Language of document : ECLI:EU:T:2022:117

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 mars 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative SO...? – Motifs absolus de refus – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Absence de caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑196/21,

Lea Nature Services, établie à Périgny (France), représentée par Me F. Drageon, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Debonair Trading Internacional Lda, établie à Funchal (Portugal), représentée par Mes J. Quirin et J.-P. Jacquey, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 11 février 2021 (affaire R 1235/2020-4), relative à une procédure de nullité entre Lea Nature Services et Debonair Trading Internacional,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. G. De Baere (rapporteur), président, Mme G. Steinfatt et M. K. Kecsmár, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 2 juillet 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 26 juillet 2021,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 avril 2018, en vertu d’une demande déposée le 14 novembre 2017, l’intervenante, Debonair Trading Internacional Lda, a obtenu auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) l’enregistrement, sous le numéro 17473513, de la marque de l’Union européenne figurative suivante :

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2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Préparations et traitements capillaires ; produits de parfumerie ; sprays parfumés pour le corps ; eaux de toilette ; eaux de parfum ; cosmétiques ; déodorants à usage personnel ; lotions corporelles ; gels douche ; shampoings secs ; shampoings pour le soin des cheveux ; après-shampoings pour le soin des cheveux ; brumisateurs corporels parfumés ; crèmes pour le corps ».

3        Le 28 mai 2019, la requérante, Lea Nature Services, a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque contestée au titre de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec, notamment, l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, de ce règlement.

4        Par décision du 20 avril 2020, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

5        Le 16 juin 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

6        Par décision du 11 février 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que la marque contestée jouissait d’un caractère distinctif intrinsèque et n’était pas descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      À titre liminaire, étant donné que « confirmer » la décision attaquée équivaut à rejeter le recours, il y a lieu d’interpréter le premier chef de conclusions de l’intervenante comme tendant, en substance, au rejet du recours [arrêts du 5 février 2016, Kicktipp/OHMI – Italiana Calzature (kicktipp), T‑135/14, EU:T:2016:69, point 19 (non publié), et du 24 septembre 2019, Roxtec/EUIPO – Wallmax (Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques), T‑261/18, EU:T:2019:674, point 16].

11      À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, deuxièmement, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

12      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la marque contestée jouissait d’un caractère distinctif intrinsèque.

13      Premièrement, selon elle, les trois points de suspension et le point d’interrogation au sein de la marque contestée ne sont pas distinctifs et sont simplement destinés à attirer l’attention des consommateurs.

14      Quant au mot « so », il pourrait être compris comme signifiant « considérablement », « extrêmement » ou « très », indépendamment du fait qu’il soit suivi ou non d’autres mots. Ce terme serait principalement utilisé pour accentuer la qualité des produits couverts par la marque contestée. Par conséquent, le mot « so » serait uniquement compris comme un message promotionnel laudatif indiquant que les produits désignés ont des qualités supérieures à d’autres produits sur le marché. Il ne permettrait donc pas d’identifier l’origine commerciale de ces produits.

15      Elle ajoute que les signes de ponctuation impliquent que le terme « so » doit être complété par un ou plusieurs mots, notamment des adjectifs. L’intervenante utiliserait d’ailleurs la marque contestée en l’associant à d’autres mots.

16      Deuxièmement, la requérante soutient que, dans des décisions antérieures, l’EUIPO a déjà refusé l’enregistrement de marques de l’Union européenne contenant le mot « so » et couvrant notamment les produits cosmétiques relevant de la classe 3 comme étant dépourvues de caractère distinctif. Elle se réfère également à quatre décisions de l’EUIPO concernant les signes SMARTER, TOP, EXTRA et PLUS. Par ces décisions, l’EUIPO aurait refusé l’enregistrement desdits signes en raison de leur absence de caractère distinctif.

17      Troisièmement, elle soutient que le mot « so » est très souvent utilisé dans la pratique publicitaire afin d’attirer l’attention des consommateurs pour souligner la qualité des produits cosmétiques. À l’appui de son argumentation, la requérante fournit, en annexe à la requête, des extraits de sites Internet destinés au marché européen et visant à démontrer que le terme « so » est fréquemment utilisé pour désigner des produits cosmétiques. Dès lors, l’emploi de ce terme laudatif ne permettrait pas d’identifier l’origine des produits par rapport à ceux d’une autre entreprise.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

19      Conformément à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 dudit règlement.

20      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

21      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée ; arrêt du 14 juillet 2021, Guerlain/EUIPO (Forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique), T‑488/20, EU:T:2021:443, point 15 (non publié)].

22      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée ; arrêt du 14 juillet 2021, Forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique, T‑488/20, EU:T:2021:443, point 16 (non publié)].

23      Afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y ait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée [voir arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 novembre 2020, Brasserie St Avold/EUIPO (Forme d’une bouteille foncée), T‑862/19, EU:T:2020:561, point 34].

24      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 35, et du 7 septembre 2017, VM/EUIPO – DAT Vermögensmanagement (Vermögensmanufaktur), T‑374/15, EU:T:2017:589, point 99 (non publié)].

25      À cet égard, toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, mais elles peuvent être néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services concernés. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public pertinent [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57, et du 8 juillet 2020, Dinamo/EUIPO (Favorit), T‑729/19, non publié, EU:T:2020:314, point 26].

26      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque contestée n’était pas dépourvue de caractère distinctif.

27      Ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 22 de la décision attaquée, la marque contestée consiste en un signe figuratif composé du terme « so » suivi de trois points de suspension et d’un point d’interrogation. L’ensemble du signe est souligné d’un trait noir.

28      S’agissant de la définition du public pertinent ainsi que de son niveau d’attention, la requérante ne remet pas en cause l’appréciation de la chambre de recours effectuée au point 21 de la décision attaquée selon laquelle les produits visés par la marque contestée et compris dans la classe 3, tels que reproduits au point 2 ci-dessus, s’adressent au grand public dont le niveau d’attention est moyen.

29      Elle ne conteste pas davantage le fait que la chambre de recours a apprécié le motif absolu de refus en tenant compte de la partie anglophone du public pertinent au regard du mot anglais « so », ce qui, au demeurant, est conforme à l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

30      En revanche, la requérante conteste l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque du signe effectuée par la chambre de recours.

31      S’agissant, en premier lieu, du terme « so », la requérante soutient qu’il signifie « considérablement » « extrêmement » ou « très » et qu’il n’a pour rôle que d’accentuer la qualité des produits concernés.

32      Cependant, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé, au point 23 de la décision attaquée, que le mot « so » pouvait avoir plusieurs significations selon le contexte dans lequel il était utilisé et selon qu’il était employé en tant qu’adverbe ou en tant que conjonction. À cet égard, la chambre de recours a fourni des exemples pour étayer les différentes significations et utilisations du mot « so ».

33      Il suffit de relever que l’argumentation de la requérante ne se fonde que sur une seule des acceptions du terme « so » mises en exergue par la chambre de recours, à savoir celle dans laquelle ce terme, employé en tant qu’adverbe, sert à mettre l’accent sur le mot ou l’expression qui le suit. La requérante ne conteste pas les autres significations de ce terme énoncées par la chambre de recours et n’explique pas la raison pour laquelle ces autres significations ne devaient pas être prises en compte aux fins de l’appréciation du caractère distinctif du signe.

34      Étant donné que le terme « so » peut revêtir de multiples significations et non pas uniquement celle visant à mettre l’accent sur le mot ou l’expression qui le suit, la requérante ne saurait soutenir qu’il sera uniquement compris par le public pertinent comme véhiculant une formule laudative qui encense les produits visés.

35      En particulier, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée, sans être contredite par la requérante, il n’est pas exclu que le public pertinent perçoive le terme « so » comme une conjonction signifiant « par conséquent » ou « puis ». Or, cette signification ne confère au terme « so » aucune connotation laudative.

36      Par ailleurs, il importe de relever que, dans l’acception privilégiée par la requérante, pour que le terme « so » puisse être compris comme visant à mettre l’accent sur la qualité des produits, il est nécessaire que le mot ou l’expression qui le suit indique une qualité, ce qui n’est pourtant pas le cas en l’espèce.

37      À cet égard, l’affirmation de la requérante, au demeurant non étayée, selon laquelle le terme « so » joue un rôle d’accentuation d’une qualité même s’il est utilisé seul ou accompagné de signes de ponctuation est inexacte. En effet, comme le relève l’intervenante, ce n’est que lorsqu’il est accompagné d’un adjectif que le terme « so » peut être perçu comme un adverbe visant à mettre l’accent sur une qualité, comme dans l’exemple « so pretty », mentionné par la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée. De surcroît, si le mot « so » était suivi d’un terme désignant non pas une qualité, mais un défaut, il ne pourrait revêtir une fonction laudative visant à mettre en valeur la qualité des produits, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée.

38      C’est donc à tort que la requérante invoque que le terme « so » ne sera perçu que comme une indication laudative.

39      S’agissant, en second lieu, des signes de ponctuation, à savoir trois points suivis d’un point d’interrogation, la requérante soutient qu’ils ne sont pas distinctifs et qu’ils ne font que renforcer la fonction laudative du terme « so » qui les précède.

40      Cependant, d’une part, l’argument de la requérante selon lequel les symboles typographiques ne sont pas distinctifs et ne peuvent servir à indiquer l’origine des produits est dénué de pertinence. En effet, au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, indépendamment de la question de savoir si les signes de ponctuation, seuls, peuvent revêtir un caractère distinctif, les points de suspension et le point d’interrogation du signe en cause devaient être pris en compte dans la perception du signe dans son ensemble dans la mesure où ils ajoutaient un contenu sémantique audit signe. Elle ne s’est donc pas prononcée sur leur caractère distinctif propre mais s’est limitée à relever qu’ils jouaient un rôle dans l’impression d’ensemble de la marque contestée.

41      Cette appréciation est conforme à la jurisprudence selon laquelle, s’agissant d’une marque composée de mots et de signes typographiques, un éventuel caractère distinctif peut être examiné, en partie, pour chacun de ses termes ou de ses éléments, pris séparément, mais doit, en tout état de cause, dépendre d’un examen de l’ensemble qu’ils composent. La seule circonstance que chacun de ces éléments, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif n’exclut pas que la combinaison qu’ils forment puisse présenter un caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 28, et du 15 décembre 2016, Intesa Sanpaolo/EUIPO (START UP INITIATIVE), T‑529/15, EU:T:2016:747, point 56].

42      D’autre part, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté, au point 26 de la décision attaquée, que ces signes ajoutaient un contenu sémantique à l’ensemble du signe. En effet, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que les trois points de suspension créent un certain suspense et que le point d’interrogation à la fin du signe soulève une question. Les signes de ponctuation interrogent donc le public pertinent sur la signification du terme « so » et ce à quoi il renvoie. Pour y répondre, ou pour donner une quelconque signification au signe, le public pertinent devra se livrer à un effort d’interprétation.

43      Enfin, la requérante ne saurait déduire de la seule présence des signes de ponctuation après le terme « so » que ce terme sera nécessairement complété par un adjectif. En effet, ainsi qu’il ressort du point 42 ci-dessus, il suffit de relever que la possibilité de faire suivre le terme « so » par un autre terme relève de la libre interprétation du public pertinent. De plus, il n’est pas exclu que le public pertinent perçoive dans le terme « so » une conjonction signifiant « par conséquent » ou « puis ». Dans une telle interprétation, le terme « so » n’est généralement pas complété par un adjectif.

44      C’est donc à tort que la requérante invoque que les signes de ponctuation renforcent le caractère laudatif du terme « so ».

45      Il s’ensuit qu’il n’est pas possible d’attribuer une signification claire au terme « so » et que les signes de ponctuation amènent les consommateurs à s’interroger sur la signification de ce terme et ce à quoi il renvoie. La marque contestée nécessite donc un minimum d’effort d’interprétation et déclenche un processus cognitif auprès du public pertinent au sens de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus de sorte qu’elle est apte à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services concernés. La requérante n’est pas parvenue à démontrer que ladite marque sera perçue comme une simple formule laudative visant à accentuer la qualité des produits.

46      Les autres arguments avancés par la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

47      Premièrement, la requérante fait valoir que l’intervenante utilise la marque contestée en l’associant à un autre mot pour décrire de manière positive les caractéristiques de ses produits. Cependant, outre que l’affirmation de la requérante n’est aucunement étayée, il convient de relever que la chambre de recours a, à juste titre, apprécié le caractère distinctif de la marque contestée telle qu’elle a été enregistrée. L’utilisation éventuelle de la marque contestée par l’intervenante en association avec d’autres mots est donc dénuée de pertinence. Par ailleurs, cet argument ne fait que confirmer l’analyse énoncée au point 34 ci-dessus selon laquelle le terme « so » ne sert à mettre en valeur une qualité que s’il est suivi d’un autre mot décrivant cette qualité.

48      Deuxièmement, la requérante soutient que la chambre de recours a déjà refusé l’enregistrement de marques de l’Union européenne contenant le mot « so » et couvrant notamment des produits cosmétiques relevant de la classe 3 comme étant dépourvues de caractère distinctif.

49      Toutefois, il importe de relever que les marques invoquées par la requérante à l’appui de son argumentation, dont l’enregistrement a prétendument été refusé par l’EUIPO, contiennent toutes le terme « so » accompagné d’un ou de plusieurs autres mots. Dès lors, aucune analogie pertinente ne saurait en être tirée pour le cas d’espèce, puisque la marque contestée contient l’unique terme « so » suivi de signes de ponctuation.

50      En outre, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours, figurant au point 27 de la décision attaquée, selon laquelle les chambre de recours de l’EUIPO ont reconnu, dans des décisions concernant d’autres procédures, que le terme anglais « so » seul ou suivi de signes de ponctuation ne fournissait aucune information factuelle et ne véhiculait aucune signification conceptuelle, qu’il possédait, en tant que tel, un caractère distinctif intrinsèque et que, en fonction du contexte, il pouvait être compris comme signifiant « par conséquent ».

51      Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la décision attaquée serait incohérente avec la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO doit être rejeté.

52      En tout état de cause, il convient de rappeler que, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, si l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires, lesdits principes doivent toutefois se concilier avec le respect de la légalité et, par conséquent, il convient notamment, pour des raisons de sécurité juridique et, plus précisément, de bonne administration, que l’examen de toute demande d’enregistrement soit strict et complet et soit effectué dans chaque cas concret, afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 à 77, et ordonnance du 11 septembre 2014, Think Schuhwerk/OHMI, C‑521/13 P, EU:C:2014:2222, point 57).

53      Il y a également lieu de rappeler que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité de ces décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 9 décembre 2020, Promed/EUIPO – Centrumelektroniki (Promed), T‑30/20, non publié, EU:T:2020:599, point 56].

54      Troisièmement, la requérante invoque quatre décisions de l’EUIPO dans lesquelles l’enregistrement des marques de l’Union européenne SMARTER, TOP, EXTRA et PLUS a été refusé en raison de l’absence de caractère distinctif desdites marques. À cet égard, il suffit de relever, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, que les signes ayant fait l’objet de ces décisions ne sont pas comparables à la marque contestée et que la requérante n’explique aucunement l’argument qu’elle tire du rappel de ces décisions.

55      Quatrièmement, l’argument selon lequel le terme « so » est utilisé fréquemment dans le domaine publicitaire afin de souligner la qualité des produits cosmétiques ne saurait démontrer que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif. De plus, il importe de relever, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, que les exemples fournis par la requérante concernent tous l’utilisation du terme « so » suivi d’un autre terme. Ces exemples ne sont donc pas pertinents pour le cas d’espèce.

56      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

57      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la marque contestée n’était pas descriptive des produits visés.

58      Le terme « so » serait descriptif de la qualité des produits puisqu’il s’agirait d’un terme laudatif. À cet égard, les signes de ponctuation indiqueraient que la phrase n’est pas terminée et qu’elle doit être complétée par un autre mot. Ces signes de ponctuation démontreraient d’ailleurs l’intention de l’intervenante d’utiliser le terme « so » associé à d’autres mots.

59      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

60      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

61      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 13 mai 2020, SolNova/EUIPO – Canina Pharma (BIO-INSECT Shocker), T‑86/19, EU:T:2020:199, point 35 et jurisprudence citée].

62      En l’espèce, il suffit de relever que la requérante n’avance aucun argument visant à démontrer que la marque contestée présente un rapport suffisamment direct et concret avec les produits en cause, au sens de la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus.

63      En outre, il ressort du premier moyen ci-dessus que la marque contestée ne saurait être considérée comme une simple indication de la qualité des produits.

64      La requérante ne parvient donc pas à démontrer que la marque contestée est descriptive. Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lea Nature Services est condamnée aux dépens.

De Baere

Steinfatt

Kecsmár

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.