à la décision attaquée.

16      Le 10 février 2022, la Commission a formé un pourvoi devant la Cour, enregistré sous le numéro d’affaire C‑101/22 P, contre l’arrêt ayant annulé la décision initiale.

17      Par un courrier du 11 février 2022, la Commission a précisé que, par la décision attaquée, qui était du reste susceptible de faire l’objet d’un recours, elle avait confirmé la décision initiale avec une motivation plus développée quant à la question de savoir si l’offre retenue pouvait être considérée comme une offre anormalement basse.

 Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

18      Par arrêt du 11 mai 2023, Commission/Sopra Steria Benelux et Unisys Belgium (C‑101/22 P, EU:C:2023:396), la Cour a rejeté le pourvoi formé par la Commission contre l’arrêt ayant annulé la décision initiale.

 Conclusions des parties

19      Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

21      À l’appui du recours, les requérantes invoquent deux moyens, tirés, le premier, du caractère prétendument confirmatif de la décision attaquée et, le second, de l’erreur manifeste d’appréciation, du non-respect du cahier des charges, de la violation des principes de bonne administration et, notamment, du principe patere legem quam ipse fecisti et du « devoir de minutie ».

 Sur le premier moyen, tiré du caractère prétendument confirmatif de la décision attaquée

22      Les requérantes rappellent que, selon la jurisprudence, un acte est confirmatif lorsqu’il ne contient aucun élément nouveau au regard de l’acte précédent. Elles estiment toutefois que le simple fait qu’une décision contient des éléments nouveaux n’en fait pas une nouvelle décision. Selon elles, pour que la décision attaquée ne soit pas considérée comme étant confirmative, elle aurait dû être le résultat d’un réexamen effectué sur la base de faits nouveaux et substantiels qui n’étaient connus ni d’elles ni de la Commission lors de l’adoption de la décision initiale et qui étaient susceptibles de modifier de façon substantielle leur situation.

23      Or, en l’espèce, les éléments nouveaux communiqués dans la décision attaquée auraient déjà été connus par la Commission au moment de l’adoption de la décision initiale et ils en auraient même constitué le fondement. Par conséquent, ladite décision ne serait pas issue d’un réexamen de la décision initiale et se fonderait sur les mêmes éléments et motifs que celle-ci.

24      Par ailleurs, les requérantes soulignent que la décision initiale a été annulée par le Tribunal tant au regard de l’offre qu’elles ont soumise qu’au regard de l’attribution du marché au consortium ARHS-IBM. Elles font également valoir que, dans la décision attaquée, la Commission se limite à prendre position sur le rejet de leur offre, sans prendre en considération la question de l’attribution du marché à l’autre consortium soumissionnaire. Il serait évident que cette question n’a pas été revue, dès lors que, d’une part, l’avis d’attribution du marché a été publié le 12 août 2020 et n’a fait l’objet d’aucune modification depuis lors et que, d’autre part, le contrat d’attribution du marché a été signé le 28 juillet 2020. Étant donné que la décision initiale n’a pas fait l’objet d’un quelconque réexamen concernant l’attribution du marché, il serait certain que l’adoption de la décision attaquée n’a été précédée d’aucun réexamen.

25      Dans la réplique, les requérantes font valoir que l’arrêt ayant annulé la décision initiale ne peut pas être considéré comme un élément nouveau substantiel, dès lors qu’il n’est pas de nature à modifier de façon substantielle les conditions qui ont régi la décision initiale. En effet, il aurait trait non à la substance de celle-ci, mais bien à sa forme, de sorte qu’il ne pourrait avoir pour effet de modifier la substance des conditions qui ont régi l’acte antérieur.

26      La Commission s’étant contentée de modifier la forme de la décision initiale, en la motivant plus amplement, la décision attaquée ne serait que purement confirmative de celle-ci.

27      Au vu de son caractère confirmatif, qui serait du reste reconnu par la Commission elle-même, la décision attaquée n’aurait pas d’existence autonome et devrait donc être annulée à l’instar de la décision initiale qu’elle confirme.

28      La Commission conteste les arguments des requérantes.

29      À titre liminaire, s’agissant de l’objet du litige, il convient de préciser que la décision attaquée, que les requérantes identifient matériellement avec la lettre qui leur a été envoyée par la Commission le 20 décembre 2022, comporte, en réalité, d’une part, un volet relatif à l’attribution du marché au consortium dont l’offre avait été initialement retenue et, d’autre part, implicitement, mais nécessairement, un volet relatif au rejet de l’offre du consortium dirigé par la première requérante. Ces deux volets ne constituent, en réalité, qu’une seule et même décision (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2019, Trasys International et Axianseu – Digital Solutions/AESA, T‑741/17, EU:T:2019:572, point 32 et jurisprudence citée).

30      Partant, il y a lieu de considérer que le recours a pour objet l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle attribue le marché litigieux au consortium ARHS-IBM et, ce faisant, rejette l’offre soumise par les requérantes pour le lot A.

31      Par le présent moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la décision attaquée constitue un acte purement confirmatif de la décision initiale. N’ayant pas d’existence autonome, elle doit suivre, selon les requérantes, le sort de la décision initiale qu’elle confirme et doit, de ce fait, être annulée. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, les requérantes ont précisé que la Commission n’avait pas pris de décision adéquate à la suite du prononcé de l’arrêt ayant annulé la décision initiale.

32      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, un acte purement confirmatif d’un acte antérieur n’est pas attaquable, dans la mesure où c’est nécessairement le premier acte qui doit être considéré comme produisant des effets juridiques. Toute solution contraire conduirait à rouvrir les délais de recours (voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 1996, Zunis Holding e.a./Commission, C‑480/93 P, EU:C:1996:1, points 14 et 15 et jurisprudence citée, et du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T‑224/95, EU:T:1997:187, point 49).

33      Il ressort de la jurisprudence qu’un acte ne constitue la confirmation d’un acte antérieur que pour autant qu’il ne contient aucun élément nouveau au regard de ce dernier et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte antérieur (voir, en ce sens, arrêts du 20 mai 2021, Dickmanns/EUIPO, C‑63/20 P, non publié, EU:C:2021:406, point 34 et jurisprudence citée ; du 14 octobre 2021, NRW. Bank/CRU, C‑662/19 P, EU:C:2021:846, point 41 et jurisprudence citée, et ordonnance du 10 octobre 2006, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑106/05, non publiée, EU:T:2006:299, point 46).

34      À supposer même que la thèse des requérantes soit pertinente, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la décision attaquée repose sur un élément nouveau et substantiel, à savoir l’arrêt ayant annulé la décision initiale, qui a eu une incidence avérée sur l’existence même de l’acte antérieur, dans la mesure où il en a déterminé la disparition de l’ordre juridique, ainsi que, bien évidemment, sur les motifs constituant son support nécessaire.

35      Or, en substance, la question qui se pose en l’espèce est de savoir si, par l’adoption de la décision attaquée, la Commission s’est conformée aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 266 TFUE.

36      Au titre de cet article, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue « de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ».

37      Cependant, l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. En ce sens, cette disposition impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans ledit arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 30 et jurisprudence citée). En revanche, il ne saurait être exigé de ladite institution qu’elle se prononce à nouveau sur des aspects de sa décision qui n’ont pas été mis en cause par l’arrêt d’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T‑224/95, EU:T:1997:187, point 53).

38      Il convient également de préciser que, dans le contexte de l’exécution d’un arrêt qui annule une décision pour des vices de forme, il a été jugé que, pour se conformer à un tel arrêt et lui donner pleine exécution, l’institution concernée était tenue de respecter non seulement le dispositif de cet arrêt, mais également les motifs qui avaient conduit à celui-ci et qui en constituaient le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils étaient indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui avait été jugé dans le dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 35 et jurisprudence citée). En effet, ce sont ces motifs qui, d’une part, identifient l’illégalité et, d’autre part, font apparaître les raisons de celle-ci dans le dispositif et doivent être pris en considération par l’institution concernée lorsqu’elle remplace l’acte annulé ou invalidé. Cela étant, il importe également de rappeler que l’annulation d’un acte de l’Union européenne n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires de celui-ci. Par conséquent, sauf à ce que l’irrégularité constatée ait entaché de nullité l’ensemble de la procédure administrative, ladite institution peut, afin d’adopter un acte visant à remplacer un précédent acte annulé ou invalidé, rouvrir la procédure au stade où cette irrégularité a été commise (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, points 49 à 51 et jurisprudence citée).

39      Les institutions disposent ainsi d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à mettre en œuvre afin de tirer les conséquences d’un arrêt d’annulation, étant entendu, ainsi qu’il a été indiqué au point 36 ci-dessus, que ces moyens doivent être compatibles avec le dispositif de l’arrêt en cause et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 76).

40      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un acte a été annulé pour vices de forme ou de procédure, l’institution concernée est en droit d’adopter un nouvel acte, en se fondant sur les mêmes éléments de fait et de droit que ceux qui avaient été à la base de l’acte annulé, pour autant qu’elle respecte, à cette occasion, les règles de forme et de procédure dont la violation a été sanctionnée, et même de donner à cet acte un effet rétroactif, si cela est nécessaire à la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi et si la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, points 65 et 75 et jurisprudence citée).

41      En l’espèce, la décision initiale a été annulée pour un vice de forme, à savoir une insuffisance de motivation (voir point 11 ci-dessus).

42      Plus particulièrement, au point 60 de l’arrêt ayant annulé la décision initiale, le Tribunal précise que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission ne pouvait pas se borner à relever que l’offre retenue était en conformité avec les conditions du marché des pays à partir desquels les services en cause allaient être fournis par les contractants et leurs sous-traitants. Selon lui, étant donné que le critère du prix a été déterminant dans le classement des offres et que le prix de l’offre retenue est le seul avantage relatif ayant caractérisé celle-ci, la Commission aurait dû, afin de répondre adéquatement à la demande des requérantes, fournir à tout le moins les informations ayant trait au pourcentage correspondant à la part du marché qui serait exécutée en sous-traitance ainsi qu’aux pays à partir desquels les services en cause seraient exécutés, à l’instar de ce qu’elle a fait dans le mémoire en défense et lors de l’audience, ce qui aurait permis aux requérantes de mieux comprendre les raisons de l’écart existant entre les prix de leur offre et ceux de l’offre retenue. De telles informations leur auraient également permis de disposer de suffisamment d’éléments pour connaître les raisons pour lesquelles la Commission avait considéré que l’offre retenue n’apparaissait pas anormalement basse et, dès lors, de contester éventuellement le bien-fondé de cette appréciation.

43      Au point 61 de l’arrêt ayant annulé la décision initiale, le Tribunal souligne que, dans la mesure où elle s’est contentée de justifier par une simple affirmation que le prix de l’offre retenue ne présentait pas un caractère anormalement bas, la Commission n’a pas respecté l’obligation de motivation qui lui incombait dans les circonstances de l’espèce.

44      Au point 71 de l’arrêt ayant annulé la décision initiale, le Tribunal conclut qu’il convient d’accueillir le moyen tiré, en substance, de l’insuffisance de motivation, en ce qui concerne les raisons ayant amené le pouvoir adjudicateur à considérer que l’offre de l’attributaire n’apparaissait pas anormalement basse, et d’annuler, par conséquent, la décision initiale, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen du recours concernant la légalité interne de celle-ci, selon lequel, en substance, le pouvoir adjudicateur aurait considéré à tort que ladite offre n’était pas anormalement basse.

45      Il ressort du dossier que la Commission a adopté une nouvelle décision, à savoir la décision attaquée, par laquelle l’ordonnateur compétent a attribué le marché pour le lot A au même soumissionnaire que celui dont l’offre avait été initialement retenue dans la décision initiale, à savoir le consortium ARHS-IBM. Le dispositif de cette décision a emporté nécessairement le rejet de l’offre des requérantes (voir point 29 ci-dessus).

46      Par un courrier du 20 décembre 2021, la Commission a informé les requérantes du rejet de leur offre et respecté, dans la décision attaquée, l’obligation de motivation dont la violation avait été sanctionnée dans l’arrêt ayant annulé la décision initiale, en leur fournissant davantage d’informations sur les raisons pour lesquelles elle avait estimé, en substance, que l’offre retenue n’était pas anormalement basse.

47      Or, il y a lieu de considérer que, dès lors que la décision initiale avait été annulée pour un vice de forme, résultant d’une insuffisance de motivation, et que le Tribunal n’avait pas examiné le bien-fondé de ladite décision, rien n’empêchait la Commission d’adopter, conformément à la jurisprudence citée aux points 38 et 40 ci-dessus, une nouvelle décision portant, d’une part, sur l’attribution du contrat au même soumissionnaire que celui retenu dans le cadre de la décision initiale et, d’autre part, sur le rejet de l’offre des requérantes, pour autant qu’une telle décision respectait les règles de forme dont la violation avait été sanctionnée et qu’elle était compatible avec le dispositif de l’arrêt ayant annulé la décision initiale et les motifs qui en constituaient le soutien nécessaire.

48      Le constat par le Tribunal, dans l’arrêt ayant annulé la décision initiale, d’une insuffisance de motivation de celle-ci n’établissait pas que l’attribution du marché était, en elle-même, entachée d’une erreur de droit ou d’appréciation ou d’une autre illégalité que ladite insuffisance de motivation. Ainsi, le fait que la Commission se soit fondée sur les mêmes circonstances factuelles et donc sur les mêmes motifs que ceux retenus dans le cadre de l’adoption de la décision initiale est dépourvu d’incidence sur la légalité de la décision attaquée.

49      En communiquant aux requérantes une motivation complète au soutien de la décision d’attribuer le marché au consortium ARHS-IBM, en réponse aux doutes qu’elles avaient soulevés au regard du caractère anormalement bas de l’offre de celui-ci, la Commission a donc tenu compte du dispositif et des motifs de l’arrêt ayant annulé la décision initiale et, de ce fait, respecté l’obligation de motivation dont la violation avait été sanctionnée par le Tribunal dans ledit arrêt.

50      Par conséquent, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il y a lieu de relever que, si l’utilisation du terme « confirmer » dans la décision attaquée peut paraître ambiguë, il résulte des points 47 à 49 ci-dessus que cette décision n’est pas purement confirmative de la décision initiale et que, par son adoption, la Commission s’est conformée à l’obligation qui lui incombait en vertu de l’article 266 TFUE.

51      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, du non-respect du cahier des charges, de la violation du principe de bonne administration et, notamment, du principe patere legem quam ipse fecisti et du « devoir de minutie »

52      Le second moyen s’articule en deux branches, tirées, respectivement, d’une violation des prescriptions du cahier des charges et de la non-prise en considération du début d’exécution par l’attributaire.

53      À titre liminaire, premièrement, il convient de relever que, à l’appui du présent moyen, les requérantes invoquent, notamment, dans son intitulé, la violation du principe de bonne administration et, notamment, du principe patere legem quam ipse fecisti et du « devoir de minutie ».

54      S’agissant du principe de bonne administration, qui englobe, dans la présentation qu’en font les requérantes, le principe patere legem quam ipse fecisti et le « devoir de minutie », il convient, tout d’abord, de rappeler que, en vertu de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. À cet égard, selon la jurisprudence, il appartient à l’administration, en vertu dudit principe, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’une affaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, AF Steelcase/EUIPO, T‑652/14, non publié, EU:T:2016:370, point 57 et jurisprudence citée).

55      Si les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis des erreurs d’appréciation, elles n’avancent toutefois aucun élément susceptible d’établir que celle-ci, en plus de ces erreurs, se serait abstenue d’examiner leur offre ou celle retenue avec soin et impartialité et dans un délai raisonnable.

56      Les requérantes se limitent à énoncer, dans l’intitulé du moyen, que la Commission devait respecter le principe patere legem quam ipse fecisti et le « devoir de minutie » avant d’adopter la décision attaquée, sans toutefois exposer ces prétendues violations au sein de son argumentation.

57      Or, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, EU:T:1999:109, point 49).

58      Il s’ensuit que les allégations des requérantes quant à la violation du principe de bonne administration et, notamment, du principe patere legem quam ipse fecisti et du « devoir de minutie » doivent être rejetées comme étant irrecevables.

59      Deuxièmement, ainsi que le souligne la Commission, il y a lieu d’observer que, dans le cadre du présent moyen, les requérantes ne reprochent pas à la Commission une violation du point 23 de l’annexe I du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), tirée du fait qu’elle n’a pas procédé à la vérification de la composition de l’offre retenue afin de s’assurer qu’elle n’était pas anormalement basse. Elles se limitent à identifier certains points de l’annexe technique du cahier des charges (ci-après l’« annexe technique ») qui n’auraient pas été respectés par la Commission lorsqu’elle a considéré, en substance, que l’offre retenue ne présentait pas une apparence d’anormalité, au motif que 60 % des tâches étaient effectuées par le personnel établi en Grèce et en Roumanie, ce qui relèverait d’une erreur manifeste d’appréciation.

60      Troisièmement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu au pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection (voir, en ce sens, arrêts du 10 octobre 2017, Solelec e.a./Parlement, T‑281/16, non publié, EU:T:2017:711, point 73 et jurisprudence citée, et du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 65 et jurisprudence citée).

61      Dans le cadre d’un tel contrôle, il appartient au Tribunal de déterminer, notamment, si l’interprétation retenue par le pouvoir adjudicateur d’une condition prévue dans le cahier des charges est, ou non, correcte (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, EU:T:2009:491, point 53).

62      En particulier, afin d’établir si, dans l’appréciation des faits, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur à ce point manifeste qu’elle est de nature à justifier l’annulation de la décision litigieuse, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues dans la décision en cause. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant vraie ou valable (voir arrêts du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 66 et jurisprudence citée, et du 19 octobre 2022, Lenovo Global Technology Belgium/Entreprise commune EuroHPC, T‑717/20, non publié, EU:T:2022:640, point 65 et jurisprudence citée).

63      Il convient donc d’examiner, en application, notamment, de la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, si les arguments soulevés par les requérantes privent de plausibilité l’appréciation de la Commission selon laquelle l’offre retenue n’était pas anormalement basse, dans la mesure où elle avait considéré que 60 % des tâches relatives au contrat-cadre étaient effectuées par des prestataires établis en Grèce ou en Roumanie.

 Sur la première branche, tirée d’une violation des prescriptions du cahier des charges

64      À titre liminaire, les requérantes font valoir que la seule assertion, figurant dans la décision attaquée, au regard d’une éventuelle anormalité du prix de l’offre retenue est celle faisant allusion à la circonstance selon laquelle 60 % des prestations du marché seraient sous-traitées en Grèce et en Roumanie, ce qui serait erroné sous plusieurs aspects.

65      En effet, le cahier des charges ne permettrait pas une liberté absolue en ce qui concerne le lieu d’exécution du marché.

66      À cet égard, les requérantes soulignent que, pour quatre des huit profils de fonction demandés pour l’exécution du contrat, notamment les profils dits « clés », qui représenteraient 45,5 % du poids total des profils demandés, le point 6.4 de l’annexe technique, intitulé « Place of Work » (Lieu de travail), exige que les activités concernées, qui sont extramuros, à savoir situées dans les installations du contractant, soient exécutées à une distance permettant d’être physiquement présent dans les locaux du pouvoir adjudicateur en maximum deux heures. S’agissant, en outre, du profil no 8 (AD), qui est utilisé spécifiquement pour les services à la demande OD 6 « Deployment and Conformance Testing » (WP.9.2.1 et WP.9.2.2), le cahier des charges imposerait également une contrainte de proximité.

67      Afin de vérifier si l’affirmation de la Commission selon laquelle 60 % des prestations du marché dans l’offre retenue étaient sous-traitées en Grèce et en Roumanie est conforme aux conditions prévues dans le cahier des charges, les requérantes décomposent le volume horaire total du contrat à exécuter entre les services à la demande, d’une part, et les services continus ainsi que les services à prix fixe, d’autre part.

68      S’agissant, premièrement, des services à prêter à la demande, les requérantes estiment qu’ils représentent 11 200 jours‑personnes, dont à tout le moins 6 019 jours‑personnes, soit 54 % de l’ensemble de ces prestations à la demande, devraient être fournis à proximité des installations de la DG « Fiscalité et Union douanière », à savoir à moins de deux heures des bureaux de celle-ci situés à Bruxelles ou de ses « data centers » localisés à Luxembourg. Il s’ensuivrait qu’au maximum 46 % des services à la demande pourraient être prestés, notamment, dans des pays comme la Grèce ou la Roumanie.

69      S’agissant, deuxièmement, des services continus « CS 1 » et « CS 6 », les requérantes font valoir que le cahier des charges (point 6.4 de l’annexe technique, notamment) exige, en substance, que ces prestations, qui ont une pondération de 67 % dans leur offre, soient fournies majoritairement par des profils clés pour lesquels l’exigence de proximité serait également d’application.

70      S’agissant, troisièmement, des services à prix fixe (« Take‑Over » et « Hand‑Over »), les requérantes estiment que, pour des raisons de coordination avec les services de la DG « Fiscalité et Union douanière », localisés à Bruxelles, et de transfert de savoir-faire et de responsabilité de la gestion de l’infrastructure de développement de « CCN Evolution Lot A », localisée dans les « data centers » à Luxembourg, ils devraient également être fournis à proximité de ladite DG.

71      Ainsi, la proportion du volume horaire pour les services continus et à prix fixe devant être fournis à proximité de la DG « Fiscalité et Union douanière » doit être estimée au minimum à 54 %, à l’instar des services à la demande, voire à 67 %, comme c’est le cas pour l’offre des requérantes, qui, en tant que contractantes sortantes, avaient des connaissances précises des exigences liées à l’exécution du marché. La Commission aurait donc méconnu le cahier des charges en considérant que 60 % des prestations pouvaient être effectuées à partir de la Grèce ou de la Roumanie.

72      Dans la réplique, les requérantes indiquent que, contrairement à ce que prétend la Commission, lorsque le cahier des charges annonce que les « services et activités de proximité » sont applicables aux quatre profils clés, sans aucune réserve ni condition, c’est l’intégralité des prestations de ces profils qui est visée et qui doit donc être exécutée à proximité des installations de la DG « Fiscalité et Union douanière ».

73      Les conditions du contrat, telles que précisées dans les documents du marché, ne permettaient pas, selon les requérantes, une sous-traitance à concurrence de 60 % des prestations effectuées, en Grèce et en Roumanie, ce qui aurait, d’ailleurs, été démontré par l’exécution actuelle du marché, l’intégralité des prestataires renseignés par l’attributaire étant basés en Belgique ou au Luxembourg.

74      La Commission aurait donc méconnu le cahier des charges et commis des erreurs d’appréciation.

75      La Commission conteste les arguments des requérantes.

76      Il convient de relever que, au point 6 de l’annexe technique sont indiquées les exigences générales du contrat-cadre, parmi lesquelles figure, au point 6.4, celle relative au lieu de travail.

77      À cet égard, en premier lieu, le point 6.4 de l’annexe technique stipule que les services et les activités inhérents au contrat-cadre seront principalement exécutés à partir des installations du contractant, et donc extramuros, situées dans le territoire d’un ou de plusieurs États membres.

78      En deuxième lieu, le point 6.4 de l’annexe technique précise néanmoins que le pouvoir adjudicateur peut exceptionnellement exiger que certains services ou activités spécifiques soient effectués à partir de ses locaux, cette partie limitée des activités ou des services étant évaluée, de manière non contraignante, à 5 %.

79      En troisième lieu, le point 6.4 de l’annexe technique prévoit que le pouvoir adjudicateur peut demander au contractant qu’une partie des activités et des services extramuros soit effectuée à partir d’installations situées à moins de deux heures (pendant les heures de travail) des installations du pouvoir adjudicateur.

80      À cet égard, il est également indiqué qu’une telle exigence est applicable à quatre profils clés, à savoir le « Strategy Consultant » (STC), le « Project Manager, Service Manager, Quality manager » (PM), le « Security Architect » (SECA) et le « System Architect, Infrastructure Architect » (SYSA).

81      Contrairement à ce que prétendent les requérantes, il ressort donc du point 6.4 de l’annexe technique que l’entièreté des activités et des services fournis par les quatre profils clés ne doit pas être effectuée à proximité des locaux de la DG « Fiscalité et Union douanière », à Bruxelles, ou des « data centers » de celle-ci, à Luxembourg.

82      Ce n’est que si le pouvoir adjudicateur le demande au cocontractant qu’une partie des activités et des services extramuros doit être effectuée à partir d’installations situées à moins de deux heures (pendant les heures de travail) des installations du pouvoir adjudicateur. Pareille obligation ne remet toutefois pas en cause le principe général selon lequel les activités et les services sont principalement effectués extramuros.

83      Il s’ensuit qu’une telle obligation ne concerne potentiellement qu’une partie des activités et des services fournis par les profils clés, qui ne pourra être définie que durant l’exécution du contrat-cadre, en fonction des exigences du pouvoir adjudicateur et dans le respect dudit principe général, ce qui rend, en substance, impossible toute estimation précise.

84      S’agissant des services à la demande, les requérantes se réfèrent, en particulier, aux modules de travail WP.9.2.1 [Support to Deployment by the Operation Contractor ITSM3 (OPS and TES)] et WP.9.2.2 (Support to Conformance Testing Activities), qui seraient prêtés par le profil no 8 [Application Assembler, Deployer and Administrator (AD)].

85      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que ces services concernent des tâches très spécifiques de support au déploiement de solutions mises en œuvre par d’autres contrats-cadres [en l’espèce les contrats-cadres ITSM3 (OPS and TES)].

86      De ce fait, de telles tâches ne sauraient être considérées comme étant particulièrement représentatives des tâches généralement effectuées dans le cadre des services CCN-CSI ayant trait au développement des plateformes.

87      En effet, contrairement à ce que prétendent les requérantes, les services des modules de travail WP.9.2.1 et WP.9.2.2 ne représentent pas l’entièreté des services rendus dans le cadre des services à la demande « OD 6 » (Deployment and Conformance Testing), lesquels, conformément au point 4 de l’annexe technique, constituent, à l’instar des services à prix fixe, des services continus et des services à la demande, un simple mode de commande de services.

88      Étant donné que, comme le souligne la Commission, le volume des services à la demande, qui incluent les modules de travail WP.9.2.1 et WP.9.2.2, n’est pas fixe, mais varie en fonction des projets et des besoins, il ne ressort pas des écritures des requérantes comment celles-ci ont pu extrapoler, d’un prix qui est fourni par jour, la donnée selon laquelle les services à la demande « OD 6 » équivaudraient à 500 jours de travail sur place.

89      Par ailleurs, ainsi que le souligne la Commission, il convient de relever que ces modules de travail visent à donner du support au contractant OPS pour les tests de conformité et les tests d’acceptation du site (SAT). Dans la mesure où de telles tâches ne constituent pas les tâches de test en tant que telles, mais se limitent aux supports du contractant chargé des tâches de test, dans les seuls cas où ce serait requis, les services inhérents auxdits modules de travail demeurent marginaux.

90      En outre, même pour ces modules, les services doivent être fournis extramuros à partir des installations du contractant avec la possibilité de les fournir exceptionnellement à partir des locaux de la Commission ou du contractant du contrat-cadre concerné pour les seuls services de support.

91      Au vu de ces considérations, il convient de conclure que les éléments apportés par les requérantes ne sont pas susceptibles de priver de plausibilité les appréciations de la Commission au regard de l’offre retenue et d’étayer l’argumentation selon laquelle celle-ci a méconnu le cahier des charges.

92      En définitive, les requérantes, qui supportent la charge de la preuve, n’ont pas établi que l’appréciation de la Commission quant au caractère non anormalement bas de l’offre retenue était manifestement erronée.

 Sur la seconde branche, tirée de la non-prise en considération du début d’exécution par l’attributaire

93      Les requérantes font valoir que, en omettant de tenir compte des premiers mois d’exécution du contrat, qui démontreraient que l’intégralité des prestataires de l’attributaire opère depuis la Belgique ou le Luxembourg, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le prix proposé par celui-ci, fondé sur la donnée selon laquelle 60 % des prestations seraient effectuées en Grèce ou en Roumanie, ne présentait pas d’indices d’anormalité.

94      Dans la réplique, les requérantes précisent que c’est la Commission elle‑même qui a voulu qu’il n’y ait que très peu de changements dans le personnel de l’attributaire. Il ressortirait, en particulier, de l’annexe technique que le pouvoir adjudicateur souhaite que les profils clés indiqués dans l’offre du contractant restent affectés au contrat pour toute la durée de l’exécution du marché, avec une latitude limitée à une rotation de deux personnes maximum sur une période glissante de douze mois. La sanction financière liée au non-respect de cette exigence, fixée à 20 % du total des coûts des services continus des contrats spécifiques concernés, démontrerait à suffisance l’importance accordée à la stabilité de l’équipe proposée.

95      Ainsi, selon les requérantes, la Commission était informée que, lors des opérations de transition entre le consortium dirigé par la première requérante, en tant qu’attributaire sortante, et le consortium dont l’offre a été retenue, l’équipe de celui-ci était intégralement composée de personnes établies en Belgique et au Luxembourg et que cette équipe resterait stable, sous peine de sanctions financières importantes.

96      La Commission conteste les arguments des requérantes.

97      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que l’exécution contractuelle ne peut servir de critère au soutien de l’appréciation du caractère anormalement bas d’une offre au sens du point 23 de l’annexe I du règlement financier.

98      En effet, une telle appréciation ne peut se faire que sur la base de l’offre telle que soumise par le soumissionnaire en réponse à l’appel d’offres et telle qu’examinée par le comité d’évaluation.

99      Par ailleurs, au vu de l’analyse effectuée dans le cadre du premier moyen (voir, notamment, points 46 à 49 ci-dessus), la Commission était en droit d’adopter une nouvelle décision attribuant le contrat-cadre au même consortium que celui désigné dans la décision initiale, tout en se basant sur les mêmes motifs et donc sur les mêmes circonstances factuelles que celles qui avaient fondé cette dernière.

100    Ainsi, la thèse des requérantes, selon laquelle, en substance, la Commission était contrainte, à la suite de l’arrêt ayant annulé la décision initiale, d’aller au-delà de la correction du vice de forme constaté par le Tribunal et de procéder, de ce fait, à un réexamen complet non seulement de leur situation, mais aussi de celle du soumissionnaire dont l’offre était retenue, aurait pour effet de vider de son contenu les principes jurisprudentiels cités au point 40 ci-dessus, selon lesquels l’institution dont émane l’acte annulé bénéficie d’un pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à adopter afin de donner plein effet à l’arrêt d’annulation.

101    Partant, la seconde branche du second moyen doit être rejetée comme étant dénuée de pertinence.

102    Il s’ensuit que le second moyen doit être rejeté dans son ensemble.

103    Partant, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sopra Steria Benelux et Unisys Belgium sont condamnées aux dépens.

Spielmann

Valančius

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.