Language of document : ECLI:EU:T:2013:475

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des hausses de prix et échange d’informations commerciales sensibles – Coopération durant la procédure administrative – Communication de 2002 sur la coopération– Réduction du montant de l’amende – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Non-rétroactivité »

Dans l’affaire T‑375/10,

Hansa Metallwerke AG, établie à Stuttgart (Allemagne),

Hansa Nederland BV, établie à Nijkerk (Pays-Bas),

Hansa Italiana Srl, établie à Castelnuovo del Garda (Italie),

Hansa Belgium, établie à Asse (Belgique),

Hansa Austria GmbH, établie à Salzbourg (Autriche),

représentées par Mes H.-J. Hellmann et C. Malz, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Antoniadis et M. R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Simm et M. F. Florindo Gijón, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes dans cette décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 février 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2010) 4185 final, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 2 et 3 et article 1er de la décision attaquée).

2        Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l’infraction constatée consistait, premièrement et principalement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou la coordination des prix à l’occasion d’événements spécifiques tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que l’instauration de péages routiers et, troisièmement, en la divulgation et l’échange d’informations commerciales sensibles. En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient leurs barèmes de prix, qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes (considérants 152 à 163 de la décision attaquée).

3        Les produits concernés par l’entente sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits ») (considérants 5 et 6 de la décision attaquée).

4        Les requérantes, Hansa Metallwerke AG (ci-après « Hansa »), Hansa Nederland BV, Hansa Italiana Srl, Hansa Belgium, Hansa Austria GmbH, fabriquent, s’agissant des sous-groupes de produits concernés dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, des articles de robinetterie et figurent parmi les destinataires de la décision attaquée. Tout au long de leur participation à l’infraction les requérantes étaient membres des associations nationales professionnelles de fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains suivantes : IndustrieForum Sanitär (ci-après l’« IFS ») et l’Arbeitsgemeinschaft Sanitärindustrie (ci-après l’« AGSI ») en Allemagne, l’Arbeitskreis Sanitärindustrie (ci-après l’« ASI ») en Autriche, la Home Comfort Team (ci-après la « HCT ») en Belgique, l’Association française des pompes et de la robinetterie en France, Euroitalia et Michelangelo en Italie, et la Sanitair Fabrikanten Platform (ci-après la « SFP »), dont l’adhésion était conditionnée par celle à la Stichting Verwarming en Sanitair (SVS), aux Pays-Bas (considérants 32, 33 et 113 de la décision attaquée).

5        Le 15 juillet 2004, Masco Corp. et ses filiales, parmi lesquelles Hansgrohe AG, qui fabrique des articles de robinetterie, et Hüppe GmbH, qui fabrique des enceintes de douche, ont informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication de 2002 sur la coopération ») ou, à défaut, d’une réduction du montant de ces amendes. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amende au profit de Masco, conformément au paragraphe 8, sous a), et au paragraphe 15 de la communication de 2002 sur la coopération (considérants 126 à 128 de la décision attaquée).

6        Les 9 et 10 novembre 2004, la Commission a, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs sociétés et associations nationales professionnelles opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains (considérant 129 de la décision attaquée).

7        Les 15 et 19 novembre 2004, Grohe Beteiligungs GmbH et ses filiales ainsi qu’American Standard Inc. (ci-après « Ideal Standard ») et ses filiales ont, respectivement, sollicité l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, la réduction de leur montant (considérants 131 et 132 de la décision attaquée).

8        Entre le 15 novembre 2005 et le 16 mai 2006, la Commission a adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, à plusieurs sociétés et associations opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, y compris aux requérantes (considérant 133 de la décision attaquée).

9        Les 17, 19 et 20 janvier 2006, Roca SARL, Hansa et ses filiales ainsi que Aloys F. Dornbracht GmbH & Co. KG Armaturenfabrik ont respectivement demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, de la réduction de leur montant (considérants 135 à 138 de la décision attaquée).

10      Par lettre du 4 août 2006, les requérantes ont adressé de nouveaux documents à la Commission au titre de leur demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération.

11      Le 26 mars 2007, la Commission a adopté une communication des griefs, laquelle a été notifiée aux requérantes (considérant 139 de la décision attaquée).

12      Le 1er août 2007, les requérantes ont adressé à la Commission leurs observations sur la communication des griefs.

13      Du 12 au 14 novembre 2007, une audition a été tenue, à laquelle les requérantes ont participé (considérant 143 de la décision attaquée).

14      Entre le 19 juin 2009 et le 8 mars 2010, la Commission a adressé à plusieurs sociétés, parmi lesquelles les requérantes, des demandes d’information supplémentaires, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003 (considérants 149 à 151 de la décision attaquée).

15      Le 9 juillet 2009, la Commission a envoyé à certaines sociétés, y compris les requérantes, une lettre d’exposé des faits, attirant leur attention sur certaines preuves sur lesquelles elle envisageait de se fonder dans le cadre de l’adoption d’une décision finale (considérants 147 et 148 de la décision attaquée).

16      Par lettre du 21 décembre 2009, la Commission a adressé aux requérantes une demande de renseignements, conformément aux dispositions de l’article 18 du règlement n° 1/2003, concernant le chiffre d’affaires mondial enregistré par leur groupe. Dans la même lettre, elle a également indiqué « Dans l’hypothèse où les données chiffrées relatives au chiffre d’affaires que vous avez fournies reposent sur des données provisoires ou des estimations aussi précises que possible, veuillez nous en communiquer une version actualisée à compter du 15 janvier 2010 dès que des données auditées ou plus fiables (données certifiées par exemple) en la matière seront disponibles. »

17      Par lettre du 15 janvier 2010, les requérantes ont, en réponse à la lettre du 21 décembre 2009, communiqué à la Commission un chiffre d’affaires mondial pour l’année 2009 de 196 776 259 euros.

18      Par courriel du 7 mai 2010, la Commission a adressé aux requérantes trois questions visant à obtenir des documents concernant les facilités de crédit dont elles bénéficiaient auprès de leurs établissements bancaires.

19      Par courriel du 10 mai 2010, les requérantes ont, à titre principal répondu aux deux premières questions posées dans le courriel du 7 mai 2010. À titre liminaire, dans le même courriel, elles ont indiqué à la Commission que, à la suite de la clôture de l’exercice annuel 2009, le chiffre d’affaires total du groupe au titre de ladite année s’élevait à 193 886 175,98 euros.

20      Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision attaquée.

21      Dans la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits visés au point 3 ci-dessus et s’étendait au territoire de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (ci-après l’« infraction constatée ») (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par l’enquête de la Commission (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles concernant l’ensemble des trois sous-groupes de produits visés au point 3 ci-dessus, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres actifs dans aux moins deux de ces trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multiproduits », ainsi que des associations spécialisées comprenant des membres actifs dans un de ces trois sous-groupes de produits (considérants 796 et 798 de la décision attaquée). Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (considérants 796 et 797 de la décision attaquée).

22      S’agissant de la participation des requérantes à l’infraction constatée, premièrement, la Commission a fait état de ce que, bien qu’étant principalement des fabricants d’articles de robinetterie pendant la durée de l’infraction, elles avaient néanmoins connaissance des différentes gammes de produits faisant l’objet de l’infraction, compte tenu de leur participation aux réunions collusoires des organismes de coordination ASI, en Autriche, IFS, en Allemagne, et SFP aux Pays-Bas et de l’association multiproduits HCT, en Belgique (considérant 857 de la décision attaquée). Deuxièmement, en ce qui concerne la portée géographique de l’entente, la Commission a considéré que, les requérantes ayant participé aux réunions collusoires de l’IFS, de l’AGSI, de l’ASI, d’Euroitalia, de Michelangelo, de la SFP, de la SVS et de la HCT, elles avaient participé à des réunions dans cinq des six états membres dans lesquels une infraction a été constatée jusqu’en 2002, à savoir l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique l’Italie et les Pays-Bas (considérant 858 de la décision attaquée). S’agissant de la France, la Commission a reconnu que, nonobstant l’existence d’une infraction à partir de 2002, les requérantes ont cessé de participer à l’AFPR en 2002. Toutefois, au regard de plusieurs éléments d’information et de preuve, elle a considéré que les requérantes auraient raisonnablement pu se douter que les pratiques anticoncurrentielles qui caractérisent l’infraction relevée produisaient des effets sur le territoire français (considérants 858 et 859 de la décision attaquée). Partant la Commission a conclu que les requérantes ne pouvaient ignorer la portée générale et les principales caractéristiques de l’infraction en cause (considérant 860 de la décision attaquée).

23      En second lieu, aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 1184 de la décision attaquée).

24      Dans un premier temps, la Commission a déterminé le montant de base de l’amende. Pour ce faire, elle a précisé, dans la décision attaquée, que ledit calcul était fondé, pour chaque entreprise, sur ses ventes par État membre, multipliées par le nombre d’années de participation à l’infraction constatée dans chaque État membre et pour le sous-groupe de produits concerné, de sorte qu’il soit tenu compte de ce que certaines entreprises exercent leurs activités uniquement dans certains États membres ou uniquement dans un des trois sous-groupes de produits visés au point 3 ci-dessus (considérant 1197 de la décision attaquée).

25      Cette précision apportée, la Commission a fixé à 15 % le coefficient lié à la gravité de l’infraction constatée, au sens des paragraphes 20 à 23 des lignes directrices de 2006. À ce titre, elle a tenu compte de quatre critères d’appréciation de ladite infraction, à savoir la nature, les parts de marché combinées, la portée géographique et la mise en œuvre (considérants 1210 à 1220 de la décision attaquée).

26      En outre, la Commission a fixé le coefficient multiplicateur à appliquer, au titre de la durée de l’infraction, au montant de base déterminé pour les requérantes, sur le fondement des dispositions du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, à 6,66 pour l’Allemagne, à 10,25 pour l’Autriche, à 12 pour l’Italie et à 1,58 pour la Belgique (considérant 1223 de la décision attaquée).

27      Enfin, la Commission a, sur le fondement des dispositions du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de dissuader les entreprises en cause de participer à des accords horizontaux de fixation de prix semblables aux accords faisant l’objet de la décision attaquée et au regard des quatre critères d’appréciation visés au point 25 ci-dessus, décidé d’augmenter le montant de base de l’amende en appliquant un montant additionnel de 15 % (considérants 1224 et 1225 de la décision attaquée).

28      Il en est résulté un montant de base s’élevant à 107 120 000 euros pour les requérantes, dont 75 000 000 euros pour l’Allemagne, 16 300 000 euros pour l’Autriche, 15 000 000 euros pour l’Italie et 820 000 euros pour la Belgique (considérant 1226 de la décision attaquée).

29      Dans un deuxième temps, la Commission a examiné l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes susceptibles de justifier un ajustement du montant de base. Elle n’a retenu aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard des requérantes (considérants 1228 à 1257 de la décision attaquée).

30      Dans un troisième temps, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires (ci-après le « plafond de 10 % »), en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Le montant total de l’amende infligée aux requérantes, après application dudit plafond, était de 19 677 626 euros (considérants 1261 et 1264 de la décision attaquée).

31      Dans un quatrième temps, la Commission a affirmé que les requérantes n’étaient pas en droit de bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, dès lors que les preuves avancées par celles-ci ne pouvaient être réputées représenter une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de ladite communication (considérant 1302 de la décision attaquée).

32      Dans un cinquième temps, la Commission a réduit le montant total de l’amende infligée aux requérantes, de 19 677 626 euros (considérant 1319 de la décision attaquée) à 14 758 219 euros, en application du paragraphe 35 des lignes directrices de 2006, relatif à la capacité contributive des entreprises sanctionnées ( considérants 1337 à 1346 de la décision attaquée).

33      Eu égard à ce qui précède, le dispositif de la décision attaquée a été formulé de la façon suivante :

« Article premier

(1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord continu ou à des pratiques concertées dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains sur les territoires de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Italie, de la France, de la Belgique et des Pays-Bas :

[…]

5. Hansa Metallwerke AG, du 16 octobre 1992 au 9 novembre 2004, Hansa Nederland BV, du 26 novembre 1996 au 31 décembre 1999, Hansa Italiana srl, du 16 octobre 1992 au 9 novembre 2004, [Hansa Belgium], du 10 mars 2003 au 9 novembre 2004 et Hansa Austria GmbH, du 21 juillet 1994 au 9 novembre 2004.

[…]

Article 2

Pour l’infraction visée à l’article 1, les amendes suivantes sont infligées :

[…]

5.

(a)

EUR 10 332 958

À Hansa Metallwerke AG,

 

(b)

EUR 2 245 696

[…] solidairement à Hansa Austria GmbH et Hansa Metallwerke AG

 

(c)

EUR 2 066 592

[…] solidairement à Hansa Italiana srl et Hansa Metallwerke AG

 

(d)

EUR 112 974

[…] solidairement à [Hansa Belgium] et Hansa Metallwerke AG

 

(e)

EUR 0

[…] solidairement à Hansa Nederland BV et Hansa Metallwerke AG

[…]

Article 3

Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction visée audit article, si elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement tels que ceux décrits à l’article 1er, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

[…] »

34      L’article 4 de la décision attaquée a énuméré les destinataires de la décision attaquée, dont les requérantes.

 Procédure et conclusions des parties

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010, les requérantes ont introduit le présent recours.

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2010, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 17 février 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande d’intervention.

37      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, demandé aux requérantes de produire la lettre du 15 janvier 2010. Celles-ci ont respectivement répondu à cette demande, dans le délai imparti, par lettre du 31 janvier 2013. Par lettre du 25 février 2013, versée au dossier de l’affaire sur décision du Tribunal, la Commission a formulé des observations sur la lettre du 31 janvier 2013.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 27 février 2013.

39      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle les concerne ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

41      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’illégalité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ;

–        statuer de manière appropriée sur les dépens.

 En droit

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union européenne, s’agissant des décisions de sanction adoptées par la Commission afin de sanctionner les infractions au droit de la concurrence, repose sur le contrôle de légalité, prévu à l’article 263 TFUE, qui est complété, lorsqu’il est saisi d’une demande en ce sens, par une compétence de pleine juridiction, reconnue audit juge en vertu de l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, points 53, 63 et 64). Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, le cas échéant, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 103, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, non encore publié au Recueil, point 265).

43      En l’espèce, tout d’abord, il est constant que, au titre du présent recours, les requérantes ont saisi le Tribunal de deux premiers chefs de conclusions tendant respectivement, d’une part, à ce que la décision attaquée, pour autant qu’elle les concerne, soit annulée et, d’autre part, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’amende qui leur a été infligée soit réduit.

44      Par ailleurs, à l’appui du présent recours, les requérantes soulèvent six moyens visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle les concerne ou, à défaut, la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée. Lesdits moyens sont pris respectivement, le premier, d’une erreur de droit et d’appréciation quant au montant maximal de l’amende infligée en vertu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, le deuxième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, le troisième, d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 résultant du calcul incorrect du montant de l’amende eu égard à l’application de la communication de 2002 sur la coopération, le quatrième, d’une violation des principes de non-rétroactivité, le cinquième, d’une violation du principe de légalité des peines qui résulterait des dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et, le sixième, d’une violation du principe de légalité de l’action administrative et de sécurité juridique. Ce sixième moyen se divise en deux branches respectivement prises, premièrement, de l’illégalité, au regard de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, de la pratique administrative quant au calcul du montant des amendes, telle qu’elle résulte de l’application des lignes directrices de 2006 et, deuxièmement, de plusieurs erreurs de droit et d’appréciation ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation.

45      Le Tribunal constate que le cinquième moyen et la première branche du sixième moyen sont respectivement tirés, en substance, de l’illégalité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et de l’illégalité des lignes directrices de 2006 au regard des dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du même règlement. Partant, il y a lieu de considérer que le cinquième moyen et la première branche du sixième moyen sont des exceptions d’illégalité qu’il convient d’examiner en tant que telles.

46      Au regard des considérations liminaires qui précèdent, dans un premier temps, le Tribunal examinera les deux exceptions d’illégalité visées au point 45 ci-dessus. Dans un deuxième temps, il examinera, dans le cadre du contrôle de la légalité de la décision attaquée, au regard, d’une part, des premier, deuxième, troisième et quatrième moyens et, d’autre part, de la seconde branche du sixième moyen, renumérotée, aux fins du présent arrêt, comme cinquième moyen, les conclusions présentées, à titre principal, par les requérantes, visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée pour autant qu’elle les concerne. Dans un troisième temps, le Tribunal examinera les conclusions présentées, à titre subsidiaire, visant, en substance, à ce qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction pour réformer, en le réduisant, le montant de l’amende que la Commission leur a infligée.

 Sur les exceptions d’illégalité

 Sur l’exception d’illégalité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

47      Les requérantes soutiennent que, en substance, la base d’habilitation qui résulte de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, au regard des critères qui y sont établis pour le calcul du montant des amendes, est contraire au principe de légalité des peines (ci-après la « première exception »).

48      La Commission, soutenue par le Conseil, s’oppose aux arguments exposés par les requérantes au soutien de la première exception.

49      À cet égard, il résulte de la jurisprudence que le principe de légalité des peines tel qu’il figure à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389) et a été consacré notamment par l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), est un corollaire du principe de sécurité juridique, lequel exige qu’une réglementation de l’Union définisse clairement les infractions et les sanctions (voir arrêt de la Cour du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, point 80, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 66, confirmé par arrêt de la Cour du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, non publié au Recueil ; arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Wieland-Werke e.a./Commission, T‑11/05, non publié au Recueil, point 58).

50      En outre, le principe de sécurité juridique exige qu’une telle réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (voir arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 49 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

51      Pour satisfaire aux exigences des principes de légalité des peines et de sécurité juridique, il n’est pas exigé que les termes des dispositions en vertu desquelles sont infligées ces sanctions soient à ce point précis que les conséquences pouvant découler d’une infraction à ces dispositions soient prévisibles avec une certitude absolue. En effet, l’existence de termes vagues dans la disposition n’entraîne pas nécessairement une violation de ces deux principes et le fait qu’une loi confère un pouvoir d’appréciation ne se heurte pas en soi à l’exigence de prévisibilité, à condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante (voir, en ce sens, arrêts Degussa/Commission, point 49 supra, point 71, et Wieland-Werke e.a./Commission, point 49 supra, points 62 et 63).

52      À ce sujet, la Cour a dit pour droit que la clarté de la loi s’apprécie au regard non seulement du libellé de la disposition pertinente, mais également des précisions apportées par une jurisprudence constante et publiée (arrêt Evonik Degussa/Commission, point 49 supra, point 40). Elle a aussi souligné que les critères dégagés par la jurisprudence s’agissant de la méthode de calcul des amendes en droit de la concurrence de l’Union ont, notamment, été empruntés par la Commission pour la rédaction des lignes directrices et permis à celle-ci de développer une pratique décisionnelle connue et accessible (voir, en ce sens, arrêt Evonik Degussa/Commission, point 49 supra, point 61).

53      S’agissant de la validité de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 au regard des principes de légalité des peines et de sécurité juridique, force est de rappeler que le Tribunal a déjà jugé, au regard d’arguments en substance semblables à ceux exposés par les requérantes au soutien de la première exception, que les paragraphes 2 et 3 du même article, lus de manière conjointe, dès lors qu’ils limitent le pouvoir d’appréciation de la Commission, satisfont aux exigences découlant desdits principes (arrêt Wieland-Werke e.a./Commission, point 49 supra, point 63 à 72).

54      Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 satisfait aux exigences découlant du principe de légalité des peines.

55      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel, dans l’arrêt Evonik Degussa/Commission, point 49 supra, la Cour ne se serait prononcée que sur la légalité de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204) et non pas sur celle de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003.

56      À cet égard, il convient de préciser que, dans l’arrêt Evonik Degussa/Commission, point 49 supra, la Cour a rejeté le pourvoi intenté contre l’arrêt Degussa/Commission, point 49 supra, et confirmé, en particulier, la validité du raisonnement présenté aux points 49 à 54 ci-dessus, développé en réponse à une exception tirée de l’illégalité de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. En outre, il ressort de la jurisprudence du Tribunal, et notamment des points 58 à 73 de l’arrêt Wieland-Werke e.a./Commission, point 49 supra, que le Tribunal a dit pour droit, en renvoyant par analogie à l’arrêt Degussa/Commission, point 49 supra, que les dispositions de l’article 23 du règlement n° 1/2003 ne violent pas le principe de légalité des peines. Or, en l’espèce, le Tribunal constate que les requérantes n’avancent aucun argument susceptible de démontrer pour quelles raisons il y aurait lieu de s’écarter de cette jurisprudence.

57      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la première exception comme étant non fondée.

 Sur l’exception d’illégalité des lignes directrices de 2006 au regard des dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003

58      Les requérantes soutiennent, en substance, que le montant de l’amende infligée, en ce qu’il est fondé sur les lignes directrices de 2006, n’a pas été fixé par la Commission conformément aux dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, dans la mesure où la Commission n’a pas exercé son pouvoir d’appréciation quant aux différents paramètres de calcul en tenant compte des circonstances du cas d’espèce. Selon elles, la pratique administrative quant à la fixation du montant des amendes, qui résulte des lignes directrices de 2006, conduit à ce que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires total soit régulièrement dépassé, et ce, souvent comme en l’espèce, dès le stade du calcul du montant de base, de sorte que les paramètres de calcul applicables en vertu des dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et de la jurisprudence, à savoir tant la gravité de l’infraction que sa durée et les circonstances individuelles, n’entrent que de manière théorique dans la méthode de calcul et ne se répercutent pas sur le montant final de l’amende. Il en résulterait une violation des principes de légalité des peines, de sécurité juridique, de proportionnalité, d’égalité de traitement et du droit de recours devant un Tribunal (ci-après la « seconde exception »).

59      La Commission s’oppose aux arguments exposés par les requérantes au soutien de la seconde exception.

60      En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation des principes de légalité des peines et de sécurité juridique, premièrement, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, par essence, l’adoption par la Commission de lignes directrices contribue à assurer le respect du principe de légalité des peines. À ce titre, il convient de relever que les lignes directrices déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 211 et 213).

61      Deuxièmement, il découle du paragraphe 2 des lignes directrices de 2006 que ces dernières s’inscrivent dans le cadre légal imposé par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003. Or, il a été établi, aux points 49 à 57 ci-dessus, que cet article satisfaisait aux exigences découlant des principes de légalité des peines et de sécurité juridique.

62      Troisièmement, il convient de souligner que, en adoptant les lignes directrices de 2006, la Commission n’a pas dépassé les limites de la marge d’appréciation qui lui est attribuée par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 250).

63      En effet, il est prévu, à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, que la Commission, pour déterminer le montant des amendes, prenne en considération la gravité et la durée de l’infraction. Or, les lignes directrices de 2006 disposent, en leur paragraphe 19, que le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.

64      Plus précisément, s’agissant de la prise en compte de la gravité de l’infraction, selon les paragraphes 21 à 23 des lignes directrices de 2006, la proportion de la valeur des ventes prise en compte (ci-après le « coefficient ‘gravité de l’infraction’ ») est fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, étant entendu que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. En vertu du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, il est précisé que, dans un but dissuasif, la Commission inclura dans le montant de base une proportion, permettant de calculer un montant additionnel (ci-après le « coefficient ‘montant additionnel’ »), comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, en tenant compte des facteurs précités.

65      S’agissant de la prise en compte de la durée de l’infraction, le paragraphe 24 des lignes directrices de 2006 prévoit, d’une part, que le montant déterminé en fonction des valeurs de ventes est multiplié par le nombre d’années de participation à l’infraction et, d’autre part, que les périodes de moins d’un semestre sont comptées comme une demi-année et que celles de plus de six mois mais de mois d’un an sont comptées comme une année complète.

66      En vertu des paragraphes 27 à 31 des lignes directrices de 2006, le montant de base peut ensuite être ajusté afin de tenir compte de circonstances aggravantes et atténuantes et afin d’assurer un caractère suffisamment dissuasif au montant de l’amende. Aux termes du paragraphe 34 desdites lignes directrices, il peut également être diminué pour tenir compte de la communication de 2002 sur la coopération.

67      Il est encore précisé, au paragraphe 32 des lignes directrices de 2006, que, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, pour chaque entreprise ou association d’entreprises participant à l’infraction, le montant final de l’amende n’excède en tout état de cause pas 10 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

68      Enfin, d’une part, la Commission prévoit, à titre exceptionnel, au paragraphe 35 des lignes directrices de 2006, qu’elle peut tenir compte, aux fins de la fixation du montant de l’amende, de l’absence de capacité contributive d’une entreprise. Le Tribunal considère que cette disposition ne laisse pas une marge d’appréciation illimitée à la Commission, dès lors que les conditions d’octroi d’une réduction du montant de l’amende pour absence de capacité contributive y sont très précisément décrites. Ainsi, il est précisé, audit paragraphe, qu’aucune réduction du montant de l’amende n’est accordée sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire et qu’une réduction ne peut être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur.

69      D’autre part, au paragraphe 37 des lignes directrices de 2006, la Commission fait état de ce que les particularités d’une affaire ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier qu’elle s’écarte de la méthodologie décrite dans les lignes directrices de 2006. Dès lors que les dispositions dudit paragraphe ne l’autorisent pas à s’écarter des principes posés par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, elles ne confèrent pas un pouvoir d’appréciation presque illimité à la Commission et que, partant, ledit paragraphe ne déroge pas au principe de légalité des peines.

70      Il s’ensuit que l’adoption par la Commission des lignes directrices de 2006, dans la mesure où elle s’est inscrite dans le cadre légal imposé par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, a contribué à préciser les limites de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de cette disposition (arrêt Degussa/Commission, point 49 supra, point 82) et n’a pas enfreint le principe de légalité des peines, mais a contribué à son respect.

71      Partant, c’est à tort que les requérantes, au titre de la seconde exception, se prévalent d’une violation des principes de légalité des peines et de sécurité juridique.

72      En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seul le montant final de l’amende infligée doit respecter la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires visée à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 et que cette disposition n’interdit pas à la Commission de parvenir, au cours des différentes étapes du calcul du montant de l’amende, à un montant intermédiaire supérieur à cette limite, pour autant que le montant final de l’amende n’excède pas ladite limite (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 2012, Cetarsa/Commission, C‑181/11 P, non encore publié au Recueil, point 80, et la jurisprudence citée).

73      Ainsi, s’il s’avère que, au terme du calcul, le montant final de l’amende doit être réduit à concurrence du montant dépassant la limite supérieure, le fait que certains facteurs tels que la gravité et la durée de l’infraction ne se répercutent pas de façon effective sur le montant de l’amende infligée n’est qu’une simple conséquence de l’application de cette limite supérieure audit montant final (voir arrêt Cetarsa/Commission, point 72 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

74      En effet, la limite supérieure vise à éviter que soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter (voir arrêt Cetarsa/Commission, point 72 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

75      Il s’agit donc d’une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles, visant à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Cette limite supérieure a ainsi un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction (voir arrêt Cetarsa/Commission, point 72 supra, point 83, et la jurisprudence citée).

76      Ladite limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base de ces critères est réduit jusqu’au niveau maximal autorisé. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (voir arrêt Cetarsa/Commission, point 72 supra, point 84, et la jurisprudence citée).

77      Deuxièmement, quand bien même le dispositif de la décision attaquée ne mentionne pas expressément de quelle manière la durée et la gravité de l’infraction ont été prises en compte pour calculer le montant de l’amende infligée aux requérantes, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le dispositif d’une décision doit être lu à la lumière des motifs qui lui servent de support (arrêt du Tribunal du 22 mars 2011, Altstoff Recycling Austria/Commission, T‑419/03, Rec. p. II‑975, point 152). Or, en l’espèce, la Commission a, s’agissant des requérantes, tenu compte de la gravité et de la durée de l’infraction respectivement aux considérants 1210 à 1220 et 1221 à 1223 de la décision attaquée. Il s’ensuit que l’argument des requérantes relatif à l’absence de prise en compte effective lorsqu’il est fait application des lignes directrices de 2006, comme cela est le cas dans la décision attaquée, de la gravité et de la durée de l’infraction doit être rejeté comme non fondé.

78      Troisièmement, s’agissant de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement en ce que, au regard de l’importance de l’examen de la proportionnalité relative, tant le montant de base que le montant final de l’amende infligée aux requérantes ne pouvait pas dépasser celui retenu concernant les autres destinataires de la décision attaquée, cet argument s’avère manifestement erroné tant il révèle une méconnaisse manifeste des règles qui régissent les conditions de fixation du montant d’une amende en droit de la concurrence de l’Union.

79      En effet, s’agissant du montant de base de l’amende infligée aux requérantes, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 623, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 150).

80      Cette obligation qui lie la Commission constitue la conséquence logique du principe d’individualité des peines et des sanctions en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de concurrence de l’Union (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 185 ; voir, en ce qui concerne l’imputation d’une amende, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 63)

81      C’est à ce titre que les deux critères visés à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 permettent à la Commission d’adopter des sanctions en tenant compte du degré d’illégalité du comportement en cause (arrêt Wieland-Werke e.a./Commission, point 49 supra, point 66).

82      Par ailleurs, il convient de rappeler que les lignes directrices de 2006 permettent à la Commission, à chacune des deux étapes de la méthodologie de fixation des amendes qu’elles prévoient, de satisfaire à cette exigence de prise en compte de la gravité relative de la participation à l’infraction de chaque entreprise concernée, qui découle du principe d’individualité des peines et des sanctions.

83      En effet, en vertu des lignes directrices de 2006, dans un premier temps, la Commission détermine un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises et, dans un second temps, elle peut ajuster ce montant de base à la hausse ou à la baisse, et ce au regard de circonstances aggravantes ou atténuantes qui caractérisent la participation de chacune des entreprises concernées.

84      Au regard de l’argument soulevé par les requérantes qui fait l’objet des présentes observations, il convient certes de relever que, ainsi que cela ressort des paragraphes 13 à 25 des lignes directrices de 2006, chacun des deux coefficients multiplicateurs appliqués au stade de la détermination du montant de base, à savoir, d’une part, le coefficient « gravité de l’infraction » et, d’autre part, le coefficient « montant additionnel », est déterminé au regard de facteurs qui reflètent les caractéristiques de l’infraction prise dans sa globalité, à savoir en ce qu’elle regroupe l’ensemble des comportements anticoncurrentiels de la totalité des participants (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, non encore publié au Recueil, point 265).

85      Toutefois, il ressort de la jurisprudence que certains paramètres de calcul du montant de base de l’amende, retenus dès le stade de la première phase de la méthode pour la fixation des amendes, prennent en compte la situation spécifique et individuelle de chacune des entreprises concernées. Il s’agit des deux paramètres objectifs se rapportant, d’une part, à la valeur des ventes, des produits ou des services, réalisées par l’entreprise, en ce qui concerne directement ou indirectement l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE, et, d’autre part, à la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction globale en cause. Dès lors, ainsi que cela ressort des dispositions du paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, la combinaison de la valeur des ventes, en ce qui concerne l’infraction, de chacune des entreprises en cause et de la durée de leur participation respective permet, dès la première phase de la méthode de fixation de l’amende, de refléter à la fois l’importance économique de l’infraction, prise dans son ensemble, et le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction (arrêt Aragonesas Industrias y Energía/Commission, point 84 supra, point 269).

86      Partant, dans la mesure où il est constant que, afin de déterminer le montant de base de l’amende infligée aux requérantes, la Commission a, dans la décision attaquée, appliqué les deux paramètres objectifs se rapportant, d’une part, à la valeur des ventes, des produits, réalisées par les requérantes, en ce qui concerne directement ou indirectement l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE, et, d’autre part, à la durée de la participation de chacune d’elles à l’infraction globale en cause, l’argument pris de ce que le montant de base de l’amende qui leur a été infligée ne pouvait pas dépasser celui retenu concernant les autres destinataires de la décision attaquée doit être rejeté comme non fondé.

87      S’agissant du montant final de l’amende infligée aux requérantes, il ne saurait en aller autrement. En effet, d’une part, ainsi que cela ressort notamment de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus, le fait que, en raison de l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, certains facteurs tels que la gravité et la durée de l’infraction ne se répercutent pas de façon effective sur le montant de l’amende infligée à un participant à une infraction, contrairement à d’autres participants qui n’ont pas bénéficié de la réduction au titre dudit plafond, n’est qu’une simple conséquence de l’application de cette limite supérieure au montant final de l’amende infligée. D’autre part, le Tribunal a déjà jugé que le seul fait que le montant de l’amende finalement infligée s’élève à 10 % du chiffre d’affaires d’un requérant, alors que ce pourcentage est plus faible pour d’autres participants à l’entente, ne peut constituer une violation du principe d’égalité de traitement. En effet, cette conséquence est inhérente à l’interprétation du plafond de 10 % comme simple plafond qui est appliqué après une éventuelle réduction du montant de l’amende en raison de circonstances atténuantes ou du principe de proportionnalité (arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, Rec. p. II‑3729, point 74). L’argument visé au point 78 ci-dessus doit donc être rejeté comme étant non fondé.

88      Partant, c’est à tort que les requérantes, au titre de la seconde exception, se prévalent d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

89      En troisième lieu, il convient de rejeter l’argument tiré d’une violation du droit de recours devant un Tribunal, pris de ce que la pratique qui résulte de l’application des lignes directrices de 2006, en ce qu’elle permet à la Commission de fixer le montant de l’amende finalement infligée au regard du seul plafond de 10 % du chiffre d’affaires total, rend inutile son exercice aux fins de faire constater l’illégalité qui entache les stades antérieurs de calcul du montant de l’amende.

90      En effet, ainsi qu’il ressort des considérations figurant aux points 72 à 86 ci-dessus, c’est de manière manifestement erronée que les requérantes soutiennent que la Commission a fixé le montant de l’amende finalement infligée au regard du seul plafond de 10 % du chiffre d’affaires total. L’application dudit plafond n’est intervenue que dans le respect de la méthodologie de fixation des amendes prévue dans les lignes directrices de 2006, qui s’articule autour de deux étapes, et ce afin de garantir le respect du principe de proportionnalité des amendes infligées. Par ailleurs, l’application dudit plafond ne viole en aucun cas le droit d’introduire un recours en annulation contre la décision attaquée qui viserait à faire constater une illégalité concernant la détermination du montant de base de l’amende. À titre d’exemple, un tel droit de recours est notamment susceptible de faire constater par le Tribunal une illégalité quant à la durée de la participation d’une entreprise à une infraction.

91      Partant, c’est à tort que les requérantes, au titre de la seconde exception, se prévalent d’une violation du droit de recours devant un Tribunal.

92      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la demande des requérantes au Tribunal d’inviter la Commission à indiquer la valeur des ventes et l’ensemble des données prises en compte dans le calcul du montant des amendes infligées aux autres destinataires de la décision attaquée, il y a lieu de rejeter la seconde exception comme non fondée.

93      Cette conclusion ne saurait être modifiée au regard de l’argument des requérantes qui repose sur une comparaison du montant de l’amende qui leur a été infligée avec celui de l’amende infligée à la société Saint-Gobain, en vertu de la décision de la Commission du 12 novembre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/39125 – Verre automobile).

94      En effet, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, celui-ci étant défini par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, tel que complété par les lignes directrices (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, point 108, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, au regard du large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission dans la détermination du montant des amendes, le seul fait qu’elle a considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, qu’un comportement justifiait une amende d’un certain montant n’implique nullement qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (voir, en ce sens, arrêt Archer Daniels Midland/Commission, précité, points 109 et 110, et la jurisprudence citée). Partant, en l’espèce, il convient de considérer que la simple invocation par les requérantes de la décision visée au point 93 ci-dessus est en soi inopérante, dans la mesure où la Commission n’était pas tenue d’apprécier de la même manière la présente affaire.

95      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que les deux exceptions d’illégalité doivent être rejetées dans leur intégralité comme étant non fondées.

 Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et d’appréciation quant au montant maximal de l’amende infligée en vertu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003

96      Les requérantes font valoir que, en substance, la Commission n’a pas pris en compte, aux fins de la fixation du montant de l’amende qui leur a été infligée, leur chiffre d’affaires total consolidé correct à l’échelle du groupe de 193 886 175 euros. Par ailleurs, dans le mémoire en réplique, elles font observer que, à la suite de l’adoption d’une décision le 1er mars 2011, qui leur a été notifiée et qui est annexée audit mémoire, la Commission a, au regard du chiffre d’affaires total consolidé susvisé, modifié le montant total de l’amende, qui leur avait initialement été infligée à l’article 2, paragraphe 5, de la décision attaquée, en le fixant dorénavant à 14 541 462 euros. Partant, elles considèrent que, la Commission ayant reconnu le bien-fondé du premier moyen, elle devrait, au titre dudit moyen, être condamnée aux dépens.

97      La Commission ne conteste pas avoir commis une erreur de calcul du montant de l’amende initialement infligée aux requérantes dans la décision attaquée. Toutefois, elle considère que, au regard des circonstances du cas d’espèce, ces dernières devraient supporter les dépens exposés au titre du premier moyen.

98      À cet égard, tout d’abord, le Tribunal constate que, par la décision du 1er mars 2011, la Commission a modifié le montant total de l’amende initialement infligée aux requérantes à l’article 2, paragraphe 5, de la décision attaquée, en le remplaçant par un nouveau montant total d’amende s’élevant à 14 541 462 euros.

99      Ensuite, il convient de constater que les parties s’accordent sur le fait que, à la suite de l’adoption de la décision de la Commission du 1er mars 2011, cette dernière a correctement rectifié le montant final de l’amende infligée aux requérantes, initialement fixé dans la décision attaquée, en tenant compte du chiffre d’affaires total consolidé effectivement réalisé par les requérantes, à l’échelle du groupe qu’elles constituent, à savoir 193 886 175 euros.

100    Enfin, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, les requérantes ont indiqué que, d’une part, elles reconnaissaient que, à la suite de l’adoption de la décision du 1er mars 2011, le premier moyen était devenu sans objet et, d’autre part, la Commission aurait dû être condamnée à supporter les dépens qu’elles ont exposés au titre dudit moyen.

101    Au regard des constatations qui précèdent, sans préjudice des appréciations par le Tribunal, au stade de la répartition des dépens, de l’erreur commise par la Commission quant au calcul initial du montant final de l’amende infligée aux requérantes, le Tribunal décide qu’il n’y a plus lieu de se prononcer sur le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

102    Les requérantes font valoir que, en substance, au titre de leur comportement coopératif s’agissant des vices de procédure commis et reconnus par la Commission, elles ont renoncé, d’une part, à demander la restitution des données classées secrets d’affaires illégalement divulguées et, d’autre part, à introduire une demande d’indemnisation de leur préjudice prétendument ainsi subi. Par ailleurs, elles soutiennent que les services de la Commission et certains des agents de cette dernière s’étaient engagés à tenir compte dudit comportement et, à ce titre, de leur faire bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles étaient susceptibles de se voir infliger. Partant, ils auraient fait naître à l’égard des requérantes une confiance légitime quant au bénéfice d’une telle réduction accordée sur le fondement de la communication de 2002 sur la coopération. À l’appui de cette argumentation elles demandent au Tribunal d’auditionner quatre témoins.

103    La Commission s’oppose, en substance, aux arguments exposés par les requérantes au soutien du deuxième moyen.

104    Le Tribunal relève que le deuxième moyen soulevé par les requérantes se fonde sur des vices de procédure commis au cours de la procédure administrative et non contestés par la Commission. Lesdits vices résident dans le fait que cette dernière a, durant ladite procédure, divulgué auprès d’autres entreprises des secrets d’affaires concernant les requérantes.

105    En premier lieu, il convient de constater qu’il ressort des arguments exposés par les requérantes au soutien du deuxième moyen qu’elles considèrent que la base juridique sur laquelle la Commission aurait dû leur accorder une réduction du montant de l’amende, au regard de leur comportement à la suite des vices de procédure qu’elle avait commis, est prise des dispositions du paragraphe 23, sous b), troisième tiret, de la communication de 2002 sur la coopération.

106    Conformément aux dispositions du paragraphe 23, sous b), troisième tiret, de la communication de 2002 sur la coopération, la réduction maximale de 20 % susceptible d’être accordée présuppose que les entreprises concernées remplissent la condition énoncée au paragraphe 21 de la communication de 2002 sur la coopération.

107    Selon la condition énoncée au paragraphe 21 de la communication de 2002 sur la coopération, « [a]fin de pouvoir prétendre à une [réduction du montant de l’amende], une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ».

108    Il ressort des dispositions citées aux points 106 et 107 ci-dessus que la réduction susceptible d’être accordée à une entreprise se fonde exclusivement sur la teneur des éléments de preuve fournis par elle et sur la cessation de sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment de la fourniture desdits éléments.

109    Partant, force est de constater qu’aucune réduction du montant de l’amende ne saurait être accordée, sur le fondement des dispositions du paragraphe 23, sous b), troisième tiret, de la communication de 2002 sur la coopération, au regard du comportement coopératif adopté par une entreprise à la suite de vices de procédure commis et reconnus par la Commission au cours de la procédure administrative.

110    En deuxième lieu, il convient d’apprécier si, ainsi que le soutiennent les requérantes, la Commission a violé le principe de confiance légitime en ne leur accordant pas, contrairement à des engagements pris par ses services et ses agents au cours de la procédure administrative, une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, sur le fondement de leur comportement coopératif à la suite des vices de procédures commis par la Commission au cours de la procédure administrative.

111    À ce titre, selon la jurisprudence, le principe du respect de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union (arrêt de la Cour du 5 mai 1981, Dürbeck, 112/80, Rec. p. 1095, point 48). Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union (arrêt du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 106 et 107). Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent (arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑3/92, RecFP p. I‑A‑23 et II‑83, point 58 ; du 27 février 1996, Galtieri/Parlement, T‑235/94, RecFP p. I‑A‑43 et II‑129, points 63 et 64, et du 17 février 1998, Maccaferri/Commission, T‑56/96, RecFP p. I‑A‑57 et II‑133, point 54). Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêt de la Cour du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes, 162/84, Rec. p. 481, point 6).

112    En l’espèce, les requérantes se fondent soit sur des comptes-rendus rédigés par leur mandataire durant la procédure administrative concernant des échanges qu’il aurait eus avec les services et agents de la Commission, soit sur des communications de ces derniers à leur attention qui contiendraient des éléments susceptibles d’avoir fait naître à leur égard une confiance légitime quant au bénéfice d’une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.

113    Il y a lieu de considérer que, quel que soit le motif sur lequel se fondent les requérantes pour prétendre démontrer le bien-fondé du présent moyen, les trois conditions cumulatives requises aux fins de pouvoir se prévaloir de la protection de la confiance légitime ne sont pas remplies.

114    En effet, tout d’abord, il ne ressort pas des éléments du dossier du Tribunal que les services ou les agents de la Commission avaient, par leurs prises de position écrites ou orales formulé des assurances précises, inconditionnelles et concordantes susceptibles de faire naître à l’égard des requérantes une quelconque certitude quant au fait qu’une réduction du montant de leur amende leur serait accordée au regard de leur comportement coopératif à la suite des vices de procédure commis par la Commission.

115    Ensuite, en tout état de cause, aucune des sources et aucun des agents ou des services de la Commission, cités par les requérantes comme ayant formulé de telles assurances, n’était autorisée à le faire (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 153, et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 67).

116    Enfin, l’engagement prétendument pris par les requérantes quant à leur renoncement à introduire un éventuel recours en indemnité, au sens de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE, contre la Commission afin de faire réparer le préjudice qu’elles prétendent avoir subi ne saurait les empêcher, si elles devaient finalement en décider ainsi, d’user d’une telle voie de recours dans le délai imparti, conformément aux dispositions de l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

117    En troisième lieu, s’agissant de la demande des requérantes tendant, en substance, à ce que le Tribunal adopte plusieurs mesures d’instruction, aux fins d’auditionner quatre témoins, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est le seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi en ordonnant, sur le fondement des dispositions de l’article 68 de son règlement de procédure, de telles mesures (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 67, et jurisprudence citée).

118    Ensuite, ainsi que la Cour l’a jugé dans le cadre d’une affaire concernant le droit de la concurrence, même si une demande d’audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 68 et la jurisprudence citée).

119    En l’espèce, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes au soutien du deuxième moyen, le Tribunal estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition des quatre témoins visée au point 102 ci-dessus.

120    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 résultant du calcul incorrect du montant de l’amende eu égard à l’application de la communication de 2002 sur la coopération

121    Premièrement, les requérantes font valoir, en substance, que au regard, tout d’abord, des éléments de preuve qu’elles ont communiqués à la Commission au titre de leur demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, ensuite, de leur comportement à la suite des multiples vices de procédure commis par la Commission et, enfin, de l’absence de contestation de leur part de la matérialité des faits constatés par la Commission à leur égard et de l’appréciation juridique par la Commission des éléments de preuve produits dans la communication des griefs, elles auraient contribué à alléger considérablement le travail de la Commission au cours de la procédure administrative, ce que celle-ci aurait reconnu dans la décision attaquée. Deuxièmement, la Commission n’aurait pas motivé, conformément aux dispositions de l’article 269 TFUE, sa décision de leur refuser le bénéfice d’une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée. Troisièmement, elles soutiennent que leur demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, portant sur des marchés de produits et géographiques différents de ceux visés dans la demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération de Roca, doit être classée en quatrième position dans l’ordre d’arrivée des demandes tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération reçues par la Commission.

122    La Commission s’oppose aux arguments exposés par les requérantes au soutien du troisième moyen.

123    En premier lieu, au regard des développements contenus aux points 105 à 109 ci-dessus, le Tribunal considère que l’argument pris de ce que, eu égard au comportement des requérantes à la suite des multiples vices de procédure commis par la Commission, cette dernière aurait dû leur accorder une réduction du montant de l’amende sur le fondement de la communication de 2002 sur la coopération doit être rejeté comme étant non fondé.

124    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument pris d’une violation de l’obligation de motivation, il convient de relever que, en vertu du considérant 1302 de la décision attaquée, selon la Commission, à la date du dépôt de la demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération des requérantes le 19 janvier 2006, elle « détenait déjà des preuves établissant l’existence de l’infraction (documents d’inspection et demandes tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération de Masco, […] de Grohe [Beteiligungs] et d’Ideal Standard) » et que « [l]a plupart des documents auto-incriminants présentés avaient déjà été copiés pendant [son inspection] dans les locaux de Hansa ». Par ailleurs, la Commission a indiqué que, « par conséquent, elle [estimait] que Hansa n’[avait] pas apporté une valeur ajoutée [significative] et ne [devait] donc pas se voir accorder de réduction d’amende ».

125    Premièrement, il y a lieu de considérer que la motivation figurant au considérant 1302 de la décision attaquée fait apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission, auteur de l’acte incriminé, de sorte que, conformément à une jurisprudence constante concernant l’obligation de motivation au sens de l’article 269 TFUE, d’une part, les requérantes ont pu connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, le juge de l’Union est en mesure d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, point 96, et arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 164).

126    Deuxièmement, ainsi qu’il a été considéré au titre de l’examen du deuxième moyen, les requérantes ne pouvaient se prévaloir, au regard de leur comportement à la suite des multiples vices de procédure commis et reconnus par la Commission, ni des dispositions de la communication de 2002 sur la coopération, ni d’une quelconque confiance légitime acquise auprès de la Commission quant au bénéfice d’une réduction du montant totale de l’amende qui leur a été infligée. Partant la Commission n’était pas tenue de motiver la décision attaquée à cet égard et l’argument pris de la violation de l’obligation de motivation du refus de la Commission de leur accorder une telle réduction au regard dudit comportement doit être écarté.

127    En troisième lieu, s’agissant de l’argument pris de l’ordre d’arrivée des demandes tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération reçues par la Commission, il convient de rappeler que, en vertu du paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication de 2002 sur la coopération, pour définir le niveau de réduction de l’amende susceptible d’être accordée à une entreprise, la Commission prend en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au paragraphe 21 ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté.

128    Il ressort ainsi de la communication de 2002 sur la coopération que l’effet recherché est de créer un climat d’incertitude au sein des ententes en encourageant leur dénonciation auprès de la Commission. Cette incertitude résulte précisément du fait que les participants à l’entente savent que seul l’un d’entre eux pourra bénéficier d’une immunité d’amende en dénonçant les autres participants à l’infraction, les exposant ainsi au risque qu’ils se voient infliger des amendes. Dans le cadre de ce système, et selon la même logique, les entreprises les plus rapides à fournir leur coopération sont censées bénéficier de réductions plus importantes du montant des amendes auxquelles elles seraient autrement assujetties que celles accordées aux entreprises moins rapides pour coopérer (arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, non encore publié au Recueil, point 379).

129    L’ordre chronologique et la rapidité de la coopération offerte par les membres du cartel constituent donc des éléments fondamentaux du système mis en place par la communication de 2002 sur la coopération (arrêt Transcatab/Commission, point 128 supra, point 380).

130    En l’espèce, premièrement, il convient de constater que la demande adressée par les requérantes a été introduite par la lettre du 19 janvier 2006, complétée par celle du 4 août 2006. Celle adressée par Roca l’a quant à elle été le 17 janvier 2006. Par conséquent, la demande des requérantes est intervenue postérieurement à celle de Roca. Cette conclusion ne saurait être modifiée au regard de l’information qui aurait été communiquée à la Commission par les requérantes, le 16 janvier 2006, quant à leur intention de déposer une demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération. En effet, il ressort des dispositions de la communication de 2002 sur la coopération que seul le dépôt et non pas l’information communiquée à la Commission quant à l’intention d’une entreprise de déposer une demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération doit être retenu aux fins de déterminer l’ordre d’arrivée des demandes adressées à la Commission.

131    Deuxièmement, s’agissant de l’argument pris de ce que les éléments d’information communiqués à la Commission par les requérantes à l’appui de leur demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération ne portaient pas sur les mêmes marchés géographiques et de produits que ceux communiqués par Roca, de sorte que ladite demande devrait être classée en quatrième position, il ne saurait prospérer.

132    En effet, tout d’abord, il convient de relever que l’infraction à laquelle les requérantes ont participé a été qualifiée par la Commission d’infraction unique et continue. Or, ainsi que le Tribunal le constatera au point 168 ci-après, la Commission n’a pas commis d’erreur en qualifiant d’unique et continue ladite infraction.

133    Ensuite et dans ces conditions, il convient de rappeler que, dans la communication de 2002 sur la coopération, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pouvaient être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient dû acquitter (arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec. p. II‑2287, point 129).

134    Par conséquent, il convient de considérer que, dans le cas d’une infraction unique et continue, l’ordre chronologique d’arrivée des demandes tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération contenant des éléments de preuve revêtant une valeur ajoutée significative ne saurait être modifié au regard des différents marchés géographiques et de produits, dont ladite infraction est composée et sur lesquels portent respectivement les demandes tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération reçues par la Commission concernant cette infraction.

135    Dès lors, en l’espèce, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la valeur ajoutée significative des éléments d’information communiqués par Roca dans sa demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, il convient avant tout de vérifier si ceux communiqués par les requérantes revêtaient eux-mêmes une telle valeur.

136    Troisièmement, s’agissant de la valeur des éléments d’information communiqués à la Commission par les requérantes à l’appui de leur demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, il convient de rappeler que, selon les dispositions du paragraphe 21 de ladite communication, « afin de pouvoir prétendre à une [réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 20 de ladite communication], une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ».

137    La Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par ses services. Dans ce cadre, la Commission est appelée à effectuer des appréciations factuelles complexes, telles que celles qui portent sur la coopération respective desdites entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 81, et arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 219).

138    De plus, dans le cadre de l’appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, seule une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission est susceptible d’être censurée, dès lors qu’elle bénéficie d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (arrêt SGL Carbon/Commission, point 137 supra, point 88). Il convient également de rappeler à cet égard que, si la Commission est tenue de motiver les raisons pour lesquelles elle estime que des éléments fournis par des entreprises, dans le cadre de la communication de 2002 sur la coopération, constituent une contribution justifiant ou non une réduction du montant de l’amende infligée, il incombe en revanche aux entreprises souhaitant contester la décision de la Commission à cet égard de démontrer que celle-ci, en l’absence de telles informations fournies volontairement par ces entreprises, n’aurait pas été en mesure de prouver l’essentiel de l’infraction et donc d’adopter une décision infligeant des amendes (arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P, Rec. p. I‑8681, point 297).

139    Enfin, la collaboration d’une entreprise à l’enquête ne donne droit à aucune réduction du montant de l’amende lorsque cette collaboration n’a pas dépassé ce qui résultait des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 18 du règlement nº 1/2003 (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, points 341 et 342, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 451).

140    C’est à la lumière des considérations exposées aux points 136 à 139 ci-dessus qu’il convient d’examiner l’argument des requérantes pris de la valeur des éléments d’information qu’elles ont communiqués à la Commission à l’appui de leur demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération.

141    En premier lieu, s’agissant desdits éléments d’information, il convient de constater que, s’agissant respectivement des cinq marchés géographiques concernés par la participation des requérantes à l’infraction, à savoir l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Belgique (considérants 165 à 552 de la décision attaquée) et les Pays-Bas (considérants 592 à 630 de la décision attaquée), la Commission a exposé, dans une première partie, subdivisée en deux titres, d’une part, la chronologie et le schéma des réunions dans le cadre des associations nationales professionnelles ainsi que les faits qu’elle a constatés et, d’autre part, ses premières conclusions quant à l’existence d’une infraction. Dans une seconde partie, elle a résumé les arguments des destinataires en réponse à la communication des griefs, à l’exposé des faits et auxdites premières conclusions.

142    S’agissant des cinq premières parties relatives à la chronologie et au schéma des réunions dans le cadre des associations nationales professionnelles portant sur chacun des cinq marchés géographiques pertinents, les requérantes ne contestent pas que lesdites parties ne contiennent aucun élément de preuve qu’elles auraient communiqué à la Commission à l’appui de leur demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération ou dans leurs réponses aux demandes de renseignements que leur a adressé la Commission au cours de la procédure administrative.

143    S’agissant des cinq secondes parties relatives aux arguments des destinataires en réponse à la communication des griefs, à l’exposé des faits et aux premières conclusions de la Commission portant sur chacun des cinq marchés géographiques pertinents, il y a tout d’abord lieu de constater que, d’une manière générale, lesdites parties reprennent toutes les arguments exposés par chacune des entreprises concernées et, lorsque lesdits arguments visent à contester le bien-fondé des constatations factuelles et des conclusions tirées par la Commission, les observations de la Commission les concernant.

144    Ensuite, s’agissant plus précisément des requérantes, force est de constater qu’elles ne contestent pas, en ce qui concerne les marchés allemand (considérant 244 de la décision attaquée), autrichien (considérant 347 de la décision attaquée) et italien (considérant 468 de la décision attaquée), qu’aucun de leurs arguments ne visait à contester les constatations factuelles ou les conclusions tirées par la Commission s’agissant de leur participation à l’infraction. Partant, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir formellement, à la lecture desdits arguments, formulé des observations les concernant. En effet, un tel formalisme impliquerait uniquement que la Commission, en l’absence de contestation de la part des requérantes, reproduise ses constatations et ses conclusions qui figurent déjà dans la première partie.

145    En revanche, en ce qui concerne les marchés belge (considérant 551 de la décision attaquée) et néerlandais (considérant 629 de la décision attaquée), la Commission a fait état de ce que les requérantes avaient formulé soit des observations (marché belge), soit des contestations (marché néerlandais). À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a veillé à répondre à ces observations ou à exposer les raisons pour lesquelles ces contestations n’étaient pas fondées selon elle.

146    Au regard des constatations figurant aux points 142 à 145 ci-dessus, c’est donc à tort que les requérantes émettent l’idée que la Commission n’a pas examiné leurs arguments exposés dans leurs observations sur la communication des griefs concernant les marchés géographiques concernés.

147    En deuxième lieu, s’agissant de la valeur ajoutée des éléments communiqués par les requérantes tant à l’appui de leur demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération que dans le cadre de leurs réponses à des demandes de renseignements de la Commission ou de leurs observations sur la communication des griefs, force est de constater que, ainsi que cela ressort des secondes parties relatives aux arguments des destinataires en réponse à la communication des griefs, à l’exposé des faits et aux premières conclusions de la Commission concernant les marchés allemand, autrichien, italien et belge, les requérantes se contentent de faire valoir qu’elles n’ont pas contesté les constatations factuelles et les conclusions tirées par la Commission ou qu’elles ont toujours fait preuve d’une prompte coopération durant la procédure administrative.

148    Or, premièrement, il convient de rappeler que, ainsi que les requérantes le reconnaissent elles-mêmes, l’absence de contestation des faits n’est pas suffisante en soi pour obtenir, au titre de la communication de 2002 sur la coopération, une réduction du montant de l’amende. Il en va tout autant d’une absence de contestation des appréciations juridiques effectuées par la Commission.

149    Deuxièmement, dans leurs écritures, les requérantes n’ont même pas tenté de démontrer dans quelle mesure les éléments de preuve qu’elles avaient communiqués à la Commission revêtaient une valeur significative en ce qui concerne les éléments de preuve dont la Commission disposait à la date de la communication desdits éléments. Pourtant, la Commission a veillé à indiquer dans le mémoire en défense, de manière circonstanciée et détaillée, quels étaient les éléments de preuve dont elle disposait alors concernant tous les aspects de l’infraction. Dans ces conditions, il incombait aux requérantes, dans la réplique, d’exposer leurs arguments afin de rapporter la preuve que, ainsi qu’elles le prétendent, les éléments qu’elles avaient adressés à la Commission revêtaient une valeur ajoutée significative.

150    Partant, il convient de considérer que, ainsi que la Commission l’a conclu au considérant 1302 de la décision attaquée, les éléments que lui ont communiqués les requérantes au cours de la procédure administrative ne revêtaient pas une valeur ajoutée significative au sens de la communication de 2002 sur la coopération.

151    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité en raison de l’application des lignes directrices de 2006

152    Les requérantes font valoir, en substance, que l’infraction constatée avait cessé et que la procédure d’enquête était clôturée avant l’adoption des lignes directrices de 2006. Partant, selon elles, la Commission ne pouvait, sans violer le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales reconnu dans le droit de l’Union, leur infliger une amende sur le fondement des lignes directrices de 2006.

153    La Commission s’oppose aux arguments exposés par les requérantes au soutien du quatrième moyen.

154    À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales, tel qu’il figure à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux et a été consacré, notamment, par l’article 7 de la CEDH, dont le juge de l’Union assure le respect, permet de s’opposer à l’application rétroactive d’une nouvelle interprétation d’une norme établissant une infraction, lorsque le résultat de cette interprétation n’était pas raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 87 à 89, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié au Recueil, point 120).

155    Deuxièmement, selon une jurisprudence tout aussi constante, nonobstant les dispositions de l’article 23, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, dont il ressort que les décisions infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n’ont pas un caractère pénal, la Commission est tenue de respecter le principe de non-rétroactivité dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en application des règles de concurrence du traité (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 202 ; voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, points 40 et 41, et la jurisprudence citée, et arrêt Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, point 154 supra, point 122). Tel est notamment le cas lorsque la Commission décide de modifier une politique répressive, en l’occurrence sa politique générale de la concurrence en matière d’amendes. En effet, une telle modification, en particulier si elle est opérée par l’adoption de règles de conduite telles que les lignes directrices, peut avoir des incidences au regard du principe de non-rétroactivité (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 222).

156    Troisièmement, afin de contrôler le respect du principe de non-rétroactivité, il a été jugé qu’il y avait lieu de vérifier si la modification en cause était raisonnablement prévisible à l’époque où les infractions concernées ont été commises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 224). La portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 219).

157    À ce sujet, il convient de rappeler que l’application efficace des règles de concurrence telles qu’elles découlent des dispositions du règlement n° 1/2003, exige que la Commission puisse, dans les limites du plafond fixé par l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement, à tout moment élever le niveau des amendes si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence. Il en découle que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime ni dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières, mais, au contraire, que lesdites entreprises doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé, soit en procédant à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, soit par l’application, à des cas d’espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que des lignes directrices (arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, point 154 supra, points 90 et 91, et arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, points 227 à 230).

158    Quatrièmement, il a déjà été souligné aux paragraphes 61 et 70 ci-dessus que les lignes directrices de 2006 s’inscrivaient dans le cadre légal imposé par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 et qu’elles contribuaient à préciser les limites de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de cette disposition.

159    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les lignes directrices de 2006 et, en particulier, la nouvelle méthode de calcul des amendes qu’elles comportent, à supposer qu’elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, étaient raisonnablement prévisibles pour des entreprises telles que les requérantes à l’époque où l’infraction constatée a été commise et que, en appliquant les lignes directrices de 2006 dans la décision litigieuse à une infraction commise avant leur adoption, la Commission n’a pas violé le principe de non-rétroactivité (voir, en ce sens, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, points 231 et 232, et Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 155, point 25).

160    Partant, sans qu’il y ait lieu de déterminer si, comme le prétendent les requérantes, l’application des lignes directrices de 1998 aurait conduit à une amende moins élevée que celle qui leur a effectivement été imposée, il convient de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de plusieurs erreurs de droit et d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation

161    Les requérantes font valoir que, en substance, premièrement, en appliquant un taux unique de 15 %, au titre de la gravité de l’infraction, au stade du calcul du montant de base de l’amende infligée à tous les participants, la Commission n’a pas tenu compte des circonstances caractérisant leur participation à l’infraction en cause et, partant, a violé le principe d’égalité de traitement, deuxièmement, elle a commis des erreurs de droit s’agissant de l’appréciation de la portée de l’infraction quant à sa gravité et sa durée, troisièmement, elle a commis une erreur de droit et d’appréciation en concluant à leur participation à l’infraction constatée et, quatrièmement, elle a commis des erreurs d’appréciation en ne tenant pas compte de circonstances atténuantes.

162    La Commission s’oppose aux arguments exposés par les requérantes au soutien du cinquième moyen.

163    En premier lieu, le Tribunal considère qu’il convient d’examiner d’emblée le troisième argument, pris d’une erreur que la Commission aurait commise en concluant à la participation des requérantes à l’infraction constatée, à savoir une infraction unique et continue.

164    À titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à l’intitulé de ce troisième argument soulevé par les requérantes, tel qu’il figure dans la requête, il ressort de son exposé dans cette dernière qu’elles ne contestent pas la qualification d’unique et continue de l’infraction constatée, mais la conclusion tirée par la Commission quant à leur participation à ladite infraction. Il convient d’ajouter que, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, les requérantes ont explicitement indiqué que, pour autant que la qualification d’unique et continue de l’infraction en cause soit correcte, elles ne contestaient pas ladite qualification. Par conséquent, les requérantes se bornent à contester la qualification d’unique et continue de l’infraction en cause dans l’hypothèse où ladite qualification ne serait pas correcte. À cet égard, force est également de constater que les requérantes n’ont soulevé aucun grief tendant à démontrer que cette qualification serait erronée. Or, selon la jurisprudence, le requérant doit indiquer dans la requête les griefs précis sur lesquels le Tribunal est appelé à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C‑52/90, Rec. p. I‑2187, point 17, et arrêt du Tribunal du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec. p. II‑107, point 167). Dès lors, pour autant que les requérantes contestent la qualification d’unique et continue de l’infraction en cause dans l’hypothèse où ladite qualification ne serait pas correcte, ce grief doit être rejeté comme étant irrecevable.

165    À titre principal, s’agissant de la conclusion tirée par la Commission quant à la participation des requérantes à l’infraction constatée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 79 supra, point 81, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 258).

166    Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et continue par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 79 supra, points 87 et 203, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 165 supra, point 83).

167    Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble.

168    En l’espèce, premièrement, le Tribunal relève qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission a fondé la qualification d’unique et continue de l’infraction en cause sur dix facteurs, visés au considérant 796 de la décision attaquée, décrits ensuite aux considérants 797 à 849 de ladite décision. En l’absence de griefs exposés par les requérantes afin de contester ladite qualification, le Tribunal constate que ces dix facteurs permettent de relever d’étroites synergies entre les agissements anticoncurrentiels mis en œuvre dans les six États membres concernés et s’agissant des sous-trois groupes de produits. Ces synergies sont telles qu’elles permettent d’établir un lien de complémentarité entre lesdits agissements, qui contribuent, par cette interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains. C’est l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par lesdits fabricants qui constitue le plan d’ensemble, tel qu’envisagé par la jurisprudence visée au point 165 ci-dessus, quand bien même ce plan n’a pas été élaboré formellement, à l’avance, par un organisme global de coordination. Partant, il ressort des motifs de la décision attaquée que la Commission pouvait valablement qualifier d’unique et continue l’infraction en cause.

169    Deuxièmement, s’agissant de la contestation par les requérantes quant à leur prétendue participation à des agissements qui s’inscrivaient dans un plan d’ensemble, elles font valoir les quatre griefs suivants. Tout d’abord, dans la mesure où elles ne fabriquaient que des articles de robinetterie, elles n’auraient eu aucun intérêt à participer à des ententes couvrant l’ensemble des trois sous-groupes de produits. Ensuite, elles n’auraient participé qu’à huit associations nationales professionnelles sur les treize identifiées par la Commission dans la décision attaquée et n’auraient participé qu’à deux réunions de l’organisme de coordination IFS en Allemagne. Par ailleurs, elles soutiennent que, s’agissant des produits autres que les articles de robinetterie, n’étant pas en mesure d’exercer d’influence face à des concurrents bien plus puissants sur le marché, elles ne pouvaient pas faire partie du groupe central d’entreprises. Enfin, le fait constaté par la Commission selon lequel les fabricants d’articles de robinetterie échangeaient parfois des informations sur les deux autres sous-groupes de produits ne confirmerait ni l’existence d’un lien entre les trois sous-groupes de produits, ni qu’elles auraient participé à des ententes portant respectivement sur lesdits sous-groupes.

170    À cet égard, s’agissant du premier grief, pris de ce que les requérantes n’avaient aucun intérêt à participer à des ententes couvrant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, d’une part, le Tribunal considère que, pour autant que ledit grief repose, en substance, sur le fait qu’elles ne fabriquaient que des articles de robinetterie, il ne saurait fonder le troisième argument pris d’une erreur que la Commission aurait commise en concluant à la participation des requérantes à l’infraction constatée, à savoir une infraction unique et continue. En effet, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 167 ci-dessus qu’une entreprise peut n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais, sous certaines conditions, se voir reprocher d’avoir participé à ladite infraction dans son ensemble.

171    D’autre part, il y a lieu de constater que les requérantes se contredisent de manière manifeste lorsque, d’un côté, au titre du premier grief, elles contestent leur intérêt à participer à des ententes couvrant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, alors que, d’un autre côté, afin de démontrer que les infractions auxquelles elles ont participé étaient d’une gravité moindre par rapport aux autres participants à l’infraction constatée, elles affirment dans la requête que, ainsi que cela ressort du considérant 211 de la décision attaquée, les fabricants d’articles de robinetterie tenaient compte de l’évolution des prix, soumise à la pression du marché dans les secteurs des enceintes de douches et des articles en céramique. Cette dernière affirmation est non seulement contradictoire avec la contestation sur laquelle repose le premier grief, mais, surtout, elle corrobore le constat opéré par la Commission dans la décision attaquée et confirmé par le Tribunal au point 168 ci-dessus, quant à l’existence d’étroites synergies entre les agissements anticoncurrentiels reprochés et, par voie de conséquence, d’une infraction unique et continue. Partant, le premier grief doit être rejeté comme étant non fondé.

172    S’agissant du deuxième grief, pris de ce que la participation des requérantes aux réunions d’associations nationales professionnelles aurait été limitée, le Tribunal rappelle que, ainsi qu’il a été relevé au point 141 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée que la Commission a établi que les requérantes avaient participé à plusieurs réunions dans plusieurs États membres de fabricants de l’ensemble ou de certains des trois sous-groupes de produits, réunions au cours desquelles les participants décidaient notamment de la coordination des hausses de prix des sous-groupes de produits concernés. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, s’agissant notamment du marché allemand, il convient de relever qu’elles n’ont pas uniquement participé à deux réunions de l’organisme de coordination IFS, dont elles étaient membres. En effet, il ressort de la décision attaquée que, afin de prouver leur participation au plan d’ensemble qui caractérise l’infraction constatée, la Commission a, s’agissant dudit marché géographique, non seulement fait valoir qu’elles avaient participé à des réunions régulières, de coordination des hausses de prix des produits faisant l’objet de l’entente, de l’AGSI, dont elles étaient membres, mais aussi à celles de l’ABD et du FSKI, associations regroupant des fabricants d’enceintes de douches ou de produits de céramique, dont elles n’étaient pourtant pas membres. De telles participations permettent de corroborer l’affirmation de la Commission selon laquelle les requérantes ne pouvaient ignorer l’étendue de l’infraction constatée. Partant, le deuxième grief doit être rejeté comme étant non fondé.

173    S’agissant du troisième grief, pris de ce que, en ce qui concerne les produits autres que les articles de robinetterie, les requérantes n’étaient pas en mesure d’exercer une influence face à des concurrents prétendument plus puissants sur le marché et ne pouvaient donc pas faire partie du groupe central d’entreprises, il convient d’interpréter ledit grief en ce sens que les requérantes se prévalent, en substance, du caractère passif et suiviste, de par les pressions exercées par leurs concurrents plus puissants sur le marché en cause, de leurs agissements anticoncurrentiels.

174    Or, tout d’abord, selon la jurisprudence, l’existence de telles pressions ne change rien à la réalité et à la gravité de l’infraction commise (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 370). Au demeurant, les requérantes auraient pu dénoncer les pressions dont elles faisaient l’objet aux autorités compétentes et introduire une plainte auprès de la Commission plutôt que de participer à l’entente (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 370, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 339).

175    Ensuite, il convient de rappeler que, si le rôle exclusivement passif ou suiviste d’une entreprise constituait une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices de 1998, tel n’est plus le cas dans les lignes directrices de 2006. Le paragraphe 29, troisième tiret, des lignes directrices de 2006 prévoit qu’une circonstance atténuante peut être constatée par la Commission lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que sa participation à l’infraction constatée est substantiellement réduite et démontre par conséquent qu’elle s’est effectivement soustraite à l’application des accords infractionnels en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché. Il est précisé que le seul fait qu’une entreprise a participé à une infraction pour une durée plus courte que les autres ne sera pas considéré comme une circonstance atténuante, puisque cette circonstance est déjà reflétée dans le montant de base.

176    En l’espèce, d’une part, le Tribunal relève qu’il ressort du point 5.2.3.2 de la décision attaquée que la constatation par la Commission de l’existence d’un groupe central d’entreprises avait pour objet de contribuer à la démonstration de l’existence d’une infraction unique et continue et non d’apprécier la gravité de l’infraction à laquelle les membres dudit groupe, parmi lesquels figuraient les requérantes, avaient participé. Ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 797 de ladite décision, l’appartenance d’une entreprise audit groupe supposait qu’elle ait participé à l’entente dans tous les États membres, ou plusieurs d’entre eux, ayant fait l’objet d’une enquête de la Commission et qu’elle ait été membre d’au moins un organisme de coordination. Cette appartenance ne s’appréciait donc pas au regard de la puissance de l’entreprise sur le marché concerné, par rapport aux autres entreprises membres de l’entente en cause. Or, force est de relever que les requérantes ne contestent pas qu’elles satisfaisaient à ces deux conditions permettant de constater qu’elles faisaient partie du groupe central d’entreprises.

177    D’autre part, conformément au paragraphe 29, troisième tiret, des lignes directrices de 2006, les requérantes auraient dû prouver qu’elles s’étaient soustraites à l’application des accords anticoncurrentiels en cause, au sens des dispositions du paragraphe 19, troisième tiret, des lignes directrices de 2006, ce qu’elles ne soutiennent ni ne prétendent démontrer. Au demeurant, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 171 ci-dessus, les requérantes ne contestent pas qu’elles tenaient compte de l’évolution des prix dans les secteurs des enceintes de douches et des articles en céramique pour fixer leurs propres prix sur le marché des articles de robinetterie. Un tel comportement démontre que les requérantes n’avaient aucunement l’intention de se soustraire à l’application des comportements infractionnels qualifiés, à bon droit par la Commission, d’infraction unique et continue. Partant, le troisième grief doit être rejeté comme étant non fondé.

178    S’agissant du quatrième grief, pris de ce que le fait que les fabricants d’articles de robinetterie échangeaient parfois des informations sur les deux autres sous-groupes de produits ne confirmerait pas l’existence d’un lien entre les trois sous-groupes de produits, force est de constater que, en tout état de cause, de tels échanges, non contestés par les requérantes, permettent de constater qu’elles avaient connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs. Dès lors, conformément aux considérations figurant au point 167 ci-dessus, la Commission était fondée à prendre en compte cette circonstance afin de conclure que les requérantes avaient participé à l’infraction constatée. Partant, le quatrième grief doit être rejeté comme étant inopérant.

179    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est donc à bon droit que la Commission a conclu à la participation des requérantes à l’infraction constatée, de sorte qu’il convient de rejeter le troisième argument visé au point 163 ci-dessus comme étant pour partie non fondé et pour partie inopérant.

180    En deuxième lieu, s’agissant du premier argument, pris de ce que, en appliquant un taux unique de 15 %, au titre de la gravité de l’infraction, au stade du calcul du montant de base de l’amende infligée à tous les participants, la Commission n’a pas tenu compte de diverses caractéristiques de la participation des requérantes à l’infraction et, partant, aurait violé le principe d’égalité de traitement, tout d’abord, il convient de relever que, ainsi qu’il a été conclu au point 179 ci-dessus, la Commission a conclu à bon droit, dans la décision attaquée, que les requérantes avaient participé à l’infraction constatée.

181    Ensuite, il importe de souligner qu’il ne ressort nullement des éléments du dossier du Tribunal que les arrangements collusoires s’agissant des articles de robinetterie ont été moins intensifs que s’agissant des enceintes de douche. Ainsi, s’agissant tant des enceintes de douche que des articles de robinetterie, il convient de constater que la Commission disposait d’éléments de preuve démontrant à suffisance de droit que, sur ces deux marchés de produits, les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains avaient participé à des restrictions de concurrence qui comptent parmi les plus graves, à savoir la coordination des hausses annuelles de prix ainsi que la coordination des hausses de prix à l’occasion d’événements particuliers.

182    Enfin, et en tout état de cause, selon les paragraphes 21 à 23 des lignes directrices de 2006, la proportion de la valeur des ventes prise en compte, aux fins d’apprécier la gravité de l’infraction commise, est fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, étant entendu que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves.

183    En l’espèce, il convient de rappeler que, d’une part, il ressort de la décision attaquée que les requérantes avaient pris part à des arrangements anticoncurrentiels consistant tant en la coordination des hausses de prix sur cinq marchés de l’Union concernant les articles de robinetterie qu’en l’échange d’informations commerciales sensibles et, d’autre part, elles s’étaient abstenues de contester leur participation auxdits arrangements. Pourtant, comme il a été constaté au point 182 ci-dessus, il y a lieu de considérer que cette infraction compte parmi les plus graves.

184    Or, compte tenu du fait que, en vertu du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, ces dernières restrictions justifient que soit retenue une proportion de la valeur des ventes en haut de l’échelle de 0 à 30 %, le Tribunal est d’avis que la proportion retenue en l’espèce, à savoir 15 %, correspond à un minimum au regard de la nature de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Team Relocations/Commission, T‑204/08 et T‑212/08, Rec. p. II‑3569, points 94, 100 et 118).

185    Partant, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission, au regard des caractéristiques de l’infraction à laquelle les requérantes ont participé, a appliqué un taux de 15 %, au titre du coefficient « gravité de l’infraction », afin de calculer le montant de base de l’amende qui leur a été infligée. Dès lors, les requérantes ne sauraient se prévaloir de la violation par la Commission du principe d’égalité de traitement, au motif qu’elle aurait appliqué ce même taux, au titre de la gravité de l’infraction constatée, au stade du calcul du montant de base de l’amende infligée à tous les participants à l’entente en cause. Il y a donc lieu de rejeter le premier argument, visé au point 180 ci-dessus, comme étant non fondé.

186    En troisième lieu, s’agissant du deuxième argument pris, de ce que la Commission aurait commis des erreurs de droit s’agissant de l’appréciation de la portée de l’infraction quant à sa gravité et à sa durée, il ne saurait prospérer.

187    En effet, premièrement, s’agissant de la gravité de l’infraction auxquelles les requérantes ont participé, tout d’abord, il convient de relever que, ainsi que cela a déjà été rappelé au point 168 ci-dessus, la Commission a, d’une part, établi, aux considérants 793 à 849 de la décision attaquée, que les arrangements collusoires mis en place par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains dans six États membres et s’étendant à trois sous-groupes de produits présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue et, d’autre part, conclu, aux considérants 872 et 873 de ladite décision, que les requérantes avaient participé à cette infraction. Or, ainsi que cela ressort du point 179 ci-dessus, cette conclusion n’est pas entachée d’illégalité.

188    Ensuite, il importe de constater que la participation limitée des requérantes à l’infraction, à savoir en ce qui concerne un seul des trois sous-groupes de produits, a été prise en compte par la Commission lors de la détermination du montant de base de l’amende. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 24 ci-dessus et ainsi que cela ressort du considérant 1197 de la décision attaquée, ledit montant de base est fondé, pour chaque entreprise, sur la valeur des ventes par État membre et sur le sous-groupe de produits concerné.

189    Par ailleurs, ainsi que cela ressort des points 182 à 185 ci-dessus, l’infraction à laquelle les requérantes ont participé compte parmi les restrictions de concurrence les plus graves.

190    Deuxièmement, s’agissant de la durée de la participation des requérantes à l’infraction, il importe de constater que ladite durée a été prise en compte par la Commission lors de la détermination du montant de base de l’amende. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 26 ci-dessus et ainsi que cela ressort du considérant 1223 de la décision attaquée, le coefficient multiplicateur appliqué, au titre de la durée de l’infraction commise par les requérantes, afin de déterminer le montant de base repose, conformément aux dispositions du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, sur la période durant laquelle chacune des requérantes a respectivement participé à l’infraction, sur chacun des marchés nationaux sur lequel elles étaient présentes dans le cadre de leurs activités concernant les articles de robinetterie.

191    Partant, il convient de rejeter le deuxième argument, visé au point 186 ci-dessus, comme non fondé.

192    En quatrième lieu, s’agissant du quatrième argument, pris de ce que la Commission aurait commis des erreurs d’appréciation en ne tenant pas compte de circonstances atténuantes, les requérantes font valoir que, premièrement, elles ont mis fin à leur participation à l’infraction constatée dès les premières interventions de la Commission, deuxièmement, elles ont immédiatement après lesdites intervention mis en place un programme de mise en conformité de leurs pratiques sur le marché et, troisièmement, elles subissaient les pressions de leurs clients et se contentaient de suivre les accords anticoncurrentiels mis en place par des entreprises tierces.

193    S’agissant du premier grief, pris de ce que les requérantes ont mis fin à leur participation à l’infraction constatée dès les premières interventions de la Commission, il convient de relever que, tout d’abord, les lignes directrices de 2006 ne prévoient aucune circonstance atténuante fondée sur une telle circonstance. Ensuite, il ressort d’une jurisprudence constante que reconnaître le bénéfice d’une circonstance atténuante dans des situations dans lesquelles une entreprise est partie à un accord manifestement illégal, dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’il constituait une infraction, pourrait inciter les entreprises à poursuivre un accord secret aussi longtemps que possible, dans l’espoir que leur comportement ne serait jamais découvert tout en sachant que, si leur comportement venait à être découvert, elles pourraient voir le montant de leur amende réduit en interrompant alors l’infraction. Une telle reconnaissance ôterait tout effet dissuasif à l’amende infligée et porterait atteinte à l’effet utile de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 149 ; arrêts du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 259, et Wieland-Werke e.a./Commission, point 49 supra, points 62, 63 et 229).

194    Dans ces conditions, les requérantes ayant participé à une entente secrète, ce qu’elles ne contestent pas, elles ne sauraient se prévaloir d’une circonstance atténuante susceptible de justifier une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée au motif qu’elles ont mis fin à leur participation à l’infraction constatée dès les premières interventions de la Commission au titre de l’infraction en cause.

195    Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief, visé au point 193 ci-dessus, comme étant non fondé.

196    De même, le deuxième grief, pris de ce que les requérantes ont mis en place immédiatement après les premières interventions de la Commission un programme de mise en conformité, ne saurait prospérer. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que, s’il est certes important que les requérantes aient pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit de la concurrence ne soient commises à l’avenir par des membres de leur personnel, ce fait ne change rien à la réalité de l’infraction qui a été constatée en l’espèce. Partant, cette circonstance n’obligeait pas la Commission à réduire, à titre de circonstance atténuante, le montant de l’amende de ces requérantes (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 373 ; voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 266, et la jurisprudence citée).

197    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième grief, visé au point 196 ci-dessus, comme non fondé.

198    S’agissant du troisième grief, pris de ce que les requérantes subissaient les pressions exercées par les clients et se contentaient de suivre les accords anticoncurrentiels mis en place par les entreprises tierces, tout d’abord, il convient de rappeler que les requérantes ne contestent pas voir pris part à des arrangements anticoncurrentiels.

199    Ensuite, s’agissant de la pression exercée par les clients sur les requérantes, contrairement à ce qu’avancent ces dernières et ainsi que cela a été relevé à juste titre par la Commission au considérant 657 de la décision attaquée, le fait que les grossistes aient demandé aux fabricants d’adopter un comportement particulier ne saurait dégager ces derniers de leur responsabilité au titre de leur participation à des pratiques anticoncurrentielles (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Caffaro/Commission, T‑192/06, non publié au Recueil, points 41 et 52).

200    Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre au considérant 934 de la décision attaquée, si les conditions sur les marchés en amont et en aval du marché visé par l’entente peuvent influencer le comportement des acteurs présents sur ce dernier marché, cela ne justifie en aucune manière que ces acteurs, au lieu de répondre indépendamment aux conditions du marché, coopèrent avec leurs concurrents (voir, en ce sens, arrêt Caffaro/Commission, point 199 supra, point 52). Dès lors, la prétendue puissance d’achat des grossistes, à la supposer établie, ne peut en aucun cas justifier les arrangements collusoires mis en place par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains.

201    Enfin, s’agissant du comportement suiviste qu’auraient adopté les requérantes en ce qui concerne les comportements anticoncurrentiels mis en place par des entreprises tierces, il importe de relever que, afin de démontrer que leur participation à l’infraction était substantiellement réduite, les requérantes se contentent d’affirmer de nouveau qu’elles ne pouvaient exercer une influence aussi importante que celle des concurrents bien plus puissants sur le marché, de sorte qu’elles ne pouvaient pas faire partie du groupe central d’entreprises.

202    Or, ainsi que cela ressort des considérations exposées aux points 174 à 176 ci-dessus, un tel comportement ne saurait constituer une circonstance atténuante susceptible de justifier une réduction du montant de l’amende.

203    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième grief, visé au point 198 ci-dessus, comme étant non fondé et, par voie de conséquence et pour les mêmes raisons, le quatrième argument visé au point 192 ci-dessus.

204    Au regard des conclusions tirées aux points 179, 185, 191 et 203 ci-dessus, il convient de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

205    Il résulte de l’ensemble des considérations se rapportant aux conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne les requérantes que, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le premier moyen, les deuxième à cinquième moyens devant être rejetés comme étant non fondés, lesdites conclusions sont rejetées pour le même motif.

 Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

206    D’une part, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce et en respectant les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 42 supra, point 280) ou encore le principe d’égalité de traitement (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 138 supra, point 187).

207    D’autre part, l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office. Dès lors, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge de l’Union est tenu de soulever d’office, telle l’absence ou l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt Chalkor/Commission, point 42 supra, point 64).

208    Certes, le Tribunal constate que les requérantes n’ont soulevé aucun moyen, visant à obtenir une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, distinct de ceux soulevés à l’appui de leurs conclusions en annulation. Toutefois, compte tenu du fait que les six moyens soulevés par les requérantes à l’appui du présent recours visent, ainsi que cela a été relevé au point 44 ci-dessus, à obtenir à la fois l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle les concerne et la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, il incombe au Tribunal, nonobstant les conclusions tirées au point 205 ci-dessus, de les examiner dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction.

209    À cet égard, bien que les lignes directrices de 2006 ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union lorsque celui-ci statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 169), le Tribunal estime approprié, en l’espèce, de s’en inspirer pour recalculer le montant de l’amende, notamment en raison du fait qu’elles permettent de prendre en considération tous les éléments pertinents de l’espèce et d’imposer des amendes proportionnées à l’ensemble des entreprises ayant participé à l’infraction constatée.

210    En l’espèce, le Tribunal considère qu’aucun des arguments exposés par les requérantes au soutien des six moyens soulevés par elles à l’appui du présent recours (voir point 44 ci-dessus) ne saurait justifier qu’il décide, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, de réduire le montant total de l’amende qui leur a été infligée, à la suite de l’adoption de la décision du 1er mars 2011 (voir point 98 supra). En effet, tout d’abord, le Tribunal a d’ores et déjà procédé à un contrôle tant de droit que de fait sur la décision attaquée, au regard de l’ensemble des arguments exposés par les requérantes au soutien des six moyens qu’elles ont soulevés à l’encontre de ladite décision. Le Tribunal considère qu’aucune de ses constatations et des conclusions tirées au terme dudit contrôle ne justifie qu’il réduise le montant de l’amende infligée aux requérantes. Ensuite, afin de calculer le montant final de l’amende infligée aux requérantes, il convient en l’espèce d’appliquer le plafond de 10 %, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, plafond qui vise, ainsi que cela a été rappelé au point 75 ci-dessus, à éviter qu’une telle amende ne soit excessive et disproportionnée. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux relevés au point 32 ci-dessus, aux fins de calculer le montant final de l’amende infligée aux requérantes, il convient en l’espèce de réduire le montant total de l’amende afin de tenir compte de la capacité contributive des requérantes.

211    Partant, au regard de toutes les circonstances de l’espèce, et en particulier des considérations qui précèdent ainsi que de la gravité de l’infraction à laquelle les requérantes ont participé, le Tribunal considère que, d’une part, le montant total de l’amende infligée aux requérantes, à la suite de l’adoption de la décision du 1er mars 2011 (voir point 98 supra), à savoir 14 541 462 euros, constitue un montant approprié en vue de sanctionner l’illégalité de leur comportement et de les dissuader de participer à une infraction similaire à l’avenir et, d’autre part, aucun principe général du droit de l’Union ne justifie qu’il décide de réduire le montant de l’amende imposée aux requérantes par la Commission.

212    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à la réduction du montant total de l’amende infligée aux requérantes.

 Sur les dépens

213    En premier lieu, s’agissant des dépens exposés par les requérantes et la Commission, le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, il peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

214    En l’espèce, le Tribunal considère que l’adoption de la décision du 1er mars 2011, par laquelle la Commission a corrigé l’erreur qu’elle avait commise dans le calcul du montant total de l’amende infligée aux requérantes, erreur que ces dernières avaient relevée au titre du premier moyen, constitue une circonstance exceptionnelle au sens de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure. En effet, cette correction tardive de la décision attaquée a eu pour conséquence de priver le premier moyen de son objet, sans pour autant affecter celui du présent recours, de sorte que le Tribunal a considéré qu’il n’y avait plus lieu de se prononcer sur ledit moyen. Partant, le Tribunal décide qu’il convient de régler les dépens entre les requérantes et la Commission sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.

215    À cet égard, afin de se prononcer sur la répartition des dépens exposés par les parties au principal, il convient de distinguer ceux qu’elles ont exposés au titre du premier moyen de ceux exposés au titre des deux exceptions d’illégalité et des autres moyens soulevés au soutien du recours.

216    Premièrement, s’agissant des dépens exposés au titre du premier moyen, au sujet duquel le Tribunal a conclu que, à la suite de l’adoption de la décision du 1er mars 2011, il n’y avait plus lieu de se prononcer, les parties au principal s’opposent sur la question de savoir si l’erreur commise par la Commission dans le calcul du montant total de l’amende initialement infligée aux requérantes dans la décision attaquée est imputable aux requérantes ou à cette dernière.

217    Tout d’abord, il convient de constater que les parties s’accordent sur le fait que, dans la lettre du 21 décembre 2009, la Commission a invité les requérantes à lui communiquer leur chiffre d’affaires total.

218    Ensuite, il est constant que, dans un premier temps, les requérantes ont, par lettre du 15 janvier 2010, communiqué le montant du chiffre d’affaires total consolidé du groupe, initialement retenu dans la décision attaquée. Dans un second temps, dans le courriel en date du 10 mai 2010, elles ont informé la Commission que ledit montant, après vérification dudit chiffre d’affaires au terme de la clôture de l’exercice 2009, s’élevait finalement à 193 886 175 euros.

219    Il ressort des termes explicites de la lettre du 21 décembre 2009 que la réponse des requérantes à la demande de renseignement, contenue dans cette lettre devait comporter des références précises à l’affaire en cause, être envoyée à une adresse électronique ou postale précise et qu’il convenait d’établir un lien clair avec cette demande de renseignements.

220    Or, ainsi que le fait valoir la Commission, si les requérantes ont satisfait à ces exigences en adressant leur réponse du 15 janvier 2010, tel n’a pas été le cas du courriel qu’elles ont adressé le 10 mai 2010, dans lequel elles ont, dans une considération liminaire, indiqué le chiffre d’affaires total effectivement réalisé par le groupe au cours de l’exercice concerné. Il doit notamment être relevé que, conformément aux exigences formelles figurant dans la lettre du 21 décembre 2009, une réponse par voie électronique à la demande de renseignements devait être adressée par courriel à l’adresse électronique suivante : COMP-GREFFE-ANTITRUST@ec.europa.eu. Or, il ressort des pièces du dossier du Tribunal que le courriel du 10 mai 2010 n’a pas été adressé à ladite adresse.

221    Par ailleurs, ainsi que cela ressort des termes dudit courriel, celui-ci avait pour objet de répondre à une nouvelle demande de renseignements de la Commission adressée par un courriel daté du 7 mai 2010, demande qui n’avait aucun rapport avec ledit chiffre d’affaires du groupe.

222    Enfin, le Tribunal constate que, au point 7 de l’annexe I de la lettre du 21 décembre 2009, il était expressément indiqué que, en cas de mise à jour, après vérification du chiffre d’affaires, l’information par les requérantes des services de la Commission quant à ladite mise à jour devait être accompagnée d’une copie des comptes consolidés vérifiés. Or, ainsi que les requérantes l’ont confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, ces dernières n’ont pas adressé à la Commission une telle copie, et ce notamment lors de l’envoi du courriel du 10 mai 2010.

223    Il ressort des considérations qui précèdent que l’erreur commise par les services de la Commission s’agissant du calcul initialement retenu dans la décision attaquée du montant final de l’amende infligée aux requérantes ne saurait être imputée à celle-ci, mais résulte du non-respect par les requérantes des conditions d’envoi de la communication à la Commission, clairement indiquées dans la lettre du 21 décembre 2009, en réponse à ladite lettre, notamment en cas de mise à jour ultérieure du montant du chiffre d’affaires total consolidé du groupe.

224    Par conséquent, le Tribunal considère que, s’agissant des dépens exposés par les requérantes et la Commission au titre du premier moyen, les requérantes supporteront leurs propres dépens et ceux exposés par la Commission.

225    Deuxièmement, s’agissant des dépens exposés par les parties au principal au titre des deux exceptions d’illégalité et des autres moyens soulevés, le Tribunal décide que, les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs dépens ainsi que ceux de la Commission.

226    En second lieu, s’agissant des dépens exposés par le Conseil, en vertu des dispositions de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Partant, le Conseil, en tant que partie intervenante, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Hansa Metallwerke AG, Hansa Nederland BV, Hansa Italiana Srl, Hansa Belgium et Hansa Austria GmbH supporteront leurs dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les exceptions d’illégalité

Sur l’exception d’illégalité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

Sur l’exception d’illégalité des lignes directrices de 2006 au regard des dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003

Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et d’appréciation quant au montant maximal de l’amende infligée en vertu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 résultant du calcul incorrect du montant de l’amende eu égard à l’application de la communication de 2002 sur la coopération

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité en raison de l’application des lignes directrices de 2006

Sur le cinquième moyen, tiré de plusieurs erreurs de droit et d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation

Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

Sur les dépens


** Langue de procédure : l’allemand.