Language of document : ECLI:EU:T:2018:564

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

19 septembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Eddy’s Snackcompany – Marque nationale verbale antérieure TEDDY – Motif relatif de refus – Principe ne ultra petita – Article 76, paragraphe 1, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 95, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001] – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑652/17,

Eddy’s Snack Company GmbH, établie à Lügde (Allemagne), représentée par Me M. Decker, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Fischer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG, établie à Kilchberg (Suisse),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 11 juillet 2017 (affaire R 1999/2016-4), relative à une procédure d’opposition entre Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli et Eddy’s Snack Company,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2017,

à la suite de l’audience du 28 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 juillet 2015, la requérante, Eddy’s Snack Company GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Eddy’s Snackcompany.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; viande ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; arachides, noisettes, noix, amandes et noix de cajou, raisins et raisins secs de Corinthe séchés, grillés, salés et/ou épicés, les produits précités également sous forme de produits préparés ou semi-préparés, chips, pommes frites ; biscuits de pomme de terre frits ; produits à base de pommes de terre pour grignoter obtenus par extrusion ; pâtes à tartiner, à savoir essentiellement à base de crème aux noix et/ou aux arachides » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou ; farines et préparations céréalières, pâtisseries, confiseries, en particulier biscuits de pâte brisée, gaufrettes, biscuits salés, biscuits aux oignons et au fromage, gaufres, hosties, biscuiterie, biscottes, pain d’épices, crackers, produits de boulangerie prêts à l’emploi à passer au grille-pain, en particulier sandwichs sucrés et salés, muffins ; sucreries, en particulier caramels, bonbons, fondants et articles au fondant, massepain et croquants ; miel, sirop de mélasse ; levure ; poudre à lever ; sel ; épices ; maïs grillé et éclaté [pop corn] ; chocolat, produits à base de sucre et de chocolat sous forme de barre, barres de muesli ; préparations à base de céréales, à savoir grains et flocons de céréales préparés avec ajout de noix, raisins secs, fruits, fruits en poudre, germes de blé, sucre et/ou miel ; produits prêts à la consommation cuits ou séchés, en morceaux et semi-solides à base majoritaire de céréales ; produits cuits au four de longue durée, en particulier biscuits durs et mous ; les articles précités également sous forme de produits préparés ou semi-préparés ; produits à grignoter à base de blé, de riz et/ou de maïs obtenus par extrusion ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 147/2015, du 7 août 2015.

5        Le 3 novembre 2015, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 30 visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque allemande verbale TEDDY, enregistrée sous le numéro 2105373 le 16 décembre 1998 et renouvelée jusqu’au 31 mars 2024 ;

–        l’enregistrement international LINDT TEDDY, du 5 août 2011, portant le numéro 1088834 et désignant l’Union européenne.

7        La marque allemande antérieure vise notamment des produits relevant de la classe 30 et correspondant à la description suivante : « Chocolat et produits à base de chocolat (également produits en chocolat contenant de l’alcool et des nappages) ; sucreries (y compris sous forme de dragées) ; pralines ; massepain ; cacao ; produits de pâtisserie et de biscuiterie, en particulier biscuits ; biscottes ; biscuits salés ; articles à grignoter, principalement à base de produits céréaliers et/ou de pâtisserie ».

8        L’enregistrement international antérieur vise des produits relevant de la classe 30 et correspondant à la description suivante : « Cacao et cacao en poudre ; chocolat creux et plein ; gâteaux en chocolat, à savoir petits chocolats mélangés (pralines) ; figurines pleines et creuses en chocolat ».

9        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

10      Le 27 octobre 2016, la division d’opposition a rejeté l’opposition. À cet égard, elle a constaté, en substance, qu’il existait une certaine similitude visuelle et phonétique entre les signes Eddy’s Snackcompany et TEDDY, mais que, en raison de la différence totale entre les significations de ceux-ci, les consommateurs pouvaient les distinguer, de sorte qu’il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En ce qui concerne l’enregistrement international antérieur, la division d’opposition a relevé que ce risque était a fortiori exclu, au vu des différences visuelles et phonétiques découlant de la présence de l’élément « lindt ».

11      Le 3 novembre 2016, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

12      Par décision du 11 juillet 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours, en constatant l’existence d’un risque de confusion entre la marque allemande antérieure et la marque demandée au regard des produits visés au point 3 ci-dessus. À cette fin, elle a, notamment, considéré ce qui suit :

–        le public pertinent résidait en Allemagne et était composé du grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen ;

–        les produits visés par les marques en conflit et relevant des classes 29 et 30 étaient, en partie, dissemblables et, en partie, similaires, à des degrés divers ;

–        les signes en conflit présentaient un degré au moins moyen de similitude visuelle et phonétique alors que, sur le plan conceptuel, ils ne différaient pas au point qu’il était facile au public ciblé de les distinguer.

 Conclusions des parties

13      À la suite des précisions fournies lors de l’audience en réponse à des questions du Tribunal, la requérante conclut à ce qu’il plaise à ce dernier :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours ou l’EUIPO, conjointement ou séparément, aux dépens tant de la procédure devant la chambre de recours que de la procédure devant le Tribunal.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir le recours dans la mesure où il a pour objet l’annulation de la décision attaquée en ce que la chambre de recours a fait droit à l’opposition à l’égard des produits relevant de la classe 29 ;

–        rejeter le recours pour le surplus ;

–        condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, de l’application erronée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 76, paragraphe 1, de ce règlement (devenu article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001).

16      Il convient d’examiner en premier lieu le second moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009

17      La requérante rappelle que, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’EUIPO est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

18      À cet égard, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir élargi l’objet de l’opposition et fait valoir que celle-ci était clairement limitée aux produits relevant de la classe 30, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli n’ayant aucunement visé les produits relevant de la classe 29.

19      L’EUIPO confirme le bien-fondé de l’argument de la requérante.

20      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ressort d’une lecture combinée de l’article 42, paragraphe 5, première phrase, de l’article 64, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenus articles 47, paragraphe 5, première phrase, et article 71, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001) ainsi que de l’article 76, paragraphe 1, in fine, de ce règlement que la chambre de recours, dans le cadre d’un recours formé contre une décision de la division d’opposition, ne peut rejeter la demande de marque de l’Union européenne que dans les limites des prétentions que l’opposante fait valoir dans l’opposition dirigée à l’encontre de l’enregistrement de cette marque. En effet, la chambre de recours ne saurait statuer au-delà de l’objet de l’opposition [voir arrêt du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, non publié, EU:T:2006:400, point 45 et jurisprudence citée].

21      En l’espèce, il résulte sans équivoque du dossier et il est constant entre les parties que l’opposition était dirigée contre l’enregistrement de la marque demandée uniquement pour les produits relevant de la classe 30 visés au point 3 ci-dessus.

22      Toutefois, dans la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté la demande de marque de l’Union européenne aussi pour les produits relevant de la classe 29 mentionnés au point 3 ci-dessus.

23      Par conséquent, en étendant illégalement la portée de sa décision à des produits non couverts par l’objet de l’opposition présentée par Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, la chambre de recours a statué ultra petita et a ainsi commis une erreur de droit.

24      Dès lors, le second moyen doit être accueilli, de sorte qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce que la chambre de recours a rejeté la demande de marque de l’Union européenne pour les produits relevant de la classe 29.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

25      Par le premier moyen, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a reconnu l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. Elle invoque des arguments concernant la comparaison des signes et l’appréciation globale du risque de confusion.

 Observations liminaires

26      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n o 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n o 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

27      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

28      Il convient de souligner que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a fondé son examen du risque de confusion sur la seule marque allemande antérieure en ne tenant pas compte de l’enregistrement international antérieur. Il y a donc lieu d’exclure ledit enregistrement de l’appréciation du présent moyen.

 Sur le public pertinent

29      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

30      Aux points 7, 8 et 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a, en substance, considéré que, la marque antérieure étant protégée en Allemagne et les produits en cause s’adressant au consommateur général, le public pertinent était constitué du grand public résidant dans ce pays, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen.

31      Il y a lieu de maintenir ces constatations, qui ne sont d’ailleurs pas contestées par les parties.

 Sur la comparaison des produits

32      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

33      Premièrement, il convient de rappeler que, selon le point 16 de la décision attaquée, certains des produits visés par la marque demandée, compris dans la classe 30, à savoir les « pâtisseries, confiseries, en particulier biscuits de pâte brisée, gaufrettes, biscuits salés, biscuits aux oignons et au fromage, gaufres, hosties, biscuiterie, biscottes, pain d’épices, crackers, produits de boulangerie prêts à l’emploi à passer au grille-pain, en particulier sandwichs sucrés et salés, muffins ; sucreries, en particulier caramels, bonbons, fondants et articles au fondant, massepain et croquants ; miel, sirop de mélasse ; maïs grillé et éclaté [pop corn] ; chocolat, produits à base de sucre et de chocolat sous forme de barre, barres de muesli ; préparations à base de céréales, à savoir grains et flocons de céréales préparés avec ajout de noix, raisins secs, fruits, fruits en poudre, germes de blé, sucre et/ou miel ; produits prêts à la consommation cuits ou séchés, en morceaux et semi-solides à base majoritaire de céréales ; produits cuits au four de longue durée, en particulier biscuits durs et mous ; les articles précités également sous forme de produits préparés ou semi-préparés ; produits à grignoter à base de blé, de riz et/ou de maïs obtenus par extrusion », sont également connus comme des articles à grignoter ou sont à tout le moins utilisables comme tels, suivent les mêmes circuits de distribution et ont les mêmes producteurs que les « articles à grignoter », compris dans la classe 30, protégés par la marque allemande antérieure. La chambre de recours en conclut que les produits en cause sont au moins moyennement similaires.

34      Deuxièmement, selon le point 18 de la décision attaquée, les autres produits visés par la marque demandée compris dans la classe 30, à savoir les « café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou ; farines et préparations céréalières, levure ; poudre à lever ; sel ; épices », d’une part, sont des éléments de base des « produits de pâtisserie et de biscuiterie », protégés par la marque allemande antérieure, et, d’autre part, sont proposés dans les boulangeries et dans les pâtisseries et proviennent souvent des mêmes entreprises. La chambre de recours en conclut que ces produits et les produits compris dans la classe 30 visés par la marque allemande antérieure sont au moins faiblement similaires.

35      Il convient de maintenir les conclusions de la chambre de recours relatives à la similitude des produits, qui ne sont d’ailleurs pas remises en cause par les parties.

 Sur la comparaison des signes

36      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré qu’il existait une similitude entre les signes TEDDY et Eddy’s Snackcompany. Elle fait remarquer, notamment, que les signes en conflit n’ont que quatre lettres en commun et que l’élément « snackcompany » de la marque demandée n’est pas négligeable. Il s’ensuivrait que ces signes sont tout au plus faiblement similaires sur les plans visuel et phonétique. En ce qui concerne l’aspect conceptuel, selon la requérante, les signes en cause présentent des significations radicalement différentes, ce qui neutraliserait leurs éventuelles similitudes visuelle et phonétique.

37      L’EUIPO répond que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’élément « eddy » dominait la marque demandée, tout en précisant que les autres éléments de celle-ci n’ont pas été complètement exclus de la comparaison des signes. Compte tenu de l’importance particulière dudit élément, placé au demeurant au début de la marque demandée, la chambre de recours aurait conclu à bon droit à l’existence d’une similitude moyenne entre les signes en conflit sur les plans visuel et phonétique. S’agissant de l’aspect conceptuel, l’EUIPO soutient que, bien que le mot « teddy » soit utilisé en allemand pour désigner un ours en peluche, tant ce mot que le mot « eddy » sont les diminutifs de deux prénoms. En outre, la chambre de recours aurait relevé à juste titre qu’un ours en peluche pourrait se voir attribuer un prénom, tel qu’Eddy, par son propriétaire. À supposer que ces considérations ne suffisent pas pour établir l’existence d’une similitude conceptuelle, l’EUIPO est d’avis que celles-ci empêchent de constater l’existence de différences conceptuelles susceptibles de neutraliser les autres similitudes.

–       Sur les éléments distinctifs et dominants de la marque demandée

38      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

39      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

40      En l’espèce, aux points 22 à 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les éléments « ’s » et « snackcompany » de la marque demandée étaient descriptifs eu égard aux produits concernés et qu’ils disposaient, dès lors, d’un faible caractère distinctif. Ainsi, selon la chambre de recours, l’élément « eddy » domine la marque demandée, d’autant plus qu’il se situe au début du signe.

41      À cet égard, il y a lieu de relever que, à aucun moment de la comparaison des signes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, la chambre de recours n’a pris en considération les éléments « ’s » et « snackcompany » de la marque demandée. Dès lors, force est de constater qu’elle a non seulement explicitement qualifié de dominant l’élément « eddy » de celle-ci, mais qu’elle a aussi, implicitement mais nécessairement, qualifié de négligeables les deux autres éléments susmentionnés. Dans ce contexte, il y a lieu de rejeter la thèse, avancée par l’EUIPO lors de l’audience, en réponse à des questions du Tribunal, selon laquelle lesdits éléments n’ont pas été considérés comme étant négligeables, puisque, si tel avait été le cas, la chambre de recours aurait constaté un degré de similitude visuelle et phonétique encore plus élevé. En effet, cette thèse ne tient pas compte de la différence qui caractérise la partie initiale des éléments « eddy » et « teddy » et qui a été le seul fondement du raisonnement suivi par la chambre de recours, aux points 25 et 26 de la décision attaquée, pour retenir l’existence d’un degré de similitude visuelle et phonétique au moins moyen.

42      Or, le bien-fondé de l’approche de la chambre de recours consistant à exclure les éléments « ’s » et « snackcompany » de la comparaison des signes ne saurait être confirmé.

43      En effet, il est certes vrai que l’expression « snackcompany » est comprise par le public allemand comme étant composée de deux mots « snack » (en-cas) et « company » (entreprise), relevant de l’anglais de base et signifiant, dans leur ensemble, « entreprise qui produit des en-cas ». Il est aussi vrai que cette expression présente un certain lien avec les produits visés par la marque demandée, qui peuvent être des « snacks », de sorte qu’elle est peu distinctive dans ce contexte. Cependant, d’une part, cette expression est composée de douze lettres, alors que le prénom Eddy n’en a que quatre. D’autre part, et surtout, cette expression est liée audit prénom par l’élément « ’s », qui, en anglais, sert à décliner à la forme possessive le mot qui le précède. Ainsi, dans son ensemble, la marque demandée signifie « entreprise d’Eddy qui produit des en-cas ». Bien que le prénom Eddy soit plus distinctif au sein de cette expression, cette circonstance n’a pas pour conséquence que les autres éléments soient négligeables.

44      Cela est d’autant plus vrai que, la marque demandée étant une marque verbale, il ne peut pas être présumé que le prénom Eddy sera rédigé en utilisant des caractères plus grands ou plus facilement reconnaissables que ceux utilisés pour les autres éléments de la marque demandée. Il s’ensuit que c’est à tort que la chambre de recours a exclu ces autres éléments de la comparaison des signes. Il convient de vérifier dans quelle mesure cette erreur a une influence sur l’examen de la similitude des signes effectué par la chambre de recours.

–       Sur la similitude visuelle

45      Au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que l’élément dominant « eddy » de la marque demandée et le signe TEDDY, seul élément de la marque allemande antérieure, ne différaient que par la lettre « t » figurant au début de cette dernière et elle en a conclu que les signes présentaient au moins une similitude moyenne sous l’aspect visuel.

46      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [voir arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 51 et jurisprudence citée].

47      Il s’ensuit que le public pertinent remarquera immédiatement que les signes en conflit commencent par deux lettres différentes, à savoir la lettre « t », s’agissant de la marque antérieure allemande, et la lettre « e » s’agissant de la marque demandée.

48      Il s’ensuit aussi que l’élément « eddy » joue un rôle important dans l’appréciation visuelle de la marque antérieure [voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM-ACE), T‑312/03, EU:T:2005:289, point 41], compte tenu de son caractère distinctif plus élevé que celui des autres éléments de cette marque.

49      Cependant, il résulte des points 42 à 44 ci-dessus que les autres éléments de la marque demandée, tout en étant moins distinctifs, ne sont pas négligeables.

50      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que les signes en conflit présentent un faible degré de similitude visuelle, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours.

–       Sur la similitude phonétique

51      Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, sur le plan phonétique, les signes en conflit présentaient une similitude au moins moyenne, dès lors que la présence de la lettre « t » ne créait pas de différence significative entre les éléments « teddy » et « eddy ».

52      Pour des raisons analogues à celles exposées aux points 46 à 49 ci-dessus, les signes en conflit présentent un faible degré de similitude phonétique, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours.

–       Sur la similitude conceptuelle

53      Au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, bien que le mot « teddy » soit habituellement utilisé en Allemagne pour se référer à des ours en peluche, les signes en conflit ne différaient pas au point qu’il était facile au public pertinent de les distinguer conceptuellement. À cet égard, selon elle, il y a lieu de tenir compte du fait que les animaux en peluche, de même que les animaux domestiques, reçoivent de leurs propriétaires des noms qui peuvent aussi être des prénoms connus, tels que Eddy.

54      Il doit être constaté que le raisonnement de la chambre de recours concernant la comparaison des signes sur le plan conceptuel est erroné, et ce pour les raisons suivantes.

55      En premier lieu, alors qu’il est un fait notoire, confirmé par des dictionnaires, que le mot « teddy » désigne en allemand un ours en peluche, l’hypothèse de la chambre de recours selon laquelle de tels ours pourraient se voir attribuer le prénom Eddy n’est qu’une pure spéculation.

56      En deuxième lieu, la signification de la marque demandée doit être définie en tenant compte de la globalité de ses éléments, ainsi que cela résulte de la jurisprudence rappelée aux points 38 et 39 ci-dessus et des considérations exposées aux points 42 à 44 ci-dessus concernant le caractère non négligeable des éléments «’s » et « snackcompany ». Ainsi, s’opposent le concept d’« ours en peluche » et celui d’« entreprise appartenant à Eddy qui produit des en-cas ».

57      En troisième lieu, à supposer même que, en raison de son caractère peu distinctif, l’expression « snackcompany » soit moins prise en considération par le public pertinent, celui-ci se verrait néanmoins confronté à un mot signifiant « ours en peluche » et à l’abréviation du prénom Eduard, déclinée à la forme possessive selon les règles de l’anglais. Il s’ensuit que, même dans cette hypothèse, les signes ne sont pas similaires du point de vue conceptuel.

58      En quatrième lieu, l’existence d’une similitude conceptuelle entre les signes en conflit doit être exclue aussi à l’égard de la partie du public allemand qui pourrait comprendre le mot « teddy » comme l’abréviation du prénom Theodor. En effet, ce prénom est très différent du prénom Eduard et l’abréviation utilisée dans la marque allemande antérieure n’est pas déclinée à la forme possessive selon les règles de l’anglais, comme dans le cas de la marque demandée.

59      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que les signes en conflit ne présentent pas de similitude sous l’angle conceptuel, ainsi que l’avait, du reste, considéré en substance la division d’opposition.

–       Sur l’appréciation globale du risque de confusion

60      La requérante fait valoir que la différence conceptuelle entre les signes en conflit neutralise leurs éventuelles similitudes visuelle et phonétique, de sorte que la chambre de recours aurait reconnu à tort l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

61      L’EUIPO rétorque que les similitudes, de degré moyen, qui existent entre les signes en conflit sur les plans visuel et phonétique ne sont pas neutralisées par des différences conceptuelles, dès lors que le mot « teddy » ne signifierait pas exclusivement ours en peluche, mais serait aussi l’abréviation d’un prénom masculin, tout comme l’élément « eddy » de la marque demandée. Dès lors, la chambre de recours aurait constaté à bon droit l’existence d’un risque de confusion en l’espèce pour les produits relevant de la classe 30.

62      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

63      Par ailleurs, le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24).

64      En l’espèce, aux points 29 et 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a en substance considéré que, en raison du niveau d’attention moyen du public pertinent, de la similitude visuelle et phonétique moyenne des signes et de l’absence d’opposition conceptuelle entre ceux-ci, il existait un risque de confusion pour les produits visés par la marque demandée présentant au moins une faible similitude avec ceux protégés par la marque allemande antérieure.

65      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les signes en conflit comportent des différences conceptuelles capables de neutraliser des similitudes phonétique et visuelle entre eux au sens de la jurisprudence, invoquée par la requérante et dont l’EUIPO conteste la pertinence dans les circonstances de l’espèce (voir arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 98 et jurisprudence citée), il y a lieu d’exclure, en tout état de cause, l’existence d’un risque de confusion.

66      En effet, même si le degré d’attention du public pertinent n’est que moyen, la faible similitude des signes sur les plans visuel et phonétique (voir points 49 et 52 ci-dessus) ne suffit pas pour donner lieu à un tel risque, dans la mesure où, premièrement, il n’existe pas de similitude conceptuelle (voir point 59 ci-dessus), deuxièmement, les produits sont certes similaires, à divers degrés, mais pas identiques (voir points 33 à 35 ci-dessus), et, troisièmement, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli n’a pas invoqué, ni a fortiori démontré, devant l’EUIPO, que la marque allemande antérieure disposait d’un caractère distinctif accru par la connaissance qu’en avait le public.

67      Dans ces circonstances, il y a lieu de faire droit au premier moyen et d’annuler la décision attaquée également en ce que la chambre de recours a rejeté la demande de marque de l’Union européenne pour les produits relevant de la classe 30.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69      L’EUIPO ayant succombé, dans la mesure où la décision attaquée est annulée, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante au cours de la procédure devant le Tribunal, conformément aux conclusions de celle-ci, et ce nonobstant le chef de conclusions de l’EUIPO tendant à ce que le recours soit partiellement accueilli.

70      S’agissant de la demande formulée par la requérante relative aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il appartiendra à cette dernière de statuer, à la lumière du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2012, Consorzio vino Chianti Classico/OHMI – FFR (F.F.R.), T‑143/11, non publié, EU:T:2012:645, point 74].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 juillet 2017 (affaire R 1999/2016-4) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Eddy’s Snack Company GmbH au cours de la procédure devant le Tribunal.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.