Language of document : ECLI:EU:T:2011:332

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

6 juillet 2011(*)

« Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Recours en indemnité – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Irrecevabilité manifeste –Demande tendant à ce que la Commission soit déclarée démissionnaire – Incompétence manifeste »

Dans l’affaire T‑105/11,

Mariyus Noko Ngele, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par MF. Sabakunzi, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant, premièrement, à obtenir l’annulation des réponses écrites de la Commission à des questions parlementaires, deuxièmement, à déclarer la Commission démissionnaire et, troisièmement, à obtenir la réparation de préjudices prétendument subis,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 février 2011, le requérant, Mariyus Noko Ngele, a introduit le présent recours.

2        Il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer nulles et non avenues les réponses écrites de la Commission européenne, des 27 septembre 2005 et 16 septembre 2008, aux questions parlementaires E‑2889/2005 et E‑3888/2008 ;

–        constater, conformément à l’article 247 TFUE, que l’ensemble des membres de la Commission ne remplissent plus collégialement les conditions nécessaires à l’exercice de leurs fonctions ou ont collégialement commis des fautes graves ;

–        condamner l’Union européenne à lui payer dix millions d’euros à titre de réparation des préjudices graves subis.

 En droit

3        Aux termes de l’article 111 de son règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

4        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la demande en annulation

5        Par son premier chef de conclusions, le requérant tend à obtenir l’annulation des réponses écrites de la Commission, des 27 septembre 2005 et 16 septembre 2008, aux questions parlementaires E‑2889/2005 et E‑3888/2008 concernant, en premier lieu, les activités et la gestion du Centre pour le développement de l’entreprise (ci-après le « CDE »), créé par l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000, et, en second lieu, des actions entreprises par la Commission à la suite d’un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) portant sur des fraudes commises par l’ancien directeur dudit centre.

6        Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des tiers, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9 ; arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Regione Toscana/Commission, T‑81/97, Rec. p. II‑2889, point 21, et ordonnance du Tribunal du 12 février 2010, Commission/CdT, T‑456/07, Rec. p. II‑183, point 52).

7        En l’espèce, force est de constater que les actes attaqués ne produisent aucun effet juridique obligatoire. En effet, ils se limitent de par leur nature à fournir des renseignements demandés par des membres du Parlement européen. Par conséquent les actes attaqués ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

8        À titre surabondant, même à supposer que les actes attaqués soient susceptibles de recours, le présent recours, introduit le 9 février 2011, soit respectivement près de deux et de cinq ans après la publication au Journal officiel de l’Union européenne des questions et des réponses en cause, doit en tout état de cause être considéré comme tardif et, par suite, irrecevable.

9        Il s’ensuit que le premier chef de conclusions du recours, visant à l’annulation des réponses écrites de la Commission, des 27 septembre 2005 et 16 septembre 2008, aux questions parlementaires E‑2889/2005 et E‑3888/2008, doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur la demande tendant à ce que la Commission soit déclarée démissionnaire

10      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant tend, en substance, à ce que la Commission soit déclarée démissionnaire.

11      Il convient, à cet égard, d’observer qu’il n’existe aucune disposition du droit de l’Union instituant une voie de droit permettant aux particuliers d’obtenir des juridictions de l’Union une telle déclaration.

12      En outre, le requérant ne saurait se prévaloir de l’article 247 TFUE. Cette disposition, en effet, ne permet qu’au Conseil de l’Union européenne ou à la Commission de saisir la Cour de justice.

13      Dès lors, le deuxième chef de conclusions du recours doit être rejeté pour cause d’incompétence manifeste.

 Sur la demande en indemnité

14      Par son troisième chef de conclusions, le requérant tend, d’une part, à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait d’un refus implicite de la Commission de donner suite à sa demande confirmative, présentée conformément à l’article 8 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), de lui transmettre la copie d’une plainte déposée par la Commission et la Banque européenne d’investissement (BEI) auprès du parquet de Mulhouse (France) à la suite des fraudes commises par l’ancien directeur du CDE ainsi que le numéro que porte le dossier devant le parquet de Mulhouse.

15      Le requérant tend, d’autre part, à obtenir réparation d’un préjudice moral à hauteur de deux millions d’euros qu’il aurait subi du fait des poursuites judiciaires prétendument abusives pour calomnie et diffamation engagées devant les tribunaux belges par certains agents de la Commission ainsi que par un des membres de celle-ci.

 En ce qui concerne le préjudice prétendument subi du fait du refus d’accès aux documents et au numéro de dossier

16      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir : l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 42 à 44, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20).

17      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37).

18      Il convient en outre de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49 ; arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 29).

19      Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation des dommages prétendument causés par une institution de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice. En revanche, une demande tendant à obtenir une indemnité quelconque manque de précision nécessaire et doit par conséquent être considérée comme irrecevable (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 9 ; arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec. p. II‑367, point 73, et ordonnance du Tribunal du 5 février 2007, Sinara Handel/Conseil et Commission, T‑91/05, Rec. p. II‑245, point 87).

20      En l’espèce, il convient de relever que la requête ne contient aucun élément permettant au Tribunal d’identifier la nature et l’étendue du préjudice que la partie requérante prétend avoir subi du fait du refus implicite de la Commission de lui transmettre une copie de la plainte déposée par la Commission et la BEI auprès du parquet de Mulhouse ainsi que le numéro que porte ce dossier.

21      Il s’ensuit que la requête ne satisfait pas aux exigences minimales de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et que, dès lors, le troisième chef de conclusions du recours, en tant qu’il vise l’indemnisation d’un préjudice prétendument subi du fait du refus implicite de la Commission de donner accès aux documents et au numéro de dossier demandés, doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 En ce qui concerne le préjudice moral allégué

22      Sans qu’il soit besoin d’apprécier si la présente demande en indemnité d’un préjudice moral oppose les mêmes parties et tend aux mêmes fins sur le fondement des mêmes moyens que la demande en indemnité faisant l’objet de l’ordonnance du Tribunal du 25 mars 2011, rendue dans l’affaire T‑15/10, Noko Ngele/Commission e.a., il y a lieu de relever que le requérant reproche dans la présente affaire à certains agents de la Commission, ainsi qu’à un des anciens membres de celle-ci, d’avoir engagé, devant les tribunaux belges, des poursuites judiciaires pour calomnie et diffamation contre lui de manière prétendument abusive sans avoir obtenu l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Il fait valoir que la Commission est tenue de réparer le préjudice moral qui en découle.

23      Toutefois, la requête introductive d’instance ne contient pas d’éléments qui permettent d’identifier les raisons pour lesquelles le requérant estime que le comportement qu’il reproche à la Commission est imputable à cette dernière et celles pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement reproché et le préjudice moral qu’il prétend avoir subi.

24      Il s’ensuit que la requête ne satisfait pas aux exigences minimales de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et que, dès lors, le troisième chef de conclusions du recours, en tant qu’il vise l’indemnisation d’un préjudice moral, doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

25      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la partie défenderesse.

 Sur les dépens

26      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que le requérant supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté en partie pour cause d’incompétence manifeste et en partie comme manifestement irrecevable.

2)      M. Mariyus Noko Ngele supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 juillet 2011.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Azizi


* Langue de procédure : le français.