Language of document : ECLI:EU:C:2021:486

ORDONNANCE DE LA COUR (première chambre)

16 juin 2021 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Conséquences de la sortie du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne pour les membres de la Cour de justice de l’Union européenne – Déclaration de la Conférence des représentants des gouvernements des États membres – Fin du mandat d’un avocat général – Recours en annulation »

Dans l’affaire C‑684/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 décembre 2020,

Eleanor Sharpston, demeurant à Schoenfels (Luxembourg), représentée par M. N. Forwood, BL, M. J. Robb, barrister, ainsi que par MM. J. Flynn et H. Mercer, QC,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne,

Conférence des représentants des gouvernements des États membres,

parties défenderesses en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.–C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader, MM. M. Safjan et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Mme Eleanor Sharpston demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 6 octobre 2020, Sharpston/Conseil et Conférence des représentants des gouvernements des États membres (T‑180/20, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2020:473), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande tendant à l’annulation partielle de la déclaration de la Conférence des représentants des gouvernements des États membres du 29 janvier 2020 relative aux conséquences du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne sur les avocats généraux de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « déclaration litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        L’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord de retrait »), approuvé par la décision (UE) 2020/135 du Conseil, du 30 janvier 2020 (JO 2020, L 29, p. 1), entré en vigueur le 1er février 2020, énonce, au huitième alinéa de son préambule :

« Considérant qu’il est dans l’intérêt tant de l’Union que du Royaume-Uni de définir une période de transition ou de mise en œuvre au cours de laquelle – nonobstant toutes les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l’Union en ce qui concerne la participation du Royaume-Uni aux institutions, organes et organismes de l’Union, en particulier la fin, à la date d’entrée en vigueur du présent accord, des mandats de tous les membres des institutions, organes et organismes de l’Union nommés, désignés ou élus eu égard à l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union – le droit de l’Union, y compris les accords internationaux, devrait être applicable au Royaume-Uni et sur son territoire, avec, en règle générale, le même effet qu’en ce qui concerne les États membres, afin d’éviter les perturbations au cours de la période durant laquelle le ou les accords sur les relations futures seront négociés ».

3        L’article 19, paragraphe 2, TUE prévoit que la Cour est composée d’un juge par État membre et qu’elle est assistée d’avocats généraux.

4        Aux termes de l’article 252 TFUE, la Cour est assistée de huit avocats généraux et, à sa demande, le Conseil de l’Union européenne, statuant à l’unanimité, peut en augmenter le nombre.

5        Au titre de la déclaration ad article 252 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relative au nombre d’avocats généraux à la Cour annexée à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne, la Conférence des représentants des gouvernements des États membres a déclaré que, dans le cas où, conformément à l’article 252, premier alinéa, TFUE, la Cour demanderait que le nombre d’avocats généraux soit augmenté de trois, à savoir onze au lieu de huit, il conviendrait que la République de Pologne, comme c’est déjà le cas pour la République fédérale d’Allemagne, la République française, la République italienne, le Royaume d’Espagne et le Royaume-Uni, ait un avocat général permanent et ne participe plus au système de rotation, lequel comprendrait cinq avocats généraux au lieu de trois.

6        Par la décision 2013/336/UE du Conseil, du 25 juin 2013, portant augmentation du nombre d’avocats généraux à la Cour de Justice de l’Union européenne (JO 2013, L 179, p. 92), le nombre d’avocats généraux a été porté de huit à onze.

 Les antécédents du litige

7        Au cours de l’année 2005, sur proposition du gouvernement du Royaume-Uni, les représentants des gouvernements des États membres ont nommé Mme Sharpston pour exercer les fonctions d’avocat général à la Cour pour la durée du mandat de son prédécesseur restant à courir, à savoir jusqu’au 6 octobre 2009. Au cours de l’année 2009, à la suite d’une nouvelle proposition du même gouvernement, la requérante a été nommée en tant qu’avocate générale à la Cour pour un nouveau mandat de six ans, pour la période allant du 7 octobre 2009 au 6 octobre 2015. Enfin, en vertu de la décision (UE, Euratom) 2015/578 des représentants des gouvernements des États membres, du 1er avril 2015, portant nomination de juges et d’avocats généraux à la Cour de justice (JO 2015, L 96, p. 11), la requérante a été nommée pour exercer les fonctions d’avocat général pour la période allant du 7 octobre 2015 au 6 octobre 2021.

8        Le 29 janvier 2020, la Conférence des représentants des gouvernements des États membres a adopté la déclaration litigieuse dans laquelle elle a rappelé que, le Royaume-Uni ayant déclenché la procédure prévue à l’article 50 TUE pour se retirer de l’Union, les traités cesseraient d’être applicables à cet État membre à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait. Elle a également rappelé que, dès lors, les mandats des membres des institutions, des organes et des organismes de l’Union qui ont été nommés, désignés ou élus eu égard à l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union prendraient fin à la date du retrait. Elle a indiqué qu’il en résultait que le poste permanent d’avocat général qui était dévolu au Royaume-Uni par la déclaration ad article 252 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relative au nombre d’avocats généraux à la Cour annexée à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne serait intégré au système de rotation des États membres pour la nomination des avocats généraux. Elle a noté que, selon l’ordre protocolaire, le prochain État membre éligible serait la République hellénique. Elle a convenu que, compte tenu des circonstances exceptionnelles dans lesquelles cette nomination devait intervenir et aux fins de respecter la règle du renouvellement partiel des membres de la Cour tous les trois ans et celle de la durée de six ans de leurs mandats, telles qu’elles figurent à l’article 253 TFUE, le mandat de l’avocat général proposé par la République hellénique pour le poste d’avocat général devenu vacant prendrait fin à la date du prochain renouvellement partiel des membres de la Cour, soit le 6 octobre 2021.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2020, la requérante a demandé l’annulation partielle de la déclaration litigieuse.

10      Dans l’ordonnance attaquée, après avoir constaté, à son point 27, que la déclaration litigieuse avait été adoptée non pas par le Conseil, mais par la Conférence des représentants des gouvernements des États membres, le Tribunal a rejeté comme irrecevable, à son point 28, le recours porté devant lui en tant qu’il était dirigé contre le Conseil.

11      En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la Conférence des représentants des gouvernements des États membres, le Tribunal a rappelé, aux points 29 et 30 de l’ordonnance attaquée, qu’il n’est compétent au titre de l’article 263 TFUE qu’à l’égard des recours introduits contre les actes des institutions, des organes ou des organismes de l’Union et qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que les actes adoptés par les représentants des gouvernements des États membres agissant non pas en qualité de membres du Conseil ou de membre du Conseil européen, mais en leur qualité de représentants de leur gouvernement, et exerçant ainsi collectivement les compétences des États membres, ne sont pas soumis au contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union.

12      Le Tribunal s’est également référé, aux points 31 et 32 de l’ordonnance attaquée, à l’ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 10 septembre 2020, Représentants des gouvernements des États membres/Sharpston [C‑424/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:705], pour rappeler, d’une part, que l’acte portant nomination des juges et des avocats généraux de la Cour, conformément à l’article 253, paragraphe 1, TFUE, est adopté d’un commun accord par les gouvernements des États membres et, d’autre part, qu’un recours est manifestement irrecevable dans la mesure où il tend à l’annulation d’une décision émanant non d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union, mais des représentants des gouvernements des États membres exerçant les compétences de ces derniers.

13      Au point 33 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a relevé que, le 29 janvier 2020, les représentants des gouvernements de 27 des 28 États membres de l’Union à cette date ont participé à la réunion qui a donné lieu à la déclaration litigieuse et qu’ils l’ont adoptée en leur qualité de représentants des gouvernements des États membres de l’Union et non en tant que membres du Conseil. Au point 34 de cette ordonnance, le Tribunal a ajouté que, en dépit de la mention du Conseil dans son en-tête et du fait d’avoir été publiée sur le site Internet du Conseil, la déclaration litigieuse montre, par son contenu, qu’il s’agit d’une déclaration des représentants des gouvernements des États membres de l’Union, faite d’un commun accord, et non d’un acte du Conseil ou d’un organe ou d’une entité de l’Union.

14      Le Tribunal en a conclu, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que le recours porté devant lui devait être rejeté comme étant irrecevable.

 La procédure devant la Cour et les conclusions de la requérante

15      Par son pourvoi, Mme Sharpston demande à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée, d’enjoindre aux autres parties à la procédure de répondre à la question de savoir s’il y a lieu de considérer que son mandat a pris fin lors du retrait du Royaume-Uni de l’Union, le 31 janvier 2020 à minuit, en vertu de l’article 50, paragraphe 3, TUE, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, sauf si l’état de la procédure permet à la Cour de statuer, et de condamner le Conseil ainsi que la Conférence des représentants des gouvernements des États membres aux dépens.

 Sur le pourvoi

16      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

17      Il y a lieu de faire application de cet article dans la présente affaire.

18      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque cinq moyens.

 Sur les premier à troisième et cinquième moyens

 Argumentation de la requérante

19      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’article 263 TFUE en jugeant, aux points 29 et 35 de l’ordonnance attaquée, que le recours était irrecevable au motif qu’il n’était pas dirigé contre un acte adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union.

20      Elle soutient qu’il ressort non seulement du libellé de l’article 263 TFUE, dans ses différentes versions linguistiques, mais aussi de la genèse et de l’objectif de cet article ainsi que de la jurisprudence de la Cour que le champ d’application dudit article doit être interprété largement, qu’il s’agisse tant des actes qu’il vise que de leurs auteurs.

21      Elle fait valoir que, si la Cour exclut du champ d’application de l’article 263 TFUE les actes adoptés par les représentants des gouvernements des États membres en dehors du cadre juridique de l’Union, il ne peut en aller de même pour ceux, tels que la déclaration litigieuse, adoptés par les représentants des gouvernements des États membres agissant dans le cadre de compétences conférées, ou soi-disant conférées, par les traités et qui ont des effets dans l’ordre juridique de l’Union.

22      Elle soutient que, aux points 30, 32 et 35 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, dès lors, commis une erreur de droit en considérant que tous les actes adoptés par les représentants des gouvernements des États membres en une qualité autre que celle de membres du Conseil ou du Conseil européen ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle juridictionnel en vertu de l’article 263 TFUE et qu’il aurait dû retenir sa compétence pour apprécier la légalité de la déclaration litigieuse, en ce qu’elle a mis fin prématurément à son mandat d’avocat général.

23      Dans le cadre de remarques finales, la requérante ajoute qu’il résulte des points 91 à 98 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), que l’impossibilité de contrôler un accord politique au titre de l’article 263 TFUE suppose l’existence de voies de recours alternatives contre les actes de mise en œuvre de cet accord, afin d’éviter que les justiciables ne soient privés de leur droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Or, de tels recours alternatifs n’existeraient pas en l’espèce.

24      Par son deuxième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a erronément omis de distinguer, aux fins de la détermination de sa compétence, la décision des représentants des gouvernements des États membres de nommer un avocat général à la Cour de la décision préalable relative à la vacance du poste ainsi pourvu, alors même que le recours introduit devant lui dans l’affaire T‑180/20, ainsi que le présent pourvoi, portent sur cette dernière décision.

25      Elle fait valoir que, si, en général, la question de savoir si le poste d’un membre de la Cour est effectivement vacant ne se pose pas, il ne peut être exclu qu’elle se présente dans certains cas de figure. À cet égard, elle estime qu’un acte des États membres qui constaterait de manière illégale la vacance d’un tel poste devrait pouvoir être contrôlé par les juridictions de l’Union.

26      La requérante soutient qu’il doit alors revenir aux seules juridictions de l’Union de se prononcer sur le sujet et se réfère en particulier à l’article 19 TUE et aux articles 4 et 6 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

27      La requérante ajoute que la validité des actes des représentants des gouvernements des États membres prévus par le traité FUE peut d’ailleurs être contestée, à tout le moins indirectement, par d’autres voies procédurales que le recours en annulation, ainsi que l’a admis le Conseil au nom de la Conférence des représentants des gouvernements des États membres dans l’exception d’irrecevabilité soulevée devant le Tribunal, et qu’il doit en être déduit qu’un recours direct contre ces actes doit également être possible.

28      En conséquence, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en constatant, aux points 30, 32 et 35 de l’ordonnance attaquée, que les actes des représentants des gouvernements des États membres, quels qu’ils soient, ne peuvent pas faire l’objet d’un recours au titre de l’article 263 TFUE.

29      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a erronément interprété, aux points 30, 33 et 34 de l’ordonnance attaquée, les principes issus de l’arrêt du 30 juin 1993, Parlement/Conseil et Commission (C‑181/91 et C‑248/91, EU:C:1993:271).

30      Elle soutient qu’il ne résulte pas de cet arrêt que l’ensemble des actes des représentants des gouvernements des États membres agissant de concert sont soustraits au contrôle juridictionnel dans le cadre de l’article 263 TFUE, mais que la Cour ne s’est prononcée dans ledit arrêt que sur les actes adoptés par les représentants des gouvernements des États membres en dehors de l’ordre juridique de l’Union.

31      Ainsi, la question de savoir si les juridictions de l’Union sont compétentes pour contrôler la légalité d’un acte, tel que la déclaration litigieuse, adopté par les représentants des gouvernements des États membres en vertu de compétences conférées, ou soi-disant conférées, par les traités et qui a des effets dans l’ordre juridique de l’Union, n’aurait pas été tranchée dans la jurisprudence de la Cour et devrait recevoir une réponse positive.

32      Le Tribunal se serait, dès lors, erronément référé, aux points 30 et 35 de l’ordonnance attaquée, à l’arrêt du 30 juin 1993, Parlement/Conseil et Commission (C‑181/91 et C‑248/91, EU:C:1993:271), et notamment au point 12 de cet arrêt, pour fonder son analyse et aurait dû à tout le moins viser d’autres passages de celui-ci, tels que son point 13, desquels il ressortirait que les actes produisant des effets juridiques sur les tiers dans l’ordre juridique de l’Union doivent être soumis au contrôle des juridictions de l’Union.

33      Par son cinquième moyen, la requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que le Tribunal a également omis à tort, aux points 27 et 28 de l’ordonnance attaquée, de répondre à son argument selon lequel, si la Conférence des représentants des gouvernements des États membres ne peut pas être partie défenderesse à un recours exercé au titre de l’article 263 TFUE, c’est le Conseil qui doit l’être en tant qu’alter ego de cette Conférence ou en tant qu’institution de l’Union qui lui est le plus étroitement liée, du fait de son implication dans l’adoption et la promulgation de la déclaration litigieuse.

34      Elle se fonde en particulier sur la nécessité de contrôler les violations éventuelles du droit de l’Union par les États membres si ceux-ci ne peuvent pas être parties défenderesses dans une telle instance et considère que, si le Conseil n’est pas l’auteur de l’acte attaqué, il devrait néanmoins pouvoir en être tenu pour responsable devant les juridictions de l’Union.

35      Elle fait valoir que les dispositions des traités relatives à la compétence de la Cour n’énoncent pas de manière exhaustive les parties défenderesses et se réfère par analogie aux articles 268 et 340 TFUE.

36      Elle relève qu’il convient de déterminer si le constat de la vacance du poste qu’elle occupait précédemment, auquel procède la déclaration litigieuse, est le fait du Conseil, de la Conférence des représentants des gouvernements des États membres ou du président de la Cour de justice de l’Union européenne, et considère que la Cour est, en tout état de cause, la seule habilitée à statuer sur ce sujet.

37      Elle ajoute que le Conseil, par l’intermédiaire de son service juridique, a joué un rôle actif, soit seul, soit conjointement avec la Conférence des représentants des gouvernements des États membres, en ce qui concerne la détermination de la fin anticipée de son mandat et qu’il est ainsi coauteur du vice entachant la déclaration litigieuse.

 Appréciation de la Cour

38      Par ses premier à troisième et cinquième moyens, qu’il convient d’analyser ensemble, la requérante soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant comme irrecevable sa demande d’annulation partielle de la déclaration litigieuse au motif qu’elle a été adoptée par les représentants des gouvernements des États membres agissant en tant que tels et non par le Conseil.

39      Selon la jurisprudence de la Cour, il résulte du libellé de l’article 263 TFUE que les actes adoptés par les représentants des gouvernements des États membres, agissant en qualité non pas de membres du Conseil, mais en qualité de représentants de leur gouvernement, et exerçant ainsi collectivement les compétences des États membres, ne sont pas soumis au contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 1993, Parlement/Conseil et Commission, C‑181/91 et C‑248/91, EU:C:1993:271, point 12).

40      Le critère pertinent ainsi retenu par la Cour pour exclure la compétence des juridictions de l’Union pour connaître d’un recours juridictionnel dirigé contre de tels actes est donc celui relatif à leur auteur, indépendamment de leurs effets juridiques obligatoires.

41      Les arguments invoqués par la requérante dans le cadre de ses premier et cinquième moyens, selon lesquels il conviendrait d’interpréter de manière large les auteurs des actes auxquels l’article 263 TFUE se réfère, à savoir les institutions, les organes et les organismes de l’Union, afin de considérer que la déclaration litigieuse a été adoptée par une institution, un organe ou un organisme de l’Union au sens de cet article, ou, à tout le moins, d’assimiler le recours porté devant le Tribunal à un recours formé contre une décision du Conseil, compte tenu de l’implication de celui-ci dans l’adoption et la diffusion de cette déclaration, ne sauraient, dès lors, être retenus sans contrevenir au libellé clair de cet article.

42      Il apparaît manifeste qu’une telle interprétation se heurterait également à la volonté des auteurs des traités, que reflète l’article 263 TFUE, dont le champ d’application se limite aux seuls actes du droit de l’Union pris par les institutions, les organes et les organismes de l’Union, d’exclure du contrôle juridictionnel de la Cour les actes qu’il revient aux États membres d’adopter, tels que les décisions de nomination des membres des juridictions de l’Union.

43      Si, en l’occurrence, la déclaration litigieuse ne porte pas nomination, elle n’en est pas moins étroitement liée à l’exercice de cette compétence en ce qu’elle prend acte de la vacance de poste impliquée par la sortie du Royaume-Uni de l’Union et en détermine certaines des conséquences juridiques qu’il conviendra d’en tirer lors de la nomination à ce poste.

44      Contrairement à ce que la requérante soutient dans le cadre de son troisième moyen, il résulte de ce qui précède qu’il est également indifférent que les représentants des gouvernements des États membres aient agi dans le cadre des traités ou d’autres sources juridiques, telles que le droit international.

45      Par conséquent, le Tribunal n’a commis aucune erreur en rappelant, au point 30 de l’ordonnance attaquée, qu’il ressort de l’article 263 TFUE que les actes adoptés par les représentants des gouvernements des États membres agissant non pas en qualité de membres du Conseil ou de membres du Conseil européen, mais en leur qualité de représentants de leur gouvernement, et exerçant ainsi collectivement les compétences des États membres, ne sont pas soumis au contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union.

46      Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante fait valoir que les juges de l’Union devraient néanmoins retenir leur compétence pour apprécier la légalité de la déclaration litigieuse au motif qu’elle comporterait une décision des représentants des gouvernements des États membres constatant, de manière ultra vires, la fin anticipée de son mandat d’avocat général.

47      Cette analyse ne peut, toutefois, pas être retenue dès lors que la déclaration litigieuse ne peut, en tout état de cause, être regardée comme ayant été adoptée par une institution, un organe ou un organisme de l’Union visé à l’article 263 TFUE.

48      Il convient, en outre, de constater que la déclaration litigieuse ne saurait être regardée comme comportant une décision dotée d’effets de droit faisant grief à la requérante en ce qu’elle aurait décidé de la fin anticipée de son mandat d’avocat général, la Conférence des représentants des gouvernements des États membres s’étant bornée à prendre acte des conséquences nécessairement impliquées par la sortie du Royaume-Uni de l’Union

49      En effet, les traités ayant cessé d’être applicables au Royaume-Uni à la date de son retrait, le 1er février 2020, en vertu de l’article 50, paragraphe 3, TUE, cet État n’est plus, à compter de cette date, un État membre. Il en résulte, ainsi que l’énonce le huitième alinéa du préambule de l’accord de retrait, que les mandats en cours des membres des institutions, des organes et des organismes de l’Union qui ont été nommés, désignés ou élus eu égard à l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union ont automatiquement pris fin à cette date.

50      Il ne peut, par conséquent, être reproché au Tribunal de ne pas s’être considéré compétent pour apprécier la légalité d’une soi-disant décision des représentants des gouvernements des États membres constatant la fin anticipée du mandat de la requérante.

51      Il s’ensuit que les premier à troisième et cinquième moyens doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation de la requérante

52      Par son quatrième moyen, la requérante soutient que, aux points 31 et 32 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, à tort, donné une valeur de précédent à l’ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 10 septembre 2020, Représentants des gouvernements des États membres/Sharpston [C‑424/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:705], alors qu’une telle ordonnance ne pouvait pas préjuger le fond dans le présent litige.

53      Elle ajoute que le Tribunal s’est également fondé à tort, au point 31 de l’ordonnance attaquée, sur ladite ordonnance, dès lors que celle-ci concernait un recours ayant pour objet une décision de nomination d’un avocat général à la Cour alors que son recours visait la décision des représentants des gouvernements des États membres constatant la vacance d’un tel poste.

54      En outre, l’ordonnance de la vice-présidente de la Cour citée aux points 31 et 32 de l’ordonnance attaquée aurait été adoptée en violation des règles procédurales de la Cour, notamment parce que la requérante n’a pas été entendue alors même qu’aucune urgence n’a été constatée, mais aussi parce que les arguments invoqués par les représentants des gouvernements des États membres auraient dû être rejetés comme irrecevables au motif qu’ils étaient invoqués pour la première fois devant la Cour.

55      La requérante soutient, enfin, que, ce faisant, le Tribunal a lui-même violé le principe audi alteram partem en ne lui permettant pas de présenter ses observations sur la pertinence du point 12 de l’arrêt du 30 juin 1993, Parlement/Conseil et Commission (C‑181/91 et C‑248/91, EU:C:1993:271), visé au point 30 de l’ordonnance attaquée, et de l’ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 10 septembre 2020, Représentants des gouvernements des États membres/Sharpston [C‑424/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:705], visée aux points 31 et 32 de l’ordonnance attaquée. Ce faisant, le Tribunal aurait « étendu » et « prolongé » de manière injustifiée non seulement l’effet juridique, mais aussi les vices de procédure de cette ordonnance de la vice-présidente de la Cour.

 Appréciation de la Cour

56      En ce qui concerne les arguments relatifs à l’erreur qui aurait été commise par le Tribunal, aux points 31 et 32 de l’ordonnance attaquée, sur la portée de l’ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 10 septembre 2020, Représentants des gouvernements des États membres/Sharpston [C‑424/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:705], laquelle ne serait, en outre, pas pertinente pour la présente affaire, il suffit de constater que le Tribunal n’a, en tout état de cause, commis aucune erreur en rappelant, d’une part, audit point 31, qu’un acte portant nomination de juges et d’avocats généraux de la Cour est adopté, conformément à l’article 253 TFUE, d’un commun accord par les gouvernements des États membres, et, d’autre part, audit point 32, qu’un recours exercé au titre de l’article 263 TFUE contre un tel acte est manifestement irrecevable en ce qu’il tend à l’annulation d’une décision émanant des représentants des gouvernements des États membres exerçant les compétences de ces États. Il s’ensuit que de tels arguments sont manifestement inopérants.

57      Les arguments relatifs aux violations procédurales qui auraient été commises lors de l’adoption de cette ordonnance de la vice-présidente de la Cour sont, en outre, manifestement irrecevables dès lors que celle-ci ne fait pas l’objet du présent recours.

58      Doivent, dès lors, être également rejetées comme manifestement non fondées les allégations de la requérante relatives à la violation par le Tribunal du principe du contradictoire.

59      Le quatrième moyen doit, par conséquent, être rejeté comme étant pour partie manifestement irrecevable et pour partie manifestement non fondé.

60      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci comme étant pour partie manifestement irrecevable et pour partie manifestement non fondé.

61      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la mesure d’instruction sollicitée par la requérante.

 Sur les dépens

62      En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

63      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant pour partie manifestement irrecevable et pour partie manifestement non fondé.

2)      Mme Eleanor Sharpston supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.