Language of document : ECLI:EU:T:2013:250

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

16 mai 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM – Marques nationales figuratives antérieures W. Amadeus Mozart – Absence d’usage sérieux de la marque antérieure – Article 15, paragraphe 1, premier alinéa et second alinéa, sous a), et article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑530/10,

Reber Holding GmbH & Co. KG, établie à Bad Reichenhall (Allemagne), représentée par Mes O. Spuhler et M. Geitz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par Mme R. Manea, puis par Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Anna Klusmeier, demeurant à Bielefeld (Allemagne), représentée par Me G. Schmitt-Gaedke, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 14 septembre 2010 (affaire R 363/2008‑4), relative à une procédure d’opposition entre Reber Holding GmbH & Co. KG et Mme Anna Klusmeier,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas et K. O’Higgins (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 28 février 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 février 2011,

vu la décision du 4 avril 2011 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 11 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 mars 2005, Wolfgang Klusmeier, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Anna Klusmeier, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales ; pain, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 8/2006, du 20 février 2006.

5        Le 29 mars 2006, la requérante, Reber Holding GmbH & Co. KG, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits suivants visés par cette dernière : « Thé, cacao, préparations faites de céréales, pain et glaces comestibles ».

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque allemande figurative, déposée le 25 mai 1988, enregistrée le 22 décembre 1989 sous le numéro 1151678 et renouvelée jusqu’au 31 mai 2018, pour les produits et services relevant des classes 39 et 42 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Boulangerie, pâtisserie, produits chocolatés et confiserie ; accueil de clients dans le cadre de l’exploitation d’un café-salon de thé », reproduite ci-après :

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–        la marque allemande figurative, déposée le 23 mai 1990, enregistrée le 2 août 1990 sous le numéro 1161957 et renouvelée jusqu’en mai 2010, pour les produits et services relevant des classes 39 et 42 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Boulangerie, pâtisserie, produits chocolatés et confiserie ; accueil de clients », reproduite ci-après :

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7        L’opposition était fondée sur tous les produits et services couverts par les marques antérieures.

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

9        Le 29 janvier 2007, l’intervenante a demandé que, conformément à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009), la requérante apporte la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures.

10      Par lettre du 31 janvier 2007, l’OHMI a invité la requérante à fournir ladite preuve dans un délai de deux mois, soit au plus tard le 1er avril 2007.

11      En réponse à cette lettre, le 5 mars 2007, la requérante a présenté les éléments de preuve suivants :

–        une déclaration écrite sous serment, émanant du gérant de la société Paul Reber GmbH & Co. KG, en date du 22 février 2007, dans laquelle celui-ci indiquait notamment : « [n]ous utilisons la marque W. AMADEUS MOZART sur nos emballages de Mozartkugeln depuis environ 20 ans en Allemagne » (ci-après la « déclaration sous serment ») ;

–        dans la déclaration sous serment, le gérant précisait également le nombre de boîtes de Mozartkugeln (boules Mozart, la Mozartkugel étant une friandise sous forme d’une boule de massepain et de praliné, enrobée de chocolat) portant cette marque qui avaient été vendues au cours des années 2001 à 2005 ;

–        une copie en couleur du couvercle d’une boîte de Mozartkugeln ;

–        des extraits du site Internet de la société Paul Reber présentant différentes sortes de boîtes de chocolats commercialisées par cette société, datés du 1er mars 2007 ;

–        une copie d’une page d’un livre de recettes intitulé Webers bildlicher Fachunterricht zu Höchstleistungen in moderner Konditorei (Formation Weber par l’image pour les meilleurs résultats dans la confiserie moderne).

12      Par décision du 17 janvier 2008, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité au motif que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures.

13      Le 14 février 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition. Le 10 avril 2008, elle a déposé devant l’OHMI un mémoire exposant les motifs du recours, en annexe duquel elle a joint des éléments de preuve supplémentaires à ceux déjà produits devant la division d’opposition.

14      Par décision du 14 septembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. S’agissant des éléments de preuve présentés par la requérante le 5 mars 2007 (voir point 11 ci-dessus), la chambre de recours a estimé qu’ils étaient insuffisants pour démontrer un usage sérieux en Allemagne des marques antérieures pendant la période pertinente. En ce qui concerne les éléments de preuve supplémentaires, elle a considéré qu’ils étaient tardifs, ayant été produits après l’expiration du délai fixé par l’OHMI, et que la règle 22, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1) s’opposait à ce que l’OHMI puisse les prendre en compte. Elle a ajouté que, en tout état de cause, ils ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux des marques antérieures.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

16      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés lors de la procédure devant l’OHMI.

 En droit

18      À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 42, paragraphe 2, première phrase, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa et second alinéa, sous a), du même règlement. Il convient d’apprécier ces deux moyens ensemble, au regard, d’abord, de la marque antérieure n° 1151678 et, ensuite, de la marque antérieure n° 1161957.

19      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la demande tendant à l’enregistrement de la marque communautaire contestée ayant été publiée le 20 février 2006, la période de cinq ans visée à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 s’étend, en l’espèce, du 20 février 2001 au 19 février 2006 (ci-après la « période pertinente »).

20      Il convient de constater également que, ainsi que le souligne à juste titre l’OHMI dans ses écritures, la requérante ne remet pas en cause la constatation de la chambre de recours selon laquelle les éléments de preuve supplémentaires qu’elle a présentés le 10 avril 2008 (voir point 13 ci-dessus) sont tardifs et, en tout état de cause, ne permettent pas de prouver l’usage sérieux des marques antérieures. Seuls sont soumis à l’appréciation du Tribunal dans le cadre du présent litige les éléments de preuve produits le 5 mars 2007 (voir point 11 ci-dessus).

 Sur la marque allemande figurative antérieure n° 1151678

21      En premier lieu, la requérante invoque une violation de l’article 42, paragraphe 2, première phrase, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, en faisant valoir que les éléments de preuve qu’elle a produits lors de la procédure devant la division d’opposition démontrent le caractère sérieux de l’usage de la marque allemande figurative antérieure n° 1151678. Elle prétend que la déclaration sous serment contient des indications sur le lieu, à savoir l’Allemagne, la durée, à savoir depuis vingt ans environ et, à tout le moins, de 2001 à 2005, et l’importance, à savoir le nombre de boîtes de Mozartkugeln vendues par année, de l’usage de cette marque. En ce qui concerne la nature de cet usage, elle affirme que le passage de cette déclaration, tel que repris au point 11, premier tiret, ci-dessus, combiné à la copie en couleur du couvercle d’une boîte de Mozartkugeln, constitue une preuve suffisante de l’utilisation concrète de la marque en cause, et ce sous la forme sous laquelle elle a été enregistrée. Elle précise que, contrairement à ce qui est indiqué au point 26 de la décision attaquée, ledit passage ne se réfère pas à une marque verbale, mais à l’élément verbal de la marque allemande figurative antérieure n° 1151678.

22      En second lieu, la requérante prétend que l’OHMI a violé l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 207/2009 dans la mesure où, contrairement à ce qui est indiqué aux points 27 et 28 de la décision attaquée, la marque allemande figurative antérieure n° 1151678 est clairement utilisée en tant que marque sur le couvercle de la boîte de Mozartkugeln dont elle a fourni une copie. Le public concerné percevrait cette marque, non comme un « simple accessoire », mais comme une indication de l’origine commerciale du produit concerné, et ce notamment eu égard au fait qu’elle apparaît en couleur dorée sur un fond rouge. Le portrait de Wolfgang Amadeus Mozart reproduit sur ledit couvercle ne ferait qu’illustrer l’élément verbal de cette marque antérieure et renforcerait le caractère distinctif de cet élément.

23      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24      Conformément à l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 207/2009, si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

25      Ainsi qu’il découle du considérant 10 du règlement n° 207/2009, le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci avait effectivement été utilisée. En écho à ce considérant, l’article 42, paragraphes 2 et 3, du même règlement prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque ayant fait l’objet d’une opposition.

26      En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure [voir arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié au Recueil, point 27, et la jurisprudence citée].

27      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter des conflits entre deux marques, à moins qu’il existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 mars 2003, Goulbourn/OHMI – Redcats (Silk Cocoon), T‑174/01, Rec. p. II‑789, point 38]. En revanche, les dispositions mentionnées aux points 25 et 26 ci-dessus ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 38].

28      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que cette dernière, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (arrêt VITAFRUIT, point 27 supra, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Ansul, précité, point 37).

29      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, point 27 supra, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 28 supra, point 43).

30      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du Tribunal VITAFRUIT, point 27 supra, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 35].

31      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt VITAFRUIT, point 27 supra, point 42). Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 28].

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, aux points 15 et 21 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas suffisamment prouvé que la marque allemande figurative antérieure n° 1151678 avait fait l’objet d’un usage sérieux.

33      Devant la division d’opposition, en réponse à la lettre de l’OHMI du 31 janvier 2007 (voir point 10 ci-dessus), la requérante a produit une déclaration écrite sous serment émanant du gérant de la société Paul Reber, une copie du couvercle d’une boîte de Mozartkugeln, des extraits du site Internet de la société Paul Reber présentant différentes sortes de boîtes de chocolats commercialisées par cette société et une copie d’une page d’un livre de recettes. Ainsi que la chambre de recours l’a correctement relevé au point 20 de la décision attaquée, ces différents documents sont des éléments de preuve recevables conformément à l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et à la règle 22, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 2868/95.

34      S’agissant de la déclaration sous serment, force est de constater que, comme le relèvent à juste titre l’OHMI et l’intervenante, elle manque totalement de clarté et de précision et n’a donc qu’une valeur probante très réduite. Cette déclaration contient simplement l’affirmation selon laquelle « [l]a marque W. AMADEUS MOZART » est utilisée depuis vingt ans environ en Allemagne sur les emballages de Mozartkugeln ainsi qu’une indication du nombre de boîtes de ce produit portant cette marque et vendues au cours de chacune des années 2001 à 2005. Ladite déclaration ne comportant aucun renvoi à un quelconque élément de preuve et, notamment, à la copie du couvercle d’une boîte de Mozartkugeln produite par la requérante, il n’est pas possible de savoir si elle concerne uniquement ce dernier modèle d’emballage ou, plus généralement, tous les modèles d’emballages de la requérante contenant ce produit. En outre, et surtout, il ne ressort pas de la déclaration sous serment à quelle(s) marque(s) antérieure(s) précisément il est fait référence. En effet, d’une part, le déclarant se réfère à la marque W. AMADEUS MOZART, sans autre précision, semblant ainsi viser une marque verbale, et ce alors même qu’une telle marque ne fait pas l’objet de la présente procédure et que la requérante ne prétend d’ailleurs pas être titulaire de droits sur pareille marque. D’autre part, à supposer même que, comme le prétend la requérante, cette référence ne se rapporte pas à une éventuelle marque verbale W. AMADEUS MOZART, il n’en demeure pas moins que le déclarant utilise le terme de « marque », au singulier, ce qui signifie qu’il n’entendait attester de l’usage sérieux que d’une seule des deux marques antérieures en cause, sans toutefois préciser laquelle. À cet égard, l’argument invoqué à plusieurs reprises par la requérante lors de l’audience selon lequel le gérant de la société Paul Reber était un « non-initié », peu familiarisé avec les matières juridiques, ne saurait être accueilli. Cette circonstance, à la supposer établie, ne saurait sérieusement justifier que ce gérant ne soit pas en mesure de donner le minimum de précision requis sur, notamment, la ou les marques de sa propre société dont il entendait attester de l’usage sérieux.

35      Même en admettant, comme le soutient la requérante, qu’il ressort d’une appréciation combinée de l’affirmation contenue dans la déclaration sous serment (voir point 34 ci‑dessus) et de la copie du couvercle d’une boîte de Mozartkugeln qui accompagnait celle-ci que le déclarant visait la marque allemande figurative antérieure n° 1151678 et que, en utilisant l’expression « W. AMADEUS MOZART », il n’avait fait que reproduire l’élément verbal de cette marque, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas apporté la preuve suffisante de l’usage sérieux de ladite marque.

36      À cet égard, il convient de rappeler que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut avant tout vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [arrêt du Tribunal du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec. p. II‑1917, point 42]. En l’espèce, la déclaration sous serment a été établie par le propre gérant de la requérante et ne saurait donc présenter le même caractère fiable et crédible qu’une déclaration provenant d’une personne tierce ou indépendante de la société en cause. La déclaration sous serment n’est pas suffisante à elle seule et ne constitue qu’un indice nécessitant d’être corroboré par d’autres éléments probants [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Salvita, précité, point 43, et du 16 décembre 2008, Deichmann-Schuhe/OHMI – Design for Woman (DEITECH), T‑86/07, non publié au Recueil, point 50].

37      Or, comme le fait valoir à juste titre l’OHMI, les indications contenues dans la déclaration sous serment ne sont pas corroborées de façon suffisante par les éléments qui l’accompagnent. Ainsi, l’extrait du livre de recettes est dénué de toute pertinence pour démontrer l’usage sérieux de la marque allemande figurative antérieure n° 1151678. Quant aux extraits du site Internet de la société Paul Reber présentant différentes sortes de boîtes de chocolats confiseries commercialisées par cette société, leur date se situe en dehors de la période pertinente, de sorte qu’ils ne sauraient être pris en considération pour établir l’usage sérieux de cette marque. S’agissant de la copie du couvercle d’une boîte de Mozartkugeln, même si elle peut avoir pour effet de corroborer la nature du produit concerné, en l’occurrence des Mozartkugeln, et éventuellement le lieu de l’usage de ladite marque dans la mesure où ce couvercle contient des inscriptions en langue allemande, elle n’apporte aucun élément permettant de corroborer la durée, aucune date n’apparaissant sur ce couvercle, ni l’importance de cet usage.

38      Or, les éléments complémentaires qui auraient pu non seulement permettre de corroborer les indications contenues dans la déclaration sous serment, mais également de donner des indications quant à la durée et l’importance de l’usage de la marque allemande figurative antérieure n° 1151678, comme des factures, des bons de commande ou des publicités, ne sont pas d’une nature telle qu’il aurait été difficile pour la requérante de les obtenir et de les produire devant la division d’opposition (voir, en ce sens, arrêt Salvita, point 36 supra, point 45].

39      Bien plus, et en tout état de cause, ainsi qu’il est constaté à bon droit aux points 27 et 28 de la décision attaquée, la façon dont il est fait usage de la marque allemande figurative antérieure n° 1151678 sur le couvercle de la boîte de Mozartkugeln dont la requérante a fourni une copie ne permet pas de conclure qu’elle a été utilisée en tant que marque, à savoir conformément à sa fonction essentielle qui est de donner une indication de l’origine commerciale du produit concerné. Cette marque antérieure se présente sous la forme d’une signature manuscrite stylisée de couleur dorée reproduisant le nom du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart, lequel a inspiré au créateur des Mozartkugeln le nom de cette friandise. Sur le couvercle en cause, elle est placée dans le coin inférieur droit du portrait d’un homme représenté à la manière d’un tableau du XVIIIème siècle et qui pourrait être Wolfgang Amadeus Mozart. Ainsi que le relèvent à juste titre l’OHMI et l’intervenante, sur cet emballage, c’est clairement ce portrait qui, du fait de sa taille et de son positionnement, domine. L’inscription stylisée « W. Amadeus Mozart », qui est rédigée en fins caractères et dont la couleur ainsi que le style s’harmonisent parfaitement avec ceux de l’encadrement, en l’occurrence doré et baroque, du portrait, n’apparaît, dans l’image d’ensemble, qu’au second plan et comme un élément purement décoratif et accessoire. Elle sera perçue comme une indication que le portrait représente Wolfgang Amadeus Mozart et non comme une indication de l’origine commerciale des Mozartkugeln contenues dans la boîte. Plus globalement, ladite inscription, associée au portrait du compositeur, sera perçue comme un accompagnement décoratif de la dénomination « Mozart Kugeln » apparaissant sur la partie inférieure du couvercle et comme renforçant l’indication de la nature du produit concerné. À cet égard, il doit être rappelé que le Tribunal a constaté, dans son arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart) (T‑304/06, Rec. p. II‑1927, points 94 à 96, 99, 102 à 104 et 110), auquel il est fait référence au point 25 de la décision attaquée, que, pour le public germanophone et en relation avec, notamment, les confiseries, pâtisseries et produits chocolatés, le terme « Mozartkugel » était un terme générique et descriptif et que, confronté à ce terme, ce public verrait dans l’élément « Mozart » dudit terme une référence à la recette caractéristique de la friandise appelée Mozartkugel. La même conclusion doit valoir lorsque ledit public voit sur l’emballage de Mozartkugeln un portrait du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart et que, de surcroît, le nom de ce dernier est reproduit sur cet emballage.

40      En réalité, ainsi que le relève à juste titre l’OHMI, sur le couvercle en question, c’est plutôt le terme « Reber » qui sera susceptible d’être perçu comme une indication de l’origine commerciale du produit.

41      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les éléments de preuve fournis par la requérante devant la division d’opposition, même appréciés globalement, n’établissent pas à suffisance de droit l’usage sérieux de la marque allemande figurative antérieure n° 1151678 en Allemagne durant la période pertinente. Il s’ensuit qu’aucune violation de l’article 42, paragraphe 2, première phrase, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 ni de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement ne saurait être constatée en ce qui concerne cette marque antérieure.

 Sur la marque allemande figurative antérieure n° 1161957

42      En premier lieu, la requérante invoque une violation de l’article 42, paragraphe 2, première phrase, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 en renvoyant aux arguments qu’elle a invoqués à cet égard en rapport avec la marque allemande figurative antérieure n° 1151678.

43      En second lieu, la requérante invoque une violation de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009. Elle prétend que les deux marques antérieures sont dominées par le même élément verbal « W. Amadeus Mozart » et que seul cet élément possède un caractère distinctif. L’élément figuratif de ces marques serait accessoire et ne donnerait aucune indication sur l’origine commerciale des produits. Dès lors, l’usage qui est fait de la marque allemande figurative antérieure n° 1151678 constituerait également un usage de la marque allemande figurative antérieure n° 1161957 propre à assurer le maintien des droits de son titulaire.

44      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

45      En premier lieu, il convient de rejeter comme non fondé le moyen tiré d’une violation de l’article 42, paragraphe 2, première phrase, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, dès lors que les arguments invoqués au soutien du même moyen par la requérante, s’agissant de la marque allemande figurative antérieure n° 1151678, et auxquels elle se contente de renvoyer, ont déjà été rejetés comme non fondés (voir points 24 à 41 ci-dessus). Il y a lieu de relever, en outre, que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à juste titre au point 24 de la décision attaquée et que le reconnaît d’ailleurs la requérante, la marque allemande figurative antérieure n° 1161957 ne figure en tant que telle sur aucun des éléments de preuve présentés par cette dernière devant la division d’opposition.

46      En second lieu, en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, il convient de rappeler que, conformément à cette disposition, l’usage de la marque communautaire sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est également considéré comme un usage au sens du premier alinéa du même paragraphe dudit article 15. En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la marque allemande figurative antérieure n° 1151678 peut être considérée comme ne différant que par des éléments qui n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque allemande figurative antérieure n° 1161957, il y a lieu de constater que l’usage de la première de ces marques n’a pas été démontré et ne pourrait donc aucunement servir de preuve de l’utilisation de la seconde.

47      Il résulte des considérations qui précèdent qu’aucune violation de l’article 42, paragraphe 2, première phrase, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 ni de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de ce règlement ne saurait être constatée en ce qui concerne la marque allemande figurative antérieure n° 1161957.

48      Partant, le recours doit être rejeté comme non fondé dans son ensemble.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

50      Par ailleurs, aux termes de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI. Par conséquent, il convient de condamner la requérante à supporter les frais afférents à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Reber Holding GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens, y compris les frais indispensables exposés par Mme Anna Klusmeier aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.