Language of document : ECLI:EU:T:2014:61

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 février 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés européens des stabilisants thermiques étain et des stabilisants thermiques ESBO/esters – Décision constatant deux infractions à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Amendes – Demande d’annulation – Droits de la défense – Information tardive de l’enquête de la Commission – Durée de la procédure administrative – Responsabilité d’une société mère pour les infractions aux règles de la concurrence commises par ses filiales – Présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante – Durée des infractions – Prescription – Intérêt légitime à constater une infraction passée – Amendes infligées à la société mère d’un montant différent de celles infligées à la filiale – Pouvoirs de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑40/10,

Elf Aquitaine SA, établie à Courbevoie (France), représentée par Mes É. Morgan de Rivery, S. Thibault-Liger et A. Noël-Baron, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel, J. Bourke et A. Biolan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant des amendes infligées,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La présente affaire a trait à la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques) (ci-après la « décision attaquée », résumé au JO 2010, C 307, p. 9).

2        Par la décision attaquée, la Commission des Communautés européennes a considéré qu’un certain nombre d’entreprises avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à deux ensembles d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels couvrant le territoire de l’EEE et concernant, d’une part, le secteur des stabilisants thermiques étain (ci-après les « stabilisants étain ») et, d’autre part, le secteur de l’huile de soja époxydée et des esters (ci-après le « secteur ESBO/esters »).

3        La décision attaquée retient l’existence de deux infractions portant sur deux catégories de stabilisants thermiques, lesquels constituent des produits ajoutés aux produits à base de polychlorure de vinyle (PVC) afin d’améliorer leur résistance thermique (considérant 3 de la décision attaquée).

4        Selon l’article 1er de la décision attaquée, chacune de ces infractions a consisté à fixer les prix, à répartir les marchés par le biais de quotas de vente, à répartir les clients et à échanger des informations commerciales sensibles en particulier sur les clients, la production et les ventes.

5        La décision attaquée énonce que les entreprises concernées ont participé à ces infractions au cours de diverses périodes comprises entre le 24 février 1987 et le 21 mars 2000, pour les stabilisants étain, et entre le 11 septembre 1991 et le 26 septembre 2000, pour le secteur ESBO/esters.

6        C’est en tant que société mère que la requérante, Elf Aquitaine SA, s’est vu imputer les infractions en cause. Dans la décision attaquée, est, en effet, constatée l’existence d’une entreprise, au sens de l’article 81 CE, composée, au moment des comportements infractionnels en cause, de la requérante et de ses filiales Arkema France SA (précédemment dénommée Atochem, Elf Atochem, Atofina et Arkema) (ci-après « Arkema ») et CECA SA (considérants 590 à 605 de la décision attaquée).

7        CECA, qui produit et vend des spécialités chimiques, dont les produits concernés par la décision attaquée, a participé directement aux infractions constatées dans la décision attaquée (considérants 25, 590 et 591 de la décision attaquée).

8        Arkema est, depuis le 23 janvier 1988, la société mère directe de CECA, avec une participation à hauteur de 99,9 % dans le capital de cette dernière (considérants 25 et 26 de la décision attaquée).

9        La requérante a été la société mère d’Arkema, avec une participation à hauteur de 97,6 % dans le capital de cette dernière, du 1er janvier 1986 au 13 décembre 2000 (considérants 27 et 590 à 605 de la décision attaquée).

10      Par ailleurs, Total SA a été la société faitière du groupe (ci-après le « groupe Total ») auquel appartient la requérante, Elf Aquitaine SA, et auquel a appartenu Arkema jusqu’au 18 mai 2006 (considérant 27 de la décision attaquée).

11      Dans la décision attaquée, la Commission n’a imputé aucune des infractions en cause à Total.

12      L’enquête qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée a été engagée à la suite de l’introduction par Chemtura d’une demande d’immunité, le 26 novembre 2002, en application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération ») (considérants 79 et 80 de la décision attaquée).

13      Les 12 et 13 février 2003, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de CECA (France), de Baerlocher (Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni), de Reagens (Italie), d’Akcros (Royaume-Uni) et de Rohm & Haas (France), en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

14      À la suite de ces inspections, Arkema a présenté, le 17 février 2003, une demande de réduction sur le fondement de la communication sur la coopération (considérant 82 de la décision attaquée).

15      Au cours de l’inspection menée chez Akcros, les représentants de cette dernière ont indiqué aux fonctionnaires de la Commission que certains documents étaient couverts par la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients (considérant 81 de la décision attaquée).

16      La revendication de cette protection a ensuite fait l’objet de procédures judiciaires intentées les 11 avril et 4 juillet 2003 devant le Tribunal, qui ont donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (T‑125/03 et T‑253/03, Rec. p. II‑3523), rejetant les recours (considérants 84 à 90 de la décision attaquée) (ci-après la « procédure judiciaire Akzo »).

17      Le 8 octobre 2007 et à plusieurs reprises en 2008, la Commission a envoyé aux entreprises impliquées des demandes de renseignements au titre de l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérants 91 et 92 de la décision attaquée).

18      La Commission a informé la requérante de l’existence de la procédure d’enquête par une demande de renseignements du 16 juillet 2008, laquelle constitue la première mesure adressée à la requérante dans le cadre de ladite procédure d’enquête.

19      Le 17 mars 2009, la Commission a adopté une communication des griefs qui a été notifiée à plusieurs sociétés, dont la requérante, le 18 mars 2009 (considérant 95 de la décision attaquée).

20      La requérante a présenté ses observations sur la communication des griefs le 20 mai 2009.

21      Le 11 novembre 2009, la Commission a adopté la décision attaquée.

22      L’article 1er de la décision attaquée tient la requérante, Arkema et CECA pour responsables de l’infraction portant sur les stabilisants étain, du 16 mars 1994 au 31 mars 1996 (ci-après la « période mars 1994-mars 1996 ») et du 9 septembre 1997 au 21 mars 2000, et de l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters, du 11 septembre 1991 au 26 septembre 2000 (considérants 590 à 605 de la décision attaquée).

23      En ce qui concerne son pouvoir d’infliger des amendes pour les infractions susmentionnées, la Commission a notamment rejeté les arguments avancés par les entreprises concernées, selon lesquelles la suspension résultant de la procédure judiciaire Akzo, en vertu de l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, s’appliquait seulement aux parties à ladite procédure, à savoir Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemicals Ltd. La Commission a, en effet, considéré que ladite suspension avait un effet erga omnes, de sorte que la prescription avait été suspendue à l’égard de toutes les entreprises concernées par l’enquête, y compris la requérante (considérants 672 à 682 de la décision attaquée).

24      Pour fixer le montant des amendes, la Commission a fait application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

25      L’article 2 de la décision attaquée énonce ce qui suit :

« Pour l’/(les) infraction(s) sur le marché des stabilisants étain […], les amendes suivantes sont infligées :

[…]

11)      [la requérante, Arkema et CECA] sont conjointement et solidairement responsables pour le montant de 3 864 000 euros ;

12)      [Arkema] est responsable pour le montant de 3 477 600 euros ;

13)      [la requérante] est responsable pour le montant de 2 704 800 euros ;

[…]

Pour l’/(les) infractions sur le marché de l’ESBO/des esters […] les amendes suivantes sont infligées :

[…]

28)      [la requérante, Arkema et CECA] sont conjointement et solidairement responsables pour le montant de 7 154 000 euros ;

29)      [Arkema] est responsable pour le montant de 6 438 600 euros ;

30)      [la requérante] est responsable pour le montant de 5 007 800 ;

[…] »

26      Pour fixer le montant des amendes infligées à Arkema, la Commission a, notamment, pris en compte une circonstance aggravante tirée de la récidive et les informations divulguées par Arkema dans le cadre de la communication sur la coopération (considérants 718 à 720 et 758 à 761 de la décision attaquée).

27      Pour fixer le montant des amendes infligées à la requérante, la Commission a, notamment, pris en compte, aux fins de dissuasion, les ressources économiques globales de cette société (considérants 739 et 740 et de la décision attaquée).

28      La Commission n’a pas infligé d’amende pour l’infraction qu’elle a constatée sur le marché des stabilisants étain pour la période mars 1994-mars 1996 (considérant 437 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2010, la requérante a formé le présent recours.

30      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler, en tout ou en partie, la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant des amendes qui lui ont été infligées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

32      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 juillet 2011, la Commission a fait savoir que, à la lumière de l’arrêt de la Cour du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239), elle retirait ses arguments selon lesquels la suspension de la prescription, en application de l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, par la procédure judiciaire Akzo avait un effet erga omnes, y compris à l’égard de la requérante. Elle a également déclaré qu’elle maintenait l’ensemble des autres arguments avancés par rapport au moyen de la requête tiré de la prescription décennale, ce dont le Tribunal a pris acte.

33      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2011, la requérante a fait savoir qu’elle prenait acte du retrait par la Commission d’une partie de son argumentation et qu’elle maintenait les moyens et conclusions avancés dans ses écritures, ce dont le Tribunal a pris acte.

 En droit

34      À l’appui du recours, la requérante invoque six moyens, dont cinq sont invoqués au soutien de ses conclusions en annulation de la décision attaquée et un au soutien de ses conclusions subsidiaires en réformation de la décision attaquée quant au montant des amendes.

 Sur les moyens invoqués aux fins de l’annulation de la décision attaquée

35      Aux fins de l’annulation, en tout ou en partie, de la décision attaquée, la requérante invoque cinq moyens, tirés, premièrement, de violations des droits de la défense (premier moyen) ; deuxièmement, d’erreurs de droit quant à l’imputation des infractions (deuxième moyen) ; troisièmement, de la prescription des pouvoirs de la Commission d’infliger des amendes, en application de l’article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, et de son défaut d’intérêt légitime pour constater les infractions prescrites (première branche du troisième moyen et quatrième moyen) ; quatrièmement, d’erreurs de droit concernant les amendes infligées (seconde branche du troisième moyen) et, cinquièmement, du défaut d’intérêt légitime pour la Commission de constater une infraction dans le secteur des stabilisants étain pour la période mars 1994-mars 1996 (cinquième moyen).

 Sur le premier moyen, tiré de violations des droits de la défense

36      Par son premier moyen aux fins de l’annulation de la décision attaquée, la requérante fait valoir des violations de ses droits de la défense, du fait, d’une part, d’une information prétendument tardive de l’existence de l’enquête de la Commission (première branche du premier moyen) et, d’autre part, de la durée prétendument excessive de la procédure administrative (seconde branche du premier moyen).

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation des droits de la défense du fait d’une information prétendument tardive de l’existence de l’enquête de la Commission

37      En substance, la requérante invoque, dans le cadre de la première branche de son premier moyen, une violation de ses droits de la défense du fait d’une information tardive, par la Commission, de l’existence de l’enquête. Elle se plaint d’avoir été informée de celle-ci non au premier stade de l’enquête, mais seulement lors de la demande de renseignements que lui a adressée la Commission le 16 juillet 2008.

38      La requérante soutient n’avoir été informée de l’existence de l’enquête que par la demande de renseignements de la Commission du 16 juillet 2008, ce que ne conteste pas la Commission.

39      Or, cette dernière aurait dû, selon la requérante, l’informer personnellement de la procédure la concernant dès le tout premier stade de l’enquête.

40      Selon la requérante, le droit d’être informé dès le tout premier stade de l’enquête repose sur des exigences de transparence, de sécurité juridique et sur les obligations découlant des droits de la défense. En effet, une attitude consistant à conserver le secret de l’enquête à l’égard d’une partie viserait à faire obstacle au rassemblement des preuves nécessaires à sa défense. Par ailleurs, ce droit s’imposerait, a fortiori, au regard du caractère répressif du droit de la concurrence.

41      En outre, la requérante soutient que, dans les bonnes pratiques concernant les procédures relatives aux articles 101 TFUE et 102 TFUE, publiées le 6 janvier 2010 sur le site de la direction générale « Concurrence » de la Commission, la Commission a, elle-même, reconnu qu’une information tardive était contraire aux règles d’application des articles 81 CE et 82 CE. En particulier, le point 14 de celles-ci prévoirait l’obligation pour la Commission d’informer l’ensemble des entreprises concernées par l’enquête dès la première mesure d’investigation qu’elle entreprend.

42      Le droit revendiqué par la requérante serait également confirmé et renforcé par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dont les articles 52, paragraphe 3, et 53 interdiraient au juge de l’Union européenne de porter atteinte aux droits fondamentaux garantis par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Or, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») exigerait que les personnes soient informées au plus tôt des infractions pénales qu’on leur reproche, les sanctions applicables pour violation de l’article 101 TUE revêtant, selon la requérante, un caractère pénal.

43      Enfin, la requérante fait valoir que, dans la mesure où elle n’a été informée de l’existence de l’enquête que plus de deux ans après la sortie d’Arkema du groupe Total, intervenue le 18 mai 2006, elle a été empêchée de rassembler toutes les preuves susceptibles de l’aider à démontrer la pleine autonomie d’Arkema sur le marché.

44      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, et ainsi que cela est confirmé à l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. La Cour a ainsi itérativement jugé que le respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l’Union (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 26, et la jurisprudence citée).

45      S’agissant d’une procédure d’application de l’article 81 CE, il ressort de la jurisprudence que la procédure administrative devant la Commission se subdivise en deux phases distinctes et successives dont chacune répond à une logique interne propre, à savoir une phase d’instruction préliminaire, d’une part, et une phase contradictoire, d’autre part. La phase d’instruction préliminaire, qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, est destinée à permettre à la Commission de rassembler tous les éléments pertinents confirmant ou non l’existence d’une infraction aux règles de la concurrence et de prendre une première position sur l’orientation ainsi que sur la suite ultérieure à réserver à la procédure. Pour sa part, la phase contradictoire, qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale, doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (voir arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 113, et la jurisprudence citée).

46      S’agissant de la phase d’instruction préliminaire, la Cour a précisé que celle-ci a pour point de départ la date à laquelle la Commission, dans l’exercice des pouvoirs que lui a conférés le législateur de l’Union, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entités suspectées (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 114, et la jurisprudence citée).

47      Ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entité concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 115, et la jurisprudence citée).

48      Cela étant, la Cour a également jugé que les mesures d’instruction prises par la Commission au cours de la phase d’instruction préliminaire, en particulier les mesures de vérification et les demandes de renseignements, peuvent, dans certaines situations, impliquer par nature le reproche d’une infraction aux règles de l’Union en matière de concurrence et sont susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur la situation des entités concernées (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 116).

49      Il importe, dès lors, d’éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis au cours de cette phase de la procédure administrative dès lors que les mesures d’instruction prises peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement de preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 117).

50      Ainsi, s’agissant de l’observation d’un délai raisonnable, la Cour a jugé, en substance, que l’appréciation de la source d’éventuelles entraves à l’exercice efficace des droits de la défense ne doit pas être limitée à la phase contradictoire de la procédure administrative, mais doit s’étendre à l’ensemble de cette procédure en se référant à la durée totale de celle-ci (arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, points 49 et 50, et Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, Rec. p. I‑8831, points 54 et 55).

51      Or, selon la Cour, des considérations similaires s’appliquent à la question de savoir si, et dans quelle mesure, la Commission est tenue de fournir à l’entité concernée, dès le stade de la phase d’instruction préliminaire, certains éléments d’information sur l’objet et le but de l’instruction, qui la mettraient en mesure de préserver l’efficacité de sa défense dans le cadre de la phase contradictoire (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 119).

52      Cela ne veut cependant pas dire que la Commission, dès avant la première mesure prise à l’égard d’une entité donnée, est tenue, en toute hypothèse, d’avertir cette entité de la possibilité même des mesures d’instruction ou des poursuites fondées sur le droit de l’Union de la concurrence, surtout si, de par un tel avertissement, l’efficacité de l’enquête de la Commission risquerait d’être indûment compromise (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 120, et la jurisprudence citée).

53      En outre, la Cour a également jugé que le principe de la responsabilité personnelle ne s’oppose pas à ce que la Commission envisage d’abord de sanctionner la société auteur d’une infraction aux règles de la concurrence avant d’explorer si, éventuellement, l’infraction peut être imputée à sa société mère (arrêts de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 82, et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 120).

54      Ainsi, pour autant que le destinataire d’une communication des griefs soit mis en mesure de faire utilement connaître son point de vue au cours de la procédure contradictoire administrative sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués par la Commission, cette dernière n’est pas par principe tenue d’adresser une mesure d’enquête à ce destinataire préalablement à l’envoi de la communication des griefs (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 122).

55      C’est sur la base de ces considérations qu’il convient d’apprécier la première branche du premier moyen, invoquée aux fins de l’annulation de la décision attaquée et que la requérante tire d’une prétendue information tardive de l’enquête.

56      À cet égard, il convient, d’emblée, de relever que, dans le cadre de la première branche de son premier moyen, la requérante ne prétend pas que l’exercice de ses droits de la défense a été affecté en raison de la durée de l’ensemble de la procédure administrative, cette argumentation faisant l’objet de la seconde branche de son premier moyen et étant, en tout état de cause, appréciée à ce titre, aux points 92 à 116 du présent arrêt.

57      Il faut aussi relever que, dans le cadre de la première branche de son premier moyen, la requérante prétend que l’exercice de ses droits de la défense a été affecté en raison de la durée qui s’est écoulée entre la date de la première mesure d’enquête concernant sa filiale, à savoir le 12 février 2003, et la date à laquelle elle reconnaît avoir été informée de l’enquête, par la demande de renseignements que lui a adressée la Commission, à savoir le 16 juillet 2008, soit cinq ans et cinq mois plus tard et huit mois avant la notification de la communication des griefs, le 18 mars 2009.

58      Il y a lieu tout autant de relever que la requérante soutient, dans sa requête, que le respect des droits de la défense imposait à la Commission de l’informer de l’enquête plus tôt, « dès le tout premier stade » de celle-ci.

59      Cependant, elle n’indique pas, dans la requête, à quel « stade » précis la Commission aurait dû l’informer de l’existence de l’enquête. Elle y allègue seulement que, « si la Commission pensait dès le début de l’enquête détenir les éléments suffisants pour ultérieurement [la] mettre en cause […], au stade de la communication des griefs […], alors elle a sciemment refusé [de l’]informer […] dès les toutes premières étapes de l’enquête [, ce qui] signifie qu’elle n’a pu que vouloir délibérément conserver secrète son enquête à [son] égard ».

60      De même, la requérante n’a pas tenté, dans la requête, d’établir que la Commission était au courant, dès le début de l’enquête, de son implication potentielle dans l’affaire.

61      En outre, dans sa réponse, du 4 avril 2012, à une question écrite posée par le Tribunal à cet effet pour réponse avant l’audience, la requérante a précisé, d’une part, qu’elle n’était pas en mesure d’exposer les éléments factuels lui permettant d’affirmer que la Commission était au courant, dès le tout premier stade de l’enquête, de son implication dans l’infraction et, d’autre part, qu’une société mère présumée exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale devait être informée de l’enquête dès la première mesure d’investigation visant ladite filiale.

62      Aussi, dans les circonstances de la présente affaire, la requérante aurait-elle dû, selon elle, être informée de l’enquête au plus tard à la date de l’inspection dans les locaux de sa filiale le 12 février 2003.

63      En d’autres termes, dans son argumentation au soutien de la première branche de son premier moyen, la requérante estime que la Commission devait l’informer de l’existence de l’enquête au plus tard à la date de la première mesure d’enquête de la Commission concernant sa filiale, à savoir le 12 février 2003.

64      Il convient aussi de relever que la requérante ne formule aucune critique en ce qui concerne la teneur de la demande de renseignements de la Commission du 16 juillet 2008, notamment en ce qui concerne le respect par celle-ci de l’obligation de l’informer, au stade de la première mesure prise à son égard, y compris dans les demandes de renseignements qu’elle lui adresse, de l’objet et du but de l’instruction en cours.

65      Ainsi, pour apprécier le bien-fondé de la première branche du premier moyen de la requérante, il n’y a pas lieu de vérifier si la Commission était tenue d’informer la requérante de l’enquête à un stade antérieur au 12 février 2003 ni de vérifier si la Commission l’a effectivement informée, dans sa demande de renseignements du 16 juillet 2008, de l’objet et du but de l’instruction en cours.

66      À ces fins, il suffit de vérifier, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 44 à 54 du présent arrêt, si la Commission était tenue d’informer la requérante de l’existence de l’enquête au plus tard dès la première mesure prise à l’encontre de sa filiale, à savoir le 12 février 2003, et, le cas échéant, si le fait qu’elle n’en aurait été informée que par la demande de renseignements que lui a adressée la Commission le 16 juillet 2008 a affecté l’exercice de ses droits de la défense.

67      Pour ce qui est de l’obligation qui incombait à la Commission, selon la requérante, de l’informer de l’existence de l’enquête, dès la première mesure prise à l’encontre d’Arkema, il suffit de rappeler que c’est la requérante elle-même qui a invoqué une argumentation similaire dans le cadre de son pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Elf Aquitaine/Commission (T‑174/05, non publié au Recueil), en critiquant l’appréciation du Tribunal selon laquelle le principe d’égalité des armes avait été respecté même si la requérante avait été informée des soupçons qui pesaient contre elle pour la première fois seulement au stade de la communication des griefs. De l’avis de la requérante, cette appréciation était incompatible avec le respect de ses droits de la défense dès le tout premier stade de la procédure.

68      Or, la Cour a déjà clairement rejeté une telle argumentation.

69      En principe, le respect des droits de la défense d’une entreprise n’exige pas de la part de la Commission d’adresser une mesure d’enquête à ce destinataire préalablement à l’envoi de la communication des griefs (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 122).

70      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante en l’espèce, la Commission n’est pas liée, au titre du respect des droits de la défense, par une obligation générale d’informer personnellement chaque entreprise de la procédure la concernant dès le tout premier stade de l’enquête. C’est, en effet, en principe, seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 122 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, T‑206/06, non publié au Recueil, points 130 à 134, le pourvoi formé contre cet arrêt ayant été rejeté par ordonnance de la Cour du 7 février 2012, Total et Elf Aquitaine/Commission, C‑421/11 P, non encore publiée au Recueil).

71      Au surplus, il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce qui a été le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, la Commission a, en l’espèce, adressé à la requérante, le 16 juillet 2008, une mesure d’enquête, soit huit mois avant que lui soit notifiée la communication des griefs.

72      Il n’en demeure pas moins qu’il ressort également de la jurisprudence, rapportée au point 51 du présent arrêt, qu’il ne saurait être exclu qu’une violation des droits de la défense puisse être constatée en raison de l’absence de certains éléments d’information quant à l’objet et au but de l’enquête durant la phase d’instruction préliminaire.

73      En effet, avant l’envoi de la communication des griefs, c’est-à-dire durant la phase d’instruction préliminaire de la procédure administrative, certaines obligations peuvent s’imposer à la Commission afin d’éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis au cours de cette phase dès lors que les mesures d’instruction prises peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement de preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité.

74      En particulier, la Commission peut être tenue de fournir à l’entité concernée, dès le stade de la phase d’instruction préliminaire, certains éléments d’information sur l’objet et le but de l’instruction, qui la mettraient en mesure de préserver l’efficacité de sa défense dans le cadre de la phase contradictoire.

75      Cela étant, il ressort également de l’arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, qu’une éventuelle violation des droits de la défense doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque espèce. Dans cette affaire, la Cour a également considéré, en réponse à l’argument de la requérante selon lequel, ayant été informée de la procédure seulement au stade de la communication des griefs, elle avait pu laisser dépérir de possibles preuves sur l’autonomie de sa filiale pendant quatre années d’enquête précédant ladite communication, ce qui aurait irrémédiablement affecté ses droits de la défense, qu’il ne s’agissait que de simples affirmations qui n’étaient étayées par aucun élément concret. Une telle argumentation générale, abstraite et non circonstanciée n’était pas de nature, selon la Cour, à établir la réalité d’une violation des droits de la défense (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, points 103, 129 et 130).

76      En l’espèce, l’argumentation de la requérante à l’appui de la prétendue méconnaissance de ses droits de la défense revêt un caractère abstrait et imprécis. Or, afin de démontrer une violation de ceux-ci, il lui incombait d’exposer en quoi son information prétendument tardive quant à l’existence de l’enquête la concernant a affecté l’exercice de ses droits (voir, en ce sens, arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, précité, point 56).

77      La requérante s’est, en effet, contentée d’affirmer en ce sens que, dans la mesure où elle n’a été informée de l’existence de l’enquête que plus de deux ans après la sortie d’Arkema du groupe Total, elle a été empêchée de rassembler toutes les preuves susceptibles de l’aider à démontrer la pleine autonomie d’Arkema sur le marché.

78      Or, force est de constater qu’il s’agit là d’une simple affirmation, non étayée par des éléments concrets, et qui n’est donc pas de nature à établir la réalité d’une violation des droits de la défense. En particulier, la requérante n’a expliqué ni quelles auraient pu être les preuves qu’elle a été empêchée de rassembler ni en quoi, exactement, consistait l’empêchement allégué.

79      La sortie d’Arkema du groupe Total lors de l’enquête ne saurait, en soi, permettre de constater une atteinte à l’exercice des droits de la défense, à défaut de toute explication circonstanciée de la requérante quant à l’impossibilité qui en aurait résulté pour elle de présenter des éléments de preuves relatifs à l’autonomie de ses anciennes filiales, ainsi qu’elle l’allègue de manière tout à fait générale et abstraite (voir, en ce sens, arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, précité, point 59).

80      En tout état de cause, cette argumentation ne saurait convaincre.

81      En effet, la question de l’autonomie d’Arkema au sein du groupe Total s’était posée, dès avant le retrait d’Arkema du groupe Total, dans le cadre d’autres procédures de la Commission en matière d’ententes.

82      Ainsi que cela ressort clairement des arrêts du Tribunal rendus dans les affaires concernant la requérante, cette dernière avait déjà tenté, en vain, de réfuter la présomption d’exercice d’une influence déterminante sur Arkema s’agissant des périodes contemporaines aux périodes infractionnelles en cause dans la présente affaire [voir les affaires ayant donné lieu aux arrêts du Tribunal du 30 septembre 2009, Elf Aquitaine/Commission, portant sur la période allant du 1er janvier 1984 au 7 mai 1999 ; du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission (T‑299/08, Rec. p. II‑2149), portant sur la période allant du 11 mai 1995 au 9 février 2000 ; du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, portant sur la période allant du 23 janvier 1997 au 12 septembre 2002, et du 14 juillet 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission (T‑190/06, Rec. p. II‑5513), portant sur la période allant du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000].

83      Par conséquent, la premier moyen d’annulation de la requérante, pris en sa première branche, est non fondé.

84      Cette appréciation ne saurait être remise en cause en l’espèce par les arguments de la requérante.

85      Tout d’abord, la requérante ne saurait utilement invoquer les bonnes pratiques concernant les procédures relatives aux articles 101 TFUE et 102 TFUE, précitées, car, dans lesdites bonnes pratiques, la Commission ne s’est aucunement engagée à ce à quoi la requérante prétend, mais seulement à informer les intéressés dès les premières mesures d’investigation les concernant, ce qui a été le cas en l’espèce. En tout état de cause, lesdites bonnes pratiques n’étaient pas applicables à la date d’adoption de la décision attaquée.

86      Ensuite, la requérante ne saurait non plus invoquer utilement la charte des droits fondamentaux ou la CEDH dans le contexte de la présente affaire.

87      En effet, indépendamment de la question de savoir si les amendes infligées pour violation des règles de la concurrence du droit de l’Union ont un caractère pénal, nonobstant les termes de l’article 23, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003 et de de la jurisprudence de la Cour EDH, il convient de rappeler que la requérante a fait l’objet, en l’espèce, d’une mesure d’instruction, à savoir, en l’occurrence, la demande de renseignements de la Commission du 16 juillet 2008, huit mois avant la communication des griefs et près de seize mois avant l’adoption de la décision attaquée. Par ailleurs, la requérante ne formule aucune critique en ce qui concerne la teneur de ladite demande de renseignements. En tout état de cause, même à admettre la nature pénale des amendes infligées pour violation des règles de la concurrence du droit de l’Union comme le prétend la requérante, la jurisprudence de la Cour EDH invoquée par la requérante est dénuée de toute pertinence dans le cadre de la présente branche et ne saurait donc démontrer une quelconque violation, par la Commission, ni de la charte des droits fondamentaux ni de la CEDH.

88      Enfin, il convient de souligner que, si, outre une violation des droits de la défense, la requérante invoque également des griefs tirés de violations des principes de transparence, de sécurité juridique, de présomption d’innocence, de principe de loyauté et du droit à un procès équitable, elle ne fait valoir aucune argumentation spécifique au soutien de ces griefs.

89      Il y a donc lieu de considérer que la requérante n’invoque pas, à titre autonome, une violation de tels principes, mais qu’elle en fait état à titre purement superflu, ce dont le Tribunal ne saurait manquer de tenir compte dans le cadre du présent arrêt.

90      En tout état de cause, même à considérer que ces « moyens » aient été sérieusement invoqués en l’espèce, il y aurait lieu, dès lors qu’ils n’ont aucunement été formulés de façon suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel, de les rejeter, comme étant irrecevables, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20).

91      Partant, pris en sa première branche, le premier moyen doit être rejeté.

–       Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation des droits de la défense du fait de la durée prétendument excessive de la procédure administrative

92      Dans le cadre de la seconde branche de son premier moyen, la requérante invoque, en substance, une violation du principe du délai raisonnable et de ses droits de la défense du fait d’une durée prétendument excessive de la procédure administrative, l’enquête préalable ayant duré plus de six ans et pris fin trois ans après le retrait d’Arkema et de CECA du groupe Total, intervenue le 18 mai 2006.

93      Selon la requérante, si la Commission avait été plus diligente, elle aurait conclu son enquête avant ledit retrait, ce qui lui aurait permis d’obtenir de possibles preuves au soutien de sa défense, lesquelles auraient disparu.

94      La requérante prétend que cette circonstance est suffisante pour établir une violation des droits de la défense et que, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne saurait être exigé d’elle qu’elle identifie, à ce stade, les types de documents qu’elle aurait pu obtenir ou préserver pour réfuter les conclusions de la Commission.

95      La requérante fait également observer que, dans la décision attaquée, la Commission a reconnu la durée excessive de la procédure administrative, mais que, contrairement à ce qu’y affirme la Commission, la procédure judiciaire Akzo ne saurait avoir justifié cette durée excessive.

96      En effet, la Commission aurait déjà eu connaissance de la teneur des documents dont la protection était revendiquée dans le cadre de la procédure judiciaire Akzo, de sorte qu’elle ne saurait prétendre que le fait d’avoir été privée de la possibilité d’utiliser les documents en cause s’est opposé à ce qu’elle poursuive son enquête.

97      Tout en rappelant qu’elle a admis, au considérant 771 de la décision attaquée, que la phase d’enquête avait duré plus longtemps qu’habituellement en raison de circonstances particulières, ce qui a justifié une réduction exceptionnelle de 1 % du montant des amendes infligées, notamment pour la requérante, la Commission affirme qu’elle devait attendre l’issue de la procédure judiciaire Akzo, de sorte que la durée de la procédure ne lui serait pas imputable.

98      La Commission soutient également que, même à considérer que cette durée lui serait imputable, cela ne saurait emporter l’annulation de la décision, dès lors que les droits de la défense de la requérante n’ont pas été affectés.

99      À cet égard, il faut rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir arrêt Technische Unie/Commission, précité, point 40, et la jurisprudence citée), ce principe s’inspirant de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et ayant été consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

100    Il ressort toutefois également de la jurisprudence qu’il n’y a pas lieu en droit d’annuler une décision de la Commission, même en présence d’une durée excessive de la procédure, lorsqu’il n’est pas démontré de façon circonstanciée qu’il a été porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées et qu’il n’existe donc aucun motif de croire que la durée excessive de la procédure a eu une incidence sur le contenu de la décision de la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 49, et arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008, Compagnie maritime belge/Commission, T‑276/04, Rec. p. II‑1277, point 40).

101    En dehors de cette hypothèse, le non-respect du principe du délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne saurait entacher la décision attaquée d’illégalité.

102    Il importe également de rappeler que l’appréciation de la source d’éventuelles entraves à l’exercice efficace des droits de la défense ne doit pas être limitée à la phase contradictoire de la procédure administrative, mais doit s’étendre à l’ensemble de cette procédure en se référant à la durée totale de celle-ci (arrêts Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, précité, points 49 et 50, et Technische Unie/Commission, précité, points 54 et 55).

103    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier la seconde branche du premier moyen de la requérante, qu’elle tire d’une violation de ses droits de la défense du fait de la durée prétendument excessive de la procédure administrative et qu’elle fait valoir aux fins de l’annulation de la décision attaquée.

104    En l’espèce, il est constant que, ainsi que cela a été rappelé aux points 12 à 21 du présent arrêt, la Commission a débuté son enquête dans cette affaire par des mesures d’inspection, les 12 et 13 février 2003, qu’elle l’a reprise, par des demandes de renseignements adressées aux entreprises impliquées, le 8 octobre 2007, qu’elle a adressé une telle demande de renseignements à la requérante le 16 juillet 2008 et qu’elle a adressé aux entreprises impliquées, dont la requérante, une communication des griefs le 18 mars 2009, avant d’adopter la décision attaquée le 11 novembre 2009.

105    Il est tout aussi constant que la requérante n’a été formellement impliquée dans la procédure administrative dans la présente affaire qu’à compter de la demande de renseignements du 16 juillet 2008.

106    Par conséquent, pour ce qui est de la requérante, la procédure administrative aura duré du 16 juillet 2008 au 11 novembre 2009, soit un peu moins d’un an et quatre mois.

107    Or, dans les circonstances de la présente affaire, une telle durée ne saurait, selon le Tribunal, constituer une durée excessive au regard du principe du délai raisonnable, de sorte que cette seule appréciation pourrait suffire pour rejeter la seconde branche du premier moyen de la requérante, qu’elle fait valoir aux fins de l’annulation de la décision attaquée.

108    La requérante fait toutefois valoir une violation du principe du délai raisonnable en prenant en compte ledit délai, non à compter de la demande du 16 juillet 2008 qui la concernait directement, mais à compter du début de l’enquête concernant, en général, les ententes en cause, à savoir les 12 et 13 février 2003, sans qu’elle fût impliquée au début de l’enquête.

109    Indépendamment des questions de savoir si la durée séparant l’ouverture de l’enquête concernant, en général, les ententes en cause et l’implication de la requérante dans la procédure est constitutive d’une violation du principe du délai raisonnable et si une telle violation est imputable à la Commission, la seconde branche du premier moyen de la requérante, qu’elle tire, en substance, d’une violation du principe du délai raisonnable et qu’elle fait valoir aux fins de l’annulation de la décision attaquée, ne saurait être accueillie.

110    En effet, en concluant l’enquête, en ce qui concerne la requérante, en un an et quatre mois, la Commission a fait preuve d’une célérité suffisante, compte tenu de la complexité de l’affaire.

111    Même à supposer, comme le soutient la requérante, que le respect du principe du délai raisonnable doit être vérifié, non à compter de la communication des griefs, ni à compter de la première mesure d’enquête impliquant la requérante, mais à compter de l’ouverture de l’enquête concernant, en général, les comportements infractionnels en cause, il n’en demeurerait pas moins que la requérante serait tenue, aux fins de l’annulation de la décision attaquée, d’établir que l’exercice de ses droits de la défense a été affecté du fait de la durée de la procédure administrative et que le contenu de la décision attaquée en a été modifié.

112    Dans ce contexte, il ressort clairement des écritures de la requérante que l’argumentation développée dans le cadre de la seconde branche de son premier moyen vise presque exclusivement à contester la validité de la décision attaquée, en raison de la prétendue violation des droits de la défense de la requérante.

113    Il s’ensuit que, pour que la seconde branche du premier moyen puisse aboutir, la requérante aurait dû en tout état de cause démontrer l’incidence concrète de la durée de la procédure sur son issue.

114    Or, il doit être jugé que la requérante ne fait valoir aucun élément probant en ce sens.

115    En effet, le seul élément avancé par la requérante dans ce contexte concerne le retrait d’Arkema du groupe Total. Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’appréciation du Tribunal de la première branche du premier moyen, cette simple assertion ne saurait permettre d’établir que la durée de la procédure a porté atteinte aux droits de la défense de la requérante.

116    Par conséquent, pris en sa seconde branche, le premier moyen doit également être rejeté.

117    Partant, il convient de rejeter, dans son ensemble, le premier moyen d’annulation de la décision attaquée, que la requérante tire de violations des droits de la défense.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit quant à l’imputation des infractions

118    Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante invoque, aux fins de l’annulation de la décision attaquée, différentes erreurs de droit quant à l’imputation des infractions.

119    En substance, elle prétend que la Commission lui a, à tort, imputé les comportements infractionnels d’Arkema et de CECA dans la décision attaquée.

120    Le deuxième moyen d’annulation de la requérante est composé de trois branches.

121    Par une première branche, la requérante soutient que la Commission a, par la décision attaquée, enfreint l’article 81 CE, en ce que, durant les périodes infractionnelles, elle ne constituait pas, avec Arkema et CECA, une entreprise, au sens de cette disposition.

122    Par une deuxième branche, la requérante prétend que, en lui imputant des comportements infractionnels d’Arkema et de CECA, la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalité au regard d’un principe d’autonomie juridique et économique des personnes morales.

123    Par une troisième branche, la requérante invoque, du fait de ladite imputation, une violation de différents principes et droits fondamentaux.

–       Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 81 CE

124    Dans le cadre de la première branche de son deuxième moyen, la requérante reproche à la Commission, premièrement, d’avoir erronément fait application, en l’espèce, de la seule présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante (premier grief) ; deuxièmement, d’avoir retenu des éléments erronés pour renforcer ladite présomption (deuxième grief) ; troisièmement, d’avoir erronément écarté les éléments qu’elle a produits pour renverser ladite présomption (troisième grief) et, quatrièmement, d’avoir manqué à l’obligation de motivation lui incombant à cet égard (quatrième grief).

125    En premier lieu, pour ce qui est du grief tiré de l’application, dans les circonstances de l’espèce, de la seule présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, à défaut de tout indice complémentaire la confortant, il suffit de relever que, dans sa réponse, du 4 avril 2012, à une question écrite posée par le Tribunal, la requérante a précisé que, à la suite de l’arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, ainsi que des ordonnances de la Cour du 2 février 2012, Elf Aquitaine/Commission (C‑404/11 P, non encore publiée au Recueil), et Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, elle maintenait l’ensemble de ses griefs dans le cadre de son deuxième moyen, à l’exception du premier grief qu’elle avait fait valoir dans le cadre de la première branche de son deuxième moyen, auquel elle renonçait.

126    Cela étant précisé, il est de jurisprudence constante que, dans le cas particulier où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 56, et la jurisprudence citée).

127    Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale est détenue par une société mère pour présumer que cette dernière exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale, de sorte que la Commission n’est pas tenue, en vue de faire jouer la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante dans un cas donné, d’apporter des indices supplémentaires par rapport à ceux démontrant l’application de la présomption (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 80).

128    À cet égard, il y a lieu d’observer que, dans le cadre de la première branche de son deuxième moyen, la requérante ne conteste pas la réunion, en l’espèce, des conditions d’application de la présomption de l’exercice d’une influence déterminante.

129    En deuxième lieu, la requérante soutient, en revanche, avoir rapporté, dans sa réponse à la communication des griefs, la preuve de l’autonomie de son ancienne filiale Arkema par le biais d’un faisceau d’indices.

130    Elle aurait démontré que, au moment des faits, son groupe était caractérisé par une gestion décentralisée de ses filiales et qu’elle a opéré en tant que holding non opérationnelle qui n’intervenait pas dans la gestion opérationnelle de ses filiales. Son groupe comptait de nombreuses filiales conduisant des activités très diverses dans les domaines pétrolier, chimique et pharmaceutique et, compte tenu de la diversité de ces activités et du cœur de métier du groupe qui était la recherche et l’exploration gazière et pétrolière, la requérante aurait pris la décision de se dégager de toute intervention dans l’intégralité des activités de la chimie, y compris en ce qui concerne les stabilisants thermiques, dont la responsabilité exclusive incombait à Arkema et à ses propres filiales, dont CECA.

131    La requérante fait valoir ainsi qu’Arkema disposait d’une pleine et entière autonomie commerciale non seulement de manière générale, mais plus encore, a fortiori, sur les marchés concernés par les infractions constatées dans la décision attaquée.

132    À l’appui de cette affirmation, la requérante soutient, tout d’abord, que sa filiale disposait d’un plein pouvoir de contracter sans autorisation préalable de sa société mère, ce qui lui donnait la possibilité de gérer de manière pleinement autonome sa politique commerciale.

133    Elle fait valoir, ensuite, la définition libre et autonome, par sa filiale, de la production et de la fixation des prix des produits ou des services commercialisés ainsi que celle de ses objectifs de vente et de ses marges brutes.

134    Sa filiale serait intervenue sur les marchés en cause toujours en son nom et pour son propre compte, sans jamais se présenter comme son agent.

135    De plus, la requérante n’aurait jamais eu de clients communs avec ses filiales et elle n’aurait pas opéré sur les marchés des stabilisants thermiques, ni sur des marchés en amont ou en aval.

136    Enfin, elle prétend que, selon ses propres dires, le chiffre d’affaires « dérisoire » généré par le marché des stabilisants étain et celui du secteur ESBO/esters ne lui donnait aucune raison de s’intéresser ou de gérer ces activités aussi « mineures ».

137    Partant, selon la requérante, l’activité d’Arkema sur les marchés en cause n’était nullement subordonnée à ses instructions et elle ne serait jamais intervenue dans la gestion de l’activité relative aux stabilisants thermiques auprès de ses anciennes filiales et ne leur aurait donné aucune instruction concernant cette activité dont elle n’a jamais été informée.

138    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il incombe à la société mère d’apporter des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché en cause (arrêt ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., précité, point 98).

139    Ainsi, s’il suffisait à la partie intéressée de contester ladite présomption en avançant de simples affirmations non étayées, celle-ci serait largement privée de toute son utilité (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 61).

140    Or, en l’espèce, il convient, tout d’abord, de considérer que les affirmations de la requérante selon lesquelles elle ne serait qu’une holding non opérationnelle, comparable, en réalité, à une simple « direction financière », ne sont étayées par aucun élément de preuve.

141    En l’occurrence, la requérante admet elle-même que son comité de direction générale avait pour objet de mettre en œuvre les grandes orientations décidées par le conseil d’administration et, à cet effet, d’autoriser les projets majeurs d’investissements ou d’alliances qui pouvaient avoir un impact « vraiment significatif » sur l’activité des branches du groupe, dont la branche chimie.

142    Il en ressort que la fonction de la requérante était d’assurer une unité de direction et une coordination de nature à exercer une influence déterminante sur le comportement d’Arkema sur les marchés en cause.

143    Il faut, ensuite, considérer que l’argument selon lequel l’activité relative aux stabilisants thermiques ne constituait qu’une très faible part du chiffre d’affaires global d’Arkema et de la requérante n’est pas de nature à démontrer que la requérante a laissé à sa filiale Arkema une autonomie totale pour définir son comportement sur les marchés en cause.

144    Au surplus, l’autonomie d’une filiale par rapport à sa société mère ne doit pas être appréciée exclusivement au regard de son activité dans le domaine des produits en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 64 et 65).

145    Par conséquent, même à supposer qu’un tel argument soit pertinent, il conviendrait d’apprécier l’importance d’Arkema dans son ensemble pour sa société mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 66).

146    Or, la requérante n’a fait valoir aucun élément sur ce point.

147    Enfin, il y a lieu de considérer que, dans un groupe tel que celui de la requérante, la division des tâches constitue un phénomène normal qui ne suffit pas à renverser la présomption selon laquelle la requérante et Arkema constituaient une seule entreprise, au sens de l’article 81 CE, et ce même à supposer qu’il y aurait également des groupes de sociétés qui connaissent une gestion plus centralisée, comme la requérante le soutient.

148    En tout état de cause, ne saurait remettre en cause la conclusion, énoncée au point 142 du présent arrêt, qu’Arkema intervenait sur le marché en son nom et pour son propre compte et non en représentation de la requérante, que cette dernière n’a jamais eu de clients communs avec ses filiales et qu’elle n’a pas opéré sur les marchés des stabilisants thermiques, ni sur des marchés en amont ou en aval, qu’Arkema disposait du pouvoir de contracter sans autorisation préalable, qu’Arkema a toujours librement défini la gamme des produits ou des services qu’elle commercialisait et que la requérante n’a jamais adressé aucune instruction ni directive à sa filiale concernant la production, les prix pratiqués et les débouchés de sa production et qu’Arkema a pleinement bénéficié de la liberté de définir ses objectifs de vente et ses marges brutes.

149    Par conséquent, il convient de considérer que, par son argumentation, la requérante fait état d’affirmations tout à fait générales et péremptoires, en ce qu’elles ne sont aucunement étayées par des éléments de preuve réels ou suffisants quant à ses rapports avec ses filiales concernées par la décision attaquée.

150    En troisième lieu, dans le cadre de son grief tiré d’une insuffisance de motivation entachant la décision attaquée d’illégalité, la requérante fait observer que la Commission a écarté l’intégralité du faisceau d’indices avancé par elle pour réfuter la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante en une seule phrase, au considérant 601 de la décision attaquée, en affirmant que ce faisceau d’indices n’était constitué que de « déclarations de nature générale ».

151    La Commission n’aurait apporté aucune motivation susceptible d’établir le caractère prétendument général ou non probant dudit faisceau d’indices.

152    Selon la requérante, la décision attaquée n’est donc pas suffisamment motivée sur ce point. De même, le rejet des éléments apportés par la requérante par une simple affirmation aurait conféré à la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante un caractère irréfragable.

153    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 146, et la jurisprudence citée).

154    Dans cette perspective, la motivation requise doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 147, et la jurisprudence citée).

155    Ainsi, dans le cadre de décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 148, et la jurisprudence citée).

156    La motivation doit donc, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief, l’absence de motivation ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 149, et la jurisprudence citée).

157    Il est également de jurisprudence constante que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Cependant, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte est satisfaisante doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 150, et la jurisprudence citée).

158    Il ressort également de la jurisprudence que la motivation d’un acte doit cependant être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 151, et la jurisprudence citée).

159    Lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application des règles de l’Union en matière du droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputation des infractions en cause, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputation de l’infraction à cette société (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 152, et la jurisprudence citée).

160    S’agissant plus particulièrement d’une décision de la Commission qui s’appuie de manière exclusive, à l’égard de certains destinataires, sur la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il y a lieu de constater que la Commission est en tout état de cause, sous peine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable, tenue d’exposer de manière adéquate à ces destinataires les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués n’ont pas suffi à renverser ladite présomption. Le devoir de la Commission de motiver ses décisions sur ce point résulte notamment du caractère réfragable de ladite présomption, dont le renversement requerrait des intéressés de produire une preuve portant sur les liens économiques, organisationnels et juridiques entre les sociétés concernées (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 153).

161    C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’apprécier le grief que la requérante tire d’une insuffisance de motivation.

162    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la prise de position de la Commission concernant les éléments apportés par la requérante pour renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante figure au considérant 601 de la décision attaquée dans les termes suivants :

« C’était donc à [la requérante] de prouver que cette présomption était inapplicable en produisant des éléments de preuves suffisants pour démontrer que les sociétés en question [ne constituent pas une unité économique unique]. Les déclarations de nature générale de [la requérante], qui ne sont accompagnées d’aucun élément de preuve (considérant 600), ne constituent pas des éléments de preuve permettant de renverser la présomption selon laquelle elle a effectivement exercé une influence déterminante sur Arkema et CECA. »

163    Partant, c’est à juste titre que la requérante fait observer que la position de la Commission n’est exposée qu’en une seule phrase, selon laquelle « [s]es déclarations de nature générale […] qui ne sont accompagnées d’aucun élément de preuve […] ne constituent pas des éléments de preuve permettant de renverser la présomption ».

164    Toutefois, même si cette motivation est succincte, elle n’en demeure pas moins suffisante dans les circonstances de l’espèce.

165    En effet, la Commission a exposé la raison pour laquelle elle avait considéré que les éléments avancés par la requérante n’étaient pas suffisants pour renverser, en l’espèce, la présomption de l’exercice d’une influence déterminante.

166    La décision attaquée a donc fourni à la requérante les indications nécessaires lui permettant de défendre ses droits.

167    En particulier, la requérante a pu non seulement contester l’exactitude de cette affirmation, en faisant valoir qu’elle avait étayé ses affirmations par des preuves suffisantes, mais aussi contester sa pertinence, en faisant valoir que les affirmations en cause, même non étayées, étaient en l’espèce suffisantes pour renverser ladite présomption.

168    En outre, si la Commission est certes tenue de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amenée à prendre sa décision, il n’est pas exigé qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240/82 à 242/82, 261/82, 262/82, 268/82 et 269/82, Rec. p. 3831, point 88, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T‑3/89, Rec. p. II‑1177, point 222), et notamment qu’elle prenne position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 153, et la jurisprudence citée).

169    Ainsi, si la Commission doit faire apparaître, dans sa décision, les raisons pour lesquelles elle considère que les éléments avancés sont insuffisants pour renverser la présomption de l’exercice d’une influence déterminante, il ne s’ensuit pas qu’elle soit tenue, dans chaque cas, de discuter spécifiquement chacun des éléments avancés par les entreprises concernées. Une réponse globale, telle que celle qui a été fournie dans la décision attaquée, peut, selon les circonstances de l’espèce, suffire pour que l’entreprise puisse défendre utilement ses droits et pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle.

170    Or, en l’espèce, la Commission ne s’est pas bornée à retenir, de façon répétitive et non circonstanciée, que les affirmations et documents fournis par la requérante n’étaient pas suffisants pour renverser la présomption, sans indiquer les motifs qui l’ont amenée à prendre cette position.

171    En effet, il ressort de la décision attaquée que la Commission y a clairement exposé que la requérante n’avait pas démontré l’absence d’unité économique en ce que les éléments de preuve apportés n’étaient pas suffisants, dès lors qu’elle s’était contentée de déclarations de nature générale dans sa réponse à la communication des griefs.

172    Il en ressort clairement, d’une part, que la détention de près de 100 % du capital d’Arkema a seulement permis à la Commission de faire jouer la présomption de l’exercice d’une influence déterminante et, d’autre part, que celle-ci n’a pas été renversée, selon la Commission, au motif précis que les éléments avancés par la requérante constituaient seulement des déclarations de nature générale qui n’étaient accompagnées d’aucun élément de preuve.

173    Partant, le grief que tire la requérante d’une insuffisance de motivation dans le cadre de la première branche de son deuxième moyen doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, l’argument de la requérante selon lequel ladite insuffisance de motivation aurait retiré son caractère réfragable à la présomption de l’exercice d’une influence déterminante.

174    En quatrième lieu, concernant le grief tiré du caractère erroné des éléments additionnels retenus par la Commission, aux considérants 594 à 597 de la décision attaquée, afin de corroborer, en l’espèce, la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il convient de relever que la Commission n’a fait état de ces éléments qu’à titre surabondant, ainsi que cela ressort clairement des considérants 594 et 601 de la décision attaquée.

175    Aussi le caractère inopérant des arguments de la requérante doit-il être retenu, dès lors que la Commission a, à bon droit, imputé les comportements infractionnels en cause sur la seule base d’une présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, que les éléments invoqués par la requérante n’ont pas permis, en l’espèce, de renverser ladite présomption et que la décision attaquée était, à cet égard, motivée à suffisance de droit, ainsi que cela a été jugé dans le présent arrêt.

176    Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen, que la requérante a fait valoir aux fins de l’annulation de la décision attaquée.

–       Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation d’un principe d’autonomie juridique et économique des personnes morales

177    Dans le cadre de la deuxième branche de son deuxième moyen, la requérante prétend que, en lui imputant des comportements infractionnels d’Arkema et de CECA, la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalité au regard d’un principe d’autonomie juridique et économique des personnes morales, en ce que ces comportements lui ont été imputés sur la seule base de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, confortée par aucune preuve matérielle.

178    Selon la requérante, ledit principe, consacré en droit français et en vertu duquel chaque personne juridique répond de ses actes, ne peut trouver application pour un groupe de sociétés, à défaut de personnalité juridique, et ne saurait être écarté que si est établie, par des preuves précises, concrètes et concordantes, l’absence d’indépendance d’une filiale par rapport à sa société mère.

179    La requérante prétend que ce principe est enfreint par le caractère de facto irréfragable de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, en violation, par la Commission, des compétences des États membres et du principe de subsidiarité.

180    À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, et que cette notion, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir, en ce sens, arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., précité, point 95, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 53).

181    Aussi s’agit-il d’une notion propre au droit de l’Union, indépendante de la qualification juridique de l’entité concernée dans le droit d’un État membre (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, points 11 et 12, et du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, Rec. p. I‑1979, points 21 à 23).

182    Il en résulte que le fait qu’une filiale dispose, en vertu du droit d’un État membre, d’une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité qu’elle constitue une seule entreprise avec sa société mère, dotée également d’une personnalité juridique propre.

183    Par conséquent, la requérante ne saurait utilement faire valoir la portée d’un principe, le cas échéant consacré par le droit d’un État membre, d’autonomie juridique et économique des sociétés, dès lors que le droit des États membres ne constitue pas le cadre juridique pertinent au regard duquel la légalité d’une décision de la Commission, telle que la décision attaquée dans la présente affaire, doit être appréciée (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 120, et ordonnance Elf Aquitaine/Commission, précitée, point 21).

184    Il y a lieu, ensuite, de souligner que les comportements infractionnels en cause ont été imputés à la requérante au motif que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur ses filiales n’avait pas été réfutée, la requérante n’ayant pas produit d’éléments de preuve suffisants pour en établir l’autonomie.

185    La simple circonstance que, dans un cas donné, une entité ne produise pas ou ne soit pas en mesure de produire d’éléments de preuve de nature à renverser ladite présomption ne saurait impliquer son caractère irréfragable de jure ou de facto (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, points 59, 65 et 66, et arrêt du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 79).

186    Au demeurant, la Commission n’est pas tenue, aux fins d’invoquer la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante dans un cas donné, d’apporter des indices supplémentaires pour étayer ladite présomption, indépendamment de ceux qui en conditionnent l’application, ainsi que cela a été rappelé au point 127 du présent arrêt.

187    Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir, dans la décision attaquée, fait état d’indices concrets supplémentaires de l’absence d’autonomie de la filiale de la requérante sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 78).

188    Enfin, s’agissant de l’argument tiré d’une violation du principe de subsidiarité, il y a lieu de relever que ce principe ne remet pas en cause les compétences qui ont été conférées à la Commission par le traité CE, parmi lesquelles figure l’application des règles de la concurrence (arrêt du Tribunal du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑339/04, Rec. p. II‑521, point 89).

189    En effet, d’une part, la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante participe à la réalisation de l’objectif consistant à réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence du droit de l’Union et à en prévenir le renouvellement (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 59).

190    D’autre part, ladite présomption ne constitue qu’une modalité de preuve à laquelle peut recourir la Commission dans le cadre de ses investigations en matière de concurrence et ne préjuge en rien des rapports entre les sociétés mères et leurs filiales, notamment du degré d’autonomie juridique ou économique d’une filiale en application de la législation nationale dont elle relève et des choix des sociétés en cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 121).

191    Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen, que la requérante a fait valoir aux fins de l’annulation de la décision attaquée.

–       Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de principes et de droits fondamentaux

192    Dans le cadre de la troisième et dernière branche de son deuxième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir nié la nature pénale des amendes infligées pour infraction au droit de la concurrence (premier grief) et lui reproche d’avoir enfreint, pêle-mêle, les principes de présomption d’innocence (deuxième grief), de personnalité des peines (troisième grief), de légalité (quatrième grief), d’égalité de traitement (cinquième grief) et de sécurité juridique (sixième grief).

193    En premier lieu, pour ce qui est du grief tiré de la nature pénale des amendes infligées pour violation des règles de la concurrence du droit de l’Union, d’une part, force est de constater que, dans le cadre de ce grief, la requérante se contente de reprocher à la Commission d’avoir écarté cet argument comme dénué de pertinence aux fins de l’adoption de la décision attaquée.

194    D’autre part, la requérante n’explicite aucunement l’incidence, aux fins de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée, de la nature pénale des amendes infligées pour violation des règles de la concurrence du droit de l’Union, sinon en se référant, de manière générique et péremptoire, à un renforcement de la protection des droits fondamentaux des destinataires des décisions infligeant de telles amendes.

195    Partant, ce grief ne saurait prospérer, en soi, aux fins de l’annulation de la décision attaquée.

196    En deuxième lieu, concernant les griefs tirés de violations des principes de présomption d’innocence et de personnalité des peines, il suffit, pour les rejeter, de rappeler que la Cour a déjà jugé que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante visait notamment à ménager un équilibre entre l’importance, d’une part, de l’objectif consistant à réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence, en particulier à l’article 81 CE, et d’en prévenir le renouvellement et, d’autre part, des exigences de certains principes généraux du droit de l’Union tels que, notamment, les principes de présomption d’innocence, de personnalité des peines et de sécurité juridique ainsi que les droits de la défense, et que c’est notamment pour cette raison que ladite présomption est réfragable (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 59).

197    En troisième lieu, pour ce qui est du grief tiré d’une violation du principe de légalité, il suffit, pour le rejeter, de souligner qu’il repose sur une prémisse erronée, dès lors que, contrairement à ce que la requérante allègue, une infraction à l’article 81 CE lui a été à bon droit imputée et que les sanctions relatives à une telle infraction sont clairement prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de sorte qu’elle n’est pas fondée à invoquer une violation dudit principe.

198    En quatrième lieu, dans le cadre d’un grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’une part, la requérante fait observer qu’elle a fait l’objet, dans la décision attaquée, d’un traitement analogue à celui des autres sociétés mères impliquées, mais que, pour ces dernières et non pour elle-même, la Commission aurait conforté la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante par un faisceau d’indices complémentaires, concrets et convaincants.

199    D’autre part, la requérante fait observer que, à la même époque des faits litigieux, une autre infraction impliquant Arkema a été commise, laquelle a donné lieu à la décision C (2003) 4570 final de la Commission, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/E-2/37.857 – Peroxydes organiques) (ci-après la « décision Peroxydes organiques », résumé au JO 2005, L 110, p. 44). Or, alors que son groupe était géré de la même manière, sa responsabilité n’a pas été retenue.

200    Ces arguments ne peuvent qu’être rejetés.

201    D’une part et ainsi qu’il a été rappelé au point 127 du présent arrêt, dès lors que les conditions d’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante sont réunies, la Commission n’est pas tenue d’étayer ladite présomption par des indices supplémentaires, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir ou non retenu de tels indices selon les entreprises concernées.

202    D’autre part, la Commission n’est pas liée par sa pratique antérieure ou par ses appréciations sur des questions d’imputation à une même société dans une autre affaire, de sorte que la requérante ne saurait utilement, dans la présente affaire, invoquer la décision Peroxydes organiques (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission T‑217/06, Rec. p. II‑2593, points 120 à 123).

203    En cinquième lieu, pour les mêmes motifs, il faut rejeter le grief que la requérante tire d’une prétendue violation du principe de sécurité juridique, dès lors qu’elle se contente, à ce titre, de faire valoir que la Commission s’est écartée de la position qu’elle avait adoptée dans la décision Peroxydes organiques.

204    Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen, que la requérante a fait valoir aux fins de l’annulation de la décision attaquée.

205    Partant, il y a lieu de rejeter, dans son ensemble, le deuxième moyen d’annulation de la décision attaquée, que la requérante tire d’erreurs de droit quant à l’imputation des infractions.

 Sur la première branche du troisième moyen et sur le quatrième moyen, tirés de la prescription des pouvoirs de la Commission d’infliger des amendes et de son défaut d’intérêt légitime pour constater les infractions

206    Dans le cadre de la première branche de son troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas établi que les infractions ont perduré jusqu’au 11 novembre 1999.

207    La décision attaquée ayant été adoptée le 11 novembre 2009, les pouvoirs de la Commission d’infliger des amendes auraient été prescrits à cette date, en application de l’article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003.

208    Selon la requérante, la Commission n’a pas valablement établi que les infractions ont perduré au-delà du 23 février 1999, pour les stabilisants étain, et au-delà du 29 septembre 1999, pour le secteur ESBO/esters.

209    La requérante conteste, à cet effet, la recevabilité ou la force probante des éléments de preuve retenus par la Commission dans la décision attaquée.

210    La requérante ajoute que la prescription acquise au 11 novembre 2009, en application de l’article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, n’a pas été suspendue, en application du paragraphe 6 du même article, du fait de la procédure judiciaire Akzo.

211    À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, dans le cadre de son appréciation du deuxième moyen de la requérante, le Tribunal a jugé que la Commission lui a, à bon droit, imputé les comportements infractionnels d’Arkema et de CECA.

212    D’autre part, il faut souligner que, par cette première branche de son troisième moyen, la requérante ne conclut qu’à l’annulation de la décision attaquée en invoquant uniquement une violation de l’article 25, paragraphes 5 et 6, du règlement n° 1/2003, mais qu’elle ne demande pas au Tribunal de réformer, dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction, la décision attaquée quant au montant des amendes qui lui ont été infligées du fait, le cas échéant, d’une durée plus courte des infractions.

213    Ainsi, pour apprécier le bien-fondé de la première branche de son troisième moyen, il suffit pour le Tribunal de vérifier si la Commission a, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, que les infractions ont perduré jusqu’au 11 novembre 1999.

–       Rappel de la jurisprudence pertinente

214    À cet égard, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour Baustahlgewebe/Commission, précité, point 58 ; du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 86, et du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 62).

215    Aussi est-il nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. I‑2501, point 180, et la jurisprudence citée).

216    Certes, si la Commission constate une infraction aux règles de la concurrence en se fondant sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction. En effet, dans un tel cas, il ne saurait être considéré que la Commission a apporté la preuve de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 16, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I-1307, points 126 et 127).

217    Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction, car il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêts du Tribunal, JFE Engineering e.a./Commission, précité, point 180, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, points 56 et 271).

218    Il convient également de considérer que l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 55).

219    Par ailleurs, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 56).

220    Ainsi, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 57).

221    En outre, il ressort de la jurisprudence que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement l’intégralité de la durée d’une infraction, la Commission doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 79, et du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II‑6681, point 132).

222    La Cour a également jugé que, dès lors que la Commission a pu établir qu’une entreprise a participé à des réunions entre entreprises à caractère manifestement anticoncurrentiel, le Tribunal avait pu estimer à juste titre qu’il incombait à cette dernière de fournir une autre explication du contenu de ces réunions. Ce faisant, le Tribunal n’avait pas opéré un renversement indu de la charge de la preuve, ni violé la présomption d’innocence (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, point 181).

223    De même, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve qui sont, en principe, suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance s’est produite qui pourrait affecter la valeur probante de ces éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante de ceux-ci. Au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même, il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission (arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, T‑141/08, Rec. p. II‑5761, point 56).

224    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de vérifier si la Commission a, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, que les infractions ont perduré jusqu’au 11 novembre 1999.

–       Sur la durée des infractions

225    En l’espèce, il convient d’emblée de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les infractions ont duré, sous la forme de réunions des entreprises impliquées, organisées notamment en Suisse par Fides Trust AG puis par AC-Treuhand AG (ci-après les « réunions AC-Treuhand »), jusqu’au 21 mars 2000, pour ce qui est de l’infraction portant sur les stabilisants étain, et jusqu’au 26 septembre 2000, pour ce qui est de l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters (considérant 100 de la décision attaquée).

226    La Commission a également considéré que, « pour un nombre considérable de réunions, […] il exist[ait] des preuves directes et contemporaines que les participants […] tenaient régulièrement des réunions à objet anticoncurrentiel » (considérant 137 de la décision attaquée).

227    Il convient également de souligner que la requérante admet dans ses écrits que les réunions AC-Treuhand ont eu, pour le moins jusqu’au 23 février 1999 pour les stabilisants étain et jusqu’au 29 septembre 1999 pour le secteur ESBO/esters, un objet anticoncurrentiel.

228    Elle ne conteste pas la participation de CECA à ces réunions, ni que toutes les réunions AC-Treuhand ont été animées par M. S, un collaborateur d’AC-Treuhand.

229    Ainsi, même si elle en conteste la durée, la requérante admet une participation de CECA à des infractions à l’article 81 CE dans le secteur des stabilisants étain et dans le secteur ESBO/esters.

230    La requérante ne conteste pas non plus l’existence de réunions AC-Treuhand après le 23 février 1999, pour les stabilisants étain, et après le 29 septembre 1999, pour le secteur ESBO/esters, de même que postérieurement au 11 novembre 1999, ni que toutes ces réunions AC-Treuhand ont été animées par M. S.

231    Elle ne conteste pas plus la participation de CECA à des réunions AC-Treuhand postérieurement au 11 novembre 1999.

232    Cependant, la requérante soutient que la Commission n’a pas établi, à suffisance de droit, l’existence des comportements infractionnels reprochés avec des éléments suffisamment probants pour ce qui est des réunions AC-Treuhand qui ont eu lieu postérieurement au 11 novembre 1999.

233    Par conséquent, pour apprécier le bien-fondé du troisième moyen pris en sa première branche, il suffit de vérifier si, en l’espèce, la Commission a établi, à suffisance de droit, que les réunions AC-Treuhand qui ont eu lieu après le 11 novembre 1999, auxquelles CECA a participé, avaient, tout comme celles qui les ont précédées, un objet anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 155 ; Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 96, et Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 81).

–       Sur la poursuite, au-delà du 11 novembre 1999, de l’infraction portant sur les stabilisants étain

234    Concernant le secteur des stabilisants étain, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que des comportements infractionnels avaient duré jusqu’au 21 mars 2000, c’est-à-dire, pour le moins, au-delà du 11 novembre 1999, sur la base de différents éléments de preuve énoncés aux considérants 299 à 304, pour l’année 1999, et 316 à 323, pour l’année 2000.

235    Premièrement et pour ce qui est de l’année 1999, neuf réunions AC-Treuhand ont eu lieu à Zurich (Suisse) et à Lugano (Suisse), à savoir deux en février, deux en avril, deux en juillet, une en septembre ainsi que deux autres les 29 et 30 novembre 1999, ces réunions ayant rassemblé Akcros, Baerlocher, CECA, Reagens et Chemtura (considérant 299 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

236    Deuxièmement et pour ce qui est de l’année 2000, deux réunions AC-Treuhand ont eu lieu à Zurich, à savoir les 20 et 21 mars, ces réunions ayant rassemblé Akcros, Baerlocher, CECA, Reagens et Chemtura (considérant 316 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

237    Troisièmement, au considérant 317 de la décision attaquée, la Commission a fait valoir un mémorandum daté du 16 février 2000 et rédigé par un collaborateur d’Akcros à l’un de ses supérieurs (ci-après le « mémorandum Akcros »), dont il convient de reproduire intégralement les termes, que ne conteste pas la requérante, ci-après :

« J’ai parlé aux directeurs marketing qui connaissent très bien les marchés UE des stabilisants […] Aujourd’hui nous et la plupart de nos concurrents UE participons à des groupes industriels (un pour l’ESBO et un pour les stabilisants étains) dont l’objectif principal consiste à consolider les informations du marché sous la forme de ventes mensuelles de tonnes. Chaque entreprise membre envoie ces informations à AC-Treuhand, Suisse, qui renvoie les résultats à toutes les entreprises participantes sous la forme de totaux […] Aucune information concurrentielle n’apparaît. Ceci me paraît tout ce qu’il y a de plus régulier et utile. Toutefois, de deux à quatre fois par an, les entreprises membres se rencontrent en Suisse afin de débattre des points d’intérêt commun tels que les perspectives et les tendances du marché, les activités des entreprises non-membres et ainsi de suite. Alors que la réunion présidée par AC-Treuhand ne semble pas en soi abusive, l’on m’a rapporté qu’une fois ensemble, les concurrents discutaient des niveaux des prix et des clients. C’est pour cette raison que je recommanderais de faire savoir à AC-Treuhand que nous ne participerons plus à ces réunions, mais enverrons nos informations sur nos ventes afin de bénéficier de ce service. Il y a deux ans, la situation de ces groupes était tout à fait différente. Puis les feuilles rouges sont apparues : [elles] contenaient le procès-verbal des réunions et détaillaient les décisions de groupes, portant sur les hausses de tarifs et la répartition des marchés. L’on y parlait également de clients spécifiques. Ces procès-verbaux n’étaient pas distribués mais conservés dans des dossiers AC-Treuhand, en ‘sécurité’, puisque la Suisse n’était pas membre de l’UE. En 1996 ou 1997, ce genre de réunion n’a plus eu lieu, vraisemblablement à cause des pressions accrues pour ne pas exercer de telles activités, en raison d’une application plus rigoureuse des lois. Plus d’un membre du groupe étain a exercé une pression sur notre représentant pour revenir à la situation où la fixation des prix et la répartition du marché étaient régulièrement convenues lors de ces réunions AC-Treuhand. Baerloecher exerce la plus forte pression sur nous ainsi que sur d’autres membres qui ne sont pas en faveur d’un tel accord. Ils parlent plus particulièrement de ‘geler’ les parts de marchés, mais si un membre augmente sa part en prenant un client, il devrait céder un autre client pour retrouver l’équilibre. Cela serait confirmé par des vérifications mensuelles des quotas. Nous n’accepterons plus de participer à de telles activités abusives, et ceci est une raison supplémentaire pour laquelle nous devrions nous retirer de ces réunions […] En résumé, il y a eu apparemment des réunions/discussions abusives auxquelles a bien participé Akcros. Bien que nous ayons encore probablement des discussions occasionnelles qui pourraient être considérées comme étant inadéquates, nous ne participons plus à ces réunions officielles qui sont clairement inappropriées. Je recommanderais de : 1) notifier à AC-Treuhand que nous n’assisterons plus aux réunions en Suisse pour les groupes étain et [ESBO/esters], même si nous continuons à envoyer nos données de vente comme auparavant ; 2) organiser une formation de sensibilisation […] pour nos directeurs marketing (et autres) afin qu’ils connaissent clairement les limites à ne pas franchir dans le cadre des contacts avec les concurrents. Veuillez me faire savoir si vous adhérez à ces suggestions. »

238    Quatrièmement et pour corroborer son interprétation du mémorandum Akcros, la Commission a fait valoir, au considérant 318 de la décision attaquée, qu’Akzo avait reconnu que le mémorandum Akcros avait été précédé de notes manuscrites de l’auteur dudit mémorandum (ci-après les « notes manuscrites Akcros ») dont il ressort, ce que ne conteste pas la requérante, d’une part, que des discussions « non écrites » avaient lieu sur le « niveau des prix », « devant être augmenté[s] » ou « soutenu[s] » ainsi que sur « certains clients » et, d’autre part, que les réunions avaient lieu en « Suisse, non membre de l’UE », car ne pouvant « pas faire l’objet de visites surprises ».

239    Cinquièmement, la Commission a fait observer que, dans le prolongement du mémorandum Akcros, le représentant de cette société avait fait savoir, dans le cadre d’une réunion AC-Treuhand du 21 mars 2000 à Zurich, qu’elle ne participerait plus aux réunions AC-Treuhand « tout en continuant à échanger des données sur les ventes » (considérant 319 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

240    Sixièmement, la Commission a souligné qu’Akcros avait confirmé, par courrier du 5 juin 2000 adressé à M. S., alors collaborateur d’AC-Treuhand, qu’elle ne participerait plus aux réunions AC-Treuhand (considérant 321 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

241    Septièmement, la Commission a fait valoir des déclarations effectuées par Chemtura dans le cadre de sa coopération avec elle durant la procédure administrative, faisant état de la continuation de l’entente sur les stabilisants étain « jusqu’en 2000 » [considérant 420, sous a), de la décision attaquée].

242    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, pris ensemble, le Tribunal estime que la Commission a établi la preuve de l’infraction qu’elle a constatée dans la décision attaquée concernant les stabilisants étain, en rapportant des éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs de l’infraction portant sur les stabilisants étain dans la présente affaire, en ce sens que la Commission a fait état, dans la décision attaquée, de preuves suffisantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction portant sur les stabilisants étain a été commise par la requérante.

243    En effet, considérés ensemble, les différents éléments de preuve rapportés aux points 236 à 242, pour ce qui est des stabilisants étain, excluent que les réunions AC-Treuhand qui se sont tenues fin novembre 1999 et en mars 2000, pour ce qui est des stabilisants étain, n’aient pas eu un objet anticoncurrentiel.

244    Lesdits éléments démontrent clairement l’objet anticoncurrentiel de ces réunions AC-Treuhand, notamment pour ce qui est du mémorandum Akcros, critiquant la nature anticoncurrentielle des réunions AC-Treuhand, de la décision de cette entreprise de ne plus y participer, du fait qu’elle s’en soit distanciée publiquement, et ce à deux reprises durant l’année 2000, de même du fait qu’elle ait envisagé une formation de sensibilisation de ses directeurs marketing aux règles de la concurrence, des déclarations de Chemtura témoignant de la continuation de l’entente « jusqu’en 2000 » ainsi que de l’absence de toute preuve, de la part de la requérante, quant au changement de nature des réunions AC-Treuhand.

245    Il en ressort que les réunions AC-Treuhand de la fin de novembre 1999 et de mars 2000 n’ont pas pu avoir un objet différent de celui des précédentes réunions alors que les mêmes entreprises et les mêmes personnes se rencontraient dans le même contexte autour de M. S.

246    Par conséquent, il y a lieu de juger que la Commission a fait état, dans la décision attaquée, d’un faisceau d’indices qui, appréciés globalement, fondent la ferme conviction que les comportements infractionnels portant sur les stabilisants étain ont été adoptés dans le cadre des réunions AC-Treuhand, au-delà du 11 novembre 1999.

247    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante, laquelle retient que la Commission n’a pas valablement établi que l’infraction a perduré au-delà du 23 février 1999, date de la dernière réunion qui s’est tenue à Zurich dont l’objet anticoncurrentiel serait établi. En substance, pour les stabilisants étain, la requérante fait valoir que la Commission ne saurait présumer que toutes les réunions d’AC-Treuhand, dont la dernière a eu lieu le 21 mars 2000, auraient eu un objet illicite en ce qu’il n’existe aucune preuve de l’objet anticoncurrentiel des réunions qui soit recevable au-delà de la réunion du 23 février 1999.

248    Premièrement, la requérante ne saurait utilement contester la recevabilité de certains éléments de preuve avancés par la Commission dans la décision attaquée afin de justifier la continuation de l’infraction au-delà du 23 février 1999, en ce que ces éléments ne figuraient pas dans la communication des griefs pour ce qui est de l’infraction portant sur les stabilisants étain.

249    En effet, quand bien même la Commission n’aurait pas évoqué ces éléments de preuve pour ce qui était de l’infraction portant sur les stabilisants étain, il n’en demeure pas moins que l’argumentation de la requérante doit être rejetée en ce qu’elle est inopérante, dès lors que le Tribunal considère que la Commission a établi, à suffisance de droit, que l’infraction avait perduré jusqu’au 11 novembre 1999 sur la base d’éléments de preuve, rapportés aux points 235 à 241 du présent arrêt, dont la recevabilité n’est pas contestée par la requérante.

250    Deuxièmement, la requérante ne saurait valablement soutenir que la Commission a procédé à une interprétation déformée du mémorandum Akcros.

251    En effet, il ne ressort nullement dudit mémorandum que les réunions AC-Treuhand qui ont eu lieu en 2000 étaient des « réunions régulières » du point de vue des règles de la concurrence, contrairement à ce que soutient la requérante.

252    Force est de constater que, dans ses écrits, la requérante ne privilégie pas une lecture intégrale du mémorandum Akcros, reproduit au point 237 du présent arrêt.

253    Ainsi, il ressort clairement de certains passages du mémorandum Akcros, daté du 16 février 2000, que son auteur a recommandé de ne plus participer à ces réunions, et ce à deux reprises dans ce document, et de se contenter d’envoyer « [les] informations sur [les] ventes ». Il a également fait état, en utilisant le présent, ce qu’il convient de souligner, du « ge[l] [d]es parts de marchés » et de « discussions occasionnelles qui pourraient être considérées comme inadéquates » et qui sont « clairement inappropriées ».

254    En tout état de cause, une lecture d’ensemble du mémorandum Akcros permet d’établir, à suffisance de droit, l’existence des comportements infractionnels reprochés à la requérante dans la décision attaquée, en ce qu’il en ressort, pour ce qui concerne au demeurant tant le marché des stabilisants étain que celui du secteur ESBO/esters, la preuve qu’une entreprise participant aux réunions AC-Treuhand en a constaté l’objet anticoncurrentiel et que cette même entreprise a jugé opportun de ne plus participer auxdites réunions en mars 2000 et de se distancier ouvertement et à deux reprises de leur objet, et ce au cours du premier trimestre de l’année 2000, c’est-à-dire durant une période contemporaine des réunions AC-Treuhand dont l’existence n’est pas contestée par la requérante.

255    Il ne saurait être retenu qu’un tel comportement de la part d’Akcros, adopté durant le premier semestre de l’année 2000, visait des réunions anticoncurrentielles datant de trois, voire quatre, années plus tôt.

256    Troisièmement, la requérante ne saurait utilement faire valoir le comportement sur le marché de CECA après le 23 février 1999, baissant ses prix au lieu de les augmenter, à défaut de distanciation publique de l’entente de la part de CECA (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 120).

257    Pour l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de juger que la Commission a établi, à suffisance de droit, la poursuite, au-delà du 11 novembre 1999, de l’infraction portant sur les stabilisants étain de la part de la requérante.

–       Sur la poursuite, au-delà du 11 novembre 1999, de l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters

258    Concernant le secteur ESBO/esters, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les comportements infractionnels avaient perduré en 1999 et jusqu’au 26 septembre 2000, c’est-à-dire au-delà du 11 novembre 1999, sur la base de différents éléments de preuve énoncés aux considérants 305 à 315, pour l’année 1999, et 316 à 323, pour l’année 2000.

259    Premièrement et pour ce qui est de l’année 1999, huit réunions AC-Treuhand ont eu lieu, à savoir deux en janvier, deux en mai, deux en septembre ainsi qu’une le 14 décembre et une autre le lendemain, ces réunions ayant rassemblé Akcros, CECA, Chemson, Faci et Chemtura (considérant 305 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

260    Deuxièmement, la Commission a souligné que le rapport mensuel de Chemtura pour le mois d’août, daté du 16 septembre 1999, indiquait que des entreprises étaient parvenues « à une augmentation de prix d’environ 10 % pour [le secteur ESBO/esters] effective en octobre » (considérant 308 de la décision attaquée).

261    Troisièmement, la Commission a fait état, au considérant 315 de la décision attaquée, d’un procès-verbal d’une réunion du 15 décembre 1999, rédigé par AC-Treuhand et mentionnant l’impossibilité d’une « coopération plus rapprochée […] dans l’immédiat » avec une autre entreprise ne participant pas encore aux réunions AC-Treuhand.

262    Quatrièmement et pour ce qui est de l’année 2000, cinq réunions AC-Treuhand ont eu lieu, à savoir deux en mars, une en juin et deux en septembre, ces réunions ayant rassemblé Akcros, CECA, Chemson, Faci et Chemtura (considérant 316 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

263    Cinquièmement, la Commission a fait valoir le mémorandum Akcros, dont le contenu a été reproduit au point 237 du présent arrêt.

264    Sixièmement, la Commission a également fait valoir les notes manuscrites Akcros, dont il a été fait état au point 238 du présent arrêt.

265    Septièmement, la Commission a fait valoir que, dans le prolongement du mémorandum Akcros, le représentant de cette société avait fait savoir, dans le cadre d’une réunion AC-Treuhand du 22 mars 2000 à Zurich, qu’elle ne participerait plus aux réunions AC-Treuhand (considérant 319 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

266    Huitièmement, la Commission a également précisé qu’Akcros avait confirmé, par courrier du 5 juin 2000, son intention de ne plus participer aux réunions AC-Treuhand (considérant 320 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

267    Neuvièmement, la Commission a fait état du procès-verbal d’une réunion du 26 septembre 2000 organisée par AC Treuhand en Italie, qu’elle a obtenu de la part de Chemson durant la procédure administrative et mentionnant la possibilité que la « coopération » ne se poursuive « pas comme par le passé » (considérant 323 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

268    Dixièmement, la Commission a également fait valoir des déclarations effectuées par Chemtura dans le cadre de sa coopération avec elle durant la procédure administrative faisant état de la continuation de l’entente sur le secteur ESBO/esters « jusqu’en 2001 » [considérant 420, sous b), de la décision attaquée].

269    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, pris ensemble, le Tribunal estime que la Commission a établi la preuve de l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters qu’elle a constatée dans la décision attaquée en rapportant des éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs de l’infractions en cause dans la présente affaire, en ce sens que la Commission a fait état, dans la décision attaquée, de preuves suffisantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters a été commise par la requérante.

270    En effet, considérés ensemble, les différents éléments rapportés aux points 259 à 268 du présent arrêt, pour ce qui est du secteur ESBO/esters, excluent que les réunions AC-Treuhand qui se sont tenues pour le moins en décembre 1999, pour ce secteur, n’aient pas eu un objet anticoncurrentiel.

271    Lesdits éléments démontrent clairement l’objet anticoncurrentiel de ces réunions AC-Treuhand, notamment pour ce qui est du procès-verbal de AC-Treuhand daté du 15 décembre 1999 visé au point 261 du présent arrêt, du mémorandum Akcros, critiquant la nature anticoncurrentielle des réunions AC-Treuhand, de la décision de cette entreprise de ne plus y participer, du fait qu’elle s’en soit distanciée publiquement, et ce à deux reprises durant l’année 2000, de ce qu’elle ait envisagé une formation de sensibilisation de ses cadres aux règles de la concurrence, des déclarations de Chemtura témoignant de la continuation de l’entente « jusqu’en 2001 » ainsi que de l’absence de toute preuve, de la part de la requérante, quant au changement de nature des réunions AC-Treuhand.

272    Il en ressort que les réunions AC-Treuhand de décembre 1999 et de mars 2000 n’ont pas pu avoir un objet différent de celui des précédentes réunions alors que les mêmes entreprises et les mêmes personnes se rencontraient dans le même contexte autour de M. S., ce que ne conteste pas la requérante.

273    Par conséquent, il y a lieu de juger que la Commission a fait état, dans la décision attaquée, d’un faisceau d’indices qui, appréciés globalement, fondent la ferme conviction que les comportements infractionnels portant sur le secteur ESBO/esters ont été adoptés, par la requérante, dans le cadre des réunions AC-Treuhand, au-delà du 11 novembre 1999 pour le moins.

274    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

275    Premièrement, la requérante ne saurait valablement soutenir que la Commission n’a pas établi l’existence de l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters au-delà du 29 septembre 1999.

276    En effet, il est plus qu’improbable qu’une entente se termine le jour de la dernière réunion de ses participants, car, notamment lorsque son objet est celui des infractions en cause dans la présente affaire, ladite entente est à même de continuer à produire ses effets postérieurement à la date de cette réunion.

277    Or, l’augmentation des prix, discutée lors de la réunion du 29 septembre 1999 et admise par la requérante, a été plus que susceptible de produire ses effets au-delà du 11 novembre 1999.

278    Deuxièmement, la requérante ne saurait convaincre en soutenant qu’il résulte des éléments concernant les réunions AC-Treuhand des 14 et 15 décembre 1999 la preuve d’un refus des participants d’enfreindre les règles de la concurrence.

279    En effet, il ressort, au moins implicitement, de l’élément de preuve rapporté au point 261 du présent arrêt que les entreprises impliquées dans l’entente « coopéraient » et visaient à élargir le cercle de ses membres.

280    Troisièmement, pour ce qui est des cinq réunions pendant l’année 2000 auxquelles la décision attaquée fait référence, la requérante ne saurait non plus convaincre en affirmant que la Commission n’a aucunement établi leur caractère infractionnel et que, bien en contraire, le compte rendu de la dernière réunion du 26 septembre 2000 confirmerait cette volonté de ne plus coopérer « comme par le passé ».

281    En effet, rien n’indique, en tout état de cause, que cette coopération soit uniquement antérieure au 11 novembre 1999.

282    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de juger que la Commission a établi à suffisance de droit dans la décision attaquée que les comportements infractionnels de la requérante dans le secteur ESBO/esters ont perduré au-delà du 11 novembre 1999, de sorte que ses pouvoirs d’infliger des sanctions n’étaient pas prescrits au 11 novembre 2009.

283    Partant, il convient de considérer qu’il n’est pas nécessaire pour le Tribunal de statuer sur la question de savoir si la prescription décennale a été suspendue, en application de l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, du fait de la procédure judiciaire Akzo, dès lors qu’il vient d’être jugé que la Commission a établi, à suffisance de droit, que les infractions ont perduré jusqu’au 11 novembre 1999 indépendamment de la question de savoir si la procédure administrative a été ou non suspendue du fait de la procédure judiciaire Akzo.

284    Aussi convient-il de rejeter la première branche du troisième moyen, tirée de la prescription des pouvoirs de la Commission d’infliger des amendes.

285    Par suite et dans la mesure où elle est privée de sa prémisse, il convient également de rejeter l’argumentation de la requérante, développée dans le cadre de son quatrième moyen d’annulation, concernant l’absence d’un intérêt légitime à constater une infraction.

286    À cet égard, force est de constater que la requérante a elle-même, dans sa requête, conditionné le caractère opérant de son quatrième moyen à l’accueil de son troisième moyen pris en sa première branche, laquelle doit être rejetée.

287    Partant, il convient de rejeter la première branche du troisième moyen et le quatrième moyen d’annulation, que la requérante tire, respectivement, de la prescription des pouvoirs de la Commission d’infliger des amendes et de son défaut d’intérêt légitime pour constater les infractions.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’erreurs de droit concernant les amendes infligées

288    Par la seconde branche de son troisième moyen, la requérante invoque des erreurs de droit concernant les amendes qui lui ont été infligées, du fait, tout d’abord, de l’imposition, à des fins dissuasives, d’amendes « en propre » à son égard ; ensuite, de celle d’amendes distinctes ; enfin, d’une violation des droits de la défense, étant précisé que la requérante ne fait valoir ces griefs qu’aux fins de l’annulation de la décision attaquée et non de sa réformation quant au montant des amendes qui lui ont été infligées.

–       Sur les erreurs de droit alléguées concernant les amendes infligées du fait de l’imposition d’amendes « en propre » à l’égard de la requérante à des fins dissuasives

289    Dans le cadre de la seconde branche de son troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalité, en ce que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, point 13, et paragraphe 2, point 30, de la décision attaquée, la Commission lui a imposé deux amendes « propres ».

290    Pêle-mêle, la requérante prétend que l’imposition de telles amendes est dépourvue de tout fondement juridique et enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE, l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, les lignes directrices de 2006 ainsi que les principes d’autonomie de la personne morale, de présomption d’innocence, de légalité, de responsabilité du fait personnel, de personnalité des peines et d’égalité de traitement.

291    Aux fins d’apprécier le bien-fondé du premier grief que fait valoir la requérante dans le cadre de la seconde branche de son troisième moyen, il y a lieu de rapporter, à titre liminaire, la façon dont les amendes infligées à la requérante ont été fixées dans la décision attaquée.

292    Ainsi que la Commission l’a énoncé au considérant 687 de la décision attaquée, elle a, pour fixer le montant des amendes à infliger, fait application des lignes directrices de 2006 et, le cas échéant, de la communication sur la coopération.

293    En premier lieu, la Commission a procédé à la fixation d’un « montant de base », par référence à la valeur des ventes réalisées par chaque entreprise en relation directe ou indirecte avec l’infraction dans le secteur géographique considéré (à savoir les ventes des stabilisants étain et d’ESBO/esters dans l’EEE) et durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction, à savoir 1999, pour ce qui est de la requérante (considérant 694 de la décision attaquée).

294    Premièrement, la Commission a déterminé le pourcentage spécifique à appliquer à cette valeur de ventes, en fonction du degré de gravité de l’infraction, établi en tenant compte, notamment, de la nature de l’infraction, de la part de marché cumulée de toutes les entreprises concernées pour le produit en question, de l’étendue géographique des infractions et du fait que les infractions aient été mises en œuvre (considérant 700 de la décision attaquée).

295    Au regard de ces facteurs, la Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes pour la requérante, s’agissant de l’infraction portant sur les stabilisants étain, à 20 %, mais à 19 % pour Arkema dès lors que la Commission n’a pas tenu compte de la mise en œuvre rigoureuse de cette infraction dans son cas (considérant 708 de la décision attaquée), et, s’agissant de l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters, à 19 %.

296    Deuxièmement, la Commission a énoncé que, afin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes serait multiplié par le nombre d’années de participation à chaque infraction. À cet effet, les facteurs multiplicateurs appliqués à la requérante ont été de 2,5, pour une durée de deux ans, six mois et douze jours, s’agissant des stabilisants étain, et de 9, pour une durée de neuf ans et quinze jours, s’agissant du secteur ESBO/esters (considérants 710 à 713 de la décision attaquée).

297    Les mêmes durées de participation aux infractions en cause et les mêmes facteurs multiplicateurs ont été appliqués à l’égard d’Arkema et de CECA.

298    Troisièmement, la Commission a considéré que, indépendamment de la durée de participation d’une entreprise aux infractions, il y avait lieu d’inclure dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix et de partage de marché.

299    Selon la Commission, étant donné les circonstances particulières de l’affaire et compte tenu des critères examinés aux considérants 701 à 708 de la décision attaquée, le pourcentage appliqué pour le montant additionnel a été de 20 % pour la requérante, concernant l’infraction portant sur les stabilisants étain, mais de 19 % pour Arkema dès lors que la Commission n’a pas tenu compte de la mise en œuvre rigoureuse de l’infraction, et de 19 % concernant l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters.

300    Sur la base de ces considérations, le montant de base de l’amende de la requérante a été de 5 600 000 euros, pour l’infraction portant sur les stabilisants étain, et de 14 600 000 euros, pour l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters (considérant 717 de la décision attaquée).

301    En deuxième lieu, la Commission a procédé aux ajustements des montants de base des amendes au regard de circonstances aggravantes et atténuantes éventuelles.

302    Au titre des circonstances aggravantes, la Commission a relevé une récidive de la part d’Arkema, qui avait déjà été destinataire de trois décisions de la Commission la tenant responsable pour des ententes antérieures, justifiant une augmentation de 90 % de son montant de base. La Commission a toutefois énoncé que la majoration de l’amende pour cause de récidive ne s’appliquait pas à la requérante, dès lors qu’elle n’avait pas le contrôle d’Arkema à la date des précédentes infractions concernées (considérants 718 à 721 de la décision attaquée).

303    La Commission n’ayant retenu aucune circonstance atténuante, les amendes infligées à Arkema ont été de 10 640 000 d’euros pour l’infraction portant sur les stabilisants étain et de 27 740 000 d’euros pour celle portant sur le secteur ESBO/esters.

304    En troisième lieu, la Commission a affirmé qu’elle prêtait une attention particulière à la nécessité de faire en sorte que les amendes présentassent un caractère suffisamment dissuasif et que, pour ce faire, elle pouvait décider d’augmenter les amendes à imposer aux entreprises dont le chiffre d’affaires, au-delà des ventes des biens ou des services objets de l’infraction, était particulièrement important (considérant 739 de la décision attaquée).

305    Compte tenu du chiffre d’affaires mondial de la requérante en 2008, à savoir 163 390 millions d’euros, la Commission a estimé approprié, pour fixer le montant de l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant, d’appliquer un facteur multiplicateur de 1,7 à l’amende à imposer à la requérante. Toutefois, elle n’a pas appliqué ce facteur multiplicateur à Arkema ni à CECA en raison du fait que ces dernières n’appartenaient plus à la même entreprise que la requérante (considérant 740 de la décision attaquée).

306    La requérante a été la seule société destinataire de la décision attaquée à laquelle un tel facteur multiplicateur a été appliqué aux fins de garantir un effet dissuasif suffisant de l’amende.

307    En quatrième lieu, la Commission a, en application de la communication sur la coopération, réduit les amendes infligées à « CECA/Arkema /[la requérante] » de 30 % pour l’infraction portant sur les stabilisants étain et de 50 % pour celle portant sur le secteur ESBO/esters (considérant 770 de la décision attaquée).

308    En cinquième et dernier lieu, tout en estimant, au vu des circonstances de l’espèce, que la procédure avait été menée dans un délai raisonnable, la Commission a énoncé que la durée considérable de la procédure justifiait une réduction exceptionnelle de 1 % des amendes imposées aux sociétés concernées, dont la requérante.

309    C’est sur la base de ces considérations que la Commission a infligé des amendes à la requérante, à Arkema et à CECA, dont les montants ont été rapportés au point 25 du présent arrêt.

310    Or, la requérante critique le fait que la Commission lui aurait imposé deux amendes « propres » à titre dissuasif.

311    À cet égard, d’une part, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission est en droit de procéder à une majoration de l’amende afin de garantir un effet suffisamment dissuasif, au regard du chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée, et que la nécessité de dissuasion constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende. En effet, les amendes infligées pour violation des règles de la concurrence ont pour objet de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, lesdites règles, de sorte que, lorsqu’elle calcule le montant de l’amende, la Commission peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 16, et la jurisprudence citée).

312    La prise en considération de la taille et des ressources globales de l’entreprise en cause afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende réside dans l’impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle-ci (arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 104).

313    Ainsi, il a été jugé que l’objectif de dissuasion que la Commission était en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende ne pouvait être valablement atteint qu’en considération de la situation de l’entreprise au jour où l’amende était infligée (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 278, et du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T‑217/06, Rec. p. II‑2593, points 259 et 260).

314    Par ailleurs, le chiffre d’affaires global de l’entreprise constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique (voir arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 243, et la jurisprudence citée).

315    Ainsi, il a déjà été jugé qu’il était loisible à la Commission, en vue de la détermination du montant de l’amende à un niveau qui lui assurât un caractère suffisamment dissuasif, de tenir compte du chiffre d’affaires total de l’entreprise en cause (voir arrêt de la Cour du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission et Conseil, C‑266/06 P, non publié au Recueil, point 120, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 96).

316    Aussi ne saurait-il être fait grief à la Commission d’avoir, en l’espèce, appliqué à la requérante une majoration à des fins dissuasives sur la base de son chiffre d’affaires global particulièrement important.

317    D’autre part, il convient de rappeler que, dans certaines circonstances, il n’est pas exclu qu’une telle majoration puisse être imposée seulement à l’une des sociétés composant l’« entreprise », au sens de l’article 81 CE, à savoir seulement à la société mère et non à ses filiales, comme en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, points 281 à 308).

318    Il a, en effet, déjà été jugé que le fait qu’une décision identifiait différentes personnes juridiques devant être solidairement responsables du paiement de l’amende n’était pas incompatible avec la notion d’entreprise, mais qu’il s’agissait, au contraire, d’une exacte application de cette notion, dès lors qu’il était établi que l’entreprise en question était, du point de vue juridique, constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et qu’aucune violation de la notion d’entreprise n’aurait su être tirée du seul fait que ces différentes personnes juridiques étaient responsables du paiement de l’amende à concurrence de montants différents. En effet, le constat que plusieurs personnes juridiques forment une seule entreprise responsable de la commission de l’infraction n’implique pas nécessairement que tous les éléments pertinents pour le calcul de l’amende leur soient imputables de la même manière, notamment lorsque la composition, du point de vue juridique, de l’entreprise en question a évolué dans le temps (arrêt du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, points 208 et 209).

319    Dans la mesure où l’amende est calculée conformément à la méthodologie prévue par les lignes directrices de 2006, la Commission peut légitimement s’appuyer sur la même méthodologie pour déterminer les montants à concurrence desquels les différentes sociétés en cause devaient être tenues pour responsables du paiement de l’amende. En effet, cette manière de procéder permet de garantir que la responsabilité financière desdites sociétés ne porte pas sur les montants résultant de la prise en considération de facteurs qui ne leur étaient pas imputables (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 215).

320    Partant, dans les circonstances de la présente affaire, c’est à bon droit que la Commission a majoré, à des fins dissuasives, le montant des amendes infligées pour la seule requérante.

321    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les arguments que fait valoir la requérante.

322    En premier lieu, la requérante allègue que l’imposition de deux amendes « propres » est dépourvue de tout fondement juridique et constitue, à son égard, une violation de plusieurs dispositions et principes.

323    Premièrement, elle constituerait une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, d’une part, parce qu’elle impliquerait une participation personnelle et active à l’infraction et, d’autre part, parce qu’elle serait en contradiction avec l’idée d’unité économique défendue par la Commission.

324    Ce grief doit être rejeté.

325    D’une part, la requérante a été personnellement condamnée pour une infraction à l’article 81 CE, qu’elle est censée avoir commise elle-même en raison des liens économiques, organisationnels et juridiques qui l’unissait à ses filiales et de l’absence d’autonomie de celles-ci sur le marché.

326    D’autre part, le fait pour la Commission de tenir la requérante pour responsable, à l’exclusion de ses anciennes filiales, pour un montant de l’amende, n’est pas incompatible avec la notion d’entreprise, au sens de l’article 81 CE.

327    L’imposition d’une telle amende trouve clairement son fondement juridique à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 283).

328    Deuxièmement, l’imposition de deux amendes « propres » violerait les lignes directrices de 2006, dès lors que la requérante ne constituerait pas l’« entreprise », au sens du paragraphe 30 de celles-ci, qui dégage un chiffre d’affaires sur les marchés des produits en cause.

329    À cet égard, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, la requérante faisait, à l’époque des faits, partie de la même entreprise que CECA. Partant, le chiffre d’affaires de cette dernière sur les marchés des produits en cause était imputable à la requérante.

330    Troisièmement, en absence de tout fondement juridique, l’imposition de deux amendes « propres » constituerait une violation des principes d’autonomie de la personne morale, de présomption d’innocence, de légalité, de responsabilité du fait personnel et de personnalité des peines.

331    À cet égard, il suffit de constater qu’il s’agit là d’une simple répétition de l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de son deuxième moyen que le Tribunal a rejetée aux points 180 à 183, 196 et 197 du présent arrêt, de sorte que cette argumentation doit également être rejetée dans le présent contexte (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 284).

332    Quatrièmement, une violation spécifique du principe de légalité résulterait de ce que le paragraphe 30 des lignes directrices de 2006 ne précise pas les paramètres de l’augmentation de l’amende à des fins dissuasives et, par conséquent, n’aurait pas un degré de précision suffisant.

333    Cet argument doit être rejeté. Il convient en effet de rappeler, d’une part, que les lignes directrices de 2006 ne constituent pas la base légale pour la fixation du montant de l’amende, mais ne font que préciser l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, et, d’autre part, que, tandis que le montant de base de l’amende est fixé en fonction de l’infraction, la gravité de celle-ci est déterminée par référence à de nombreux autres facteurs, pour lesquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation. C’est donc en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 et conformément au paragraphe 30 des lignes directrices de 2006 que la Commission s’est engagée à appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, que cette dernière pouvait imposer une majoration de 70 % du montant de base de l’amende à la requérante en raison de son chiffre d’affaires particulièrement important (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, points 285 et 286).

334    Certes, le principe de légalité des peines, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres, a également été consacré par différents traités internationaux, et notamment à l’article 7 de la CEDH (voir arrêt Evonik Degussa/Commission, précité, point 38, et la jurisprudence citée).

335    Ce principe exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment, cette condition se trouvant remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (voir, en ce sens, arrêt Evonik Degussa/Commission, précité, point 39).

336    En outre, selon la jurisprudence de la Cour EDH, la clarté de la loi s’apprécie au regard non seulement du libellé de la disposition pertinente, mais également des précisions apportées par une jurisprudence constante et publiée (voir, notamment, Cour eur. D. H., arrêt G. c. France du 27 septembre 1995, série A nº 325-B, § 25).

337    À cet égard, la Cour a reconnu qu’il découle de cette jurisprudence que la notion de « droit » au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH correspond à celle de « loi » utilisée dans d’autres dispositions de la même convention et englobe le droit d’origine tant législative que jurisprudentielle (voir arrêt Evonik Degussa/Commission, précité, point 40, et la jurisprudence citée).

338    Sur la base de ces considérations, tant le Tribunal que la Cour ont rejeté l’argument selon laquelle l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 (remplacé ultérieurement par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, applicable en l’espèce) ne répondait pas aux exigences de précision et de prévisibilité suffisantes requises par le principe de légalité des peines. Nonobstant la large marge d’appréciation dont la Commission dispose, il a été relevé, en substance, que, compte tenu de l’existence des critères objectifs, à savoir la gravité et la durée de l’infraction, établis par la loi, du plafond de 10 % des chiffres d’affaires, de la nécessité du respect, par la Commission, des principes généraux du droit, de la jurisprudence publiée dans ce domaine et des lignes directrices par lesquelles la Commission a limité sa marge d’appréciation, les amendes infligées en vertu de cette disposition étaient suffisamment prévisibles. En effet, un opérateur avisé peut, en s’entourant au besoin d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur des amendes qu’il encourt pour un comportement donné et le fait que cet opérateur ne puisse, à l’avance, connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission infligera dans chaque espèce ne saurait constituer une violation du principe de légalité des peines (arrêts Evonik Degussa/Commission, précité, points 36 à 63, et Degussa/Commission, précité, points 66 à 88).

339    Par ailleurs, la Cour a également rejeté l’argument selon lequel, en particulier, les lignes directrices de 2006 n’auraient pas suffisamment réduit l’imprécision de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17. Elle a relevé que, d’après la jurisprudence, ces lignes directrices déterminaient, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’était imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées en vertu de l’article 15 du règlement nº 17 et assuraient, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Evonik Degussa/Commission, précité, points 59 et 60).

340    Partant, le grief soulevé par la requérante ne saurait être accueilli.

341    En effet, s’il a été jugé que l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, qui prévoyait seulement les critères de la « gravité » et de la « durée » de l’infraction, n’était pas contraire au principe de légalité des peines, il en est a fortiori ainsi s’agissant du paragraphe 30 des lignes directrices de 2006.

342    Ce paragraphe concerne seulement une partie de l’amende susceptible d’être infligée et il précise, de plus, les critères applicables, à savoir la nécessité d’assurer que les amendes présentent un effet suffisamment dissuasif compte tenu du fait que le chiffre d’affaires de l’entreprise concernée, au-delà des biens et des services auxquels l’infraction se réfère, est particulièrement important.

343    Cinquièmement, l’imposition d’amendes « propres » à la requérante enfreindrait le principe d’égalité de traitement, dans la mesure où, dans la décision attaquée, elle seule s’est vu infliger de telles amendes à des fins dissuasives.

344    À cet égard, il suffit de constater que la requérante n’allègue pas que les autres sociétés mères destinataires de la décision attaquée se trouvaient dans une situation analogue à la sienne quant au critère retenu pour majorer, à des fins dissuasives, le montant des amendes qui lui ont été infligées, à savoir l’importance particulière du chiffre d’affaires de l’entreprise au-delà des ventes des biens ou des services objets de l’infraction.

345    Par son argumentation, la requérante ne saurait donc avoir, en l’espèce, établi une inégalité de traitement.

346    En deuxième lieu, la requérante prétend que l’imposition d’amendes « propres » à des fins dissuasives est discriminatoire et injustifiable, dès lors qu’aucune amende spécifique à ce titre n’a été infligée aux véritables et seuls auteurs de l’infraction, à savoir Arkema et CECA.

347    Cet argument doit être rejeté.

348    D’une part et ainsi qu’il ressort de ce qui précède, c’est, en effet, à bon droit que la Commission a imputé à la requérante les infractions en cause, de sorte que cette dernière en a également été l’auteur.

349    D’autre part, pour autant que la requérante critique le fait que ses anciennes filiales n’ont pas été tenues pour solidairement responsables du paiement de la majoration en question, il y a lieu de relever que cette façon de procéder ne saurait être critiquée.

350    En effet, il ressort des considérants 27 et 740 de la décision attaquée que, depuis le 18 mai 2006, et donc depuis une date postérieure aux faits litigieux, mais antérieure à l’adoption de la décision attaquée, Arkema et CECA ne faisaient plus partie du groupe de la requérante.

351    Par conséquent, au moment où la sanction a été infligée, Arkema et CECA ne faisaient plus partie de la même « entreprise », au sens de l’article 81 CE.

352    Or, c’est notamment la possibilité pour l’entreprise concernée de mobiliser plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende qui peut justifier, en vue d’un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l’application d’un facteur multiplicateur (voir, en ce sens, arrêt Showa Denko/Commission, précité, point 18).

353    Ainsi, la prise en considération de la taille et des ressources globales de l’entreprise en cause afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende réside dans l’impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle-ci (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/ Commission, précité, point 104).

354    Aussi a-t-il été jugé que l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende ne peut être valablement atteint qu’en considération de la situation de l’entreprise au jour où l’amende est infligée (arrêt Degussa/Commission, précité, point 278).

355    Dans les circonstances de la présente affaire, il s’ensuit que la taille et la puissance économique d’Arkema et de CECA devaient être appréciées, aux fins de l’application éventuelle du facteur multiplicateur, au jour de la décision attaquée, compte tenu de leur propre chiffre d’affaires global.

356    En effet, dans la mesure où la prise en considération de cet élément réside, en l’espèce, dans l’impact recherché de l’amende sur l’entreprise concernée et que l’unité économique qui liait Arkema et CECA à la requérante a été rompue avant la date d’adoption de la décision attaquée, les ressources de cette dernière société ne pouvaient être prises en compte pour la détermination du facteur multiplicateur applicable à Arkema et à CECA.

357    Partant, il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir majoré le montant des amendes à des fins dissuasives que pour la seule requérante et non pour ses anciennes filiales.

358    La requérante soutient, en outre, que le raisonnement de la Commission aboutit à la « dissuader » à trois reprises, à savoir, premièrement, par l’augmentation du montant de base de l’amende en application du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, deuxièmement, par la majoration dissuasive contestée à cet endroit et, troisièmement, par le fait que cette dernière majoration intégrait déjà la première.

359    Certes, il ressort de la décision attaquée que la Commission a, effectivement, procédé, à deux reprises, et non à trois, à une majoration de l’amende de la requérante à des fins spécifiquement dissuasives.

360    Toutefois, il en ressort également que ces majorations ont été motivées par des considérations différentes, tirées, d’une part, de la nature de l’infraction en cause (considérants 714 à 716 de la décision attaquée) et, d’autre part, de la taille et de la puissance économique de l’entreprise et de l’impact recherché sur ladite entreprise, notamment (considérants 739 et 740 de la décision attaquée).

361    Par conséquent, la Commission n’a fait que retenir, comme étant pertinentes pour calculer le montant de l’amende, un ensemble de considérations factuelles aux fins de la fixation de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.

362    Or, l’exigence d’assurer la dissuasion constitue une exigence générale devant guider la Commission tout au long du calcul de l’amende (voir, en ce sens, arrêt Arkema France e.a./Commission, précité, point 298, et la jurisprudence citée).

363    Par ailleurs, il convient de relever que la première de ces majorations a été imposée, selon des modalités variables, à l’ensemble des entreprises concernées et la seconde exclusivement à la requérante, en raison de sa situation factuelle objective, à savoir son chiffre d’affaires particulièrement important.

364    En troisième lieu, la requérante soutient, en substance, que la Commission n’était pas autorisée à tenir compte de son chiffre d’affaires global, en violation du principe de proportionnalité, afin d’appliquer une majoration à des fins dissuasives, dès lors qu’elle n’opérait pas sur les marchés concernés par les infractions en cause.

365    Cet argument doit également être rejeté, dès lors qu’il ne tient pas compte du fait que la requérante faisait partie, au moment des comportements infractionnels, de l’entreprise, au sens de l’article 81 CE, active sur les marchés en cause et que la Commission a retenu à bon droit le chiffre d’affaires global de cette entreprise pour décider d’une majoration de l’amende à titre dissuasif.

366    En quatrième lieu, la requérante prétend qu’il est inéquitable de calculer des amendes « propres » à son égard à partir des facteurs de gravité, de durée et d’effet dissuasif examinés aux considérants 700 à 716 de la décision attaquée, dès lors qu’elle n’aurait jamais exercé d’influence déterminante sur ses filiales.

367    À cet égard, il suffit de constater que cet argument repose sur la prémisse que la requérante n’a pas exercé d’influence déterminante sur ses filiales et il doit donc être rejeté, conformément à ce qui a été jugé aux points 124 à 176 du présent arrêt.

368    En cinquième et dernier lieu, la décision attaquée ne tiendrait pas compte, dans le calcul des amendes « propres », des irrégularités procédurales constitutives d’une violation des droits de la défense de la requérante.

369    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il a été jugé aux points 36 à 117 du présent arrêt que les droits de la défense de la requérante n’ont pas été enfreints par la Commission dans la présente affaire.

370    Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief que la requérante fait valoir dans le cadre de la seconde branche de son troisième moyen.

–       Sur les erreurs de droit alléguées concernant les amendes infligées du fait de l’imposition d’amendes distinctes

371    Dans le cadre de la seconde branche de son troisième moyen, la requérante fait également valoir que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalité, en ce que, si la requérante, Arkema et CECA y sont définies comme une seule entreprise, par la suite, la Commission a décidé d’infliger non une seule amende, mais trois amendes distinctes, pour chaque infraction, à savoir une amende conjointe et solidaire à la requérante et à Arkema ainsi qu’à CECA, une amende « propre » à la requérante et une amende « propre » à Arkema.

372    La Commission confondrait les notions d’entreprise et de société et emploierait les dénominations « Elf Aquitaine » et « Arkema » d’une façon qui rendrait son raisonnement incompréhensible.

373    À cet égard, il y a lieu d’observer que, par son argumentation, la requérante critique les règles d’imputation des infractions aux règles de la concurrence, selon lesquelles les entités à qui il incombe de respecter ces règles et celles qui sont destinataires des décisions en constatant la violation ne sont pas nécessairement les mêmes.

374    Or, il ressort de la jurisprudence que c’est l’entreprise, au sens de l’article 81 CE, comprise comme une unité économique, nonobstant, sur un plan juridique, le fait que cette unité économique soit constituée de plusieurs personnes juridiques, qui est susceptible d’enfreindre les règles de la concurrence et que c’est à elle qu’il incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893, point 39, et la jurisprudence citée, et du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, points 54 et 55, et la jurisprudence citée).

375    Toutefois, l’infraction au droit de la concurrence de l’Union doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes (arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, point 38, et arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 57).

376    Par ailleurs, aucune violation de la notion d’entreprise, au sens de l’article 81 CE, ne saurait, en principe, être établie du seul fait que différentes personnes juridiques, constituant ladite entreprise, se voient infliger des amendes de montants différents.

377    Le constat que plusieurs personnes juridiques forment une seule entreprise responsable d’une infraction n’implique pas nécessairement que tous les éléments pertinents pour le calcul de l’amende leur soient applicables.

378    En l’espèce, le fait que la requérante, Arkema et CECA ne se soient pas vu infliger des amendes d’un même montant résulte de deux éléments dont la Commission a tenu compte dans le cadre de la fixation du montant des amendes dans la décision attaquée, à savoir, d’une part, la circonstance aggravante tirée de la récidive pour Arkema et, d’autre part, la nécessité de majorer le montant des amendes pour la requérante, pour leur garantir un effet suffisamment dissuasif au regard de son chiffre d’affaires global.

379    C’est donc à bon droit que la Commission a infligé à la requérante et à Arkema ainsi qu’à CECA des amendes d’un montant distinct.

380    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième grief que la requérante fait valoir dans le cadre de la seconde branche de son troisième moyen.

–       Sur le troisième grief de la seconde branche du troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

381    Dans le cadre de la seconde branche de son troisième moyen, la requérante fait enfin valoir que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalité pour ce qui est des amendes qui lui ont été infligées en raison, pêle-mêle, des erreurs de droit, confusions multiples et violation des principes essentiels du droit de l’Union, en particulier compte tenu de l’information tardive de la requérante sur l’enquête et sa mise en cause ainsi que de la durée excessive de la procédure administrative et de la violation des droits de la défense qui en serait résulté.

382    À cet égard, il suffit, pour rejeter les prétentions de la requérante à cet endroit, de renvoyer aux points 36 à 117 du présent arrêt.

383    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième grief que la requérante fait valoir dans le cadre de la seconde branche de son troisième moyen et, dès lors, le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut d’intérêt légitime pour la Commission de constater l’infraction dans le secteur des stabilisants étain pour la période mars 1994-mars 1996

384    Dans le cadre de son cinquième moyen, la requérante demande au Tribunal l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, sous h), de la décision attaquée, en ce qu’y est constatée l’infraction dans le secteur des stabilisants étain pour la période mars 1994-mars 1996, en violation de l’article 7, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement n° 1/2003.

385    L’infraction portant sur cette période serait prescrite, ce qui constituerait la seule justification plausible en droit de la non-imposition d’amendes pour cette période.

386    La requérante conteste également le bien-fondé, en droit, des motifs fournis par la Commission, au considérant 437 de la décision attaquée, pour justifier l’existence d’un intérêt légitime à constater une infraction.

387    Dans sa réponse, du 4 avril 2012, à une question écrite posée par le Tribunal, la requérante a précisé que, même à considérer que l’infraction ne serait pas prescrite pour cette période, la Commission était tenue de démontrer un intérêt légitime à en constater l’existence dans la décision attaquée.

388    Pour conclure au rejet de ce moyen, la Commission soutient qu’elle a, au considérant 437 de la décision attaquée, motivé, à suffisance de droit, l’existence d’un intérêt légitime pour constater une infraction durant ladite période.

389    À cet égard et à titre liminaire, d’une part, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement n° 1/2003, « [l]orsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé ».

390    D’autre part, il faut relever qu’il ressort du considérant 437 de la décision attaquée que la Commission n’a pas, en l’espèce, infligé d’amende à la requérante pour l’infraction portant sur les stabilisants étain pour la période mars 1994-mars 1996, et ce conformément au pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de sorte qu’il n’y a pas lieu, dans le cadre de l’appréciation du présent moyen de la requérante, de trancher la question de savoir si les pouvoirs de la Commission d’infliger des amendes étaient prescrits pour la période mars 1994-mars 1996.

391    Ces considérations liminaires exposées, il faut, aux fins d’apprécier le bien-fondé du moyen que la requérante tire dans la présente affaire d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement n° 1/2003, en ce que la Commission a constaté, dans la décision attaquée, sa participation à l’infraction portant sur les stabilisants étain durant la période mars 1994-mars 1996, observer que, dans la décision attaquée, pour justifier l’existence d’un intérêt légitime à constater une infraction sur le marché des stabilisants étain, la Commission a, au considérant 437, considéré qu’« Arkema France (CECA) a[vait] participé à l’entente sur les stabilisants étain pendant la période [mars 1994-mars 1996], car Arkema France (CECA) a[vait] ensuite rejoint la même entente », et que, en outre, « cette conclusion [était] compatible avec l’objectif de décourager les infractions répétées par Arkema France (CECA) et l’intérêt de permettre à chaque partie lésée de porter des affaires devant les juridictions civiles nationales ».

392    Force est donc de considérer que la Commission a, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, son intérêt légitime à adopter à l’égard de la requérante une décision constatant l’infraction portant sur les stabilisants étain durant la période mars 1994-mars 1996.

393    En effet, la Commission pouvait faire valoir à cette fin le seul fait que CECA et Arkema ont participé à l’entente sur les stabilisants étain pendant la période mars 1994-mars 1996, au motif que CECA et Arkema ont ensuite rejoint la même entente. Dans ces conditions, il subsistait un intérêt légitime de la Commission à mettre en contexte la participation subséquente de ces deux entités à l’infraction litigieuse et à présenter, ainsi, cette participation dans son intégralité, y compris pour la période mars 1994-mars 1996.

394    Une telle considération de la Commission justifie, à elle seule, un intérêt légitime à constater une infraction.

395    Par conséquent, il faut observer que la Commission n’avait pas, dans la décision attaquée, à étayer son argument concernant un intérêt légitime consistant à décourager des « infractions répétées par Arkema France (CECA) ».

396    Pour le même motif, la Commission n’était pas non plus tenue, dans la décision attaquée, de fournir des indications, propres aux circonstances de l’espèce, sur des actions juridictionnelles engagées ou même envisageables de la part de tiers lésés par les comportements infractionnels en cause portant sur les stabilisants étain durant la période mars 1994-mars 1996, mais pouvait se limiter, dans les circonstances de la présente affaire, à une affirmation d’ordre général à cet égard.

397    Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission pouvait, à bon droit, considérer que les comportements infractionnels en cause portant sur les stabilisants étain durant la période mars 1994-mars 1996 rendaient nécessaire leur constatation dans la décision attaquée.

398    Dès lors que la requérante, CECA et Arkema constituaient une seule et même entreprise durant la période infractionnelle, au sens de l’article 81 CE, ainsi que cela a été jugé dans le présent arrêt, ces considérations valent également pour la requérante, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Sur les conclusions en réformation de la décision attaquée quant au montant des amendes infligées

399    Dans le cadre de ses conclusions subsidiaires en réformation de la décision attaquée, la requérante demande au Tribunal de réduire, dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction, le montant des amendes qui lui ont été infligées.

400    En l’espèce, force est de constater que la requérante ne conclut à la réformation de la décision attaquée quant au montant des amendes infligées que dans la seule hypothèse dans laquelle le Tribunal considérerait, dans le cadre de son appréciation du premier moyen d’annulation, que ses droits de la défense ont été enfreints.

401    Or, il a été jugé au point 117 du présent arrêt que le premier moyen d’annulation devait être rejeté.

402    Par conséquent, les conclusions de la requérante en réformation de la décision attaquée ne sauraient prospérer.

403    En effet, il importe de souligner que l’exercice des pouvoirs de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêts de la Cour du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09, non encore publié au Recueil, point 104 ; Chalkor/Commission, C‑386/10, non encore publié au Recueil, point 64, et KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, non encore publié au Recueil, point 131).

404    Partant, il y a lieu de rejeter la demande de la requérante de réformation de la décision attaquée, quant au montant des amendes qui lui ont été infligées, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

405    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

406    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Elf Aquitaine SA est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 février 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.