Language of document : ECLI:EU:C:2010:674

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

11 novembre 2010 (*)

«Politique sociale − Directive 92/85/CEE − Mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail − Articles 2, sous a), et 10 − Notion de ‘travailleuse enceinte’ − Interdiction de licenciement d’une travailleuse enceinte pendant la période allant du début de sa grossesse jusqu’au terme de son congé de maternité − Directive 76/207/CEE − Égalité de traitement entre hommes et femmes − Membre d’un comité de direction d’une société de capitaux − Réglementation nationale autorisant le licenciement d’un tel membre sans aucune restriction»

Dans l’affaire C‑232/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Augstākās Tiesas Senāts (Lettonie), par décision du 13 mai 2009, parvenue à la Cour le 25 juin 2009, dans la procédure

Dita Danosa

contre

LKB Līzings SIA,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas, A. Ó Caoimh (rapporteur) et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juillet 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Danosa, par Mes V. Liberte, zvērināta advokāte, et A. Rasa, zvērināta advokāta palīgs,

–        pour LKB Līzings SIA, par Me L. Liepa, zvērināts advokāts, ainsi que par Mme S. Kravale et M. M. Zalāns,

–        pour le gouvernement letton, par Mmes K. Drēviņa et Z. Rasnača, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par M. M. Apessos ainsi que par Mmes S. Trekli et S. Vodina, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme R. Somssich, M. M. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. A. Sauka et M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 348, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Danosa à LKB Līzings SIA (ci-après «LKB») au sujet de la décision de l’assemblée des associés de cette société à responsabilité limitée de révoquer Mme Danosa des fonctions de membre du comité de direction de ladite société.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

 La directive 76/207/CEE

3        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), telle que modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO L 269, p. 15, ci-après la «directive 76/207»), dispose que «[l]e principe de l’égalité de traitement […] implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement, par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial».

4        L’article 2, paragraphe 7, de la directive 76/207 prévoit que cette directive «ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité». En outre, il prévoit que tout traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive 92/85 constitue une discrimination au sens de la directive 76/207.

5        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 76/207:

«L’application du principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[…]

c)      les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement […]»

 La directive 86/613/CEE

6        L’article 1er de la directive 86/613/CEE du Conseil, du 11 décembre 1986, sur l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, ainsi que sur la protection de la maternité (JO L 359, p. 56), dispose:

«La présente directive vise à assurer, aux dispositions qui suivent, l’application, dans les États membres, du principe de l’égalité de traitement aux hommes et femmes exerçant une activité indépendante ou contribuant à l’exercice d’une telle activité pour les aspects qui ne sont pas couverts par les directives 76/207/CEE et 79/7/CEE [du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24)].»

7        Le travailleur indépendant est défini à l’article 2, sous a), de la directive 86/613 comme étant toute personne exerçant, dans les conditions prévues par le droit national, une activité lucrative pour son propre compte.

8        L’article 3 de cette directive dispose que le principe d’égalité de traitement au sens de cette directive implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement, par référence notamment à l’état matrimonial ou familial.

9        L’article 8 de ladite directive est libellé comme suit:

«Les États membres s’engagent à examiner si et dans quelles conditions les travailleurs indépendants féminins et les conjointes des travailleurs indépendants peuvent, durant leur interruption d’activité pour raisons de grossesse ou de maternité,

–      avoir accès à des services de remplacement ou à des services sociaux existant dans le territoire

ou

–      bénéficier de prestations en espèces dans le cadre d’un régime de sécurité sociale ou de tout autre système de protection sociale publique.»

 La directive 92/85

10      Les neuvième et quinzième considérants de la directive 92/85 sont libellés comme suit:

«considérant que la protection de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, allaitantes ou accouchées ne doit pas défavoriser les femmes sur le marché du travail et ne doit pas porter atteinte aux directives en matière d’égalité de traitement entre hommes et femmes;

[…]

considérant que le risque d’être licenciées pour des raisons liées à leur état peut avoir des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes et qu’il convient de prévoir une interdiction de licenciement».

11      L’article 2, sous a), de la directive 92/85 définit la travailleuse enceinte comme étant «toute travailleuse enceinte qui informe l’employeur de son état, conformément aux législations et/ou pratiques nationales».

12      L’article 10 de cette directive est libellé comme suit:

«En vue de garantir aux travailleuses [enceintes, accouchées ou allaitantes], au sens de l’article 2, l’exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus dans le présent article, il est prévu que:

1)      les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses, au sens de l’article 2, pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu’au terme du congé de maternité visé à l’article 8 paragraphe 1, sauf dans les cas d’exception non liés à leur état, admis par les législations et/ou pratiques nationales et, le cas échéant, pour autant que l’autorité compétente ait donné son accord;

2)      lorsqu’une travailleuse, au sens de l’article 2, est licenciée pendant la période visée au point 1, l’employeur doit donner des motifs justifiés de licenciement par écrit;

3)      les États membres prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleuses, au sens de l’article 2, contre les conséquences d’un licenciement qui serait illégal en vertu du point 1.»

 La réglementation nationale

 Le code du travail

13      L’article 3 du code du travail (Darba likums, Latvijas Vēstnesis, 2001, n° 105) définit le travailleur comme étant une personne physique qui, sur la base d’un contrat de travail, et en contrepartie d’une rémunération convenue, exécute un certain travail sous la direction d’un employeur.

14      L’article 4 de ce code définit l’employeur comme étant une personne physique ou morale, ou une société de personnes dotée de la personnalité morale, qui emploie au moins un travailleur sur la base d’un contrat de travail.

15      L’article 44, paragraphe 3, dudit code prévoit:

«Il est établi un contrat de travail pour les membres des instances dirigeantes d’une société de capitaux, à moins qu’ils ne soient employés sur la base d’un autre contrat de droit civil. Si les membres des instances dirigeantes d’une société sont nommés sur la base d’un contrat de travail, celui-ci est conclu pour une durée déterminée.»

16      L’article 109 du code du travail, intitulé «Interdictions et restrictions imposées à l’employeur en matière de rupture», dispose:

«1.      Il est interdit à un employeur de résilier le contrat de travail d’une femme pendant sa grossesse ainsi que pendant l’année qui suit l’accouchement et, en cas d’allaitement, pendant toute la durée de celui-ci, à l’exception des cas prévus à l’article 101, paragraphe 1, points 1, 2, 3, 4, 5 et 10.»

 Le code de commerce

17      L’article 221 du code de commerce (Komerclikums, Latvijas Vēstnesis, 2000, n° 158/160) est libellé comme suit:

«1.      Le comité de direction est l’organe exécutif de la société, qui dirige la société et la représente.

[…]

5.      Le comité de direction est tenu de fournir des informations à l’assemblée des associés sur les actes conclus entre la société et un associé, un membre du conseil de surveillance et un membre du comité de direction.

6.      Le comité de direction est tenu de fournir au conseil de surveillance, au moins une fois par trimestre, un rapport sur l’activité et sur la situation financière de la société, et d’informer sans retard le conseil de surveillance de la détérioration de la situation financière de la société ou d’autres circonstances essentielles relatives à l’activité commerciale de la société.

[…]

8.      Les membres du comité de direction ont droit à une rémunération qui correspond à leurs responsabilités et à l’état des finances de la société. Le montant de la rémunération est déterminé par une décision du conseil de surveillance ou, s’il n’en a pas été institué un, par l’assemblée des associés.»

18      L’article 224 du code de commerce, intitulé «Nomination et révocation des membres du comité de direction», dispose:

«1.      L’assemblée des associés nomme et révoque les membres du comité de direction. Elle adresse au greffe du registre du commerce une notification portant sur la révocation du mandat des membres du comité, la modification de leurs droits de représentation ou la nomination de nouveaux membres. À cette notification est joint un extrait du procès-verbal de l’assemblée des associés comportant la décision en question.

[…]

3.      Les membres du comité de direction sont nommés pour trois ans, à moins que les statuts ne prévoient une durée plus courte.

4.      Les membres du comité de direction peuvent être révoqués par décision des associés. Si la société dispose d’un conseil de surveillance, celui-ci peut suspendre les membres du comité de direction de leurs fonctions jusqu’à l’assemblée des associés mais seulement pour une durée qui ne peut excéder deux mois.

[…]

6.      Les statuts peuvent prévoir que les membres du comité de direction ne peuvent être révoqués que pour une raison grave. On entend par raison grave une violation des mandats, un non-accomplissement des obligations, une impossibilité de diriger la société, une action contraire aux intérêts de la société, ainsi que la perte de confiance.»

 La loi sur les assurances sociales

19      La loi sur les assurances sociales (Likums par valsts sociālo apdrošināšanu, Latvijas Vēstnesis, 1997, n° 274/276), qui pose les principes essentiels des assurances sociales et en régit les structures financières et organisationnelles, reconnaît comme salariés, à son article 1er, sous c), les membres des comités de direction des sociétés commerciales.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      Latvijas Krājbanka AS, société par actions, a, par une décision du 21 décembre 2006, relative à la fondation de LKB, nommé la requérante au principal en tant que membre unique du comité de direction («valde») de cette dernière société.

21      Par une décision du 11 janvier 2007, le conseil de surveillance («padome») de LKB a fixé la rémunération des membres du comité de direction de cette dernière, ainsi que d’autres conditions annexes, et a confié à son président le soin de passer les accords nécessaires afin de garantir l’exécution de cette décision.

22      Selon la décision de renvoi, il n’a pas été conclu de contrat de droit civil en ce qui concerne l’exécution de la mission de membre du comité de direction. LKB conteste cette affirmation en soutenant qu’un contrat de mandat avait été conclu avec Mme Danosa. Cette dernière aurait souhaité bénéficier d’un contrat de travail mais LKB aurait préféré lui confier la fonction de membre du comité de direction sur la base d’un mandat.

23      L’assemblée des associés («dalībnieku sapulce») de LKB a décidé, le 23 juillet 2007, de révoquer Mme Danosa de ses fonctions de membre du comité de direction. Un exemplaire certifié du procès-verbal de la réunion de cette assemblée a été adressé à l’intéressée le 24 juillet 2007.

24      Estimant avoir été illégalement révoquée de ses fonctions, Mme Danosa a engagé, le 31 août 2007, un recours devant la Rīgas pilsētas Centra rajona tiesa (tribunal d’arrondissement du Centre de la ville de Riga) contre LKB.

25      Mme Danosa a fait valoir, devant cette juridiction, que, après sa nomination, elle s’est acquittée correctement de ses obligations professionnelles, telles que prévues par les statuts de la société et le règlement du comité de direction. Elle a également soutenu que, dès lors qu’elle avait perçu une rémunération pour son travail et obtenu des congés, il convenait de présumer l’existence d’une relation d’emploi. Sa révocation serait intervenue en violation de l’article 109 du code du travail, relatif à l’interdiction de licenciement des travailleuses enceintes, dès lors qu’elle était dans sa onzième semaine de grossesse au moment du licenciement. Selon Mme Danosa, il existe un conflit entre l’article 224, paragraphe 4, du code de commerce, qui autorise l’assemblée des associés à se séparer à tout moment des membres du comité de direction, et l’article 109, paragraphe 1, du code du travail, qui accorde certaines garanties en matière sociale aux femmes enceintes.

26      Le recours de Mme Danosa ayant été rejeté tant en première instance qu’en appel, celle-ci a introduit un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi.

27      Devant cette juridiction, Mme Danosa a soutenu qu’il convenait de la considérer comme étant une travailleuse au sens du droit de l’Union, qu’elle soit ou non considérée comme telle en vertu du droit letton. En outre, eu égard à l’interdiction de licenciement figurant à l’article 10 de la directive 92/85 et à l’intérêt éminent que cette disposition vise à protéger, dans les rapports juridiques de tous ordres dans lesquels les caractéristiques d’un lien juridique d’emploi peuvent être identifiées, l’État letton devrait s’efforcer, par tous les moyens, y compris juridictionnels, d’assurer aux travailleuses enceintes les garanties juridiques et sociales prévues en faveur de celles-ci.

28      LKB considère, en revanche, que les membres du comité de direction d’une société de capitaux n’accomplissent pas les tâches qui leur incombent sous la direction d’une autre personne et qu’ils ne sauraient donc être considérés comme des travailleurs au sens du droit de l’Union. Il serait pleinement justifié de prévoir des niveaux de protection différents pour les travailleurs et les membres du comité de direction d’une société de capitaux, compte tenu de la relation de confiance qu’implique l’accomplissement de la mission confiée aux membres d’un tel comité. Le droit de l’Union aurait opéré une distinction expresse entre les personnes qui effectuent leurs tâches sous la direction de l’employeur et celles qui exercent un pouvoir de direction et sont fondamentalement des représentants de l’employeur et non des subordonnés de celui-ci.

29      La juridiction de renvoi indique qu’il est loisible de déduire de la jurisprudence de la Cour relative à la notion de travailleur, ainsi que de l’objectif de protection de la femme enceinte contre le licenciement visé par la directive 92/85, que, lorsqu’un membre du comité de direction d’une société entre dans le champ de cette notion, l’article 10 de la directive 92/85 lui est applicable, en dépit du fait que l’article 224, paragraphe 4, du code de commerce ne prévoit aucune restriction en matière de révocation des personnes qu’il vise, que le membre dudit comité soit ou non titulaire d’un contrat de travail. Selon cette juridiction, tant la directive 76/207 que la directive 92/85 interdisent qu’il soit mis fin à la relation d’emploi d’une femme enceinte.

30      Estimant que le litige dont il est saisi soulève des questions d’interprétation du droit de l’Union, l’Augstākās Tiesas Senāts a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Un membre d’un organe dirigeant d’une société de capitaux doit-il être considéré comme un ‘travailleur’ au sens du droit communautaire?

2)      Le fait que l’article 224, paragraphe 4, du code de commerce letton permette la révocation d’un membre du comité de direction d’une société de capitaux sans aucune restriction, sans tenir compte notamment de l’état de grossesse de ce membre, n’est-il pas incompatible avec l’article 10 de la directive 92/85 et la jurisprudence de la Cour de justice?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

31      Il convient, à titre liminaire, de relever que, lors de l’audience devant la Cour, les antécédents du litige au principal ont donné lieu à des contestations portant essentiellement sur les raisons ayant conduit LKB à révoquer Mme Danosa de ses fonctions de membre du comité de direction de cette société et sur la question de savoir si cette dernière avait été informée de l’état de grossesse de la requérante au principal et, si tel avait été le cas, à quelle date elle en avait été informée.

32      Tandis que LKB a soutenu que l’état de grossesse de Mme Danosa n’avait nullement influencé la décision par laquelle l’intéressée avait été révoquée et a fait valoir que cette dernière, elle-même, n’avait pas prétendu que sa révocation était fondée sur son état de grossesse, la requérante au principal a contesté la version des faits exposée par LKB, a affirmé que sa révocation était motivée par son état de grossesse et a cherché à clarifier les circonstances entourant l’adoption de cette décision de révocation.

33      Il appartient à la juridiction nationale d’établir les faits qui ont donné lieu au litige au principal et d’en tirer les conséquences pour la décision qu’elle est appelée à rendre (voir, notamment, arrêt du 16 septembre 1999, WWF e.a., C‑435/97, Rec. p. I‑5613, point 32).

34      En effet, dans la répartition des compétences entre les juridictions de l’Union et les juridictions nationales, il appartient en principe à la juridiction nationale de vérifier que les conditions factuelles entraînant l’application d’une norme de l’Union sont réunies dans l’affaire pendante devant elle, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, pouvant, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son interprétation (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Haim, C‑424/97, Rec. p. I‑5123, point 58, ainsi que du 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatantze, C‑22/08 et C‑23/08, Rec. p. I‑4585, point 23).

35      En l’espèce, ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, les questions posées sont fondées sur la prémisse selon laquelle la révocation de Mme Danosa de ses fonctions de membre du comité de direction de LKB a eu lieu ou aurait pu avoir lieu en raison essentiellement de l’état de grossesse de l’intéressée. Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale qui, tout en interdisant le licenciement pour des raisons liées à la grossesse, ne prévoit en revanche aucune restriction en matière de révocation d’un membre d’un comité de direction d’une société de capitaux.

36      Il appartient dans ces circonstances à la Cour de répondre aux questions préjudicielles relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par la juridiction de renvoi, en laissant à cette dernière le soin de vérifier les éléments concrets du litige pendant devant elle, et notamment de trancher la question de savoir si la décision de révocation litigieuse était essentiellement motivée par l’état de grossesse de la requérante au principal.

37      Pour autant que la position adoptée par le gouvernement letton et la Commission européenne au sujet des faits de l’espèce au principal met en cause la pertinence des questions préjudicielles pour la solution du litige dont est saisi le juge national, il suffit de constater que rien dans la décision de renvoi ne permet d’affirmer que ces questions, sur l’utilité desquelles la juridiction de renvoi s’est d’ailleurs expliquée, sont manifestement hypothétiques ou sans rapport avec la réalité et l’objet du litige au principal.

 Sur la première question

38      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un membre d’un comité de direction d’une société de capitaux fournissant des prestations à cette dernière doit être considéré comme étant un travailleur au sens de la directive 92/85.

39      En vertu d’une jurisprudence constante, la notion de travailleur au sens de cette directive ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux et doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et des devoirs des personnes concernées. Or, la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération (voir par analogie, dans le contexte de la libre circulation des travailleurs et du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, arrêts du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, 66/85, Rec. p. 2121, points 16 et 17, et du 13 janvier 2004, Allonby, C‑256/01, Rec. p. I‑873, point 67, ainsi que, dans le contexte de la directive 92/85, arrêt du 20 septembre 2007, Kiiski, C‑116/06, Rec. p. I-7643, point 25).

40      La nature juridique sui generis de la relation d’emploi au regard du droit national ne peut avoir de conséquences quelconques sur la qualité de travailleur au sens du droit de l’Union (voir arrêt Kiiski, précité, point 26 et jurisprudence citée). Pour autant qu’une personne remplit les conditions énumérées au point 39 du présent arrêt, la nature du lien juridique qui la lie à l’autre partie de la relation de travail est sans pertinence pour l’application de la directive 92/85 (voir par analogie, dans le contexte de la libre circulation des travailleurs, arrêts du 31 mai 1989, Bettray, 344/87, Rec. p. 1621, point 16, et du 26 février 1992, Raulin, C‑357/89, Rec. p. I‑1027, point 10).

41      De même, la qualification formelle de travailleur indépendant au regard du droit national n’exclut pas qu’une personne doive être qualifiée de travailleur au sens de la directive 92/85 si son indépendance n’est que fictive, déguisant ainsi une relation de travail au sens de cette directive (voir, par analogie, arrêt Allonby, précité, point 71).

42      Il s’ensuit que la qualification, en droit letton, de la relation entre une société de capitaux et les membres du comité de direction de cette dernière ou la circonstance qu’une telle société et les membres dudit comité n’ont pas conclu de contrat de travail ne sauraient déterminer, contrairement à ce que fait valoir LKB, la qualification de ladite relation aux fins de l’application de la directive 92/85.

43      Ainsi qu’il ressort des observations soumises à la Cour, il n’est pas contesté, en l’espèce, que Mme Danosa a fourni, de manière régulière et contre une rémunération, des prestations à LKB en exécutant les tâches de membre unique du comité de direction qui lui étaient imparties par les statuts de cette société et le règlement intérieur de ce comité. Contrairement à ce que fait valoir ladite société, il est sans pertinence à cet égard que la requérante au principal ait été elle-même chargée de l’établissement de ce règlement.

44      En revanche, lesdites observations divergent sur la question de savoir s’il existait entre Mme Danosa et LKB le lien de subordination, ou même le degré de subordination, requis par la jurisprudence de la Cour relative à la notion de travailleur au sens du droit de l’Union en général et de la directive 92/85 en particulier.

45      LKB ainsi que les gouvernements letton et hellénique soutiennent que, s’agissant des membres du comité de direction d’une société de capitaux, le lien de subordination requis par la jurisprudence de la Cour fait, dans le cas de ces membres, défaut. LKB et le gouvernement letton font valoir qu’un membre d’un comité de direction, telle la requérante au principal, exécute ses obligations, en règle générale, sur la base d’un contrat de mandat, de manière autonome et sans recevoir d’instructions. Ils soulignent que la relation entre, d’une part, les associés d’une société de capitaux et/ou, le cas échéant, le conseil de surveillance et, d’autre part, les membres du comité de direction doit être fondée sur la confiance, de sorte que la relation de travail entre les parties doit pouvoir être rompue lorsque cette confiance a disparu.

46      La réponse à la question de savoir s’il existe un lien de subordination au sens de la définition susmentionnée de la notion de travailleur doit être donnée dans chaque cas particulier en fonction de tous les éléments et de toutes les circonstances caractérisant les relations existant entre les parties.

47      La qualité de membre d’un comité de direction d’une société de capitaux ne saurait, en tant que telle, exclure que la requérante au principal se soit trouvée dans un lien de subordination par rapport à cette société. Il convient en effet d’examiner les conditions dans lesquelles le membre du comité a été recruté, la nature des fonctions qui lui ont été confiées, le cadre dans lequel ces dernières sont exercées, l’étendue des pouvoirs de l’intéressé et le contrôle dont il fait l’objet au sein de la société, ainsi que les circonstances dans lesquelles il peut être révoqué.

48      Tout d’abord, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 77 à 84 de ses conclusions, un examen de ces éléments dans l’espèce au principal révèle avant tout que Mme Danosa a été nommée membre unique du comité de direction de LKB pour une durée déterminée de trois années, qu’elle a été chargée d’administrer les biens de cette société, de la diriger et de la représenter et qu’elle faisait partie intégrante de celle-ci. En réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, il n’a pas été possible d’établir par qui ou par quel organe la requérante au principal avait été nommée.

49      Ensuite, même si Mme Danosa disposait d’une marge d’appréciation dans l’exercice de ses fonctions, elle devait rendre compte de sa gestion au conseil de surveillance et collaborer avec celui-ci.

50      Enfin, il ressort du dossier soumis à la Cour que, en droit letton, un membre d’un comité de direction peut être révoqué de ses fonctions par décision des associés, le cas échéant après avoir été suspendu de celles-ci par le conseil de surveillance. La décision de révocation prise à l’égard de Mme Danosa a donc été adoptée par un organe que, par hypothèse, elle ne contrôlait pas et qui pouvait statuer à tout moment contre la volonté de l’intéressée.

51      S’il ne peut être exclu que les membres d’un organe dirigeant d’une société, tel un comité de direction, ne relèvent pas de la notion de travailleur telle qu’elle est définie au point 39 du présent arrêt – compte tenu des fonctions spécifiques qui leur sont confiées ainsi que du cadre dans lequel ces fonctions sont exercées et de la manière dont elles le sont – il n’en demeure pas moins qu’un membre d’un tel comité, qui fournit, en contrepartie d’une rémunération, des prestations à la société qui l’a nommé et dont il fait partie intégrante, qui exerce son activité sous la direction ou le contrôle d’un autre organe de cette société et qui peut, à tout moment, être révoqué de ses fonctions sans restriction, remplit, à première vue, les conditions pour être qualifié de travailleur au sens de la jurisprudence précitée de la Cour.

52      Quant à la notion de «travailleuse enceinte», il convient de rappeler que celle-ci est définie à l’article 2, sous a), de la directive 92/85, comme étant «toute travailleuse enceinte qui informe l’employeur de son état, conformément aux législations et/ou pratiques nationales».

53      Aux fins de l’application de cette directive, le législateur de l’Union a entendu donner une portée autonome propre au droit de l’Union à la notion de «travailleuse enceinte», même si, pour l’un des aspects de cette définition − celui qui a trait aux modalités selon lesquelles la travailleuse informe son employeur de son état −, il a procédé à un renvoi aux législations et/ou pratiques nationales (arrêt Kiiski, précité, point 24).

54      Quant à la question de savoir si, dans l’affaire au principal, LKB avait été informée de l’état de grossesse de Mme Danosa, il convient, d’une part, de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 33 du présent arrêt, il appartient à la juridiction de renvoi et non à la Cour d’apprécier les faits pertinents de l’espèce.

55      D’autre part, même si l’article 2, sous a), de la directive 92/85 renvoie aux législations et/ou pratiques nationales en ce qui concerne les modalités selon lesquelles la travailleuse informe l’employeur de son état, il n’en reste pas moins que ces modalités ne peuvent vider de sa substance la protection particulière de la femme édictée à l’article 10 de cette même directive, qui interdit le licenciement des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes, sauf dans des cas exceptionnels pour des raisons non liées à leur état. Si, sans être formellement informé de la grossesse de la travailleuse par l’intéressée elle-même, l’employeur a eu connaissance de l’état de grossesse de cette dernière, il serait contraire à l’objectif et à l’esprit de la directive 92/85 d’interpréter restrictivement les termes de l’article 2, sous a), de cette directive et de dénier à la travailleuse concernée la protection contre le licenciement prévue audit article 10.

56      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question qu’un membre d’un comité de direction d’une société de capitaux, fournissant des prestations à cette dernière et faisant partie intégrante de celle-ci, doit être considéré comme ayant la qualité de travailleur aux fins de la directive 92/85 si son activité est exercée, pendant un certain temps, sous la direction ou le contrôle d’un autre organe de cette société et si, en contrepartie de cette activité, il perçoit une rémunération. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications des éléments de fait nécessaires afin d’apprécier si tel est le cas dans le litige dont elle est saisie.

 Sur la seconde question

57      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10 de la directive 92/85 doit être interprété comme s’opposant à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui permet la révocation d’un membre d’un comité de direction d’une société de capitaux sans restriction, notamment sans qu’il soit tenu compte de l’état de grossesse de la personne intéressée.

58      S’agissant de la portée de l’interdiction de licenciement figurant à l’article 10 de la directive 92/85, il convient, à titre liminaire, de rappeler que l’objectif de la directive 92/85 est de promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.

59      Avant l’entrée en vigueur de la directive 92/85, la Cour avait déjà jugé que, en vertu du principe de non-discrimination et, notamment, des dispositions de la directive 76/207, une protection contre le licenciement devait être reconnue à la femme non seulement pendant le congé de maternité, mais également pendant toute la durée de la grossesse. Selon la Cour, un licenciement pendant ces périodes ne peut concerner que les femmes et constitue, dès lors, une discrimination directe fondée sur le sexe (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 1990, Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund, C‑179/88, Rec. p. I‑3979, point 13; du 30 juin 1998, Brown, C‑394/96, Rec. p. I‑4185, points 24 à 27, et du 11 octobre 2007, Paquay, C‑460/06, Rec. p. I‑8511, point 29).

60      C’est précisément en considération du risque qu’un éventuel licenciement fait peser sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes, y compris du risque particulièrement grave d’inciter la travailleuse enceinte à interrompre volontairement sa grossesse, que le législateur de l’Union a, en vertu de l’article 10 de la directive 92/85, prévu une protection particulière pour la femme en édictant l’interdiction de licenciement pendant la période allant du début de la grossesse jusqu’au terme du congé de maternité (voir arrêt Paquay, précité, point 30 et jurisprudence citée).

61      Durant ladite période, l’article 10 de la directive 92/85 ne prévoit aucune exception ou dérogation à l’interdiction de licenciement des travailleuses enceintes, sauf dans des cas exceptionnels non liés à leur état et à condition que l’employeur justifie par écrit les motifs d’un tel licenciement (arrêts du 14 juillet 1994, Webb, C‑32/93, Rec. p. I-3567, point 22; Brown, précité, point 18; du 4 octobre 2001, Tele Danmark, C‑109/00, Rec. p. I‑6993, point 27, et Paquay, précité, point 31).

62      Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi déciderait que, en l’espèce, Mme Danosa relève de la notion de «travailleuse enceinte» au sens de la directive 92/85, et que la décision de révocation en cause au principal a été prise pour des motifs essentiellement liés à l’état de grossesse de l’intéressée, il conviendrait de relever qu’une telle décision, tout en étant prise en vertu des dispositions du droit national permettant la révocation d’un membre d’un comité de direction sans restriction, est incompatible avec l’interdiction de licenciement prévue à l’article 10 de cette directive.

63      En revanche, une décision de révocation prise pendant la période allant du début de la grossesse jusqu’au terme du congé de maternité pour des motifs non liés à l’état de grossesse de la requérante au principal ne serait pas contraire audit article 10, à condition, toutefois, que l’employeur donne par écrit des motifs justifiés de licenciement et que le licenciement de l’intéressée soit admis par la législation et/ou la pratique nationale concernées, conformément aux dispositions de l’article 10, points 1 et 2, de cette directive.

64      Dans le cas où la juridiction de renvoi déciderait que, en l’espèce, eu égard à la nature de l’activité exercée par Mme Danosa et au cadre dans lequel cette activité est exercée, une protection contre le licenciement d’un membre d’un comité de direction d’une société de capitaux ne peut être inférée de la directive 92/85, l’intéressée n’ayant pas la qualité de «travailleuse enceinte» au sens de cette directive, il conviendrait d’examiner si la requérante au principal peut éventuellement se prévaloir de la protection contre la discrimination fondée sur le sexe accordée par la directive 76/207, norme à laquelle la juridiction de renvoi n’a pas fait référence dans l’énoncé de ses questions mais à laquelle cette juridiction et certains intéressés ayant présenté des observations devant la Cour ont fait allusion.

65      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 76/207, «[l]’application du principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne […] les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement».

66      Ainsi qu’il ressort du point 59 du présent arrêt, en vertu du principe de non-discrimination, et notamment des dispositions de la directive 76/207, une protection contre le licenciement doit être reconnue à la femme non seulement pendant le congé de maternité, mais également pendant toute la durée de la grossesse. Selon la Cour, le licenciement d’une travailleuse pour cause de grossesse ou pour une cause fondée essentiellement sur l’état de grossesse ne peut concerner que les femmes et constitue, dès lors, une discrimination directe fondée sur le sexe (voir arrêt Paquay, précité, point 29 et jurisprudence citée).

67      Force est de constater que la révocation unilatérale, par le mandant, d’un mandat, avant le terme convenu, en raison de l’état de grossesse du mandataire ou pour une cause fondée essentiellement sur cet état ne peut concerner que les femmes. À supposer même que Mme Danosa n’ait pas la qualité de «travailleuse enceinte» au sens large préconisé par la directive 92/85, admettre qu’une société puisse révoquer de leurs fonctions les membres de son comité de direction exerçant des fonctions telles que celles décrites dans l’affaire au principal serait contraire à l’objectif de protection que poursuit l’article 2, paragraphe 7, de la directive 76/207, pour autant que la révocation est fondée essentiellement sur la grossesse de l’intéressée.

68      Ainsi que la Cour l’a déjà relevé, l’objectif poursuivi par des règles du droit de l’Union régissant l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine des droits des femmes enceintes ou accouchées est de protéger celles-ci avant et après l’accouchement (voir arrêt du 8 septembre 2005, McKenna, C‑191/03, Rec. p. I‑7631, point 42).

69      Cet objectif, qui inspire tant la directive 92/85 que la directive 76/207, ne pourrait pas être atteint si la protection contre le licenciement accordée par le droit de l’Union aux femmes enceintes dépendait de la qualification formelle de leur relation d’emploi en droit national ou du choix fait lors de leur engagement entre l’un ou l’autre type de contrat.

70      Ainsi qu’il ressort du point 33 du présent arrêt, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer les circonstances pertinentes du litige dont elle est saisie et de vérifier si, comme le supposent les questions préjudicielles posées, la décision de révocation était fondée essentiellement sur l’état de grossesse de la requérante au principal. Dans l’affirmative, il importe peu de savoir si ladite requérante relève du champ d’application de la directive 92/85, de celui de la directive 76/207, ou, dans la mesure où la juridiction de renvoi qualifie celle-ci de «travailleur indépendant», de celui de la directive 86/613, laquelle s’applique aux travailleurs indépendants et qui, ainsi qu’il ressort de son article 1er, complète la directive 76/207 en ce qui concerne l’application du principe de l’égalité de traitement à ces travailleurs, interdisant, à l’instar de cette dernière directive, toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement. Quelle que soit la directive applicable, il importe d’assurer à l’intéressée la protection accordée par le droit de l’Union aux femmes enceintes dans le cas où la relation juridique qui l’unit à une autre personne a été rompue en raison de sa grossesse.

71      Cette conclusion est d’ailleurs confortée par le principe de l’égalité entre femmes et hommes consacré à l’article 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui prévoit que cette égalité doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération.

72      En définitive, il convient de rappeler, en ce qui concerne la charge de la preuve dans des circonstances telles que celles de l’affaire principal, qu’il incombe au juge national d’appliquer les dispositions pertinentes de la directive 97/80/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (JO 1998, L 14, p. 6), qui, en vertu de son article 3, paragraphe 1, sous a), s’applique aux situations couvertes par la directive 76/207 et, dans la mesure où il y a discrimination fondée sur le sexe, la directive 92/85.

73      À cet égard, il ressort de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80 que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

74      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 10 de la directive 92/85 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui permet la révocation d’un membre d’un comité de direction d’une société de capitaux sans restriction lorsque la personne intéressée a la qualité de «travailleuse enceinte» au sens de cette directive et que la décision de révocation prise à son égard est essentiellement fondée sur son état de grossesse. À supposer même que le membre concerné d’un comité de direction n’ait pas cette qualité, il n’en demeure pas moins que la révocation d’un membre d’un comité de direction exerçant des fonctions telles que celles décrites dans l’affaire au principal pour cause de grossesse ou pour une cause fondée essentiellement sur cet état ne peut concerner que les femmes et constitue, dès lors, une discrimination directe fondée sur le sexe, contraire aux articles 2, paragraphes 1 et 7, et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 76/207.

 Sur les dépens

75      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      Un membre d’un comité de direction d’une société de capitaux, fournissant des prestations à cette dernière et faisant partie intégrante de celle-ci, doit être considéré comme ayant la qualité de travailleur aux fins de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE), si son activité est exercée, pendant un certain temps, sous la direction ou le contrôle d’un autre organe de cette société et si, en contrepartie de cette activité, il perçoit une rémunération. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications des éléments de fait nécessaires afin d’apprécier si tel est le cas dans le litige dont elle est saisie.

2)      L’article 10 de la directive 92/85 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui permet la révocation d’un membre d’un comité de direction d’une société de capitaux sans restriction lorsque la personne intéressée a la qualité de «travailleuse enceinte» au sens de cette directive et que la décision de révocation prise à son égard est essentiellement fondée sur son état de grossesse. À supposer même que le membre concerné d’un comité de direction n’ait pas cette qualité, il n’en demeure pas moins que la révocation d’un membre d’un comité de direction exerçant des fonctions telles que celles décrites dans l’affaire au principal pour cause de grossesse ou pour une cause fondée essentiellement sur cet état ne peut concerner que les femmes et constitue, dès lors, une discrimination directe fondée sur le sexe, contraire aux articles 2, paragraphes 1 et 7, et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, telle que modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002.

Signatures


* Langue de procédure: le letton.