Language of document : ECLI:EU:T:2004:58

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

2 mars 2004 (*)

«Fonctionnaires – Nomination d'un chef d'unité adjoint et d'un chef de secteur – Acte faisant grief – Absence – Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-234/02,

Christos Michael, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me C. Tagaras, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes H. Tserepa-Lacombe et F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions de la Commission portant nomination d'un chef d'unité adjoint de l'unité «Politiques internes, Administration centrale, CCR et Agences» de la direction générale «Contrôle financier» et d'un chef du secteur «Politiques internes et agences» de cette unité,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier: I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 16 décembre 2003,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1       Le requérant a été titularisé au grade LA/7 le 1er octobre 1981. Le 1er janvier 1983, il a été promu au grade LA/6, et le 1er décembre 1985, au grade LA/5. Après avoir réussi le concours COM/A/2/87 de passage en catégorie A, le requérant à été nommé à la direction générale «Contrôle financier» (ci-après la «DG CF»), le 1er août 1989.

2       Le requérant a été promu au grade A 4, échelon 3, avec effet au 1er janvier 1995, à la suite d’une décision du Tribunal annulant la décision de la Commission de ne pas le promouvoir lors de l’exercice de promotion de 1994 (arrêt du 21 novembre 1996, Michael/Commission, T-144/95, RecFP p. I-A-529 et II‑1429).

3       À la suite de la décision de la Commission du 3 juillet 2000 concernant la restructuration de la DG CF, le requérant a été affecté à l’unité «Politiques internes, administration centrale, CCR et Agences» (ci-après l’«unité FC.A.01»), de la même direction générale.

4       Lors d’une réunion qui s’est tenue dans l’unité FC.A.01, le 14 novembre 2001, en présence du directeur général de la DG CF, Mme Kitzmantel, une nouvelle structure de l’unité FC.A.01 a été proposée. Il a aussi été annoncé notamment que M. Willekens, fonctionnaire de grade A 5, assumerait les fonctions de chef d’unité adjoint de l’unité FC.A.01 et que M. Burger, alors fonctionnaire de grade A 6, prendrait en charge les fonctions de chef du secteur «Politiques internes et agences» de l’unité FC.A.01, secteur dont faisait partie le requérant (ci-après les «décisions litigieuses»).

5       Le 8 février 2002, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») auprès de l’autorité investie de pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») à l’encontre des décisions litigieuses.

6       Par décision du 30 mai 2002, M. Burger a été promu au grade A 5, échelon 4. Cette décision a pris effet le 1er avril 2002.

7       Par décisions du 5 juillet 2002, MM. Willekens et Burger ont été nommés, respectivement, chef d’unité adjoint et chef de secteur de l’unité FC.A.01 auprès de la DG CF avec effet au 1er juin 2002.

 Procédure

8       Sa réclamation ayant fait l’objet, le 8 juin 2002, d’une décision implicite de rejet, le requérant a, par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 août 2002, introduit le présent recours.

9       Par acte séparé, déposé au greffe le 31 octobre 2002, le requérant a introduit une demande visant à ce que soient ordonnés, à titre principal, le sursis à l’exécution des décisions litigieuses et, à titre subsidiaire, toute autre mesure provisoire que le Tribunal jugerait appropriée.

10     Par ordonnance du 13 décembre 2002 le président du Tribunal, a rejeté la demande en référé et a réservé les dépens y afférents.

11     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à répondre à certaines questions et à produire certains documents, ce qu’elle a fait dans le délai imparti.

12     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l’audience du 16 décembre 2003. 

 Conclusions des parties

13     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–       déclarer le recours recevable;

–       annuler les décisions litigieuses;

–       condamner la Commission aux dépens.

14     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–       rejeter le recours comme irrecevable;

–       rejeter le recours comme non fondé;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur la recevabilité

15     La Commission soulève deux moyens pour exciper de l’irrecevabilité du recours. Le premier est tiré du caractère prématuré de la réclamation du requérant et, le second, de l’absence d’acte faisant grief.

16     Il convient d’examiner d’abord le second moyen.

 Arguments des parties

17     La Commission estime que la demande en annulation est irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre des actes qui ne font pas grief au requérant. Elle souligne que, conformément à l’article 91 du statut, seuls les actes faisant grief au requérant peuvent être attaqués. Les décisions litigieuses ne constituant que des mesures d’organisation interne, elles ne sauraient être qualifiées d’actes de nature à influencer directement la position juridique du requérant et dont il pourrait demander l’annulation. Selon la Commission, il ne s’agissait pas, en l’espèce, du pourvoi d’un poste vacant à l’intérieur de l’unité concernée, mais d’une simple modification de la répartition des tâches qui a abouti à l’attribution à MM. Willekens et Burger de certaines compétences dans le cadre de ce changement de structure. En l’absence de poste vacant, il n’y avait aucune obligation de publication et, partant, aucune obligation d’examen comparatif des candidatures. Le requérant ne prouverait d’ailleurs pas que ces décisions affectent sa situation professionnelle, modifient son grade ou son poste ou portent atteinte à ses intérêts matériels et moraux. Il ne fournirait aucune preuve ni la moindre indication du fait que ses perspectives professionnelles seraient lésées. Il ne démontrerait aucunement que les mesures en question ont le caractère d’une sanction déguisée, qu’elles sont l’expression d’une volonté de discrimination déguisée ou qu’elles constituent un détournement de pouvoir. Selon la Commission, les décisions litigieuses ont été adoptées exclusivement dans l’intérêt du service et ne sont pas, comme le prétend le requérant, d’éventuels moyens illicites pour faire obstacle à sa carrière professionnelle ou pour porter atteinte à ses intérêts.

18     Le requérant conteste que les décisions litigieuses constituent de simples mesures d’organisation interne. Elles seraient des nominations à des postes de la structure hiérarchique permanente du personnel de la Commission. Toutefois, même si les décisions litigieuses devaient être qualifiées de mesures d’organisation interne, cela n’entraînerait nullement l’applicabilité automatique de la jurisprudence actuelle, et notamment de l’ordonnance du Tribunal du 7 juillet 1998, Moncada/Commission, (T-178/97, Rec. p. I-A-339, II‑989), dès lors que cette ordonnance concerne simplement la suppléance d’un supérieur hiérarchique pendant les vacances, et ce pour des fonctionnaires de la même carrière et non d’une carrière inférieure.

19     Le requérant ajoute que la qualification d’un acte comme faisant grief au sens de l’article 91 du statut ne dépend pas de sa qualification abstraite de mesure d’organisation interne ou autre, mais du point de savoir dans quelle mesure cet acte affecte les intérêts professionnels d’une personne déterminée. Il souligne que le choix, par la Commission, des fonctionnaires appelés à occuper des postes de chef d’unité adjoint et de chef de secteur affecte les intérêts de ceux qui ne sont pas retenus et qui remplissent les conditions de fond et de forme pour être nommés à ces postes, a fortiori lorsque, comme dans le cas du requérant, ils ont effectivement exercé les tâches correspondantes, comme le confirment d’ailleurs les rapports de notation. Le requérantserait d’un niveau supérieur à celui de ses deux collègues tant par ses qualifications formelles que par ses qualifications au fond. M. Willekens n’aurait aucune expérience du contrôle financier, tandis que M. Burger, ancien fonctionnaire de la catégorie B, n’aurait aucune expérience des dépenses opérationnelles, que son secteur doit pourtant contrôler. Le requérant fait remarquer que, en revanche, il a travaillé pendant plus de quinze ans dans le domaine du contrôle financier des dépenses opérationnelles. En outre, il aurait d’excellents rapports de notation, qui démontrent non seulement son expérience administrative mais également ses qualifications au fond.

20     Le requérant soutient qu’il était en conflit avec l’administration et que les décisions litigieuses en étaient une manifestation supplémentaire, la plus récente. Il rappelle les problèmes auxquels il a été confronté lors de sa promotion au grade A4 et à l’occasion des ses derniers rapports de notation. Ces problèmes auraient été résolus grâce à l’intervention du Tribunal et du comité des rapports de notation (voir notamment point 2 ci-dessus).

 Appréciation du Tribunal

21     Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un acte faisant grief au sens des articles 90, paragraphe 2, et 91, paragraphe 1, du statut est une condition indispensable de la recevabilité de tout recours formé par les fonctionnaires contre l’institution dont ils relèvent (voir, entre autres, arrêts du Tribunal du 13 juillet 1993, Moat/Commission, T-20/92, Rec. p. II-799, point 39 et du 28 mai 1998, W/Commission, T-78/96 et T-170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 45).

22     Seuls font grief les actes qui sont susceptibles d’affecter directement la position juridique d’un fonctionnaire et qui dépassent ainsi les simples mesures d’organisation interne du service, lesquelles ne portent pas atteinte à la position statutaire du fonctionnaire concerné ou au respect du principe du correspondance entre le grade du fonctionnaire et l’emploi auquel il est affecté. Un tel acte relève du pouvoir d’appréciation dont dispose toute administration pour répartir les tâches entre les membres de son personnel (voir, en ce sens l’arrêt du Tribunal du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T-129/98, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1139, point 45. Toutefois, certains actes même s’il n’affectent pas les intérêts matériels et le rang du fonctionnaire, peuvent être considérés comme des actes faisant grief s’ils portent atteinte aux intérêts moraux ou aux perspectives d’avenir de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T‑36/93, RecFP p. II-497, points 41 et 42).

23     En outre, seules des circonstances particulières ayant motivé des mesures d’organisation interne peuvent rendre recevable un recours contentieux contre celles-ci. Tel peut être le cas lorsque la décision en cause présente le caractère d’une sanction déguisée, qu’elle manifeste une volonté de discriminer le fonctionnaire concerné ou qu’elle est entachée d’un détournement de pouvoir (ordonnance Moncada/Commission, précité, point 33).

24     Le requérant critique en substance le fait que des fonctions supérieures aux siennes sont prétendument exercées par des fonctionnaires de grade inférieur. 

25     Pour ce qui est des décisions litigieuses, il est constant que ces mesures n’ont nullement affecté les droits statutaires du requérant. En effet, ainsi que l’a indiqué ce dernier lors de l’audience, elles n’ont emporté aucune modification de son grade ou des droits matériels que lui reconnaît le statut. En outre, le requérant a explicitement déclaré, à l’audience, qu’il ne contestait pas le respect de l’équivalence entre ses tâches actuelles et son grade. Il a confirmé qu’il exerçait les fonctions d’un administrateur principal et que son supérieur hiérarchique était resté le même après les décisions litigieuses. Il s’ensuit que les fonctions exercées par le requérant sont appropriées pour un fonctionnaire de son grade.

26     Il importe de relever que les fonctions de «chef adjoint d’unité», de «chef de secteur» et d’«administrateur principal» figurent dans la décision de la Commission COM(88)PV 928, du 19 juillet 1988, concernant le pourvoi des emplois d’encadrement intermédiaire, publiée aux Informations administratives n° 578 du 5 décembre 1988 (telle que modifiée). Il ressort notamment de ces dispositions qu’un chef adjoint d’unité participe, sous l’autorité du chef d’unité, à la direction d’une unité, qu’un chef de secteur coordonne, sous l’autorité du chef d’unité, les travaux relevant d’un des secteurs d’activité de l’unité et qu’un administrateur principal est chargé de tâches de conception ou de contrôle sous l’autorité d’un chef d’unité. Rien dans ces dispositions ne suppose l’établissement d’une hiérarchie entre les dénominations en cause ni que certaines fonctions ont une valeur supérieure à d’autres. En effet, il ressort clairement de ces dispositions que ces dénominations sont tous exercées sous l’autorité d’un chef d’unité. 

27     Le Tribunal estime que les décisions litigieuses n’affectent pas la situation administrative du requérant dès lors qu’elles n’affectent ni la nature ni les conditions d’exercice de ses fonctions. En outre, eu égard notamment à l’absence d’hiérarchie entre les dénominations en cause, le requérant n’a pas établi que les décisions litigieuses ont porté atteinte à ses intérêts moraux ou à ses perspectives d’avenir.

28     Il y a lieu de constater également que le requérant n’a pas démontré que l’adoption des décisions litigieuses avait été motivée par l’existence de «circonstances particulières» au sens de l’ordonnance Moncada/Commission, précité (voir point 23 ci-dessus). Le requérant n’a pas apporté le moindre élément de preuve que ces décisions étaient constitutives d’une sanction déguisée, entachées d’un détournement de pouvoir ou discriminatoires. 

29     Dès lors, le Tribunal considère que les décisions litigieuses constituent des actes de pure gestion n’affectant pas immédiatement et directement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique.

30     Il s’ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable sans qu’il soit nécessaire d’examiner le premier moyen d’irrecevabilité.

 Sur les dépens

31     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Il s’ensuit que chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens, y compris les dépens afférents à la procédure de référé.

Lindh

García-Valdecasas

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 mars 2004.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       P. Lindh


* Langue de procédure: le grec.