Language of document : ECLI:EU:T:2016:248

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

27 avril 2016 (*) (1)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Développement de logiciels et services de maintenance – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Classement d’un soumissionnaire dans la procédure en cascade – Causes d’exclusion – Conflit d’intérêts – Égalité de traitement – Devoir de diligence – Critères d’attribution – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation – Responsabilité non contractuelle – Perte d’une chance »

Dans l’affaire T‑556/11,

European Dynamics Luxembourg SA, établie à Ettelbrück (Luxembourg),

European Dynamics Belgium SA, établie à Bruxelles (Belgique),

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce),

représentées initialement par Mes N. Korogiannakis, M. Dermitzakis et N. Theologou, puis par Me I. Ampazis et enfin par Me M. Sfyri, avocats,

parties requérantes,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté initialement par MM. N. Bambara et M. Paolacci, puis par M. Bambara, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Wytinck et B. Hoorelbeke, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de l’EUIPO, communiquée par lettre du 11 août 2011 et adoptée dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO/029/10, intitulée « Développement de logiciels et services de maintenance », rejetant l’offre soumise par European Dynamics Luxembourg et des autres décisions connexes de l’EUIPO adoptées dans le cadre de la même procédure, dont celles attribuant le marché à d’autres soumissionnaires, et, d’autre part, une demande indemnitaire,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, European Dynamics Luxembourg SA, European Dynamics Belgium SA et Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, sont actives dans le secteur des technologies de l’information et de la communication et soumissionnent régulièrement dans le cadre de procédures d’appel d’offres engagées par différentes institutions et différents organismes de l’Union européenne, dont l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

2        Par avis de marché du 15 janvier 2011, l’EUIPO a publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2011/S 10-013995) un appel d’offres, sous la référence AO/029/10, intitulé « Développement de logiciels et services de maintenance ». Le marché à attribuer visait la fourniture à l’EUIPO de services informatiques pour le prototypage, l’analyse, la conception, le graphisme, le développement, l’essai et l’installation de systèmes d’information ainsi que la mise à disposition de la documentation technique, la formation à l’utilisation et la maintenance de ces systèmes.

3        Aux termes du point II.1.4 de l’avis de marché, le marché concernait la passation de contrats-cadres d’une durée maximale de sept ans avec trois prestataires de services informatiques distincts. À cet égard, ce point de l’avis de marché, lu conjointement avec le point 14.3 du cahier des charges (annexe I du dossier d’appel d’offres), précisait que les contrats-cadres devaient être conclus séparément et selon la procédure dite « en cascade » pour une période initiale de trois ans, avec option de renouvellement annuel tacite jusqu’à une durée maximale de quatre ans. Ce mécanisme signifiait que, si le soumissionnaire classé au premier rang n’était pas en mesure de fournir les services requis, l’EUIPO se tournerait vers le soumissionnaire classé au deuxième rang, et ainsi de suite (voir point 14.2 du cahier des charges).

4        Selon le point IV.2.1 de l’avis de marché, le marché devait être attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, à savoir l’offre présentant le meilleur rapport entre la qualité et le prix.

5        Par lettres des 19 et 24 janvier et 1er février 2011 adressées à l’EUIPO, les requérantes se sont plaintes de certaines irrégularités liées aux conditions et aux modalités de la procédure d’appel d’offres AO/029/10. L’EUIPO y a répondu par lettres des 28 janvier et 4 février 2011 rejetant leurs allégations et attirant leur attention sur la possibilité d’introduire une plainte auprès de la Commission européenne au titre de l’article 122 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO L 78, p. 1).

6        Par lettre du 16 février 2011 adressée à l’EUIPO, les requérantes ont réitéré leurs critiques concernant le manque de clarté et l’ambiguïté de certains critères techniques exposés dans le cahier des charges et lui ont demandé de les modifier.

7        Par lettre du 4 mars 2011, les requérantes ont saisi les directions générales (DG) « Marché intérieur » et « Concurrence » de la Commission d’une plainte l’invitant à instruire le comportement de l’EUIPO en sa qualité de pouvoir adjudicateur, notamment des prétendues irrégularités liées à la gestion de la procédure d’appel d’offres AO/029/10 et aux contrats-cadres de maintenance précédents portant le numéro 4020070018, que l’EUIPO avait attribués en mai 2007, selon la procédure en cascade, à trois sociétés, dont la troisième requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis.

8        Par lettres des 8 et 9 mars 2011 adressées à l’EUIPO, les requérantes ont de nouveau contesté les conditions et les modalités de la procédure d’appel d’offres AO/029/10.

9        Le 11 mars 2011, la première requérante, European Dynamics Luxembourg, a soumis une offre en réponse à l’avis de marché du 15 janvier 2011.

10      Par lettre du 30 mai 2011, la Commission a indiqué aux requérantes, d’une part, qu’elle considérait la plainte comme étant déposée hors délai et donc non susceptible d’être examinée par elle et, d’autre part, qu’elle avait transmis certaines allégations à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) comme relevant de sa compétence. Par lettre du 13 décembre 2011, l’OLAF a informé l’EUIPO du fait qu’elle classait l’affaire, dans la mesure où elle concernait un autre avis de marché également publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2011/S 55-089144).

11      Par lettre du 31 mai 2011 adressée à la Commission, les requérantes ont contesté le rejet de leur plainte comme tardive et ont de nouveau invité la Commission à l’examiner.

12      Par lettre du 11 août 2011 (ci-après la « lettre litigieuse »), l’EUIPO a informé la première requérante du résultat de la procédure d’appel d’offres AO/029/10 et lui a indiqué ne pas avoir retenu son offre, puisque celle-ci ne s’était pas révélée être économiquement la plus avantageuse (ci-après la « décision de rejet de l’offre »). Cette lettre contenait également un tableau comparatif exposant le nombre de points attribués à cette offre, à savoir 84,72, et celui attribué aux trois soumissionnaires ayant obtenu le score le plus élevé, à savoir « Informática El Corte Ingles – Altia » avec 90,58 points, « Everis-Unisys-Fujitsu » avec 90,19 points et le « consortium Drasis » avec 85,65 points.

13      Par lettre du 12 août 2011, la première requérante a demandé à l’EUIPO de lui communiquer, premièrement, la composition exacte des consortia des adjudicataires ainsi que les noms du ou des partenaires ou du ou des sous-traitants potentiels desdits soumissionnaires et les pourcentages du marché qui leur avaient été confiés, deuxièmement, les notes attribuées à leur offre et aux offres des adjudicataires pour chacun des critères d’attribution technique, accompagnées d’une analyse comparative détaillée des points forts et des points faibles de ces offres pour chaque sous-critère, ainsi qu’une explication des mérites relatifs et des services supplémentaires ou de meilleure qualité proposés par les adjudicataires par rapport à sa propre offre, troisièmement, une copie détaillée du rapport d’évaluation, quatrièmement, les offres financières des adjudicataires, telles que comparées à sa propre offre, et, cinquièmement, les noms des membres du comité d’évaluation afin de pouvoir vérifier l’existence d’un potentiel conflit d’intérêts. En outre, la première requérante a allégué l’existence de conflits d’intérêts quant à deux des trois adjudicataires ainsi que de certaines irrégularités dans l’application par l’EUIPO des critères financiers pour évaluer les offres financières. Elle a finalement demandé à l’EUIPO de s’abstenir de conclure un contrat avec les adjudicataires jusqu’à ce qu’elle ait reçu et examiné les réponses de l’EUIPO.

14      Par lettre du 26 août 2011, l’EUIPO a transmis à la première requérante un extrait du rapport d’évaluation comportant l’évaluation qualitative de son offre selon trois critères, à savoir la qualité des services d’entretien des logiciels, le projet commercial et la qualité des services client. En outre, il lui a communiqué, d’une part, les noms des adjudicataires, à savoir Informática El Corte Ingles, SA – Altia Consultores, SA Temporary Association (ci-après « IECI »), occupant le premier rang, Everis SLU, Unisys et Fujitsu Technology Solutions (ci-après le « consortium Unisys » ou « Unisys »), occupant le deuxième rang, ainsi que le consortium Drasis [Siemens IT Solutions and Services SA (ci-après « Siemens SA »), Siemens IT Solutions and Services SL (ci-après « Siemens SL »), Intrasoft International SA et Indra Sistemas SA, ci-après le « consortium Drasis » ou « Drasis »], occupant le troisième rang, et, d’autre part, deux tableaux exposant les scores que lesdits adjudicataires et elle-même avaient obtenus pour leurs offres techniques et financières. Il s’agit des deux tableaux suivants :

Tableau d’évaluation comparative des offres techniques :

Critères qualitatifs

IECI[...]

[Unisys]

Dras[i]s

European Dynamics

Critère qualitatif n° 1

46,81

45,51

51,74

58,21

Critère qualitatif n° 2

15,00

15,00

15,50

18,00

Critère qualitatif n° 3

10,15

10,15

10,81

11,69

Total

71,96

70,66

78,05

87,90

Total sur 100

81,86

80,38

88,78

100,00


Tableau d’évaluation comparative des offres du point de vue de leur caractère économiquement avantageux :

 

IECI[...]

[Unisys]

Dras[i]s

European Dynamics

Critères qualitatifs (50 %)

81,86

80,38

88,78

100,00

Évaluation financière (50 %)

99,30

100,00

82,51

69,44

Total points

90,58

90,19

85,65

84,72


15      Par lettre du 29 août 2011 adressée à la Commission, les requérantes se sont plaintes de ce que la Commission n’avait toujours pas instruit les éléments portés à son attention dans leurs lettres des 4 mars et 31 mai 2011. En outre, elles ont contesté la légalité de la décision de rejet de l’offre au regard de « nouvelles irrégularités » intervenues au cours de la procédure d’appel d’offres AO/029/10. Ainsi, les adjudicataires classés aux deuxième et troisième rangs auraient dû être exclus de la procédure d’appel d’offres en raison, d’une part, de l’existence d’un conflit d’intérêts et, d’autre part, du fait que le consortium Drasis, le troisième adjudicataire, comprenait un opérateur ayant été responsable de la préparation du cahier des charges. Les requérantes ont ainsi invité la Commission à examiner « la procédure d’évaluation gérée par l’[EUIPO] concernant l’appel d’offres AO/029/10 et [à] prendre les mesures nécessaires pour garantir sa conformité avec la législation applicable de l’Union […] ».

16      À cet égard, le point 13.1 du cahier des charges, sous l’intitulé « Critères d’exclusion », prévoit, notamment, ce qui suit :

« Sont exclus de la participation à cette procédure d’appel d’offres les soumissionnaires :

a)      qui sont en état de faillite ou de liquidation, sont soumis à une gestion judiciaire, ont conclu un accord avec les créanciers, ont cessé leurs activités économiques, sont soumis à des procédures ayant pour objet une de ces situations ou se trouvent dans toute situation analogue résultant d’une procédure de même nature existant dans les législations et réglementations nationales ;

b)      qui ont fait l’objet d’une condamnation prononcée par un jugement ayant autorité de chose jugée pour tout délit affectant leur conduite professionnelle ;

c)      qui, en matière professionnelle, ont commis une faute grave constatée par tout moyen que les pouvoirs adjudicateurs peuvent justifier ;

d)      qui n’ont pas rempli leurs obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale ou leurs obligations relatives au paiement de leurs impôts selon les dispositions légales du pays où ils sont établis ou celles du pays du pouvoir adjudicateur ou encore celles du pays où le marché doit s’exécuter ;

e)      qui ont fait l’objet d’un jugement ayant autorité de chose jugée pour fraude, corruption, participation à une organisation criminelle ou toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ;

f)      qui font actuellement l’objet d’une sanction administrative [;]

g)      qui se trouvent en situation de conflit d’intérêts. Aux fins de la présente procédure d’appel d’offres, un ‘conflit d’intérêts’ existe, notamment, lorsqu’un soumissionnaire ou un membre d’un consortium soumissionnaire ou un sous-traitant d’un soumissionnaire principal a conclu un contrat valide avec l’[EUIPO] dont l’objet est l’exécution de tâches de contrôle de qualité des logiciels ou de gestion de projets/programmes pour le développement de logiciels et pour les services de maintenance devant être mis en œuvre par l’adjudicataire [...], au cas où ce soumissionnaire ou ce membre d’un consortium soumissionnaire ou ce sous-traitant d’un soumissionnaire principal n’est pas en mesure de démontrer que son offre ne crée/créera pas un tel conflit d’intérêts. En outre, un conflit d’intérêts existe lorsqu’un soumissionnaire ou un membre d’un consortium soumissionnaire ou un sous-traitant d’un soumissionnaire principal ayant participé à la préparation de la présente procédure d’appel d’offres est incapable de prouver que son offre est inapte à fausser la concurrence, c’est-à-dire qu’elle ne constitue pas un risque pour la concurrence ;

h)      qui se sont rendus coupables de fausses déclarations en fournissant les renseignements exigés par le pouvoir adjudicateur pour leur participation à la procédure d’appel d’offres ou n’ont pas fourni ces renseignements.

Les soumissionnaires doivent démontrer qu’ils ne se trouvent pas dans une ou dans plusieurs des situations visées ci-dessus.

Les candidats et soumissionnaires fournissent, conjointement avec leur offre, une déclaration solennelle, dûment signée et datée et présentée devant une autorité judiciaire [ou] administrative, ou un notaire ou un organisme professionnel qualifié du pays d’origine ou de provenance, mentionnant qu’ils ne se trouvent pas dans une des situations visées aux dispositions du point 13.1., sous a) à h), ci-dessus (annexe 4 [...]).

Au terme de la procédure d’appel d’offres, le soumissionnaire auquel le marché est à attribuer doit, à titre d’obligation et pour éviter d’être exclu de l’appel d’offres, prouver qu’il ne se trouve pas dans une des situations visées ci-dessus. Le soumissionnaire dispose d’un délai de 15 jours ouvrables [...] avant la signature du contrat pour produire les éléments de preuve exigés suivants :

–        Concernant les points a), b) et e) ci-dessus, un (des) extrait(s) pertinent(s) du casier judiciaire ou, à défaut, un document équivalent délivré par une autorité judiciaire ou administrative du pays où ils sont établis. Le ou les extraits doivent être les plus récents disponibles. Selon la législation nationale du pays dans lequel ils sont établis, ces documents doivent se référer à des entités dotées de personnalité juridique et/ou à des personnes physiques ; dans ce dernier cas, ils doivent se référer à une (des) personne(s) autorisée(s) à représenter le soumissionnaire et à signer le contrat-cadre si le soumissionnaire est retenu. [...] Le soumissionnaire peut déjà présenter, conjointement avec l’offre, une partie ou la totalité de ces éléments de preuve, si bon lui semble.

–        Concernant le point d) ci-dessus, les certificats les plus récents délivrés par les autorités de sécurité sociale et fiscales compétentes du pays dans lequel ils sont établis. Au cas où un tel certificat n’est pas délivré dans ce pays, il peut être remplacé par une déclaration sous serment ou solennelle faite par l’intéressé devant une autorité judiciaire ou administrative, un notaire ou un organisme professionnel qualifié dans ce pays. La déclaration fournie ne doit pas être plus ancienne que quatre mois avant la date finale de soumission des offres. Selon la législation nationale du pays dans lequel ils sont établis, ces documents doivent se référer à des entités dotées de personnalité juridique et/ou à des personnes physiques ; dans ce dernier cas, ils doivent se référer à une (des) personne(s) autorisée(s) à représenter le soumissionnaire et à signer le contrat-cadre si le soumissionnaire est retenu. [...] Le soumissionnaire peut déjà présenter, conjointement avec l’offre, une partie ou la totalité de ces éléments de preuve, si bon lui semble.

–        Concernant les points c), f), g) et h) ci-dessus, l’annexe 4 [...] visée ci-dessus est valable. »

17      Par lettre du 2 septembre 2011 adressée à l’EUIPO, la première requérante s’est plainte de l’insuffisance des informations fournies sur les résultats de la procédure d’appel d’offres, en particulier de la non-divulgation des parties du rapport d’évaluation portant sur les offres des adjudicataires ainsi que la composition exacte desdits soumissionnaires. En outre, elle a fait valoir une manipulation de la formule d’évaluation financière que l’EUIPO aurait utilisée aux fins de l’évaluation des offres financières et a réitéré les allégations invoquées dans ses lettres précédentes.

18      Dans une lettre du 15 septembre 2011 adressée à la première requérante, l’EUIPO s’est référé à la motivation figurant dans la lettre litigieuse et dans la lettre du 26 août 2011, qu’il jugeait suffisante. Néanmoins, il s’est déclaré prêt à fournir des détails supplémentaires sur les critères financiers et a transmis le tableau comparatif suivant :

 

critère n° 1 (70)

critère n° 2 (30)

Total points (100)

Points financiers

IECI[...]

65,77

19,69

85,45

99,30

[Unisys]

70,00

16,06

86,06

100,00

Drasis[...]

53,47

17,54

71,01

82,52

European Dynamics

29,75

30,00

59,75

69,44


19      S’agissant de la formule d’évaluation financière utilisée par lui, l’EUIPO a indiqué que cette formule était fondée sur une hypothèse de travail, dont les facteurs de pondération dépendaient de la situation existant en son sein au moment de l’élaboration des critères d’attribution de l’appel d’offres.

20      Par lettre du 16 septembre 2011 adressée à l’EUIPO, la première requérante a réitéré ses critiques, a remis en cause l’explication fournie quant à l’utilisation de la formule d’évaluation financière sur la base d’une hypothèse de travail, a contesté les résultats de la procédure d’appel d’offres AO/029/10 et a invité l’EUIPO à reconsidérer sa position.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 octobre 2011, les requérantes ont introduit le présent recours.

22      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 31 janvier 2012, l’EUIPO a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 et a demandé au Tribunal de rejeter les demandes d’annulation et en indemnité comme manifestement irrecevables et de condamner les requérantes aux dépens. Dans leurs observations, déposées le 26 avril 2012, les requérantes ont conclu au rejet de cette exception.

23      Par ordonnance du 12 septembre 2013, European Dynamics Luxembourg e.a./OHMI (T‑556/11, Rec, EU:T:2013:514), le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité et a décidé de réserver les dépens. L’EUIPO ayant renoncé à former un pourvoi contre cette ordonnance, celle-ci est devenue définitive.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

26      Par ordonnance du 27 mars 2015, au titre des articles 65, sous b), 66 et 67, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a ordonné à l’EUIPO de produire la version complète et confidentielle de certains documents joints au mémoire en défense. L’EUIPO a déféré à cette demande dans le délai imparti et a renoncé à demander le traitement confidentiel du contenu desdits documents, qui ont, ensuite, été signifiés aux requérantes dans leur intégralité.

27      Par lettre du 30 mars 2015, au titre de mesures d’organisation de la procédure prévues en vertu de l’article 64, paragraphe 3, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a posé des questions écrites à l’EUIPO, auxquelles celui-ci a répondu dans le délai imparti.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 10 juillet 2015.

29      Lors de l’audience, les requérantes ont renoncé à leurs demandes indemnitaires, à l’exclusion de celle relative à la réparation du préjudice au titre de la perte d’une chance, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

30      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de l’offre et toutes les autres décisions connexes de l’EUIPO, y compris celles qui attribuent le marché en cause aux soumissionnaires classés aux premier, deuxième et troisième rangs dans la procédure en cascade (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») ;

–        condamner l’EUIPO à réparer à hauteur 6 750 000 euros le préjudice subi par les requérantes en raison de la perte d’une chance ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

31      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

1.     Sur les demandes d’annulation

 Résumé des moyens

32      Au soutien de leurs demandes d’annulation, les requérantes avancent trois moyens.

33      Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation au titre de l’article 100, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier général »), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO L 390, p. 1), les informations et les explications fournies par l’EUIPO ayant été insuffisantes pour permettre aux requérantes de comprendre le raisonnement ayant amené le pouvoir adjudicateur à adopter la décision de rejet de l’offre.

34      Le deuxième moyen est tiré de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation liées, notamment, à l’utilisation de critères d’attribution nouveaux ou inconnus et contraires au cahier des charges, et non suffisamment clarifiés lors de la procédure d’appel d’offres (première branche), à l’utilisation d’une formule d’évaluation financière erronée donnant lieu à des distorsions de concurrence (deuxième branche) et ayant été manipulée par les adjudicataires (troisième branche) ainsi qu’à la modification de l’objet du marché (quatrième branche).

35      Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, notamment, en raison de l’absence d’exclusion des adjudicataires se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts, de l’article 93, paragraphe 1, et des articles 94 et 96 du règlement financier général, des articles 133 bis et 134 ter du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier général (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), et du principe de « bonne administration ».

36      À la suite de la réponse de l’EUIPO aux mesures d’organisation de la procédure et d’instruction du Tribunal (voir points 26 et 27 ci-dessus), les requérantes ont soulevé un nouveau moyen, tiré de ce que l’EUIPO aurait violé le cahier des charges en ayant accepté l’offre financière d’IECI alors même que celle-ci contenait une variante et une fourchette de prix.

37      Le Tribunal estime opportun d’apprécier, d’abord, le troisième moyen, qui se subidivise en trois branches, ensuite, le deuxième moyen, conjointement avec le nouveau moyen visé au point 36 ci-dessus, et, enfin, le premier moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, de l’article 93, paragraphe 1, et des articles 94 et 96 du règlement financier général, des articles 133 bis et 134 ter des modalités d’exécution et du principe de « bonne administration »

 Sur la première branche, tirée de l’existence d’un conflit d’intérêts en ce qui concerne le consortium Drasis

38      Dans le cadre de la première branche, les requérantes relèvent, en substance, que le troisième adjudicataire dans la procédure en cascade, à savoir le consortium Drasis, incluait la société ayant élaboré le cahier des charges et, partant, se trouvait en situation de conflit d’intérêts au sens de l’article 94, sous a), du règlement financier général et de la jurisprudence selon laquelle, notamment, une personne ayant participé à des travaux préparatoires relatifs au marché public en cause pourrait se trouver favorisée pour formuler son offre grâce aux informations pertinentes obtenues en ayant effectué lesdits travaux. En outre, cette personne pourrait, sans en avoir même l’intention, influencer les conditions dudit marché public d’une manière qui renforce sa position concurrentielle à l’égard des autres soumissionnaires. Le grave conflit d’intérêts caractérisant la situation du troisième adjudicataire aurait donc suffi à exclure son offre de la procédure d’appel d’offres.

39      Les requérantes précisent que, en refusant de leur communiquer les noms des partenaires ou sous-traitants faisant partie des consortia des adjudicataires, l’EUIPO aurait non seulement manqué à son obligation de motivation, mais également tenté d’éviter que fût divulguée une irrégularité importante viciant la procédure d’appel d’offres. En outre, l’EUIPO n’aurait pas dûment examiné les objections que les requérantes avaient soulevées à cet égard, alors même que plusieurs éléments objectifs et concordants auraient dû l’amener à faire preuve d’une attention particulière. Faute d’avoir instruit une éventuelle collusion entre l’EUIPO et la société ayant élaboré le cahier des charges, il n’aurait disposé d’aucun élément lui permettant d’exclure avec une certitude raisonnable que cette société ait pu chercher à influencer la procédure d’appel d’offres. L’EUIPO aurait également dû infliger les sanctions prévues à l’article 96 du règlement financier général et aux articles 133 bis et 134 ter des modalités d’exécution. Même à considérer que le comité d’évaluation ne fût pas conscient de la situation de conflit d’intérêts lors de l’évaluation des offres, ce qui n’aurait pas été le cas, les requérantes en auraient informé l’EUIPO avant la signature du contrat. S’agissant du troisième adjudicataire, les requérantes contestent que l’EUIPO ait examiné la situation des entités juridiques concernées et soit parvenu à la conclusion qu’aucun conflit d’intérêts ne pouvait survenir, la seule déclaration de l’une de ces entités n’étant pas suffisante à exclure une violation du cahier des charges et du règlement financier général.

40      L’EUIPO rétorque que le point 13.1 du cahier des charges est conforme à la jurisprudence selon laquelle, d’une part, un possible conflit d’intérêts peut survenir lorsqu’un soumissionnaire a participé à la préparation de l’appel d’offres et, d’autre part, dans un tel cas, ledit soumissionnaire doit se voir accorder la possibilité de fournir des explications quant aux raisons pour lesquelles ce possible conflit d’intérêts ne lui a pas conféré, dans les circonstances concrètes de l’espèce, un avantage compétitif indu. En tout état de cause, le conflit d’intérêts devrait être réel et non hypothétique et l’existence du risque de sa survenance devrait être établie à la suite d’un examen spécifique de l’offre et de la situation du soumissionnaire. Un conflit d’intérêts potentiel au motif qu’un sous-traitant a participé à la rédaction du cahier des charges ne serait pas suffisant pour exclure ce soumissionnaire. En l’espèce, l’EUIPO aurait tenu compte du conflit d’intérêts allégué. Après avoir constaté que PricewaterhouseCoopers (PWC) Spain était un sous-traitant du consortium Drasis, il aurait immédiatement demandé des éclaircissements à ce dernier. Premièrement, en réponse à cette demande, Drasis aurait expliqué que seules PWC UK et PWC Belgium avaient participé à la préparation du cahier des charges et qu’il n’existait aucun lien structurel entre elles, d’une part, et PWC Spain, d’autre part. Deuxièmement, en vertu des obligations de confidentialité auxquelles PWC UK et PWC Belgium étaient tenues dans le cadre des prestations de services réalisées pour l’EUIPO en vue de la rédaction du cahier des charges, ces deux sociétés n’auraient communiqué aucune information pertinente à ce sujet, notamment, aux autres sociétés du même groupe. Troisièmement, Drasis aurait précisé n’avoir contacté PWC Spain que six jours avant la date limite de dépôt des offres et sa lettre du 15 avril 2011 aurait confirmé le fait que cette société n’avait participé ni à la préparation, ni à la rédaction, ni à la tarification, ni à la validation de l’offre technique présentée par le consortium. À la lumière de ces informations, l’EUIPO aurait ensuite vérifié si la participation de PWC Spain au consortium Drasis aurait pu conférer à ce dernier un avantage compétitif indu à l’égard des autres soumissionnaires et aurait conclu que tel n’était pas le cas. Dès lors, l’EUIPO estime avoir agi dans le respect du cahier des charges et des règles applicables et avoir jugé à juste titre que, dans les circonstances concrètes de l’espèce, il n’y avait aucune raison valable d’exclure le consortium Drasis de la procédure d’appel d’offres. Enfin, au titre des critères d’attribution techniques, l’offre de la première requérante aurait obtenu des points beaucoup plus élevés que celle du consortium Drasis, ce qui prouverait en soi que celui-ci n’avait bénéficié d’aucun avantage indu.

41      Le Tribunal relève que, eu égard aux informations fournies par l’EUIPO dans le mémoire en défense, en l’espèce, il est constant que, d’une part, PWC UK et PWC Belgium, des sociétés entièrement contrôlées par PWC International Ltd, avaient participé à la préparation du cahier des charges de la procédure d’appel d’offres et que, d’autre part, PWC Spain, une autre filiale de PWC International, faisait partie du consortium Drasis, le troisième adjudicataire. En outre, il ressort de deux lettres du 15 avril 2011, adressées par le consortium Drasis et par PWC Spain à l’EUIPO, dont le contenu n’est pas en tant que tel contesté par les requérantes, que ledit consortium avait invité PWC Spain à participer à la procédure d’appel d’offres en tant que sous-traitant seulement six jours avant la date limite de soumission des offres.

42      Il y a donc lieu d’apprécier, tout d’abord, si PWC Spain et, partant, le consortium Drasis se trouvaient dans une situation de conflit d’intérêts, au sens de l’article 94, sous a), du règlement financier général ainsi que du point 13.1, premier alinéa, sous g), seconde phrase, du cahier des charges, susceptible de donner lieu à une violation du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires.

43      Ainsi qu’il ressort d’une lecture combinée des arrêts du 3 mars 2005, Fabricom (C‑21/03 et C‑34/03, Rec, EU:C:2005:127, points 26 à 36), et du 19 mai 2009, Assitur (C‑538/07, Rec, EU:C:2009:317, points 21 à 32), l’existence de liens structurels entre deux sociétés, dont l’une a participé à l’élaboration du cahier des charges et l’autre participe à la procédure d’appel d’offres du marché public en cause, est, en principe, de nature à créer un tel conflit d’intérêts. En revanche, le risque de conflit d’intérêts au regard de cette jurisprudence apparaît moins important lorsque, comme en l’espèce, la ou les sociétés chargées de la préparation du cahier des charges ne font pas partie elles-mêmes du consortium soumissionnaire, mais sont seulement membres du même groupe d’entreprises auquel est rattachée également la société membre dudit consortium.

44      À supposer qu’une telle situation soit effectivement de nature à faire naître un conflit d’intérêts, force est de constater que, en l’espèce, l’EUIPO a vérifié et démontré, à suffisance de droit, qu’un tel conflit d’intérêts ne pouvait pas avoir d’incidence sur le déroulement de la procédure d’appel d’offres ainsi que sur son résultat.

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la seule constatation d’un rapport de contrôle entre PWC International et ses différentes filiales ne suffit pas pour que le pouvoir adjudicateur puisse exclure automatiquement une de ces sociétés de la procédure d’appel d’offres, sans vérifier si un tel rapport a eu une incidence concrète sur son comportement dans le cadre de cette procédure (voir, en ce sens, arrêt Assitur, point 43 supra, EU:C:2009:317, point 32). Il en va de même, à plus forte raison, du constat de l’exécution de certains travaux préparatoires par une société d’un groupe d’entreprises, dont une autre société participe, en tant que membre d’un consortium soumissionnaire, à la procédure d’appel d’offres, cette dernière société devant être mise en mesure de démontrer que cette situation ne comporte aucun risque quelconque pour la concurrence entre les soumissionnaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Fabricom, point 43 supra, EU:C:2005:127, points 33 à 36, et du 20 mars 2013, Nexans France/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑415/10, Rec, EU:T:2013:141, point 116).

46      En revanche, l’existence d’un conflit d’intérêts doit amener le pouvoir adjudicateur à exclure le soumissionnaire concerné, lorsque cette démarche constitue la seule mesure possible pour éviter une violation des principes d’égalité de traitement et de transparence qui s’imposent dans toute procédure de passation d’un marché public (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Assitur, point 43 supra, EU:C:2009:317, point 21, et du 23 décembre 2009, Serrantoni et Consorzio stabile edili, C‑376/08, Rec, EU:C:2009:808, point 31), c’est-à-dire lorsqu’il n’existe pas de mesure moins restrictive pour assurer le respect desdits principes (voir, en ce sens, arrêt Nexans France/Entreprise commune Fusion for Energy, point 45 supra, EU:T:2013:141, point 117 et jurisprudence citée). Il convient de préciser qu’un conflit ou une confusion d’intérêts constitue, en soi et objectivement, un dysfonctionnement grave ou une anormalité sérieuse, sans qu’il soit besoin de tenir compte, pour sa qualification, des intentions des intéressés et de leur bonne ou mauvaise foi (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec, EU:T:1999:124, point 123 ; Nexans France/Entreprise commune Fusion for Energy, point 45 supra, EU:T:2013:141, point 115, et du 11 juin 2014, Communicaid Group/Commission, T‑4/13, EU:T:2014:437, point 53).

47      À ce sujet, il y a lieu de relever que, le 11 avril 2011, c’est-à-dire un mois après l’expiration du délai de soumission et quatre mois avant l’adoption de la décision d’ajudication, l’EUIPO avait expressément demandé au consortium Drasis de clarifier la situation des sociétés du groupe PWC afin de vérifier l’existence éventuelle d’un conflit d’intérêts, demande à laquelle ledit consortium et PWC Spain ont répondu par deux lettres identiques en substance le 15 avril 2011. Il ressort de ces lettres, notamment, que le consortium Drasis avait invité PWC Spain à participer à la procédure d’appel d’offres en tant que sous-traitant seulement six jours avant l’expiration du délai de soumission. Or, hormis le fait que PWC UK, PWC Belgium et PWC Spain étaient des sociétés « sœurs » appartenant au même groupe, les requérantes n’ont avancé aucun motif susceptible de remettre en cause la véracité de cette affirmation, que le pouvoir adjudicateur pouvait donc légitimement considérer comme un indice important quant à l’absence d’influence d’un potentiel conflit d’intérêts sur la procédure d’appel d’offres. En effet, indépendamment des obligations de confidentialité – invoquées par le consortium Drasis, par PWC Spain et, enfin, par l’EUIPO – interdisant la communication d’informations confidentielles entre les sociétés « sœurs » du groupe PWC, il apparaît peu plausible que, dans le bref délai de six jours, PWC Spain ait pu recueillir, auprès de PWC UK et de PWC Belgium, des données confidentielles utiles sous-tendant la formulation du cahier des charges et que, grâce auxdites données, elle ait pu utilement modifier l’offre dudit consortium pour augmenter ses chances de succès. Dans ces circonstances, il n’est pas davantage plausible que, au moment de l’élaboration du cahier des charges, c’est-à-dire longtemps avant que n’intervienne la décision de faire participer PWC Spain en tant que membre du consortium Drasis, PWC UK et PWC Belgium aient pu concevoir les critères d’attribution du marché en cause de manière à favoriser ledit consortium dans le cadre de la procédure d’appel d’offres.

48      De surcroît, il ressort du point 13.1, premier alinéa, sous g), seconde phrase, du cahier des charges qu’un conflit d’intérêts est censé exister lorsque, notamment, « un sous-traitant d’un soumissionnaire principal ayant participé à la préparation de la [...] procédure d’appel d’offres est incapable de prouver que son offre est inapte à fausser la concurrence, c’est-à-dire qu’elle ne constitue pas un risque pour la concurrence ». Or, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, à défaut d’indice contraire, le fait que l’offre du consortium Drasis a obtenu, au titre de sa qualité technique, des points nettement inférieurs à ceux attribués à l’offre de la première requérante, qui était la mieux notée à cet égard (voir point 14 ci-dessus), démontre en soi que les liens structurels indirects entre PWC Spain, d’une part, et PWC UK et PWC Belgium, d’autre part, qui étaient chargées précisément de la préparation du volet technique du cahier des charges, ou le comportement desdites sociétés n’ont pas eu d’incidence sur la concurrence entre soumissionnaires et, surtout, au détriment de la première requérante. Il s’ensuit en outre que, en l’espèce, l’EUIPO a exercé un examen suffisant des faits pertinents, ce qui lui a permis de conclure que l’éventuel conflit d’intérêts était resté sans influence sur le déroulement de la procédure d’appel d’offres et sur son résultat.

49      Dès lors, les requérantes n’ont pas démontré à suffisance de droit que l’éventuel conflit d’intérêts résultant des liens structurels indirects entre PWC Spain, PWC UK et PWC Belgium était susceptible d’avoir une influence sur la procédure d’appel d’offres au sens de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus.

50      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche, sans qu’il soit besoin d’établir définitivement si, en l’espèce, un conflit d’intérêts au sens de l’article 94, sous a), du règlement financier général et du point 13.1, premier alinéa, sous g), seconde phrase, du cahier des charges existait effectivement.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’existence d’un conflit d’intérêts en ce qui concerne le consortium Unisys

51      Dans le cadre de la deuxième branche, les requérantes soutiennent que, eu égard au point 13.1 du cahier des charges, le deuxième adjudicataire dans la procédure en cascade, le consortium Unisys, n’aurait pas dû se voir attribuer de contrat-cadre, étant donné qu’il était le premier contractant au titre du contrat-cadre AO/021/10, intitulé « Prestation de services externes pour la gestion de programmes et de projets et la consultance technique dans le domaine des technologies de l’information », au bénéfice de l’EUIPO. Le consortium Unisys se serait donc trouvé dans une situation de conflit d’intérêts interdite par l’article 94 du règlement financier général et aurait dû être exclu de la procédure d’appel d’offres dès avant l’évaluation de son offre. En effet, à moins d’être libéré de ses obligations contractuelles au titre du contrat-cadre AO/021/10, il n’aurait pas pu se voir attribuer un marché au titre du contrat-cadre AO/029/10. Alors que ce dernier contrat-cadre viserait la conception et le développement d’applications informatiques de l’EUIPO, le contrat-cadre AO/021/10 porterait sur la gestion de projets et sur les conseils techniques qui y sont afférents et, partant, sur des services fournis par le contractant partie au contrat-cadre AO/029/10, ce qui créerait un conflit direct entre les tâches respectives qui y sont prévues. Autrement dit, le contractant au titre du contrat-cadre AO/021/10 devrait participer à l’élaboration du cahier des charges et contrôler l’exécution des contrats de mise en œuvre par le contractant au titre du contrat-cadre AO/029/10. Enfin, l’EUIPO n’aurait pas dûment enquêté sur cet éventuel conflit d’intérêts. Les requérantes contestent que, dans ces conditions, l’offre de la première requérante aurait également dû être rejetée, aucun marché ne lui ayant été attribué au terme de la procédure d’appel d’offres AO/029/10. Au cas où cette requérante deviendrait partie à un contrat dans ce cadre, le conflit d’intérêts devrait alors être supprimé avant sa signature.

52      En premier lieu, l’EUIPO soutient que la deuxième branche est soit irrecevable, soit inopérante du fait d’un manque d’intérêt. La première requérante ayant été classée en troisième position dans la procédure en cascade dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO/021/10 et étant devenue contractant au titre du contrat-cadre en cause, elle se serait trouvée dans la même situation que le consortium Unisys. À supposer que cette branche doive être accueillie, il en résulterait, d’une part, que la première requérante aurait dû, elle aussi, être exclue de la procédure d’appel d’offres AO/029/10 et, d’autre part, que le recours perdrait son objet dans sa totalité, dès lors que, du fait de son exclusion, la première requérante n’aurait pas pu remporter le marché en cause.

53      En second lieu, l’EUIPO conteste le bien-fondé de la deuxième branche. À la date limite fixée pour la soumission des offres dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO/029/10, à savoir le 11 mars 2011, la procédure d’appel d’offres AO/021/10 aurait toujours été en cours et aucun marché n’aurait encore été attribué dans le cadre de celle-ci. Partant, il n’aurait pas été possible de tirer un quelconque avantage indu de la connaissance acquise dans l’exécution de contrats découlant de cette dernière procédure. En outre, au stade de l’attribution du marché au titre de la procédure d’appel d’offres AO/029/10, qui constituerait l’unique objet du présent litige, de potentiels conflits d’intérêts susceptibles de survenir au cours de l’exécution de contrats spécifiques relevant du contrat-cadre AO/021/10 seraient dépourvus de pertinence. Ainsi, en l’absence de conflit d’intérêts potentiel et, donc, de motif d’exclusion, ce serait à bon droit que le comité d’évaluation aurait admis les offres de la première requérante et celle du consortium Unisys. Enfin, l’EUIPO conteste que le contractant au titre du contrat-cadre AO/021/10 soit censé contrôler les travaux effectués en vertu des contrats mettant en œuvre le contrat-cadre AO/029/10.

54      Le Tribunal rappelle que, en l’espèce, il est constant que le deuxième adjudicataire, le consortium Unisys, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO/029/10, est également le premier adjudicataire et contractant au titre du contrat-cadre AO/021/10, concernant le marché intitulé « Prestation de services externes pour la gestion de programmes et de projets et la consultance technique dans le domaine des technologies de l’information ». En vertu de ce dernier contrat-cadre, le contractant est chargé de la fourniture, à l’égard de l’EUIPO, de services externes relatifs à la gestion de programmes et de projets dans le domaine des technologies de l’information ainsi que de celle de conseils techniques liés à tous types de systèmes d’information et dans tous les domaines technologiques. En revanche, la procédure d’appel d’offres AO/029/10 faisant l’objet du présent litige visait le marché intitulé « Développement de logiciels et services de maintenance », quant à la fourniture, à l’égard de l’EUIPO, de services informatiques pour le prototypage, l’analyse, la conception, le graphisme, le développement, l’essai et l’installation de systèmes d’information, ainsi que la mise à disposition de la documentation technique, la formation à l’utilisation et la maintenance de ces systèmes.

55      À cet égard, l’EUIPO n’est pas parvenu à remettre en cause l’argument des requérantes selon lequel il en résulterait que le consortium Unisys, en sa qualité de premier adjudicataire et contractant au titre du contrat-cadre AO/021/10 ainsi que de gestionnaire informatique externe, serait censé, notamment, surveiller les prestations du premier contractant du contrat-cadre AO/029/10 et, partant, le cas échéant, ses propres prestations s’il devait faire appel à ses services en tant que deuxième contractant dans la procédure en cascade. Or, une telle situation est susceptible d’entrer dans le champ d’application de la cause d’exclusion visée au point 13.1, premier alinéa, sous g), première phrase, du cahier des charges, selon laquelle « un conflit d’intérêts existe, notamment, lorsqu’un soumissionnaire [...] a conclu un contrat valide avec l’[EUIPO] dont l’objet est l’exécution de tâches de contrôle de qualité des logiciels ou de gestion de projets/programmes pour le développement de logiciels et les services de maintenance devant être mis en œuvre par l’adjudicataire [...], au cas où ce soumissionnaire [...] n’est pas en mesure de démontrer que son offre ne créerait pas un tel conflit d’intérêts ». En effet, eu égard à son libellé, il apparaît que cette cause d’exclusion a été précisément conçue par le pouvoir adjudicateur dans l’objectif d’éviter que l’adjudicataire de la procédure d’appel d’offres AO/021/10 puisse également devenir celui de la procédure d’appel d’offres AO/029/10.

56      Toutefois, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de la recevabilité ou du caractère opérant de la présente branche, force est de constater qu’elle ne saurait, en tout état de cause, prospérer sur le fond.

57      Comme l’avance à juste titre l’EUIPO, au moment de l’expiration du délai de soumission dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO/029/10, à savoir le 11 mars 2011, la procédure d’appel d’offres AO/021/10 était toujours en cours et aucun marché n’avait encore été attribué, ni aucun contrat signé dans le cadre de celle-ci. Ainsi, dès lors que, à ce stade, il n’existait pas encore de « contrat valide » entre le consortium Unisys et l’EUIPO au sens du point 13.1, premier alinéa, sous g), première phrase, du cahier des charges, cette cause d’exclusion ne pouvait trouver application et, en tout état de cause, le conflit d’intérêts allégué avait encore un caractère incertain et hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2007, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05, Rec, EU:T:2007:107, points 67 et 69). À cet égard, il convient de rappeler en outre que la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus exige que le conflit d’intérêts allégué ait influé sur le déroulement ou sur le résultat de la procédure d’appel d’offres. Or, compte tenu du chevauchement dans le temps entre les deux procédures d’appel d’offres, il est impossible de conclure que, en l’espèce, le consortium Unisys ait pu tirer un quelconque avantage de son rang futur de deuxième adjudicataire dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO/021/10.

58      De surcroît, à l’instar de l’EUIPO, il y a lieu de relever que l’essentiel des griefs avancés par les requérantes vise de potentielles situations de conflit d’intérêts pouvant survenir seulement au cours de la mise en œuvre de contrats spécifiques à attribuer sur le fondement des contrats-cadres AO/021/10 et AO/029/10, c’est-à-dire à un stade postérieur à l’adoption de la décision de rejet de l’offre faisant l’objet du présent litige. Pour cette raison également, il est logiquement exclu qu’un tel conflit d’intérêts puisse avoir eu une quelconque incidence sur le déroulement ou sur le résultat de la procédure d’appel d’offres AO/029/10, puisse avoir faussé la concurrence entre les soumissionnaires ou avoir avantagé le consortium Unisys au détriment de la première requérante.

59      Eu égard aux considérations qui précèdent, les requérantes ne sont pas non plus fondées à reprocher à l’EUIPO de ne pas avoir dûment instruit l’existence d’un éventuel conflit d’intérêts en ce qui concerne le consortium Unisys. Il n’en demeure pas moins que le pouvoir adjudicateur a, en tout état de cause, le devoir et la possibilité d’instruire et de prévenir la survenance d’un tel conflit d’intérêts au cours de l’exécution de contrats spécifiques relevant du contrat-cadre AO/029/10, dont le premier adjudicataire est IECI et non le consortium Unisys.

60      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter la présente branche, en tout état de cause, comme non fondée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’implication du consortium Drasis dans des activités illégales

61      Dans le cadre de la troisième branche, les requérantes ont, tout d’abord, fait valoir, en substance, que « Siemens », en tant que membre du consortium Drasis, le troisième adjudicataire dans la procédure en cascade, aurait dû se voir appliquer la cause d’exclusion prévue à l’article 93, paragraphe 1, sous b) et e), du règlement financier général en raison de son implication avérée dans des affaires de fraude, de corruption et de versement de pots-de-vin. « Siemens » aurait non seulement été accusée en Allemagne, mais aurait également publiquement reconnu s’être rendue coupable de telles activités illégales afin d’obtenir des marchés publics, notamment, dans l’Union. Ainsi, elle aurait accepté de payer des amendes de 395 millions d’euros aux autorités allemandes et de 800 millions de dollars des États-Unis (USD) aux autorités américaines afin de clôturer l’affaire. Partant, « Siemens » aurait dû être exclue de la procédure d’appel d’offres en vertu des articles 93 et 94 du règlement financier général et des articles 133 bis et 134 ter des modalités d’exécution. La reconnaissance par « Siemens » de sa responsabilité, y compris dans le cadre d’accords à l’amiable, serait un motif suffisant pour établir irrévocablement sa culpabilité, une décision de justice définitive n’étant pas nécessaire pour infliger une sanction et pour adopter une décision d’exclusion de la procédure d’appel d’offres en vertu de l’article 93, paragraphe 1, sous b) et e), du règlement financier général. En tout état de cause, l’EUIPO aurait manqué à son obligation d’examiner dûment l’implication de « Siemens » dans de telles activités illégales et aurait, ainsi, également violé les principes de transparence et d’égalité de traitement entre les soumissionnaires.

62      L’EUIPO rétorque, en substance, qu’il n’y avait aucune raison d’exclure le consortium Drasis, ses membres − Siemens SA et Siemens SL − n’ayant jamais été condamnés pour fraude ou corruption. Dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, Siemens SA aurait présenté une déclaration solennelle confirmant l’absence de tout jugement ou de toute autre procédure pénale en cours concernant des accusations de fraude ou de corruption. Cette déclaration aurait eu pour but de remplacer « un extrait récent du casier judiciaire » ou « un document équivalent établi par les autorités compétentes », qui, en vertu du cahier des charges et de l’article 134, paragraphe 3, des modalités d’exécution, devait être présenté uniquement par les adjudicataires au moins quinze jours avant la signature du contrat. En outre, l’EUIPO n’aurait eu aucune raison de ne pas accepter cette déclaration solennelle, puisque, aux termes des conditions du cahier des charges, celle-ci était exigée, notamment, comme preuve suffisante du fait que le soumissionnaire n’était concerné par aucune des situations d’exclusion au titre de l’article 93 du règlement financier général. L’EUIPO conteste aussi ne pas avoir tenu compte des accusations en cause. En réponse à une demande d’éclaircissements spécifique de l’EUIPO à ce sujet, Siemens SA aurait confirmé que ces accusations étaient totalement infondées et aurait présenté un document officiel des autorités nationales compétentes à l’appui.

63      À l’audience, à la suite d’une question orale du Tribunal se référant aux conséquences qu’il convenait de tirer de l’arrêt du 15 octobre 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission (T‑474/10, EU:T:2013:528, points 37 à 57), les requérantes ont renoncé à leur argumentation selon laquelle l’implication éventuelle de Siemens AG (ci-après « Siemens AG ») dans des activités illégales aurait été imputable aux sociétés Siemens SA et Siemens SL, membres du consortium Drasis, au seul motif que celles-ci étaient initialement indirectement contrôlées par Siemens AG avant d’avoir été rachetées, le 1er juillet 2011, par Atos SA, en raison de l’acquisition par cette dernière de 100 % des parts sociales de la société les contrôlant directement, Siemens IT Solutions and Services GmbH, comme il ressort des documents produits par l’EUIPO à la suite de l’ordonnance d’instruction du 27 mars 2015 (voir point 26 ci-dessus). Il a été pris acte de cette renonciation dans le procès-verbal de l’audience.

64      Néanmoins, notamment, eu égard aux liens structurels ayant existé avec Siemens AG avant le 1er juillet 2011, se pose la question de savoir si, en l’espèce, le pouvoir adjudicateur a vérifié, avec la diligence requise, si Siemens SA et Siemens SL et, partant, le consortium Drasis devaient ou non se voir appliquer les causes d’exclusion visées à l’article 93, paragraphe 1, sous b) et e), du règlement financier général, lu conjointement avec le point 13.1, troisième et quatrième alinéas, du cahier des charges (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 mars 2005, AFCon Management Consultants e.a./Commission, T‑160/03, Rec, EU:T:2005:107, points 79 et 90).

65      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 93, paragraphe 1, du règlement financier général, il est prévu ce qui suit :

« Sont exclus de la participation aux procédures de passation de marchés les candidats ou les soumissionnaires :

[…]

b)      qui ont fait l’objet d’une condamnation prononcée par un jugement ayant autorité de chose jugée pour tout délit affectant leur moralité professionnelle ;

c)      qui, en matière professionnelle, ont commis une faute grave constatée par tout moyen que les pouvoirs adjudicateurs peuvent justifier ;

d)      qui n’ont pas rempli leurs obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale ou leurs obligations relatives au paiement de leurs impôts selon les dispositions légales du pays où ils sont établis ou celles du pays du pouvoir adjudicateur ou encore celles du pays où le marché doit s’exécuter ;

e)      qui ont fait l’objet d’un jugement ayant autorité de chose jugée pour fraude, corruption, participation à une organisation criminelle ou toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés ;

f)      qui font actuellement l’objet d’une sanction administrative visée à l’article 96, paragraphe 1. »

66      En vertu de l’article 94 du règlement financier général, il est prévu ce qui suit :

« Sont exclus de l’attribution d’un marché, les candidats ou les soumissionnaires qui, à l’occasion de la procédure de passation de ce marché :

[...]

c)      se trouvent dans l’un des cas d’exclusion de la procédure de passation de ce marché visés à l’article 93, paragraphe 1. »

67      Il convient de rappeler en outre que, conformément à l’article 134, paragraphe 1, des modalités d’exécution et au point 13.1, deuxième et troisième alinéas, du cahier des charges (voir point 16 ci-dessus), Siemens SA avait présenté, lors du dépôt de l’offre du consortium Drasis, un formulaire dit « annexe 4 » dûment signé, daté et certifié par un notaire belge, qui contenait une déclaration solennelle de ses dirigeants confirmant l’absence de toute cause d’exclusion en ce qui la concernait au sens des articles 93 et 94 du règlement financier général. Toutefois, l’EUIPO a omis de produire en cours d’instance un formulaire analogue émanant de Siemens SL.

68      Par ailleurs, eu égard aux allégations d’une implication de Siemens AG et de certaines de ses filiales étrangères dans des affaires de versement de pots-de-vin ayant abouti à des décisions civiles ou pénales, l’EUIPO avait adressé au consortium Drasis, le 25 juillet 2011, une demande d’éclaircissements, notamment, quant aux liens existant entre Siemens AG, d’une part, et Siemens SA et Siemens SL, d’autre part, et lui avait demandé de produire des preuves démontrant que Siemens AG et les membres de son directoire ne se trouvaient pas dans une des situations décrites à l’article 93, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement financier général.

69      En réponse à cette demande, le consortium Drasis, par lettre du 3 août 2011, a informé l’EUIPO, notamment, du rachat par Atos de Siemens SA et de Siemens SL (voir point 63 ci-dessus) et a produit des certificats récents démontrant que Siemens AG ne se trouvait pas dans une des situations décrites par l’article 93, paragraphe 1, sous d), du règlement financier général ainsi qu’un échange antérieur de correspondance avec la Commission, intervenu à la suite de préoccupations analogues exprimées par celle-ci, confirmant que ledit consortium ne remplissait pas les causes d’exclusion visées à l’article 93, paragraphe 1, sous b), c) ou e), et à l’article 93, paragraphe 2, sous a), du règlement financier général ou à l’article 134, paragraphe 4, des modalités d’exécution.

70      Enfin, le consortium Drasis s’est vu attribuer le marché en cause en tant que troisième adjudicataire selon la procédure en cascade et a signé un contrat-cadre avec l’EUIPO, ce que celui-ci a confirmé à l’audience.

71      Or, selon l’article 134, paragraphe 3, premier alinéa, des modalités d’exécution, à la fin de la procédure d’appel d’offres, à savoir avant l’attribution du marché, l’adjudicataire est censé présenter « un extrait récent du casier judiciaire ou, à défaut, un document équivalent délivré récemment par une autorité judiciaire ou administrative du pays d’origine ou de provenance » pour démontrer qu’aucune des causes d’exclusion au sens de l’article 93, paragraphe 1, sous a), b) ou e), du règlement financier général n’est remplie. En outre, dans le cas mentionné à l’article 93, paragraphe 1, sous d), du même règlement, le pouvoir adjudicateur accepte comme preuve suffisante « un certificat récent délivré par l’autorité compétente de l’État concerné ». Enfin, en vertu de l’article 134, paragraphe 3, second alinéa, des modalités d’exécution, c’est seulement « [l]orsque le document ou le certificat visé au premier alinéa [dudit article] n’est pas délivré par le pays concerné, et pour les autres cas d’exclusion visés à l’article 93 du règlement financier [général], [qu’]il peut être remplacé par une déclaration sous serment ou, à défaut, solennelle faite par l’intéressé devant une autorité judiciaire ou administrative, un notaire ou un organisme professionnel qualifié du pays d’origine ou de provenance ».

72      Conformément à ces exigences, le point 13.1, quatrième alinéa, du cahier des charges (voir point 16 ci-dessus) prévoit, notamment, que, « [a]u terme de la procédure d’appel d’offres, le soumissionnaire auquel le marché est à attribuer doit, à titre d’obligation et pour éviter d’être exclu de l’appel d’offres, prouver qu’il ne se trouve pas dans une des situations visées ci-dessus ». Aux fins de la production des éléments de preuve exigés, il dispose d’un délai de quinze jours ouvrables avant la signature du contrat. S’agissant des causes d’exclusion visées au point 13.1, premier alinéa, sous a), b) et e), du cahier des charges, ces éléments de preuve doivent être « un (des) extrait(s) pertinent(s) du casier judiciaire ou, à défaut, un document équivalent délivré par une autorité judiciaire ou administrative » du pays dans lequel le soumissionnaire est établi (point 13.1, quatrième alinéa, premier tiret, du cahier des charges). Enfin, il y est indiqué que, s’agissant des causes d’exclusions visées au point 13.1, premier alinéa, sous c), f), g) et h), du cahier des charges, « l’annexe 4 », à savoir le formulaire exposant la déclaration solennelle, « est valable » (point 13.1, quatrième alinéa, troisième tiret, du cahier des charges).

73      Toutefois, force est de constater que, nonobstant les obligations visées aux points 71 et 72 ci-dessus et à la suite même d’une question orale explicite posée par le Tribunal à cet égard à l’audience, l’EUIPO n’a ni affirmé avoir demandé la production d’un extrait récent du casier judiciaire de la part du consortium Drasis et de ses membres, y compris de Siemens SA et de Siemens SL, ni fait valoir qu’un tel document n’avait pas pu être délivré par les pays dans lesquels ces deux dernières sociétés étaient établies, à savoir la Belgique et l’Espagne. Or, dans ces circonstances, en vertu de l’article 134, paragraphe 3, second alinéa, des modalités d’exécution, ces éléments de preuve n’auraient pas pu être remplacés par une déclaration sous serment ou solennelle faite, notamment, devant un notaire du pays d’origine ou de provenance. De surcroît, la déclaration solennelle de Siemens SA, soumise conjointement avec l’offre du consortium Drasis, a été certifiée par un notaire belge, et l’EUIPO a omis de produire, en cours d’instance, une déclaration analogue, le cas échéant, certifiée par un notaire espagnol, de Siemens SL.

74      En tout état de cause, en l’espèce, en vertu du point 13.1, quatrième alinéa, troisième tiret, du cahier des charges, une telle déclaration solennelle n’aurait pu être acceptée par le pouvoir adjudicateur qu’aux fins de prouver l’absence d’autres causes d’exclusion, à savoir celles visées au point 13.1, premier alinéa, sous c), f), g) et h), du cahier des charges, qui correspondent à celles prévues à l’article 93, paragraphe 1, sous c) et f), ainsi qu’à l’article 94, sous a) et b), du règlement financier général, mais non pour démontrer l’absence de la cause d’exclusion prévue au point 13.1, premier alinéa, sous e), du cahier des charges, lu conjointement avec l’article 93, paragraphe 1, sous e), du règlement financier général.

75      Au demeurant, il ressort de la lettre de l’EUIPO du 25 juillet 2011, produite à la suite de l’ordonnance d’instruction du 27 mars 2015 (voir point 26 ci-dessus), que le pouvoir adjudicateur n’avait pas non plus demandé au consortium Drasis de produire des preuves spécifiques quant à l’absence de cause d’exclusion au sens de l’article 93, paragraphe 1, sous d), du règlement financier général en ce qui concernait Siemens SA et Siemens SL.

76      Dès lors, aux fins de l’attribution du marché en cause, l’EUIPO n’était pas en droit de se contenter de la déclaration solennelle de Siemens SA au titre de preuve de l’absence de cause d’exclusion visant la situation du consortium Drasis, au sens du point 13.1, premier alinéa, sous e), du cahier des charges et de l’article 93, paragraphe 1, sous e), du règlement financier général. Cet élément de preuve était d’autant moins approprié pour démontrer l’absence de cette cause d’exclusion en ce qui concernait Siemens SL, pour laquelle l’EUIPO n’avait ni demandé ni produit de preuve pertinente. Toutefois, force est de constater que, d’une part, le point 13.1, quatrième alinéa, première phrase, du cahier des charges établit une obligation explicite à cet égard, dont le non-respect doit impérativement aboutir à l’exclusion du soumissionnaire concerné (« à titre d’obligation et pour éviter d’être exclu de l’appel d’offres »), et que, d’autre part, en vertu du point 13.1, quatrième alinéa, premier et troisième tirets, du cahier des charges, les documents de preuve « doivent se référer à des entités dotées de personnalité juridique et/ou à des personnes physiques », c’est-à-dire à toutes les sociétés membres du consortium en cause, dont Siemens SL.

77      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’EUIPO a manifestement manqué à son devoir de diligence dans l’instruction de l’existence, notamment, de la cause d’exclusion prévue au point 13.1, premier alinéa, sous e), du cahier des charges et à l’article 93, paragraphe 1, sous e), du règlement financier général. Il a, de ce fait, violé ces dispositions ainsi que le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires qui aurait exigé, conformément à l’obligation d’exclusion prévue au point 13.1, quatrième alinéa, du cahier des charges, d’exclure Siemens SA et Siemens SL et, partant, le consortium Drasis de la procédure d’appel d’offres. Or, en l’espèce, compte tenu des allégations portant sur des activités illégales dans lesquelles auraient été impliquées Siemens AG – la société ayant contrôlé Siemens SA et Siemens SL avant le 1er juillet 2011 – et plusieurs de ses filiales étrangères, une telle instruction diligente et une application méticuleuse des dispositions susmentionnées auraient été d’autant plus nécessaires.

78      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la troisième branche et d’annuler la décision de rejet de l’offre pour ce seul motif.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

 Observation liminaire

79      Les requérantes soutiennent que, nonobstant le non-respect par l’EUIPO de son obligation de motivation, les informations vagues fournies par lui font apparaître de nombreuses erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de la première requérante, dont la correction aboutirait à un classement différent des soumissionnaires.

80      Le présent moyen est subdivisé en quatre branches, dont la première branche est, dans une large mesure, développée dans l’annexe A.14 de la requête, ce qui a amené l’EUIPO à contester sa recevabilité.

 Sur la première branche du deuxième moyen

–       Sur l’objet de la première branche et sur la recevabilité de l’annexe A.14 de la requête

81      Dans le cadre de la première branche, les requérantes invoquent surtout des erreurs manifestes d’appréciation qui auraient été commises à l’occasion de l’évaluation des offres au regard des critères de qualité technique nos 1 à 3. En effet, les adjudicataires s’étant vu attribuer des points atteignant tout juste le seuil minimal, la moindre erreur devrait avoir eu pour effet immédiat de les évincer de la procédure d’appel d’offres. À cet égard, les requérantes réitèrent leur demande tendant à ce que le Tribunal ordonne la production de la version complète du rapport d’évaluation pour pouvoir effectuer le contrôle juridictionnel requis. En outre, elles se contentent d’un exposé sommaire dans la requête et se réfèrent à une analyse plus détaillée de ces erreurs figurant dans l’annexe A.14 de la requête. Faute de communication par l’EUIPO d’éléments suffisamment motivés, la première branche du deuxième moyen serait fondée sur une argumentation synthétique aussi précise que possible, dans laquelle il serait fait référence à quatre reprises à l’annexe A.14 de la requête, au sein de laquelle seraient fournies des indications techniques plus détaillées dont le Tribunal devrait tenir compte.

82      Selon l’EUIPO, en substance, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la première branche, qui n’est que sommairement et vaguement présentée sur deux pages et demie dans la requête et exposée de manière détaillée sur 48 pages dans l’annexe A.14 de la requête, concernant au moins quatorze exemples de prétendues erreurs manifestes, doit être déclarée irrecevable en raison d’un manque de clarté et de précision, cette approche ayant « pour seul objectif de se soustraire à la limite de pages fixée par le règlement de procédure ». À tout le moins l’annexe A.14 de la requête devrait être écartée.

83      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. L’exigence de l’« exposé sommaire des moyens » signifie que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé. Ainsi, il est notamment nécessaire, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En effet, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, l’exposé sommaire des moyens de la partie requérante doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la juridiction compétente de statuer sur le recours. Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher ou d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments susceptibles de constituer le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, Rec, EU:C:2014:2201, points 38 à 41 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑591/08, EU:T:2012:522, point 66 et jurisprudence citée).

84      En l’espèce, premièrement, force est de constater que les points 66 et 67 de la requête indiquent clairement que le présent moyen et, notamment, sa première branche sont fondés sur plusieurs erreurs manifestes d’appréciation qui se rapportent aux différents critères et sous-critères d’attribution qui sont explicitement mentionnés par les requérantes.

85      Deuxièmement, compte tenu du caractère technique des critères et des sous-critères d’attribution en cause, la question de savoir si les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels les divers griefs, notamment, de la première branche du présent moyen se fondent, ressortent, à tout le moins de manière succincte ou sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même ne peut être tranchée que dans le cadre d’un examen du bien-fondé de chacun de ces griefs. En effet, seul un tel examen est susceptible de déterminer si soit les considérations développées dans l’annexe A.14 de la requête se limitent à étayer et à compléter le corps de la requête sur des points spécifiques, notamment, par des renvois à des passages déterminés de ladite annexe, soit, concernant certains de ces griefs, il s’agit d’un renvoi global à l’exposé figurant dans cette annexe, qui ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en fait et en droit devant figurer dans la requête elle-même.

86      Troisièmement, dépendra également d’une appréciation du fond des questions de fait et de droit soulevées par chacun des griefs pertinents la question de savoir si l’exposé sommaire du présent moyen dans la requête a été suffisamment clair et précis pour avoir permis à l’EUIPO de préparer sa défense et au Tribunal de statuer.

87      Dès lors, il y a lieu de réserver l’examen de la recevabilité des considérations exposées dans l’annexe A.14 de la requête et de procéder à l’appréciation du bien-fondé des différents griefs soulevés dans le cadre de la présente branche, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation quant à l’application des critères d’attribution techniques, étant entendu que cette appréciation doit se fonder, à titre principal, sur les arguments de fait et droit exposés dans la requête elle-même.

88      Par conséquent, dans la mesure où l’EUIPO demande de déclarer le présent moyen, à tout le moins sa première branche, irrecevable et d’écarter l’annexe A.14 de la requête dans son intégralité, la décision sur la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO doit être réservée.

–       Sur le premier grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.2.4, du cahier des charges

89      La question posée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.2.4, du cahier des charges visait à permettre au pouvoir adjudicateur de savoir quels seraient les « [r]isques clés et mesures d’urgence pour la transition en fin de contrat » que les soumissionnaires entendaient proposer.

90      À ce sujet, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a indiqué ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante :

« Certains risques importants font défaut : risques concernant les opérations de l’[EUIPO], risques concernant les développements en cours et les déploiements, sous-estimation de la capacité requise du nouveau contractant (seul le caractère trop petit de l’équipement informatique est mentionné), risques géographiques (équipes ‘off-shore’). »

91      Les requérantes soutiennent, en substance, que c’est à tort que l’EUIPO affirme que ladite offre ne couvrait pas certains des risques au titre du sujet intitulé « Risques clés et mesures d’urgence pour la transition en fin de contrat », dont, notamment, le « risque géographique ». L’EUIPO rétorque que, en substance, ce grief n’est pas étayé. Surtout, les risques énumérés dans cette offre ne couvriraient pas les risques liés aux équipes « off-shore », à savoir les « risques géographiques » créés par le développement de logiciels depuis différents lieux et par le fait que l’équipe des adjudicataires pourrait ne pas être située au même endroit que celle du contractant actuel, ce qui pourrait donner lieu à des problèmes pendant la phase de « transition en fin de contrat » et mettre en péril la continuité des services logiciels.

92      Force est de constater que, en dépit du caractère vague de la question posée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.2.4, du cahier des charges, qui se réfère de manière générale à des « risques clés », les requérantes n’ont ni fait valoir son imprécision ou son manque de clarté ni avancé que ce point n’englobait pas les éléments sur lesquels se fondait la critique exposée dans le rapport d’évaluation. Ainsi, à défaut pour le Tribunal de pouvoir soulever ces questions de fond de sa propre initiative, son contrôle quant à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation doit se limiter à la question de savoir si, au regard du contenu de la réponse donnée dans l’offre de la première requérante, cette critique était suffisamment plausible (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T‑387/11, EU:T:2013:98, point 25 et jurisprudence citée).

93      À cet égard, il convient de constater que, ainsi que l’a relevé le rapport d’évaluation, l’offre de la première requérante, surtout le tableau exposé sous l’intitulé « 3. Risques clés pour la transition en fin de contrat et mesures d’urgence », ne visait pas expressément un « risque géographique » lié à l’implication d’équipes « off-shore ». À ce sujet, les requérantes se bornent à prétendre, en substance, que ce risque est nécessairement et indirectement couvert par les différents sujets abordés dans ladite offre, à savoir « l’absence de coopération ou une coopération insuffisante entre l’actuel prestataire et le nouveau contractant », « l’indisponibilité de membres clés de l’équipe chargée de la transition en fin de contrat (absence planifiée ou non planifiée) » et « des conditions non clairement définies pour le transfert de responsabilité ». Or, eu égard à ces termes généraux, est suffisamment plausible et donc dépourvue d’erreur manifeste d’appréciation la conclusion du pouvoir adjudicateur selon laquelle ce « risque géographique » n’était pas couvert par l’offre de la première requérante. En effet, il n’y est question ni d’équipes « off-shore », ni de la nécessité de maintenir les communications à distance avec le nouveau contractant, ni des moyens de garantir ce maintien, les éléments invoqués dans ladite offre ne visant que des problèmes génériques liés à un défaut de coopération ou de disponibilité du personnel de la première requérante requis.

94      Il en va de même du reproche portant sur le fait d’avoir omis de tenir compte de la « capacité requise du nouveau contractant », les éléments retenus dans l’offre de la première requérante se référant à son propre personnel plutôt qu’à celui dudit contractant. Dès lors, c’est également sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le rapport d’évaluation relève que, en ce qui concerne ce nouveau contractant, « seul le caractère trop petit de l’équipement informatique est mentionné ». Dans ces circonstances, il n’est pas davantage possible de reprocher à l’EUIPO d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation au motif qu’il n’a pas jugé suffisante la référence générale à « l’absence de coopération ou [à] une coopération insuffisante entre l’actuel prestataire et le nouveau contractant ».

95      De même, les requérantes ne sont pas parvenues à expliquer où, dans l’offre de la première requérante, étaient visés des « risques concernant les opérations de l’[EUIPO] » et des « risques concernant les développements en cours et les déploiements », dont l’absence avait été critiquée dans le rapport d’évaluation. Ce n’est que dans le cadre de l’annexe A.14 de la requête que les requérantes avancent, de manière plus précise, que ces risques se réfèrent aux éléments suivants, qui seraient des « causes principales/risques contractuels clés » : « manque de personnel pour la transition en fin de contrat »; « retards dans l’exécution des tâches » ; « retards dus à des événements en dehors du contrôle du soumissionnaire ou de l’[EUIPO] (force majeure, telle que maladie [...]) » ; « insuffisante infrastructure de matériel informatique et de logiciel établie par le nouveau contractant » ; « absence de coopération ou coopération insuffisante entre l’actuel prestataire et le nouveau contractant ». Or, en l’absence de précisions quant à la présence d’un lien entre ces prétendus « causes principales/risques contractuels clés », d’une part, et les « risques concernant les opérations de l’[EUIPO] » et les « risques concernant les développements en cours et les déploiements », d’autre part, le Tribunal ne saurait reconnaître l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans ce contexte.

96      Enfin, c’est de manière particulièrement vague que les requérantes avancent que l’offre de la première requérante était conforme aux bonnes pratiques à l’échelle internationale en ce qui concerne la transition en douceur d’un contractant à l’autre et que tous les risques liés au fait que les équipes du contractant travaillaient à distance et non dans les locaux de l’EUIPO étaient visés. À ce sujet, l’EUIPO pouvait donc raisonnablement affirmer que ladite offre n’avait proposé aucune solution concrète, affirmation qui n’est d’ailleurs pas davantage remise en cause par l’exposé plus détaillé des arguments des requérantes dans l’annexe A.14 de la requête.

97      Par conséquent, le premier grief doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard en ce qui concerne notamment le renvoi aux considérations énoncées dans l’annexe A.14 de la requête.

–       Sur le deuxième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.3.5, du cahier des charges

98      La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.3.5, du cahier des charges visait à permettre au pouvoir adjudicateur de savoir quelles seraient les « mesures clés à envisager » par le soumissionnaire lorsqu’il aurait complété avec succès la phase de transition en début de contrat, phase dite « in », concernant un « système informatique particulier ».

99      Sur ce point, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a constaté ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante :

« Des critères font défaut : clôture des tâches planifiées et des risques ; accord entre les deux prestataires concernant la fin de la transition. Les critères proposés devraient dépendre de la complexité et du caractère critique du système. »

100    Les requérantes, d’une part, contestent le fait que ladite offre ne tienne pas à chaque fois compte de la complexité du système concerné et, d’autre part, affirment qu’il est garanti que le processus de transition concerne l’ensemble des parties, y compris l’EUIPO et le contractant, et est fondé sur une liste de contrôle concrète, dont la vérification permettrait d’engager un processus par consensus. L’EUIPO rétorque en substance que le rapport d’évaluation a critiqué à juste titre le fait que certains critères manquaient dans l’offre de la première requérante, tels que la complexité du système et son caractère critique pour les critères proposés, et le fait que les deux prestataires devaient passer un accord portant sur la fin de la transition. En outre, si ladite offre prévoyait la préparation d’une liste de contrôle de qualité, elle ne mentionnerait pas que celle-ci devrait être complétée par consensus. Ce serait donc à bon droit que l’EUIPO aurait estimé qu’un accord, c’est-à-dire un consensus, entre le prestataire actuel et le nouveau contractant était nécessaire pour considérer la transition en début de contrat comme terminée et que cette offre ne l’avait pas proposé. En revanche, les requérantes contestent, d’une part, la nécessité que soit passé un tel accord « juridique » entre ces deux prestataires, dont chacun n’entretient des relations contractuelles qu’avec l’EUIPO, ainsi que, d’autre part, l’argument soulevé a posteriori quant à la « criticité », qui, selon le cahier des charges et eu égard au caractère très « critique » de l’ensemble des applications de l’EUIPO, serait un élément standard à prendre en considération en cas de transfert.

101    À cet égard, il y a lieu de souligner que la question posée dans le cadre du présent critère d’attribution est particulièrement vague en ce qu’elle se réfère, de manière générale, à des « mesures clés à envisager ». Il en résulte que les exigences détaillées quant à la présentation de certains « critères », qui, selon la critique exposée dans le rapport d’évaluation, feraient défaut dans l’offre de la première requérante, ne trouvent pas de fondement suffisamment clair, précis et univoque dans le libellé dudit critère d’attribution pour permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de les interpréter de la même manière et mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de les appliquer de manière objective et uniforme en vérifiant si leurs offres correspondent auxdites exigences (voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2011, Commission/Chypre, C‑251/09, EU:C:2011:84, points 39 et 40, et du 25 octobre 2012, Astrim et Elyo Italia/Commission, T‑216/09, EU:T:2012:574, points 35 à 37 et jurisprudence citée).

102    Toutefois, force est de constater que les requérantes ne remettent pas expressément et directement en cause l’imprécision ou le manque de clarté de ce critère d’attribution. Or, le Tribunal, qui n’est pas autorisé à soulever d’office la légalité en tant que telle dudit critère, doit limiter son contrôle aux arguments explicites avancés par les requérantes. Ceux-ci comprennent, en substance, d’une part, la prétendue exigence que soit passé un accord entre le prestataire actuel et le nouveau contractant et, d’autre part, le fait d’avoir omis de tenir compte, à suffisance, de la complexité et du caractère critique du système.

103    S’agissant du premier argument, eu égard à la référence vague et générale dans ledit critère d’attribution aux « mesures clés à envisager », les requérantes avancent néanmoins à juste titre que le pouvoir adjudicateur n’était pas en droit de se fonder sur une prétendue exigence spécifique de prévoir la passation d’un « accord entre les deux prestataires concernant la fin de la transition ». En outre, sans qu’il soit besoin d’apprécier la nature juridique ou non de l’accord prétendument requis et non défini dans le cahier des charges, il y a lieu de rappeler que la première requérante avait considéré dans son offre « qu’une coopération en douceur avec l’[EUIPO] et le contractant précédent facilitera[it] considérablement le transfert de savoir-faire » et que, « [p]our cette raison, [e]lle [...] cherchera[it] à mettre à disposition tout instrument nécessaire à une coopération fructueuse avec l’[EUIPO] et le contractant précédent ».

104    Au regard de cette affirmation, la critique du comité d’évaluation selon laquelle l’offre de la première requérante ne visait pas d’« accord entre les deux prestataires concernant la fin de la transition » est aussi formaliste qu’excessive, puisque la première requérante avait proposé de faire tout le nécessaire pour établir, lors de la phase de transition, une coopération avec le contractant précédent pour permettre le transfert de savoir-faire, ce qui se recoupe largement avec l’objectif du prétendu « accord » exigé a posteriori par le pouvoir adjudicateur. L’EUIPO ne saurait infirmer cette conclusion par son argument avancé à l’audience selon lequel, sur ce point, l’offre de la première requérante se serait limitée à décrire un processus et non son résultat, ce qui aurait pourtant été précisément exigé par les termes « complété avec succès la phase de transition en début de contrat », une telle exigence, surtout l’obligation de résultat de passer un « accord », ne ressortant pas avec la clarté requise de la question en cause. Il convient de préciser que ladite exigence ne résulte pas non plus du point 2.2.1, premier alinéa, du cahier des charges, que l’EUIPO a invoqué seulement à l’audience et dans le contexte du cinquième grief (voir point 135 ci-après), cette disposition indiquant clairement qu’il incombait à l’EUIPO et non au nouveau contractant de produire un accord spécifique exigeant dudit contractant de mettre en œuvre un processus de transfert de savoir-faire entre ce dernier, d’une part, et le contractant précédent et l’EUIPO, d’autre part, afin d’assumer la responsabilité de la maintenance des systèmes informatiques de l’EUIPO. En critiquant l’offre de la première requérante sur ce point, l’EUIPO a donc commis une erreur manifeste d’appréciation.

105    S’agissant du second argument, il y a lieu de rappeler que, si les requérantes ne contestent pas que l’offre de la première requérante ne tenait pas explicitement compte « de la complexité et du caractère critique du système », elles invoquent néanmoins, surtout à l’annexe A.14 de la requête, les passages de cette offre dans lesquels, sous le titre « Allocation efficiente de ressources et procédure de gestion », les objectifs suivants étaient mentionnés :

« Évaluer de manière continue la compréhension de l’équipe du système particulier et du projet commercial. La familiarisation profonde avec le système constitue un processus continu qui exige de l’expérience et de l’engagement. Le soumissionnaire garantira que tous les membres de l’équipe soient formés, qualifiés et engagés pour obtenir une compréhension rapide du fonctionnement interne du système, de ses fonctionnalités et de ses liens avec d’autres systèmes informatiques. [...] L’équipe dite ‘transition in’ fera l’objet de toute formation disponible afin de couvrir effectivement toutes les technologies et tous les projets commerciaux liés au système en cause. »

106    Or, même si ces considérations visaient à tenir compte, à tout le moins indirectement, de la complexité du système en cause et à maîtriser l’ensemble de ses éléments critiques, elles ne suffisent pas, en dépit du caractère vague du critère d’attribution pertinent, à démontrer que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation sur ce point.

107    En effet, ainsi que l’a avancé l’EUIPO dans la duplique et à l’audience, la solution globale proposée par la première requérante ne tenait pas compte de la variété des systèmes informatiques gérés par l’EUIPO et de leurs particularités respectives. Or, comme les requérantes l’avancent elles-mêmes, le cahier des charges faisait référence, à son point 3, aux divers systèmes informatiques utilisés au sein de l’EUIPO, dont les systèmes de traitement et d’enregistrement des marques, ses différents services Internet et les services régissant ses aspects opérationnels, tels que les ressources humaines. Dès lors, les soumissionnaires étaient parfaitement en mesure de comprendre que la référence au « système informatique particulier » dans le sous-critère en cause visait chacun de ces systèmes et qu’il était nécessaire de structurer l’offre de manière différenciée pour en tenir compte. Par conséquent, le jugement négatif du comité d’évaluation selon lequel « [l]es critères proposés devraient dépendre de la complexité et du caractère critique du système » devait nécessairement être compris comme se référant à un « système informatique particulier » au sens du sous-critère pertinent et non à l’ensemble du système d’information de l’EUIPO, comme semblent l’alléguer les requérantes.

108    Il s’ensuit que le second argument ne saurait prospérer et que, à ce sujet, il n’est pas besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard en ce qui concerne notamment le renvoi aux considérations énoncées dans l’annexe A.14 de la requête.

109    Il résulte des considérations qui précèdent que le deuxième grief doit être pour partie accueilli et pour partie rejeté.

–       Sur le troisième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.3.10, du cahier des charges

110    La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.3.10, du cahier des charges visait à permettre au pouvoir adjudicateur de savoir quels seraient les « autres aspects clés » que le soumissionnaire considérerait comme essentiels durant la phase de transition en début de contrat, phase dite « in », concernant un « système informatique particulier ».

111    Sur ce point, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a affirmé ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante :

« Du point de vue formel, la réponse est trop longue. Dans une large mesure, il s’agit d’une répétition des réponses aux questions précédentes ([qui,] dès lors, omet de couvrir les ‘autres aspects clés’). Des aspects importants font défaut : caractère modulable du processus (les petites applications n’exigeant pas de processus complet de transition en début de contrat), contrôle des développements en cours et des déploiements durant les phases de transition ainsi que contraintes géographiques. »

112    Les requérantes reprochent à l’EUIPO d’avoir critiqué, à tort, la longueur ainsi que le caractère répétitif et lacunaire de la réponse fournie dans l’offre de la première requérante, qui couvrirait tant le caractère modulable du processus que les contraintes géographiques. En outre, contrairement à ce que l’EUIPO avancerait en cours d’instance, ladite offre aurait proposé une méthodologie correspondant à la définition même d’évolutivité – et non à un modèle « taille unique » – en ce qu’elle visait à prendre en considération à chaque fois la situation existante concernée et était ainsi, dans chaque hypothèse, taillée sur mesure en fonction des besoins de chaque tâche.

113    L’EUIPO rétorque, en substance, que le cahier des charges prévoyait également que les offres devaient être claires, concises et spécifiques à la question posée. Or, notamment, l’introduction de la réponse donnée à la question 1.1.3.10 se serait limitée à reproduire l’introduction de la réponse donnée à la question 1.1.3.3. En outre, les requérantes n’auraient pas démontré que l’offre de la première requérante avait tenu compte de l’évolutivité du projet ou des contraintes géographiques. Conformément à la critique du comité d’évaluation, ladite offre aurait omis de prendre en compte l’existence de différents logiciels au sein de l’EUIPO, tels qu’exposés dans les pièces jointes à l’annexe II du cahier des charges. Par ailleurs, à l’instar de la phase de transition en fin de contrat, ladite offre n’aurait pas abordé les risques liés aux contraintes géographiques se présentant durant la phase de transition en début de contrat.

114    À l’instar du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.3.5, du cahier des charges (voir point 101 ci-dessus), le présent critère souffre, certes, d’un manque de clarté et de précision en ce qu’il se résume essentiellement à la question générale de savoir quels seraient les « autres aspects clés » considérés comme essentiels par les soumissionnaires lors de la phase de transition en début de contrat. Toutefois, si les requérantes contestent, dans le cadre de leur exposé figurant dans l’annexe A.14 de la requête, l’absence de précision de ce critère, que l’EUIPO n’aurait pas davantage clarifié en dépit des questions explicites posées au cours de la procédure d’appel d’offres, elles omettent d’avancer un tel argument dans la requête en tant que telle. Dès lors, au regard de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, cette contestation qui ne trouve aucune trace dans le texte de la requête doit être considérée comme irrecevable en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, conformément à la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard.

115    S’agissant du premier argument, soulevé de manière recevable dans la requête elle-même, selon lequel le pouvoir adjudicateur aurait relevé à tort la longueur ainsi que le caractère répétitif de la réponse fournie dans l’offre de la première requérante, l’EUIPO a précisé à l’audience que ce constat « du point de vue formel » impliquait un jugement négatif indiquant que la réponse fournie n’était pas suffisamment concise, claire et spécifique par rapport à la question posée. Or, cette précision fournie seulement en cours d’instance ne saurait modifier la portée de la critique purement formelle, exposée dans le rapport d’évaluation, relative à la longueur et au caractère répétitif de la réponse fournie par la première requérante. De même, il ne ressort ni du cahier des charges ni des motifs du rapport d’évaluation dans quelle mesure un tel jugement serait justifié, la partie introductive de l’annexe 17 du cahier des charges énonçant, au contraire, que la longueur des réponses à chaque question individuelle doit être de une à deux pages, limite formelle que la réponse de la première requérante a respectée en l’espèce. Dès lors, le premier argument doit être accueilli et la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard être écartée.

116    S’agissant du second argument, il suffit de constater que celui-ci est développé, de manière intelligible, exclusivement dans l’annexe A.14 de la requête, de sorte que, conformément à la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, cet argument doit être déclaré irrecevable. Au demeurant, même en tenant compte des arguments exposés dans ladite annexe, ceux-ci ne suffisent pas à fonder le reproche fait à l’EUIPO d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation sur les points en cause.

117    Premièrement, s’agissant de la critique portant sur le « caractère modulable du processus », les requérantes reconnaissent que l’offre de la première requérante ne visait, de manière générale, qu’à « étudier les exigences du système et à adresser à l’[EUIPO] une proposition appropriée concernant les tâches à effectuer durant la phase de transition en début de contrat, sa durée et les efforts à investir », sans que ladite offre tienne compte, dans ce contexte, des différents systèmes informatiques et logiciels applicables au sein de l’EUIPO (voir point 107 ci-dessus).

118    Deuxièmement, c’est de manière davantage générale que les requérantes prétendent avoir couvert l’aspect évolutif du critère en ce que la première requérante aurait proposé de « planifier la phase de transition en début de contrat en fonction des exigences de chacun des systèmes informatiques particuliers », formulation qui ne trouve cependant pas d’écho dans le texte de l’offre de la première requérante.

119    Troisièmement, s’agissant de la critique portant sur le « contrôle des développements en cours » et sur les « déploiements durant les phases de transition », d’une part, les requérantes se bornent à rappeler que l’offre de la première requérante avait proposé, sous l’aspect de la « priorisation des activités », de donner la priorité aux activités de la phase de transition en début de contrat afin de maximiser l’efficacité du processus, de fonder cette priorisation sur l’identification des dépendances du système et de proposer des stratégies appropriées pour surmonter les conflits qui pourraient survenir. D’autre part, sous l’aspect de la « surveillance des activités », les requérantes se limitent à indiquer vouloir établir un système de surveillance efficace assurant une identification précoce des points critiques et des problèmes avant qu’ils ne surviennent afin d’agir en prenant les devants et de maintenir le processus entier sur les rails, notamment à l’aide d’un directeur d’équipe. Or, il n’est pas établi que ces affirmations générales suffisent à remplir les exigences liées au « contrôle des développements en cours » et aux « déploiements durant les phases de transition », telles que mentionnées dans le rapport d’évaluation.

120    Quatrièmement, s’agissant des « contraintes géographiques », les requérantes se contentent de préciser que, de manière générale, l’offre de la première requérante prévoyait, sous le titre « gestion de risques », d’une part, un processus d’identification de risques et de problèmes ainsi que de gestion d’activités, destiné à fournir des solutions et des réparations permanentes, et, d’autre part, la mise en œuvre d’une évaluation d’incidence et l’identification d’un plan de mesures d’urgence destiné à couvrir tout risque et problème pour ainsi garantir la disponibilité des mesures de sauvetage au cas où quelque chose tournerait mal. Toutefois, à l’instar de l’absence, dans l’offre de la première requérante, de prise en compte du « risque géographique » au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.2.4, du cahier des charges (voir point 93 ci-dessus), il ne saurait être reproché au pouvoir adjudicateur d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que ces affirmations générales étaient insuffisantes au regard de l’exigence de couvrir les « contraintes géographiques ».

121    Il résulte des considérations qui précèdent que c’est sans commettre d’erreur manifeste que l’EUIPO a estimé que l’offre de la première requérante ne couvrait pas le « caractère modulable du processus », le « contrôle des développements en cours », les « déploiements durant les phases de transition » ainsi que les « contraintes géographiques » en tant qu’« autres aspects clés » au sens du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.3.10, du cahier des charges.

122    Par conséquent, le troisième grief doit être pour partie accueilli – et la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard être écartée – et pour partie rejeté.

–       Sur le quatrième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.3, du cahier des charges

123    La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.3, du cahier des charges était destinée à permettre au pouvoir adjudicateur de savoir quelles seraient les « tâches/activités clés » que le soumissionnaire proposait pour un « plan de projet lors de la phase de transition en fin de contrat » [phase dite ‘out’] concernant un « système informatique particulier ».

124    Sur ce point, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a constaté ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante :

« La réponse est trop longue. Seulement les derniers 30 % sont pertinents. Le plan devrait être modulable en fonction de la complexité du système (un système simple ne devrait pas requérir les mêmes tâches qu’un système complexe). »

125    Les requérantes se limitent à avancer, dans la requête, que l’EUIPO critique à tort la taille de la réponse donnée dans ladite offre et que celle-ci ne serait pas modulable. L’EUIPO conteste ce grief et conclut à son rejet, car irrecevable ou non fondé.

126    Force est de constater que les requérantes ont contesté cette évaluation de manière suffisamment circonstanciée seulement dans l’annexe A.14 de la requête et non dans le texte de la requête elle-même. Ainsi, au regard de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, cette contestation doit être rejetée comme irrecevable pour non-respect des exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991. En outre, même à supposer établie la recevabilité du présent grief, il y a lieu de souligner que les requérantes ont omis de critiquer, dans ladite annexe, le caractère vague du critère d’attribution en cause (voir point 101 ci-dessus), de sorte que le Tribunal ne saurait soulever la question de sa légalité de sa propre initiative.

127    En outre, dans la mesure où les requérantes relèvent, dans la requête elle-même, que c’est à tort que l’EUIPO a reproché à l’offre de la première requérante d’être trop longue sur ce point, il y a lieu de tenir compte du fait que le pouvoir adjudicateur avait précisé cette critique en estimant que seulement les derniers 30 % du texte de la réponse de la première requérante seraient pertinents au regard de la question posée, notamment au motif que le plan devait être modulable en fonction de la complexité du système. Toutefois, dans la requête, les requérantes ne précisent pas les raisons pour lesquelles elles estiment que cette évaluation serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En outre, eu égard à la motivation susmentionnée, ce passage de l’évaluation n’est pas non plus vicié d’une insuffisance de motivation que le Tribunal serait à même de soulever d’office en tant que moyen d’ordre public.

128    Par conséquent, le présent grief doit être rejeté pour partie comme irrecevable et pour partie comme non fondé.

–       Sur le cinquième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.4, du cahier des charges

129    La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.4, du cahier des charges visait à permettre au pouvoir adjudicateur de savoir quels seraient les « livrables clés » du soumissionnaire « durant la phase de transition en fin de contrat [phase dite ‘out’] concernant un système informatique particulier ».

130    Sur ce point, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a constaté ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante :

« La réponse mentionne trop de livrables pour un seul système (rendant la totalité du projet trop compliquée). Les livrables devraient inclure une validation de la part du prestataire nouveau. »

131    Les requérantes contestent l’évaluation selon laquelle ladite offre comporterait un nombre excessif de prestations non requises par le cahier des charges et des livrables prétendument « non clés ». En outre, l’ancien prestataire et le nouveau contractant n’étant pas liés contractuellement, il incomberait à l’EUIPO de se charger des formalités, telles que la signature et la validation du contrat. Les livrables présentés viseraient les phases de transition pendant lesquelles le contractant devrait transférer sa responsabilité dans un bref laps de temps et durant lesquelles une communication bien ciblée et la production de procès-verbaux rapportant les décisions prises en réunion seraient « clés ». L’EUIPO rétorque, en substance, que la réponse de la première requérante porte également sur des livrables non « clés », tels que les présentations, agendas de réunions et procès-verbaux de réunions, dont elle n’aurait pas expliqué le caractère « clé » lors de la phase de transition. En outre, l’aspect de la validation aurait dû être envisagé, en tant que livrable clé, dans l’offre de la première requérante, indépendamment de la question de savoir qui devait accomplir cette tâche particulière et quel que soit le système sélectionné par elle.

132    À l’instar des critères d’attribution précédents, la question de savoir quels seraient les « livrables clés durant la phase de transition en fin de contrat concernant un système informatique particulier » présente un caractère assez vague et général. Or, même si le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix et dans la détermination des critères d’attribution, il n’en demeure pas moins que le libellé desdits critères doit être suffisamment clair, précis et univoque pour permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de les interpréter de la même manière et mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de les appliquer de manière objective et uniforme en vérifiant si leurs offres correspondent auxdites exigences (voir la jurisprudence citée au point 101 ci-dessus). Toutefois, les requérantes n’invoquent le caractère vague, imprécis ou ambigu de ce critère d’attribution ni dans la requête ni dans l’annexe A.14 de celle-ci, de sorte que le Tribunal ne saurait soulever d’office un grief distinct en ce sens. Elles se bornent à faire valoir que l’offre de la première requérante comportait tous les livrables clés requis et que, partant, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, le contrôle du Tribunal doit se limiter à ce dernier aspect tout en tenant compte du caractère vague et général du critère d’attribution en cause.

133    Le Tribunal estime que c’est à juste titre que les requérantes reprochent à l’EUIPO, dans la requête, d’avoir jugé, de manière manifestement erronée, que l’offre de la première requérante proposait un nombre trop important de livrables non clés. En effet, d’une part, en l’absence de définition de la notion de livrable clé dans le cahier des charges et eu égard au caractère vague et général du critère d’attribution en cause, le pouvoir adjudicateur n’était pas en mesure de distinguer, de manière transparente, contrôlable et plausible, les livrables clés des livrables prétendument « non clés » et non requis par le cahier des charges et, partant, d’attribuer de manière objective et uniforme des points aux différentes offres soumises. D’autre part, selon le point 2.2.4 du cahier des charges, intitulé « Phase de transition en fin de contrat d’un système particulier », qui est manifestement lié au critère d’attribution en cause, le contractant était censé transférer tout logiciel pertinent ainsi que toute documentation mise à jour et tout savoir-faire à une partie tierce ou à l’EUIPO. Or, nonobstant cette exigence, la raison pour laquelle certains des livrables énumérés dans l’offre de la première requérante, dont, notamment, un plan de transition, une documentation mise à jour, y compris concernant différents logiciels, des plans des tests accomplis et de leurs résultats, du matériel de formation, des sessions de formation offertes par l’ancien contractant ainsi qu’un rapport final, ne seraient pas pertinents pour cette phase de transition en fin de contrat ne ressort ni du critère d’attribution en cause ni des motifs avancés dans le rapport d’évaluation. Enfin, il y a lieu de relever que c’est seulement en cours d’instance que l’EUIPO a identifié les aspects prétendument « non clés » dans ladite offre, tels que les présentations, agendas de réunions et procès-verbaux de réunions.

134    Dans ces circonstances, il convient de conclure que, même à la lumière des explications fournies par l’EUIPO en cours d’instance, l’évaluation négative selon laquelle l’offre de la première requérante « mentionn[ait] trop de livrables pour un seul système » est viciée d’une erreur manifeste d’appréciation.

135    Par ailleurs, s’agissant du reproche du pouvoir adjudicateur selon lequel « [l]es livrables devraient inclure une validation de la part du prestataire nouveau », il ressort, certes, du point 2.2.1, premier alinéa, du cahier des charges, auquel l’EUIPO s’est référé à l’audience, que celui-ci exigera du nouveau contractant qu’il reprenne la gestion de ses systèmes informatiques et que l’EUIPO est censé produire un accord spécifique à cet effet exigeant dudit contractant de mettre en œuvre un processus de transfert de savoir-faire entre ce dernier, d’une part, et le contractant précédent et l’EUIPO, d’autre part, afin d’assumer la responsabilité de la maintenance des systèmes informatiques de l’EUIPO.

136    Or, il n’en résulte pas pour autant que le nouveau contractant devient également l’instance de validation au sens du point 2.2.3 du cahier des charges, qui porte le titre « Phase de transition en début de contrat d’un système particulier ». Au contraire, tant au quatrième alinéa dudit point qu’au quatrième alinéa du point 2.2.1 du cahier des charges, il est explicitement affirmé que la « base de savoir-faire doit être validée par l’[EUIPO] avant que le nouveau contractant ne puisse assumer la responsabilité de la maintenance du système donné ». De même, au sixième alinéa du même point, il est expressément indiqué que, « [d]ès que l’[EUIPO] a validé l’acquisition complète par le nouveau contractant du savoir-faire pour un système particulier, le transfert de responsabilité pour ledit système [du] contractant précédent/[de l’][EUIPO] au nouveau contractant peut avoir lieu ».

137    Dans ces conditions, les requérantes sont fondées à faire valoir que la seule instance de validation, en vertu du point 2.2.3 du cahier des charges, était l’EUIPO lui-même et non le nouveau contractant, ce qui concorde parfaitement avec la qualité de l’EUIPO de pouvoir adjudicateur et de maître d’œuvre des projets informatiques faisant l’objet du marché en cause.

138    Dès lors, l’affirmation selon laquelle l’offre de la première requérante aurait dû envisager l’aspect de la validation en tant que livrable clé est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et il n’est pas besoin de se prononcer sur la nature juridique de ladite validation. En outre, dès lors que les éléments de fait pertinents et nécessaires au contrôle de la légalité du Tribunal ressortent, à suffisance de droit, d’une lecture combinée de la requête et de l’offre de la première requérante figurant dans l’annexe A.6 de la requête, la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO doit être écartée en ce qui concerne le présent grief.

139    Par conséquent, le présent grief doit être accueilli dans son intégralité.

–       Sur le sixième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.5, du cahier des charges

140    La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.5, du cahier des charges était destinée à permettre au pouvoir adjudicateur de savoir quelles seraient les « mesures clés permettant de conclure que la phase de transition en fin de contrat [phase dite ‘out’] concernant un système informatique particulier a[vait] été accomplie avec succès ».

141    À ce sujet, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a relevé ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante :

« La réponse est trop longue. Seulement les derniers 25 % sont liés à la question. La réponse n’établit pas de liste de critères permettant d’apprécier le caractère complet de la transition en fin de contrat. Des critères importants font défaut : des tâches planifiées sont clôturées, des risques sont clôturés, le fournisseur de la transition en début de contrat a validé la transition. »

142    Les requérantes contestent essentiellement le fait que la réponse dans ladite offre soit trop longue, que celle-ci n’énumère pas les critères permettant de juger du caractère complet de la transition en fin de contrat et que des critères importants fassent défaut. Selon l’EUIPO, en substance, l’offre de la première requérante a omis de répertorier les critères permettant d’apprécier l’achèvement de la transition en fin de contrat, les soumissionnaires ayant été tenus de fournir des « mesures clés », des valeurs et des chiffres concrets à l’appui pour pouvoir vérifier si cette phase de transition avait bien été exécutée. En effet, l’offre de la première requérante n’aurait décrit que des processus permettant d’obtenir ces chiffres.

143    À titre liminaire, force est de constater que, même si, à l’instar des critères d’attribution précédents, le critère d’attribution en cause manque de clarté et de précision en ce qu’il se limite à faire référence, de manière générale, à des « mesures clés », ni dans la requête ni dans l’annexe A.14 cet aspect n’a fait l’objet d’une contestation expresse et séparée des requérantes, de sorte qu’il ne saurait être soulevé d’office par le Tribunal. Il convient donc d’exercer un contrôle limité à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation à l’aune de chacun des arguments avancés par les requérantes.

144    Premièrement, s’agissant du reproche de la longueur excessive de la réponse de la première requérante, il suffit de relever, conformément à ce qui a été exposé dans le cadre du troisième grief, que l’annexe 17 du cahier des charges indique clairement que la longueur des réponses apportées à chaque question individuelle doit être de une à deux pages et que ladite réponse ne dépasse pas cette limite. À l’instar de ce qui est constaté au point 115 ci-dessus, il y a dès lors lieu de conclure que cette appréciation est viciée d’une erreur manifeste et que la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard doit être rejetée.

145    Deuxièmement, ni le rapport d’évaluation ni l’EUIPO, même à la suite d’une question orale du Tribunal à l’audience, n’ont expliqué, à suffisance de droit, les raisons pour lesquelles le pouvoir adjudicateur estimait que seulement 25 % du texte de la réponse de la première requérante étaient pertinents au regard de la question posée. En tout état de cause, le fait que la dernière partie de ladite réponse, qui correspond à environ un quart du texte, est précédée d’un titre « 3. Évaluation du caractère efficace et complet de la transition en fin de contrat » ne justifiait pas, à lui seul, qu’il soit considéré que les autres parties de cette réponse, exposées sous les titres « 2. Mesures de qualité visant à assurer le succès de la transition en fin de contrat pour le système » et « 2.1 Mesures de qualité clés », n’étaient pas pertinentes à cet effet. En ce que les motifs avancés au soutien de la décision de rejet de l’offre empêchent ainsi tant les requérantes que le Tribunal de juger du bien-fondé de l’évaluation du pouvoir adjudicateur à cet égard, cette évaluation est viciée d’une insuffisance de motivation que le Tribunal est tenu de soulever d’office en tant que moyen d’ordre public (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec, EU:T:2009:163, point 65 et jurisprudence citée) et que l’EUIPO ne saurait plus pallier en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑9/10, EU:T:2013:88, point 27 et jurisprudence citée).

146    Troisièmement, si la prétendue exigence de validation de la transition par le fournisseur de la transition en début de contrat se heurte aux mêmes objections que celles constatées au point 133 ci-dessus, la contestation à ce sujet ne ressort pas même succinctement de la requête, mais uniquement de l’exposé figurant dans l’annexe A.14 de la requête, de sorte que, conformément aux principes jurisprudentiels visés au point 83 ci-dessus, le Tribunal n’est pas en mesure d’en tenir compte et que la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO doit être accueillie sur ce point.

147    Quatrièmement, ainsi que l’EUIPO l’a fait valoir à juste titre en cours d’instance, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le pouvoir adjudicateur a estimé que la réponse de la première requérante « n’établi[ssai]t pas de liste de critères permettant d’apprécier le caractère complet de la transition en fin de contrat », c’est-à-dire l’achèvement avec succès de cette phase en tant que résultat au sens du critère d’attribution en cause exigeant la présentation de « mesures clés permettant de conclure que la phase de transition en fin de contrat concernant un système informatique particulier a[vait] été accomplie avec succès ». En effet, sous le titre « Mesures de qualité clés », ladite réponse décrivait essentiellement des processus différents, tels que le processus de surveillance continu de la performance avec identification des goulots et des remèdes selon un plan détaillé de transition en fin de contrat, une surveillance étroite de la qualité des services et un contrat sur le niveau de services, des audits de qualité fréquents et des examens de qualité, une gestion complète des risques, une allocation efficiente des ressources et un processus de gestion efficace et la préparation de matrices de conformité concernant la qualité. Or, ainsi que les requérantes l’affirment elles-mêmes à l’annexe A.14 de la requête, à la suite d’une question posée par elles quant au sous-critère analogue n° 1.1.1.5 du cahier des charges, concernant la phase de transition en début de contrat, l’EUIPO avait répondu que « [l]es soumissionnaires [étaie]nt priés de décrire les mesures de qualité qu’ils mettr[aie]nt en œuvre en interne afin de garantir un accomplissement avec succès de la phase de transition en début de contrat ». Il s’ensuit que les requérantes avaient bien compris qu’il s’agissait de présenter des mesures clés assurant l’achèvement avec succès de cette phase en tant que résultat et que, dans le rapport d’évaluation, le pouvoir adjudicateur pouvait valablement constater des carences dans l’offre de la première requérante, telles que l’absence de mesures clés visant la clôture des tâches planifiées et des risques.

148    Par conséquent, il y a lieu de rejeter pour partie et d’accueillir pour partie le présent grief, en constatant une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’une insuffisance de motivation s’agissant de la longueur de l’offre de la première requérante.

–       Sur le septième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.3, point 1.3.1.12, du cahier des charges

149    La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.3, point 1.3.1.12, du cahier des charges était destinée à permettre au pouvoir adjudicateur de savoir comment les soumissionnaires entendaient gérer « des développements concurrents dans le cadre des mêmes systèmes » dans l’hypothèse où il leur serait demandé « de maintenir plusieurs remises parallèles ».

150    À ce sujet, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a constaté ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 1.3 du cahier des charges dans son ensemble et du point 1.3.1.12 en particulier :

« En général, les réponses de European Dynamics sont en conformité avec le cahier des charges et les exigences de service et proposent des solutions qui résulteraient en la prestation d’un service jugé entre raisonnable et de qualité élevée. Quelques points faibles ont été identifiés dans le cadre des points suivants :

1.3.1.12 : Aucune mention n’est faite concernant les activités formelles de gestion de configuration ou les rôles, ni concernant la gestion de différentes versions de documentation ou de logiciels. »

151    Les requérantes contestent le fait que l’offre de la première requérante ne mentionne pas d’activités ou de tâches de gestion formelle de la configuration, ni de gestion des versions des documents ou bases de données. À cet égard, il suffit de relever que le présent grief est énoncé de manière extrêmement succincte dans la requête et que sa véritable portée ne peut être saisie qu’en se référant à l’exposé figurant dans l’annexe A.14 de la requête. Dès lors, au regard des principes jurisprudentiels exposés au point 83 ci-dessus, ce grief doit être déclaré irrecevable, conformément à la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO.

152    Par conséquent, conformément à la conclusion de l’EUIPO, il y a lieu de rejeter le septième grief.

–       Sur le huitième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.2.4, du cahier des charges

153    La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.2.4, du cahier des charges visait à permettre au pouvoir adjudicateur de savoir comment les soumissionnaires entendaient résoudre les problèmes liés au caractère éventuellement imprécis, incomplet, ambigu ou contradictoire des exigences posées.

154    À cet égard, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a relevé ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 1.4 du cahier des charges dans son ensemble et du point 1.4.2.4 en particulier :

« En général, les réponses de European Dynamics sont en conformité avec le cahier des charges et les exigences de service et proposent des solutions qui résulteraient en la prestation d’un service jugé entre raisonnable et de qualité élevée. Quelques points faibles ont été identifiés dans le cadre des points suivants :

1.4.2.4 : Le soumissionnaire aurait pu faire la preuve de ce qu’il prenait les devants en proposant de continuer à travailler avec les exigences claires pendant que les exigences non claires étaient en train d’être clarifiées. »

155    Les requérantes font grief à l’EUIPO d’avoir commis une grave erreur en supposant que la première requérante avait indiqué interrompre ses travaux sur tous les sites dans l’attente de clarifications de la part de l’EUIPO sur des exigences mal définies ou erronées. L’EUIPO rétorque que le comité d’évaluation se serait limité à relever que les solutions proposées auraient pu être plus détaillées, par exemple en expliquant leur impact sur l’évolution de l’activité, et conteste avoir supposé que la première requérante « interromprait ses travaux dans l’attente de clarifications », ni le rapport d’évaluation ni le mémoire en défense n’ayant formulé une telle supposition.

156    Il ressort d’une lecture combinée de la requête et de l’annexe A.14 de celle-ci, qui se limite à préciser, de manière recevable, le présent grief sur ce point, que, par ledit grief, les requérantes reprochent à l’EUIPO d’avoir jugé à tort que l’offre de la première requérante indiquait qu’elle s’arrêterait de travailler sur les exigences claires tant que les exigences non claires ne seraient pas clarifiées.

157    À défaut d’explication convaincante contraire de la part de l’EUIPO, même à la suite d’une question orale posée par le Tribunal à l’audience, force est de constater que ce grief procède d’une interprétation correcte de la critique exposée dans le rapport d’évaluation. En effet, l’appréciation négative selon laquelle la première requérante n’aurait pas démontré qu’elle « prenait les devants en proposant de continuer à travailler avec les exigences claires pendant que les exigences non claires étaient en train d’être clarifiées » ne peut être comprise différemment et, de surcroît, omet d’expliquer à quelle partie précise du texte de la réponse de la première requérante elle se réfère. Or, eu égard au contenu de ladite réponse, qui décrit, notamment, un « processus itératif » ou par étapes de clarification aux fins de l’analyse et de la solution des « problèmes liés au caractère éventuellement imprécis, incomplet, ambigu ou contradictoire des exigences », il n’est pas établi que la première requérante n’aurait pas fait la preuve qu’elle « prenait les devants » dans la recherche de solutions aux problèmes.

158    Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard en ce qui concerne notamment le renvoi aux considérations énoncées dans l’annexe A.14 de la requête et de conclure que l’évaluation contestée dans le rapport d’évaluation est viciée d’une erreur manifeste d’appréciation.

159    Par conséquent, le présent grief doit être accueilli.

–       Sur le neuvième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.4.10, du cahier des charges

160    La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.4.10, du cahier des charges visait à permettre au pouvoir adjudicateur d’obtenir des informations sur la manière dont les soumissionnaires entendaient s’assurer que la mise en œuvre du système serait fiable et robuste.

161    À cet égard, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a constaté, quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.4.10, du cahier des charges, notamment, ce qui suit :

« Il aurait fallu mentionner la couverture et la traçabilité des essais, le code source et la qualité de conception, la tolérance aux pannes et le contrôle du système. »

162    Les requérantes contestent le fait que l’offre de la première requérante n’aurait pas proposé d’essais et de traçabilité des essais, de code source et de qualité de conception, de tolérance aux pannes et de contrôle du système. À cet égard, l’EUIPO aurait méconnu les définitions mêmes de l’essai fonctionnel et du test unitaire. En effet, la traçabilité et la couverture seraient deux processus bien connus de l’essai fonctionnel, tel que proposé dans cette offre, ledit essai devant être compris comme comprenant la planification de l’essai, le morcellement – la décomposition fonctionnelle, la définition/vérification des exigences, la conception des essais, la traçabilité (matrice de traçabilité), la mise en œuvre des essais, la gestion des défaillances et l’analyse de couverture. Il en irait de même du « code source et [de] la qualité de conception », qui feraient partie du test unitaire, également proposé par la première requérante. Le contrôle du système, qui constituerait un élément différent, serait décrit dans son offre. En outre, la partie de cette offre concernant la tolérance aux pannes serait claire, conforme aux bonnes pratiques à l’échelle internationale et parfaitement illustrée par un exemple pratique.

163    Selon l’EUIPO, en substance, les requérantes omettent de démontrer où, dans l’offre de la première requérante, il était précisé que les essais et la traçabilité des essais faisaient partie des essais fonctionnels proposés et que le code source et la qualité de conception faisaient partie des essais individuels proposés. En outre, ladite offre aurait proposé d’utiliser une « tolérance aux pannes de système » sans toutefois en expliquer les mécanismes. L’« exemple pratique » indiqué ne fournirait aucune information supplémentaire à ce sujet. Concernant le contrôle du système, la première requérante n’aurait pas répondu à la question qui lui avait été posée pour obtenir une solution permettant de « garantir la fiabilité et la robustesse de la mise en œuvre du système », ce qui aurait exigé de traiter des questions liées à la « construction » ou à la « création » du système. Or, le « contrôle des logiciels » proposé se serait rapporté à une phase postérieure à la mise en œuvre et n’aurait donc pas abordé le sujet, de sorte que l’EUIPO l’aurait pénalisé pour un manquement.

164    Il ressort d’une lecture combinée de la contestation détaillée exposée dans la requête, telle que précisée, de manière recevable, dans l’annexe A.14, ainsi que de l’offre de la première requérante que celle-ci couvrait effectivement les critères de tolérance aux pannes et de contrôle du système, de sorte que le reproche contraire figurant dans le rapport d’évaluation, selon lequel « [i]l aurait fallu mentionner [...] la tolérance aux pannes et le contrôle du système », est manifestement erroné en fait.

165    À cet égard, les arguments invoqués par l’EUIPO dans ses écrits et à l’audience selon lesquels, d’une part, l’offre de la première requérante aurait dû expliquer les mécanismes ou le fonctionnement dans la pratique de la « tolérance aux pannes de système » proposée et, d’autre part, s’agissant du contrôle du système, elle n’aurait notamment pas traité des questions liées à la « construction » ou à la « création » du système constituent des compléments de motivation avancés en cours d’instance qui ne sauraient ni compléter un rapport d’évaluation lacunaire sur ces points ni modifier l’interprétation du critère d’attribution en cause d’une manière qui ne ressorte manifestement pas du cahier des charges.

166    Dès lors, le Tribunal ne peut tenir compte de ces arguments. Partant, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard en ce qui concerne notamment le renvoi aux considérations énoncées dans l’annexe A.14 de la requête et de conclure que le rapport d’évaluation est vicié d’une erreur manifeste d’appréciation sur ce point.

167    En revanche, en ce qui concerne le grief par lequel les requérantes reprochent à l’EUIPO d’avoir omis de mentionner la couverture et la traçabilité des essais, il y a lieu de constater, à l’instar de l’EUIPO, que l’offre de la première requérante ne visait pas expressément ces éléments, ce que les requérantes semblent reconnaître elles-mêmes en se référant, dans leurs écrits, à une définition assez détaillée de l’essai fonctionnel et du test unitaire exposée sur le site Internet de « Wikipedia ». Toutefois, si ces derniers éléments se trouvaient brièvement mentionnés dans l’offre de la première requérante, ladite définition n’y figurait pas. Il est dès lors impossible de reprocher à l’EUIPO d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en n’ayant pas compris que cette définition était censée faire partie intégrante de ladite offre et couvrir les éléments en cause. Il en va de même des éléments « code source » et « qualité de conception », non mentionnés dans l’offre de la première requérante, dont les requérantes prétendent qu’ils seraient inclus dans la définition du test unitaire. Partant, à ce sujet, le grief des requérantes ne saurait prospérer.

168    Il y a lieu de conclure des considérations qui précèdent que le neuvième grief doit être pour partie accueilli et pour partie rejeté.

–       Sur le dixième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.4.12, du cahier des charges

169    La question soulevée au titre du critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.4.12, du cahier des charges devait permettre au pouvoir adjudicateur de savoir comment les soumissionnaires entendaient s’assurer que la mise en œuvre du système fût portable.

170    À cet égard, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a relevé, quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.4.12, du cahier des charges, notamment, ce qui suit :

« La réponse aurait dû mentionner les représentations de données (XML/UTF-8), les navigateurs web et la portabilité des bases de données. »

171    Les requérantes contestent le fait que l’offre de la première requérante ait dû mentionner, premièrement, des représentations de données en « XML/UTF-8 », alors que celles-ci concernaient une autre section de son offre, deuxièmement, les « navigateurs web », interprétant ainsi de manière erronée l’exigence du cahier des charges concernant la « portabilité transfrontalière », et, troisièmement, la portabilité de la base de données, ce qui ne tiendrait pas compte du fait que ladite offre définissait en détail la conception de la couche ou la base de données à trois niveaux. À cet égard, l’EUIPO aurait évité de s’exprimer sur les arguments avancés par les requérantes selon lesquels, premièrement, le comité d’évaluation avait méconnu ses propres précisions nos 127 et 174, indiquant que « portable » signifiait « pouvant être déployé dans de multiples architectures », deuxièmement, ledit comité avait confondu l’expression « navigateur web » avec la « portabilité transfrontalière », telle qu’exigée par le cahier des charges, troisièmement, la portabilité des bases de données était couverte par l’offre de la première requérante ayant expliqué que « la couche de données serait dissociée de la logique commerciale et des couches de présentation ».

172    Selon l’EUIPO, l’offre de la première requérante n’a pas abordé les questions informatiques demandées, telles que la portabilité des « navigateurs web », la portabilité des bases de données ou le traitement des jeux de caractères. En effet, le fait de découpler couches données, logique métier et présentation ne signifierait pas que la portabilité de la base de données serait automatiquement garantie en raison de ce découplage.

173    Si le présent grief, tel qu’il ressort d’une lecture combinée de la requête et de son annexe A.14, doit être déclaré recevable dans son intégralité et la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO écartée à cet égard, il ne saurait toutefois prospérer sur le fond.

174    En effet, quand bien même le critère d’attribution en cause omet de définir la notion correspondant au terme « portable », les requérantes reconnaissent que le pouvoir adjudicateur avait clarifié cette notion, au cours de la procédure d’appel d’offres, en ce sens qu’elle signifiait « pouvant être déployé dans de multiples architectures ». Toutefois, les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que l’offre de la première requérante avait satisfait à cette exigence. Ainsi, sous le titre « 2. Assurant la portabilité », cette offre part d’une compréhension plus restreinte de la notion de « portabilité » en affirmant que celle-ci « est principalement acquise en s’assurant que les technologies adoptées aux fins de la mise en œuvre d’un système soient dissociées des systèmes d’exploitation, des équipements informatiques et des fournisseurs spécifiques de logiciels ». Il en est de même de la référence au « multi-tier design » qui vise à dissocier « la couche de données de la logique commerciale et des couches de présentation », sans se référer expressément à un « déploiement dans de multiples architectures ». Or, ainsi que l’a avancé l’EUIPO à l’audience en réponse à une question orale du Tribunal, le « multi-tier design », qui se limite à couvrir l’aspect du découplage, n’est pas suffisant pour garantir la portabilité des bases de données d’une plateforme à une autre au sens de la définition susmentionnée. Enfin, ce n’est que dans la dernière partie de l’offre de la première requérante que la portabilité entre différentes plateformes est brièvement abordée.

175    Les requérantes n’étayent pas non plus suffisamment le fait que les aspects prétendument manquants, tels qu’identifiés dans le rapport d’évaluation, seraient néanmoins couverts par l’offre de la première requérante. Or, en l’absence de contestation explicite du caractère suffisamment clair et précis du critère d’attribution en cause, il ne saurait être reproché au pouvoir adjudicateur d’avoir commis une erreur manifeste en tenant compte de ces aspects. Dans ce contexte, n’est pas compréhensible l’argument des requérantes selon lequel la critique évoquée dans le rapport d’évaluation concernant les « représentations de données (XML/UTF-8) » concernerait une autre section de l’offre de la première requérante. À cet égard, à la suite de questions orales posées aux parties à l’audience, l’EUIPO a confirmé que le logiciel « XML/UTF-8 », dont ladite offre n’aurait pas tenu compte, assurait la portabilité des bases de données d’une plateforme à une autre et que la référence au « multi-tier design » visant le seul aspect du découplage n’était pas suffisante à cet effet. Il en est de même du sous-critère de portabilité des « navigateurs web », dont les requérantes soutiennent, sans fournir d’explication convaincante à cet égard, que l’EUIPO l’aurait confondu avec celui de la « portabilité transfrontalière ». En tout état de cause, l’offre de la première requérante ne visait pas expressément la portabilité des « navigateurs web », mais énonçait, de manière générale, la « portabilité des codes sources à travers les réseaux, les ordinateurs, les systèmes d’exploitation, les logiciels médiateurs, et les autres composants de technologie de base », et en particulier la « portabilité de systèmes d’exploitation » et la « portabilité entre plateformes ». Enfin, les requérantes n’ont pas été en mesure d’expliquer de manière convaincante que la « portabilité des bases de données », prétendument manquante dans ladite offre, serait comprise dans la définition de la conception de la couche ou base de données à trois niveaux. Au contraire, au regard de la réponse que l’EUIPO avait donnée à la question n° 127 posée par la première requérante durant la procédure d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur pouvait raisonnablement considérer que l’aspect de la « portabilité des bases de données » aurait pu être davantage développé dans l’offre de la première requérante.

176    Dans ces circonstances, faute de contestation du caractère imprécis et vague du critère d’attribution en cause, il y a lieu de conclure que l’EUIPO n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et que le dixième grief doit être rejeté dans sa totalité.

–       Sur le onzième grief, concernant le critère n° 1, sous-critères nos 1.5 et 1.6, du cahier des charges

177    S’agissant du critère n° 1, sous-critères nos 1.5 et 1.6, du cahier des charges, les requérantes se limitent à critiquer l’absence d’indication portant sur la question de savoir si le pouvoir adjudicateur avait attribué à l’offre de la première requérante le nombre maximal de points pour ces sous-critères et quelles étaient les notes que les autres soumissionnaires avaient obtenues à ce titre. L’EUIPO rétorque avoir fourni toutes les informations nécessaires dans ses lettres des 26 août et 15 septembre 2011 et ne pas être obligé de communiquer les notes obtenues pour chacun des sous-critères.

178    À cet égard, il suffit de constater que, en réalité, les requérantes reprochent ici à l’EUIPO un manque de motivation suffisante de la décision de rejet de l’offre plutôt qu’une erreur manifeste d’appréciation, ce que les requérantes ont reconnu à l’audience.

179    Dès lors, il y a lieu de rejeter ce grief sur le fond et, dans la mesure où il viserait un vice de forme, de l’apprécier dans le contexte du premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation (voir point 256 ci-après).

–       Sur le douzième grief concernant le critère n° 2 du cahier des charges

180    Le critère n° 2, intitulé « Projet commercial », prévoyait que le contrat en cause visait à mettre en œuvre un paquet de logiciels paneuropéen, désigné « paquet de logiciels », devant être déployé dans dix à quinze offices nationaux de la propriété intellectuelle ainsi qu’à l’EUIPO. En outre, il y était indiqué, notamment, que, en vue de garantir la cohérence et l’harmonisation durant le développement et les opérations, chacune des solutions exigeait un effort commun de l’EUIPO, des offices nationaux participants et des représentants des utilisateurs sous le contrôle d’un gestionnaire de projet émanant de l’EUIPO. Enfin, il y était précisé que, en cas de besoin, les offices nationaux pouvaient se voir impliqués dans la spécification et la sélection des composantes du paquet ainsi que dans les essais pratiqués sur ces composantes.

181    À cet égard, le rapport d’évaluation a exposé, notamment, ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 2 :

« La qualité d’ensemble de l’étude du projet commercial est très bonne.

Le soumissionnaire a développé dans son étude toutes les sections exigées du projet commercial. Toutefois, le soumissionnaire n’a pas fourni de rôle détaillé du gestionnaire de programme, après avoir défini le niveau correspondant et avoir précisé les rôles du gestionnaire de projet et du gestionnaire technique.

Aucune mention portant sur le transfert de savoir-faire aux offices nationaux n’a été faite.

L’architecture proposée est en conformité avec le SOA [service-oriented architecture] et pourrait se combiner avec l’objectif de diversification et avec le bénéfice du vendeur, mais le cadre central spécifique devrait être envisagé, notamment en raison du transfert de savoir-faire aux offices nationaux. Un niveau d’authentification n’a pas été prévu dans la conception de l’architecture.

[…]

S’agissant de l’étude portant sur les activités de formation, le soumissionnaire a omis de prévoir un cadre de formation, y compris un environnement de formation. »

182    Les requérantes contestent le fait que l’offre de la première requérante n’ait pas présenté en détail la mission du gestionnaire de programme. À cet égard, l’EUIPO aurait introduit de nouveaux critères non visés par le cahier des charges, dont l’exigence de transfert du savoir-faire aux offices nationaux. En outre, il n’aurait ni compris la solution technique proposée par la première requérante, notamment, sur l’authentification, ni tenu compte du fait que celle-ci avait proposé une politique de formation. Par ailleurs, le point 2.5.4 du cahier des charges se bornerait à exiger du contractant que, grâce à son expertise, il aide les fournisseurs spécialisés de l’EUIPO et l’équipe de ce dernier chargée de l’installation. Selon la définition du travail devant être fourni par les soumissionnaires, telle que retenue dans le cahier des charges, le seul paramètre à prendre en considération aurait été que, « en cas de besoin, les offices nationaux [auraient pu] se voir impliqués dans la spécification et dans la sélection des composantes du paquet ainsi que dans les essais pratiqués sur ces composantes ». Enfin, le cahier des charges se serait limité à expliquer que la portée était une solution simple, mais extensible, et que certains des offices nationaux – ne disposant pas d’une infrastructure suffisante – pourraient utiliser le service par le biais de l’Internet.

183    Selon l’EUIPO, l’offre de la première requérante a omis de se prononcer sur les tâches et sur les missions du gestionnaire de programme qu’il aurait fallu proposer. En outre, les requérantes feraient valoir à tort que le cahier des charges ne prévoyait pas de transfert de savoir-faire aux offices nationaux, le projet commercial au titre du critère n° 2 ayant porté sur la mise en œuvre et sur le déploiement d’un progiciel dans dix à quinze offices nationaux de la propriété intellectuelle. De surcroît, le point 2.5.4 du cahier des charges concernant l’« [a]ide aux essais et à l’installation » aurait invité les soumissionnaires à « apporter une assistance par leur expertise des logiciels développés ». L’EUIPO estime, en substance, que cette exigence générale joue également dans le présent contexte de la fourniture des services en cause aux offices nationaux, dans lesquels les nouveaux logiciels devront être déployés.

184    Dans la requête, les requérantes avancent essentiellement quatre sous-griefs distincts concernant le critère n° 2, qui sont liés, premièrement, à l’absence de présentation détaillée de la mission du gestionnaire de programme, deuxièmement, à la prétendue exigence de transfert du savoir-faire aux offices nationaux, troisièmement, à l’absence de compréhension de la solution technique proposée, notamment, sur l’authentification et, quatrièmement, à la présentation d’une politique de formation. Toutefois, le troisième de ces sous-griefs n’est exposé en détail et de manière intelligible que dans l’annexe A.14 de la requête. Il s’ensuit que le troisième sous-grief doit être rejeté d’emblée comme irrecevable, conformément à la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard.

185    S’agissant du premier sous-grief, le pouvoir adjudicateur reproche à l’offre de la première requérante de ne pas avoir présenté en détail la mission du gestionnaire de programme, à l’instar de ce qu’elle a fait pour les rôles respectifs de gestionnaire de projet et de gestionnaire technique. Or, il suffit de se référer à l’annexe C.2 de la réplique pour constater que cette critique du pouvoir adjudicateur est manifestement fondée, de sorte qu’il n’est pas besoin de se prononcer sur la recevabilité du dépôt tardif de cette annexe par les requérantes. En effet, le gestionnaire de programme n’y est mentionné que brièvement en tant que partie intégrante de l’organisation du projet, sans que soit ensuite décrite en détail sa mission, ce qui a pourtant été fait pour le directoire du projet, le gestionnaire de projet et le gestionnaire technique. Dès lors, ce premier sous-grief doit être rejeté comme non fondé.

186    En ce qui concerne le deuxième sous-grief visant le transfert de savoir-faire aux offices nationaux, d’une part, il y a lieu de relever que celui-ci est suffisamment développé dans la requête elle-même, de sorte que la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard en ce qui concerne notamment le renvoi aux considérations énoncées dans l’annexe A.14 de la requête ne saurait être accueillie. D’autre part, force est de constater que, comme le font valoir les requérantes, cette exigence de transfert de savoir-faire ne ressort pas clairement du cahier des charges, qui n’énonce que l’objectif visant à mettre en œuvre un paquet de logiciels paneuropéen, désigné « paquet de logiciels », devant être déployé dans dix à quinze offices nationaux de la propriété intellectuelle et à l’EUIPO ainsi que la nécessité éventuelle d’impliquer les offices nationaux dans la spécification et la sélection des composantes du paquet et dans les essais pratiqués sur ces composantes. À cet égard, ne peut prospérer la tentative de l’EUIPO, faite en cours d’instance, d’interpréter le critère n° 2 de manière large sur ce point, au regard du point 2.5.4 du cahier des charges, sous le titre « Aide aux essais et à l’installation », selon lequel le contractant est censé apporter au fournisseur spécialisé dans le contrôle de qualité des logiciels et à l’équipe d’installation de l’EUIPO son assistance par son expertise des logiciels développés. En effet, cette obligation générale d’assistance à l’égard de l’EUIPO ne saurait être comprise en ce sens qu’elle exigerait un transfert spécifique de savoir-faire à l’égard des différents offices nationaux, non parties au contrat conclu entre l’EUIPO et l’adjudicataire. Dès lors, il y a lieu de conclure que l’EUIPO a commis une erreur manifeste d’appréciation sur ce point et que le deuxième sous-grief doit être accueilli.

187    Concernant le quatrième sous-grief lié à la politique de formation, il ressort, certes, de l’annexe C.2 de la réplique ainsi que de l’annexe A.14 de la requête que l’offre de la première requérante a prévu un titre spécifique portant sur la formation. Cependant, eu égard au caractère succinct de l’exposé figurant sous ce titre, il ne saurait être reproché au pouvoir adjudicateur d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la première requérante avait omis de prévoir un cadre de formation, y compris un environnement de formation. De surcroît, ce sous-grief repose presque exclusivement sur des considérations qui ont été développées, de manière irrecevable, dans l’annexe A.14 de la requête et est seulement étayé par l’annexe C.2, qui a été déposée conjointement avec la réplique et, donc, de manière tardive, mais sans justification au sens de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991. Par conséquent, la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard doit être accueillie et le quatrième sous-grief être rejeté.

188    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent grief doit être pour partie accueilli (deuxième sous-grief) et pour partie rejeté (premier, troisième et quatrième sous-griefs).

–       Sur le treizième grief, concernant le critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.1.2, du cahier des charges

189    Aux termes de la question soulevée au titre du critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.1.2, du cahier des charges, les soumissionnaires étaient invités à décrire les points principaux de leur système de gestion de la clientèle.

190    Sur ce point, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a relevé notamment ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 3 du cahier des charges, en général, et du point 3.1.1.2, en particulier :

« En général, les réponses de European Dynamics sont en conformité avec le cahier des charges. Quelques points faibles ont été identifiés dans le cadre des points suivants :

3.1.1.2 : L’organisation proposée ne vise pas spécifiquement les niveaux tactiques ou opérationnels. Un plan de communication n’est pas clairement défini. Il ne suit pas la méthode de gouvernance standard. »

191    Selon les requérantes, dans ce contexte, le pouvoir adjudicateur s’est appuyé sur de nouveaux sous-critères d’attribution non prévus par le cahier des charges. Elles contestent le fait que l’offre de la première requérante n’ait pas abordé spécifiquement les niveaux tactiques ou opérationnels. Ladite offre aurait également décrit un système de communication efficace dans le cadre de la gestion de la clientèle, alors que le cahier des charges n’aurait exigé qu’une méthodologie générale de gestion de la clientèle et non un « plan de communication ». En outre, l’EUIPO n’aurait ni démontré que le cahier des charges exigeait une « méthode de gouvernance standard », prétendument non appliquée par la première requérante, ni précisé son contenu, ni expliqué dans quelle mesure son offre n’était pas conforme à cette nouvelle exigence.

192    L’EUIPO rétorque que l’observation portant sur l’absence de méthode de gouvernance standard n’avait pas pour but d’affirmer que l’offre de la première requérante aurait dû utiliser cette méthode, mais que certains aspects essentiels de cette méthodologie couramment employée par l’EUIPO « n’avaient pas été traités, parce que l’offre aurait pu être davantage spécifique ». Ainsi, les requérantes auraient affirmé avoir abordé les « niveaux tactique et opérationnel » à la « section 6 » alors que ce document n’existerait pas. Un autre exemple de l’incongruité de la réponse de la première requérante aurait été celle relative à l’« organisation des relations fournisseur-client », dans laquelle elle aurait affirmé désigner un gestionnaire de compte pour répondre aux demandes du client et aurait recensé une série d’activités devant être confiées à ce gestionnaire à cet effet, dont l’« organisation de réunions » ou le fait de « s’assurer du respect des exigences en matière de niveaux de service ». De surcroît, alors que la première requérante aurait affirmé elle-même que la communication était cruciale aux fins d’une bonne relation avec la clientèle, elle aurait omis de présenter un plan de communication, ce que le comité d’évaluation aurait donc relevé à juste titre.

193    Force est de constater que le présent critère d’attribution, selon lequel les soumissionnaires sont invités à décrire les « points principaux » de leur système de gestion de la clientèle, est particulièrement vague et donc inapte à permettre aux soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de l’interpréter de la même manière et au pouvoir adjudicateur de procéder à une évaluation comparative objective et transparente des différentes offres soumises (voir la jurisprudence visée au point 101 ci-dessus). À l’instar de ce qu’avancent les requérantes, il s’ensuit que les sous-critères énumérés a posteriori dans le rapport d’évaluation, à savoir les niveaux tactiques ou opérationnels, la définition d’un plan de communication et la méthode de gouvernance standard, ne trouvent pas de fondement suffisamment clair, précis et univoque dans le libellé dudit critère d’attribution. Toutefois, une telle approche est manifestement contraire à la jurisprudence constante ayant jugé que, pour garantir le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence, il importe que tous les éléments pris en considération par le pouvoir adjudicateur pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse et si possible leur importance relative soient connus des soumissionnaires potentiels au moment de la préparation de leurs offres et que, partant, un pouvoir adjudicateur ne saurait appliquer, pour les critères d’attribution, des sous-critères qu’il n’a pas préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêts du 24 janvier 2008, Lianakis e.a., C‑532/06, Rec, EU:C:2008:40, points 36 à 38, et du 21 juillet 2011, Evropaïki Dynamiki/EMSA, C‑252/10 P, EU:C:2011:512, points 30 et 31). Dès lors, l’argumentation développée à ce sujet par l’EUIPO en cours d’instance, qui vise à réinterpréter le critère d’attribution en cause ainsi qu’à justifier ex post l’appréciation exposée dans le rapport d’évaluation au regard de la signification ainsi attribuée audit critère, ne peut être admise et doit donc être rejetée. Il s’ensuit que le pouvoir adjudicateur n’était pas en droit de fonder l’évaluation négative exposée dans le rapport d’évaluation sur le critère d’attribution en cause.

194    Ne fût-ce que pour ces raisons, il y a lieu de constater l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation et d’accueillir le présent grief, qui est exposé de manière suffisamment détaillée dans le texte de la requête elle-même. Il s’ensuit en outre que la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard en ce qui concerne notamment le renvoi aux considérations énoncées dans l’annexe A.14 de la requête doit être rejetée et qu’il n’est pas besoin d’apprécier si l’offre de la première requérante couvrait ou non les aspects prétendument manquants, tels que l’existence d’un plan de communication.

–       Sur le quatorzième grief, concernant le critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.2.2, du cahier des charges

195    La question soulevée au titre du critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.2.2, du cahier des charges invitait les soumissionnaires à décrire, dans leur offre (particulière), les informations supplémentaires qu’ils entendaient fournir par rapport aux informations minimales définies dans le cahier des charges.

196    À ce sujet, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a constaté, quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 3, point 3.1.2.2, du cahier des charges, notamment, ce qui suit :

« Si les informations exposées dans l’offre particulière contiennent quelques chapitres importants, tels que le modèle de travail, les exigences fonctionnelles et les alternatives, elles ne couvrent pas d’autres aspects importants que d’autres soumissionnaires ont inclus dans leur offre et qui sont essentiels pour l’adoption d’une décision correcte, à savoir la stratégie d’exécution, l’impact dans d’autres applications, les exigences techniques (pas seulement celles de sécurité) et les hypothèses (portée entrée/sortie). La technique d’estimation est fondée sur un instrument d’entreprise. »

197    Les requérantes contestent le fait que l’offre de la première requérante ait omis de présenter des points essentiels pour que soit prise une décision, tels que la stratégie d’exécution, l’impact dans d’autres applications, les exigences techniques (pas seulement celles portant sur la sécurité) et les hypothèses (portée entrée-sortie). Ce serait également à tort que l’EUIPO aurait critiqué cette offre, qui, selon lui, avait proposé d’utiliser un instrument de l’entreprise pour réaliser des estimations de l’effort, sans tenir compte du fait que ledit instrument concernait la gestion du marché et non l’estimation qui est fondée sur des méthodes standard (FPA et USPA). L’EUIPO se limite à rétorquer que l’offre de la première requérante ne comportait ni la « stratégie d’exécution » ni l’« impact sur d’autres applications », comme exigé par le point 3.1.2.2 du cahier des charges.

198    À l’instar du critère précédent, le présent critère d’attribution, en tant qu’il repose sur la demande d’« informations supplémentaires », est particulièrement vague et donc inapte à permettre aux soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de l’interpréter de la même manière et au pouvoir adjudicateur de procéder à une évaluation comparative objective et transparente des différentes offres soumises (voir la jurisprudence visée au point 101 ci-dessus). De fait, la question exposée au point 195 ci-dessus invite les soumissionnaires à définir des éléments qui sont seulement potentiellement pertinents pour cette évaluation et dont la pertinence éventuelle ne pourra être constatée par le pouvoir adjudicateur qu’a posteriori, à savoir dans le cadre de l’évaluation comparative de l’ensemble des offres soumises. Ainsi, les informations prétendument manquantes dans l’offre de la première requérante reposent sur des exigences, dont la stratégie d’exécution et l’impact sur d’autres applications, qui ne découlent pas avec suffisamment de précision du libellé et du contexte dudit critère d’attribution, alors même que le pouvoir adjudicateur les a qualifiées, dans le rapport d’évaluation, d’« aspects importants », voire « essentiels pour l’adoption d’une décision correcte ». Le fait que, à cet égard, le rapport d’évaluation repose sur une détermination a posteriori de la portée du critère d’attribution en cause est d’ailleurs confirmé par la référence au contenu des offres d’autres soumissionnaires formulée comme suit : « aspects importants que d’autres soumissionnaires ont inclus dans leur offre ».

199    Cependant, force est de constater que, tant dans la requête que dans l’annexe A.14 de celle-ci, les requérantes ont omis de soulever ce caractère vague dudit critère d’attribution, mais se sont limitées à avancer que l’offre de la première requérante aurait satisfait aux différentes exigences visées dans le rapport d’évaluation. De surcroît, l’essentiel des arguments à l’appui de cette contestation qui la rendent compréhensible ne se trouve exposé, sur deux pages, que dans l’annexe A.14 de la requête, alors que la requête reste très succincte sur ces points.

200    Dès lors, conformément aux principes jurisprudentiels visés au point 83 ci-dessus, il y a lieu de rejeter le treizième grief comme irrecevable dans sa totalité, conformément à la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard, sans qu’il soit besoin d’apprécier le bien-fondé des différents sous-griefs soulevés par les requérantes.

–       Sur le quinzième grief, concernant le critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.4.2, du cahier des charges

201    La question soulevée au titre du critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.4.2, du cahier des charges devait permettre au pouvoir adjudicateur de connaître la manière dont les soumissionnaires entendaient gérer la communication sur le plan opérationnel concernant la totalité des services à fournir entre les ressources sur site, d’une part, et les ressources hors site/proches du site, d’autre part.

202    Sur ce point, l’extrait pertinent du rapport d’évaluation a constaté, quant à la qualité technique de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 3, point 3.1.4.2, du cahier des charges, notamment, ce qui suit :

« Le soumissionnaire propose une stratégie de communication qui ne couvre que la maintenance corrective. »

203    Les requérantes contestent le fait que l’offre de la première requérante ait proposé une stratégie de communication concernant uniquement la maintenance corrective, cette offre couvrant également des services d’assistance, une maintenance préventive ainsi que des activités de test et de déploiement. En effet, en vertu du point 3.1.4.2 du cahier des charges, visant la fourniture d’un service d’assistance en ligne, les soumissionnaires auraient été invités à couvrir les aspects portant sur la communication afin de montrer le fonctionnement du service d’assistance et non d’analyser tous les types de maintenance des logiciels.

204    L’EUIPO rétorque essentiellement que le comité d’évaluation a utilisé le mot « correctif » non pour signaler que l’offre de la première requérante ne comportait pas de mesures de maintenance préventive, mais pour souligner le fait qu’elle ne concernait que la correction et n’abordait pas le second volet de la maintenance logicielle, à savoir l’« amélioration ». Conformément à la norme « ISO 14764:2006 », relative à la maintenance logicielle, qui avait inspiré l’objet de la procédure d’appel d’offres, l’amélioration aurait cependant fait partie intégrante de la maintenance logicielle, de sorte que les soumissionnaires étaient invités à aborder cette question sous ce point, ce que la première requérante n’aurait pas fait.

205    À l’instar des considérations exposées dans le cadre du quatorzième grief, même si le critère d’attribution en cause présente un caractère vague, les requérantes ont omis de contester cet aspect et se limitent à invoquer, certes, de manière suffisamment intelligible dans le texte de la requête elle-même, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Il convient donc d’apprécier si l’évaluation selon laquelle l’offre de la première requérante aurait proposé « une stratégie de communication qui ne couvre que la maintenance corrective » était ou non entachée d’une telle erreur manifeste.

206    À cet égard, les requérantes avancent à bon droit que les services proposés dans l’offre de la première requérante couvraient des liens de communication concernant, d’une part, en général, le développement et la maintenance des systèmes informatiques de l’EUIPO et, d’autre part, en particulier, des services d’assistance et de maintenance préventive ainsi que des activités de soutien des utilisateurs, de test et de déploiement et que, partant, lesdits liens ne concernaient pas exclusivement la « maintenance corrective », comme cela est indiqué dans le rapport d’évaluation. Dans ce contexte, les explications fournies par l’EUIPO en cours d’instance, y compris à l’audience, surtout en ce qu’elles se fondent sur le critère de l’« amélioration » et sur la norme « ISO 14764:2006 », relative à la maintenance logicielle, qui aurait inspiré l’objet de la procédure d’appel d’offres, ne peuvent être retenues. En effet, lesdites explications non seulement reposent sur une lecture extensive et ex post du critère d’attribution en cause en dévoilant des sous-critères qui n’y sont pas prévus expressément, mais constituent aussi des compléments de justification, qui ne sauraient être admis, par rapport à l’appréciation lacunaire exposée dans le rapport d’évaluation.

207    Par conséquent, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir opposée en défense par l’EUIPO à cet égard en ce qui concerne notamment le renvoi aux considérations énoncées dans l’annexe A.14 de la requête, de constater que l’EUIPO a commis une erreur manifeste d’appréciation sur ce point et d’accueillir le présent grief.

 Sur les deuxième à quatrième branches du deuxième moyen, tirées d’erreurs manifestes d’appréciation qui auraient été commises dans le cadre de l’évaluation de la qualité financière de l’offre de la première requérante, d’une violation du critère de l’offre économiquement la plus avantageuse et d’une modification de l’objet du marché

–       Rappel du contenu pertinent du cahier des charges

208    Il convient de rappeler les points 13.4 et 13.5 du cahier des charges, régissant les critères applicables en matière d’évaluation financière et d’attribution qui se trouvent détaillés dans le « Standard Reply Form » (SRF, formulaire de réponse type) de l’annexe 18 dudit cahier. Il ressort d’une lecture combinée de ces points et de ladite annexe que les prix offerts devaient être calculés en euros, hors taxes et de manière forfaitaire. Le prix le plus bas était censé obtenir un indicateur de prix de 100 points, tandis que les autres offres devaient obtenir des indicateurs de prix moins élevés, proportionnellement à leurs prix. Il y était indiqué en outre que l’offre de base devait être déterminée sur le fondement de deux critères financiers avec une pondération de 70-30, à savoir, d’une part, des prix d’unité fondés sur une hypothèse de travail (70 points) (critère n° 1) et, d’autre part, l’efficacité dans la mise en œuvre de la fonctionnalité (30 points) (critère n° 2). Enfin, dans le cadre de l’évaluation finale aux fins de l’attribution du marché, il était prévu que tant le prix que la qualité technique soient pondérés à égalité (50-50 %) et que le score final soit calculé à l’aide de la formule suivante : « (nombre de points techniques * 50 %) + (nombre de points financiers * 50 %) ».

209    En outre, s’agissant du critère n° 1, le cahier des charges prévoyait que tout prix devait être indiqué sur la base du « taux jour-personne » et de l’hypothèse de travail et non sur la base de prix unitaires réels, ce qui visait à garantir que les soumissionnaires indiquent un prix unitaire facturé par journée pour un homme qui repose exclusivement sur la grille de l’hypothèse de travail et non sur le prix « réel » que les soumissionnaires prévoiraient pour exécuter le marché en cause. L’offre la moins chère était censée obtenir un indicateur de prix de 70 points, alors que les autres offres devaient obtenir des indicateurs de prix moins élevés, proportionnellement à leurs prix.

210    Afin de déterminer l’efficacité de la mise en œuvre de la fonctionnalité selon le critère n° 2, le cahier des charges prévoyait les éléments suivants :

« Tous les efforts doivent être calculés en ‘jours-personnes’ nécessaires à la mise en œuvre de trois projets hypothétiques, non soumis aux contraintes imposées par des travaux préalables (chaque projet étant entièrement nouveau), de la taille indiquée dans la colonne ‘décompte PF’ (500, 3 000 et 7 000 points de fonction, respectivement). Tous les projets sont censés utiliser les dernières technologies java, les infrastructures les plus modernes (serveurs d’applications, bases de données, etc.) ainsi que des exigences finales et constantes pendant toute la durée de la mise en œuvre.

Il convient de souligner que la comparaison de l’efficacité sera effectuée sur la base du taux jours-personnes par point de fonction (PF) et non sur la base de l’estimation réelle jours-personnes.

L’efficacité mesurée en ‘jours-personnes/PF’ pour chaque taille de projet servira de mesure dans les accords spécifiques aux nouveaux projets, en cas d’attribution du marché, pour les valeurs indiquées dans la colonne dénommée ‘À utiliser comme mesure dans les projets de’. Les projets de moins de 100 PF ne seront assortis d’aucune mesure, puisque le taux ‘jours-personnes/PF’ peut être non représentatif à des valeurs basses de PF.

Le soumissionnaire n’est pas autorisé à créer de nouveaux projets hypothétiques. Les trois projets hypothétiques au titre des présentes sont tous obligatoires.

Proj[et]

Décompte de PF

Jours-personnes

Taux

(Jours Personnes/PF)

À utiliser comme mesure dans les projets de

P1

500 PF

  

Plus de 100 et moins de 1 000 PF

P2

3 000 PF

  

Entre 1 000 et 5 000 PF inclus

P3

7 000 PF

  

Plus de 5 000 PF sans limite supérieure


Efficacité globale (Taux P1 + Taux P2 + Taux P3)

 


L’offre la moins chère (la plus efficace) obtiendra un indicateur de prix de 30 points. Les autres offres obtiendront des indicateurs de prix moins élevés proportionnellement à leur efficacité globale. »

–       Rappel des arguments des parties

211    Dans le cadre des deuxième et troisième branches du deuxième moyen, en substance, les requérantes reprochent à l’EUIPO d’avoir utilisé une formule d’évaluation financière erronée ou déformée ayant donné lieu à des distorsions de concurrence, dont elles remettent en cause la légalité. À cet égard, elles rappellent, notamment, que l’offre financière de la première requérante aurait obtenu le meilleur taux de productivité moyen (0,7) et s’est vu attribuer le nombre maximal de points pour le critère financier n° 2, à savoir 30 % (voir le tableau exposé au point 18 ci-dessus). Ainsi, le taux de productivité moyen concernant le total de jours-personnes pour les services fournis hors site, selon l’hypothèse de travail, se traduirait en réalité par une diminution du nombre de jours-personnes dont la première requérante aurait besoin pour fournir les services. Par conséquent, le prix total que l’EUIPO aurait payé à la première requérante pour exécuter une mission donnée serait plus bas que celui payé aux deuxième et troisième adjudicataires, dont les requérantes admettent, certes, ne pas connaître le tarif jour-personne moyen ou le taux de productivité exacts, mais qui auraient pu être déduits des informations fournies par l’EUIPO. Selon les requérantes, ces éléments suffisent à conclure que l’attribution d’une pondération « différente » au tarif jour-homme du travailleur et à l’évaluation de sa productivité se traduit en réalité par une distorsion de concurrence de la procédure d’appel d’offres et conduit à la sélection de l’offre comportant la solution la plus coûteuse et la moins efficace et non de celle qui est économiquement la plus avantageuse. Les requérantes se réfèrent en outre à la lettre de la première requérante du 16 septembre 2011 et au tableau joint en tant qu’annexe A.15 de la requête pour démontrer que l’EUIPO a procédé à un mauvais classement des offres selon leur caractère économiquement avantageux. À cet égard, elles demandent au Tribunal d’ordonner la production des calculs détaillés de la formule d’évaluation financière, y compris les taux de jour-personne proposés par chaque soumissionnaire dans chaque catégorie de services (sur site et hors site). Même en l’absence d’informations pertinentes à ce titre, les requérantes ont calculé le volet financier des offres financières des adjudicataires en recourant à une extrapolation fondée sur la règle de trois, ce qui aurait mis en évidence une grave irrégularité. Les requérantes en concluent, en substance, que, en application de la méthode d’évaluation correcte et de la formule d’évaluation du rapport qualité-prix tel qu’exposé dans le cahier des charges, l’offre de la première requérante aurait dû être mieux classée, voire être classée au premier rang.

212    Les requérantes ajoutent, surtout dans le cadre de la quatrième branche, que l’hypothèse de travail prévue par le cahier des charges est contraire aux exigences découlant des principes de « bonne administration » et de bonne gestion financière, le pourcentage de 80 % de travaux effectués hors site ayant été irréaliste et ne correspondant ni à la pratique courante de l’EUIPO consistant à demander principalement, voire exclusivement, des tâches sur site, ni à ses besoins réels. Les adjudicataires auraient été confiants sur le fait que cette hypothèse de travail ne reflétait pas la réalité et qu’elle ne serait jamais appliquée par l’EUIPO, ce qui leur aurait permis de proposer des tarifs anormalement bas pour les services hors site et aurait influé considérablement sur le calcul de leurs offres au titre du critère financier n° 1. Ainsi, les critères d’évaluation relatifs à l’attribution de points pour des tarifs peu élevés s’agissant de travaux hors site ne sauraient être considérés comme étant liés à l’objectif du marché et encore moins comme étant aptes à en garantir la réalisation.

213    L’EUIPO rétorque, en substance, que, notamment, le critère d’attribution financier a été clair du point de vue des soumissionnaires, ce qui serait confirmé par le fait que, parmi les 118 questions posées au cours de la procédure d’appel d’offres, aucune n’aurait visé la formule d’évaluation financière utilisée pour ledit critère d’attribution. Cette formule n’aurait ni été discriminatoire ni conduit à une neutralisation du critère financier ou de l’effet prix. La répartition de 70 % des points aux prix unitaires et de 30 % à l’efficacité aurait été purement interne au volet financier et donc indépendante de la pondération égale (50 %) entre les critères d’attribution financiers, d’une part, et les critères d’attribution techniques, d’autre part. L’EUIPO précise que, notamment, le tableau de calcul figurant dans l’annexe A.15 de la requête serait fondé sur une formule d’évaluation financière différente de celle prévue dans le cahier des charges et appliquée par l’EUIPO et conduirait à une distorsion dans la formulation des résultats financiers (voir points 209 et 210 ci-dessus). En revanche, premièrement, le calcul proposé par les requérantes reposerait sur le taux moyen jour-homme proposé pour l’hypothèse de travail, alors que le cahier des charges stipulerait clairement que « tous les prix d[evrai]ent être indiqués sur la base du ‘taux jour-homme’ » et que « la comparaison des prix reposera[it] uniquement sur l’hypothèse de travail et non sur les prix unitaires réels ». Ainsi, cette approche ne tiendrait pas compte du fait qu’un taux moyen jour-homme ne reflète pas les différents besoins de l’EUIPO concernant les activités sur site et hors site, ni ses besoins divers au regard des différents profils. Deuxièmement, ledit calcul serait fondé sur le taux d’efficacité moyen et non sur le taux d’efficacité global, tel que prévu dans le cahier des charges. Troisièmement, ce calcul serait fondé sur un scénario de travail type de 3 500 points de fonction, tandis que le cahier des charges ne comporterait pas un tel scénario. Quatrièmement, ledit calcul se terminerait par la multiplication de trois facteurs (taux moyen jour-homme, taux d’efficacité moyen et scénario de travail type) non prévus dans le cahier des charges.

214    S’agissant de la quatrième branche, l’EUIPO rétorque essentiellement que les requérantes n’ont pas démontré que la grande majorité du travail requis devrait être exécutée sur site ou que les adjudicataires auraient proposé des prix anormalement bas. Le marché en cause serait destiné à couvrir une période de sept années, de sorte que l’hypothèse de travail devrait tenir compte non de la pratique passée, mais des intentions futures de l’EUIPO quant à la localisation des services requis. Les requérantes n’auraient pas non plus prouvé que, à l’avenir, l’EUIPO ne commanderait pas 80 % de ses services hors site. Au contraire, l’EUIPO explique, plusieurs tableaux à l’appui, dont un tableau visant sa pratique durant le second semestre de 2010, à savoir la période de rédaction du cahier des charges, que l’hypothèse de travail est parfaitement conforme à ses intentions actuelles et futures et à l’objet de la procédure d’appel d’offres.

–       Appréciation du cas d’espèce

215    D’une part, il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu’un soumissionnaire est recevable à contester incidemment la légalité de la formule d’évaluation financière retenue dans le cahier des charges et utilisée par le pouvoir adjudicateur lors de l’évaluation comparative des offres (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, Rec, EU:T:2011:494, point 74). D’autre part, s’agissant de la légalité au fond du choix de la formule d’évaluation financière contestée, il convient de rappeler que le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au choix, au contenu et à la mise en œuvre des critères d’attribution pertinents liés au marché en cause, y compris ceux destinés à déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, ces critères devant correspondre à la nature, à l’objet et aux spécificités dudit marché et servir au mieux les besoins visés et les objectifs poursuivis par le pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt Evropaïki Dynamiki/BEI, précité, EU:T:2011:494, points 137 et 192).

216    Force est de constater que, à aucun stade des procédures d’appel d’offres et judiciaire, les requérantes n’ont critiqué le caractère éventuellement vague des critères financiers en cause, ni fait valoir que lesdits critères ne leur auraient pas permis de proposer l’offre financière requise. Au contraire, si l’interaction entre les différents paramètres, surtout ceux prévus au titre du critère financier n° 2, dans le cadre de l’évaluation de la qualité financière des offres, peut paraître complexe, ces paramètres sont suffisamment détaillés et clairs en soi pour pouvoir être pleinement compris par les soumissionnaires et être appliqués de manière objective et uniforme par le pouvoir adjudicateur (voir la jurisprudence citée au point 101 ci-dessus). Ainsi, l’offre de la première requérante avait obtenu le nombre maximal de 30 points en vertu du critère financier n° 2 concernant l’efficacité, ce que les requérantes ont reconnu ne pas vouloir contester, alors que ladite offre s’est vu attribuer une note comparativement faible au titre du critère financier n° 1. De même, il est constant que la pondération, au titre de la qualité financière des offres, qui vise à attribuer 70 points aux prix unitaires et 30 points à l’efficacité, est clairement exposée dans le cahier des charges et ne concerne que les critères financiers en tant que tels, de sorte qu’elle ne saurait être confondue avec l’évaluation de la qualité technique des offres, ni avec la pondération finale de 50-50 entre les critères d’attribution financiers et techniques prévus aux fins de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse.

217    En effet, comme elles l’ont réitéré à l’audience, les requérantes se limitent à contester la pondération inégale de 70-30 entre les critères financiers nos 1 et 2, combinée avec la répartition entre les services sur site et hors site au titre du critère financier n° 1 (20 % des travaux sur site et 80 % des travaux hors site), telle que prévue par la formule d’évaluation financière contestée, dont elles estiment qu’elle serait à l’origine de distorsions de concurrence entre les soumissionnaires et d’erreurs manifestes d’appréciation, essentiellement au motif qu’elle ne tiendrait pas compte du taux d’efficacité moyen réel de la première requérante concernant notamment ses services sur site, taux qui serait toutefois déterminant pour évaluer le caractère économiquement avantageux de son offre.

218    Or, eu égard au caractère clair, précis et univoque de la combinaison spécifique des critères financiers que le pouvoir adjudicateur a choisie dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation et en l’absence de son application discriminatoire à l’égard des soumissionnaires, les requérantes ne sont pas fondées à remettre en cause la légalité de la formule d’évaluation financière retenue dans le cahier des charges, ni celle de son application au cas d’espèce. En effet, il n’est pas avéré que, ce faisant, le pouvoir adjudicateur aurait outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation ou que l’utilisation de ladite formule aboutirait à des résultats qui seraient incompatibles avec les besoins de l’EUIPO et les objectifs poursuivis par le marché en cause. De même, eu égard aux arguments circonstanciés avancés et aux éléments de fait soumis par l’EUIPO (voir point 214 ci-dessus), les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer le caractère arbitraire ou manifestement erroné du choix de l’EUIPO de fonder l’application du critère financier n° 1 sur une répartition entre 80 % des travaux hors site et 20 % des travaux sur site, dont elles prétendent, de manière vague, qu’elle ne correspondrait ni à la pratique courante ni aux besoins réels de l’EUIPO.

219    En tout état de cause, les requérantes n’ont pas été à même d’étayer leur grief selon lequel, en l’espèce, la combinaison spécifique des critères financiers nos 1 et 2 aurait donné lieu à l’existence de distorsions de concurrence entre les soumissionnaires ou d’erreurs manifestes d’appréciation. À cet égard, il importe de souligner que, conformément à la demande des requérantes, par son ordonnance d’instruction du 27 mars 2015 (voir point 26 ci-dessus), le Tribunal a ordonné à l’EUIPO de produire les documents exposant le calcul et l’évaluation comparative des offres financières des adjudicataires et de la première requérante, ce à quoi l’EUIPO a donné suite, sans que les requérantes aient été en mesure, sur le fondement du contenu desdits documents, de préciser leur contestation à cet égard.

220    Ainsi, l’argument des requérantes selon lequel le taux de productivité moyen de la première requérante – à savoir son taux d’efficacité selon le critère financier n° 2 – concernant le total de jours-personnes pour les services fournis hors site, selon l’hypothèse de travail, se traduirait en réalité par une diminution du nombre de jours-personnes dont la première requérante aurait besoin pour fournir les services est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle il y aurait lieu de tenir compte du taux de productivité moyen pour la totalité des jours-personnes pour les services fournis.

221    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans sa lettre du 16 septembre 2011, la première requérante avait déjà procédé à une extrapolation sur le fondement de la règle de trois en prenant en compte les moyennes de ses propres taux jours-personnes et jours-personnes par point de fonction (d’efficacité) pour déterminer les taux (inconnus par elle) correspondants des adjudicataires et parvenir à la conclusion que son offre financière aurait dû être classée au deuxième rang. Dans la requête, les requérantes se fondent sur la même méthode d’extrapolation en tenant compte, dans le cadre de cinq étapes de calcul, notamment, des taux moyens de jours-personnes (critère financier n° 1) et de productivité-efficacité (critère financier n° 2), pour conclure que l’offre de la première requérante aurait dû être classée au moins au deuxième, sinon au premier rang (voir aussi le tableau joint en tant qu’annexe A.15 de la requête).

222    Or, à ce sujet, l’EUIPO avance à juste titre que ces approches sont incompatibles avec la méthodologie servant à déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, telle qu’exposée dans le cahier des charges, que le pouvoir adjudicateur pouvait légitimement choisir dans l’exercice de sa large marge d’appréciation. En effet, le modèle de calcul proposé par les requérantes est fondé sur des chiffres agrégés, des taux moyens de jours-personnes et des opérations de calcul qui risquent de distordre la méthodologie de calcul prévue par le cahier des charges. Ainsi, premièrement, le chiffre agrégé de 10 500 jours-personnes au titre du critère financier n° 2 ne correspond pas à l’exigence de procéder à un calcul séparé de l’efficacité pour chacun des trois scénarios types de travail avec 500, 3 000 et 7 000 points de fonction respectivement avant de déterminer le taux d’efficacité global (voir le tableau exposé au point 210 ci-dessus). Deuxièmement, le recours à un scénario de travail type de 3 500 points de fonction, c’est-à-dire la prétendue moyenne des trois scénarios types de travail avec 500, 3 000 et 7 000 points de fonction, se heurte à la même objection. Troisièmement, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, la multiplication des trois paramètres « taux moyen jour-homme », « taux d’efficacité moyen » et « scénario de travail », dont les requérantes estiment qu’elle présenterait la formule d’évaluation correcte, n’est pas non plus prévue dans le cahier des charges.

223    Ces considérations suffisent pour conclure que les requérantes n’ont démontré ni l’illégalité de la formule d’évaluation financière prévue dans le cahier des charges, ni l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation liées à l’application de ladite formule.

224    Par conséquent, il y a lieu de rejeter les deuxième à quatrième branches comme non fondées, sans qu’il soit besoin de procéder aux mesures d’organisation de la procédure demandées par les requérantes.

 Conclusion intermédiaire

225    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le deuxième moyen doit être pour partie accueilli et pour partie rejeté.

226    Il importe de souligner que, dans la mesure où le Tribunal a constaté, dans ce contexte, l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation ou d’insuffisances de motivation viciant la légalité de l’évaluation de l’offre de la première requérante, ces illégalités justifient à elles seules l’annulation de la décision de rejet de l’offre.

227    En effet, à cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il résulte du tableau d’évaluation comparative des offres techniques exposé au point 14 ci-dessus, l’offre technique de la première requérante avait obtenu, en vertu des critères qualitatifs nos 1 à 3, après pondération des points nets attribués, le score maximal de 100 points bruts, alors que les offres des trois adjudicataires n’avaient obtenu qu’un nombre nettement inférieur de points nets et bruts, dont certains juste au-dessus du seuil d’exclusion de 45, 15 et 10 points respectivement, pour les critères qualitatifs nos 1 à 3. Ainsi, les 87,90 points nets attribués à l’offre de la première requérante ont été augmentés à 100 points bruts, tandis que les 71,96 points nets attribués à l’offre d’IECI ont été augmentés à 81,86 points bruts, que les 70,66 points nets attribués à l’offre d’Unisys ont été augmentés à 80,38 points bruts et que les 78,05 points nets attribués à l’offre de Drasis ont été augmentés à 88,78 points bruts.

228    Comme l’a confirmé l’EUIPO en réponse à une question écrite du Tribunal, l’augmentation des points dans le cas des trois adjudicataires était due à l’application de la règle de trois et était proportionnée à celle appliquée à l’offre de la première requérante, celle-ci constituant la valeur de référence avec le nombre le plus élevé de points. Inversement, si, à la suite du prononcé du présent arrêt, une nouvelle évaluation de l’offre technique de la première requérante, non viciée des illégalités constatées, devait amener le pouvoir adjudicateur à lui attribuer davantage de points au titre des critères qualitatifs nos 1 à 3, il s’ensuivrait que, en application de la règle de trois, l’augmentation correspondante de points en faveur de ladite offre, dont la notation constituerait la valeur de référence, aurait nécessairement pour effet de réduire proportionnellement les points bruts attribués aux adjudicataires, ce qui serait susceptible d’avoir une incidence sur leur classement final dans la procédure en cascade. De surcroît, ce résultat aurait nécessairement une incidence sur la pondération, sur la base des valeurs brutes ainsi calculées, de l’ensemble des offres pour déterminer l’offre présentant le caractère économiquement le plus avantageux selon le tableau visé au point 14 ci-dessus.

229    Il convient d’en conclure que les illégalités constatées dans le cadre du deuxième moyen étaient susceptibles de produire une incidence sur le résultat de la procédure d’appel d’offres, ce dont l’EUIPO est tenu de tenir compte en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE (voir également point 276 ci-après).

 Sur le nouveau moyen, tiré d’une violation du cahier des charges en ce que l’EUIPO a accepté l’offre financière d’IECI

230    À la suite de la réponse de l’EUIPO aux mesures d’organisation de la procédure et d’instruction du Tribunal (voir points 26 et 27 ci-dessus), les requérantes ont soulevé un nouveau moyen, tiré de ce que l’EUIPO aurait violé le cahier des charges en ayant accepté l’offre financière d’IECI alors même que celle-ci contenait des « variantes » et des « fourchettes » de prix.

231    À titre liminaire, il convient de constater que ce nouveau moyen a été soulevé en conformité avec les exigences de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991, les requérantes n’ayant pu prendre connaissance du contenu de l’évaluation comparative des offres financières qu’à la suite de la production par l’EUIPO du document en cause en cours d’instance.

232    À cet égard, il y a lieu de préciser que le point II.1.9 de l’avis de marché prévoyait que les soumissionnaires n’étaient pas autorisés à présenter des « variantes ». En outre, lors de la procédure d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur avait affirmé, en réponse à la question n° 177 concernant l’interprétation de la formule d’évaluation financière visée dans le SRF de l’annexe 18 du cahier des charges, que, dans le cadre de l’exécution du contrat-cadre, le contractant n’était autorisé ni à offrir des prix pour certains profils qui seraient plus élevés que ceux proposés dans le cadre de son offre pour les mêmes profils, ni à proposer une fourchette de prix dans le cas d’une telle déviation de prix.

233    Par ailleurs, il ressort du document portant sur l’évaluation comparative des offres financières des adjudicataires et de la première requérante, que l’EUIPO a produit à la suite de l’ordonnance d’instruction du 27 mars 2015 (voir point 26 ci-dessus), que l’offre d’IECI contenait une note particulière se référant à un rabais concernant laquelle le comité d’évaluation avait demandé des clarifications. Selon ce même document, en réponse à cette demande, IECI a précisé vouloir utiliser les prix hors site tels qu’indiqués, et sans modification, dans son offre financière. Le comité d’évaluation a ensuite considéré que cette clarification devait être prise en compte aux fins de l’évaluation financière.

234    Force est donc de constater que, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, il ne ressort pas du document susmentionné que le pouvoir adjudicateur aurait accepté l’offre financière d’IECI comme incluant un rabais ou une fourchette de prix, tant la demande de clarification du comité d’évaluation que la réponse d’IECI à cet égard devant être comprises en ce sens que la note particulière comportant un rabais ne serait ni applicable ni prise en considération aux fins de l’évaluation financière.

235    Ainsi, en l’absence d’applicabilité et de prise en compte par le pouvoir adjudicateur de ce rabais, la prétendue « variante » en cause n’était pas susceptible d’avoir une incidence quelconque sur le déroulement ou sur le résultat de la procédure d’appel d’offres, notamment au détriment de l’offre de la première requérante.

236    Dans ces circonstances, les requérantes ne sont pas fondées à reprocher à l’EUIPO d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation dans ce contexte.

237    Par conséquent, le nouveau moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

238    Les requérantes invoquent une violation de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier général et de l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution, en ce que l’EUIPO aurait omis de leur fournir une motivation suffisante, en particulier une copie intégrale du rapport d’évaluation, pour leur permettre de comprendre, notamment, l’appréciation comparative des avantages relatifs des différentes offres et de décider d’introduire un recours et pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle. À cet effet, les requérantes demandent au Tribunal d’ordonner à l’EUIPO de produire les versions complètes du rapport d’évaluation et des offres des trois adjudicataires ainsi que des versions non confidentielles de ces documents. Dans ce contexte, elles contestent, notamment, que la note attribuée à la première requérante au titre de la qualité technique de son offre fût de 100 %, cette note ayant été de 58,21 pour le critère n° 1, de 18,00 pour le critère n° 2 et de 11,69 pour le critère n° 3, soit un total de 87,90 %. Même à considérer que ladite requérante ait reçu le score maximal sur le plan technique, il aurait été nécessaire de justifier de manière circonstanciée les avantages relatifs que présentaient les offres des adjudicataires au regard des différents critères et sous-critères pertinents, afin que le soumissionnaire non retenu puisse comprendre l’évaluation comparative des offres et exercer son droit à un contrôle juridictionnel effectif.

239    L’EUIPO rétorque, en substance, avoir satisfait à son obligation de motivation, notamment, en ayant communiqué les résultats de la procédure d’appel d’offres par la lettre litigieuse et répondu aux demandes d’éclaircissements des requérantes par les lettres des 26 août et 15 septembre 2011. L’extrait du rapport d’évaluation joint à la lettre du 26 août 2011 ne comporterait pas d’observation du comité d’évaluation sur les offres des adjudicataires au seul motif qu’il n’y avait pas d’avantages relatifs à signaler quant à leur qualité technique et que celle de la première requérante avait obtenu le score maximal de 100 sur 100 points pour l’ensemble des critères d’attribution techniques et la meilleure note pour chaque critère d’attribution technique considéré séparément. De même, les informations fournies quant à l’évaluation des critères financiers auraient été suffisantes et auraient notamment permis à la première requérante de calculer, sur la base des points qui avaient été attribués à son offre financière et de ceux attribués aux adjudicataires, les offres financières de ces derniers.

240    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsque, comme en l’espèce, les institutions, organes ou organismes de l’Union disposent, en leur qualité de pouvoirs adjudicateurs, d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation sont réunis (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14 ; VIP Car Solutions/Parlement, point 145 supra, EU:T:2009:163, point 61, et du 12 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/EFSA, T‑457/07, EU:T:2012:671, point 42).

241    En vertu de l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, l’auteur d’un acte doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque son raisonnement de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle. En outre, cette exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 145 supra, EU:T:2013:88, points 25 et 26 et jurisprudence citée). Par ailleurs, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 22 mai 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑17/09, EU:T:2012:243, point 40 et jurisprudence citée).

242    En matière de passation de marchés publics, l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier général ainsi que l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution précisent les conditions dans lesquelles le pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation envers les soumissionnaires.

243    Ainsi, aux termes de l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier général, « [l]e pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire ».

244    À cet égard, il ressort d’une jurisprudence bien établie que, au titre de cette disposition, il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé. De même, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de fournir à un soumissionnaire évincé, sur demande écrite de ce dernier, une copie complète du rapport d’évaluation (ordonnances du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑561/10 P, EU:C:2011:598, point 27 ; du 29 novembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑235/11 P, EU:C:2011:791, points 50 et 51, et arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, EU:C:2012:617, points 21 à 23). Le juge de l’Union vérifie néanmoins si la méthode appliquée par le pouvoir adjudicateur pour l’évaluation technique des offres est énoncée de manière claire dans le cahier des charges, en ce compris les différents critères d’attribution, leur poids respectif dans l’évaluation, c’est-à-dire dans le calcul du score total, ainsi que le nombre minimal et maximal de points pour chaque critère (voir, en ce sens, arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, EU:C:2012:617, point 29).

245    À titre liminaire, il convient de relever que, en vertu de la jurisprudence citée au point 244 ci-dessus, le pouvoir adjudicateur n’est, en principe, pas obligé de donner au soumissionnaire évincé accès à la version complète de l’offre de l’attributaire du marché en cause ni à celle du rapport d’évaluation. En outre, s’il devait s’avérer que, en l’espèce, eu égard aux écritures des parties, aux pièces versées au dossier et aux résultats de l’audience, le Tribunal est suffisamment informé pour statuer sur le présent litige (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec, EU:T:2006:350, point 80), il n’y aura pas lieu de donner suite aux demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction des requérantes, dont, au demeurant, le Tribunal est seul juge du caractère nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, Rec, EU:C:2009:576, point 319, et ordonnance du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission, C‑498/09 P, EU:C:2010:338, point 138). En tout état de cause, il convient de préciser que, en l’espèce, le Tribunal a, pour partie, accédé aux demandes des requérantes dans la mesure où il a ordonné à l’EUIPO, par son ordonnance d’instruction du 27 mars 2015 (voir point 26 ci-dessus), de produire les documents exposant le calcul et l’évaluation comparative des offres financières des adjudicataires et de la première requérante, ce à quoi l’EUIPO a donné suite.

246    Ensuite, s’agissant des motifs avancés a posteriori par l’EUIPO, à savoir dans ses lettres des 26 août et 15 septembre 2011 ayant succédé à la lettre litigieuse, il n’est pas contesté que lesdites lettres constituent en tant que telles des compléments de motivation de la décision de rejet de l’offre, au titre de l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier général ainsi que de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, que le Tribunal est admis à prendre en considération.

247    Il reste donc à déterminer si et dans quelle mesure ces lettres sont entachées d’insuffisances de motivation, précisément au motif qu’elles n’auraient pas permis aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle de la légalité au fond.

248    À cet égard, il y a lieu de tenir compte tant de l’évaluation individuelle de l’offre de la première requérante que de l’évaluation comparative de cette offre avec les offres des adjudicataires.

249    En premier lieu, s’agissant de l’évaluation individuelle de la qualité technique de l’offre de la première requérante, il ressort du tableau d’évaluation figurant dans la lettre du 26 août 2011 (voir point 14 ci-dessus) que le pouvoir adjudicateur s’est limité à communiquer la somme de points nets attribués à ladite offre pour chacun des trois critères qualitatifs séparément, sans pour autant indiquer le nombre détaillé de points nets attribués pour les différents sous-critères et sous-points exposés dans le cahier des charges et traités dans cette offre, et concernant lesquels le rapport d’évaluation contenait des appréciations négatives, ou, inversement, sans pour autant expliquer si et dans quelle mesure ces appréciations avaient amené le pouvoir adjudicateur à déduire des points ou des fractions de points nets au détriment de la première requérante. Au demeurant, cette absence de motivation quant à la corrélation entre les appréciations négatives formulées dans le rapport d’évaluation, d’une part, et des points nets attribués ou non attribués au titre des différents sous-critères et sous-points, d’autre part, trouve son reflet dans le cahier des charges. En effet, ce dernier ne prévoit pas une telle corrélation précise, mais se limite à indiquer, dans un tableau séparé, la pondération de 65 % pour le critère qualitatif n° 1, avec ventilation de 10 % respectivement pour les sous-critères nos 1.1 à 1.5, de 20 % pour le critère qualitatif n° 2 et de 15 % pour le critère qualitatif n° 3.

250    Si, en principe, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au choix de critères d’attribution hiérarchisés et des points qu’il convient d’attribuer aux différents critères et sous-critères et n’est pas tenu de fournir au soumissionnaire évincé un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci, il n’en demeure pas moins que, au cas où le pouvoir adjudicateur a procédé à un tel choix, le juge de l’Union doit être en mesure de vérifier, sur le fondement du cahier des charges et de la motivation de la décision d’adjudication, le poids respectif des différents critères et sous-critères d’attribution techniques dans l’évaluation, c’est-à-dire dans le calcul du score total, ainsi que le nombre minimal et maximal de points pour chacun de ces critères ou sous-critères (voir, en ce sens, arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 244 supra, EU:C:2012:617, points 21 et 29). Par ailleurs, lorsque le pouvoir adjudicateur rattache des évaluations spécifiques à la manière dont l’offre en cause satisfait ou non à ces différents critères et sous-critères, qui sont manifestement pertinentes pour la notation globale de ladite offre, le devoir de motivation englobe nécessairement le besoin d’expliquer la façon dont, notamment, les évaluations négatives ont donné lieu à la déduction de points.

251    En effet, dans un cas comme celui de l’espèce, le respect de cette exigence est d’autant plus nécessaire que, ainsi que cela a été exposé aux points 227 et 228 ci-dessus, l’éventuelle déduction de points nets pour certains sous-critères ou sous-points a pour conséquence automatique, en vertu de la formule de calcul appliquée par le pouvoir d’adjudicateur, de faire augmenter le nombre de points bruts à attribuer aux offres des adjudicataires au titre de leur qualité technique. Autrement dit, la première requérante a intérêt à connaître la déduction de points opérée pour chacun des sous-critères et sous-points concernant lesquels le rapport d’évaluation contient une appréciation négative pour être en mesure de faire valoir que, eu égard au caractère manifestement erroné de ladite appréciation, cette déduction – impliquant une augmentation correspondante de points en faveur des autres soumissionnaires – n’était pas justifiée.

252    À cet égard, il y a lieu de préciser que, en réponse à une question orale du Tribunal posée à l’audience, l’EUIPO n’a pas nié avoir accordé des points en fonction des différents sous-critères ou sous-points, mais s’est limité à affirmer que la première requérante n’aurait pas eu le droit de connaître le mode de calcul et la ventilation détaillés desdits points, la communication de la note globale définitive pour chacun des trois critères techniques ou qualitatifs ayant été suffisante. En effet, il résulte d’une lecture combinée des tableaux visés aux points 14 et 249 ci-dessus que l’offre de la première requérante s’est vu déduire 6,79 points nets au titre du critère qualitatif n° 1 (65 - 58,21 = 6,79), 2 points nets au titre du critère qualitatif n° 2 (20 - 18 = 2) ainsi que 3,31 points nets au titre du critère qualitatif n° 3 (15 - 11,69 = 3,31), c’est-à-dire en incluant la déduction de fractions de points comportant deux chiffres après la virgule. Il s’ensuit que, aux fins de l’évaluation des offres au regard de ces différents critères qualitatifs, le comité d’évaluation a appliqué une formule mathématique ou, à tout le moins, a attribué des fractions de points par sous-critère ou par sous-point. Toutefois, tant pour les requérantes que pour le Tribunal, il est impossible de comprendre le calcul ou la ventilation précise des points déduits pour chaque sous-critère, voire pour chacun des sous-points, notamment, au titre du critère qualitatif n° 1, concernant lesquels le rapport d’évaluation avait exprimé des jugements négatifs spécifiques à l’encontre de l’offre de la première requérante. Dans ces conditions, il n’est pas non plus possible de vérifier si et dans quelle mesure ces déductions correspondent effectivement auxdites appréciations et, partant, si celles-ci sont ou non justifiées ou, du moins, suffisamment plausibles.

253    Il en résulte que, alors même que l’offre de la première requérante a finalement obtenu, au titre de sa qualité technique, le nombre maximal de 100 points bruts, elle conserve, au regard du principe de protection juridictionnelle effective visé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dont le lien intrinsèque avec l’obligation de motivation a été souligné par la jurisprudence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, EU:C:2013:518, points 116 à 119), un intérêt à connaître la mesure dans laquelle les appréciations négatives avancées par le pouvoir adjudicateur lui avaient valu déduction de points nets dont la portée et la justification pouvaient se révéler décisives dans le cadre du contrôle de la légalité de l’évaluation tant individuelle que comparative des offres (voir points 227 et 228 ci-dessus).

254    Dès lors, il y a lieu de conclure que la décision de rejet de l’offre est insuffisamment motivée en ce qui concerne la corrélation entre les appréciations négatives spécifiques énoncées dans le rapport d’évaluation, d’une part, et les déductions de points nets opérées par le pouvoir adjudicateur, d’autre part.

255    Cette insuffisance de motivation se rajoute à l’insuffisance de motivation ponctuelle constatée aux points 145 et 148 ci-dessus concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.5, du cahier des charges.

256    En outre, dans la mesure où les requérantes reprochent à l’EUIPO une insuffisance de motivation viciant l’appréciation de l’offre de la première requérante au regard du critère n° 1, sous-critères nos 1.5 et 1.6, du cahier des charges (voir points 178 et 179 ci-dessus), il suffit de constater que ce reproche rejoint les considérations développées aux points 249 à 253 ci-dessus, selon lesquelles le pouvoir adjudicateur a manqué d’expliquer dans quelle mesure l’appréciation avancée dans le rapport d’évaluation, d’ailleurs plutôt neutre à cet égard, avait pu donner lieu à une déduction de points nets au détriment de l’offre de la première requérante. En effet, s’il ne peut être exclu qu’aucune déduction n’ait été opérée, ni les requérantes ni le Tribunal ne sont en mesure de vérifier si tel a été le cas.

257    En deuxième lieu, s’agissant de l’évaluation comparative de la qualité technique de l’offre de la première requérante avec celle des offres des adjudicataires, il y a lieu de rappeler que le fait d’avoir attribué à l’offre de la première requérante le nombre maximal de 100 points bruts ne suffit pas en soi pour considérer que le pouvoir adjudicateur n’était pas tenu de spécifier les points qu’il avait attribués à ladite offre au titre des différents sous-critères et sous-points d’attribution, la contestation de cette notation permettant aux requérantes de remettre également en cause le niveau de points bruts attribués aux offres des adjudicataires (voir point 228 ci-dessus). Or, ce constat rejoint les considérations exposées aux points 249 à 253 ci-dessus et n’est pas susceptible de fonder une insuffisance de motivation distincte. À cet égard, il y a lieu de préciser que, eu égard à la jurisprudence visée au point 244 ci-dessus, il n’est pas nécessaire que le pouvoir adjudicateur communique au soumissionnaire évincé l’appréciation détaillée de la qualité technique des offres des adjudicataires, voire la version intégrale du rapport d’évaluation.

258    En troisième lieu, s’agissant de l’évaluation comparative des offres financières, il suffit de constater que les requérantes n’ont pas été en mesure de préciser leur contestation sur le fond à la suite de la production par l’EUIPO du document exposant ladite évaluation comparative (voir point 219 ci-dessus). Il s’ensuit que la motivation de la décision de rejet de l’offre à ce sujet n’a empêché ni les requérantes de saisir le Tribunal sur ce point ni ce dernier d’exercer son contrôle de la légalité.

259    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la décision de rejet de l’offre est entachée de plusieurs insuffisances de motivation au titre de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier général, lu conjointement avec l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, et qu’elle doit être annulée également pour ce motif.

 Conclusion sur les demandes d’annulation des décisions attaquées

260    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, en raison des illégalités de fond et de forme constatées dans le cadre des premier à troisième moyens, il y a lieu d’annuler la décision de rejet de l’offre dans sa totalité.

261    Par ailleurs, eu égard aux liens indissociables existant entre les décisions attaquées, c’est-à-dire entre la décision de rejet de l’offre et les autres décisions connexes, dont celles attribuant le marché et portant classement des adjudicataires aux premier à troisième rangs selon la procédure en cascade (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec, EU:T:2003:36, point 28), il convient d’annuler également lesdites décisions conformément aux conclusions des requérantes (voir point 30 ci-dessus).

2.     Sur la demande indemnitaire

262    Il y a lieu de rappeler que, à la suite de la limitation de leurs conclusions indemnitaires, dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience (voir point 29 ci-dessus), les requérantes demandent, en vertu des articles 256 TFUE, 268 TFUE et 340 TFUE, une compensation financière pour la perte d’une chance d’obtenir le marché en cause. Elles précisent, en substance, que la condition relative à l’existence d’un préjudice certain est remplie en l’espèce, dès lors que le préjudice est imminent et prévisible avec une certitude suffisante, même s’il ne peut pas encore être chiffré avec précision. La perte d’une chance d’obtenir le marché en cause résulterait directement de la décision de rejet de l’offre. En l’espèce, compte tenu de la situation particulière du marché des technologies de l’information, la décision de rejet de l’offre aurait créé une situation factuelle irrévocable et entraîné la perte d’une chance importante pour la première requérante d’exécuter le marché en cause. Or, étant donné que l’éventuelle annulation de ladite décision ne permettrait plus au pouvoir adjudicateur de rouvrir la procédure d’appel d’offres, les intérêts des requérantes ne pourraient être sauvegardés que par une compensation pécuniaire. La réparation intégrale pour la « perte d’une chance de se voir attribuer les contrats spécifiques » en cause devrait être au moins égale à la perte des revenus totaux escomptés. En l’absence d’orientations en matière de perte d’une chance dans le droit de l’Union, les requérantes proposent de s’inspirer des dispositions réglementaires, de la théorie et de la jurisprudence développées en Belgique, qui prévoient l’allocation d’une indemnité forfaitaire fixée à 10 % de la valeur du marché aux soumissionnaires évincés, alors même qu’ils ont soumis l’offre économiquement la plus avantageuse.

263    Selon l’EUIPO, en substance, lorsqu’une partie requérante fonde sa demande en indemnité sur les montants qu’elle aurait facturés si le marché lui avait été attribué, une telle demande doit être interprétée comme reposant non sur la perte d’une chance de conclure le marché, mais sur la perte du marché lui-même. À l’appui d’une telle demande, les requérantes auraient dû prouver que la première requérante aurait remporté le marché en cause en tant que premier adjudicataire dans la procédure en cascade si le comportement illégal n’avait pas eu lieu, ce qu’elles auraient omis de faire. Même si l’offre de la première requérante avait présenté le meilleur rapport entre la qualité et le prix et si certains des adjudicataires avaient été écartés, il n’aurait pas été garanti que l’EUIPO aurait attribué le marché à ladite requérante, le pouvoir adjudicateur n’étant pas lié par les conclusions du comité d’évaluation et pouvant, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, décider de ne pas attribuer le marché ou de ne pas suivre ces conclusions. Pour cette seule raison, la demande en indemnité devrait être rejetée comme n’étant ni réelle ni certaine, mais comme étant seulement hypothétique. En outre, les montants réclamés ne seraient ni fondés ni prouvés. S’agissant du préjudice subi au titre de la perte d’une chance, l’EUIPO relève que les requérantes ne justifient pas le montant de 6 750 000 euros demandé. Dans la mesure où les requérantes se réfèrent, pour la première fois dans la réplique, au droit belge, l’EUIPO rétorque que, premièrement, ce droit ne s’applique pas à l’attribution de marchés publics par les institutions de l’Union, que, deuxièmement, la disposition invoquée ne vise que des marchés attribués sur la base du critère du prix et non sur la base du critère de l’offre économiquement la plus avantageuse et que, troisièmement, l’indemnité forfaitaire n’est octroyée que si la partie requérante prouve que le classement initial sur la base duquel le marché a été attribué était erroné et que, en l’absence de comportement illégal du pouvoir adjudicateur, il est certain qu’elle aurait remporté le marché.

264    Selon une jurisprudence établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 63 supra, EU:T:2013:528, point 215 et jurisprudence citée). Ces principes s’appliquent mutatis mutandis à la responsabilité non contractuelle engagée par l’Union, au sens de cette même disposition, du fait d’un comportement illégal et d’un dommage causé par un de ses organismes (voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 1992, SGEEM et Etroy/BEI, C‑370/89, Rec, EU:C:1992:482, points 15 et 16, et du 10 avril 2002, Lamberts/Médiateur, T‑209/00, Rec, EU:T:2002:94, point 49), tels que l’EUIPO, que ce dernier est tenu de réparer en vertu de l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

265    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la demande indemnitaire est fondée sur les mêmes illégalités que celles invoquées à l’appui de la demande d’annulation de la décision de rejet de l’offre et que celle-ci est entachée de plusieurs illégalités de fond, dont une violation du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires (voir point 77 ci-dessus) et des erreurs manifestes d’appréciation (voir points 104, 115, 134, 138, 144, 158, 166, 186, 194 et 207 ci-dessus), ainsi que de plusieurs insuffisances de motivation (voir points 145 et 254 à 256 ci-dessus).

266    Toutefois, s’agissant de l’existence d’un lien de causalité entre lesdites illégalités de fond et de forme et le préjudice prétendument subi, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une insuffisance de motivation n’est pas susceptible en tant que telle d’engager la responsabilité de l’Union, en particulier parce qu’elle n’est pas de nature à démontrer que, en son absence, le marché aurait pu, voire dû, être attribué à la partie requérante (voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2011, Alfastar Benelux/Conseil, T‑57/09, EU:T:2011:609, point 49 ; du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, EU:T:2012:553, point 123, et du 14 janvier 2015, Veloss International et Attimedia/Parlement, T‑667/11, EU:T:2015:5, point 72).

267    Dès lors, en l’espèce, il n’est pas possible de reconnaître l’existence d’un lien de causalité entre les insuffisances de motivation constatées et les préjudices invoqués par les requérantes.

268    En revanche, s’agissant du lien de causalité entre les illégalités de fond constatées, à savoir la violation du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires et les erreurs manifestes d’appréciation, d’une part, et la perte d’une chance, d’autre part, l’EUIPO ne saurait se limiter à alléguer que, compte tenu de son large pouvoir d’appréciation en tant que pouvoir adjudicateur, il n’était pas obligé de signer un contrat-cadre avec la première requérante (voir, en ce sens, arrêt Evropaïki Dynamiki/BEI, point 215 supra, EU:T:2011:494, point 211).

269    En l’espèce, force est de constater que la violation du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires, en combinaison avec celle de l’article 93, paragraphe 1, sous e), du règlement financier général et du point 13.1, premier alinéa, sous e), du cahier des charges, et les erreurs manifestes d’appréciation commises par le pouvoir adjudicateur dans le cadre de l’appréciation individuelle de l’offre de la première requérante ont nécessairement affecté la chance de cette dernière d’être mieux classée dans la procédure en cascade et de devenir, à tout le moins, le troisième adjudicataire, en particulier si le consortium Drasis devait être exclu de la procédure d’appel d’offres pour les raisons exposées aux points 64 à 78 ci-dessus.

270    Il en découle en outre que, même en tenant compte de la large marge d’appréciation du pouvoir adjudicateur concernant l’octroi du marché en cause, la perte de chance subie en l’espèce par la première requérante constitue un préjudice réel et certain au sens de la jurisprudence (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, Rec, EU:C:2006:708, points 26 à 42, et Evropaïki Dynamiki/BEI, point 215 supra, EU:T:2011:494, points 66 et 67 ; conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Giordano/Commission, C‑611/12 P, Rec, EU:C:2014:195, point 61). En effet, en l’espèce, le fait que la première requérante ait obtenu le score le plus élevé au titre de la qualité technique de son offre et que celle-ci ait été classée en quatrième position rend peu crédible l’hypothèse selon laquelle le pouvoir adjudicateur pouvait être amené à ne pas lui attribuer le marché en cause et à lui proposer de signer un contrat-cadre avec l’EUIPO.

271    Par ailleurs, ainsi que l’avancent à juste titre les requérantes, dans une situation comme celle de l’espèce, dans laquelle, au terme de la procédure litigieuse devant le Tribunal, il existe un risque important que le marché en cause soit déjà pleinement exécuté, l’absence même de reconnaissance par le juge de l’Union de la perte d’une telle chance et de la nécessité d’octroyer une compensation à cet égard serait contraire au principe de protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. En effet, dans une telle situation, l’annulation rétroactive d’une décision d’adjudication n’apporte plus aucun avantage au soumissionnaire évincé, de sorte que la perte de chance se présente comme irrémédiable. De surcroît, il convient de tenir compte du fait que, en raison des conditions régissant les procédures en référé devant le président du Tribunal, le soumissionnaire ayant vu évaluer et écarter illégalement son offre n’est, en pratique, que rarement en mesure d’obtenir le sursis à exécution d’une telle décision [voir, en ce sens, ordonnances du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), Rec, EU:C:2015:275, et du 4 février 2014, Serco Belgium e.a./Commission, T‑644/13 R, Rec, EU:T:2014:57, points 18 et suivants].

272    Par conséquent, le Tribunal estime que, en l’espèce, il est nécessaire d’indemniser la première requérante au titre de la perte d’une chance, dans la mesure où la décision de rejet de l’offre, même dans le cas de son annulation avec effet rétroactif, a, en pratique, définitivement réduit à néant la possibilité pour elle de se voir attribuer le marché en cause en tant que contractant selon la procédure en cascade et, partant, sa chance d’exécuter des contrats spécifiques dans le cadre de la mise en œuvre d’un contrat-cadre.

273    Toutefois, s’agissant de l’étendue de la réparation du préjudice lié à la perte d’une chance, estimée par les requérantes à 6 750 000 euros, le Tribunal n’est pas en mesure, à ce stade de la procédure, au regard des éléments du dossier, de se prononcer définitivement sur le montant de l’indemnisation que l’Union doit octroyer à la première requérante. La question de l’évaluation du préjudice ne pouvant pas encore être tranchée, il est donc approprié, pour des considérations tenant à l’économie de la procédure, de statuer, dans une première phase, par arrêt interlocutoire sur la responsabilité de l’Union. La détermination des montants de la réparation résultant des illégalités commises par l’EUIPO est réservée à une phase ultérieure, soit au commun accord des parties, soit au Tribunal à défaut d’un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, ATC e.a./Commission, T‑333/10, Rec, EU:T:2013:451, point 199 et jurisprudence citée).

274    Néanmoins, à cet effet, en l’espèce, tant les parties que le Tribunal sont appelés à tenir compte des aspects suivants.

275    Premièrement, il y a lieu de tenir compte du fait que la valeur estimée du marché en cause, telle que retenue dans l’avis de marché et au point 16 du cahier des charges, est de 135 000 000 euros hors taxes pour la période maximale d’exécution du contrat-cadre de sept ans et que, partant, la valeur de l’obtention du contrat-cadre pour la période initiale de trois ans est au moins de 57 857 143 euros.

276    Deuxièmement, il convient de déterminer le taux de probabilité de réussite de l’offre de la première requérante, à savoir la chance d’être classée, à tout le moins, au troisième rang selon la procédure en cascade, en l’absence des différentes illégalités de fond commises par l’EUIPO lors de la procédure d’appel d’offres. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de l’obligation éventuelle du pouvoir adjudicateur d’exclure le consortium Drasis en tant que troisième adjudicataire. Doit également être pris en considération le fait que l’offre technique de la première requérante avait obtenu le score le plus élevé, mais que son offre financière n’avait été classée qu’au quatrième rang (voir les tableaux exposés au point 14 ci-dessus), et que, selon le mode de calcul exposé au point 13.5 du cahier des charges, la pondération desdites offres aux fins de l’attribution du marché en cause était de 50-50. Surtout, dans le cadre d’une nouvelle évaluation de la qualité technique de l’offre de la première requérante en l’absence des erreurs manifestes d’appréciation constatées, il y aurait lieu de tenir compte du fait que, en vertu de la formule de calcul appliquée par le pouvoir adjudicateur, l’augmentation éventuelle de points en faveur de ladite offre, dont la notation constitue la valeur de référence, aurait nécessairement pour effet de réduire proportionnellement les points bruts attribués aux adjudicataires, ce qui serait susceptible d’avoir une incidence sur leur classement dans la procédure en cascade ainsi que sur l’appréciation comparative, sur la base des valeurs brutes ainsi calculées, de l’ensemble des offres pour déterminer l’offre présentant le caractère économiquement le plus avantageux selon le tableau visé au point 14 ci-dessus (voir point 228 ci-dessus).

277    Troisièmement, il y a lieu de tenir compte du fait que le contrat-cadre n’est attribué et signé que pour une période initiale de trois ans, qu’il n’existe aucune certitude que celui-ci sera renouvelé par l’EUIPO pour les quatre années suivantes (voir point 14.3 du cahier des charges), que le premier contractant ne dispose pas de droit exclusif à fournir les services visés par le contrat-cadre et que l’EUIPO n’est pas soumis à une obligation d’achat, mais se lie, de manière juridiquement contraignante, uniquement par la passation d’accords spécifiques et par l’émission de bons de commande (voir points 14.4 et 14.5 du cahier des charges et points 1.1.3 à 1.1.5 du modèle de contrat-cadre). Dans ce contexte, il convient également d’évaluer la probabilité que le premier contractant soit capable de répondre aux exigences des différents bons de commande émis par le pouvoir adjudicateur tant durant les trois premières années d’exécution du contrat-cadre que durant les années consécutives à celles-ci dans l’hypothèse de son renouvellement (voir points 1.4.1 à 1.4.4 du modèle de contrat-cadre). Il s’ensuit qu’il est nécessaire d’ajuster le taux de probabilité de réussite en fonction de l’absence de certitude du renouvellement du contrat-cadre et de l’éventuelle incapacité dudit contractant à exécuter lesdits bons de commande.

278    Quatrièmement, il convient de déterminer le préjudice indemnisable en tenant compte du bénéfice net qui aurait pu être réalisé par la première requérante au cours de l’exécution du contrat-cadre. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les requérantes ont fait valoir que, durant l’exercice 2006, dans le cadre de projets commerciaux, la première requérante avait réalisé un bénéfice brut moyen de 10,33 %.

279    Cinquièmement, il y a lieu de déduire les bénéfices autrement réalisés par la première requérante du fait de la non-attribution du marché en cause afin d’éviter une surcompensation.

280    Sixièmement, afin de déterminer le montant total indemnisable au titre de la perte d’une chance, il y aura lieu de multiplier le bénéfice net établi par le taux de probabilité de réussite.

281    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a donc lieu d’accueillir la demande indemnitaire des requérantes en ce qu’elle vise à la réparation de la perte d’une chance.

282    S’agissant du montant indemnisable au titre de la perte d’une chance, il convient d’inviter les parties, sous réserve d’une décision ultérieure du Tribunal, à se mettre d’accord sur ce montant à la lumière des considérations qui précèdent et à lui transmettre, dans un délai de trois mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, le montant à payer, établi d’un commun accord, ou, à défaut, à lui faire parvenir, dans le même délai, leurs conclusions chiffrées (voir, en ce sens, arrêt ATC e.a./Commission, point 273 supra, EU:T:2013:451, point 201).

 Sur les dépens

283    Les dépens doivent être réservés.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), communiquée par lettre du 11 août 2011, adoptée dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO/029/10, intitulée « Développement de logiciels et services de maintenance », rejetant l’offre soumise par European Dynamics Luxembourg SA et les autres décisions connexes de l’EUIPO, adoptées dans le cadre de la même procédure, dont celles attribuant le marché à trois autres soumissionnaires, en tant qu’adjudicataires de premier à troisième rangs selon la procédure en cascade, sont annulées.

2)      L’EUIPO est tenu de réparer le dommage subi par European Dynamics Luxembourg au titre de la perte d’une chance de se voir attribuer le contrat-cadre en tant que, à tout le moins, troisième contractant selon la procédure en cascade.

3)      Les parties transmettront au Tribunal, dans un délai de trois mois à compter de la date du prononcé de l’arrêt, le montant chiffré de l’indemnisation, établi d’un commun accord.

4)      À défaut d’accord, les parties feront parvenir au Tribunal, dans le même délai, leurs conclusions chiffrées.

5)      Les dépens sont réservés.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Signatures

Table des matières

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1. Sur les demandes d’annulation

Résumé des moyens

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, de l’article 93, paragraphe 1, et des articles 94 et 96 du règlement financier général, des articles 133 bis et 134 ter des modalités d’exécution et du principe de « bonne administration »

Sur la première branche, tirée de l’existence d’un conflit d’intérêts en ce qui concerne le consortium Drasis

Sur la deuxième branche, tirée de l’existence d’un conflit d’intérêts en ce qui concerne le consortium Unisys

Sur la troisième branche, tirée de l’implication du consortium Drasis dans des activités illégales

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

Observation liminaire

Sur la première branche du deuxième moyen

– Sur l’objet de la première branche et sur la recevabilité de l’annexe A.14 de la requête

– Sur le premier grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.2.4, du cahier des charges

– Sur le deuxième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.3.5, du cahier des charges

– Sur le troisième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.3.10, du cahier des charges

– Sur le quatrième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.3, du cahier des charges

– Sur le cinquième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.4, du cahier des charges

– Sur le sixième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.1, point 1.1.4.5, du cahier des charges

– Sur le septième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.3, point 1.3.1.12, du cahier des charges

– Sur le huitième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.2.4, du cahier des charges

– Sur le neuvième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.4.10, du cahier des charges

– Sur le dixième grief, concernant le critère n° 1, sous-critère n° 1.4, point 1.4.4.12, du cahier des charges

– Sur le onzième grief, concernant le critère n° 1, sous-critères nos 1.5 et 1.6, du cahier des charges

– Sur le douzième grief concernant le critère n° 2 du cahier des charges

– Sur le treizième grief, concernant le critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.1.2, du cahier des charges

– Sur le quatorzième grief, concernant le critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.2.2, du cahier des charges

– Sur le quinzième grief, concernant le critère n° 3, sous-critère n° 3.1, point 3.1.4.2, du cahier des charges

Sur les deuxième à quatrième branches du deuxième moyen, tirées d’erreurs manifestes d’appréciation qui auraient été commises dans le cadre de l’évaluation de la qualité financière de l’offre de la première requérante, d’une violation du critère de l’offre économiquement la plus avantageuse et d’une modification de l’objet du marché

– Rappel du contenu pertinent du cahier des charges

– Rappel des arguments des parties

– Appréciation du cas d’espèce

Conclusion intermédiaire

Sur le nouveau moyen, tiré d’une violation du cahier des charges en ce que l’EUIPO a accepté l’offre financière d’IECI

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Conclusion sur les demandes d’annulation des décisions attaquées

2. Sur la demande indemnitaire

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1–      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.