Language of document : ECLI:EU:T:2014:78

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

7 février 2014(*)

« Recours en annulation – Politique de la pêche – Règlement (UE) n° 40/2013 – Prise en considération conjointe des composantes Nord et Sud du stock de merlan bleu dans l’Atlantique Nord-Est aux effets de l’établissement du TAC – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑180/13,

Pesquerias Riveirenses, SL, établie à Ribeira (Espagne),

Pesquerias Campo de Marte, SL, établie à Ribeira,

Pesquera Anpajo, SL, établie à Ribeira,

Arrastreros del Barbanza, SL, établie à Ribeira,

Martinez Pardavila e Hijos, SL, établie à Ribeira,

Lijo Pesca, SL, établie à Ribeira,

Frigorificos Hermanos Vidal, SL, établie à Ribeira,

Pesquera Boteira, SL, établie à Ribeira,

Francisco Mariño Moss y Otros, CB, établie à Ribeira,      

Perez Vidal Juan Antonio y Hno, CB, établie à Ribeira,

Marina Nalda, SL, établie à Ribeira,

Portillo y Otros, SL, établie à Ribeira,

Vidiña Pesca, SL, établie à Ribeira,

Pesca Hermo, SL, établie à Ribeira,

Pescados Oubiña Perez, SL, établie à Ribeira,

Manuel Pena Graña, demeurant à Ribeira,

Campo Eder, SL, établie à Ribeira,

Pesquera Laga, SL, établie à Ribeira,

Pesquera Jalisco, SL, établie à Ribeira,

Pesquera Jopitos, SL, établie à Ribeira,

Pesca-Julimar, SL, établie à Ribeira,

représentées par Me J. Tojeiro Sierto, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme A. Westerhof Löfflerová et M. A. de Gregorio Merino, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) n° 40/2013 du Conseil, du 21 janvier 2013, établissant, pour 2013, les possibilités de pêche dans les eaux de l’UE et, pour les navires de l’UE, dans certaines eaux n’appartenant pas à l’UE en ce qui concerne certains stocks ou groupes de stocks halieutiques faisant l’objet de négociations ou d’accords internationaux (JO L 23, p. 54), tel que modifié, dans la mesure où il considère conjointement les composantes septentrionale et méridionale du stock de merlan bleu de l’Atlantique Nord-Est aux fins de la détermination du total admissible des captures de merlan bleu, figurant dans les annexes I A et I B dudit règlement,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige et procédure

1        Le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (UE) n° 40/2013, du 21 janvier 2013, établissant, pour 2013, les possibilités de pêche dans les eaux de l’UE et, pour les navires de l’UE, dans certaines eaux n’appartenant pas à l’UE en ce qui concerne certains stocks ou groupes de stocks halieutiques faisant l’objet de négociations ou d’accords internationaux (JO L 23, p. 54).

2        Après que, notamment, les possibilités de pêche pour les navires de l’Union Européenne et du Royaume de Norvège ainsi que les conditions d’accès aux ressources halieutiques dans les eaux de chacune de ces parties ont fait l’objet d’un accord pour 2013, le règlement (UE) n° 297/2013 du Conseil, du 27 mars 2013, portant modification des règlements (UE) n° 44/2012, (UE) n° 39/2013 et n° 40/2013 en ce qui concerne certaines possibilités de pêche (JO L 90, p. 10), a complété le règlement n° 40/2013, en fixant pour 2013 le total admissible des captures (ci-après le « TAC ») et les quotas de pêche pour, entre autres, le merlan bleu.

3        Les annexes I A et I B du règlement n° 40/2013, tel que modifié, contiennent des tableaux relatifs à différentes zones de pêche, qui mentionnent le TAC pour le merlan bleu pour 2013, soit 643 000 tonnes, et les quotas de pêche de différents États membres et d’autres parties.

4        Les requérants sont des armateurs de bateaux destinés à la pêche de traîne qui pratiquent leur activité dans les eaux côtières du Nord et du Nord-Est de l’Espagne et qui se consacrent à la pêche du merlan bleu.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mars 2013, les requérants ont introduit le présent recours.

6        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 14 juin 2013, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

7        Le 26 juillet 2013, les requérants ont déposé leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

 Conclusions des parties

8        Dans la requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler le règlement n° 40/2013, tel que modifié, dans la mesure où il considère conjointement les composantes septentrionale et méridionale du stock de merlan bleu de l’Atlantique Nord-Est aux fins de la détermination du TAC pour le merlan bleu, figurant dans les annexes I A et I B dudit règlement.

9        Dans l’exception d’irrecevabilité, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours manifestement irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

10      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter ladite exception.

 En droit

11      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 4 du même article, le Tribunal statue sur l’irrecevabilité ou la joint au fond. Par ailleurs, aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

12      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère qu’il y a lieu, en conséquence, de statuer sans poursuivre la procédure.

13      À titre liminaire, il y a lieu, à la lumière des observations présentées par les requérants sur l’exception d’irrecevabilité, de déterminer précisément l’objet du litige. Ainsi qu’il ressort des conclusions telles qu’elles figurent dans la requête, les requérants demandent au Tribunal d’annuler le règlement n° 40/2013, tel que modifié, dans la mesure où les composantes septentrionale et méridionale du stock de merlan bleu de l’Atlantique Nord-Est sont ensemble prises en considération aux fins de l’établissement du TAC pour le merlan bleu, qui figure dans les annexes I A et I B de ce règlement. Dans leurs observations, d’une part, les requérants font valoir qu’ils « attaquent » la vision unitaire, aux fins de l’attribution des possibilités de pêche, des stocks de merlan bleu de l’Atlantique Nord-Est et qu’ils n’attaquent pas les possibilités de pêche attribuées au Royaume d’Espagne. D’autre part, les requérants indiquent diriger le recours contre toutes les dispositions du règlement n° 40/2013, tel que modifié, qui concernent le merlan bleu dans l’Atlantique Nord-Est, car ces dispositions reflètent la vision unitaire du stock de ce poisson. Selon eux, il s’agit, dans l’annexe I A, des tableaux relatifs, premièrement, aux eaux norvégiennes des zones II et IV, deuxièmement, aux eaux de l’Union et aux eaux internationales des zones I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII a, VIII b, VIII d, VIII e, XII et XIV, troisièmement, aux zones VIII c, IX et X, et aux eaux de la zone Copace 34.1.1, et, quatrièmement, aux eaux de l’Union des zones II, IV a, V, VI (au nord de la latitude 56° 30’ N) et VII (à l’ouest de la longitude 12° O), ainsi que, dans l’annexe I B, du tableau relatif aux eaux des Îles Féroé. Par conséquent, il convient de constater que, par le recours, les requérants demandent l’annulation du règlement n° 40/2013, tel que modifié, dans la mesure où ses dispositions fixent un TAC unique pour le merlan bleu, tel qu’exprimé dans les différents tableaux susmentionnés des annexes I A et I B dudit règlement.

14      Selon une jurisprudence constante, l’affectation directe d’un particulier exige que l’acte de l’Union attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte qui sont chargés de sa mise en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (ordonnances du Tribunal du 9 janvier 2007, Lootus Teine Osaühing/Conseil, T‑127/05, non publiée au Recueil, point 39, et du 2 juin 2008, Atlantic Dawn e.a./Commission, T‑172/07, non publiée au Recueil, point 34).

15      Il y a lieu de rappeler que les requérants demandent l’annulation du règlement n° 40/2013, tel que modifié, dans la mesure où il établit un TAC unique pour le stock de merlan bleu de l’Atlantique Nord-Est (voir point 13 ci-dessus).

16      Il convient donc d’examiner si les dispositions du règlement n° 40/2013, tel que modifié, qui fixent un TAC unique pour le merlan bleu, exprimé dans les différents tableaux des annexes I A et I B dudit règlement, affectent directement la situation juridique des requérants.

17      Il ressort de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 40/2013, tel que modifié, que l’annexe I fixe les TAC applicables aux navires de l’Union dans les eaux de l’Union ou dans certaines eaux n’appartenant pas à celle-ci ainsi que la répartition de ces TAC entre les États membres et, le cas échéant, les conditions fonctionnelles y afférentes. Dans le cadre des TAC ainsi déterminés, les navires de l’Union sont autorisés, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 40/2013, tel que modifié, à effectuer des captures dans des eaux ne relevant pas de la juridiction de l’Union.

18      Il convient de constater que le TAC pour le merlan bleu n’affecte pas directement la situation juridique des propriétaires ou exploitants de navires se livrant à cette pêche comme les requérants, laquelle situation juridique ne peut être affectée qu’une fois, premièrement, réparties les possibilités de pêche entre les États membres dans le cadre de l’annexe I du règlement n° 40/2013, deuxièmement, prises en compte, le cas échéant, les modalités de gestion de ces possibilités entre les États membres, prévues par l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement, tels que les échanges réalisés en application de l’article 20, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil, du 20 décembre 2002, relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO L 358, p. 59), ou les transferts ou échanges de quotas conformément à l’article 15 du règlement n° 40/2013, tel que modifié, et, troisièmement, réparties par chaque État membre les possibilités de pêche qui lui sont attribuées. Dès lors, ce n’est qu’après la mise en œuvre de ces différentes règles intermédiaires que le TAC pour le merlan bleu fixé par l’annexe I du règlement n° 40/2013, tel que modifié, est susceptible de produire, indirectement, des effets sur la situation juridique des requérants, sa mise en œuvre n’étant pas purement automatique.

19      Ainsi, les dispositions du règlement n° 40/2013, tel que modifié, par lesquelles un TAC unique pour le stock de merlan bleu de l’Atlantique Nord-Est a été fixé n’affectent pas directement la situation des requérants.

20      Par ailleurs, les arguments présentés par les requérants, dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, ne permettent pas de revenir sur la conclusion du point 19 ci-dessus.

21      Premièrement, les requérants soutiennent que, s’il est vrai que, en vertu de l’article 20 du règlement n° 2371/2002, les États membres répartissent les possibilités de pêche attribuées par le règlement n° 40/2013, tel que modifié, une telle répartition peut être effectuée antérieurement à la détermination des possibilités de pêche par le Conseil, comme en l’espèce par l’Orden ARM/3156/2011 por la que se establece el reparto porcentual de posibilidades de pesca de la bacadilla, el gallo y la cigala entre las diferentes modalidades de pesca en las divisiones CIEM VIIIC y IXA (arrêté ARM/3156/2011 portant établissement de la répartition par pourcentage des possibilités de pêche de merlan bleu, de la cardine et de la langoustine entre les différentes formes de pêche dans les secteurs CIEM VIII c et IX a), du 10 novembre 2011 (BOE n° 280, du 21 novembre 2011, p. 121866) (ci-après l’« arrêté ministériel »).

22      Les requérants font ainsi valoir que la méthode de répartition du quota de pêche pour le merlan bleu attribué au Royaume d’Espagne pour 2013 a déjà été déterminée par l’arrêté ministériel, ce qui permettrait au règlement n° 40/2013, tel que modifié, de produire directement des effets sur leur situation juridique. Or, comme il ressort de la jurisprudence, c’est par rapport à l’acte de l’Union en question que l’on analyse si celui-ci produit des effets directs sur la situation du particulier en cause (voir, en ce sens, ordonnances Lootus Teine Osaühing/Conseil, point 14 supra, point 47, et Atlantic Dawn e.a./Commission, point 14 supra, point 47). Ainsi, le fait que, en raison des particularités du droit d’un État membre à un moment donné, cet État membre a déterminé, avant l’entrée en vigueur des dispositions du droit de l’Union lui attribuant des possibilités de pêche, la méthode selon laquelle un quota de pêche est réparti ne peut pas mettre en cause le fait que la mise en œuvre du règlement n° 40/2013, tel que modifié, ne peut se faire directement sans l’intervention de règles intermédiaires (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance Atlantic Dawn e.a./Commission, point 14 supra, point 47). Dès lors, l’argument des requérants doit être écarté.

23      Deuxièmement, les requérants considèrent que, si la répartition des quotas entre États membres est effectuée selon le principe de stabilité relative, qui est affecté d’une certaine flexibilité au travers de mécanismes d’échanges et de transferts de possibilités de pêche, comme mentionnés à l’article 10 du règlement n° 40/2013, tel que modifié, il n’est, pour autant, pas possible aux États membres de modifier, par ces mécanismes, l’existence du stock unique pour le merlan bleu dans l’Atlantique Nord-Est résultant dudit règlement. Les requérants estiment également que, si le Conseil avait distingué les composantes septentrionale et méridionale du merlan bleu et reconnu l’existence de deux stocks différents dans l’Atlantique Nord-Est, d’une part, les États membres ne pourraient pas modifier le quota global de pêche dans l’une de ces composantes en utilisant les mécanismes susmentionnés d’échanges ou de transfert et, d’autre part, le Conseil n’aurait pas appliqué à la composante méridionale les réductions drastiques dues à la surpêche ayant affecté auparavant la composante septentrionale.

24      S’agissant de l’impossibilité pour les États membres de modifier, par la voie des mécanismes prévus par l’article 10 du règlement n° 40/2013, tel que modifié, l’existence d’un stock unique de merlan bleu pour l’Atlantique Nord-Est, il y a lieu de constater qu’une telle circonstance n’est pas de nature, à elle seule, à démontrer que la fixation d’un TAC unique pour le merlan bleu par le règlement n° 40/2013, tel que modifié, affecterait directement la situation juridique des requérants. S’agissant des considérations des requérants quant aux conséquences d’un état du droit différent de celui résultant de la fixation d’un TAC unique pour le merlan bleu, force est de constater qu’elles ne sont pas non plus de nature à démontrer que ledit TAC affecterait directement leur situation juridique. Ce faisant, les requérants se bornent à tirer des conclusions d’un tel état du droit sur les pouvoirs du Conseil et des États membres en matière de gestion des possibilités de pêche et n’établissent aucunement les effets directs que produit la fixation d’un TAC unique pour le merlan bleu. En outre, les requérants relèvent que la détermination de deux stocks distincts de merlan bleu dans l’Atlantique Nord-Est permettrait d’éviter que les États membres modifient le quota global de pêche dans l’une des composantes par les mécanismes d’échanges ou de transfert. Par une telle argumentation, ils pourraient être regardés comme critiquant spécifiquement la disposition de l’annexe I A, figurant dans le tableau relatif aux eaux de l’Union et aux eaux internationales des zones I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII a, VIII b, VIII d, VIII e, XII et XIV, qui prévoit que des transfert des quotas attribués au Royaume d’Espagne et à la République portugaise peuvent être effectués vers les zones VIII c, IX et X et les eaux de l’Union de la zone Copace 34.1.1, à la condition d’être notifiés préalablement à la Commission. Sur ce point, il convient de constater que cette disposition, introduite dans la réglementation de l’Union par le règlement (UE) n° 683/2011 du Conseil, du 17 juin 2011, modifiant le règlement (UE) n° 57/2011 en ce qui concerne les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques (JO L 187, p. 1), n’affecte pas directement la situation juridique des requérants, puisque son application n’est pas purement automatique, mais exige l’intervention de règles intermédiaires prises par les États membres concernés.

25      Il résulte de tout ce qui précède que le règlement n° 40/2013, tel que modifié, dans la mesure où ses dispositions fixent un TAC unique pour le merlan bleu, n’affecte pas directement la situation juridique des requérants.

26      Par conséquent, le recours doit être, comme le Conseil le soutient, rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

27      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Les requérants, Pesquerias Riveirenses, SL, et autres, supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Fait à Luxembourg, le 7 février 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’espagnol.