Language of document : ECLI:EU:T:2011:394

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

15 juillet 2011 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Responsabilité non contractuelle – Remboursement de dépens récupérables – Exception de recours parallèle – Vices de procédure – Droits de la défense – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑366/10 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 22 juin 2010, Marcuccio/Commission (F‑78/09, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Luigi Marcuccio, demeurant à Tricase (Italie), représenté par MG. Cipressa, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, O. Czúcz (rapporteur) et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Luigi Marcuccio, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 22 juin 2010, Marcuccio/Commission (F‑78/09, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme manifestement irrecevable le recours visant, notamment, à la condamnation de la Commission européenne à réparer le préjudice qu’il aurait subi du fait du refus de celle-ci de lui rembourser les dépens récupérables prétendument exposés dans l’affaire T‑18/04.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés, aux points 2 à 7 de l’ordonnance attaquée, dans les termes suivants :

« 2      Par une requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 16 janvier 2004, le requérant, fonctionnaire à la direction générale (DG) ‘Développement’ de la Commission, a introduit un recours qui a été enregistré sous la référence T‑18/04 et qui tendait en substance à l’annulation de la décision par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’’AIPN’) avait implicitement rejeté sa demande introduite le 25 novembre 2002 en vue d’obtenir le remboursement à 100 % des frais médicaux en vertu de l’article 72 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le ‘statut’).

3      Par arrêt du 10 juin 2008, Marcuccio/Commission (T‑18/04, non encore publié au Recueil), le Tribunal de première instance a annulé la décision implicite de rejet de la demande du 25 novembre 2002, a rejeté le recours pour le surplus et a condamné la Commission aux dépens.

4      Par note datée du 22 septembre 2008 et parvenue à l’administration le 23 septembre suivant (ci-après la ‘note du 22 septembre 2008’), le requérant a saisi l’AIPN d’une demande fondée sur l’article 90, paragraphe 1, du statut et tendant à ce que la Commission lui verse, au titre du remboursement des dépens exposés dans l’affaire T‑18/04, la somme de 15 882,31 euros.

5      Estimant que le silence gardé par l’AIPN sur cette demande avait donné naissance à une décision implicite de rejet (ci-après la ‘décision attaquée’), le requérant a, par une nouvelle note datée du 8 avril 2009, qualifiée de ‘réclamation’, sollicité l’annulation de cette décision et le versement immédiat de la somme de 15 882,31 euros, assortie des intérêts de retard à partir de la date à laquelle la Commission avait reçu la demande contenue dans la note du 22 septembre 2008 (ci-après la ‘note du 8 avril 2009’).

6      En réponse à la note du 8 avril 2009, le directeur de la direction B ‘Statut : politique, gestion et conseil’ de la DG ‘Personnel et administration’ a envoyé au requérant une note, datée du 10 août 2009, qui contenait les passages suivants :

‘Après un examen attentif de votre lettre du 8 avril dernier, je souhaite vous informer que celle-ci ne saurait être qualifiée de réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et je n’y donnerai donc aucune suite quant au fond.

En effet, toute demande relative au remboursement des dépens doit être directement adressée aux agents qui ont représenté la Commission dans l’affaire en cause […] [L]’[i]nstitution se réserve le droit de contester une telle demande lorsque la nature et le montant des sommes récupérables ne sont pas justifiés. Dans ce cas, l’intéressé peut avoir recours à la procédure de taxation des dépens par le Tribunal [de première instance] […]

Ainsi, les questions relatives au paiement des dépens ne peuvent faire l’objet d’une réclamation qui, de fait, ne peut se substituer à la procédure spécifique éventuelle de taxation des dépens par le Tribunal [de première instance].

[…]

7      Selon le requérant, la note du 10 août 2009 ne lui serait parvenue que le 18 septembre 2009. »

 Procédure et ordonnance attaquée

3        Ainsi qu’il ressort des points 1, 8 et 9 de l’ordonnance attaquée, par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 17 septembre 2009 et enregistrée sous la référence F‑78/09, le requérant a conclu à ce qu’il plaise audit Tribunal :

« –      annuler la décision attaquée ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la [Commission] à [lui] verser […] la somme de 15 882,31 euros, majorée des intérêts de retard au taux de 10 % par an et avec capitalisation annuelle, à compter du jour de la demande [contenue dans la note] du 22 septembre 2008 jusqu’[au jour de l’introduction de la présente requête] ;

–        condamner la [Commission] à [lui] verser […] la somme de 6 500 euros, ou toute somme supérieure ou inférieure que le Tribunal estimera juste et équitable [au titre de la réparation du dommage moral et existentiel résultant de la décision attaquée et qu[‘il] a subi au cours de la période allant de la date d’adoption de celle-ci à celle d’introduction de la présente requête] ;

–        condamner la [Commission] à [lui] verser […], pour chaque journée écoulée entre le [jour suivant celui de l’introduction de la présente requête] et le jour [où il aura été fait droit à la demande contenue dans la note du 22 septembre 2008], la somme de [cinq] euros, ou toute somme supérieure ou inférieure que le Tribunal estimera juste et équitable, à verser le premier jour de chaque mois sur la base des droits échus le mois précédent ;

–        condamner la [Commission] à l’intégralité des dépens de [la] procédure. »

4        Le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme manifestement irrecevable.

5        En premier lieu, s’agissant des premier et deuxième chefs de conclusions, après avoir relevé, au point 16 de l’ordonnance attaquée, que le requérant avait fait valoir que les notes des 22 septembre 2008 et 8 avril de 2009 constituaient respectivement une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») et une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et que le silence gardé pendant quatre mois par l’administration avait donné lieu à des décisions implicites de rejet à leur égard, le Tribunal de la fonction publique a rappelé, au point 17 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence constante selon laquelle la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité formé devant lui et que, par conséquent, les conclusions en annulation ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité. Il a conclu que, dans ces conditions, il n’y avait pas lieu de statuer de façon autonome sur les premier et deuxième chefs de conclusions, le recours n’ayant pas d’autre objet que celui d’obtenir réparation des préjudices que le requérant estimait avoir subis du fait de la Commission (point 18 de l’ordonnance attaquée).

6        En deuxième lieu, s’agissant des troisième et cinquième chefs de conclusions, le Tribunal de la fonction publique a, tout d’abord, rappelé, au point 19 de l’ordonnance attaquée, le contenu de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, par le biais duquel le législateur a institué une procédure spécifique de taxation des dépens, avant de constater, au point 22 de ladite ordonnance, que le troisième chef de conclusions visait à la condamnation de la Commission à payer au requérant la somme de 15 882,31 euros, avec intérêts moratoires et capitalisation desdits intérêts, à titre de réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait du refus de l’administration de faire suite à ses notes des 22 septembre 2008 et 8 avril 2009 et donc de lui rembourser les dépens qu’il aurait exposés dans la procédure T‑18/04. Le Tribunal de la fonction publique en a conclu que le troisième chef de conclusions devait être rejeté comme manifestement irrecevable au motif que l’existence de la procédure spécifique prévue par l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure s’opposait à ce que le requérant forme, sur le fondement de l’article 236 CE et de l’article 91 du statut, un recours indemnitaire ayant, en réalité, le même objet que celui d’une demande de taxation des dépens (points 20 à 22 de l’ordonnance attaquée). Concernant le cinquième chef de conclusions, le Tribunal de la fonction publique a ajouté que, par voie de conséquence, celui-ci devait également être rejeté comme manifestement irrecevable (point 23 de l’ordonnance attaquée).

7        En troisième lieu, s’agissant du quatrième chef de conclusions visant à l’octroi d’une somme de 6 500 euros à titre de « préjudice moral et existentiel », le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 25 de l’ordonnance attaquée, que, selon le requérant, « les dommages dont il était demandé réparation […] résult[aient] non pas de ce qu[‘il] aurait été contraint d’exposer des dépens dans l’affaire T‑18/04, mais de ce que la Commission se serait abstenue de faire droit à sa demande tendant au remboursement de ces dépens » de sorte que, « au premier préjudice constitué par l’obligation dans laquelle il se serait trouvé d’exposer des dépens, se serait ajouté un second préjudice, causé par l’abstention fautive de la Commission de les lui rembourser ». Le Tribunal de la fonction publique a rejeté ce chef de conclusions comme manifestement irrecevable au motif que le requérant aurait dû, préalablement à l’introduction du recours en justice, saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), tout d’abord, d’une demande visant à obtenir réparation du « préjudice moral et existentiel » résultant du refus de faire droit aux demandes contenues dans les notes des 22 septembre 2008 et 8 avril 2009 et, ensuite, d’une réclamation contre le rejet explicite ou implicite de cette demande.

8        En outre, s’agissant de la procédure, le Tribunal de la fonction publique a affirmé, au points 11 à 13 de l’ordonnance attaquée, ce qui suit :

« 11 Par note datée du 2 novembre 2009, le requérant a demandé au Tribunal que la note du 10 août 2009 soit versée au dossier de la présente affaire et que chaque partie soit autorisée à présenter des observations sur ladite décision. Le Tribunal a fait droit à la demande tendant à ce que la note du 10 août 2009 soit versée au dossier mais n’a pas invité les parties à présenter des observations sur cette décision.

12      Par lettre du 24 novembre 2009, le service juridique de la Commission a informé le requérant que la demande contenue dans la note du 22 septembre 2008, tendant à ce que la Commission lui verse, au titre du remboursement des dépens exposés dans l’affaire T‑18/04, la somme de 15 882,31 euros, était déraisonnable quant à son montant. La lettre du 24 novembre 2009 était annexée au mémoire en défense produit par la Commission le 30 novembre 2009.

13      Par note datée du 15 décembre 2009, le requérant a demandé au Tribunal d’autoriser les parties à procéder à un deuxième échange de mémoires écrits, d’exclure du dossier de l’affaire la lettre du 24 novembre 2009 annexée au mémoire en défense et de supprimer dudit mémoire en défense toute référence à cette lettre. Le Tribunal a rejeté ces demandes. »

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

9        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 1er septembre 2010, le requérant a formé le présent pourvoi.

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée et déclarer que le recours en première instance était recevable dans sa totalité ;

–        après avoir annulé l’ordonnance attaquée, à titre principal, faire droit à la totalité des chefs de conclusions présentés en première instance et condamner la Commission aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner le requérant aux dépens afférents à la présente instance.

12      Par lettre du 22 décembre 2010, le requérant a demandé à être autorisé à déposer un mémoire en réplique. Par décision du 26 janvier 2011, le président de la chambre des pourvois a rejeté cette demande.

13      Par lettre du 5 mars 2011, le requérant a, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure, demandé au Tribunal d’ouvrir la phase orale de la procédure.

 En droit

14      En vertu de l’article 145 du règlement de procédure, le Tribunal peut, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le rejeter à tout moment par voie d’ordonnance motivée, et ce même si une partie a demandé au Tribunal la tenue d’une audience (ordonnances du Tribunal du 24 septembre 2008, Van Neyghem/Commission, T‑105/08 P, non encore publiée au Recueil, point 21, et du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, non encore publiée au Recueil, point 10). En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

15      À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque cinq moyens. Le premier est tiré, en substance, d’une violation des articles 90 et 91 du statut, d’un défaut de motivation et d’une dénaturation des faits. Le deuxième est tiré d’une erreur de droit. Le troisième est tiré d’une omission de statuer sur une demande. Le quatrième est tiré d’une dénaturation des faits, d’une omission de statuer sur une demande, d’un défaut d’instruction ainsi que d’une violation du droit d’être entendu et des droits de la défense. Le cinquième est tiré de l’omission de statuer sur une demande présentée intra litem, de la négation de cette omission et d’un défaut d’instruction.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des articles 90 et 91 du statut, d’un défaut de motivation et d’une dénaturation des faits

–       Arguments des parties

16      En premier lieu, le requérant invoque un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée en ce que le Tribunal de la fonction publique n’a pas indiqué, de manière claire et cohérente, les raisons du rejet des troisième et cinquième chefs de conclusions comme étant irrecevables. En particulier, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas qualifié dans l’ordonnance attaquée l’objet des troisième et cinquième chefs de conclusions d’identique à celui d’une demande de taxation des dépens.

17      En deuxième lieu, le requérant conteste que l’objet des troisième et cinquième chefs de conclusions soit identique à celui d’une demande de taxation des dépens. Selon lui, il a régulièrement saisi le Tribunal de la fonction publique d’un recours par lequel il demandait, à la suite de la décision implicite de rejet de la réclamation contenue dans sa note du 8 avril 2009, l’annulation de la décision rejetant sa demande, au titre de l’article 90 du statut, contenue dans la note du 22 septembre 2008, et la réparation du préjudice qui y était afférent. Il considère ainsi qu’il a correctement appliqué les conditions des articles 90 et 91 du statut, le refus implicite de l’AIPN de faire droit à la demande du 22 septembre 2008 constituant un acte faisant grief qui peut faire l’objet d’un recours en annulation.

18      Le requérant fait valoir, notamment, que les sommes demandées ne sont pas égales au montant exigible au titre du remboursement des dépens exposés dans l’affaire T‑18/04, mais comprennent, premièrement, ledit montant, deuxièmement, les intérêts dus sur ce montant, capitalisés, et « les dies ad quem et dies a quo énoncés dans le recours en première instance », troisièmement, un montant de 6 500 euros et, quatrièmement, un montant de cinq euros pour chaque journée écoulée entre le jour de l’introduction du recours en première instance et celui où la Commission aura fait droit à la demande du 22 septembre 2008. Selon le requérant, le recours en première instance ne peut pas être considéré comme ayant visé à obtenir des sommes qu’il aurait dû demander en présentant une demande de taxation des dépens, ne serait-ce que parce que, par le biais d’une telle demande, il n’aurait jamais pu obtenir l’indemnisation du dommage découlant du rejet de la demande du 22 septembre 2008 ou, du moins, n’aurait jamais pu obtenir l’indemnisation, demandée dans le cadre du recours en première instance, du préjudice moral et existentiel et de la perte de chances découlant du rejet de la demande du 22 septembre 2008.

19      En troisième lieu, le requérant soutient que la référence au point 20 de l’ordonnance attaquée à un arrêt du Tribunal rejetant comme irrecevable une demande en indemnité ayant le même objet que celui d’une demande de taxation de dépens est dénuée de pertinence pour trois raisons. Premièrement, parce que le recours en première instance n’aurait pas le même objet que celui d’une demande en taxation des dépens. Deuxièmement, parce que, alors que la solution retenue dans ledit arrêt reposerait sur le fait que, en vertu de l’autorité de la chose jugée, les ordonnances de taxation de dépens une fois adoptées et devenues définitives ne peuvent pas faire l’objet de contestations ultérieures, en l’espèce, le juge compétent pour connaître d’une demande de taxation de dépens n’aurait pas encore été saisi d’une telle demande et, par conséquent, aucune décision n’aurait été prise, au titre de l’article 92 du règlement de procédure, sur les dépens exposés dans l’affaire T‑18/04.Troisièmement, parce que son recours en première instance ne mettrait pas en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne, mais la responsabilité de la Commission more patroni, c’est-à-dire en tant qu’employeur du requérant, et donc sa responsabilité à l’égard d’une personne à laquelle s’applique le statut.

20      En quatrième lieu, l’ordonnance attaquée n’aurait nullement indiqué les raisons justifiant le caractère manifeste de la conclusion d’irrecevabilité des troisième et quatrième chefs de conclusions. Ce ne serait que dans l’hypothèse d’une irrecevabilité manifeste que le Tribunal de la fonction publique serait en droit de statuer par voie d’ordonnance motivée. Une motivation relative au caractère manifeste de l’irrecevabilité des conclusions indemnitaires serait d’autant plus nécessaire que l’ordonnance attaquée aurait été adoptée après un échange de mémoires entre les parties. Selon le requérant, lorsque le juge est saisi d’une requête, en totalité ou en partie manifestement irrecevable ou non fondée, il a l’obligation d’adopter immédiatement une ordonnance en ce sens. En poursuivant la procédure, le Tribunal de la fonction publique aurait donc adopté un comportement contradictoire et incompatible avec sa conclusion relative à l’irrecevabilité manifeste des conclusions en cause.

21      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

22      En premier lieu, en ce qui concerne le grief tiré du défaut de motivation de l’ordonnance attaquée, il convient de relever qu’il résulte des points 19 à 22 de celle-ci que le Tribunal de la fonction publique a jugé que l’existence d’une procédure spécifique prévue par l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal s’oppose à l’introduction d’un recours en indemnité qui a le même objet que celui d’une demande en taxation des dépens et que tel était l’objet du troisième chef de conclusions du recours en première instance en l’espèce.

23      Par ailleurs, quant à la motivation du rejet du cinquième chef de conclusions, il convient de relever qu’il ressort d’une lecture d’ensemble des points 19 à 23 de l’ordonnance attaquée, et notamment de l’utilisation, au point 23, des mots « par voie de conséquence » précédant la conclusion quant audit chef de conclusions, que le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, que celui-ci était accessoire au troisième chef de conclusions et que, par conséquent, son irrecevabilité découlait nécessairement de l’irrecevabilité de ce dernier.

24      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, l’ordonnance attaquée comporte une motivation suffisante.

25      En deuxième lieu, le requérant soutient, en substance, que l’objet du recours en première instance était plus large que l’obtention du remboursement des dépens liés à la procédure dans l’affaire T‑18/04, puisqu’il visait à l’annulation de la décision implicite de rejet de la note du 22 septembre 2008 et à la réparation du préjudice qui y était afférent.

26      À cet égard, force est de constater que, aux points 19 à 22 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique n’a pas indiqué que le requérant n’avait pas introduit de demande en annulation ou que les montants demandés dans le cadre de la demande en indemnité ne visaient pas également l’indemnisation d’autres dommages. Il a toutefois considéré au point 22 de ladite ordonnance que le montant réclamé à titre de dommages et intérêts dans le cadre du troisième chef de conclusions correspondait à celui des dépens exposés dans le cadre de l’affaire T‑18/04, tels que demandés par le requérant dans ses notes du 22 septembre 2008 et du 8 avril 2009, ce que ce dernier ne conteste pas. Quant aux conclusions en annulation, le Tribunal de la fonction publique a considéré aux points 16 à 18 de l’ordonnance attaquée qu’elles ne pouvaient être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité, analyse dont la validité n’est pas remise en cause par le requérant. Par ailleurs, le fait qu’une demande en indemnité supplémentaire a été formulée dans le cadre du quatrième chef de conclusions du recours en première instance est sans pertinence, celle-ci ayant été examinée séparément aux points 24 à 26 de l’ordonnance attaquée. Dès lors, à la lumière de la requête en première instance, le Tribunal de la fonction publique n’a pas modifié l’objet du recours. Enfin, pour autant que le requérant invoque une « dénaturation des faits », il convient de relever qu’il n’a pas précisé les constations de fait qui seraient entachées d’une inexactitude matérielle, ni éléments de preuve qui auraient été dénaturés.

27      En troisième lieu, dès lors que, comme indiqué ci-dessus, le troisième chef de conclusions du recours en première instance visait à ce que la Commission rembourse au requérant les dépens récupérables exposés dans l’affaire T‑18/04, le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la demande en indemnité faisant l’objet de ce troisième chef de conclusions, même si elle était fondée sur l’article 236 CE et sur l’article 91 du statut, avait le même objet que celui d’une demande de taxation des dépens et, partant, en la rejetant comme irrecevable en faisant référence, au point 20 de l’ordonnance attaquée, au point 297 de l’arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission (T‑351/03, Rec. p. II‑2237, partiellement annulé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, Rec. p. I‑6413), selon lequel la procédure spécifique, prévue à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, tendant à la taxation des dépens, est exclusive d’une revendication des mêmes sommes, ou de sommes exposées aux mêmes fins, dans le cadre d’une action mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union.

28      Les arguments du requérant contestant l’applicabilité de cette jurisprudence au cas d’espèce ne sauraient infirmer cette conclusion.

29      D’une part, quant à l’argument tiré du fait que, dès lors qu’il n’a pas introduit une demande de taxation de dépens en l’espèce, aucune décision n’a été prise, au titre de l’article 92 du règlement de procédure, sur les dépens exposés dans l’affaire T‑18/04, il suffit de relever que, comme l’a indiqué le Tribunal de la fonction publique, au point 21 de l’ordonnance attaquée, admettre qu’un fonctionnaire est recevable, selon son propre choix, soit à introduire devant le Tribunal une demande de taxation de dépens, fondée sur ledit article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, soit à former une action devant le Tribunal de la fonction publique mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union, fondée sur les articles 90 et 91 du statut, reviendrait à lui permettre de disposer de deux voies procédurales distinctes pour recouvrer les dépens qu’il a exposés au cours d’une instance devant le Tribunal et au paiement desquels son institution a été condamnée. Par ailleurs, dans l’hypothèse où le fonctionnaire choisirait de recourir à la deuxième voie susmentionnée, il pourrait bénéficier de la possibilité de former un pourvoi devant le Tribunal, alors que l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure a exclu cette possibilité.

30      D’autre part, quant à l’argument du requérant tiré du fait qu’en l’espèce il ne met pas en cause la responsabilité non contractuelle de la Commission, mais la responsabilité de celle-ci en tant qu’employeur, cette circonstance est sans pertinence dès lors que, ainsi que la Commission le relève à juste titre, la relation statutaire existant entre les parties est indépendante du fait que le législateur a institué, en matière de taxation des dépens, une procédure spécifique, prévue à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, qui s’applique sans exception aux recours en matière de fonction publique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juin 2001, X/Commission, T‑214/00, RecFP p. I‑A‑143 et II‑663, points 37 et 38).

31      Le Tribunal de la fonction publique n’a donc pas violé les articles 90 ou 91 du statut en appliquant le principe selon lequel cette procédure spécifique est exclusive d’une revendication des dépens récupérables dans le cadre d’une action mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union.

32      En quatrième lieu, ne saurait non plus prospérer l’argumentation du requérant selon laquelle, en substance, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas dû faire application de l’article 76 de son règlement de procédure en l’espèce, dès lors que l’adoption de l’ordonnance attaquée aurait été précédée d’un échange de mémoires entre les parties.

33      En effet, un échange de mémoires entre les parties ne fait pas, en soi, obstacle à ce que le Tribunal de la fonction publique rejette un recours comme étant manifestement irrecevable (voir ordonnance du Tribunal du 8 juillet 2010, Marcuccio/Commission, T‑166/09 P, non encore publiée au Recueil, point 59, et la jurisprudence citée).

34      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le premier moyen comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, pour le surplus, manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit concernant le rejet de la demande en indemnité

–       Arguments des parties

35      Le requérant conteste l’appréciation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle la demande, constituant son quatrième chef de conclusions en première instance, visant à la condamnation de la Commission à lui verser une somme de 6 500 euros était irrecevable en ce qu’elle n’avait pas été précédée d’une demande en ce sens au titre de l’article 90 du statut et d’une réclamation contre le rejet de celle-ci.

36      Le requérant fait valoir que ladite demande en indemnité était strictement liée à la demande d’annulation de la note du 22 septembre 2008, dès lors qu’elle visait la réparation du préjudice en découlant, et considère que, cette dernière demande étant recevable conformément à ses arguments sur le premier moyen du pourvoi, la demande en indemnité l’était également même si elle avait été présentée pour la première fois devant le juge. Il en déduit que le Tribunal de la fonction publique a commis une grave erreur de droit.

37      La Commission conteste ces arguments.

–       Appréciation du Tribunal

38      Il convient de relever que, contrairement à ce qu’il prétend, le requérant n’a pas contesté dans son pourvoi la conclusion, figurant aux points 17 et 18 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle il n’y avait pas lieu de statuer de façon autonome sur les premier et deuxième chefs de conclusions du recours en première instance – visant à l’annulation, respectivement, de la décision de rejet de la demande contenue dans la lettre du 22 septembre 2008 et de la décision implicite de rejet de sa « réclamation » contre cette décision – au motif que la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité et ne constitue pas un acte faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

39      Le requérant ayant donc omis de contester que la décision de rejet de la demande contenue dans la note du 22 septembre 2008 n’était pas un acte faisant grief, il ne saurait invoquer, afin d’établir une erreur du Tribunal de la fonction publique lors de l’examen de la recevabilité du quatrième chef de conclusions du recours en première instance, la jurisprudence relative à la recevabilité des demandes en indemnité visant à la réparation d’un préjudice découlant d’un acte faisant grief.

40      Le deuxième moyen est, par conséquent, rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’omission de statuer sur une demande

–       Arguments des parties

41      Le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de se prononcer sur sa demande visant à ce que la Commission soit condamnée à lui verser la somme de cinq euros, ou toute somme supérieure ou inférieure que ledit Tribunal estimerait juste et équitable, pour chaque jour écoulé entre le lendemain du jour du dépôt de la requête et le jour où sera accueillie la demande figurant dans la note du 22 septembre 2008.

42      La Commission conteste cet argument.

–       Appréciation du Tribunal

43      Contrairement à ce que prétend le requérant, le Tribunal de la fonction publique n’a pas omis de se prononcer sur la demande visée par ce moyen. En effet, cette demande, qui faisait l’objet du cinquième chef de conclusions du recours en première instance, a été rejeté par le Tribunal de la fonction publique au point 23 de l’ordonnance attaquée (voir point 23 ci-dessus).

44      Le troisième moyen est donc rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une dénaturation des faits, d’une omission de statuer sur une demande ainsi que d’une violation du droit d’être entendu et des droits de la défense

–       Arguments des parties

45      En premier lieu, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir affirmé, au point 11 de l’ordonnance attaquée, que sa lettre du 2 novembre 2009 visait à ce que la note du 10 août 2009 soit versée au dossier et à ce que chaque partie soit autorisée à présenter des observations « sur ladite décision ». Il soutient que l’expression « sur ladite décision » ne peut être comprise que comme se référant à la décision de verser la note du 10 août 2009 au dossier et que, dès lors qu’il demandait, en réalité, que toutes les parties soient autorisées à formuler des observations au sujet de la note et non de la décision de la verser au dossier, le Tribunal de la fonction publique a déformé et dénaturé les faits.

46      En deuxième lieu, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de se prononcer sur la demande contenue dans la lettre du 2 novembre 2009 et d’avoir versé la note du 10 août 2009 au dossier sans jamais inviter les parties à présenter leurs observations sur son contenu.

47      En troisième lieu, il soutient que ces faits, pris individuellement ou dans leur ensemble, constituent des erreurs de procédure qui ont affecté, d’une façon extrêmement grave, irréparable et déterminante, son droit à présenter ses arguments relatifs au contenu de la note du 10 août 2009 et « ont entraîné manifestement des erreurs de jugement, dont chacune a été déterminante de l’ordonnance attaquée ».

48      La Commission conteste ces arguments.

–       Appréciation du Tribunal

49      Il convient de relever que le requérant n’étaye pas son argument selon lequel les prétendues erreurs de procédure qu’il invoque ont affecté le raisonnement du Tribunal de la fonction publique.

50      Par ailleurs, rien dans l’ordonnance attaquée ne permet de considérer que ledit Tribunal a fondé sa conclusion quant à la recevabilité du recours en premier instance sur les appréciations de l’AIPN figurant dans la note du 10 août 2009. Il s’est, en revanche, limité à suivre la jurisprudence découlant notamment de ses ordonnances du 18 février 2009, Marcuccio/Commission (F‑70/07, non encore publiée au Recueil, point 24), et du 10 novembre 2009, Marcuccio/Commission (F‑70/07, non encore publiée au Recueil, points 13 à 15 et 16 à 20).

51      Dans ces circonstances, les violations prétendument commises par le Tribunal de la fonction publique quant au traitement de la demande du requérant de verser cette note au dossier n’ont eu, même à les supposer établies, aucune conséquence sur la position retenue par ledit Tribunal et ne sont, dès lors, pas susceptibles de justifier l’annulation de l’ordonnance attaquée.

52      Le moyen est donc rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’omission de statuer sur une demande présentée intra litem, de la négation de cette omission et d’un défaut d’instruction

–       Arguments des parties

53      En premier lieu, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de se prononcer sur deux des trois demandes contenues dans la lettre qu’il a envoyé audit Tribunal le 15 décembre 2009, mentionnée au point 13 de l’ordonnance attaquée, et visant, respectivement, à retirer du dossier la lettre de la Commission du 24 novembre 2009, annexée au mémoire en défense, et à supprimer dudit mémoire toute référence à cette lettre.

54      Il affirme à cet égard qu’il ressort de la lettre du greffe du Tribunal de la fonction publique du 26 janvier 2010, reçue en réponse à sa lettre du 15 décembre 2009, que ledit Tribunal n’a rejeté que la troisième demande contenue dans cette lettre et qui visait à ce qu’ait lieu un deuxième échange de mémoires écrits. Il relève, en outre, que le texte de la lettre du 26 janvier 2010 ne faisait pas mention du fait qu’il avait demandé également d’exclure du texte du mémoire en défense toute référence à la lettre de la Commission du 24 novembre 2009.

55      En deuxième lieu, il reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir occulté cette omission en indiquant, au point 13 de l’ordonnance attaquée, qu’il avait rejeté les demandes contenues dans la lettre du 15 décembre 2009.

56      La Commission conteste ces arguments.

–       Appréciation du Tribunal

57      Il convient de relever que le requérant n’explique pas en quoi les prétendues erreurs de procédure qu’il invoque ont eu une incidence sur la solution du litige.

58      Par ailleurs, rien dans l’ordonnance attaquée ne permet de considérer que ledit Tribunal, qui s’est limité à suivre sa jurisprudence antérieure (voir point 50 ci-dessus), a fondé sa conclusion quant à la recevabilité du recours en premier instance sur la lettre de la Commission du 24 novembre 2009.

59      Dans ces circonstances, les violations prétendument commises par le Tribunal de la fonction publique quant au traitement de la demande du requérant de retirer cette lettre du dossier et de supprimer du mémoire en défense toute référence à cette lettre ne sauraient avoir eu, même à les supposer établies, de conséquence sur le raisonnement dudit Tribunal et ne sont, dès lors, pas susceptibles de justifier l’annulation de l’ordonnance attaquée.

60      Le moyen est donc rejeté comme manifestement non fondé.

61      Il résulte de tout ce qui précède que le présent pourvoi doit être rejeté comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour le surplus, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

62      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Le requérant ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, il supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Luigi Marcuccio supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 15 juillet 2011.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.