Language of document : ECLI:EU:T:2013:410

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 septembre 2013 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑57/12,

Good Luck Shipping LLC, établie à Dubaï (Émirats arabes unis), représentée par M. F. Randolph, QC, Mme M. Lester, barrister, et Mme M. Taher, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et B. Driessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant à l’annulation, premièrement, de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), deuxièmement, du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 11), et, troisièmement, du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), dans la mesure où ces actes concernent la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Good Luck Shipping LLC, est une agence maritime basée à Dubaï (Émirats arabes unis). Elle organise l’accostage des navires ainsi que le déchargement et le chargement de cargaisons.

2        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’article 20, paragraphe 1, de cette décision prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et entités dont la liste est établie aux annexes I et II de cette même décision.

3        Le 25 octobre 2010, à la suite de l’adoption de la décision 2010/413, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 961/2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1). L’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, entités ou organismes énumérés à l’annexe VIII dudit règlement.

4        Le 1er décembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/783/PESC, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), par laquelle il a notamment inscrit le nom de la requérante sur la liste établie à l’annexe II de la décision 2010/413.

5        Le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11), par lequel il a notamment inscrit le nom de la requérante sur la liste établie à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010.

6        Dans la décision 2011/783 et dans le règlement d’exécution n° 1245/2011, le Conseil a, pour motiver le gel des fonds et ressources économiques de la requérante, avancé les éléments de fait suivants :

« Société agissant pour le compte d’IRISL [Islamic Republic of Iran Shipping Lines]. [La requérante] a été créée pour succéder à Oasis Freight Company alias Great Ocean Shipping Services, sanctionnée par l’Union européenne, et en liquidation judiciaire. [La requérante] a émis de faux documents de transport au profit d’IRISL et d’entités détenues ou sous le contrôle d’IRISL. Agit pour le compte de HDSL [Hafize Darya Shipping Lines] et SAPID [Sapid Shipping] (désignées par l’UE) aux Émirats arabes unis. Créée en juin 2011, à la suite de sanctions, pour remplacer Great Ocean Shipping Services et Pacific Shipping. »

7        Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante de l’inscription de son nom sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran telles qu’établies, respectivement, à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010.

8        Par lettre du 7 février 2012, la requérante a demandé au Conseil de lui communiquer les documents et preuves relatifs à l’inscription de son nom sur les listes citées au point 7 ci-dessus et de réexaminer ladite inscription. Elle a également présenté ses observations sur cette inscription.

9        Le 23 mars 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1). L’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, entités ou organismes dont la liste est établie à l’annexe IX dudit règlement. Le nom de la requérante figure sur cette dernière liste pour les mêmes motifs que ceux, cités au point 6 ci-dessus, ayant justifié son inscription sur les listes établies, respectivement, à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 (ci-après, prises ensemble, les « listes litigieuses »).

10      Par lettre du 31 mai 2012, le Conseil a, en réponse à la lettre de la requérante du 7 février 2012, communiqué à cette dernière, d’une part, des extraits tirés de deux propositions d’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses émanant d’États membres et, d’autre part, deux documents de nature générale portant sur l’adoption de mesures restrictives, à savoir des rapports de réunions d’un groupe de travail du Conseil et une note adressée par le secrétariat général du Conseil au Comité des représentants permanents (Coreper).

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 février 2012, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2012, la requérante a adapté ses conclusions au vu de l’adoption du règlement n° 267/2012.

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé une question au Conseil, qui y a répondu dans le délai imparti, ainsi qu’une question à la requérante, en invitant cette dernière à y répondre lors de l’audience.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 mars 2013.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2011/783, le règlement d’exécution n° 1245/2011 et le règlement n° 267/2012, pour autant que ces actes la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

16      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du premier moyen tel que reformulé à la suite de l’adaptation des conclusions

17      Ainsi qu’il ressort du point 9 ci-dessus, depuis l’introduction du recours, le règlement n° 961/2010 a été abrogé et remplacé par le règlement n° 267/2012. Le nom de la requérante a été inscrit, par ce dernier règlement, à son annexe IX pour les mêmes motifs que ceux retenus dans la décision 2011/783 et le règlement d’exécution n° 1245/2011. La requérante a, dans les délais, adapté ses conclusions initiales de sorte à ce qu’elles visent, outre la décision 2011/783 et le règlement d’exécution n° 1245/2011, le règlement n° 267/2012 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), ce que le Conseil n’a pas contesté dans ses écritures.

18      Toutefois, sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité, le Conseil a fait valoir, lors de l’audience, que, en étendant le premier moyen de sorte à ce qu’il consiste également à lui reprocher de ne pas avoir indiqué de quelle catégorie de personnes ou entités visées à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 la requérante relevait, cette dernière a soulevé un moyen nouveau qui devait être considéré comme étant irrecevable.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui-ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union européenne contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

20      Conformément à cette jurisprudence, il convient de permettre aux parties de reformuler leurs conclusions, moyens et arguments à la lumière de l’élément nouveau, ce qui implique, pour elles, le droit de présenter des conclusions, moyens et arguments supplémentaires (voir, en ce sens, arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, point 19 supra, point 47).

21      Il s’ensuit qu’il ne saurait être valablement reproché à la requérante d’avoir soulevé un moyen nouveau dans le cadre de l’adaptation de ses conclusions.

22      En tout état de cause, il importe de constater que la requérante ne saurait être considérée comme ayant soulevé un moyen nouveau tiré de la circonstance que le Conseil n’aurait pas indiqué de quelle catégorie de personnes ou d’entités visées à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 elle relevait. En effet, par courrier du 30 avril 2012, la requérante a expressément demandé au Tribunal de considérer l’ensemble de ses moyens comme étant dirigés également contre le règlement n° 267/2012. Or, dans la requête, elle avait soulevé le même grief s’agissant des personnes et entités visées aux articles 19, paragraphe 1, sous b), et 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 ainsi qu’à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010.

23      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument soulevé par le Conseil à cet égard comme étant non fondé.

 Sur le fond

24      Au soutien du recours, la requérante soulève quatre moyens. Ils sont pris, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une violation des critères applicables à l’établissement des listes litigieuses, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un défaut de base juridique adéquate, le troisième, d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de la requérante et, le quatrième, d’une violation de son droit de propriété et de sa liberté d’entreprendre.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

25      La requérante soutient que le Conseil a violé l’obligation de motivation. À cet égard, elle fait valoir, en substance, quatre arguments. Premièrement, le Conseil aurait omis d’indiquer de quelle catégorie de personnes et entités, telles que visées à l’article 19, paragraphe 1, sous b), ou à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, ainsi qu’à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, elle relevait. Deuxièmement, le Conseil aurait manqué d’expliquer les raisons justifiant de considérer qu’elle agissait au nom de l’IRISL ou était contrôlée par cette dernière. Troisièmement, le Conseil aurait omis d’expliquer en quoi elle était concernée par l’extension des programmes nucléaires et balistiques de l’Iran. Quatrièmement, le Conseil ne pourrait plus, devant le Tribunal, identifier un nouveau motif d’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

26      Le Conseil conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

27      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée).

28      La motivation exigée par l’article 296 TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, par l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, par l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 et par l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Bamba, point 27 supra, point 50).

29      L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union. Par ailleurs, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important dans le cas d’une première décision par laquelle les fonds d’une entité sont gelés qu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de la décision en cause, étant donné qu’il ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à son adoption (arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80).

30      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu, en vertu de l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, de porter à la connaissance de l’entité visée par une mesure adoptée en vertu de l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère que cette disposition lui est applicable. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amené à la prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 29 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

31      Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Conseil/Bamba, point 27 supra, point 53, et la jurisprudence citée).

32      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Conseil/Bamba, point 27 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

33      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner le présent moyen.

34      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du passage des actes attaqués cité au point 6 ci-dessus, l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses repose sur la circonstance, exposée à la première phrase dudit passage, selon laquelle elle a agi pour le compte de l’IRISL. Cette considération est complétée par les troisième et quatrième phrases de ce passage, selon lesquelles la requérante a, d’une part, émis de faux documents de transport au profit de l’IRISL et d’entités détenues ou contrôlées par celle-ci et, d’autre part, agi pour le compte de l’HDSL et de la SAPID, elles-mêmes visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran. En outre, selon les deuxième et cinquième phrases du même passage, la requérante a été créée, en 2011, pour remplacer l’Oasis Freight Company, alias la Great Ocean Shipping Services (en liquidation judiciaire), et la Pacific Shipping, également visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran.

35      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, d’une part, s’agissant de la décision 2011/783 et du règlement n° 267/2012, la considération selon laquelle la requérante a agi pour le compte de l’IRISL se rattache explicitement au critère contenu, respectivement, à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012, qui prévoient notamment que sont gelés tous les fonds et ressources économiques des personnes morales, des entités ou des organismes reconnus comme agissant pour le compte de l’IRISL. De surcroît, le fait que la requérante ait été inscrite sur les listes établies à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 sous leurs titres III respectifs, lesquels sont consacrés à l’IRISL, confirme que la requérante a bien été inscrite sur les listes litigieuses en tant qu’entité visée à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012 précités.

36      D’autre part, s’agissant de l’inscription de la requérante à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 par le règlement d’exécution n° 1245/2011, il importe de relever que le règlement n° 961/2010 ne comporte aucune disposition prévoyant spécifiquement le gel des fonds et ressources économiques des personnes et entités agissant pour le compte de l’IRISL. Toutefois, l’article 16, paragraphe 2, sous a), de ce dernier règlement ainsi que, par ailleurs, l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012 consacrent un critère général selon lequel sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, aux entités ou aux organismes qui ont été reconnus comme agissant pour le compte d’une personne ou d’une entité participant, étant directement associée ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran (ci-après la « prolifération nucléaire »).

37      Or, la motivation fournie dans le règlement d’exécution n° 1245/2011 permet aisément de comprendre que l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses est fondée sur le critère général mentionné au point 36 ci-dessus. En effet, ainsi qu’il a été mentionné au point 34 ci-dessus, cette inscription est fondée sur la considération selon laquelle elle agissait pour l’IRISL. Or, ainsi que cela ressort du point 26 du tableau B de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, l’IRISL a été inscrite sur la liste établie à cette même annexe en raison, en substance, de ses liens avec la prolifération nucléaire.

38      Dès lors, c’est à tort que la requérante soutient que la catégorie des personnes et des entités visées par les mesures restrictives dont elle relève n’est pas identifiée dans les actes attaqués. Partant, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé.

39      En second lieu, s’agissant de la question de savoir si les motifs invoqués par le Conseil pour justifier l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses, tels que décrits au point 34 ci-dessus, exposent les raisons spécifiques et concrètes de cette inscription, au sens de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, il importe de rappeler qu’il a été jugé que, lorsque le Conseil fonde l’adoption des mesures restrictives à l’encontre d’une personne ou d’une entité sur la considération que celle-ci agit pour le compte de l’IRISL, au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012, il lui appartient de préciser les activités que ladite personne ou entité mène pour le compte ’IRISL et qui justifient l’adoption de mesures restrictives à son égard (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil, T‑562/10, non encore publié au Recueil, point 38).

40      De la même façon, lorsque le Conseil fonde l’adoption de mesures restrictives à l’encontre d’une personne ou d’une entité sur la considération que cette dernière agit, au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012, pour le compte d’une personne ou entité reconnue comme participant, étant directement associée ou apportant un appui à la prolifération nucléaire, il lui appartient de préciser les activités que la première personne ou entité mène pour le compte de la seconde personne ou entité et qui justifient l’adoption, à l’égard de la première, de mesures restrictives.

41      En l’occurrence, tout d’abord, il y a lieu d’observer que la troisième phrase de la motivation des actes attaqués permet de comprendre que les activités menées par la requérante pour le compte de l’IRISL consistaient en l’émission de faux documents de transport au profit de l’IRISL ainsi que d’entités détenues ou contrôlées par celle-ci. Il est vrai que cette phrase ne fournit aucune précision s’agissant ni des dates de ces activités, ni des entités, autres que l’IRISL, au profit desquelles de faux documents auraient été émis. Néanmoins, d’une part, compte tenu du fait que la motivation énonce, à la dernière phrase, que la requérante a été créée en 2011 et que la première inscription de son nom sur les listes établies à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 date du 1er décembre 2011, la période d’activités concernée est suffisamment délimitée. D’autre part, le Conseil a clairement identifié au moins un bénéficiaire de ces activités, à savoir l’IRISL. Partant, il y a lieu de conclure que ce motif est, à lui seul, suffisant pour préciser, conformément aux exigences rappelées aux points 39 et 40 ci-dessus, la nature des activités que la requérante aurait menées pour le compte de l’IRISL.

42      Ensuite, selon la quatrième phrase de la motivation, la requérante aurait agi pour le compte de l’HDSL et de la SAPID. Or, ces dernières sont elles-mêmes visées par des mesures restrictives au motif qu’elles sont des filiales de l’IRISL agissant pour le compte de cette dernière, ainsi que cela ressort, s’agissant de l’HDSL, du point 1, sous b), du tableau B, sous le titre III, de l’annexe II de la décision 2010/413, du point 26, sous b), du tableau B de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et du point 1, sous b), du tableau B, sous le titre III, de l’annexe IX du règlement n° 267/2012 et, s’agissant de la SAPID, du point 1, sous q), du tableau B, sous le titre III, de l’annexe II de la décision 2010/413, du point 26, sous q), du tableau B de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et du point 1, sous q), du tableau B, sous le titre III, de l’annexe IX du règlement n° 267/2012. Partant, quand bien même, pris individuellement, ce motif, exposé à la quatrième phrase de la motivation des actes attaqués, ne suffirait pas, en l’absence de précisions sur la nature des activités menées pour le compte de l’HDSL et de la SAPID, à motiver lesdits actes à l’égard de la requérante, il y a lieu de considérer qu’il constitue, en l’espèce et compte tenu des constats opérés au point précédent, une précision portée sur les activités que cette dernière aurait menées pour le compte de l’IRISL.

43      Enfin, les deuxième et cinquième phrases de la motivation des actes attaqués, selon lesquelles la requérante aurait été créée pour remplacer deux entités soumises à des mesures restrictives, constituent également une précision concernant les liens entre la requérante et l’IRISL quand bien même elles ne suffiraient pas, à elles seules, à motiver l’adoption des actes attaqués à l’encontre de la première. En effet, lesdites entités ont elles-mêmes fait l’objet de mesures restrictives en raison de leurs liens avec l’IRISL, ainsi que cela ressort, s’agissant de l’Oasis Freight Agency, du point 1, sous p), du tableau B, sous le titre III, de l’annexe II de la décision 2010/413, du point 26, sous p), du tableau B de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et du point 1, sous p), du tableau B, sous le titre III, de l’annexe IX du règlement n° 267/2012 et, s’agissant de la Pacific Shipping, du point 130 du tableau B, sous le titre III, de l’annexe II de la décision 2010/413, du point 243 du tableau B de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et du point 130 du tableau B, sous le titre III, de l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

44      Il découle des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que soutient la requérante, les actes attaqués précisent la nature des activités que cette dernière aurait menées pour le compte de l’IRISL, conformément aux exigences rappelées aux points 39 et 40 ci-dessus, et que le Conseil a ainsi fourni, dans lesdits actes, les raisons spécifiques et concrètes, au sens de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, qui l’ont conduit à adopter des mesures restrictives à l’encontre de la requérante. Partant, le Conseil a respecté son obligation de motiver les actes attaqués.

45      La conclusion tirée au point précédent n’est pas remise en cause par les autres arguments soulevés par la requérante.

46      Premièrement, s’agissant de l’argument tiré de ce que le Conseil n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles il considère que la requérante était contrôlée par l’IRISL, il suffit de relever qu’il ne ressort nullement de la motivation des actes attaqués que le Conseil se soit fondé sur la considération selon laquelle la requérante était contrôlée par l’IRISL. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant inopérant.

47      Deuxièmement, la requérante soutient que le Conseil a omis d’expliquer en quoi elle était concernée par l’extension des programmes nucléaires et balistiques de l’Iran. À cet égard, il suffit d’observer, d’une part, qu’il a été constaté au point 44 ci-dessus que le Conseil avait fourni, dans les actes attaqués, les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il avait considéré que la requérante agissait pour le compte de l’IRISL. D’autre part, il ressort de la requête que la requérante était consciente du contexte de l’adoption des mesures restrictives. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la requérante était en mesure de comprendre en quoi elle était concernée par l’extension des programmes nucléaires et balistiques de l’Iran. Par suite, il convient de rejeter l’argument de la requérante comme étant non fondé.

48      Troisièmement, la requérante fait valoir que le Conseil ne peut plus, au stade la présente procédure, tenter d’identifier un nouveau motif d’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Or, s’il est vrai que, conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, l’absence de motivation ne peut être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union, force est toutefois de relever que, ainsi que cela a été constaté au point 44 ci-dessus, la motivation fournie dans les actes attaqués est conforme aux exigences de l’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu. Partant, il convient de rejeter cet argument de la requérante comme étant inopérant.

49      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant pour partie inopérant et pour partie non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des critères applicables à l’établissement des listes litigieuses, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un défaut de base juridique adéquate

50      Par le deuxième moyen, la requérante soutient que le Conseil a violé les critères applicables à l’établissement des listes litigieuses et commis une erreur manifeste d’appréciation ou que les actes attaqués sont entachés d’un défaut de base juridique adéquate. À cet égard, elle fait valoir, en substance, trois griefs. Premièrement, son inscription sur les listes litigieuses serait dénuée de fondement étant donné que l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de l’IRISL serait injustifiée et illégale pour les raisons invoquées par l’IRISL dans le recours introduit dans l’affaire T‑489/10, IRISL e.a./Conseil. Deuxièmement, d’une part, le Conseil n’aurait pas procédé à une évaluation des circonstances de l’espèce afin d’examiner si elle est détenue ou contrôlée par l’IRISL ou, à titre subsidiaire, il aurait méconnu les critères applicables à l’établissement des listes litigieuses. D’autre part, les motifs retenus en ce qui la concerne seraient erronés étant donné, notamment, qu’elle n’agirait pas pour le compte de l’IRISL et ne l’aurait pas aidée à contourner les mesures restrictives prises à son égard et que, en outre, il n’existerait pas de lien suffisant entre elle et la prolifération nucléaire. Troisièmement, la requérante ajoute, dans la réplique, que le Conseil n’a apporté aucune preuve établissant qu’elle avait agi pour le compte de l’IRISL.

51      Le Conseil conteste, dans ses écritures, le bien-fondé des deux premiers griefs exposés au point précédent et soutient que le troisième grief constitue un moyen nouveau irrecevable, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, étant donné qu’il n’a pas été soulevé dans la requête.

52      À l’audience, le Conseil a, en outre, en réponse aux questions du Tribunal relatives à la recevabilité du premier grief soulevé par la requérante, tel qu’exposé au point 50, fait valoir que ledit grief était irrecevable en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

53      Il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, la recevabilité des premier et troisième griefs soulevés par la requérante, tels qu’exposés au point 50 ci-dessus, avant d’examiner, dans un second temps, le bien-fondé du présent moyen.

–       Sur la recevabilité de certains griefs soulevés par la requérante

54      En premier lieu, s’agissant de la recevabilité du grief tiré de ce que l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de l’IRISL est illégale, il convient de rappeler que les conditions de recevabilité d’un recours et des griefs qui y sont énoncés étant d’ordre public, le Tribunal peut les examiner d’office, conformément à l’article 113 du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 15 avril 2010, Makhteshim-Agan Holding e.a./Commission, C‑517/08 P, non publiée au Recueil, point 54, et arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Brink’s Security Luxembourg/Commission, T‑437/05, Rec. p. II‑3233, point 54, et la jurisprudence citée).

55      En vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

56      Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 183). En outre, un renvoi général, dans la requête, aux moyens et aux arguments invoqués au soutien d’un recours formé par un autre requérant, dans le cadre d’une affaire connexe, ne répond pas à cette exigence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Legris Industries/Commission, T‑376/06, non publié au Recueil, point 32).

57      En l’espèce, force est de constater que le grief tiré de l’illégalité des mesures restrictives prises à l’encontre de l’IRISL n’est étayé par aucun argument. Par ailleurs, il convient d’observer que, outre le fait que la requérante se contente de renvoyer aux moyens et arguments présentés par l’IRISL dans le cadre du recours introduit dans l’affaire T‑489/10, IRISL e.a./Conseil, la requérante fait valoir qu’il ne lui appartient pas de répéter lesdits moyens et arguments en l’espèce.

58      Dans ces conditions, il convient de rejeter ce grief comme étant irrecevable en vertu des dispositions de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

59      En second lieu, s’agissant de la recevabilité du grief tiré de ce que le Conseil n’a pas apporté la preuve des allégations retenues à l’encontre de la requérante, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

60      En l’espèce, il est constant que le grief relatif à l’absence de preuves a été soulevé pour la première fois au stade de la réplique. Toutefois, il y a lieu de relever que ce n’est que le 31 mai 2012, c’est-à-dire pendant la procédure devant le Tribunal, que la requérante a pris connaissance de ce que le Conseil avait décidé de l’inscrire sur les listes litigieuses sans disposer d’aucun élément de preuve. En effet, ainsi qu’il a été relevé aux points 8 et 10 ci-dessus, la requérante a demandé au Conseil de lui communiquer les preuves relatives à son inscription aux listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran par courrier du 7 février 2012, courrier auquel le Conseil a répondu par lettre du 31 mai 2012. Or, cette dernière lettre contient, d’une part, des extraits de deux propositions d’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses émanant d’États membres ainsi que, d’autre part, des documents de nature générale, à savoir des rapports de réunions d’un groupe de travail du Conseil et une note au Coreper. Ladite lettre ne contient, cependant, aucun élément de preuve justifiant l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses. De même, l’absence de preuves est apparue à la requérante par le biais du mémoire en défense, également daté du 31 mai 2012, dans la mesure où le Conseil n’y a avancé aucun élément probant afin de justifier le bien-fondé des actes attaqués, lequel était contesté dans la requête.

61      Dans ces conditions, quand bien même le grief relatif à l’absence de preuves a été soulevé dans la réplique, il y a lieu de le considérer comme étant recevable.

–       Sur le bien-fondé des griefs tirés d’une appréciation erronée des faits et d’une absence de preuves

62      Ainsi que cela a été exposé au point 50 ci-dessus, la requérante soutient, notamment, que les motifs retenus à son égard sont erronés et que le Conseil n’a pas prouvé qu’elle agissait pour le compte de l’IRISL.

63      Le Conseil conteste le bien-fondé de ces arguments. Il soutient, en particulier, que, premièrement, la requérante admet, dans ses écritures, l’existence d’un lien entre elle et les personnes responsables de la prolifération nucléaire. Deuxièmement, dans la duplique et à l’audience, le Conseil a fait état de nouveaux éléments de fait démontrant les liens existant entre la requérante, d’une part, et la Great Ocean Shipping Services et l’IRISL, d’autre part.

64      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. En cas de contestation, il appartient au Conseil de présenter ces éléments en vue de leur vérification par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 29 supra, points 37 et 107).

65      En l’espèce, force est de constater que le Conseil n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle la requérante agissait pour le compte de l’IRISL.

66      En effet, d’une part, en réponse à la demande de la requérante de lui communiquer les documents et informations relatifs à l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, le Conseil s’est contenté, par lettre du 31 mai 2012, de lui communiquer deux types de documents. Premièrement, il lui a transmis deux propositions d’inscription émanant d’États membres. Or, outre le fait que lesdites propositions ne coïncident pas pleinement avec les motifs retenus en ce qui concerne la requérante dans les actes attaqués, il a été constaté, au point 60 ci-dessus, qu’elles n’étaient étayées d’aucun élément de preuve justifiant l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses. Deuxièmement, le dossier du Conseil contient des documents de nature générale, à savoir des rapports de réunions d’un groupe de travail du Conseil et une note au Coreper. Si ces documents ont trait aux mesures restrictives, il y a néanmoins lieu d’observer qu’ils ne comportent ni précision ni élément de preuve concernant la requérante.

67      D’autre part, dans le cadre de la présente procédure et aux fins de réfuter les allégations de la requérante, le Conseil s’est contenté d’affirmations générales non étayées par des éléments de preuve.

68      Partant, il y a lieu de conclure que le Conseil n’a pas apporté la preuve des faits reprochés à la requérante. C’est donc à tort qu’il a, par les actes attaqués, inscrit le nom de cette dernière sur les listes litigieuses.

69      La conclusion tirée au point précédent ne saurait être remise en cause par les arguments du Conseil.

70      Premièrement, l’argument du Conseil selon lequel la requérante admet, dans ses écritures, l’existence d’un lien entre elle et les personnes responsables de la prolifération nucléaire ne saurait prospérer. En effet, même à supposer que la requérante ait admis l’existence d’un tel lien, force est de rappeler que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses est motivée, dans les actes attaqués, par la considération selon laquelle elle agissait pour le compte de l’IRISL. Dans ces conditions, en l’absence de toute référence à un lien entre la requérante et les responsables de la prolifération nucléaire dans les motifs des actes attaqués, le Tribunal ne saurait, dans l’appréciation du bien-fondé des mesures restrictives prises à l’encontre de la requérante, prendre en considération l’existence d’un tel lien sans substituer son appréciation à celle du Conseil.

71      Deuxièmement, les éléments de fait avancés par le Conseil, dans la duplique et à l’audience, afin d’illustrer les liens étroits entre la requérante, d’une part, et la Great Ocean Shipping Services et l’IRISL, d’autre part, ne sauraient être retenus. En effet, ces éléments ont été présentés à un stade tardif de la procédure, sans que le Conseil ait expliqué pourquoi il n’avait pas pu faire état de ces éléments plus tôt dans la procédure. Ils sont, dès lors, irrecevables en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. En toute hypothèse, il convient de constater que le Conseil s’est contenté de formuler de simples allégations, ces éléments de fait n’étant étayés d’aucun élément de preuve.

72      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir les griefs relatifs à l’erreur d’appréciation et à l’absence de preuve. Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir le deuxième moyen et partant d’annuler les actes attaqués, pour autant qu’ils concernent la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les troisième et quatrième moyens.

 Sur les effets de l’annulation

73      Il y a lieu de remarquer, d’abord, que le règlement d’exécution n° 1245/2011, qui a modifié la liste de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, ne produit plus d’effets juridiques à la suite de l’abrogation de ce dernier règlement, opérée par le règlement n° 267/2012. Par conséquent, l’annulation du règlement d’exécution n° 1245/2011 ne concerne que les effets que cet acte a produits entre son entrée en vigueur et son abrogation.

74      Ensuite, quant au règlement n° 267/2012, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2011, Kadio Morokro/Conseil, T‑316/11, non publié au Recueil, point 38).

75      Enfin, en ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation de la décision 2011/783, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

76      En l’espèce, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012 et celle de la décision 2011/783 serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant à la requérante des mesures identiques. Les effets de la décision 2011/783 doivent donc être maintenus, en ce qui concerne la requérante, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Sont annulés, pour autant que ces actes concernent la Good Luck Shipping LLC :

–        la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ;

–        le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ;

–        le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010.

2)      Les effets de la décision 2011/783 sont maintenus en ce qui concerne la Good Luck Shipping jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Good Luck Shipping.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité du premier moyen tel que reformulé à la suite de l’adaptation des conclusions

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des critères applicables à l’établissement des listes litigieuses, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un défaut de base juridique adéquate

– Sur la recevabilité de certains griefs soulevés par la requérante

– Sur le bien-fondé des griefs tirés d’une appréciation erronée des faits et d’une absence de preuves

Sur les effets de l’annulation

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.