Language of document : ECLI:EU:T:2022:523

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

7 septembre 2022 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Rémunération – Indemnité de réinstallation – Établissement de la résidence de l’agent à dans son propre foyer après la cessation de service – Article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives applicables au personnel de la BEI – Notion de foyer – Interprétation littérale selon une version linguistique prépondérante – Compétence de pleine juridiction – Litige à caractère pécuniaire – Recevabilité »

Dans l’affaire T‑529/20,

LR, représenté par Mes J. L. Gómez de la Cruz Coll et M. Casado García-Hirschfeld, avocats,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par Mmes A. V.  García Sánchez et I. Zanin, en qualité d’agents, assistées de Mes A. Manzaneque Valverde et J. Rivas de Andrés, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

composé de MM. M. Van der Woude, président, S. Papasavvas, R. da Silva Passos, V. Valančius (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : Mme P. Nuñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 24 février 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, LR, demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Banque européenne d’investissement (BEI) du 9 janvier 2020 lui refusant le bénéfice de l’indemnité de réinstallation (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la condamnation de la BEI au paiement de l’indemnité de réinstallation, assortie des intérêts de retard calculés au taux de la Banque centrale européenne (BCE) majoré de 2 points.

 Antécédents du litige

2        Le requérant a été recruté par la BEI le [confidentiel] et a été admis à la retraite le [confidentiel].

3        Pendant cette période, le requérant résidait avec sa famille à [confidentiel].

4        Le 4 septembre 2019, le requérant a sollicité auprès de la BEI le versement d’une indemnité de réinstallation au motif que, postérieurement à son admission à la retraite, il avait déménagé à [confidentiel].

5        Le 9 janvier 2020, par la décision attaquée, la BEI a rejeté la demande du requérant aux motifs qu’il était propriétaire de la maison dans laquelle il s’était réinstallé et que, de ce fait, il ne remplissait pas les conditions d’attribution de l’indemnité de réinstallation prévues par l’article 13 des dispositions administratives applicables au personnel de la BEI (ci-après les « dispositions administratives »).

6        Le 19 février 2020, le requérant a demandé au président de la BEI, à titre principal, l’octroi de l’indemnité de réinstallation dans l’hypothèse où, dans l’affaire ayant donné lieu, depuis lors, à l’arrêt du 12 mai 2021, DF et DG/BEI (T‑387/19, non publié, EU:T:2021:258), le Tribunal se prononcerait en faveur des parties requérantes et, à titre subsidiaire, le réexamen de la décision attaquée, conformément à l’article 41 du règlement du personnel de la BEI.

7        Par la décision du 15 mai 2020, notifiée le 20 mai 2020, la BEI a rejeté la demande de réexamen du requérant (ci-après la « décision de rejet de la demande de réexamen ») au motif que, selon son interprétation, l’expression « propre foyer », qui figurait à l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives, désignait la propriété de l’agent ou d’un membre de sa famille.

 Conclusions des parties

8        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de rejet de la demande de réexamen ;

–        condamner la BEI au paiement de l’indemnité de réinstallation assortie des intérêts de retard calculés au taux de la BCE majoré de 2 points ;

–        condamner la BEI aux dépens.

9        La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la demande de réexamen

10      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal d’annuler la décision de rejet de la demande de réexamen.

11      À cet égard, selon une jurisprudence constante concernant notamment le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), qu’il convient d’appliquer par analogie en l’espèce, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, EJ/BEI, T‑585/19, non publié, EU:T:2021:142, point 22 et jurisprudence citée).

12      En l’espèce, il convient de relever que la décision de rejet de la demande de réexamen ne modifie ni le sens ni la portée de la décision attaquée par laquelle la BEI a refusé d’octroyer au requérant l’indemnité de réinstallation à l’occasion de son déménagement à [confidentiel].

13      Par conséquent, il y a lieu de constater que la BEI ne s’est pas livrée, dans la décision de rejet de la demande de réexamen, à un nouvel examen de la situation du requérant au regard d’éléments de droit et de fait nouveaux que ce dernier aurait pu faire valoir à l’encontre de la décision attaquée, mais s’est bornée, en réponse à la demande de réexamen du requérant du 19 février 2020, à apporter des précisions concernant les motifs de cette décision. Or, de telles précisions ne sauraient justifier que le rejet d’une demande de réexamen soit considéré comme un acte autonome faisant grief au requérant.

14      Les conclusions en annulation doivent donc être regardées comme étant dirigées contre la seule décision attaquée, dont la légalité doit toutefois être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la demande de réexamen, qui est censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, KO/Commission, T‑389/20, non publié, EU:T:2021:436, point 15 et jurisprudence citée).

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

15      Au soutien du premier chef de conclusions, le requérant invoque quatre moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 13 des dispositions administratives ; deuxièmement, d’une violation de l’obligation de consultation des représentants du personnel de la BEI ; troisièmement, d’une violation des principes de proportionnalité, de la protection des droits acquis, de la protection de la confiance légitime et de l’obligation de prévoir un régime transitoire ; et, quatrièmement, d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

16      S’agissant du premier moyen, le requérant soutient que la BEI procède à une interprétation erronée de l’article 13 des dispositions administratives, relatif au remboursement des frais et à l’indemnité forfaitaire lors de la cessation de service.

17      Le requérant fait valoir que la BEI interprète à tort l’expression « propre foyer » comme désignant la « propriété immobilière dans laquelle l’agent ou son conjoint détient une participation, aussi minime soit-elle », et ce, même si l’agent concerné ou sa famille n’y réside pas et n’y a jamais résidé.

18      Selon la BEI, la décision attaquée ne reposerait pas sur une nouvelle interprétation de l’expression « propre foyer », mais sur l’application correcte de l’article 13 des dispositions administratives, interprété à la lumière de son contexte, de son économie générale et de sa finalité. La BEI estime que l’interprétation de l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives, telle que soutenue par le requérant, priverait cette disposition d’effet utile.

19      Conformément à une jurisprudence constante, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union européenne, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également révéler des éléments pertinents pour son interprétation (arrêt du 2 septembre 2021, CRCAM, C‑337/20, EU:C:2021:671, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 mars 2021, AM/BEI, T‑134/19, EU:T:2021:119, point 60).

20      En premier lieu, il convient de rappeler que l’article 13 des dispositions administratives, dans sa version applicable au litige, est rédigé dans les termes suivants :

« L’intéressé qui a changé son lieu de résidence, après la cessation de service, pour l’établir à une distance d’au moins 50 [kilomètres (km)] de son dernier lieu d’affectation, a droit :

–        au remboursement des frais ci-après, pour autant qu’ils ne soient pas pris en charge par ailleurs, et

–        à l’indemnité forfaitaire ci-après – le cas échéant diminuée des indemnités qui lui seraient versées par ailleurs – pour autant qu’il n’ait pas établi sa résidence à son propre foyer.

[…]

13.3. Indemnité de réinstallation

L’intéressé qui a accompli trois ans de service – ou sans condition de durée de service si la [BEI] a résilié ou n’a pas reconduit son contrat – perçoit après son installation effective à son nouveau lieu de résidence une indemnité de réinstallation d’un montant équivalant à son dernier traitement mensuel de base, à condition qu’il n’ait pas été licencié pour motif grave.

En outre, l’intéressé, dont la famille – pour autant qu’elle vivait sous le même toit que lui – s’est installée effectivement à son nouveau lieu de résidence, établi à une distance d’au moins 50 km à vol d’oiseau du lieu d’affectation, perçoit une deuxième fois le même montant.

Lorsque deux conjoints employés à la [BEI] ont tous deux droit à l’indemnité de réinstallation, celle-ci n’est versée qu’au conjoint dont le traitement mensuel de base est le plus élevé. »

21      Ainsi, s’agissant du libellé de l’article 13 des dispositions administratives, il y a lieu de constater que cet article prévoit le versement d’une indemnité forfaitaire de réinstallation au bénéfice d’un agent de la BEI qui a changé son lieu de résidence, après la cessation de service, pour l’établir à une distance d’au moins 50 kilomètres (km) de son dernier lieu d’affectation.

22      Néanmoins, l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives subordonne le bénéfice de cette indemnité à la condition que l’agent concerné n’ait pas établi sa résidence à son propre foyer.

23      En l’absence d’une définition, dans les dispositions administratives, des notions de « résidence » et de « foyer », il convient d’interpréter ces mêmes notions conformément à leur sens habituel dans le langage courant (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2021, Phantasialand, C‑406/20, EU:C:2021:720, points 28 et 29).

24      Toutefois, il y a lieu de relever que le terme français « foyer », qui figure dans la version française des dispositions administratives, a été traduit par le terme « home » dans la version anglaise desdites dispositions et que la BEI s’est fondée sur cette dernière version tant dans la décision attaquée que dans la décision de rejet de la demande de réexamen.

25      Or, le terme anglais « home » désigne également une maison ou un appartement, de sorte que l’expression « own home » est susceptible d’être interprétée comme renvoyant, ainsi que le soutient la BEI, à la notion de propriété immobilière.

26      En revanche, le terme français « foyer », selon le Dictionnaire de l’Académie française, désigne le lieu où il est fait du feu et, par extension, le lieu où réside la famille d’une personne. Quant à l’adjectif français « propre », placé devant le terme « foyer », il a pour seul objet, en renforçant l’adjectif possessif « son », d’insister sur la circonstance selon laquelle le foyer dont il est question est bien celui de l’agent.

27      À cet égard, selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition, ni se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent en effet être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit, en principe, être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C‑243/20, EU:C:2021:1045, point 32 et jurisprudence citée).

28      Or, en l’espèce, la version applicable au litige de l’article 13 des dispositions administratives est issue d’une proposition rédigée et adoptée en français et la BEI a fait le choix d’indiquer expressément, dans le dernier alinéa de l’introduction des dispositions administratives, que les versions anglaise et allemande desdites dispositions étaient « une traduction de la version originale française ».

29      Dès lors, dans ces circonstances particulières, afin de déterminer de manière objective l’intention de l’auteur de la disposition en litige lors de son adoption, il y a lieu pour le Tribunal, dans la présente affaire, d’interpréter les notions de « résidence » et de « foyer » conformément à leur sens habituel dans la langue française.

30      Ainsi, le terme « résidence », sur la base de la définition fournie par le Dictionnaire de l’Académie française, correspond au fait d’être établi de manière durable ou permanente en un lieu et, par extension, désigne le lieu ou la demeure où une personne est établie.

31      Par conséquent, il résulte du libellé de l’article 13 des dispositions administratives que l’agent de la BEI qui a changé son lieu de résidence, après la cessation de service, pour l’établir à une distance d’au moins 50 km de son dernier lieu d’affectation, a droit à une indemnité de réinstallation, pour autant que ce lieu de résidence ne coïncide pas avec la demeure où réside sa famille.

32      À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la BEI, la circonstance selon laquelle un fonctionnaire ou un agent dispose d’une propriété immobilière dans un pays, notamment son pays d’origine, ne saurait suffire pour démontrer qu’il y habitait de manière permanente ou habituelle, ou qu’il avait l’intention de s’établir dans ce pays (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, UI/Commission, T‑362/19, non publié, EU:T:2020:562, point 82).

33      Ainsi, la circonstance pour un fonctionnaire ou un agent d’être locataire ou propriétaire de son logement dans un pays – fait qui relève de la liberté d’organiser sa vie personnelle et familiale – ne peut, à elle seule, établir que cette personne a fixé ou non le centre permanent ou habituel de ses intérêts dans ledit pays (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2010, Tzvetanova/Commission, F‑33/09, EU:F:2010:18, point 52).

34      Enfin, le logement détenu par une personne ne correspond ni nécessairement ni systématiquement au lieu de résidence des membres de la famille de cette personne.

35      Par conséquent, il y a lieu de comprendre que le membre de phrase « pour autant qu’il n’ait pas établi sa résidence à son propre foyer », qui figure à l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives, exclut le bénéfice de l’indemnité de réinstallation lorsque l’agent concerné transfère sa résidence habituelle au lieu où résident les membres de sa famille, et non lorsque la demeure dans laquelle l’agent se réinstalle lui appartient en propre.

36      En deuxième lieu, l’interprétation contextuelle de l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives corrobore l’interprétation littérale de cet article.

37      Premièrement, en effet, l’article 1.3, deuxième alinéa, première phrase, des dispositions administratives, relatif à l’indemnité d’installation, l’article 5, deuxième alinéa, de l’annexe VII des dispositions administratives, relatif à l’indemnité d’installation pour les membres du personnel affecté dans des bureaux extérieurs, et l’article 6, deuxième alinéa, de ladite annexe, relatif au logement des membres du personnel affectés dans des bureaux extérieurs hors de l’Union, emploient le terme « foyer » pour désigner la résidence de l’agent lorsque les membres de sa famille résident avec lui.

38      De même, l’article 3.10, premier alinéa, sous b), et troisième alinéa, de l’annexe X des dispositions administratives, relative aux procédures administratives en matières médicales, impose à l’agent d’informer sans délai les services médicaux de la BEI de tout cas de maladie contagieuse grave le touchant lui-même ou d’autres « membres de son foyer ».

39      Ainsi, ces dispositions corroborent l’interprétation selon laquelle le terme « foyer », énoncé à l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives, correspond au lieu où résident habituellement les membres de la famille de l’agent, et non à la demeure dont l’agent est propriétaire.

40      Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’article 1er, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives, relatif au remboursement des frais et aux indemnités forfaitaires lors de l’entrée en service ou lors de l’affectation à un autre lieu de travail, comporte une clause d’exclusion du droit à l’indemnité d’installation qui est rédigée dans des termes identiques à ceux de l’article 13, premier alinéa, second tiret, des mêmes dispositions.

41      Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut, relatif à l’indemnité d’installation, comporte également une clause d’exclusion du droit à cette indemnité lorsque le fonctionnaire vient à être affecté au lieu où réside sa famille.

42      À cet égard, il est vrai que la BEI dispose, en application de l’article 308 TFUE, d’une autonomie fonctionnelle et institutionnelle et, en particulier, qu’en écartant l’application de l’article 336 TFUE, qui donne compétence au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne pour arrêter les dispositions du statut et le régime applicable aux autres agents des institutions de l’Union, les statuts de la BEI confèrent à cette dernière une autonomie fonctionnelle pour la détermination du régime applicable aux membres de son personnel. Ainsi, dans l’exercice de cette compétence, la BEI a opté pour un régime contractuel plutôt que pour un régime statutaire, de sorte qu’il est exclu que les dispositions du statut puissent être appliquées, telles quelles, aux relations de travail entre la BEI et son personnel (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2003, Commission/BEI, C‑15/00, EU:C:2003:396, point 101, et du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, EU:T:2004:367, point 57 et jurisprudence citée).

43      Toutefois, dans la présente affaire, la BEI n’a pas établi en quoi son autonomie fonctionnelle serait méconnue par une interprétation de l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives, qui résulte d’une application par analogie de la jurisprudence rendue au visa du statut et issue de l’arrêt mentionné au point 44 ci-après.

44      Ainsi, la clause d’exclusion du droit à l’indemnité d’installation prévue à l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut trouve à s’appliquer dans l’hypothèse où le fonctionnaire est affecté au lieu où réside déjà sa famille et s’installe avec elle, puisqu’il n’aura pas été exposé à des frais d’installation (arrêt du 18 novembre 2015, FH/Parlement, F‑26/15, EU:F:2015:137, point 35).

45      En outre, il résulte de la jurisprudence relative au statut, laquelle est transposable en l’espèce, compte tenu des termes identiques dans lesquels les articles 1er et 13 des dispositions administratives sont rédigés, non seulement, qu’il n’existe aucune différence de fonctions entre les indemnités d’installation et de réinstallation, mais, au contraire, qu’il y a une analogie étroite entre elles du point de vue de leurs finalités (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2001, Miranda/Commission, T‑37/99, EU:T:2001:122, point 29).

46      Ainsi, la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, laquelle est relative à l’indemnité d’installation prévue par l’article 5 de l’annexe VII du statut, est applicable par analogie à l’indemnité de réinstallation prévue à l’article 6 de ladite annexe et à l’article 13 des dispositions administratives ainsi qu’à l’indemnité d’installation régie par l’article 1er desdites dispositions.

47      Certes, il existe une différence de rédaction entre, d’une part, l’article 1er, premier alinéa, second tiret, et l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives et, d’autre part, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut.

48      Toutefois, il n’apparaît pas que cette différence purement rédactionnelle emporte l’impossibilité de transposer l’interprétation de la clause d’exclusion du droit à l’indemnité d’installation prévue à l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut aux indemnités d’installation et de réinstallation prévues par les dispositions administratives au bénéfice des agents de la BEI.

49      En troisième et dernier lieu, l’interprétation téléologique de l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives en confirme l’interprétation littérale et contextuelle.

50      À cet égard, ainsi que le relève à juste titre la BEI, la finalité de l’indemnité de réinstallation, telle qu’elle résulte de la jurisprudence relative à l’indemnité de réinstallation prévue à l’article 6 de l’annexe VII du statut, est de couvrir et d’alléger les charges découlant de la réinstallation de l’ancien fonctionnaire ou agent dans un milieu nouveau pour une période indéterminée, mais assez longue, en raison du changement de sa résidence principale après la cessation définitive de ses fonctions (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2001, Miranda/Commission, T‑37/99, EU:T:2001:122, point 29).

51      En effet, si l’article 13, premier alinéa, des dispositions administratives ne subordonne l’octroi de l’indemnité de réinstallation qu’à un transfert de la résidence de l’agent concerné dans une localité située à 50 km au moins du lieu d’affectation, le transfert de résidence visé par cette disposition implique nécessairement un transfert effectif de la résidence habituelle de cet agent au nouveau lieu indiqué comme étant celui de la réinstallation (voir, par analogie, arrêt du 24 avril 2001, Miranda/Commission, T‑37/99, EU:T:2001:122, point 30 et jurisprudence citée).

52      Dans ces conditions, les charges que l’ancien agent est contraint de supporter du fait du changement de sa résidence principale après la cessation définitive de ses fonctions sont présumées plus élevées lorsqu’il se réinstalle avec sa famille, ce qui justifie que, en pareille hypothèse, conformément à l’article 13.3, deuxième alinéa, des dispositions administratives, un tel agent perçoive une indemnité de réinstallation correspondant à deux fois le montant du dernier traitement mensuel de base (voir, par analogie, arrêt du 19 novembre 2015, van der Spree/Commission, F‑37/15, EU:F:2015:139, point 29 et jurisprudence citée).

53      Or, dans l’hypothèse en cause dans la présente affaire, dans laquelle, à l’occasion de la cessation de son service, un agent se réinstalle avec sa famille alors que celle-ci résidait avec lui au lieu de sa dernière affectation, il n’apparaît pas que la propriété du logement dans lequel l’agent se réinstalle l’exempte de toutes charges liées au transfert de sa résidence principale et familiale et à son intégration, ainsi que celle des membres de son foyer, dans son nouveau lieu de résidence pour une durée substantielle.

54      En effet, il convient de relever que les charges que couvre l’indemnité de réinstallation prévue par l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives ne sont pas définies par nature, ce qui, au demeurant, simplifie la tâche de l’administration en excluant la nécessité pour celle-ci de vérifier les frais réellement exposés par l’agent (voir, par analogie, arrêt du 9 novembre 1978, Verhaaf/Commission, 140/77, EU:C:1978:197, point 17).

55      Ainsi, cette indemnité forfaitaire vise à couvrir des dépenses qui seront inévitablement exposées, mais qu’il est difficile de quantifier et dont la détermination serait trop coûteuse et malcommode pour l’administration (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Slynn dans l’affaire Evens/Cour des comptes, 79/82, EU:C:1982:389, p. 4045).

56      Certes, la circonstance selon laquelle l’agent, à l’occasion de la cessation de service, se réinstalle dans une demeure dont il est propriétaire ou copropriétaire est susceptible de réduire certains frais liés à sa réinstallation en lui évitant, notamment, le coût de la location de son nouveau logement.

57      Toutefois, contrairement à ce que soutient la BEI, il ne saurait être déduit d’une telle circonstance une présomption générale selon laquelle l’intégration de l’agent concerné dans un environnement différent de celui de son dernier lieu d’affectation ne l’exposerait à aucuns frais.

58      En effet, il ne saurait être exclu que le choix d’une personne de transférer sa résidence habituelle dans une résidence secondaire puisse s’accompagner, par exemple, de travaux de réparation ou d’aménagement qui constituent, lorsque cette réinstallation fait suite à la cessation de service, des charges que l’indemnité de réinstallation a vocation à couvrir.

59      À cet égard, le fonctionnaire ou l’agent qui se réinstalle dans un logement dont il est propriétaire n’est pas placé dans une situation identique à celle du fonctionnaire ou de l’agent qui établit sa nouvelle résidence à son propre foyer.

60      En effet, dans cette dernière hypothèse, la présomption selon laquelle le fonctionnaire ou l’agent concerné n’est pas exposé à des frais de réinstallation se déduit logiquement de l’intensité des liens qu’une personne nourrit, en principe, avec les membres de sa famille et qui conduit cette personne à revenir aussi fréquemment que possible au lieu où réside sa famille.

61      Compte tenu de l’intensité de ces liens, il ne saurait raisonnablement être considéré, lors de la cessation de service de l’agent et du transfert de sa résidence habituelle à son propre foyer, que ledit agent se trouve confronté à la nécessité de s’adapter à un nouvel environnement.

62      Il résulte de tout ce qui précède que, en refusant au requérant le bénéfice de l’indemnité de réinstallation au motif qu’il était propriétaire de la demeure dans laquelle il s’est réinstallé, la BEI s’est fondée sur un motif non prévu par l’article 13, premier alinéa, second tiret, des dispositions administratives et a, ce faisant, violé cette disposition.

63      Par conséquent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête.

 Sur les conclusions tendant à la condamnation de la BEI au paiement de l’indemnité de réinstallation

64      Dans son troisième chef de conclusions, le requérant demande la condamnation de la BEI au paiement de l’indemnité de réinstallation, majorée des intérêts moratoires calculés au taux de la BCE augmenté de 2 points, jusqu’au paiement intégral de ladite indemnité.

65      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le juge de l’Union ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, ordonner à une institution ou à un organisme de l’Union de prendre les mesures particulières qu’implique l’exécution d’un arrêt procédant à l’annulation d’une décision (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 145 et jurisprudence citée).

66      Néanmoins, dans les litiges à caractère pécuniaire, la compétence de pleine juridiction conférée au juge de l’Union à l’article 91, paragraphe 1, du statut l’investit de la mission de donner aux litiges dont il est saisi une solution complète, c’est-à-dire de statuer sur l’ensemble des droits et des obligations de l’agent, sauf à renvoyer à l’institution en cause, et sous son contrôle, l’exécution de telle partie de l’arrêt dans les conditions précises qu’il fixe (arrêt du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 67).

67      Ainsi, constituent des « litiges à caractère pécuniaire », au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut, non seulement les actions en responsabilité dirigées par les agents contre une institution, mais aussi toutes celles qui tendent au versement par une institution à un agent d’une somme qu’il estime lui être due en vertu du statut ou d’un autre acte qui régit leurs relations de travail (arrêt du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 65).

68      Il appartient au juge de l’Union de prononcer, le cas échéant, à l’encontre d’une institution une condamnation au versement d’une somme à laquelle la partie requérante a droit en vertu du statut ou d’un autre acte juridique (arrêts du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 68, et du 10 septembre 2015, Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑417/14 RX‑II, EU:C:2015:588, point 40).

69      En outre, selon la jurisprudence, il convient d’appliquer, aux litiges survenus entre la BEI et ses agents, la règle figurant à l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2001, BEI/Hautem, C‑449/99 P, EU:C:2001:502, point 95).

70      En l’espèce, la demande du requérant tendant à ce que la BEI lui verse le montant de l’indemnité de réinstallation et à ce que ce montant soit majoré d’intérêts de retard revêt un caractère pécuniaire, au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut.

71      En outre, la BEI n’a pas établi, ni même allégué que le requérant n’avait pas satisfait aux autres conditions prévues par l’article 13 des dispositions administratives pour l’octroi de l’indemnité de réinstallation.

72      Dès lors, eu égard à l’annulation de la décision attaquée, il y a lieu de faire droit à la demande du requérant et de condamner la BEI à lui payer l’indemnité de réinstallation qui lui est due à compter de la réception de sa demande, soit le 4 septembre 2019, ainsi que les intérêts de retard sur le versement de cette indemnité jusqu’à paiement complet, les intérêts de retard étant fixés au taux d’intérêt appliqué par la BCE pour ses opérations principales de refinancement et en vigueur le premier jour du mois d’échéance du paiement, augmenté de 2 points.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La BEI ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Banque européenne d’investissement (BEI) du 9 janvier 2020 refusant d’accorder à LR le bénéfice de l’indemnité de réinstallation est annulée.

2)      La BEI est condamnée à verser à LR l’indemnité visée au point 1 du dispositif, augmentée des intérêts moratoires, à compter du 4 septembre 2019 et jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les principales opérations de refinancement et applicable durant la période concernée, majoré de 2 points.

3)      La BEI est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Papasavvas

da Silva Passos

Valančius

 

      Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.