Language of document : ECLI:EU:T:2012:453

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 septembre 2012 (*)

« Fonds structurels – Concours financier –Ligne ferroviaire Budapest-Kelenföld - Székesfehérvár - Boba – TVA – Dépense non éligible »

Dans l’affaire T‑407/10,

Hongrie, représentée par M. M. Z. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Steiblytė, MM. D. Triantafyllou et V. Bottka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en annulation formé contre la décision de la Commission du 8 juillet 2010 relative au grand projet intitulé « Reconstruction de la ligne de chemin de fer Budapest-Kelenföld - Székesfehérvár - Boba, premier tronçon, première phase » et faisant partie du programme opérationnel « Transports » prévoyant un soutien structurel de l’Union européenne par l’intermédiaire du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds de cohésion (CCI 2008HU161PR015),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Réglementation européenne

1        Le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 (JO L 210, p. 25), tel que modifié, définit à son article 2, points 4 et 5, les notions de « bénéficiaire » et de « dépense publique » dans les termes suivants :

« 4)      ‘bénéficiaire’ : un opérateur, un organisme ou une entreprise, public ou privé, chargé de lancer ou de lancer et mettre en œuvre des opérations. Dans le cadre des régimes d’aides au titre de l’article 87 du traité, les bénéficiaires sont les entreprises publiques ou privées qui réalisent un projet individuel et reçoivent l’aide publique ;

5)      ‘dépense publique’ : toute participation publique au financement des opérations provenant du budget de l’État, des autorités régionales ou locales, du budget général des Communautés européennes relatif aux fonds structurels et au Fonds de cohésion et toute dépense similaire. Toute participation au financement des opérations provenant du budget d’organismes de droit public ou d’associations formées par une ou plusieurs autorités régionales ou locales ou des organismes de droit public agissant conformément à la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services [...] est considérée comme une dépense similaire [...] »

2        L’article 55 du même règlement, relatif aux projets générateurs de recettes, prévoit :

« 1.      Aux fins du présent règlement, on entend par ‘projet générateur de recettes’ toute opération impliquant un investissement dans une infrastructure dont l’utilisation est soumise à des redevances directement supportées par les utilisateurs ou toute opération impliquant la vente ou la location de terrains ou d’immeubles ou toute autre fourniture de services contre paiement.

2.      Les dépenses éligibles liées à un projet générateur de recettes n’excèdent pas la valeur actuelle du coût d’investissement, déduction faite de la valeur actuelle des recettes nettes de l’investissement sur une période de référence déterminée pour :

a)      les investissements dans une infrastructure ; ou

b)      d’autres projets pour lesquels il est possible d’estimer objectivement les recettes au préalable.

Lorsque le coût d’investissement n’est pas intégralement éligible à un cofinancement, les recettes nettes sont allouées sur une base proportionnelle aux parties éligibles du coût d’investissement et à celles qui ne le sont pas.

Pour ce calcul, l’autorité de gestion tient compte de la période de référence appropriée à la catégorie d’investissement concernée, de la catégorie du projet, de la rentabilité normalement escomptée compte tenu de la catégorie d’investissement concernée, de l’application du principe du pollueur-payeur et, le cas échéant, de considérations d’équité liées à la prospérité relative de l’État membre en question.

3.      Lorsqu’il n’est objectivement pas possible d’estimer les recettes au préalable, les recettes nettes générées dans les cinq années suivant l’achèvement d’une opération sont déduites des dépenses déclarées à la Commission.

4.      Lorsqu’il est établi qu’une opération a généré des recettes nettes qui n’ont pas été prises en compte au titre des paragraphes 2 et 3, ces recettes nettes sont déduites par l’autorité de certification au plus tard au moment de la soumission des documents pour le programme opérationnel visé à l’article 89, paragraphe 1, [sous] a). La demande de paiement du solde final est corrigée en conséquence.

5.      Les paragraphes 1 à 4 du présent article ne s’appliquent qu’aux opérations cofinancées par le FEDER ou le Fonds de cohésion dont le coût total est supérieur à 1 million d’euros.

6.      Le présent article ne s’applique pas aux projets soumis aux règles en matière d’aides d’État au sens de l’article 87 du traité. »

3        L’article 56, paragraphe 4, du même règlement, relatif à l’éligibilité des dépenses, prévoit :

« Les règles d’éligibilité des dépenses sont établies au niveau national, sous réserve des exceptions prévues dans les règlements spécifiques à chaque fonds. Elles concernent l’intégralité des dépenses déclarées au titre des programmes opérationnels. »

4        Selon le considérant 1 du règlement (CE) n° 1084/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, instituant le Fonds de cohésion et abrogeant le règlement (CE) n° 1164/94 (JO L 210, p. 79), le règlement n° 1083/2006 « met en place un nouveau cadre dans lequel s’inscrit l’action des fonds à finalité structurelle et du Fonds de cohésion, en fixant notamment les objectifs, les principes et les règles de partenariat, de programmation, d’évaluation et de gestion ». Le règlement n° 1084/2006 précise la mission du Fonds de cohésion par rapport au nouveau cadre d’action et par rapport à celle qui lui est assignée dans le traité.

5        Il ressort du considérant 4 du règlement n° 1084/2006 que « [l]e règlement n° 1083/2006 dispose que les règles concernant l’éligibilité des dépenses doivent être établies au niveau national, hormis certaines exceptions pour lesquelles il est nécessaire de fixer des règles spécifiques ». Le règlement n° 1084/2006 précise ces règles spécifiques concernant les exceptions relatives au Fonds de cohésion.

6        L’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 1084/2006 dispose que le Fonds de cohésion est régi par ledit règlement et par le règlement n° 1083/2006.

7        L’article 3 du règlement n° 1084/2006, relatif à l’éligibilité des dépenses, prévoit :

« Les dépenses ci-après ne sont pas éligibles à une intervention du fonds :

[…]

e)      la taxe sur la valeur ajoutée récupérable. »

8        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), telle que modifiée, prévoit :

« 1.      Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

a)      les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[…] »

9        Le titre X de la directive 2006/112, relatif aux déductions, contient les dispositions détaillant les conditions dans lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) peut être déductible ou remboursée.

 Réglementation nationale

10      L’article 14 de la vasúti közlekedésről szóló 2005, évi CLXXXIII. törvény [loi n° CLXXXIII de 2005 sur les communications ferroviaires, Magyar Közlöny 2005/172 (XII.29.)], prévoit ce qui suit :

« (1)      La gestion de l’infrastructure comprenant une voie ferrée du réseau national principal et ses installations accessoires, ou d’une infrastructure ferroviaire dont fait partie une voie ferrée du réseau national principal ou ses installations accessoires, peut être assurée par une société commerciale dont l’État hongrois est l’unique associé (actionnaire). La gestion de l’infrastructure ferroviaire comprenant une voie ferrée régionale et ses installations accessoires, et dont aucune voie ferrée du réseau national principal ou installation accessoire ne fait partie, peut être assurée par une société commerciale au sein de laquelle l’État hongrois dispose d’une influence lui assurant au minimum une majorité de gestion. La gestion de l’infrastructure comprenant les voies ferrées n’appartenant à aucune de ces deux catégories, y compris leurs installations accessoires, peut être assurée par n’importe quelle société commerciale.

(2)      La redevance d’accès au réseau devant être acquittée au titre de l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire librement accessible est perçue par cette société ferroviaire de gestion, laquelle a l’obligation d’affecter les recettes en découlant à la gestion de l’infrastructure ferroviaire librement accessible.

[…]

(5)      Parmi les éléments de la gestion de l’infrastructure ferroviaire, le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire ou l’organisme contribuant au développement [...] assure la création de nouvelles infrastructures, la rénovation et le développement des infrastructures existantes. Si ces tâches sont assurées par l’organisme contribuant au développement, le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire concerné lui apporte son concours, en sa qualité d’organisme disposant d’une licence de gestion d’infrastructure, délivrée par les autorités compétentes. Le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et l’organisme de développement concluent un contrat de coopération relatif à la répartition des tâches. »

11      L’article 85/A de la vasúti közlekedésről szóló 2005, évi CLXXXIII. törvény dispose :

« Nemzeti Infrastruktúra Fejlesztő Zrt [...], en sa qualité d’organisme contribuant au développement, est chargée de réaliser, au nom et pour le compte de l’État hongrois, les tâches de création, de rénovation et de développement portant sur l’infrastructure ferroviaire, à partir de subventions provenant de l’Union européenne et du budget national. [Nemzeti Infrastruktúra Fejlesztő] – après avoir accompli cette mission – réalise, au nom et pour le compte de l’État hongrois, le décompte des ressources utilisées et des moyens disponibles avec les institutions qui ont mis ces ressources à disposition. Lors de ce décompte, [Nemzeti Infrastruktúra Fejlesztő] transfère directement au Fonds de gestion du patrimoine national [, le Magyar Nemzeti Vagyonkezelő Zrt], les moyens disponibles (en les déduisant, dans ses registres, des ressources portées en compte). [Le Magyar Nemzeti Vagyonkezelő] confie la gestion du patrimoine d’État ainsi créé à l’organisme désigné d’un commun accord par le ministre et conclut avec celui-ci un contrat de gestion. »

 Antécédents du litige

12      Il ressort du dossier que Nemzeti Infrastruktúra Fejlesztő Zrt (société nationale de développement de l’infrastructure, ci-après « NIF ») est une société détenue à 100 % par l’État hongrois. Les droits afférents à cette participation sont exercés par le ministre du Développement national. Au nombre des tâches incombant à NIF en tant que tâches étatiques figure le développement de l’infrastructure ferroviaire, des autoroutes, du réseau routier public. Les recettes de NIF destinées à ces tâches proviennent exclusivement de crédits budgétaires et de subventions de l’Union européenne ; elle ne réalise les projets qu’au moyen de subventions de l’État hongrois et de l’Union.

13      NIF transfère sans percevoir de contrepartie les ouvrages réalisés dans les limites de son activité de développement au Magyar Nemzeti Vagyonkezelő Zrt (MNV, Fonds de gestion du patrimoine national), qui exerce les droits de propriété au nom de l’État hongrois. La gestion de l’infrastructure ferroviaire nationale incombe à la Magyar Àllamvasutak Zrt (société des chemins de fer étatiques hongrois) ou à la Győr-Sopron-Ebenfurti Vasút Zrt (société des chemins de fer Győr-Sopron-Ebenfurti). D’autres sociétés commerciales assurent l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire régionale ou autre, conformément à ce que prévoit la licence d’exploitation. L’utilisation de l’infrastructure ferroviaire librement accessible donne lieu au paiement, auprès du gestionnaire, d’une redevance d’accès au réseau qui est grevée de la TVA.

14      Le 18 décembre 2008, la Hongrie a introduit auprès de la Commission européenne une demande de financement relative au grand projet intitulé « Reconstruction de la ligne de chemin de fer Budapest-Kelenföld - Székesfehérvár - Boba, premier tronçon, première phase ». Dans cette demande, les autorités hongroises ont indiqué, comme dépenses éligibles, la TVA se rapportant audit projet, au motif que NIF, chargée de la construction du tronçon de voie ferrée et en tant que bénéficiaire final du soutien, ne pouvait ni déduire ni récupérer cette TVA.

15      Après plusieurs échanges de lettres, la Commission a indiqué, le 8 juillet 2009, dans une lettre relative à quatre grands projets, dont celui faisant l’objet de la présente affaire, qu’elle considérait la TVA payée comme une dépense non éligible. La Commission a adopté la même position dans la décision du 8 juillet 2010 relative au grand projet intitulé « Reconstruction de la ligne de chemin de fer Budapest-Kelenföld - Székesfehérvár - Boba, premier tronçon, première phase » faisant partie du programme opérationnel « Transports » prévoyant un soutien structurel de l’Union par l’intermédiaire du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds de cohésion (ci-après la « décision attaquée »).

16      L’article 1er de la décision attaquée dispose :

« 1.      La Commission approuve la contribution financière allouée à partir du Fonds de cohésion au grand projet ‘Reconstruction de la ligne de chemin de fer Budapest-Kelenföld - Székesfehérvár - Boba, premier tronçon, première phase’ et faisant partie du programme opérationnel ‘Transports’ prévoyant un soutien structurel de l’Union dans le cadre de l’objectif ‘Convergence’ par l’intermédiaire du [FEDER] et du Fonds de cohésion.

2.      L’objet physique du grand projet est décrit en annexe I.

3.      Le montant maximal auquel il y a lieu d’appliquer le taux de cofinancement destiné à l’axe prioritaire 1 du programme opérationnel, intitulé ‘améliorer l’accessibilité internationale au réseau ferroviaire et fluvial national et aux centres régionaux du pays’, au titre du grand projet est fixé à 404 536 779 [euros].

4.      Le plan annualisé de la contribution financière du Fonds de cohésion au grand projet figure en annexe II. »

17      Le considérant 5 de la décision attaquée énonce :

« Conformément aux dispositions de l’article 3, sous e), du règlement […] n° 1084/2006 et sur le fondement des renseignements fournis par les autorités hongroises à la demande de la Commission, la Commission considère que la TVA payée lors de la réalisation du projet est récupérable par la suite. Par conséquent, le montant de la TVA compensée ne peut pas être compris dans le calcul de la somme maximale auquel il convient d’appliquer, dans le cas du grand projet en cause, le taux de cofinancement destiné à l’axe prioritaire du programme opérationnel. »

18      L’annexe II de la décision attaquée contient le plan annualisé de la contribution financière du Fonds de cohésion au grand projet pour les années 2007 à 2013.

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphes 3 et 4, ainsi que l’annexe II de la décision attaquée, dans la mesure où ces dispositions déterminent la somme maximale à laquelle il convient d’appliquer le taux de cofinancement de telle manière que certaines dépenses représentant des paiements au titre de la TVA sont exclues des dépenses éligibles ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22      Au soutien de son recours, la requérante invoque une violation de l’article 56, paragraphe 4, du règlement n° 1083/2006, tel que modifié, et de l’article 3 du règlement n° 1084/2006.

23      Selon elle, il découle de l’article 3, sous e), du règlement n° 1084/2006 que seule la TVA récupérable est mentionnée comme n’étant pas éligible à une intervention du Fonds de cohésion et qu’il y a lieu de considérer que la TVA non récupérable est éligible à une telle intervention, de sorte que la Commission ne pouvait pas exclure les dépenses correspondant à la TVA facturée en amont à NIF. La requérante ajoute que c’est aux États membres d’établir les règles d’éligibilité des dépenses et que, par la décision attaquée, la Commission retire aux États membres ce pouvoir.

24      Par ailleurs, si, toujours selon la requérante, l’interprétation littérale de ladite disposition ne donne pas d’indication claire pour la solution du litige, une interprétation systématique et téléologique de cette même disposition devrait conduire à considérer que la TVA acquittée pour la construction du tronçon de voie ferrée en cause n’est pas récupérable et est donc éligible à l’intervention du Fonds de cohésion. Selon la requérante, la réglementation relative aux fonds structurels et au Fonds de cohésion ne crée aucun contexte spécifique pour l’interprétation de la notion de TVA récupérable au sens de l’article 3, sous e), du règlement n° 1084/2006. Cette notion devrait être interprétée de la même manière que la notion de droit de l’assujetti à déduire la TVA. Par conséquent, la requérante fait observer que, comme NIF n’est pas un assujetti au sens fiscal et ne percevra pas de redevances, cette dernière ne peut pas déduire de la TVA dont elle est redevable la TVA qu’elle a acquittée pour les biens qui lui sont livrés ou les services qui lui sont fournis pour la construction du tronçon de voie ferrée concerné.

25      Dans la décision attaquée, la Commission a déclaré non éligible à l’intervention du Fonds de cohésion la TVA acquittée par NIF pour le projet de construction du tronçon de voie ferrée en cause. La Commission invoque le motif que cette TVA est récupérable au sens de l’article 3, sous e), du règlement n° 1084/2006.

26      Selon la Commission, la TVA payée initialement par NIF pour la construction du tronçon de voie ferrée en cause sera récupérable car la société chargée de l’exploitation dudit tronçon percevra la redevance d’accès au réseau ferré, qui est grevée de la TVA.

27      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon l’article 55, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006, est compris « par ‘projet générateur de recettes’ toute opération impliquant un investissement dans une infrastructure dont l’utilisation est soumise à des redevances directement supportées par les utilisateurs ou toute opération impliquant la vente ou la location de terrains ou d’immeubles ou toute autre fourniture de services contre paiement ».

28      Or, en l’espèce, il est constant que le projet en cause est un projet générateur de recettes au sens de ladite disposition.

29      D’une part, ainsi qu’il ressort des points 10 à 13 ci-dessus, le tronçon de voie ferrée concerné, une fois construit, est transféré sans contrepartie par NIF au MNV, qui exerce les droits de propriété au nom de l’État hongrois. En outre, la gestion de l’infrastructure ferroviaire nationale incombe à la Magyar Àllamvasutak ou à la Győr-Sopron-Ebenfurti Vasút, à savoir d’autres sociétés commerciales assurant l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire régionale ou autre, conformément à ce que prévoit la licence d’exploitation. Il n’est pas contesté que l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire librement accessible donne lieu au paiement, auprès du gestionnaire, d’une redevance d’accès au réseau soumise à la TVA.

30      D’autre part, la requérante a indiqué avoir tenu compte d’une gestion financière unique des phases de construction et d’exploitation et avoir procédé à une analyse coûts/avantages propres aux projets générateurs de recettes. Il ressort de la demande de financement communiquée en annexe 2 de la requête que la requérante a pris en compte, pour le calcul du besoin de financement, la redevance d’accès que le gestionnaire du tronçon de voie ferrée devrait percevoir.

31      Par ailleurs, la Commission a fait valoir à juste titre que, si NIF avait perçu les redevances grevées de la TVA, il y aurait lieu d’admettre que la TVA versée par NIF eût été récupérable. La requérante n’a pas contesté, devant le Tribunal, la conséquence d’une telle hypothèse.

32      Or, il ne ressort pas des dispositions combinées des règlements n° 1083/2006 et n° 1084/2006, dans une situation comme celle de l’espèce, où la requérante a choisi la structure institutionnelle étatique chargée du projet générateur de recettes, que, compte tenu de ce choix, la responsabilité de la construction n’incombant pas au même organisme public que celui chargé de son exploitation, la décision de répartir les recettes et les dépenses entre plusieurs organismes publics relevant de l’État hongrois ainsi qu’entre plusieurs responsables du projet générateur de recettes puisse modifier l’appréciation du caractère éligible des dépenses, notamment de celui de la TVA acquittée pour la réalisation dudit projet.

33      À cet égard, l’argument de la requérante selon lequel, par sa décision, la Commission empiète sur les compétences de l’État membre ne saurait être retenu.

34      En effet, il ressort de l’article 56, paragraphe 4, du règlement n° 1083/2006 que, si les règles d’éligibilité des dépenses sont établies au niveau national sous réserve des exceptions prévues par les règlements spécifiques à chaque fonds, c’est précisément le règlement n° 1084/2006 qui, selon son considérant 4, établit des exceptions et précise celles-ci pour le Fonds de cohésion.

35      À ce titre, l’article 3, sous e), du règlement n° 1084/2006 prévoit que la TVA récupérable n’est pas éligible à l’intervention du Fonds de cohésion.

36      Ensuite, n’est pas fondé l’argument de la requérante selon lequel la notion de TVA récupérable doit être strictement déterminée à la lumière des dispositions du droit fiscal, notamment celles relatives au droit à déduction dont dispose un assujetti à la TVA.

37      L’article 3, sous e), du règlement n° 1084/2006, dans sa version hongroise, retient que la « TVA qui peut être réclamée » n’est pas éligible. Dans d’autres versions linguistiques, telles que, notamment, les versions espagnole, danoise, anglaise française, italienne ou finnoise, il est prévu que c’est la « TVA récupérable » qui n’est pas éligible.

38      Ladite disposition ne définit toutefois pas ce qu’il convient d’entendre par TVA qui peut être réclamée ou par TVA récupérable.

39      Il y a lieu de rappeler que toutes les versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union doivent, par principe, se voir reconnaître la même valeur, laquelle ne saurait varier en fonction, notamment, de l’importance de la population des États membres qui pratique la langue en cause. Afin de préserver l’unité d’interprétation du droit de l’Union, il importe dès lors, en cas de divergences entre ces versions, d’interpréter la disposition concernée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêt de la Cour du 20 novembre 2003, Kyocera, C‑152/01, Rec. p. I‑13821, points 32 et 33, et la jurisprudence citée).

40      Compte tenu de la divergence des versions linguistiques de l’article 3, sous e), du règlement n° 1084/2006, il convient d’interpréter cette disposition en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation en question.

41      La requérante soutient que, en hongrois, la notion de TVA qui peut être réclamée doit être rapprochée de la notion de TVA déductible, telle que retenue par les dispositions de la directive 2006/112.

42      Le titre X de la directive 2006/112 prévoit en effet les cas de déduction ou de remboursement de la TVA au profit de l’assujetti à la TVA.

43      Toutefois, le droit à déduction ne recouvre pas forcément l’hypothèse de la TVA récupérable, telle qu’elle apparaît dans des versions linguistiques du règlement n° 1084/2006 autres que la version hongroise. Cela est particulièrement clair si la définition de la TVA récupérable est reprise telle qu’elle figurait ou figure dans la réglementation relative aux fonds structurels et au Fonds de cohésion, comme la Commission le souligne.

44      La Commission a invoqué l’article 11, paragraphe 1, de son règlement (CE) n° 16/2003, du 6 janvier 2003, portant modalités particulières d’exécution du règlement (CE) n° 1164/94 du Conseil en ce qui concerne l’éligibilité des dépenses dans le cadre des actions cofinancées par le Fonds de cohésion (JO L 2, p. 7), qui prévoit :

« La [TVA] ne constitue pas une dépense éligible sauf si elle est réellement et définitivement supportée par l’organisme responsable de la mise en œuvre. La TVA qui est récupérable, par quelque moyen que ce soit, ne peut pas être considérée comme éligible même si elle n’est pas effectivement récupérée par l’organisme responsable de la mise en œuvre ou par le destinataire ultime. »

45      La Commission a invoqué, dans le même sens, la règle n° 7 de son règlement (CE) n° 448/2004, du 10 mars 2004, modifiant le règlement (CE) n° 1685/2000 portant modalités d’exécution du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil en ce qui concerne l’éligibilité des dépenses dans le cadre des opérations cofinancées par les fonds structurels et abrogeant le règlement (CE) n° 1145/2003 (JO L 72, p. 66), qui prévoit :

« La TVA ne constitue pas une dépense éligible, sauf si elle est réellement et définitivement supportée par le bénéficiaire final ou par le destinataire ultime dans le cadre des régimes d’aide relevant de l’article 87 du traité et dans le cas des aides octroyées par les organismes désignés par les États membres. La TVA qui est récupérable, par quelque moyen que ce soit, ne peut pas être considérée comme éligible, même si elle n’est pas effectivement récupérée par le bénéficiaire final ou par le destinataire ultime. Le statut, public ou privé, du bénéficiaire final ou du destinataire ultime n’entre pas en ligne de compte pour déterminer si la TVA constitue une dépense éligible en vertu des dispositions de la présente règle. »

46      Les définitions rappelées aux points 44 et 45 ci-dessus confortent la thèse selon laquelle la notion de TVA récupérable ne dépend pas nécessairement de la faculté de l’assujetti à déduire ou non la TVA.

47      Cela conduit à préciser que, dans le contexte des règlements n1083/2006 et n1084/2006, il est fait référence, pour l’éligibilité de la TVA, au bénéficiaire de l’intervention du fonds et non à l’assujetti au sens de la directive 2006/112.

48      La Commission relève à juste titre qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 4, du règlement n° 1083/2006, que le terme « bénéficiaire », défini comme l’opérateur, l’organisme ou l’entreprise, public ou privé, chargé de lancer ou de lancer et de mettre en œuvre des opérations, ne recouvre pas le terme « assujetti » au sens de la directive 2006/112.

49      Par ailleurs, la Commission émet des doutes quant à la recevabilité de l’argument de la requérante développé au point 12 de sa réplique selon lequel il n’est pas certain, en tout état de cause, que la TVA puisse être récupérée dans son intégralité par la perception de la TVA grevant les recettes du projet. La Commission considère qu’il s’agit là d’un moyen nouveau. La requérante a répondu à l’audience que tel n’était pas le cas. Il s’agirait selon elle de développer l’argumentation selon laquelle la TVA payée au titre de la construction du tronçon de chemin de fer concerné n’est pas récupérable par les recettes et la TVA perçues au cours de l’exploitation dudit tronçon.

50      Conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

51      En l’espèce, il y a lieu de relever que l’argument visant à démontrer que la TVA ne serait pas récupérée en intégralité par la perception de la TVA grevant les recettes du projet n’a été abordé qu’au stade de la réplique et qu’il est distinct du moyen tendant à démontrer que la TVA grevant les redevances ne pouvait pas être prise en considération du fait de la structure institutionnelle choisie par la requérante. En effet, l’argument avancé dans la réplique ne peut être examiné que, à titre subsidiaire, à supposer qu’il ait été retenu préalablement que la TVA grevant les redevances pouvait être prise en considération et donc qu’il ait été jugé que le moyen soulevé dans la requête n’était pas fondé. Le grief avancé dans la réplique ne peut être considéré comme constituant une ampliation du moyen soulevé dans la requête et constitue donc un moyen nouveau produit en cours d’instance. Il y a lieu de le considérer comme étant irrecevable, d’autant qu’il n’a pas été invoqué qu’il puisse se fonder sur des éléments de droit et de fait s’étant révélés pendant la procédure.

52      Enfin, au point 24 de la requête, la requérante invoque le paragraphe 57 du document du Conseil du 19 décembre 2005 relatif aux perspectives financières 2007-2013 au soutien de son interprétation de la notion de TVA récupérable. Or, comme le soutient à juste titre la Commission, le passage de ce document dans lequel il est fait mention de la TVA récupérable et de la directive 2006/112 n’a pas été repris dans le règlement n° 1084/2006.

53      Dès lors que, dans les règlements no 1083/2006 et n° 1084/2006, la notion de TVA récupérable est associée à celle de bénéficiaire et non à celle d’assujetti, il apparaît difficile de conclure que cette notion doit être interprétée à la lumière du droit fiscal, à l’instar de la notion de TVA déductible ou remboursable.

54      La requérante n’a en conséquence pas démontré, par ses arguments, que la Commission n’était pas en droit d’estimer, dans le cas d’espèce, que la structure institutionnelle publique choisie pour le projet générateur de recettes concerné devait conduire à considérer la TVA acquittée pour la réalisation dudit projet comme étant inéligible.

55      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme étant pour partie irrecevable, en ce qu’il repose sur un moyen nouveau ne se fondant pas sur des éléments de droit ou de fait s’étant révélés pendant la procédure, et, pour le surplus, non fondé.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Hongrie ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Hongrie est condamnée aux dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : le hongrois.