Language of document : ECLI:EU:T:1997:135

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

25 septembre 1997(1)

«Recours en annulation — Aides d'État — Traité CECA — Cinquième code des aides à la sidérurgie — Nouvelle installation — Encadrement communautaire des aides à l'environnement»

Dans l'affaire T-150/95,

UK Steel Association, anciennement British Iron and Steel Producers Association (BISPA), association de droit anglais, établie à Londres, représentée par MM. John Boyce et Philip Raven, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Wagener et Rukavina, 10 a, boulevard de la Foire,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Nicholas Khan et Paul Nemitz, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Grand- d uché de Luxembourg,représenté par M. Georges Schmit, premier conseiller du gouvernement au ministère de l'Économie, en qualité d'agent, assisté de Mes Bernard van de Walle de Ghelcke et Koen Platteau, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile au siège du ministère de l'Économie, 19-21, boulevard Royal,

et

ARBED SA ,société de droit luxembourgeois, établie à Luxembourg, représentée par Me Alexandre Vandencasteele, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile auprès de M. Paul Ehmann, membre du service juridique de l'ARBED, 19, avenue de la Liberté,

parties intervenantes,

ayant pour objet l'annulation de la décision reproduite dans la communication 94/C 400/02 de la Commission, en application de l'article 6, paragraphe 4, de la décision n° 3855/91/CECA, adressée aux autres États membres et autres parties intéressées, relative aux aides que le Luxembourg projette d'accorder à ProfilARBED SA (ARBED) [aides d'État C 25/94 (ex N 11/94), JO 1994, C 400, p. 10], concluant que l'aide que le grand-duché du Luxembourg se propose d'accorder à ProfilARBED SA est conforme à l'article 3 de la décision n° 3855/91 et est donc compatible avec le marché commun,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),



composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme V. Tiili, MM. J. Azizi, R. M. Moura Ramos et M. Jaeger, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 mars 1997,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

  1. L'article 4, sous c), du traité CECA dispose:

    «Sont reconnus incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier et, en conséquence, sont abolis et interdits dans les conditions prévues au présent traité, à l'intérieur de la Communauté:

    [...]

    c)    les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit;

    [...]»

  2. En vertu de l'article 95, premier alinéa, du traité CECA, la Commission, sur avis conforme du Conseil statuant à l'unanimité et après consultation du comité consultatif, a adopté la décision n° 257/80/CECA, du 1er février 1980, instituant des règles communautaires pour les aides spécifiques à la sidérurgie (JO L 29, p. 5), communément appelée «premier code des aides à la sidérurgie». Selon le deuxième alinéa de la partie I de son préambule, l'interdiction des subventions ou aides accordées par les États prévue au traité CECA ne vise que les mesures qui constituent les instruments d'une politique sidérurgique purement nationale et ne s'applique pas aux aides qui sont destinées à mettre en place une politique sidérurgique communautaire, telle que la politique de restructuration de l'industrie sidérurgique, qui constituait le but de la décision n° 257/80/CECA.

  3. Par la suite, le premier code des aides à la sidérurgie a été remplacé par des codes successifs, qui ont établi chaque fois le régime applicable en matière d'aides d'État à la sidérurgie en fixant les critères selon lesquels une aide pouvait être déclarée compatible. Ces codes ont, en outre, précisé que les aides à la sidérurgie financées par un État membre, sous quelque forme que ce soit, peuvent être considérées comme des aides communautaires et, partant, comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun si elles satisfont aux dispositions prévues par le code en question.

  4. En 1991, la décision n° 3855/91/CECA de la Commission, du 27 novembre 1991, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 362, p. 57), a établi les nouvelles dispositions pertinentes relatives à l'octroi des aides d'État dans ce domaine (ci-après «cinquième code des aides à la sidérurgie» ou «cinquième code»). Le cinquième code était d'application au moment de l'adoption de la décision attaquée (voir ci-après point 14) et a été en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996. Il a été remplacé, à partir du 1er janvier 1997, par la décision n° 2496/96/CECA de la Commission, du 18 décembre 1996, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 338, p. 42, ci-après «décision n° 2496/96»), laquelle constitue le sixième code des aides à la sidérurgie.

  5. Sont pertinentes pour le cas d'espèce les dispositions du cinquième code ci-après reproduites:

    • le quatrième alinéa de la partie I du préambule, selon lequel les règles établies par ledit code: «[...] visent tout d'abord à ne pas priver la sidérurgie du bénéfice des aides à la recherche et développement ainsi que de celles destinées à lui permettre d'adapter ses installations aux normes nouvelles de protection de l'environnement»;

         —     le deuxième alinéa de la partie II du préambule, lequel dispose:

    «Afin d'assurer entre la sidérurgie et les autres secteurs, dans la mesure où les dispositions des traités le permettent, une égalité d'accès aux aides à la recherche et au développement, la compatibilité avec le marché commun de ces projets d'aides sera appréciée au regard de l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement. Les dispositions relatives aux aides à la protection de l'environnement étant identiques à celles figurant dans l'encadrement des aides d'État à la protection de l'environnement, elles n'ont pas été modifiées. Si la discipline fixée par ces deux encadrements généraux était substantiellement modifiée pendant la durée de la validité de la présente décision, une proposition d'adaptation serait introduite»;

        —     l'article 3, lequel dispose:

        «1.    Les aides destinées à faciliter l'adaptation aux nouvelles normes légales de protection de l'environnement des installations en service deux ans au moins avant la mise en vigueur de ces normes peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.

        2.    Le montant des aides accordées au titre du présent article ne peut dépasser 15 % en équivalent-subvention net des dépenses d'investissement directement liées à la mesure visée de protection de l'environnement. Dans le cas où l'investissement s'accompagne d'un accroissement de la capacité de production de l'installation concernée, la valeur dudit investissement n'est prise en compte qu'au prorata de la capacité initiale.»

  6. Compte tenu de l'évolution des travaux du Conseil en matière de politique de l'environnement, et en l'absence d'une discipline communautaire prévue à cet égard par les dispositions du traité CEE en matière d'aides d'État, la Commission a décidé d'adopter en 1974 une communication concernant l'encadrement sur le plan communautaire des aides d'État en faveur de l'environnement. Cette communication avait pour but d'informer les États membres des critères généraux selon lesquels la Commission appliquerait les dispositions des articles 92 et suivants du traité CEE aux aides d'État existantes ou prévues que les États membres fonderaient sur des nécessités propres à l'environnement (ci-après «encadrement communautaire» ou «encadrement CE»).

  7. L'encadrement CE applicable aux aides en matière de protection de l'environnement au moment de l'adoption du cinquième code des aides à la sidérurgie avait été défini dans la communication SG (80) D/8287 de la Commission, du 7 juillet 1980 (ci-après «encadrement CE de 1980»), et reconduit par la communication SG(87) D/3795 de la Commission du 23 mars 1987 (ci-après «encadrement CE de 1987»). Ce dernier précisait les critères exigés pour qu'une aide destinée à la protection de l'environnement dans le domaine CE puisse être déclarée compatible avec le marché commun. Ces critères, fixés dans le point 3 de la communication du 23 mars 1987, étaient les suivants:

    «3.2.1    Le taux de l'aide ne pourra pas excéder 15 % du montant de l'investissement qui en bénéficie. Le montant de l'aide sera calculé en équivalent subvention net après fiscalisation, selon la méthode d'évaluation utilisée par la Commission et définie dans la communication de la Commission aux États membres sur les régimes d'aides à finalité régionale.

    3.2.2    Seules les entreprises disposant d'installations fonctionnant depuis deux ans au moins avant l'entrée en vigueur des normes en question pourront bénéficier d'une aide.

    3.2.3    Les investissements permettant de respecter les normes pourront consister soit à installer des équipements complémentaires destinés à réduire ou à éliminer les pollutions et les nuisances, soit à adapter les processus de production dans le même but. Dans ce dernier cas, la fraction des investissements conduisant à une augmentation de la capacité de production existante ne bénéficiera pas de l'aide prévue.

    3.2.4    Ce sont les entreprises qui devront supporter la totalité des coûts des investissements de remplacement et des frais de fonctionnement.»

  8. Le 10 mars 1994, un nouvel encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (94/C 72/03) a été publié au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 72, p. 3, ci-après «encadrement CE de 1994»). Ce nouvel encadrement définit les critères applicables aux aides accordées dans tous les secteurs régis par le traité CE et, dans son point 2.2, précise la ligne de conduite suivie par la Commission lorqu'elle apprécie, au titre de l'article 92 du traité CE, les aides d'État accordées en vue de certains objectifs dans le domaine de l'environnement. Il a modifié l'encadrement CE de 1987 existant au moment de l'adoption du cinquième code des aides à la sidérurgie, entre autres aspects, en ce que, dans certaines circonstances, les entreprises qui décident de remplacer d'anciennes installations de plus de deux ans par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes en matière d'environnement peuvent obtenir une aide pour la fraction des coûts d'investissement ne dépassant pas ceux qui auraient résulté de l'adaptation des anciennes installations (voir point 3.2.3.A, troisième alinéa, de l'encadrement CE de 1994).

  9. Le 14 mars 1995, la Commission a présenté au Conseil une proposition d'adaptation du cinquième code des aides à la sidérurgie. Il s'agit d'une communication de la Commission intitulée «Demande d'avis conforme du Conseil et consultation du comité CECA, au titre de l'article 95 du traité CECA, concernant un projet de décision de la Commission relative à l'adaptation de l'article 3 de la décision n° 3855/91/CECA de la Commission (cinquième code des aides à la sidérurgie)» (document SEC(95) 315 final).

  10. Le point 5 de ladite proposition expose que le nouvel encadrement CE de 1994, qui a remplacé l'ancien encadrement de 1987 en vigueur au moment de l'adoption du cinquième code des aides à la sidérurgie et auquel ce dernier faisait référence, diffère au moins sous cinq aspects majeurs de l'encadrement antérieur et, donc, du cinquième code des aides à la sidérurgie. Ces cinq aspects sont énumérés dans ledit point 5 de la proposition. En relation avec l'un d'eux, le point 5, sous b), signale que, bien que conformément au principe du «pollueur-payeur», aucune aide ne devrait en général être accordée en compensation des coûts entraînés par lerespect des normes obligatoires dans de nouvelles installations, le nouvel encadrement CE, à l'avant-dernier alinéa du point 3.2.3.A, «prévoit expressément que, néanmoins, les entreprises qui, plutôt que d'adapter simplement des installations existantes de plus de deux ans, optent pour les remplacer par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes, peuvent bénéficier d'une aide pour la fraction des coûts d'investissement qui ne dépassent pas ceux qui auraient résulté de l'adaptation des anciennes installations».

  11. Le point 6 de ladite proposition conclut:

    «Par conséquent, afin de mieux se conformer aux conditions prévues par les considérants du code des aides à la sidérurgie, et notamment pour ce qui est du respect du principe portant sur l'égalité d'accès aux aides en question entre le secteur sidérurgique et les autres secteurs tel qu'établi dans le préambule dudit code, il est nécessaire et approprié que la Commission décide d'adapter l'article 3 du code des aides selon les termes repris dans le projet de décision ci-joint.»

  12. L'article 1er du projet de décision annexée à la proposition de la Commission se lit comme suit:

    «Article premier
    Le texte de l'article 3 de la décision 3855/91/CECA est remplacé par le suivant:

    ”Aides en faveur de la protection de l'environnement
    1.    Les aides pour la protection de l'environnement peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun à condition qu'elles respectent les règles établies dans l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement en vigueur".»

  13. Cette proposition de la Commission n'a pas reçu l'avis conforme du Conseil.

    Faits à l'origine du recours


  14. Par lettre du 29 décembre 1993, le grand-duché de Luxembourg a notifié à la Commission, au titre de l'article 6, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie un projet d'aide en faveur de l'entreprise ProfilARBED SA, dans le cadre de la construction d'une nouvelle aciérie à Esch-Schifflange (Luxembourg).

  15. Par lettre du 5 avril 1994, le grand-duché de Luxembourg, en réponse à la demande de la Commission, a fourni des renseignements complémentaires relatifs au projet d'aide en cause.

  16. Le 1er juin 1994, en application de l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code des aides à la sidérurgie, la Commission a ouvert une procédure à l'encontre de ce projet d'aide (communication 94/C 212/07 de la Commission, JO C 212, p. 7). Suite à l'ouverture de cette procédure, la Commission a reçu plusieurs observations et a transmis au gouvernement luxembourgeois, afin de lui permettre de faire connaître son opinion, celles qu'elle avait reçues de la requérante, alors dénommée British Iron and Steel Producers Association (BISPA), de British Steel plc et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

  17. Par lettre du 17 novembre 1994, le grand-duché de Luxembourg a soumis à la Commission ses commentaires sur les observations formulées par BISPA, British Steel et par le Royaume-Uni.

  18. Par lettre du 19 décembre 1994, le grand-duché de Luxembourg a informé la Commission qu'il était disposé à plafonner le taux d'aide à 15 % de l'investissement éligible, conformément aux dispositions de l'encadrement communautaire des aides pour la protection de l'environnement.

  19. Le 31 décembre 1994, la Commission a adopté la décision reproduite dans sa communication 94/C 400/02, en application de l'article 6, paragraphe 4, de la décision n° 3855/91/CECA, adressée aux autres États membres et autres parties intéressées, relative aux aides que le Luxembourg projette d'accorder à Profil ARBED SA (ARBED) [aides d'État C 25/94 (ex N 11/94), JO 1994, C 400, p. 10, ci-après «décision attaquée»]. Par cette décision, la Commission a clôturé sans soulever aucune objection la procédure ouverte le 1er juin 1994 à l'encontre de ces aides liées à la protection de l'environnement. La Commission déclare qu'elles sont conformes à l'article 3 du cinquième code des aides à la sidérurgie et donc compatibles avec le marché commun.

  20. La décision attaquée autorise le paiement d'une aide d'un montant maximal de 91 950 000 LFR à l'entreprise sidérurgique luxembourgeoise ProfilARBED SA (ARBED), filiale à 100 % de ARBED SA, société anonyme de droit luxembourgeois. L'aide en question représente 15 % des 613 000 000 LFR que l'ARBED s'est engagée à consacrer à la protection de l'environnement dans le cadre de la construction d'une nouvelle aciérie électrique sur le site sidérurgique d'Esch-Schifflange. La nouvelle aciérie remplacera les aciéries LDAC existantes qui ne sont pas conformes aux nouvelles dispositions luxembourgeoises en matière d'environnement.

  21. La requérante, dénommée BISPA au moment de l'introduction du recours et devenue UK Steel Association, est une association établie à Londres qui représente des entreprises britanniques produisant et fournissant, sur le territoire de la Communauté, des produits en fer et en acier du type de ceux définis à l'annexe 1 du traité CECA.

  22. Bien que le Journal officiel dans lequel la décision attaquée est reproduite porte la date du 31 décembre 1994, cette édition n'a toutefois été disponible à l'Office des publications officielles des Communautés européennes que le 27 mai 1995.



    Procédure et conclusions des parties


  23. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juillet 1995, la requérante a introduit le présent recours.

  24. Par demandes déposées le 21 décembre 1995, le grand-duché de Luxembourg et l'ARBED, société mère de la bénéficiaire de l'aide contestée, ont demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.

  25. Par ordonnances du président de la cinquième chambre élargie du 1er mars 1996, le grand-duché de Luxembourg et l'ARBED ont été admis à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.

  26. Les mémoires en intervention des parties intervenantes et les observations des parties au principal sur ces mémoires ont été déposés respectivement le 9 avril et le 3 juin 1996.

  27. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé, d'une part, d'adopter des mesures d'organisation de la procédure au titre de l'article 64 du règlement de procédure en demandant à la Commission de répondre par écrit à une question et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale.

  28. La Commission a répondu à la demande du Tribunal le 19 septembre 1996 en indiquant que la proposition d'adaptation du cinquième code n'avait pas encore reçu l'avis conforme du Conseil mais que, néanmoins, elle avait soumis à ce dernier un nouveau projet de règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (sixième code), destiné à remplacer le cinquième code, dont copie figurait en annexe à sa réponse. Elle a fait remarquer que le texte de l'article 3 du projet de sixième code était, en substance, analogue à celui de l'article 3 de la proposition d'adaptation. Le projet prévoyait une application automatique de l'encadrement CE de 1994 aux aides à la sidérurgie.

  29. La proposition susvisée n'a pas reçu l'avis conforme du Conseil. Le texte définitif du sixième code des aides de la sidérurgie, approuvé par la décision n° 2496/96 après avis conforme du Conseil statuant à l'unanimité, ne prévoit pas l'application automatique au domaine CECA de la disposition de l'encadrement CE relative aux aides à la sidérurgie, mais définit des critères d'application de cet encadrement au domaine CECA.

  30. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du 11 mars 1997.

  31. La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • annuler la décision attaquée,

    • condamner la partie défenderesse aux dépens.



  32. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • rejeter le recours,

    • condamner la partie requérante aux dépens.



  33. Le grand-duché de Luxembourg conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • rejeter le recours,

    • condamner la partie requérante aux dépens, y compris les dépens de l'intervenant.



  34. L'ARBED conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • rejeter le recours,

    • condamner la partie défenderesse (sic) aux dépens de son intervention.



  35. La procédure orale a été close par décision du président de la cinquième chambre élargie du Tribunal en date du 25 mars 1997.



    La partie «Appréciation de la Commission» de la décision attaquée


  36. Dans le premier alinéa de la partie «Appréciation de la Commission» de la décision attaquée, la Commission rappelle, en premier lieu, le libellé de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie. En second lieu, elle relève, au deuxième alinéa, que l'aide envisagée est destinée au remplacement d'anciennes installations par de nouvelles, répondant aux nouvelles normes luxembourgeoises de protection de l'environnement. La décision attaquée souligne que les coûts de l'investissement nécessaire pour une telle adaptation, dans l'hypothèse du maintien des installations existantes, auraient été considérablement plus élevés.

  37. Dans le troisième alinéa, la Commission, s'appuyant sur ce que «le code des aides à la sidérurgie, partie II de son préambule, énonce le principe qu'il y a lieu d'assurer entre la sidérurgie et les autres secteurs une égalité d'accès aux aides à la protection de l'environnement», en tire pour principe que «les mêmes dispositions du droit communautaire en matière d'aides à la protection de l'environnement doivent trouver une application généralisée, la même pour toute entreprise, qu'elle soit sidérurgique ou non», et conclut, dans la dernière phrase de cet alinéa que «sauf disposition expressément contraire, les mêmes principes interprétatifs doivent trouver application pour toute aide à la protection de l'environnement».

  38. Au quatrième alinéa de cette partie de la décision attaquée, la Commission rappelle ensuite que l'encadrement communautaire des aides d'État à la protection de l'environnement permet d'autoriser des aides aux entreprises qui, «plutôt que d'adapter simplement des installations existantes de plus de deux ans, optent pour les remplacer par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes». Elle relève, à l'alinéa suivant, que «l'extension de ce principe général prévu par l'encadrement au code des aides à la sidérurgie paraît tout à fait possible dans la mesure où ceci ne contredit pas la formulation de l'article 3 [dudit code]».

  39. La Commission analyse ensuite, au sixième alinéa, si l'aide envisagée satisfait à toutes les conditions posées par l'encadrement communautaire et constate que tel est le cas, y compris en ce qui concerne le respect du plafond maximal de 15 % brut de l'investissement (septième alinéa).

  40. La décision attaquée conclut aux neuvième et dixième alinéas en ces termes: «Au vu de ce qui précède, en estimant que l'article 3, paragraphe 1, du code des aides à la sidérurgie ne s'oppose pas à ce que l'on puisse considérer comme étant compatible avec le marché commun les aides accordées, dans le respect du seuil de 15 % brut, à des entreprises qui, au lieu d'adapter aux nouvelles normes environnementales des installations existantes de plus de deux ans avant l'entrée en vigueur desdites normes, décident de les remplacer par de nouvelles installations, répondant aux nouvelles dispositions, pourvu que l'aide ne dépasse pas celle qui aurait résulté de l'adaptation de l'ancienne aciérie, la Commission considère que les aides en question sont conformes à l'article 3 [du cinquième code des aides à la sidérurgie] et, par conséquent, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. Pour ces raisons, la Commission a décidé de clôturer la procédure ouverte à l'encontre des aides en faveur de l'entreprise ProfilARBED et portant sur la protection de l'environnement sans soulever aucune objection».

    Sur le fond


    Sur le moyen unique tiré de la violation du traité CECA ou de toute règle de droit relative à son application, et en particulier de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie


  41. La requérante soulève un seul moyen à l'appui de son recours, tiré de la violation du traité CECA ou de toute règle de droit relative à son application, en particulier en ce que la décision attaquée viole l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie. La requérante soutient, en substance, que l'aide autorisée est destinée à la construction de nouvelles installations conformes aux nouvelles normes de protection de l'environnement, au lieu d'être destinée à l'adaptationauxdites normes des installations existantes.

  42. Au vu des différents arguments avancés par les parties, il convient de traiter séparément et à titre liminaire la question de savoir si la construction d'un nouveau four électrique à Esch-Schifflange pour remplacer l'ancien four LDAC doit être considérée comme l'adaptation d'anciennes installations à de nouvelles normes ou comme la construction d'une nouvelle installation.

    Sur la question de savoir si la construction d'un nouveau four électrique à Esch-Schifflange pour remplacer l'ancien four LDAC doit être considérée comme l'adaptation d'anciennes installations à de nouvelles normes ou comme la construction d'une nouvelle installation


    Arguments des parties

  43. Les parties intervenantes soutiennent dans leurs mémoires en intervention qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, de la construction d'une nouvelle installation conforme aux nouvelles normes de protection de l'environnement, mais de l'adaptation d'anciennes installations déjà existantes auxdites normes. Par conséquent, l'aide en question remplirait les critères exigés par l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie et serait, donc, compatible avec le marché commun.

  44. Le grand-duché de Luxembourg explique que les installations en question sont celles de la phase liquide du centre de production d'Esch-Schifflange, la phase liquide étant un outil de production intégrée, qui se compose d'un four poche, d'une aciérie et de deux coulées continues, ces deux derniers éléments ne pouvant fonctionner indépendamment. L'aide contestée aurait été destinée à remplacer l'aciérie, qui, à l'origine, était une aciérie à oxygène du type LDAC, par une aciérie électrique. Le grand-duché de Luxembourg souligne que la seule partie de la phase liquide qui a été remplacée est l'aciérie, un outil qui ne peut être considéré isolément et qui n'est qu'un des éléments d'une installation intégrée de fabrication de demi-produits en acier. Partant, malgré le remplacement de l'aciérie, l'installation elle-même serait restée en place et n'aurait été que modernisée.

  45. L'ARBED fait également valoir que la construction d'un nouveau four électrique dans le complexe d'Esch-Schifflange n'équivaut pas à la construction d'une nouvelle installation, mais doit être considérée comme une modernisation de ce complexe.

  46. La requérante conteste cet argument, soulignant qu'il a été soulevé par les deux parties intervenantes mais qu'il n'a pas été soulevé par la Commission. La requérante fait, en substance, valoir qu'il avait été déjà défendu par le grand-duché de Luxembourg devant la Commission à la suite de la notification du projet d'aide, mais que la Commission l'a rejeté dans la décision attaquée.

  47. La requérante soutient que cet argument tend à remettre en question la légalité de la décision attaquée. Or, rappelle-t-elle, il est bien établi par l'article 33 du traité CECA que les motifs permettant de contester une décision doivent se limiter à ceux susceptibles d'une analyse juridique, et non économique (arrêt de la Cour du 18 mars 1980, Ferriera Valsabbia e.a./Commission, 154/78, 205/78, 206/78, 226/78, 227/78, 228/78, 263/78, 264/78, 30/79, 31/79, 83/79, 85/79, Rec. p. 907, point 11), et que la Commission possède un pouvoir discrétionnaire pour apprécier les faits. La requérante estime que, en l'absence d'allégations selon lesquelles la Commission aurait commis un détournement de pouvoir ou une erreur manifeste, l'examen du Tribunal ne peut porter sur l'appréciation de la situation découlant des faits et des circonstances économiques.

  48. La requérante en conclut que l'argumentation des parties intervenantes n'est pas pertinente dans la présente affaire et est irrecevable.

  49. Par ailleurs, elle signale que, ainsi qu'il ressort des explications fournies en annexe à ses observations sur les mémoires en intervention, l'investissement projeté par l'ARBED avait pour but de substituer à l'actuel processus de production, basé sur la méthode traditionnelle du «fer fondu», dans laquelle on utilise l'aciérie à oxygène pur ou LDAC, un processus de production électrique, qui permettrait à l'ARBED d'utiliser de la mitraille de fer en tant que matière première principale au lieu de dépendre du minerai de fer et du charbon cokéfiable qui, traditionnellement, étaient extraits à proximité du complexe sidérurgique d'Esch-Schifflange et dont les sources seraient bientôt épuisées. La requérante souligne que la position géographique du Luxembourg aurait entraîné, en l'absence de cette substitution, une hausse des coûts de production de l'ARBED, en raison de l'incorporation des coûts de transport des matières premières. Le remplacement de l'ancienne aciérie LDAC par la nouvelle aciérie électrique, qui constitue l'élément essentiel du nouveau processus de production, ne pourrait être considéré comme l'adaptation d'un processus de production existant, mais comme une substitution de celui-ci. En dernier lieu, la requérante souligne que les installations LDAC existantes seront définitivement fermées à la fin de 1997, une fois la substitution du processus de production accomplie, ainsi qu'il ressort des déclarations de l'ARBED dans ses bulletins informatifs, annexés par la requérante à ses observations sur les mémoires en intervention.
    Appréciation du Tribunal

  50. Au vu des circonstances particulières du cas d'espèce et de la relation étroite existant entre, d'une part, l'argumentation développée par les parties intervenantes quant à la question de savoir si l'aide en cause a eu ou non pour objet l'adaptation d'installations existantes et, d'autre part, le moyen unique invoqué par la requérante à l'appui de son recours, tiré de la violation de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides, le Tribunal considère qu'il convient d'examiner l'argumentation des parties intervenantes, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

  51. Selon la décision attaquée (voir point 36 ci-dessus), l'aide en cause a pour objet le remplacement d'une ancienne installation par une nouvelle, répondant aux nouvelles normes luxembourgeoises de protection de l'environnement.

  52. En effet, à l'avant-dernier alinéa de la partie «Les aides en cause» de la décision attaquée, la Commission constate: «Compte tenu des coûts d'investissement importants en rapport avec la mise en conformité des aciéries LDAC existantes aux nouvelles normes en matière de protection de l'environnement et pour éviter qu'une grande partie de cet investissement ne soit perdue au moment du remplacement des aciéries existantes, l'ARBED avait décidé d'accélérer le programme de remplacement de ses installations par de nouvelles installations correspondant aux dispositions pour la sauvegarde de l'environnement. En effet, le montant des coûts d'investissements engagés par l'ARBED dans la nouvelle aciérie et portant sur la protection de l'environnement était de 613 millions de francs luxembourgeois.»

  53. A un stade plus avancé de l'analyse, au deuxième alinéa de la partie «Appréciation de la Commission», celle-ci relève: «Il ressort du dossier que l'ARBED, au lieu d'adapter les anciennes installations aux nouvelles dispositions, a choisi d'accélerer son programme de remplacement des anciennes installations par de nouvelles installations répondant aux critères prévus par les nouvelles normes. L'aciérie électrique constitue le remplacement, répondant aux nouvelles normes, de l'ancienne aciérie LDAC qui fut construite au cours des années soixante et soixante-dix. Dans l'hypothèse du maintien des installations existantes, le coût des investissements que l'ARBED aurait dû soutenir aurait atteint un montant estimé à 1,5 milliard de francs luxembourgeois, dont 750 millions de francs luxembourgeois au niveau de dépoussiérage primaire avec une nouvelle tour de conditionnement des fumées de convertisseur en amont de l'électrofiltre sec (150 millions de francs luxembourgeois), une nouvelle cheminée-chaudière (600 millons de francs luxembourgeois) et 750 millions de francs luxembourgeois pour le dépoussiérage secondaire de l'aciérie. Il s'ensuit que les coûts d'investissement liés à la protection de l'environnement dans la nouvelle installation ne dépasseront pas ceux qui auraient résulté de l'adaptation des anciennes installations.»

  54. En outre, il ressort du dossier que le grand-duché de Luxembourg avait notifié le projet d'aide dans le cadre d'un investissement destiné à accélérer le programme de remplacement des aciéries existantes. Ainsi, le ministère luxembourgeois de l'Économie avait adressé à la Commission une note datée du 29 décembre 1993, transmise par lettre de la représentation permanente du grand-duché de Luxembourg du 30 décembre 1993 et intitulée «Note concernant les investissements en faveur de la protection de l'environnement réalisés par ProfilARBED SA dans le cadre de l'installation d'une aciérie électrique à Esch-Schifflange», dans laquelle il est fait état, au premier alinéa, de la «construction d'une nouvelle aciérie électrique à Esch-Schifflange».

  55. Cette présentation est corroborée par une lettre du 31 mars 1994 du ministère luxembourgeois de l'Économie, transmise à la Commission par lettre de la représentation permanente du grand-duché de Luxembourg du 5 avril 1994, dans laquelle il est précisé (dernier alinéa de la page 2): «Au regard des coûts d'investissements importants en rapport avec la mise en conformité des aciéries LDAC existantes aux normes en matière de protection de l'environnement et pour éviter qu'une grande partie de cet investissement ne soit perdue au moment du remplacement des aciéries existantes au cours des années à venir, la société ProfilARBED a décidé d'accélérer le programme de remplacement de ses aciéries par des installations correspondant à l'état de la technologie, tant en matière d'élaboration de l'acier qu'en matière de protection de l'environnement.»

  56. Au surplus, l'ARBED a affirmé, lors de l'audience, que le nouveau four électrique, bien que ne constituant pas la totalité du complexe, était l'élément le plus important de celui-ci.

  57. En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l'audience, le grand-duché de Luxembourg a également confirmé que, bien que le processus de production mis en place avec les installations à oxygène pur ou LDAC existantes puisse incorporer de la ferraille en tant que matière première, à concurrence de 30 à 40 %, le processus de production électrique résultant de l'investissement objet de l'aide permet d'utiliser à 100 % de la ferraille comme matière première. Par conséquent, force est de constater que tant le processus de production que la composition des matières premières a, en fait, changé suite à l'investissement objet de l'aide.

  58. En outre, il y a lieu de rappeler que la requérante a affirmé, sans être contredite ni par les parties intervenantes ni par la Commission, que les installations LDAC existantes seront définitivement fermées à la fin de 1997. Dès lors, à partir de cette date, le remplacement des installations existantes auquel doit servir l'investissement objet de l'aide sera terminé.

  59. Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal considère que l'importance des éléments remplacés, l'ampleur de la modification enregistrée dans le processus de production ainsi que le caractère substantiel du changement intervenu dans la composition des matières premières à la suite de la réalisation de l'investissement objet de l'aide excèdent le concept d'adaptation d'une installation existante. Par conséquent, la Commission a pu, a juste titre, conclure dans la décision attaquée (voir points 51 à 53 ci-dessus), que l'investissement objet de l'aide ne constituait pas l'adaptation d'anciennes installations à de nouvelles dispositions, mais le remplacement d'anciennes installations par de nouvelles, répondant aux critères prévus par les nouvelles normes en matière d'environnement.

  60. Dès lors, cet argument des parties intervenantes n'est pas fondé.

    Sur la violation de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie


    Arguments des parties

  61. La requérante affirme que la thèse reprise dans la décision attaquée, selon laquelle l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie (voir point 5 ci-dessus) permettrait de qualifier d'aide pour la protection de l'environnement une aide destinée à être utilisée pour la construction d'une nouvelle installation est contraire au libellé clair et sans ambiguïté dudit article, qui ne vise que les aides destinées à faciliter l'adaptation aux nouvelles normes légales de protection de l'environnement des installations en service deux ans au moins avant la mise en vigueur de ces normes.

  62. D'après la requérante, la Commission a déduit du deuxième alinéa de la partie II du préambule du cinquième code (voir point 5 ci-dessus), la possibilité d'appliquer automatiquement dans le domaine CECA les règles de l'encadrement arrêtées au titre du traité CE en matière d'aides d'État. Cette application automatique constituerait une violation du cinquième code en ce qu'elle serait contraire àl'article 3 et au libellé même du deuxième alinéa précité, qui exige expressément la présentation d'une proposition d'adaptation au cas où l'encadrement CE s'écarte du cinquième code, situation qui s'est produite en l'espèce. Elle rappelle qu'une telle proposition d'adaptation du cinquième code a été, postérieurement à l'adoption de la décision attaquée, présentée par la Commission et affirme que, en présentant cette proposition d'amendement, la Commission a reconnu que l'interprétation large qu'elle avait donnée à l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code était viciée en droit.

  63. La requérante fait, en outre, valoir que l'interprétation large donnée par la Commission à l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code, est contraire aux dispositions applicables aux aides d'État dans le domaine CECA et aux principes qui les inspirent.

  64. La requérante rappelle que les dispositions du traité CECA relatives aux aides d'État diffèrent des règles du traité CE. Ainsi, si l'article 4, sous c), du traité CECA prévoit que toutes les subventions ou aides accordées par les États, sous quelque forme que ce soit, sont interdites, l'article 92 du traité CE permet l'octroi d'aides publiques dans certaines conditions qu'il énonce.

  65. Selon la requérante, face aux graves problèmes rencontrés par les entreprises opérant dans le domaine CECA, la Commission a adopté, suivant la procédure très rigoureuse prévue par l'article 95 du traité CECA, une dérogation au principe général d'interdiction des aides dans ce domaine sous la forme du premier code des aides à la sidérurgie, lequel a été remplacé par des versions postérieures successives.



  66. La requérante en conclut que le code des aides à la sidérurgie doit être interprété strictement et uniquement par référence à son libellé, parce qu'il est un principe fondamental de droit que les dérogations à un principe contenu dans un traité doivent être interprétées strictement.


  67. La Commission fait remarquer, tout d'abord, que la requérante ne conteste pas que l'aide était conforme à l'encadrement CE de 1994. Elle souligne que la requérante ne conteste pas non plus que les coûts d'adaptation des installations aux nouvelles normes de protection de l'environnement auraient été très supérieurs aux dépenses nécessaires pour que les nouvelles installations soient conformes à ces normes, et que, par conséquent, l'aide maximale qui aurait pu être approuvée sur la base de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code aurait été sensiblement plus élevée que l'aide approuvée dans la décision attaquée.


  68. En ce qui concerne l'argument de la requérante tiré de la trop large interprétation que la Commission aurait faite de l'article 3 du cinquième code, cette dernière rétorque qu'elle n'a pas procédé à une interprétation trop laxiste, mais, au contraire, qu'elle a tenu compte de la ratio legis du cinquième code et de ses obligations au titre du traité CECA.

  69. La Commission fait valoir que la décision attaquée est parfaitement conforme à la lettre et à l'esprit de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code et au code lui-même dans son ensemble, puisqu'elle apporte la solution la plus efficace pour que la production du bénéficiaire respecte les nouvelles normes de protection de l'environnement. Selon la Commission, une bonne compréhension des dispositions de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code nécessite un examen de l'intérêt plus large de la finalité du code ainsi qu'une bonne appréciation de la place croissante qu'occupent les préoccupations environnementales dans l'application de la politique communautaire. Elle soutient que, en adoptant la décision attaquée, elle a a agi conformément à l'article 3, sous d), du traité CECA, lequel l'oblige, dans l'intérêt commun, à veiller au maintien de conditions incitant les entreprises à développer et à améliorer leur potentiel de production et à promouvoir une politique d'exploitation rationnelle des ressources naturelles évitant leur épuisement inconsidéré. La Commission en conclut que le traité CECA lui-même l'oblige à prendre des mesures pour assurer la protection de l'environnement dans l'intérêt commun.

  70. La Commission rappelle que l'Acte unique européen a renforcé les pouvoirs de la Communauté dans le domaine de la protection de l'environnement. En particulier, l'article 130 R du traité CE prévoit, en son paragraphe 2, premier alinéa, in fine: «Les exigences en matière de protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des autres politiques de la Communauté.»

  71. La Commission relève que la ratio legis de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code coïncide avec la disposition correspondante de l'encadrement CE de 1994. D'après elle, la référence faite dans le préambule du cinquième code aux dispositions relatives aux aides à la protection de l'environnement dans les deux encadrements généraux des aides d'État (l'encadrement CE et l'encadrement CECA, ce dernier établi par le même cinquième code) confirme qu'il y a lieu d'appliquer un même traitement à la sidérurgie et aux autres secteurs en matière d'aides à la protection de l'environnement.

  72. La Commission explique que les principes sur lesquels se fondent les règles du cinquième code relatives aux aides d'État pour la protection de l'environnement, qui n'ont pas été modifiés, sont encore mieux expliqués dans la section II du préambule du quatrième code, selon lequel: «Il serait injustifié [...] de priver la sidérurgie communautaire du bénéfice des aides [...] destinées à lui permettre d'adapter ses installations aux normes nouvelles de protection de l'environnement. En effet, dans la mesure où elles répondent aux objectifs d'intérêt commun et aux conditions visées par la présente décision, ces aides peuvent être accordées au secteur de la sidérurgie, de même que les aides analogues accordées aux autres secteurs de l'industrie sur la base des dispositions des articles 92 et 93 du traité CEE.»

  73. La Commission soutient qu'il est possible d'accorder une aide aux entreprises qui, plutôt que d'adapter simplement des installations existantes de plus de deux ans, optent pour les remplacer par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes, et affirme que cette interprétation est confirmée par l'article 3, paragraphe 2, du cinquième code. En effet, cette disposition prévoit une limite de 15 % en équivalent-subvention net des dépenses d'investissement directement liées à la mesure visée de protection de l'environnement et précise expressément que, dans le cas où l'investissement s'accompagne d'un accroissement de la capacité de production de l'installation concernée, la valeur dudit investissement n'est prise en compte qu'au prorata de la capacité initiale.

  74. Quant à l'argument de la requérante selon lequel la proposition présentée par la Commission au Conseil confirmerait que l'interprétation donnée à l'article 3, paragraphe 1, est entachée d'un vice, la Commission estime qu'il n'est pas étayé par les faits. Elle fait valoir que, si elle a souligné dans sa demande d'avis conforme les différences de libellé existant entre le cinquième code et l'encadrement CE, c'est parce qu'elle considère que l'adaptation proposée apporterait une confirmation améliorant la transparence du cinquième code, sans toutefois en modifier le contenu ni le sens.

  75. La Commission relève qu'elle a aussi tenu compte des avantages spécifiques que l'investissement projeté comportait pour la protection de l'environnement, étant donné la sévérité des normes luxembourgeoises, ainsi que du fait que le montant de l'aide était plus limité qu'il ne l'aurait été dans l'hypothèse d'une adaptation des installations. Elle soutient qu'il aurait été contraire à l'esprit du cinquième code de punir un État membre qui impose des normes plus sévères que d'autres États membres.


  76. La Commission souligne, en outre, que la «violation du traité» étant un des moyens d'annulation prévus à l'article 33 du traité CECA, l'appréciation de ce moyen ne saurait comporter un examen au fond de l'analyse économique sur laquelle se fonde la décision attaquée, puisque les moyens par lesquels une décision peut être contestée sont expressément limités par ledit article 33 à ceux qui peuvent faire l'objet d'un examen juridique, à l'exclusion de toute appréciation d'ordre économique. Elle estime que, pour ce qui est de l'examen de la légalité des décisions fondées sur l'article 95 et sur le cinquième code, cet examen doit se limiter à rechercher si elle a commis une erreur manifeste dans son appréciation de la nécessité des aides autorisées pour atteindre les objectifs du traité.

  77. Le grand-duché de Luxembourg fait valoir que l'article 3 du cinquième code impose trois conditions pour qu'une aide soit déclarée compatible avec le bon fonctionnement du marché commun, à savoir, en premier lieu, que l'aide soit destinée à faciliter l'adaptation d'installations existantes aux nouvelles normes de protection de l'environnement; en deuxième lieu, que les installations en question soient en service depuis au moins deux ans et, en troisième lieu, que l'aide soit plafonnée à 15 % net du montant de l'investissement. De l'avis du grand-duché de Luxembourg, les trois conditions sont remplies dans l'espèce.

  78. Le grand-duché de Luxembourg relève que la première condition — que l'aide soit destinée à faciliter l'adaptation d'installations existantes à de nouvelles normes de protection de l'environnement — est remplie en l'espèce, suite à l'adoption de deux arrêtés ministériels qui définissent les conditions d'exploitation imposées à ProfilARBED SA et qui concernent notamment l'émission de poussières ainsi que l'émission de bruit.

  79. Quant à la deuxième condition — que les installations en question soient en service depuis au moins deux ans —, le grand-duché de Luxembourg estime qu'elle est également remplie. Il fait remarquer que les installations en question sont celles de la phase liquide du centre de production d'Esch-Schifflange, comprenant, outre la phase liquide, un four à longerons et deux trains de laminoirs, et qu'il n'est pas contesté que le centre de production existait depuis plus de deux ans lors de l'entrée en vigueur des nouvelles normes en cause.

  80. Quant à la troisième condition — le plafonnement de l'aide à 15 % net de l'investissement —, le gouvernement luxembourgeois fait valoir que le montant de l'aide, telle qu'elle a été approuvée par la Commission, est bien au-dessous du seuil maximal mentionné à l'article 3, paragraphe 2, du cinquième code, puisqu'il s'élève à 15 % brut de l'investissement fait par ProfilARBED, tandis que ledit article 3 prévoit un taux plafond de 15 % net, ce qui correspondrait à environ 25 à 30 % brut.

  81. Le grand-duché de Luxembourg rappelle, en outre, que le texte de l'article 3 du cinquième code est identique à celui de l'encadrement CE de 1987, lequel était applicable au moment de l'adoption du cinquième code. Il ajoute que cet encadrement ne se réfère pas exclusivement à la notion d'installations, comme le fait le cinquième code, mais fait également référence à la réalisation d'équipements supplémentaires et à la modification des procédés de production. Or, les dispositions du cinquième code devraient être interprétées à la lumière de l'encadrement CE, le cinquième code étant basé sur le principe d'une égalité d'accès aux aides à la protection de l'environnement, indépendamment des secteurs économiques dans lesquels les entreprises concernées sont actives. Il en résulterait qu'une adaptation du processus de production peut également bénéficier d'une aide. Or, en l'espèce, les investissements effectués par ProfilARBED auraient précisément conduit à une modification du processus de production.

  82. Selon l'ARBED, la seule question qui se pose quant à l'interprétation de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code est de savoir s'il existe une limitation à l'importance de la modernisation des installations nécessaires pour se conformer aux nouvelles normes de protection de l'environnement. Elle considère que, aussi longtemps que l'aide contribue à la réalisation de l'objectif poursuivi par l'article 3 du cinquième code, rien dans cette disposition n'oblige la Commission à tenir compte de la nature et de l'importance de la modernisation.


  83. Dès lors, l'ARBED soutient que, même si l'on considère le remplacement des convertisseurs LDAC par des fours électriques comme le remplacement d'une installation existante plutôt que comme une adaptation de cette installation, la Commission a fait une application correcte du cinquième code en estimant qu'un tel remplacement est couvert par l'article 3, paragraphe 1, dudit code.

  84. L'ARBED conteste aussi la prétendue nécessité d'une adaptation formelle du cinquième code pour le mettre en conformité avec l'évolution du régime prévu dans le traité CE en matière d'aides à l'environnement, puisque, selon elle, lorsquele cinquième code a été adopté, les règles communautaires CE relatives à la protection de l'environnement permettaient déjà d'autoriser l'octroi d'aides d'État à des entreprises pour leur permettre d'adapter leurs activités existantes aux nouvelles normes en matière d'environnement, la seule condition imposée étant qu'il existe une activité polluante fonctionnant depuis deux ans au moins avant l'entrée en vigueur des dispositions en cause, ainsi qu'il ressortirait déjà de l'encadrement CE de 1974 et que l'aurait confirmé l'encadrement CE de 1987.


  85. L'ARBED fait également valoir que l'argument de la requérante tiré de la prétendue nécessité d'interpréter l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code de façon stricte ne tient pas compte de la nature spécifique du traité CECA et de sa portée limitée. Selon l'ARBED, lorsque l'article 4, sous c) du traité CECA prohibe les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit, cette interdiction doit être comprise, eu égard à la portée limitée du traité, comme se référant aux aides à la production et/ou à la distribution et ne saurait concerner les aides à la protection de l'environnement, dès lors que la politique de l'environnement ne relève pas du traité CECA. L'ARBED souligne que c'est précisément parce que la politique de l'environnement ne relève pas du traité CECA que la Commission était en droit d'invoquer ledit article 95, premier alinéa, du traité CECA pour adopter l'article 3 du cinquième code des aides à la sidérurgie, dès lors que l'article 95, premier alinéa, s'applique uniquement aux «cas non prévus au présent traité». Si la discipline fixée par les codes d'aides à la sidérurgie constituait une dérogation à l'article 4 du traité CECA, ainsi que le soutient la requérante, la Commission aurait dû invoquer l'article 95, troisième alinéa.

  86. La requérante rejette cet argument de l'ARBED. Elle soutient que, si la Commission s'est fondée sur l'article 95, premier alinéa, du traité CECA pour proposer une décision autorisant le versement, à des entreprises sidérurgiques, d'aides ayant pour but la protection de l'environnement, c'est parce qu'aucune disposition du traité CECA ne concerne les aides d'État aux entreprises productrices d'acier. La requérante en conclut que l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code constitue une dérogation à l'article 4 du traité CECA et que, en conséquence, il est soumis à un régime d'interprétation stricte.

    Appréciation du Tribunal

  87. Il convient d'analyser si la thèse qui sous-tend la décision attaquée, selon laquelle l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie permettait d'octroyer une aide au remplacement d'installations existantes par de nouvelles, répondant aux normes de protection de l'environnement, est correcte à la lumière du libellé de cet article, du contexte dans lequel il s'insère et de sa finalité.

  88. Pour ce qui est, en premier lieu, du libellé de l'article 3, paragraphe 1, il convient de constater qu'il ne se réfère qu'à l'«adaptation aux nouvelles normes... des installations en service deux ans au moins avant la mise en vigueur de ces normes...». Une interprétation exclusivement littérale de l'article 3, paragraphe 1, exclut, dès lors, tout investissement ne constituant pas une adaptation d'installations en service, tel que le remplacement de celles-ci par de nouvelles installations, même conformes aux normes de protection de l'environnement.

  89. La Commission a admis dans la décision attaquée qu'il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'une adaptation des installations existantes, mais du remplacement de celles-ci par de nouvelles installations. Néanmoins, la Commission a soutenu qu'une interprétation de l'article 3, paragraphe 1, à la lumière du contexte dans lequel il s'insère, ainsi que de sa finalité, conduit à considérer qu'une telle possibilité est conforme à l'article 3, paragraphe 1.

  90. Il convient, dès lors, d'analyser le bien-fondé de ce raisonnement.

  91. En se basant sur le principe énoncé dans la partie II du préambule du cinquième code, selon lequel il y a lieu d'assurer, entre la sidérurgie et les autres secteurs, une égalité d'accès aux aides à la protection de l'environnement, la décision attaquée affirme, au troisième alinéa de la partie «Appréciation de la Commission», que les mêmes dispositions du droit communautaire en matière d'aides à la protection de l'environnement doivent trouver une application généralisée, la même pour toute entreprise, qu'elle soit sidérurgique ou non.

  92. La décision attaquée rappelle ensuite, au quatrième alinéa de la partie «Appréciation de la Commission», que l'encadrement communautaire des aides d'État à la protection de l'environnement publié au Journal officiel C 72 du 10 mars 1994 prévoit expressément que les entreprises qui, plutôt que d'adapter simplement des installations existantes de plus de deux ans, optent pour les remplacer par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes peuvent bénéficier d'une aide pour la fraction des coûts d'investissement qui ne dépassent pas ceux qui auraient résulté de l'adaptation des anciennes installations.

  93. La décision attaquée relève enfin, au cinquième alinéa de la partie «Appréciation de la Commission», que l'extension de ce principe général prévu par l'encadrement CE au code des aides à la sidérurgie paraît tout à fait possible dans la mesure où cela ne contredit pas la formulation de l'article 3 du cinquième code pour conclure au neuvième alinéa que l'aide en question est compatible avec le marché commun.

  94. Ce raisonnement ne peut être accueilli.

  95. En premier lieu, il convient de rappeler que le cinquième code a institué des règles qui autorisent l'octroi d'aides à la sidérurgie dans des cas limitativement énoncés et posé en principe, dans son article 1er, paragraphe 1, que ces aides ne peuvent être considérées comme des aides communautaires et, partant, comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions de ses articles 2 à 5 . Dès lors, la compatibilité de telles aides doit être appréciée à la lumière de ces dispositions.

  96. En deuxième lieu, le Tribunal relève que l'application automatique de l'encadrement CE au secteur sidérurgique n'est pas prévue par le cinquième code des aides à la sidérurgie. Une telle application automatique ne peut être inférée du principe énoncé dans le préambule du cinquième code, selon lequel il y a lieu d'assurer, entre la sidérurgie et les autres secteurs, une égalité d'accès aux aides à la protection de l'environnement. En effet, le préambule du cinquième code se limite à constater, pour ce qui est du régime applicable aux aides en matière de protection de l'environnement, que la discipline fixée par les deux encadrements était identique au moment de l'adoption du cinquième code. Toutefois, le deuxième alinéa de la partie II du préambule du cinquième code (voir point 5 ci-dessus) prévoit la nécessité d'introduire une proposition d'adaptation de ce dernier à l'encadrement CE, au cas où la discipline fixée par les deux encadrements généraux serait substantiellement modifiée pendant la durée de la validité du cinquième code. Partant, l'application de l'encadrement CE au secteur sidérurgique n'est pas automatique.

  97. En troisième lieu, il convient de rappeler que l'encadrement CE en vigueur lors de l'adoption du cinquième code — l'encadrement CE adopté en 1980 et reconduit en 1987 — a, en effet, été modifié, en 1994. Ce nouvel encadrement, à l'avant-dernier alinéa du point 3.2.3.A, prévoit la possibilité d'octroyer des aides à des investissements destinés à remplacer des installations existantes par de nouvelles installations. Cette possibilité n'était pas expressément prévue dans l'encadrement CE de 1987, lequel était en vigueur lors de l'approbation du cinquième code.

  98. L'hypothèse prévue au deuxième alinéa de la partie II du préambule du cinquième code s'est donc réalisée, puisque la discipline fixée par l'encadrement CE de 1987 a été substantiellement modifiée pendant la durée de la validité du cinquième code par l'encadrement CE de 1994. Dès lors, l'application du principe établi par le nouvel encadrement CE de 1994 au domaine CECA était subordonnée à l'introduction d'une proposition d'adaptation du cinquième code à ce nouvel encadrement.

  99. Une telle proposition d'adaptation a été effectivement présentée par la Commission le 14 mars 1995 (voir points 9 et 10 ci-dessus), postérieurement à l'adoption de la décision attaquée. La proposition d'adaptation était précisément destinée à modifier l'article 3 du cinquième code. La Commission notait, au point 5 de ladite proposition, que le nouvel encadrement CE des aides d'État pour la protection de l'environnement de 1994 différait au moins sous cinq aspects majeurs de l'encadrement antérieur et, donc, du cinquième code des aides à la sidérurgie. Parmi ces cinq aspects majeurs, elle mentionnait explicitement la possibilité prévue dans le nouvel encadrement CE de 1994 (avant-dernier alinéa du point 3.2.3.A) d'octroyer, dans certaines conditions, des aides aux entreprises qui, plutôt que d'adapter simplement des installations existantes de plus de deux ans, optent pour les remplacer par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes. La présentation de cette proposition confirme, ainsi que la requérante le soutient à juste titre, que la Commission considérait qu'il était nécessaire de modifier l'article 3 du cinquième code pour pouvoir appliquer dans le domaine CECA le principe contenu dans l'encadrement CE et contredit, par conséquent, l'interprétation de l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code faite par la Commission dans la décision attaquée. Dès lors, la Commission ne saurait prétendre que la proposition d'adaptation n'avait d'autre fin que d'améliorer la transparence du cinquième code, sans toutefois en modifier le contenu ni le sens.

  100. A titre surabondant, il convient de rappeler que le sixième code des aides à la sidérurgie, qui a été approuvé par la décision n° 2496/96 ne prévoit pas, non plus, l'application automatique au domaine CECA de la disposition de l'encadrement CE de 1994 relative aux aides en faveur de la protection de l'environnement, mais a défini des critères d'application de cet encadrement au domaine CECA.

  101. Au vu de tout ce qui précède, force est de constater que l'article 3 du cinquième code ne prévoit pas la possibilité d'octroyer des aides aux entreprises qui, plutôt que d'adapter des installations existantes, décident de remplacer celles-ci par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes de protection de l'environnement. Dans ces circonstances, la thèse retenue dans la décision attaquée, selon laquelle l'extension de cette disposition de l'encadrement CE au code des aides à la sidérurgie est possible dans la mesure où elle ne contredit pas la formulation de l'article 3 du cinquième code, doit être rejetée en ce qu'elle est contraire au libellé clair de cet article.

  102. Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que les normes nationales de protection de l'environnement dont il est question sont plus sévères que dans d'autres États membres, ni par le fait que le montant de l'aide autorisée est inférieur au moins d'un tiers au montant qui, éventuellement, aurait pû être autorisé, ni par le fait que l'aide ne dépasse pas la limite de 15 % des dépenses d'investissement directement liées à la mesure de protection de l'environnement en cause, puisque ces considérations ne peuvent justifier l'octroi d'une aide à la sidérurgie en dehors des conditions qui sont prévues à l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code.

  103. Par conséquent, l'argument du grand-duché de Luxembourg, selon lequel l'aide contestée remplirait les trois conditions imposées par l'article 3 du cinquième code des aides à la sidérurgie, ne peut pas être accueilli, étant donné que la première condition — que l'aide soit destinée à faciliter l'adaptation d'installations existantes à de nouvelles normes de protection de l'environnement — n'est pas remplie en l'espèce. Dans ces circonstances, l'analyse des arguments du grand-duché de Luxembourg relatifs aux deux autres conditions est sans objet.

  104. Quant à l'argument des parties intervenantes selon lequel une adaptation formelle du cinquième code des aides à la sidérurgie n'était pas nécessaire, puisque l'encadrement CE de 1987, voire déjà celui de 1974, permettait d'autoriser des aides pour le remplacement d'anciennes installations par de nouvelles se conformant aux nouvelles normes de protection de l'environnement, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que la référence à l'encadrement CE de 1974 n'est pas pertinente dans le cas d'espèce, puisque l'encadrement en vigueur lors de l'adoption du cinquième code, et auquel celui-ci se réfère, est l'encadrement CE de 1980, reconduit en 1987. C'est donc à la lumière du cinquième code et de l'encadrement CE de 1987 qu'il convient d'analyser si une aide destinée auremplacement d'installations existantes par de nouvelles, conformes aux nouvelles normes de protection de l'environnement, peut être déclarée compatible avec le marché commun.

  105. Selon l'encadrement CE adopté en 1980 et reconduit en 1987: «Les investissements permettant de respecter les normes pourront consister soit à installer des équipements complémentaires destinés à réduire ou à éliminer les pollutions et les nuisances, soit à adapter les processus de production dans le même but. Dans ce dernier cas, la fraction des investissements conduisant à une augmentation de la capacité de production existante ne bénéficiera pas de l'aide prévue [...] Ce sont les entreprises qui devront supporter la totalité des coûts des investissements de remplacement et des frais de fonctionnement.» (points 3.2.3 et 3.2.4).

  106. Il convient de rappeler que, ainsi qu'il ressort tant de la décision attaquée que des lettres adressées à la Commission par le gouvernement luxembourgeois (voir points 54 et 55 ci-dessus), l'investissement objet de l'aide fait partie d'un programme de remplacement des installations existantes dont le four électrique constitue l'élément essentiel. Dans ces circonstances, force est de constater que l'investissement objet de l'aide ne peut être considéré comme un équipement complémentaire destiné à réduire ou à éliminer les pollutions et les nuisances.

  107. Pour ce qui est de l'adaptation du processus de production dans le même but, il convient de rappeler que, ainsi qu'il a été jugé ci-dessus au point 59, l'investissement objet de l'aide s'inscrit dans le cadre du remplacement des installations LDAC existantes par une nouvelle aciérie électrique et que, bien que le processus de production développé avec les anciennes installations ait pu incorporer de la ferraille en tant que matière première, à concurrence de 30 à 40 %, le processus de production électrique résultant de l'investissement objet de l'aide permet d'utiliser à 100 % de la ferraille comme matière première. En outre, les installations LDAC seront définitivement fermées à la fin de 1997. Dès lors, le processus de production à oxygène pur ou LDAC a été, en fait, remplacé par un processus de production électrique. Par conséquent, force est de constater que l'investissement effectué par l'ARBED ne constitue pas l'adaptation d'un processus de production, mais le remplacement d'un tel processus par un autre.

  108. En tout état de cause, il convient, en outre, de rappeler que, aux termes (point 3.2.4) de l'encadrement CE de 1987, en vigueur lors de l'adoption du cinquième codes des aides à la sidérurgie, la totalité des coûts des investissements de remplacement devrait être supportée par les entreprises.

  109. Dès lors, cet argument des parties intervenantes n'est pas fondé.

  110. En ce qui concerne la question de savoir si l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code doit être interprété strictement, il a été jugé (voir point 101 ci-dessus) que le libellé clair de cet article 3 ne prévoit pas la possibilité d'octroyer des aides aux entreprises qui, plutôt que d'adapter des installations existantes, décident de remplacer celles-ci par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes de protection de l'environnement. Le Tribunal considère, au vu de cette conclusion, que les arguments des parties défenderesse et intervenantes ne peuvent pas conduire à une interprétation différente.

  111. Ainsi, pour ce qui est de l'argument tiré par l'ARBED de la base juridique du cinquième code des aides à la sidérurgie, il convient de préciser que, s'il est vrai que l'article 95, premier alinéa, du traité CECA se réfère aux «cas non prévus au présent traité», il n'en est pas moins certain qu'il prévoit que les mesures à adopter dans de tels cas doivent être conformes aux dispositions de l'article 5 du traité et nécessaires pour réaliser l'un des objectifs de la Communauté, tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3 et 4 du traité. Dès lors, l'article 95, premier alinéa, ne permet pas l'adoption de mesures qui méconnaissent les objectifs visés par ces articles. De même, dans la partie I de son préambule, le cinquième code précise qu'il y a lieu de recourir à l'article 95, premier alinéa, du traité pour mettre la Communauté en mesure de poursuivre les objectifs définis aux articles 2, 3 et 4 de ce même traité. Dès lors, le cinquième code et la préoccupation environnementale à laquelle, entre autres objectifs, le cinquième code donne réponse doivent être interprétés à la lumière des objectifs et principes définis par ces articles.

  112. Même si, comme le soutient l'ARBED, la Commission était en droit de se fonder sur l'article 95, premier alinéa, du traité CECA dès lors que la politique de l'environnement ne relève pas du traité CECA, il ne serait pas pour autant permis d'en déduire que le cinquième code ne constitue pas une dérogation à l'article 4 du traité CECA et que son interprétation ne doit pas revêtir un caractère strict.

  113. En outre, cet argument de l'ARBED est contredit par la Commission elle-même, qui relève que le traité CECA lui-même et, en particulier, l'article 3, sous d), l'oblige à prendre des mesures pour protéger l'environnement dans l'intérêt commun.

  114. Au vu des considérations qui précèdent, force est de constater que les règles qui doivent être appliquées dans le domaine CECA pour garantir le respect de cette préoccupation sont celles établies dans le cinquième code en tenant compte des objectifs prévus par le traité et, notamment, de l'interdiction, édictée à l'article 4, sous c), du traité d'octroyer toute aide d'État sous quelque forme que ce soit. Le cinquième code constituant une dérogation à l'article 4 du traité CECA, il doit être interprété de façon stricte.

  115. Cette nécessité d'une interprétation stricte est confirmée par le libellé lui-même des préambules des quatrième et cinquième codes, dans lesquels le Conseil et la Commission ont clairement manifesté leur désir que les codes des aides à la sidérurgie soient interprétés strictement et uniquement par référence à leur libellé exprès. Ainsi, le cinquième alinéa de la partie I du préambule du quatrième code disposait:

    «Il convient de souligner que, en dehors des aides expressément prévues et dûment autorisées en vertu de la présente décision, toutes les autres subventions éventuelles des États membres, sous quelque forme que ce soit, qu'elles soient ou non spécifiques, sont interdites en vertu de l'article 4, point c), du traité.»

  116. Dès lors, l'argument de la Commission tiré de la partie II du préambule du quatrième code pour soutenir qu'il y a lieu d'appliquer un traitement égal à la sidérurgie et aux autres secteurs en matière d'aides à la protection de l'environnement doit être rejeté, puisqu'il découle de cette partie du préambule que, dans le cadre du quatrième code, le principe de l'égalité de traitement entre la sidérurgie et les autres secteurs en matière d'aides exige, en tout état de cause, que les aides «répondent aux objectifs d'intérêt commun et aux conditions visées» par le code en question.

  117. Le libellé du deuxième alinéa de la partie I du préambule du cinquième code est tout aussi clair et confirme la nécessité d'une interprétation stricte: «Depuis le 1er janvier 1986, la Commission a institué par sa décision n° 3484/85/CECA [...] des règles qui autorisent l'octroi d'aides à la sidérurgie dans des cas limitativement énumérés.»

  118. Le bien-fondé de cette interprétation est encore corroboré par le cinquième alinéa de cette même partie du préambule du cinquième code, selon lequel «la discipline stricte ainsi élaborée [...] a permis d'assurer des conditions de concurrence équitables au sein de ce secteur au cours des années passées».

  119. Partant, compte tenu du contexte et de l'objectif poursuivi par le cinquième code des aides à la sidérurgie dans lequel s'insère l'article 3, paragraphe 1 (voir arrêt de la Cour du 28 mars 1996, Birkenbeul, C-99/94, Rec. p. I-1791, point 12), le Tribunal considère qu'il doit être interprété dans le plus grand respect de son libellé.

  120. Dès lors, les arguments de la Commission et des parties intervenantes ne sont pas de nature à écarter la conclusion retenue par le Tribunal, selon laquelle l'article 3 du cinquième code ne prévoit pas la possibilité d'octroyer des aides aux entreprises qui, plutôt que d'adapter des installations existantes, décident de remplacer celles-ci par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes de protection de l'environnement.

  121. Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la décision attaquée viole l'article 3, paragraphe 1, du cinquième code des aides à la sidérurgie et doit être annulée.

    Sur les dépens

  122. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions et la requérante ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

  123. Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Selon le troisième alinéa de ce même paragraphe, le Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante autre que les États parties à l'accord EEE, les États membres, les institutions et l'Autorité de surveillance de l'AELE, supporte ses propres dépens. Le Tribunal estime que, dans les circonstances de l'espèce, la partie intervenante ARBED doit supporter ses propres dépens.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)



    déclare et arrête:

    1)     La décision reproduite dans la communication 94/C 400/02 de la Commission, en application de l'article 6, paragraphe 4, de la décision n° 3855/91/CECA, adressée aux autres États membres et autres parties intéressées, relative aux aides que le Luxembourg projette d'accorder à ProfilARBED SA (ARBED) [aides d'État C 25/94 (ex N 11/94)], est annulée.

    2)    La Commission est condamnée aux dépens .

    3)    Le grand-duché de Luxembourg et ARBED SA supporteront leurs propres dépens.


García-ValdecasasTiili
Azizi

            Moura Ramos                    Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 septembre 1997.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: l'anglais.