Language of document : ECLI:EU:T:2013:136

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 mars 2013 (*)

« Union douanière – Importation de bananes en provenance d’Équateur – Recouvrement a posteriori de droits à l’importation – Demande de remise de droits à l’importation – Article 220, paragraphe 2, sous b), et article 239 du règlement (CEE) no 2913/92 – Erreur des autorités douanières – Négligence manifeste de l’intéressé »

Dans l’affaire T‑324/10,

Firma Léon Van Parys NV, établie à Anvers (Belgique), initialement représentée par Mes P. Vlaemminck et A. Hubert, puis par Mes Vlaemminck, R. Verbeke et J. Auwerx, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Royaume de Belgique, représenté par M. J.-C. Halleux et Mme M. Jacobs, en qualité d’agents, assistés de Me P. Vander Schueren, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Keppenne et M. F. Wilman, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 2858 final de la Commission, du 6 mai 2010, constatant qu’il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et que la remise des droits est justifiée à l’égard d’un débiteur, mais qu’elle n’est pas justifiée à l’égard d’un autre débiteur dans un cas particulier,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse et J. Schwarcz (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Entre le 22 juin 1998 et le 8 novembre 1999, la requérante, la Firma Léon Van Parys NV, a déposé, par l’intermédiaire de son commissionnaire en douane, 116 déclarations d’importation de bananes en provenance d’Équateur au bureau des douanes d’Anvers (Belgique).

2        Les déclarations d’importation étaient appuyées par 221 certificats d’importation, apparemment émis par le Royaume d’Espagne, qui permettaient d’importer des bananes dans la Communauté européenne, dans le cadre d’un contingent tarifaire avec paiement d’un droit de douane réduit de 75 euros par tonne, en vertu du règlement (CEE) no 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 3290/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, relatif aux adaptations et aux mesures transitoires nécessaires dans le secteur de l’agriculture pour la mise en œuvre des accords conclus dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay (JO L 349, p. 105), pour la période s’achevant le 31 décembre 1998, et en vertu du règlement no 404/93 et du règlement (CE) no 2362/98 de la Commission, du 28 octobre 1998, portant modalités d’application du règlement no 404/93 en ce qui concerne le régime d'importation de bananes dans la Communauté (JO L 293, p. 32), pour la période débutant le 1er janvier 1999.

3        Par courrier du 1er février 2000, l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) a informé les autorités douanières belges que de faux certificats d’importation espagnols, portant de faux cachets de l’autorité espagnole compétente pour délivrer ces documents, avaient été utilisés pour importer des bananes dans la Communauté. Lors d’une enquête, les autorités douanières ont découvert que les 221 certificats d’importation présentés par la requérante au bureau des douanes d’Anvers, pendant la période allant du 22 juin 1998 au 8 novembre 1999, correspondaient à de faux certificats espagnols.

4        Le 5 juillet 2002, l’administration des douanes et accises belge a établi un procès-verbal consignant les constatations effectuées, qu’elle a adressé notamment à la requérante et au commissionnaire en douane (ci-après le « PV du 5 juillet 2002 »). Il ressort du PV du 5 juillet 2002 que 233 certificats d’importation utilisés par la requérante correspondent à des faux certificats espagnols, 221 de ces certificats ayant été présentés à Anvers et 12 à Hambourg (Allemagne). S’agissant de la période allant du 1er janvier au 8 novembre 1999, 107 certificats, tous présentés par la requérante au bureau des douanes d’Anvers, seraient concernés.

5        Par courrier du 26 juillet 2002, l’administration des douanes et des accises belge a enjoint à la requérante et au commissionnaire en douane de payer la somme de 7 084 967,71 euros pour les importations de bananes datant du 1er janvier 1998 au 8 novembre 1999, correspondant à l’application d’un droit de douane de 850 euros par tonne importée, en application de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 404/93.

6        Le 28 novembre 2003, un procès-verbal complémentaire a été établi par l’administration des douanes et accises belge (ci-après le « PV complémentaire »), faisant notamment état de l’accomplissement de commissions rogatoires au Portugal, en Espagne et en Italie, dans le cadre de l’enquête sur les faux certificats d’importation espagnols.

7        Après que la requérante et le commissionnaire en douane eurent contesté le recouvrement a posteriori des droits de douane mis à leur charge, l’administration des douanes et des accises belge a estimé qu’une suite favorable devait être donnée à la demande de non-recouvrement a posteriori et de remise des droits, et a transmis, par courrier du 14 décembre 2007, le dossier à la Commission des Communautés européennes pour qu’elle prenne une décision, conformément aux articles 871 et 905 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO L 253, p. 1).

8        Dans son courrier du 14 décembre 2007, l’administration des douanes et des accises belge était d’avis qu’il ne pouvait être fait application en l’espèce des dispositions de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1) (ci-après le « CDC »), puisqu’il n’existait pas assez d’éléments probants pour qu’une erreur soit retenue à l’encontre des autorités des États membres ou de la Commission. En revanche, elle considérait qu’il y avait lieu de remettre les droits, en application de l’article 239 du CDC, car il existait une situation particulière au sens des dispositions de cet article, et la requérante et le commissionnaire en douane n’avaient pas commis de négligence manifeste.

9        Les 5 mai 2008, 18 et 26 novembre 2008, 15 janvier 2009 et 4 mars 2010, la Commission a adressé des demandes de renseignements supplémentaires à l’administration des douanes et des accises belge, qui a répondu à chacune de ces demandes.

10      Par un courrier du 8 janvier 2010, la Commission a, sur le fondement de l’article 906 bis du règlement no 2454/93, informé l’administration des douanes et des accises belge et la requérante qu’elle avait l’intention de prendre une décision défavorable à la demande de remise et de remboursement des droits. Dans un courrier du 8 février 2010, la requérante a présenté ses observations.

11      Le cas de la requérante a été examiné, conformément aux articles 873 et 907 du règlement no 2454/93, par un groupe d’experts composé de représentants de tous les États membres, lors d’une réunion du 12 avril 2010.

12      Par décision C (2010) 2858 final, du 6 mai 2010, la Commission a fait droit à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation (article 1er, paragraphe 1) et à la remise des droits à l’égard d’un débiteur, le commissionnaire en douane (article 1er, paragraphe 2), mais pas à l’égard d’un autre débiteur, la requérante, dans un cas particulier (article 1er, paragraphe 3) (ci-après la « décision attaquée »).

13      Aux considérants 4 et 5 de la décision attaquée, il est mentionné que, pour les importations de bananes réalisées en 1998, la Commission autorise les autorités douanières belges à décider elles-mêmes de procéder ou non à la remise des droits, puisqu’elle a estimé, dans un dossier portant partiellement sur un cas comparable en fait et en droit, qu’il était justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et qu’il était justifié de procéder à la remise de ces droits. Il ressort de son considérant 6 que la décision attaquée ne porte donc que sur les importations réalisées du 1er janvier au 8 novembre 1999 et les droits à l’importation s’y rapportant, d’un montant de 3 628 248,48 euros.

14      En ce qui concerne les importations réalisées en 1999, la Commission a relevé, au considérant 11 de la décision attaquée, que, lors de la mise en libre pratique des produits importés, le commissionnaire en douane avait produit des certificats d’importation, apparemment délivrés par les autorités espagnoles, que la requérante s’était procurés auprès de deux entreprises espagnoles par l’intermédiaire d’un commerçant portugais (ci-après « M »). La Commission constatait que la requérante n’apparaissait pas sur les certificats, puisqu’elle en avait seulement acheté l’usage, et qu’elle n’était pas cessionnaire. Toujours selon le considérant 11 de la décision attaquée, la majorité des certificats en question étaient censés avoir pour titulaires des opérateurs « nouveaux arrivés », au sens de l’article 7 du règlement no 2362/98, une minorité de ces certificats appartenant à des opérateurs « traditionnels », au sens de l’article 3 du même règlement.

15      La Commission a estimé, au considérant 32 de la décision attaquée, qu’il devait être procédé à une prise en compte a posteriori des droits légalement dus, au motif qu’aucune erreur des autorités douanières ne pouvait être constatée en l’espèce. Pour conclure en ce sens, la Commission a relevé, au considérant 26, que l’octroi du traitement tarifaire favorable, prévu par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 404/93, tel que modifié par le règlement no 3290/94, était soumis à la présentation de certificats d’importation, mais que les autorités espagnoles avaient fait savoir que les certificats utilisés par la requérante n’avaient pas été délivrés par elles. Selon la Commission, il s’agissait donc de faux certificats. Dans ces conditions, la Commission a estimé, au considérant 27, qu’il ne pouvait être question d’une erreur commise par les autorités espagnoles, dans la mesure où elles n’avaient pas participé à l’établissement de ces certificats. Au considérant 28, la Commission a fait état de soupçons d’implication d’un fonctionnaire de l’administration espagnole dans la fraude, soupçons écartés à la suite d’un échange de courriers entre l’OLAF et les autorités judiciaires espagnoles. Enfin, la Commission a écarté, aux considérants 29 à 31, les arguments de la requérante, tenant à l’impossibilité pour les opérateurs économiques de contrôler si les entreprises à qui les certificats avaient été délivrés étaient effectivement enregistrées et si les certificats et cachets apposés sur ceux-ci étaient authentiques, au fait qu’il eût été impossible aux autorités nationales d’effectuer un contrôle et au manque de contrôle par les autorités communautaires, aucune de ces circonstances n’étant constitutive d’une erreur des autorités douanières.

16      Les trois conditions posées par l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC étant cumulatives, la Commission a été d’avis, au considérant 33 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu de vérifier les conditions autres que l’existence d’une erreur des autorités douanières.

17      Dans la suite de la décision attaquée, la Commission a examiné si les conditions posées par l’article 239 du CDC pour qu’il soit procédé à une remise des droits à l’importation étaient remplies.

18      Aux considérants 37 à 51 de la décision attaquée, la Commission a vérifié s’il existait une situation particulière, première condition à la remise des droits à l’importation. Elle a d’abord rappelé, au considérant 38, la règle selon laquelle la présentation, même de bonne foi, de documents falsifiés ne pouvait constituer en soi une situation particulière justifiant la remise des droits. La Commission a relevé, au considérant 39, que la requérante et le commissionnaire en douane fondaient leur demande de remise non seulement sur l’existence de faux certificats d’importation, mais aussi principalement sur les manquements dans la surveillance du contingent tarifaire pour l’importation des bananes, qu’ils lui imputaient. Elle a rappelé, aux considérants 40 à 44, le cadre juridique dont découlaient les différentes obligations qui pesaient sur elle et sur les États membres dans la gestion du contingent tarifaire. Aux considérants 45 à 49, la Commission a présenté les irrégularités constatées dans la gestion du contingent tarifaire, notamment, d’une part, l’absence de détection du dépassement dudit contingent par des importations de bananes couvertes par des certificats d’importation et, d’autre part, l’insuffisance des mesures de précaution des autorités espagnoles dans la délivrance des certificats d’importation, plus particulièrement dans la communication des informations relatives au modèle de cachet utilisé pour délivrer ces certificats. Par suite, la Commission a estimé que de telles circonstances dépassaient le risque commercial normal qu’un opérateur devait supporter et qu’elles constituaient une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

19      S’agissant de la seconde condition à la remise des droits à l’importation, la Commission a examiné les trois conditions au vu desquelles l’absence de manœuvre ou de négligence manifeste pouvait être retenue. Pour ce qui est de la première condition, tenant à la complexité de la législation, elle a été d’avis, au considérant 53, qu’il n’y avait pas lieu de l’apprécier, puisque la dette douanière était née de la falsification de certificats d’importation et non de l’application incorrecte de la réglementation. S’agissant de la condition tenant à l’expérience professionnelle de l’intéressée, la Commission a estimé, aux considérants 54 à 56, qu’elle était remplie.

20      En revanche, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas fait preuve d’une diligence suffisante. La Commission a décrit le cadre factuel dans lequel avait eu lieu l’utilisation des certificats d’importation falsifiés. Au considérant 58, elle a rappelé le dispositif opérationnel qui était, en général, mis en œuvre afin que des opérateurs « traditionnels » puissent importer une quantité de bananes supérieure à celle résultant des certificats d’importation qu’ils possédaient, et qui consistait à ce qu’un tel opérateur vende les bananes, avant leur importation, à un opérateur détenant un certificat d’importation, qui les lui revendait après importation et mise en libre pratique des marchandises. Au considérant 59, la Commission a constaté que, en 1999, d’une part, les bananes importées par la requérante étaient mises en libre pratique par le commissionnaire en douane sur la base de ses instructions et, d’autre part, les bananes n’étaient pas vendues au titulaire du certificat d’importation, indiqué comme destinataire des marchandises sur la déclaration de mise en libre pratique. Par ailleurs, le commissionnaire en douane facturait toujours les droits de douane à la requérante.

21      La Commission a, ensuite, présenté les différents éléments au vu desquels elle estimait que la requérante n’avait pas été diligente. Premièrement, elle a relevé, au considérant 60, l’absence de trace de contacts entre la requérante et les entreprises présentées comme titulaires des certificats d’importation, alors que, selon elle, de tels contacts paraissaient indispensables pour la mise en libre pratique des marchandises, le nom de ces entreprises étant porté sur les déclarations de mise en libre pratique, ce qui était susceptible d’engager leur responsabilité. Elle a conclu, aux considérants 60 et 61, que, si la requérante avait contacté ces entreprises, il serait apparu qu’elles n’étaient pas au courant de la vente de l’usage de certificats établis en leur nom, et que le dispositif utilisé et l’absence de contacts montraient que la requérante était prête à prendre des risques pour importer des bananes sous contingent tarifaire. Deuxièmement, la Commission a mis en avant les relations commerciales entre la requérante et M, à savoir le fait que les négociations pour les ventes de certificats d’importation se déroulaient directement entre eux (considérant 62), que les paiements de la requérante étaient effectués sur un compte personnel de M et non sur un compte de l’employeur de ce dernier (considérant 63), et que la requérante n’apportait pas la preuve que les certificats d’importation, qu’elle renvoyait à M, étaient bien reçus par lui, alors que les titulaires desdits certificats devaient les récupérer pour obtenir libération de la garantie qu’ils avaient dû constituer (considérant 64). Troisièmement, la Commission a noté que l’achat de l’usage des certificats se faisait au moyen de factures pro forma, envoyées par deux entreprises espagnoles, et que des factures étaient envoyées par télécopie à partir d’adresses ou par des personnes inconnues, l’ensemble de ce dispositif opérationnel, sur lequel la requérante ne semblait pas s’être posé de question, ne relevant pas de pratiques commerciales normales.

22      La Commission a conclu, au considérant 67 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas fait preuve d’une diligence telle que celle attendue d’un opérateur expérimenté et que, ainsi, l’absence de négligence manifeste ne pouvait être retenue en sa faveur. En revanche, elle a été d’avis que le commissionnaire en douane de la requérante n’avait commis ni manœuvre ni négligence manifeste et qu’il pouvait, dès lors, bénéficier de la remise des droits à l’importation.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2010, la requérante a introduit le présent recours.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, l’affaire, initialement attribuée à la septième chambre, a été attribuée à la deuxième chambre le 23 septembre 2010.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

27      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 19 novembre 2010, le Royaume de Belgique, conformément à l’article 115 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé à intervenir au soutien de la requérante dans la présente affaire.

28      Par ordonnance du 18 janvier 2011, le président de la deuxième chambre du Tribunal a autorisé le Royaume de Belgique à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

29      À l’appui des conclusions de la requérante, le Royaume de Belgique conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 15 avril 2011, la Commission a présenté ses observations sur le mémoire en intervention du Royaume de Belgique, la requérante n’ayant, pour sa part, pas présenté de mémoire en observations.

31      Par mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé plusieurs questions aux parties et leur a demandé de produire des documents. Les parties ont répondu par courriers déposés le 18 octobre 2012 pour la requérante et le 19 octobre 2012 pour la Commission.

 En droit

32      À l’appui de son recours, la requérante présente six moyens : violation du traité et des règles relatives à son application, notamment de l’article 239 du CDC, des dispositions du règlement (CEE) no 1442/93 de la Commission, du 10 juin 1993, portant modalités d’application du régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 142, p. 6) et du règlement no 2362/98, des pratiques commerciales reconnues par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), d’une qualification erronée des faits et d’une violation de la force probante des pièces ; violation du traité et des règles relatives à son application, notamment de l’article 239 du CDC et du principe de proportionnalité ; violation du traité et des règles relatives à son application, notamment de l’article 239 du CDC, de l’ancien article 211 CE, du principe de confiance légitime et du principe général du droit patere legem quam ipse fecisti ; violation du traité et des règles relatives à son application, notamment de l’article 239 du CDC et du principe d’égalité ; violation du traité et des règles relatives à son application, notamment de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC ; violation des formes substantielles et notamment des droits de la défense.

33      Il convient d’examiner, tout d’abord, les cinquième et sixième moyens du recours, dirigés contre le recouvrement a posteriori des droits en vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

 Sur la mise en œuvre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC

34      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC subordonne le non‑recouvrement a posteriori par les autorités nationales à trois conditions cumulatives. Dès lors que ces trois conditions sont remplies, le redevable a droit à ce qu’il ne soit pas procédé au recouvrement (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 14 novembre 2002, Ilumitrónica, C‑251/00, Rec. p. I‑10433, point 37, et la jurisprudence citée).

35      Tout d’abord, il faut que les droits n’aient pas été perçus par suite d’une erreur des autorités compétentes elles‑mêmes. Ensuite, l’erreur commise par celles‑ci doit être d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable de bonne foi, en dépit de son expérience professionnelle et de la diligence dont il devait faire preuve. Enfin, ce dernier doit avoir observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane (voir, par analogie, arrêt Ilumitrónica, point 34 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

36      L’existence de ces conditions doit être appréciée à la lumière de l’objectif de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, lequel est de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé de l’ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane (voir, par analogie, arrêt Ilumitrónica, point 34 supra, point 39, et la jurisprudence citée).

37      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les cinquième et sixième moyens du recours.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du traité et des règles relatives à son application, notamment de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC

38      Le cinquième moyen du recours se divise en trois branches. Premièrement, la requérante soutient que l’absence d’implication des autorités espagnoles dans l’établissement des faux certificats d’importation ne peut être établie avec certitude. Deuxièmement, elle est d’avis qu’il existe un lien entre le niveau des droits réclamés et les erreurs commises par la Commission dans la gestion du contingent tarifaire. Troisièmement, la Commission n’aurait pas examiné les autres conditions d’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, qui sont, en l’espèce, remplies.

39      La Commission conteste l’argumentation de la requérante, alors que le Royaume de Belgique n’est pas intervenu au soutien de ce moyen.

–       Constatations effectuées par la Commission

40      Dans la décision attaquée, la Commission a examiné s’il était possible de ne pas procéder à un recouvrement a posteriori des droits à l’importation, en se limitant à vérifier si une des conditions d’application de cette mesure était remplie, à savoir l’existence d’une erreur des autorités espagnoles.

41      Aux considérants 26 et 27 de la décision attaquée, la Commission a noté, premièrement, que l’octroi d’un traitement tarifaire favorable était soumis à la présentation de certificats d’importation, deuxièmement, que les autorités espagnoles avaient fait savoir que les certificats en litige n’avaient pas été délivrés par elles, s’agissant ainsi de faux certificats, et que, troisièmement, dans ces circonstances, il ne pouvait être question de « parler » d’erreur de la part desdites autorités, qui n’avaient pas participé à l’établissement de ces certificats.

42      La Commission a signalé, au considérant 28 de la décision attaquée, que l’hypothèse de l’implication d’un fonctionnaire espagnol dans la fraude, évoquée au début de l’enquête, avait été écartée, à la suite d’un échange de correspondances entre l’OLAF et les autorités judiciaires espagnoles.

43      Aux considérants 29 à 31 de la décision attaquée, la Commission a répondu à des arguments de la requérante. Selon la Commission, n’étaient pas susceptibles de constituer une erreur des autorités douanières les circonstances selon lesquelles, premièrement, il n’aurait pas été possible aux opérateurs économiques de contrôler si les titulaires des certificats d’importation étaient effectivement des opérateurs enregistrés et si les certificats et les cachets apposés sur ceux-ci étaient authentiques, deuxièmement, il aurait été impossible aux autorités nationales d’effectuer un contrôle et, troisièmement, il y aurait eu un manque de contrôle par les autorités de l’Union européenne.

–       Sur la première branche du cinquième moyen

44      La requérante soutient que l’absence d’erreurs des autorités espagnoles n’est pas établie avec certitude. Elle se fonde principalement sur les procès-verbaux de l’administration des douanes et accises belge, un document de travail de l’OLAF et des éléments d’une procédure pénale, conclue par un jugement du Tribunale civile e penale di Ravenna (tribunal civil et pénal de Ravenne, Italie), du 6 octobre 2004, dont il ressortirait qu’il y a eu complicité de fonctionnaires espagnols dans l’établissement des faux certificats.

45      Par cette argumentation, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir démontré l’absence d’erreur de la part des autorités douanières, au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC. Or, ainsi que le relève la Commission, le mécanisme du non-recouvrement des droits a posteriori suppose que l’existence d’une erreur soit démontrée. La première branche du cinquième moyen est donc fondée sur une prémisse contraire aux dispositions de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC et qui ne permet pas, en tout état de cause, de démontrer l’existence d’une erreur.

46      Par ailleurs, l’analyse des arguments de la requérante et des documents sur lesquels elle se fonde ne permet pas de revenir sur cette conclusion.

47      En premier lieu, la requérante s’appuie sur le PV complémentaire, qui se réfère à l’enquête de l’OLAF, au cours de laquelle aurait été mentionnée l’existence d’un vol de certificats d’importation au sein du secrétariat général du commerce extérieur espagnol. Or, il ressort du document de travail de l’OLAF, du 22 septembre 2000, que cet évènement a eu lieu à la fin de 1999 et que les certificats dérobés auraient été utilisés pendant les deux premiers trimestres de 2000. Dès lors, il ne peut s’agir des certificats en litige, présentés pour des importations, dont les dernières ont eu lieu le 8 novembre 1999, les derniers certificats utilisés à cette occasion portant, selon leur libellé, le 23 septembre 1999 comme prétendue date d’émission.

48      En deuxième lieu, la requérante se réfère au jugement du Tribunale civile e penale. Toutefois, ce tribunal s’est borné à faire état de l’hypothèse, envisagée par l’OLAF, d’une possible corruption d’un fonctionnaire du ministère du Commerce extérieur espagnol et de la circonstance que l’OLAF avait saisi les autorités judiciaires espagnoles. Il n’a lui-même pas constaté des faits de corruption d’un fonctionnaire espagnol, puisqu’il a indiqué que, à la date du jugement, l’enquête pénale était toujours en cours en Espagne.

49      En troisième lieu, la requérante soutient que l’absence d’erreur des autorités espagnoles ne serait pas démontrée, l’existence d’une correspondance entre l’OLAF et les autorités judiciaires espagnoles relative à l’absence d’implication d’un fonctionnaire espagnol n’ayant pas, selon elle, été établie. Or, un courrier du 20 octobre 2005, adressé par les autorités judiciaires espagnoles à l’OLAF, fait état de l’absence d’implication de fonctionnaires espagnols dans l’affaire des faux certificats d’importation. Par ailleurs, la Commission a envoyé, le 28 janvier 2010, copie de ce courrier à la requérante, dans le cadre de la procédure administrative.

50      Si la requérante se réfère à de nombreuses preuves de l’implication de fonctionnaires espagnols dans l’établissement des faux certificats, force est de constater qu’il ne ressort pas du dossier que de telles preuves existeraient, puisque tant le document de travail de l’OLAF, du 22 septembre 2000, que le PV complémentaire et le jugement du Tribunale civile e penale, du 6 octobre 2004, ne font état, tout au plus, que d’hypothèses en ce sens.

51      En quatrième lieu, la requérante relève, en réplique, l’existence de différents comportements, qu’elle qualifie d’erreurs, imputables aux autorités espagnoles : des certificats d’importation en blanc auraient été émis ; certaines informations n’auraient pas été données à la Commission, comme le vol de formulaires de certificats d’importation ou du cachet utilisé par ces autorités, ou encore l’absence d’information du changement de cachet utilisé par ces autorités.

52      Premièrement, il convient de rappeler que le vol de certificats d’importation n’a aucune incidence sur le présent litige (voir point 47 ci-dessus) et que le prétendu vol de cachet au sein de l’administration espagnole n’est pas établi, aucun élément du dossier ne corroborant un tel fait et la requérante ne citant aucun document en ce sens.

53      Deuxièmement, l’absence d’information de la Commission quant au changement de cachet utilisé constitue un manquement de la part des autorités espagnoles, qui ne saurait, toutefois, être qualifié d’erreur à l’origine de l’absence de prise en compte des droits légalement dus, puisque seul un comportement actif des autorités ouvre droit au non-recouvrement a posteriori (voir arrêt Ilumitrónica, point 34 supra, points 38 et 42, et la jurisprudence citée).

54      Troisièmement, la requérante ne renvoie à aucune précision ou document quant à la mise à disposition par les autorités espagnoles de certificats d’importation en blanc, se bornant à faire état de ce qu’une telle circonstance ressort du document de travail de l’OLAF du 22 septembre 2000. Il convient de relever que l’OLAF a constaté que les autorités espagnoles mettaient en vente des formulaires vierges de certificats d’importation et qu’il avait été mis fin à ce système en 1999, au regard des risques d’abus qu’il présentait. Si une telle circonstance a été considérée par les autorités espagnoles comme présentant un risque d’abus, elle ne saurait constituer, à elle seule, une erreur des autorités douanières.

55      Dès lors, la première branche du cinquième moyen doit être écartée.

–       Sur la deuxième branche du cinquième moyen

56      La requérante reproche à la Commission d’avoir commis, dans la gestion du contingent tarifaire, des erreurs dont il aurait dû être tenu compte dans la mise en œuvre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

57      La Commission fait valoir qu’elle ne fait pas partie des autorités douanières, dont les erreurs sont prises en compte dans l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

58      L’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC prévoit que le non-recouvrement a posteriori des droits à l’importation n’est possible que si le montant des droits légalement dus n’a pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes.

59      Dans le cadre de la réglementation en vigueur avant le CDC, la Cour a jugé que, en l’absence d’une définition précise et exhaustive des « autorités compétentes », non seulement les autorités compétentes pour procéder au recouvrement, mais toute autorité qui, dans le cadre de ses compétences, fournit des éléments entrant en ligne de compte pour le recouvrement des droits de douane et peut ainsi susciter la confiance légitime du redevable, doivent être regardées comme une « autorité compétente » (arrêt Ilumitrónica, point 34 supra, point 40).

60      Par ailleurs, il ressort de l’article 4, point 3, du CDC qu’il faut entendre par « autorités douanières » les autorités compétentes, notamment, pour l’application de la réglementation douanière. Il en découle que sont ainsi visées les autorités administratives des États membres comme des États tiers qui sont chargées d’assurer la surveillance et le contrôle de la réglementation douanière, conformément aux définitions de ces missions données par l’article 4, points 13 et 14, du CDC. Si la Commission joue un rôle dans la gestion du contingent tarifaire permettant d’importer des bananes avec paiement d’un droit de douane réduit, elle ne saurait de ce fait être considérée comme une autorité douanière au sens du CDC. Ainsi, les erreurs éventuellement commises par elle, dans ce cadre, ne sont pas susceptibles d’ouvrir droit au mécanisme de non-recouvrement a posteriori de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

61      Enfin, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la circonstance que la Commission ne soit pas une autorité douanière ne saurait suffire à l’exonérer de ses erreurs, puisque l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC constituerait une clause d’équité empêchant de sanctionner les opérateurs pour des fautes des autorités. En effet, s’il était accepté, cet argument conduirait le Tribunal à écarter l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC pour appliquer une clause d’équité, dont la réglementation douanière prévoit qu’elle n’intervient pas au stade de la procédure de recouvrement a posteriori, mais ultérieurement, dans la mise en œuvre de l’article 239 du CDC.

62      Par suite, la deuxième branche du cinquième moyen doit être écartée.

–       Sur la troisième branche du cinquième moyen

63      Il est vrai que, comme le soutient la requérante, la Commission, après avoir examiné si une erreur pouvait être reprochée aux autorités espagnoles, a explicitement affirmé, au considérant 33 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu de vérifier si les deux autres conditions d’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC étaient remplies. Or, les conditions posées par cet article étant cumulatives, la Commission n’avait pas à examiner ses autres conditions d’application, dès lors que la première n’était, en toute hypothèse, pas remplie (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 juin 1998, Unifrigo et CPL Imperial 2/Commission, T‑10/97 et T‑11/97, Rec. p. II‑2231, point 65).

64      Par conséquent, il convient d’écarter la troisième branche du cinquième moyen et, avec elle, le moyen dans son entier.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation des formes substantielles et notamment des droits de la défense

65      La requérante soutient avoir demandé à l’OLAF l’accès à tout document ou à toute information sur une possible complicité lors de la délivrance de faux certificats. Cependant, la majorité des documents demandés n’aurait jamais été mise à sa disposition, même après intervention du Médiateur européen, qui aurait proposé un compromis à l’amiable que l’OLAF n’aurait pas encore exécuté. Toutes les tentatives de la requérante pour obtenir davantage d’information et se défendre contre le recouvrement a posteriori auraient été rejetées quant aux pièces essentielles relatives aux prétendues falsifications et à la complicité des autorités espagnoles. Dans cette mesure, la requérante soutient que ses droits de la défense ont subi une violation substantielle.

66      La Commission conteste l’argumentation de la requérante, alors que le Royaume de Belgique n’est pas intervenu au soutien de ce moyen.

67      En premier lieu, la requérante reproche à l’OLAF de ne pas lui avoir accordé un accès complet aux documents demandés. Elle considère que les informations qui lui ont été refusées auraient été essentielles pour déterminer l’existence d’une erreur des autorités espagnoles, au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

68      Dans la mesure où l’argumentation de la requérante apparaît dirigée contre les décisions par lesquelles l’OLAF a refusé l’accès intégral aux documents demandés, prises sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), il y a lieu de constater qu’il ressort du dossier que, par des décisions des 26 octobre et 3 décembre 2004, l’OLAF a répondu aux deux demandes confirmatives d’accès aux documents présentées par la requérante. En outre, la requérante ne conteste pas ne pas avoir formé de recours juridictionnel contre ces décisions, comme la Commission l’a relevé. Par suite, la circonstance que l’OLAF aurait refusé l’accès intégral aux documents demandés est sans incidence sur le présent litige.

69      En second lieu, la requérante soutient que ses droits de la défense auraient fait l’objet d’une violation substantielle, puisqu’elle n’aurait pas pu obtenir les informations qu’elle recherchait sur la prétendue falsification des certificats d’importation en litige et sur les possibles complicités au sein des autorités espagnoles.

70      Il convient de rappeler que, en vertu du principe de respect des droits de la défense, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les documents utiles à la partie intéressée aux fins de la procédure de non-recouvrement a posteriori. Le dossier administratif peut inclure des documents qui contiennent des éléments favorables au non-recouvrement, susceptibles d’être utilisés par l’intéressé à l’appui de sa demande, même si la Commission ne s’en est pas servie. Le demandeur doit donc pouvoir avoir accès à tous les documents non confidentiels figurant au dossier, y compris ceux qui n’ont pas été utilisés pour fonder les objections de la Commission (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2005, Ricosmos/Commission, T‑53/02, Rec. p. II‑3173, point 72).

71      Par son argumentation, la requérante se borne à soutenir qu’elle n’a pas eu accès aux documents relatifs à la falsification des certificats d’importation en litige et aux éventuelles complicités au sein des autorités espagnoles. Sur ce point, comme le souligne la Commission, deux constatations s’imposent.

72      D’une part, avant de prendre la décision attaquée, la Commission a adressé à la requérante copie du courrier des autorités judiciaires espagnoles, du 20 octobre 2005, faisant état de l’absence d’implication de fonctionnaires espagnols dans l’affaire des faux certificats d’importation. En outre, la Commission fait valoir qu’il n’est peut-être pas possible d’obtenir d’informations relatives à la prétendue complicité au sein de l’administration espagnole pour la seule raison que de tels faits n’ont pas été établis. La Commission doit être ainsi regardée comme soutenant qu’elle n’a pas connaissance de l’existence de telles informations et ne détient aucun document qui y ferait référence. Or, il ressort de la jurisprudence que l’inexistence d’un document auquel l’accès a été demandé est présumée lorsqu’une affirmation en ce sens est faite par l’institution concernée. Il s’agit néanmoins d’une présomption simple que le requérant peut renverser par tout moyen, sur la base d’indices pertinents et concordants (arrêts du Tribunal du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, Rec. p. II‑4381, point 95, et du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, T‑146/04, Rec. p. II‑5989, point 121). En l’espèce, la requérante n’a pas apporté de tels indices quant à l’existence de documents qui établiraient la prétendue falsification des certificats d’importation en litige et les possibles complicités au sein des autorités espagnoles.

73      D’autre part, il convient de constater que la requérante a présenté plusieurs documents devant le Tribunal, pour étayer l’existence de la prétendue complicité et du ou des modes de falsification des certificats d’importation en litige. Il en est tout particulièrement ainsi du document de travail de l’OLAF, du 22 septembre 2000, du jugement du Tribunale civile e penale, mentionnés lors de l’examen du cinquième moyen, ou du procès-verbal du 23 juin 2004, portant déposition des agents de l’OLAF chargés de l’enquête concernant les importations frauduleuses devant le juge de l’enquête préliminaire de Ravenne. Il ressort également du dossier que la requérante était déjà en possession de ces trois documents lorsqu’elle a présenté à l’administration des douanes et accises belge un document intitulé « Position paper » (rapport), daté du 25 juin 2007, auquel ils étaient annexés. Comme il a été dit aux points 48 et 50 ci-dessus, tant le document de travail de l’OLAF que le jugement du Tribunale civile e penale ne font état que de soupçons de complicité au sein de l’administration espagnole à l’établissement de faux certificats d’importation. Il en est de même du procès-verbal des dépositions des agents de l’OLAF.

74      Il résulte de ce qui précède que, avant même que la Commission ne soit saisie de la procédure de non-recouvrement a posteriori, la requérante était en possession de documents faisant état de soupçons de complicité au sein de l’administration espagnole dans l’élaboration de faux certificats d’importation et décrivant assez précisément les modes opératoires probables de la falsification des certificats, lui permettant de présenter sa défense sur la question de l’éventuelle complicité d’un fonctionnaire espagnol dans l’établissement de faux certificats.

75      Dans ces circonstances, il convient de constater que la requérante n’est pas fondée à soutenir que ses droits de la défense ont fait l’objet d’une violation substantielle, au motif qu’elle n’aurait pas eu accès à certaines informations ou à certains documents.

76      Faute pour la requérante d’apporter plus de précision quant à la prétendue violation des droits de la défense qu’elle aurait subie et faute pour elle d’étayer plus avant la simple invocation d’une violation des formes substantielles, il convient d’écarter l’argumentation soulevée et, avec elle, le sixième moyen du recours.

 Sur la mise en œuvre de l’article 239, paragraphe 1, deuxième tiret, du CDC

 Considérations liminaires

77      Il convient de rappeler que l’article 905 du règlement no 2454/93, disposition qui précise et développe la règle prévue à l’article 239 du CDC, constitue une clause générale d’équité, destinée, notamment, à couvrir des situations exceptionnelles qui, en soi, ne relèvent pas de l’un des cas de figure prévus aux articles 900 à 904 dudit règlement (arrêt de la Cour du 25 février 1999, Trans‑Ex‑Import, C‑86/97, Rec. p. I‑1041, point 18). Il ressort dudit article 905 que le remboursement des droits à l’importation est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, l’existence d’une situation particulière et, deuxièmement, l’absence de négligence manifeste et de manoeuvre de la part de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 12 février 2004, Aslantrans/Commission, T‑282/01, Rec. p. II‑693, point 53). En conséquence, il suffit que l’une des deux conditions fasse défaut pour que le remboursement des droits doive être refusé (arrêts du Tribunal du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T‑75/95, Rec. p. II‑497, point 54, et Aslantrans/Commission, précité, point 53).

78      Il ressort de la décision attaquée que la condition de l’existence d’une situation particulière est remplie en l’espèce (voir point 18 ci-dessus). En conséquence, l’examen du Tribunal doit exclusivement porter sur la question de savoir si la Commission a, à bon droit, retenu l’existence d’une négligence manifeste.

79      Selon la jurisprudence, pour apprécier s’il y a négligence manifeste au sens de l’article 239 du CDC, il convient de tenir compte, notamment, de la complexité des dispositions dont l’inexécution a fait naître la dette douanière, ainsi que de l’expérience professionnelle et de la diligence de l’opérateur (arrêts de la Cour du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C‑48/98, Rec. p. I‑7877, point 56, et du 13 mars 2003, Pays-Bas/Commission, C‑156/00, Rec. p. I‑2527, point 92).

80      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la Commission jouit d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’elle adopte une décision en application de l’article 239 du CDC (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, points 46 et 78). Il convient également de relever que le remboursement ou la remise des droits à l’importation, qui ne peuvent être accordés que sous certaines conditions et dans des cas spécifiquement prévus, constituent une exception au régime normal des importations et des exportations et, par conséquent, que les dispositions prévoyant un tel remboursement ou une telle remise sont d’interprétation stricte. En particulier, l’absence de négligence manifeste étant une condition sine qua non pour pouvoir prétendre à un remboursement ou à une remise des droits à l’importation, il s’ensuit que cette notion doit être interprétée de telle sorte que le nombre de cas de remboursement ou de remise reste limité (arrêt Söhl & Söhlke, point 79 supra, point 52).

81      Toutefois, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de l’article 239 du CDC, elle est tenue d’exercer ce pouvoir en mettant réellement en balance, d’une part, l’intérêt de l’Union à s’assurer du respect des dispositions douanières et, d’autre part, l’intérêt de l’importateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire (voir arrêt du Tribunal du 30 novembre 2006, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods/Commission, T‑382/04, non publié au Recueil, point 46, et la jurisprudence citée).

82      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner tout particulièrement le deuxième moyen du recours, au soutien duquel le Royaume de Belgique est intervenu.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du traité et des règles relatives à son application, notamment de l’article 239 du CDC et du principe de proportionnalité

83      La requérante critique le constat de négligence manifeste que lui a opposé la Commission dans la décision attaquée. Soutenue par le Royaume de Belgique, elle développe plusieurs arguments au soutien de ce moyen.

84      Premièrement, la requérante fait valoir que la Commission ne pouvait lui reprocher la moindre négligence manifeste, puisque les prétendus manquements seraient fondés sur l’hypothèse erronée qu’elle aurait conclu un accord de rachat de marchandises. Deuxièmement, la requérante soutient que, au vu des circonstances de l’espèce, il ne lui était pas possible de savoir qu’existaient de prétendus faux certificats d’importation, achetés aux conditions du marché par l’intermédiaire de M, qui entretenait une relation de confiance avec sa filiale depuis des années. Troisièmement, contrairement à la jurisprudence du Tribunal, la Commission n’apporterait pas la preuve d’une négligence manifeste de la requérante, alors qu’elle-même avait toujours agi dans le cadre de pratiques commerciales habituelles et fait preuve d’un comportement professionnel et diligent. Quatrièmement, la requérante soutient, en substance, que les reproches de la Commission sur les relations commerciales avec M et les titulaires des certificats d’importation en litige sont infondés, ces relations relevant de pratiques commerciales normales. Cinquièmement, la diligence imposée serait contraire à la jurisprudence, particulièrement lourde et disproportionnée, dans une situation particulière dépassant largement le risque commercial normal. Or, au moment des faits, il n’y aurait pas eu lieu de suspecter l’authenticité des certificats d’importation. Sixièmement, la Commission aurait considéré, à tort, que la condition tenant à la complexité de la législation ne serait pas pertinente.

85      Par les troisième, quatrième et cinquième arguments, qu’il convient d’examiner ensemble et préalablement, la requérante considère, en substance, que la Commission n’a pas démontré son absence de diligence.

86      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que, lorsque les autorités douanières ont conclu qu’il ne pouvait être établi que l’opérateur économique avait fait preuve de manœuvre ou de négligence manifeste, il incombe à la Commission, lorsqu’elle entend s’écarter de la prise de position des autorités nationales, de prouver, sur la base d’éléments factuels pertinents, l’existence d’un comportement manifestement négligent dudit opérateur (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2005, Geologistics/Commission, T‑26/03, Rec. p. II‑3885, points 78 et 82).

87      Or, il convient de souligner que, dans son courrier du 14 décembre 2007, l’administration des douanes et accises belge était d’avis qu’il existait une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC et que la requérante n’avait pas commis de négligence manifeste.

88      En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que, pour conclure que la requérante n’avait pas été diligente, la Commission a noté, au considérant 60 de la décision attaquée, l’absence de trace de contacts avec les titulaires des certificats d’importation, alors que de tels contacts auraient été indispensables pour la mise en libre pratique des marchandises, le nom de ces entreprises étant porté sur les déclarations de mise en libre pratique, ce qui était susceptible d’engager leur responsabilité. Elle a relevé, aux considérants 60 et 61, que, si la requérante avait contacté ces entreprises, il serait apparu qu’elles n’étaient pas au courant de la vente de l’usage de certificats établis à leur nom, concluant que le dispositif utilisé et l’absence de contacts montraient que la requérante était prête à prendre des risques pour importer des bananes sous contingent tarifaire. La Commission a indiqué, au considérant 62, que les négociations pour l’achat de certificats d’importation se déroulaient directement entre la requérante et M, au considérant 63, que les paiements de la requérante étaient effectués sur un compte personnel de M et non sur un compte de l’employeur de celui-ci, au considérant 64, que la requérante n’apportait pas la preuve que les certificats d’importation, qu’elle renvoyait à M, étaient bien reçus par lui, alors que leurs titulaires devaient les récupérer pour obtenir libération de la garantie qu’ils avaient dû constituer, en vertu de la réglementation, et, au considérant 65, que l’achat de l’usage des certificats se faisait au moyen de factures pro forma envoyées par deux entreprises espagnoles, certaines factures étant envoyées par télécopie à partir d’adresses ou par des personnes inconnues. Pour la Commission, ce dispositif ne relevait pas de pratiques commerciales normales.

89      En résumé, les circonstances invoquées par la Commission pour conclure à l’absence de diligence sont au nombre de cinq : l’absence de contact entre la requérante et les entreprises titulaires de certificats d’importation ; l’achat de l’utilisation des certificats par des négociations directes entre la requérante et M ; les paiements effectués sur le compte personnel de M ; l’absence de preuve de la réception par M des certificats renvoyés par la requérante ; la facturation de l’achat de l’usage des certificats au moyen de factures pro forma envoyées par télécopie, certaines à partir d’adresses ou de personnes inconnues.

90      En troisième lieu, il y a lieu de relever que, en défense, la Commission estime que le dispositif utilisé par la requérante pour obtenir l’usage de certificats d’importation est « illicite », car contraire à l’article 21, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 2362/98, qui proscrit toute transmission de droits découlant d’un certificat d’importation d’un opérateur nouvel arrivé à un opérateur traditionnel. Sur ce point, force est de constater que la décision attaquée, en ce qu’elle refuse la remise des droits à l’importation, n’est pas fondée sur l’illégalité du dispositif d’achat de l’utilisation des certificats d’importation, mais sur la négligence manifeste de la requérante.

91      Partant, l’argument de la Commission ne peut, en l’espèce, influer sur le bien-fondé du refus de remettre les droits à l’importation.

92      En quatrième lieu, il y a lieu de relever que la requérante, soutenue en cela par le Royaume de Belgique, est d’avis que ce n’est qu’en cas de doutes sur l’authenticité des certificats d’importation que le degré de diligence aurait impliqué pour elle une obligation active. La Commission fait valoir que, au vu des circonstances de l’espèce, connues seulement de la requérante, celle-ci aurait dû avoir des doutes et exiger plus d’informations sur les titulaires des certificats d’importation, l’éventuelle absence de doute des autorités douanières n’ayant aucune incidence sur ce point.

93      À première lecture, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission a refusé de remettre les droits à l’importation au motif que la requérante aurait dû avoir des doutes sur l’authenticité des certificats d’importation en litige. L’absence de diligence y apparaît fondée sur le dispositif mis en œuvre pour se procurer l’usage de ces certificats, dont certains aspects n’auraient pas relevé de pratiques commerciales normales (considérant 65 de la décision attaquée). Au regard d’un tel contenu, l’argument de la requérante n’est pas pertinent pour l’appréciation du bien-fondé de la décision attaquée.

94      Toutefois, il ne saurait être exclu que la Commission a considéré que, au regard du dispositif utilisé pour acquérir l’usage des certificats d’importation en litige, la requérante aurait dû avoir des doutes sur l’authenticité de ceux-ci, puisqu’il est relevé, aux considérants 60 et 65 de la décision attaquée, que des contacts avec les titulaires de ces certificats auraient été indispensables et que la requérante ne s’était pas posée de question sur le fait que d’importantes sommes d’argent avaient été payées sur la base de factures pro forma reçues par télécopie. Néanmoins, pour les motifs exposés aux points 98 à 102 et 111 à 115 ci-après, ces éléments n’étaient pas susceptibles, dans les circonstances de l’espèce, de faire naître des doutes sur l’authenticité des certificats d’importation en litige.

95      En cinquième lieu, il convient d’examiner les cinq griefs au vu desquels la Commission a considéré que la requérante n’avait pas fait preuve de diligence.

96      Premièrement, la requérante soutient que, sauf à supporter une charge administrative disproportionnée eu égard au nombre important de certificats en litige, elle ne pouvait pas contacter chaque titulaire de certificat. Elle aurait agi dans le cadre de relations commerciales normales en laissant M gérer les contacts avec son réseau. Si elle avait agi autrement, elle aurait mis en danger sa relation d’affaires avec M, dont elle avait besoin pour qu’il trouve des opérateurs nouvellement arrivés souhaitant vendre l’utilisation de leurs certificats d’importation. Elle est d’avis qu’elle n’avait aucune raison, à l’époque des faits, de faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard des accords conclus par l’intermédiaire de M, puisque la méthode employée était la même que celle utilisée avec d’autres intermédiaires.

97      Selon la Commission, la requérante ne peut se retrancher derrière l’argument tenant à la relation de confiance avec M, sauf à supporter toutes les conséquences de ce choix, puisqu’elle a fait primer cette relation sur l’observation de la diligence requise. Par ailleurs, elle est d’avis que la requérante aurait pu exiger de M qu’il lui fournisse des informations sur les titulaires des certificats, leurs relations commerciales étant assez récentes à l’époque des faits. Enfin, elle estime que les mesures que la requérante aurait spécifiquement prises pour la gestion des certificats d’importation sont dénuées d’importance, dès lors qu’il n’a pas été indiqué en quoi elles contribuaient à vérifier l’utilisation diligente et licite des certificats.

98      Il ressort du dossier que la requérante a disposé de tous les certificats d’importation en litige par l’intermédiaire de M et que lesdits certificats étaient mis à sa disposition, en règle générale, à la fin des trimestres pour lesquels ils étaient utilisés. Il y a lieu de noter que la requérante, tant dans ses écrits que pendant l’audience, a insisté sur le fait que les opérations pour lesquelles les certificats d’importation en litige ont été utilisés portaient toujours sur de petites quantités de bananes. Une telle circonstance aurait justifié, selon elle, le recours à un intermédiaire plus à même d’obtenir dans des délais assez courts les certificats permettant d’importer des cargaisons dans les limites du contingent tarifaire. Ces différents éléments factuels n’ont pas été contestés par la Commission. Par ailleurs, la requérante soutient, sans être contredite, qu’elle vérifiait la forme et le contenu des certificats d’importation qu’elle utilisait, notamment quant au point de savoir si les quantités figurant sur les certificats correspondaient à des quantités attribuées à l’opérateur nouvellement arrivé dont le nom figurait sur le certificat.

99      Nonobstant les contrôles ainsi opérés, le premier grief de la Commission implique que la requérante aurait été obligée de contacter les titulaires des certificats en litige dans un délai assez court afin d’éviter les critiques formulées aux considérants 60 et 61 de la décision attaquée.

100    Interrogée à l’audience sur la nature et la portée de cette obligation, qui ressort du considérant 60 de la décision attaquée, la Commission n’a pas été en mesure d’identifier les dispositions qui auraient fondé son existence et de préciser sa portée sur la procédure de dédouanement des marchandises importées, notamment leur mise en libre pratique, se bornant à alléguer que l’achat du droit d’utilisation de certificats d’importation à des opérateurs nouvellement arrivés ne serait pas conforme à la réglementation douanière. Or, ainsi qu’il a déjà été dit aux points 90 et 91 ci-dessus, la décision attaquée n’est pas fondée sur l’illégalité du dispositif d’achat du droit d’utilisation de certificats d’importation.

101    Ainsi la Commission n’établit pas que la requérante était tenue de contacter les titulaires des certificats d’importation en litige pour procéder aux opérations de dédouanement. Précisément, la Commission n’apporte aucun élément démontrant qu’une telle prise de contact aurait été obligatoire pour que la requérante mette les marchandises importées en libre pratique, alors qu’il n’est pas contesté que celle-ci a pu accomplir sans obstacle toutes les formalités administratives liées à l’importation des marchandises visées par les certificats d’importation en litige.

102    Au demeurant, il ne saurait être accepté, en règle générale, qu’un opérateur économique, qui importe des marchandises dans l’Union et qui, dans ce but, recourt au service d’un intermédiaire pour obtenir l’usage de certificats d’importation, soit regardé comme manquant de prudence ou de diligence s’il n’effectue pas des vérifications auprès des titulaires des certificats. En effet, le recours au service d’un tel intermédiaire relève des modalités pratiques d’exercice de l’activité d’importation à la discrétion de l’importateur et qui a pour objet de faciliter l’exercice de cette activité, l’importateur estimant que, dans un contexte économique donné, l’intermédiaire est une personne mieux placée que lui pour trouver des opérateurs nouveaux arrivés ayant obtenu des certificats et souhaitant en céder l’utilisation, surtout lorsque, comme en l’espèce, l’importateur a besoin d’un nombre important de certificats dans un délai assez court (voir point 98 ci-dessus). En l’absence de tout autre élément circonstancié susceptible de faire naître les doutes de l’opérateur quant à l’authenticité des certificats d’importation utilisés, il ne peut être considéré que des contacts avec les titulaires de certificats d’importation étaient indispensables pour permettre la mise en libre pratique des marchandises importées.

103    Dès lors, la Commission n’établit pas que les circonstances relevées aux considérants 60 et 61 de la décision attaquée constituent un manque de diligence de la requérante.

104    Deuxièmement, la requérante soutient qu’il était normal d’effectuer les paiements sur le compte personnel de M, puisqu’il agissait sur une base indépendante et qu’elle pratiquait ainsi avec d’autres intermédiaires, qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir vérifié si les certificats qu’elle renvoyait à M étaient bien reçus par lui, ce qui constituerait une charge de travail disproportionnée et ne correspondrait pas à une pratique commerciale normale, et qu’elle aurait été informée si M n’avait pas reçu les certificats, eu égard notamment à la régularité de leurs relations d’affaires.

105    En défense, la Commission réitère les critiques formulées dans la décision attaquée, à savoir que, sur la base du degré de diligence applicable en l’espèce, il pouvait être attendu de la requérante qu’elle veille à ce que les paiements soient effectués sur les comptes appropriés et qu’elle vérifie la bonne réception des certificats qu’elle renvoyait. La Commission relève que la requérante aurait dû, en tant qu’opérateur diligent, avoir des doutes sur la circonstance selon laquelle M souhaitait que des montants importants soient versés en son nom propre et sur des comptes privés, à l’insu de son employeur.

106    Les deuxième, troisième et quatrième griefs figurant aux considérants 62 à 64 de la décision attaquée portent sur l’achat du droit d’utilisation des certificats par des négociations directes entre la requérante et M, sur les paiements effectués sur le compte personnel de M et sur l’absence de preuve de la réception par M des certificats renvoyés par la requérante (voir point 89 ci-dessus).

107    Sur un plan factuel, il convient de constater que la requérante entretenait des relations commerciales avec M depuis 1997, une de ses filiales, italienne, ayant eu auparavant des relations pendant plusieurs années avec une entreprise portugaise de commerce international pour laquelle M travaillait. Il ressort également de l’ensemble du dossier que, comme le soutient la requérante, la relation commerciale en vue de l’achat du droit d’utilisation des certificats en litige était établie entre elle et M uniquement, ce que, lors de l’audience, la Commission a reconnu ne pas contester. En outre, rien dans la décision attaquée ou les écrits de la Commission ne permet de remettre en cause l’affirmation de la requérante selon laquelle M exerçait son activité d’intermédiaire de façon indépendante ou n’indique que ce dernier aurait frauduleusement exercé cette activité. Dès lors, les arguments de la Commission rappelés au point 105 ci-dessus ne peuvent qu’être écartés, puisqu’ils sont fondés sur l’idée, qui ressort également de la décision attaquée, que le recours à un intermédiaire, qui aurait été, par ailleurs, employé d’une entreprise de commerce international, pour acquérir les droits d’utilisation des certificats en litige présenterait un risque accru de manœuvres frauduleuses.

108    Dans les circonstances de l’espèce, en tenant également compte de ce qui a été dit au point 102 ci-dessus, ni la négociation par la requérante de l’achat de l’utilisation des certificats en litige directement avec M, ni les paiements de la totalité de ces achats sur le compte personnel de celui-ci, ni l’absence de demande à celui-ci de la preuve de la réception des certificats utilisés qu’elle lui retournait ne démontre que la requérante a fait preuve d’un manque de diligence.

109    Troisièmement, la requérante soutient que l’utilisation de factures pro forma serait une pratique commerciale normale, utilisée avec d’autres intermédiaires et par d’autres importateurs, ces factures constituant des bons de commande sur la base desquels elle payait M, qui établissait ensuite les factures définitives. Le fait que les factures aient été envoyées par des sociétés espagnoles que la requérante ne connaissait pas ne constituerait pas une particularité qui aurait dû l’inciter à plus de vigilance, les opérateurs en question étant des entreprises inconnues dans le secteur de la banane et l’ensemble des contacts avec ces opérateurs étant géré par M, alors que la Commission n’apporte pas la preuve d’une négligence manifeste.

110    La Commission considère que ce sont les circonstances dans lesquelles a eu lieu l’utilisation des factures pro forma qui posent problème, à savoir l’envoi par télécopieur par des personnes inconnues à partir d’adresses inconnues. De ce fait, la requérante aurait dû effectuer des vérifications.

111    Sur ce point, il convient de rappeler que, au considérant 65 de la décision attaquée, la Commission a relevé :

« [L]a facturation de l’achat de l’usage des certificats se faisait au moyen de factures pro forma envoyées par [télécopie] par les deux entreprises espagnoles précitées, et il résulte du dossier que certaines de ces factures pro forma ont été envoyées par [télécopies] à partir d’adresses ou par des personnes inconnues. La Commission doute qu’il relève des pratiques commerciales normales que de très importantes sommes d’argent soient payées sur la base de simples factures pro forma reçues par [télécopie] dans de telles circonstances ; or, il ne ressort pas du dossier que la [requérante] se soit posée la moindre question à cet égard. »

112    Il convient tout d’abord de constater que les mesures d’organisation de la procédure et l’audience ont mis à jour une divergence d’appréciation sur un élément de fait. En effet, en réponse aux questions posées par le Tribunal, la Commission a produit les factures de quatre entreprises auxquelles la requérante aurait acheté le droit d’utilisation des certificats en litige. Or, d’une part, la requérante a contesté, lors de l’audience, la réalité de ces données, affirmant que seule une des entreprises en question lui avait vendu le droit d’utilisation des certificats en litige. D’autre part, ces données sont contradictoires avec les éléments relevés par l’OLAF, dans le document de travail du 22 septembre 2000, qui faisait état de deux entreprises espagnoles impliquées, l’une pour l’année 1998 et l’autre pour l’année 1999, ainsi qu’avec la décision attaquée (considérants 11 et 65).

113    Il y a également lieu de relever que, pour étayer le défaut de diligence de la requérante, la Commission se fonde tout particulièrement sur la circonstance que les factures pro forma d’achat des droits d’utilisation des certificats en litige auraient été envoyées à partir de télécopieurs inconnus et par des personnes inconnues. Plus précisément, la Commission a relevé, à l’audience, que les factures pro forma en question provenaient d’Espagne, que les numéros de télécopieurs étaient espagnols ou que la mention de « copy shops » (services de reprographie) espagnols apparaissait sur les factures reçues par télécopie.

114    Or, il ressort de l’ensemble du dossier que les droits d’utilisation des certificats en litige, qui concernent uniquement l’année 1999, ont été achetés auprès d’une entreprise espagnole (voir point 112 ci-dessus). Les factures pro forma de cette entreprise, produites par la Commission en réponse aux mesures d’organisation de la procédure, comportent toutes une adresse postale et un numéro de téléphone, mentionnés dans leurs en-têtes. Une des factures comporte l’indication « casa de fotocopia » (service de reprographie) dans la marge supérieure et une autre un numéro de télécopieur, apparemment d’Espagne, et l’indication « cemon » dans la marge supérieure.

115    Si les éléments mentionnés au point 114 ci-dessus ne ressortent pas explicitement de la décision attaquée, il peut être considéré que la Commission s’y référait en notant, au considérant 65, que des factures pro forma étaient envoyées par télécopie à partir d’adresses inconnues. Néanmoins, une telle circonstance ne saurait suffire à démontrer le manque de diligence de la requérante en l’espèce. D’une part, le fait qu’une facture pro forma provenant d’une entreprise ayant son siège en Espagne soit envoyée à partir d’un télécopieur situé dans ce pays n’apparaît pas comme une circonstance de nature à conduire l’opérateur recevant cette facture à relever son niveau de diligence. D’autre part, le fait qu’une des cinq factures envoyées par ladite entreprise espagnole à la requérante l’ait été à partir de ce qui semble être un service de reprographie ne saurait, en tant que tel, faire naître des doutes chez la requérante quant à sa relation commerciale avec cette entreprise ou quant à l’authenticité des certificats en litige. En l’absence d’autres éléments circonstanciés à l’appui du grief relatif à l’usage de factures pro forma, il n’est pas possible de considérer comme établis les doutes de la Commission quant au fait que le paiement de très importantes sommes d’argent payées sur la base de telles factures reçues dans les circonstances susvisées relève de pratiques commerciales normales.

116    Par suite, la Commission n’établit pas, par les éléments relevés au considérant 65 de la décision attaquée, que la requérante a fait preuve, en l’espèce, d’un manque de diligence.

117    Sans qu’il soit besoin de statuer sur les premier, deuxième et sixième arguments du deuxième moyen du recours, il résulte des points 103, 108 et 116 ci-dessus que le deuxième moyen est fondé, la Commission n’ayant pas apporté la preuve, ainsi que l’exige la jurisprudence rappelée au point 86 ci-dessus, de l’absence de diligence de la requérante et, donc, de sa négligence manifeste.

118    Par conséquent, sans qu’il soit besoin de statuer sur les premier, troisième et quatrième moyens du recours, il convient de prononcer l’annulation de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et de rejeter le surplus de la requête.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

120    En l’espèce, la Commission succombant pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux de la requérante.

121    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. En l’espèce, il y a lieu de condamner le Royaume de Belgique à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, paragraphe 3, de la décision C (2010) 2858 final de la Commission, du 6 mai 2010, constatant qu’il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et que la remise des droits est justifiée à l’égard d’un débiteur, mais qu’elle n’est pas justifiée à l’égard d’un autre débiteur dans un cas particulier, est annulé.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne supportera ses dépens ainsi que ceux exposés par la Firma Léon Van Parys NV.

4)      Le Royaume de Belgique supportera ses dépens.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le néerlandais.