Language of document : ECLI:EU:T:2009:236

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

1er juillet 2009 (*)

« Concurrence – Ententes – Produits plats en acier inoxydable – Décision constatant une infraction à l’article 65 CA après l’expiration du traité CECA, en application du règlement (CE) n° 1/2003 – Extra d’alliage – Compétence de la Commission – Imputabilité du comportement infractionnel – Autorité de la chose jugée – Droits de la défense – Accès au dossier – Prescription – Principe non bis in idem – Coopération durant la procédure administrative »

Dans l’affaire T‑24/07,

ThyssenKrupp Stainless AG, établie à Duisbourg (Allemagne), représentée par Mes M. Klusmann et S. Thomas, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, R. Sauer et O. Weber, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, totale ou partielle, de la décision de la Commission, du 20 décembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 65 [CA] (Affaire COMP/F/39.234 − Extra d’alliage, réadoption), et, à titre subsidiaire, une demande de réduction de l’amende infligée à ThyssenKrupp Stainless par ladite décision,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. M. Ciucă, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1.     Dispositions du traité CECA

1        L’article 65 CA prévoit :

« 1. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence, et en particulier :

a)      à fixer ou à déterminer les prix ;

b)      à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ;

c)      à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement.

2. Toutefois, la Commission autorise, pour des produits déterminés, des accords de spécialisation ou des accords d’achat ou de vente en commun, si [certaines conditions sont remplies…]

3. La Commission peut obtenir, conformément aux dispositions de l’article 47, toutes informations nécessaires à l’application du présent article, soit par demande spéciale adressée aux intéressés, soit par un règlement définissant la nature des accords, décisions ou pratiques qui ont à lui être communiqués.

4. Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.

La Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.

5. La Commission peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer, par voie d’arbitrage, dédit, boycott ou tout autre moyen, un accord ou une décision nuls de plein droit ou un accord dont l’approbation a été refusée ou révoquée, ou qui obtiendraient le bénéfice d’une autorisation au moyen d’informations sciemment fausses ou déformées, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique contraires aux dispositions du présent article, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause, en ce qui concerne l’amende, et de 20 % du chiffre d’affaires journalier, en ce qui concerne les astreintes. »

2        Conformément à son article 97, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002.

2.     Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

3        Le 18 juin 2002, la Commission a adopté la communication sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA (JO C 152, p. 5, ci-après la « communication du 18 juin 2002 »).

4        Au point 2 de la communication du 18 juin 2002, il est précisé que l’objet de celle-ci est :

« −      de récapituler, à l’intention des opérateurs économiques et des États membres dans la mesure où ils sont concernés par le traité CECA et son droit dérivé, les modifications les plus importantes du droit matériel et procédural découlant de la transition vers le régime du traité CE […]

−      d’expliquer comment la Commission entend régler les problèmes spécifiques posés par la transition du régime CECA au régime CE dans le domaine des ententes et des abus de position dominante […], du contrôle des concentrations […] et du contrôle des aides d’État […] »

5        Le point 31 de la communication du 18 juin 2002, qui figure dans la section consacrée aux problèmes spécifiques posés par la transition du régime CECA au régime CE, est libellé comme suit :

« Si, dans l’application des règles communautaires de la concurrence à des accords, la Commission constate une infraction dans un domaine relevant du traité CECA, le droit matériel applicable est, quelle que soit la date d’application, celui en vigueur au moment où les faits constitutifs de l’infraction se sont produits. En tout état de cause, sur le plan procédural, le droit applicable après l’expiration du traité CECA sera le droit CE […] »

3.     Dispositions du règlement (CE) n° 1/2003

6        Aux termes de l’article 4 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), « [p]our l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la Commission dispose des compétences prévues par le présent règlement ».

7        L’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 est ainsi libellé :

« Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction. Une mesure structurelle ne peut être imposée que s’il n’existe pas de mesure comportementale qui soit aussi efficace ou si, à efficacité égale, cette dernière s’avérait plus contraignante pour l’entreprise concernée que la mesure structurelle. Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé. »

8        L’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 dispose :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou 82 [CE], ou

b)      elles contreviennent à une décision ordonnant des mesures provisoires prises au titre de l’article 8, ou

c)      elles ne respectent pas un engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l’article 9.

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

Lorsque l’infraction d’une association porte sur les activités de ses membres, l’amende ne peut dépasser 10 % de la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association. »

9        L’article 27 du règlement n° 1/2003 énonce ce qui suit :

« 1. Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure.

2. Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Elles ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles et aux documents internes de la Commission ou des autorités de concurrence des États membres. En particulier, le droit d’accès ne s’étend pas à la correspondance entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres ou entre ces dernières, y compris les documents établis en application des articles 11 et 14. Aucune disposition du présent paragraphe n’empêche la Commission de divulguer et d’utiliser des informations nécessaires pour apporter la preuve d’une infraction.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

10      Krupp Thyssen Nirosta GmbH, société de droit allemand, est née le 1er janvier 1995 de la concentration des activités dans le secteur des produits plats en acier inoxydable, résistants aux acides et aux températures élevées, de Thyssen Stahl AG (ci-après « Thyssen ») et de Fried Krupp AG Hoesch-Krupp. Krupp Thyssen Nirosta est devenue, après plusieurs changements de dénomination sociale, ThyssenKrupp Stainless AG (ci-après la « requérante » ou « TKS »).

11      L’acier inoxydable est un type d’acier spécial dont la propriété principale est sa résistance à la corrosion. Cette propriété est donnée par l’utilisation de différents éléments d’alliage (chrome, nickel, molybdène) dans le processus de production. L’acier inoxydable est utilisé sous forme de produits plats (en feuilles ou en bobines ; laminés à chaud ou à froid) ou de produits longs (barres, fil machine, profilés ; laminés à chaud ou parachevés). La plupart de ces produits relevaient du traité CECA au sens de l’article 81 CA.

12      Le 16 mars 1995, à la suite d’informations parues dans la presse spécialisée et de plaintes de consommateurs, la Commission a, en vertu de l’article 47 CA, demandé à plusieurs producteurs d’acier inoxydable de lui communiquer des informations sur une majoration commune des prix, connue sous le nom d’« extra d’alliage », à laquelle ils auraient procédé.

13      L’extra d’alliage est un supplément de prix, calculé en fonction des cours des éléments d’alliage, qui vient s’ajouter au prix de base de l’acier inoxydable. Le coût des éléments d’alliage utilisés par les producteurs d’acier inoxydable (nickel, chrome et molybdène) représente une proportion importante des coûts de production. Les cours de ces éléments sont extrêmement variables.

14      Sur la base des informations recueillies, la Commission a, le 19 décembre 1995, adressé à 19 entreprises une communication des griefs.

15      Aux mois de décembre 1996 et de janvier 1997, après une série de vérifications sur place effectuées par la Commission, les avocats ou représentants de certaines entreprises ont fait connaître à cette dernière leur souhait de coopérer. Le 17 décembre 1996, TKS a adressé une déclaration à la Commission à cet effet.

16      Le 24 avril 1997, la Commission a adressé aux entreprises concernées une nouvelle communication des griefs remplaçant celle du 19 décembre 1995. TKS et Thyssen se sont vu, chacune, adresser une communication des griefs et chacune de ces entreprises y a répondu, de manière distincte, par lettres de leurs représentants respectifs du 30 juin suivant.

17      Par une lettre du 23 juillet 1997 adressée à la Commission (ci-après la « déclaration du 23 juillet 1997 »), TKS a indiqué ce qui suit :

« Concernant la procédure mentionnée en objet [Affaire IV/35.814 − TKS], vous avez demandé au représentant légal de Thyssen [...] que [TKS] confirme expressément qu’elle endossait la responsabilité des actes éventuellement passés par Thyssen, à la suite du transfert du secteur d’activité des produits plats inoxydables de Thyssen, dans la mesure où les produits plats inoxydables, qui font l’objet de la présente procédure, sont concernés, et ce également pour la période remontant jusqu’à l’année 1993. Par la présente, nous vous le confirmons expressément. »

18      Le 21 janvier 1998, la Commission a adopté la décision 98/247/CECA, relative à une procédure d’application de l’article 65 [CA] (Affaire IV/35.814 − Extra d’alliage) (JO L 100, p. 55).

19      Selon cette décision, la plupart des producteurs de produits plats en acier inoxydable sont convenus, au cours d’une réunion tenue à Madrid le 16 décembre 1993, d’augmenter de manière concertée leurs prix en modifiant les paramètres de calcul de l’extra d’alliage. À cet effet, ils ont décidé d’appliquer, à partir du 1er février 1994, un extra d’alliage calculé d’après la formule utilisée pour la dernière fois en 1991, en adoptant, pour tous les producteurs, comme valeurs de référence pour les éléments d’alliage, celles du mois de septembre 1993, durant lequel le cours du nickel a atteint un minimum historique.

20      La Commission a considéré que les entreprises concernées avaient, de ce fait, enfreint l’article 65, paragraphe 1, CA, en modifiant et en appliquant de manière concertée les valeurs de référence de la formule de calcul de l’extra d’alliage, pratique ayant eu pour objet et pour effet de restreindre et de fausser le jeu normal de la concurrence sur le marché commun.

21      La décision 98/247 a été notifiée à TKS et non à Thyssen.

22      Il résulte du considérant 102 ainsi que des articles 1er et 2 de la décision 98/247 que la Commission a considéré, sur le fondement de la déclaration du 23 juillet 1997, que TKS était responsable des agissements de Thyssen et lui a, partant, infligé une amende en raison, également, des faits reprochés à Thyssen. À cet égard, la Commission a estimé, au considérant 78 de la décision 98/247, que la durée de l’infraction reprochée à Thyssen était comprise entre le mois de décembre 1993, date de la réunion de Madrid lors de laquelle avait débuté la concertation entre les producteurs de produits plats en acier inoxydable, et le 1er janvier 1995, date de la cessation des activités de Thyssen dans ce secteur.

23      Le 11 mars 1998, TKS a introduit un recours visant, notamment, à l’annulation de la décision 98/247.

24      Par arrêt du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission (T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757), le Tribunal a annulé l’article 1er de la décision 98/247 en ce qu’il imputait à TKS la responsabilité de l’infraction à l’article 65 CA commise par Thyssen.

25      Le Tribunal a estimé que la Commission n’avait pas, lors de la procédure administrative, mis TKS en mesure de présenter ses observations sur la réalité et la pertinence des faits reprochés à Thyssen et que, par conséquent, TKS n’avait pas pu exercer ses droits de la défense à cet égard. La Commission n’était, dès lors, pas en droit d’imputer la responsabilité des agissements de Thyssen à TKS ni, en conséquence, d’infliger une amende à TKS en raison des faits reprochés à Thyssen alors que, sur ce point, la communication des griefs n’était adressée qu’à cette dernière (arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, points 66 et 67).

26      Le Tribunal a, en conséquence, réduit l’amende de TKS du montant de celle qui lui avait été infligée au titre de l’infraction commise par Thyssen et a fixé à 4 032 000 euros le montant de l’amende finalement infligée à TKS.

27      Par arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission (C‑65/02 P et C‑73/02 P, Rec. p. I‑6773), la Cour a rejeté les pourvois introduits par TKS et la Commission contre l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra.

28      Après avoir sollicité, par lettre du 29 novembre 2005, diverses informations auprès de la direction du groupe Thyssen Krupp AG et envoyé, par une lettre du 6 mars 2006, une demande de renseignements à Thyssen visant à obtenir connaissance du chiffre d’affaires de celle-ci, la Commission a, le 5 avril 2006, adressé à TKS une communication des griefs.

29      Par lettre du 17 mai 2006, la requérante a répondu à la communication des griefs et une audition publique a eu lieu le 15 septembre 2006.

30      Le 20 décembre 2006, la Commission a adopté la décision relative à une procédure d’application de l’article 65 [CA] (Affaire COMP/F/39.234 − Extra d’alliage, réadoption) (ci-après la « Décision »).

31      Le préambule de la Décision se lit comme suit :

« vu le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, et notamment son article 65,

vu le traité instituant la Communauté européenne,

vu le règlement […] n° 1/2003 […],

vu la décision de la Commission du 5 avril 2006 de soumettre en partie le cas d’espèce à un nouvel examen,

vu les informations à la disposition de la Commission et les vérifications effectuées au titre de l’article 47 [CA],

vu les observations écrites présentées conformément à l’article 36 [CA],

vu les demandes de renseignements prévues à l’article 18 du règlement n° 1/2003,

après avoir donné à l’entreprise concernée l’occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission conformément à l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 et du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE],

après consultation du Comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes,

[…] »

32      Le dispositif de la Décision comprend les dispositions suivantes :

« Article premier

Thyssen […] a enfreint l’article 65, paragraphe 1, CA du 16 décembre 1993 au 31 décembre 1994 en modifiant et en appliquant les valeurs de référence de la formule de calcul de l’extra d’alliage, pratique qui a eu pour objet et pour effet de restreindre et de fausser le jeu normal de la concurrence sur le marché commun.

Article 2

Pour l’infraction visée à l’article [1]er, une amende de 3 168 000 euros est infligée.

La personne morale [TKS] ayant assumé par [la déclaration] du 23 juillet 1997, la responsabilité du comportement de la personne morale Thyssen […], l’amende est infligée à [TKS].

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2007, la requérante a introduit le présent recours.

34      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la Commission à répondre par écrit à une question sur la teneur du dossier afférent à la procédure administrative ayant abouti à l’adoption de la Décision. La Commission a déféré à cette demande le 3 décembre 2008.

35      Par lettre du 3 décembre 2008, la Commission a déposé des observations concernant le rapport d’audience, lesquelles ont été notifiées à la requérante. Cette dernière a, par lettre du 8 décembre 2008, demandé au Tribunal que ne soient pas versées au dossier les observations susmentionnées au motif que celles-ci auraient pour conséquence de modifier la présentation des arguments de la Commission et contiendraient une prise de position sur le fond supplémentaire et tardive.

36      Le Tribunal a, d’une part, rejeté la demande de la requérante comme dépourvue d’objet, la lettre de la Commission du 3 décembre 2008 étant d’ores et déjà versée au dossier, et, d’autre part, précisé que l’existence éventuelle d’une argumentation nouvelle de la Commission et sa recevabilité seraient appréciées dans le cadre de l’arrêt.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 11 décembre 2008.

38      Lors de l’audience, la requérante a indiqué révoquer la déclaration du 23 juillet 1997. En réponse à une question du président, la requérante a affirmé qu’elle n’avait pas procédé à une telle révocation lors de la procédure administrative et que celle-ci avait uniquement pour objet d’illustrer la position défendue dans ses écritures, à savoir que la déclaration du 23 juillet 1997 n’était qu’une déclaration privée révocable, sur le fondement de laquelle on ne pouvait lui imputer la responsabilité du comportement de Thyssen. Il a été pris acte de la révocation et des déclarations susvisées de la requérante au procès-verbal d’audience.

39      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la Décision ;

–        subsidiairement, annuler l’article 2 de la Décision ;

–        à titre encore plus subsidiaire, réduire dans des proportions adéquates le montant de l’amende infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur l’existence d’une argumentation prétendument nouvelle et tardive de la Commission

41      Après le dépôt par la Commission d’observations concernant le rapport d’audience, la requérante a fait valoir que lesdites observations modifiaient la présentation des arguments de la Commission et contenaient une prise de position sur le fond supplémentaire et tardive.

42      Il y a lieu de constater que cette allégation de la requérante n’est étayée par aucune démonstration concrète visant des points précis des observations en cause. Force est de constater, au contraire, que lesdites observations ne comportent que des précisions sur la portée de certains arguments de la Commission développés dans ses écritures ou le rappel d’éléments de raisonnement ne figurant pas dans la nécessaire synthèse que constitue le rapport d’audience.

43      Il apparaît ainsi que la requérante n’a pas rapporté la preuve de l’existence d’une argumentation nouvelle de la Commission tombant sous le coup de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

2.     Sur la compétence de la Commission

44      Il convient d’examiner ensemble les deux premiers moyens d’annulation tirés, respectivement, de la violation du principe nulla poena sine lege et du caractère illégal de l’application combinée du règlement nº 1/2003 et de l’article 65 CA, lesquels soulèvent clairement la question de la compétence de la Commission pour adopter la Décision, ce qui revient à déterminer si cette dernière est fondée sur une base juridique valable.

 Arguments des parties

45      La requérante affirme, en premier lieu, que la Décision est illégale, parce que la Commission lui a infligé, dans cet acte, une amende « sans base d’habilitation valide », ce qui est contraire au principe nulla poena sine lege.

46      Elle souligne que le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002 et que la Commission a, par le fait même, perdu sa compétence pour imposer des sanctions pour infractions à l’article 65 CA. Il résulterait de l’article 70 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, lequel énoncerait une règle générale du droit coutumier international s’appliquant au traité CECA, que, une fois expirée, une convention ne pourrait plus fonder aucune obligation ou compétence.

47      Selon la requérante, l’article 65 CA ne pouvait être appliqué rétroactivement que s’il avait existé une disposition transitoire sur les règles de concurrence instituées par le traité CECA, laquelle fait défaut, alors que les États membres ou le Conseil ont adopté des dispositions transitoires, sous la forme de protocole, décision ou règlement, afin de régler les conséquences de l’expiration du traité CECA dans d’autres domaines.

48      La requérante indique que, si la Commission voulait appliquer l’article 65 CA, elle devait être habilitée à le faire. Or, les traités CECA et CE, de même que le droit dérivé et notamment le règlement n° 1/2003, ne comprendraient aucune disposition permettant une telle application rétroactive.

49      La Commission ne saurait non plus fonder sa compétence pour appliquer l’article 65 CA en faisant référence à un prétendu régime uniforme d’interdiction résultant d’un ordre juridique européen uniforme. Les traités CECA et CE auraient été certes liés, sur le plan des institutions, depuis le traité de fusion. Ils constitueraient cependant deux ordres juridiques distincts avec des compétences et des pouvoirs réglementés différemment.

50      La requérante fait valoir qu’il n’y a pas de compétence générale absolue de la Commission et que, conformément au principe de la compétence d’attribution consacré à l’article 5 CE, les institutions de la Communauté ne peuvent prendre l’initiative de s’attribuer des compétences. La Commission n’aurait compétence pour appliquer les traités dans l’ordre juridique communautaire que dans la mesure où cette compétence lui aurait été concrètement attribuée par les différents traités. Selon la requérante, si la durée de validité d’un traité se termine, comme en l’espèce pour le traité CECA à la date du 23 juillet 2002, il est également mis fin aux compétences des organes qui étaient auparavant compétents pour appliquer le traité en cause.

51      Les arguments contraires de la Commission, à savoir que l’article 81 CE est « un régime subsidiaire de substitution » pour l’article 65 CA et que ce dernier peut encore être appliqué eu égard au principe juridique général de la hiérarchie des normes allant de la lex generalis à la lex specialis, seraient dépourvus de pertinence.

52      L’article 65 CA ne serait pas une lex specialis par rapport à l’article 81 CE au sens où l’entendrait la Commission. Selon la requérante, une lex specialis est une norme qui remplit tous les critères d’une lex generalis, auxquels s’ajoute au moins un critère supplémentaire. Tel ne serait pas le cas en ce qui concerne les rapports entre l’article 65 CA et l’article 81 CE, puisque l’article 65 CA ne comporterait pas tous les critères de l’article 81 CE et, notamment, l’exigence effective que le commerce entre États membres soit affecté. On ne pourrait rien déduire du principe de spécialité en ce qui concerne l’applicabilité d’un droit qui ne serait plus en vigueur.

53      L’application de l’article 65 CA ne pourrait pas non plus s’appuyer sur la communication du 18 juin 2002. Cette communication n’aurait pas d’effet contraignant et la Commission n’aurait, en tout état de cause, pas compétence pour arrêter des réglementations constitutives de droits en vue du traitement des affaires anciennes, et ce même pour assurer une « transition harmonieuse » entre les dispositions du traité CECA et celles du traité CE, selon les termes de la Décision.

54      L’article 65 CA ne pourrait pas davantage s’appliquer en l’espèce en vertu du principe de la lex mitior. Loin de fonder l’application rétroactive d’un « texte pénal », le principe de la lex mitior présupposerait au contraire cette rétroactivité.

55      La requérante soutient, en second lieu, que la Décision est illégale, parce qu’elle applique le règlement nº 1/2003, en particulier son article 23, en combinaison avec l’article 65 CA. Cette « combinaison de normes » ne saurait constituer une base juridique valable pour imposer des sanctions et elle conduirait en outre à de graves erreurs de procédure, ce qui justifierait que la Décision soit qualifiée d’ « inexistante » au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d’Abruzzo/Commission (15/85, Rec. p. 1005).

56      Premièrement, elle fait valoir qu’il résulte des considérants du règlement nº 1/2003, entré en vigueur après l’expiration du traité CECA, et du libellé de son article 23 que ce dernier permet à la Commission d’imposer une amende pour des infractions aux articles 81 CE et 82 CE, mais pas dans des cas de violations de l’article 65 CA, lequel n’est pas mentionné à l’article 23 du règlement nº 1/2003. En fondant son amende sur l’article 23 du règlement nº 1/2003, pour une violation de l’article 65 CA, la Commission commettrait une violation claire du principe nulla poena sine lege.

57      La Commission ne pourrait pas utilement se fonder sur la jurisprudence citée au considérant 70 de la Décision, selon laquelle les règles de fond ne seraient pas rétroactives. En effet, l’article 23 du règlement nº 1/2003, qui contiendrait la véritable base juridique de la sanction, c’est-à-dire qui donnerait compétence à la Commission pour imposer une amende, énoncerait une « règle pénale de fond » et serait assimilable à l’article 65, paragraphe 5, CA.

58      À supposer même que l’article 23 du règlement nº 1/2003 puisse être considéré comme une règle de procédure, son application demeurerait illicite dans la mesure où l’application du règlement nº 1/2003 à la sanction des infractions à l’article 65 CA devrait être exclue d’emblée, ratione materiae.

59      Deuxièmement, la requérante prétend que l’application du règlement nº 1/2003 en combinaison avec l’article 65 CA a vicié toute la procédure et fait observer que si la Commission avait, quand l’article 65 CA était en vigueur, fondé une amende sur les dispositions de cet article combinées avec celles du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), sa décision aurait été également manifestement invalide et aurait dû être annulée. Il ne pourrait en être autrement maintenant que l’article 65 CA ne serait plus applicable et l’applicabilité du règlement nº 1/2003 aux infractions à l’article 65 CA devrait être exclue à la fois ratione materiae et ratione temporis.

60      Contrairement aux affirmations de la Commission, il ne serait pas exact que le renvoi opéré par l’article 23 du règlement n° 1/2003 à l’article 81 CE comporterait également un autre renvoi « quasiment invisible » à l’article 65 CA. La requérante fait valoir que, puisqu’il est interdit dans le cadre du droit applicable en matière d’infractions d’appliquer des sanctions par analogie, l’application de l’article 23 du règlement n° 1/2003 à une règle qui n’y est pas mentionnée constitue une « analogie inacceptable ».

61      La requérante indique que la base juridique du règlement n° 1/2003 est l’article 83 CE, lequel habilite le Conseil et la Commission à prendre les règlements utiles en vue de l’application des « principes figurant aux articles 81 [CE] et 82 [CE] », sans qu’il soit fait mention de l’article 65 CA. L’absence de mention de cette dernière disposition ne saurait, en toute hypothèse, être considérée comme une erreur du législateur communautaire, qui constituerait elle-même la condition d’une application par analogie pour pallier un vide juridique. La requérante fait valoir que, conformément au principe de la compétence d’attribution de l’article 5, premier alinéa, CE, aucune compétence pour mettre en œuvre l’article 65 CA ne pouvait être donnée à la Commission sur la base du traité CE, même à titre subsidiaire ou implicite, et que le règlement n° 1/2003 ne peut, au niveau des compétences, que renvoyer à l’article 81 CE.

62      La Commission conclut au rejet des deux premiers moyens d’annulation soulevés par la requérante comme étant non fondés.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la base juridique de la Décision

63      Il y a lieu de rappeler d’abord que les traités communautaires ont instauré un nouvel ordre juridique au profit duquel les États ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants (avis de la Cour 1/91, du 14 décembre 1991, Rec. p. I‑6079, point 21).

64      Au sein de cet ordre juridique communautaire, les institutions ne disposent que de compétences d’attribution (avis de la Cour 2/00, du 6 décembre 2001, Rec. p. I‑9713, point 5 ; arrêt de la Cour du 13 décembre 2001, Parlement/Conseil, C‑93/00, Rec. p. I‑10119, point 39). Pour cette raison, les actes communautaires mentionnent dans leur préambule la base juridique qui habilite l’institution concernée à agir dans le domaine en cause. Le choix de la base juridique appropriée revêt en effet une importance de nature constitutionnelle (avis de la Cour 2/00, précité, point 5).

65      En l’espèce, en premier lieu, il doit être constaté que le préambule de la Décision comporte des références à des dispositions du traité CECA, à savoir les articles 36 CA, 47 CA et 65 CA, mais également la mention du traité CE, du règlement n° 1/2003, et plus précisément l’article 18 et l’article 27, paragraphe 1, dudit règlement, et celle du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures de mise en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18).

66      En second lieu, il importe de relever que, dans les motifs de la Décision, la Commission indique au considérant 70, ce qui suit :

« La présente décision a […] été adoptée conformément aux règles de procédure du traité CE, et en particulier au règlement n° 1/2003. L’article 7, paragraphe 1, dudit règlement confère à la Commission, en vertu de l’article 85 CE, le pouvoir de constater les infractions au droit de la concurrence commises par les entreprises. L’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 l’autorise à infliger des sanctions en cas d’infraction. »

67      Au considérant 73 de la Décision, la Commission explique que la succession de l’article 81 CE, en tant que lex generalis, à l’article 65 CA, en tant que lex specialis, lors de l’expiration du traité CECA, implique qu’elle « est également compétente, au titre de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, pour engager une procédure d’application de l’article 65 CA, pour constater une infraction audit article, pour mettre fin à l’infraction ainsi constatée et pour imposer une amende afin de sanctionner ladite infraction ».

68      Au considérant 163 de la Décision, il est mentionné que, aux termes de l’article 65, paragraphe 5, CA, la Commission « a pu » prononcer des amendes à l’égard d’entreprises ayant adopté certains comportements anticoncurrentiels et qu’ « un droit équivalent a été conféré à la Commission par l’article 23 du règlement […] n° 1/2003 appliqué dans ce cas par la Commission ».

69      Il résulte également des motifs de la Décision que la référence dans le préambule à l’article 65 CA concerne le paragraphe 1, c’est-à-dire la disposition matérielle s’adressant aux entreprises et aux associations d’entreprises en interdisant certains comportements anticoncurrentiels, et le paragraphe 5, en ce qu’il prévoit la possibilité de prononcer des amendes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord collusoire. La référence à l’applicabilité de l’article 65, paragraphe 5, CA concerne la discussion relative au principe de la lex mitior afin de justifier, dans la présente espèce, l’application de cette disposition et non de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, pour calculer le montant de l’amende (voir considérants 162 à 168 et 178 de la Décision).

70      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la Décision, par laquelle la Commission constate une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et inflige une amende à la requérante, trouve sa base juridique dans l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 pour la constatation de l’infraction et dans l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 pour l’imposition de l’amende.

71      Il convient, dès lors, de constater, à ce stade, que l’argumentation de la requérante relative au principe de la lex mitior et à la communication du 18 juin 2002, qui n’auraient pas été de nature à constituer une base juridique valide pour la Décision, est dépourvue de toute pertinence, dans la mesure où la compétence de la Commission n’est fondée, en l’espèce, ni sur l’un ni sur l’autre, mais sur les articles précités du règlement n° 1/2003.

 Sur la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement n° 1/2003

72      Dans le cadre de ses deux premiers moyens d’annulation, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a, par le fait même de l’expiration du traité CECA le 23 juillet 2002, perdu sa compétence pour imposer des sanctions pour infractions à l’article 65 CA et qu’il n’existe aucune disposition, transitoire ou permanente, de droit primaire ou de droit dérivé, habilitant cette institution à appliquer l’article précité. L’application combinée, dans la Décision, de l’article 65 CA et du règlement n° 1/2003 ne fournirait pas, en tout état de cause, une base juridique valable à celle-ci, ledit règlement ne conférant de compétences à la Commission qu’au titre de la mise en œuvre des articles 81 CE et 82 CE.

73      Cette argumentation ne peut être retenue.

74      En premier lieu, il convient de rappeler que la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution communautaire à adopter l’acte en cause doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci (arrêt de la Cour du 4 avril 2000, Commission/Conseil, C‑269/97, Rec. p. I‑2257, point 45), ce qui est incontestablement le cas de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, qui constituent la base juridique de la Décision.

75      En second lieu, il importe de souligner que les traités communautaires ont institué un ordre juridique unique (voir, en ce sens, avis de la Cour 1/91, point 63 supra, point 21 ; arrêt du Tribunal du 27 juin 1991, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, T‑120/89, Rec. p. II‑279, point 78), dans le cadre duquel, ainsi que cela est reflété à l’article 305, paragraphe 1, CE, le traité CECA constituait un régime spécifique dérogeant aux règles à vocation générale établies par le traité CE.

76      Le traité CECA constituait ainsi, en vertu de l’article 305, paragraphe 1, CE, une lex specialis dérogeant à la lex generalis qu’est le traité CE (arrêt de la Cour du 24 octobre 1985, Gerlach, 239/84, Rec. p. 3507, points 9 à 11 ; avis de la Cour 1/94, du 15 novembre 1994, Rec. p. I‑5267, points 25 à 27, et arrêt du Tribunal du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T‑6/99, Rec. p. II‑1523, point 102).

77      Il en résulte que, en ce qui concerne le fonctionnement du marché commun, les règles du traité CECA et l’ensemble des dispositions prises pour son application sont demeurées en vigueur, nonobstant l’intervention du traité CE (arrêts de la Cour Gerlach, point 76 supra, point 9, et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 100).

78      Toutefois, dans la mesure où des questions ne faisaient pas l’objet de dispositions du traité CECA ou de réglementations adoptées sur la base de ce dernier, le traité CE et les dispositions prises pour son application pouvaient, même avant l’expiration du traité CECA, s’appliquer à des produits relevant du traité CECA (arrêts de la Cour du 15 décembre 1987, Deutsche Babcock, 328/85, Rec. p. 5119, point 10, et Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 77 supra, point 100 ; voir également, en ce sens, avis 1/94, point 76 supra, point 27).

79      En vertu de son article 97, le traité CECA est venu à expiration le 23 juillet 2002. En conséquence, le 24 juillet 2002, le champ d’application du régime général issu du traité CE s’est étendu aux secteurs qui étaient régis initialement par le traité CECA.

80      Si la succession du cadre juridique du traité CE à celui du traité CECA a entraîné, à compter du 24 juillet 2002, une modification des bases juridiques, des procédures et des règles de fond applicables, celle-ci s’inscrit dans le contexte de l’unité et de la continuité de l’ordre juridique communautaire et de ses objectifs (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, Rec. p. I‑3121, point 55 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, Rec. p. I‑6199, point 41), ainsi que le souligne, à juste titre, la Commission aux considérants 65 à 67 de la Décision.

81      À cet égard, il y a lieu de relever que l’instauration et le maintien d’un régime de libre concurrence, au sein duquel les conditions normales de concurrence sont assurées et qui est notamment à l’origine des règles en matière d’aides d’État et d’ententes entre entreprises, constituent l’un des objectifs essentiels tant du traité CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 31) que du traité CECA (voir, en ce sens, avis de la Cour 1/61, du 13 décembre 1961, Rec. p. 505, 519 ; arrêt de la Cour du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission, C‑280/99 P à C‑282/99 P, Rec. p. I‑4717, point 33 ; arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, points 265, 299 à 304).

82      Dans ce contexte, quoique les règles des traités CECA et CE régissant le domaine des ententes divergent dans une certaine mesure, il convient de souligner que les notions d’accord et de pratiques concertées sous l’empire de l’article 65, paragraphe 1, CA répondent à celles d’accord et de pratiques concertées au sens de l’articles 81 CE et que ces deux dispositions sont interprétées de la même manière par le juge communautaire (voir, en ce sens, arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 81 supra, points 262 à 272 et 277). Ainsi, la poursuite de l’objectif d’une concurrence non faussée dans les secteurs relevant initialement du marché commun du charbon et de l’acier n’est pas interrompue du fait de l’expiration du traité CECA, cet objectif étant également poursuivi dans le cadre du traité CE et par la même institution, la Commission, autorité administrative chargée de la mise en œuvre et du développement de la politique de la concurrence dans l’intérêt général de la Communauté (voir, par analogie, arrêt Gonzalez y Díez/Commission, point 80 supra, point 55).

83      La continuité de l’ordre juridique communautaire et des objectifs qui président à son fonctionnement exige ainsi que, en tant qu’elle succède à la Communauté européenne du charbon et de l’acier, et dans le cadre procédural qui est le sien, la Communauté européenne assure, à l’égard des situations nées sous l’empire du traité CECA, le respect des droits et des obligations qui s’imposaient eo tempore tant aux États membres qu’aux particuliers en vertu du traité CECA et des règles prises pour son application. Cette exigence s’impose d’autant plus dans la mesure où la distorsion de la concurrence résultant du non-respect des règles en matière d’ententes est susceptible d’étendre ses effets dans le temps après l’expiration du traité CECA, sous l’empire du traité CE (voir, par analogie, arrêt Gonzalez y Díez/Commission, point 80 supra, point 56).

84      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, le règlement n° 1/2003 et, plus particulièrement, son article 7, paragraphe 1, et son article 23, paragraphe 2, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à la Commission de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes réalisées dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis (voir, par analogie, arrêt Gonzalez y Díez/Commission, point 80 supra, point 57), et ce quand bien même les dispositions précitées dudit règlement ne mentionnent pas expressément l’article 65 CA.

85      En outre, il convient de relever que l’application, au sein de l’ordre juridique communautaire, des règles du traité CE dans un domaine initialement régi par le traité CECA doit intervenir dans le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, si les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, il n’en est pas de même des règles de fond. En effet, ces dernières doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9, et du 10 février 1982, Bout, 21/81, Rec. p. 381, point 13 ; arrêt du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55).

86      Dans cette perspective, s’agissant de la question des dispositions matérielles applicables à une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l’expiration du traité CECA, la continuité de l’ordre juridique communautaire et les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent l’application des dispositions matérielles prises en application du traité CECA aux faits relevant de leur champ d’application ratione materiae et ratione temporis. La circonstance selon laquelle, en raison du fait que le traité CECA a expiré, le cadre réglementaire en question n’est plus en vigueur au moment où l’appréciation de la situation factuelle est opérée ne modifie pas cette considération, dès lors que cette appréciation porte sur une situation juridique définitivement acquise à une époque où étaient applicables les dispositions matérielles prises en application du traité CECA (arrêt Gonzalez y Díez/Commission, point 80 supra, point 59).

87      En l’espèce, la Décision a été adoptée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, à la suite d’une procédure conduite conformément audit règlement. Les dispositions relatives à la base juridique et à la procédure suivie jusqu’à l’adoption de la Décision relèvent des règles de procédure au sens de la jurisprudence visée au point 85 ci‑dessus. Dès lors que la Décision a été adoptée après l’expiration du traité CECA, c’est à bon droit que la Commission a fait application des règles contenues dans le règlement n° 1/2003 (voir, par analogie, arrêt Gonzalez y Díez/Commission, point 80 supra, point 60, et, a contrario, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission, T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, Rec. p. II‑4331).

88      Il y a lieu de relever, à cet égard, que, contrairement aux affirmations de la requérante, l’article 23 du règlement n° 1/2003 n’énonce pas une règle de fond, laquelle n’a, par définition, pas pour objet de fournir une base juridique à l’action de la Commission, à la différence précisément de l’article précité qui autorise la Commission à imposer des amendes aux entreprises et associations d’entreprises qui ont violé les articles 81 CE et 82 CE.

89      S’agissant des règles de fond, il convient d’observer que la Décision concerne une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l’expiration du traité CECA le 23 juillet 2002, la période infractionnelle allant du 16 décembre 1993 au 31 décembre 1994. En l’absence de tout effet rétroactif du droit matériel de la concurrence applicable depuis le 24 juillet 2002, il y a lieu de constater que l’article 65, paragraphe 1, CA constitue la règle de fond applicable et effectivement appliquée par la Commission dans la Décision, étant rappelé qu’il résulte précisément de la nature de lex generalis du traité CE par rapport au traité CECA, consacrée à l’article 305 CE, que le régime spécifique issu du traité CECA et des règles prises pour son application est, en vertu du principe lex specialis derogat legi generali, seul applicable aux situations acquises avant le 24 juillet 2002.

90      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les deux premiers moyens d’annulation soulevés par la requérante, tirés, respectivement, de la violation du principe nulla poena sine lege et du caractère illégal de l’application combinée du règlement nº 1/2003 et de l’article 65 CA, doivent être rejetés.

3.     Sur l’autorité de la chose jugée et la validité de la déclaration du 23 juillet 1997

91      Il importe de souligner que, dans le cadre du troisième moyen d’annulation, tiré de la violation de l’autorité de la chose jugée, les deux parties invoquent à leur profit la notion d’autorité de la chose jugée pour en tirer des conclusions diamétralement opposées.

92      La requérante soutient que, au point 88 de son arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Cour a jugé qu’elle n’était pas matériellement responsable des agissements de Thyssen et que ce point est, aujourd’hui, revêtu de l’autorité de la chose jugée. À l’inverse, la Commission prétend que, dans la Décision, elle se fonde sur la reconnaissance, dans l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, confirmé par la Cour, de la validité de la déclaration du 23 juillet 1997, par laquelle la requérante a confirmé assumer la responsabilité des actes passés par Thyssen, ce qui ne pourrait plus être remis en cause, aujourd’hui, en raison de l’autorité de la chose jugée s’attachant à ce point de droit tranché par le juge communautaire.

93      Or, par son quatrième moyen, tiré de l’illégalité de l’imposition d’une amende fondée sur la déclaration du 23 juillet 1997, la requérante cherche précisément à remettre en cause le point de droit susvisé en alléguant que ladite déclaration ne saurait valablement fonder l’imputation d’une responsabilité pour les agissements de Thyssen et la sanction subséquente, eu égard à sa portée réelle et à son incompatibilité avec la réglementation communautaire en matière d’ententes.

94      Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner ensemble les troisième et quatrième moyens d’annulation, la réponse donnée à l’un conditionnant la recevabilité de l’autre. À cet égard, même si une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée n’est pas expressément soulevée par la Commission dans le cadre de la discussion relative au quatrième moyen d’annulation, elle est évoquée dans ses écritures relatives au troisième moyen, qui est indissolublement lié au quatrième moyen d’annulation. En tout état de cause, la question relative à l’autorité de la chose jugée est d’ordre public et doit, par conséquent, être soulevée d’office par le juge [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er juin 2006, P&O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑442/03 P et C‑471/03 P, Rec. p. I‑4845, point 45].

 Arguments des parties

95      La requérante soutient, dans le cadre du troisième moyen d’annulation, que, au point 88 de son arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Cour a jugé qu’elle n’était pas matériellement responsable des agissements de Thyssen et que ce point est, aujourd’hui, res iudicata, ce qui constituerait pour la Commission une fin de non-recevoir.

96      La Cour aurait fondé cette conclusion sur, d’une part, le constat d’une absence, en l’espèce, de succession sur le plan économique et d’unité d’action et, d’autre part, le fait que la déclaration du 23 juillet 1997 ainsi que les autres déclarations faites dans le cadre de la procédure administrative ne permettraient pas d’imputer à TKS la responsabilité du comportement infractionnel de Thyssen.

97      L’argument de la Commission selon lequel, au point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Cour n’a pas pu exclure la responsabilité matérielle de TKS dans la mesure où, audit point, elle se référerait au pourvoi incident de la Commission, qui ne porterait pas sur le transfert de responsabilité à TKS, ne pourrait être retenu.

98      La requérante fait valoir que, à supposer même qu’une constatation relative à la question du transfert de responsabilité n’était pas nécessaire dans le cadre de l’examen du pourvoi incident, il n’en résulterait pas que le point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, serait dépourvu de pertinence. La Cour serait libre de constater dans les motifs de son arrêt l’absence de transfert de responsabilité, même si la Commission n’avait pas expressément évoqué ce point dans son pourvoi et cette constatation devrait être respectée par les parties.

99      Dans son arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Cour aurait, tout d’abord, aux points 82 à 87, confirmé la décision du Tribunal d’annuler la décision de la Commission pour vice de procédure, puis, au point 88, développé un argument supplémentaire pour établir l’invalidité de la décision de la Commission en précisant que, indépendamment du vice de procédure précité, TKS ne pouvait être matériellement responsable des agissements de Thyssen.

100    La requérante explique que, au point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Cour indique que les déclarations de TKS faites au cours de la procédure administrative, mentionnées aux points 85 et 86 de cet arrêt, ne permettent pas d’imputer à celle-ci la responsabilité des agissements de Thyssen et que le point 85 dudit arrêt vise d’ailleurs expressément la déclaration du 23 juillet 1997. La terminologie choisie par la Cour serait parfaitement explicite. En effet, si la Cour avait entendu au point 88 de l’arrêt précité faire uniquement référence à une erreur de procédure, comme le suppose la Commission, elle n’aurait pas jugé qu’il était interdit à cette dernière d’« imputer la responsabilité à la requérante », selon l’expression employée par la Cour.

101    Les indications figurant au point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, n’auraient, en outre, pas de sens si elles ne se référaient qu’à des vices de procédure, puisque cette question aurait déjà été traitée de manière exhaustive aux points 85 à 87 dudit arrêt. Si la Cour avait voulu ne pas se prononcer sur le transfert de responsabilité au point 88 de l’arrêt précité, elle n’y aurait pas fait la constatation, dans les deux premières phrases, que Thyssen avait continué à exister et qu’on ne pouvait, dès lors, imputer la responsabilité à TKS en application de la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125). Selon la requérante, puisqu’il y avait déjà un vice de procédure, qui avait pour conséquence la nullité de la décision de la Commission, le fait que la Cour prenne position dans les deux premières phrases du point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, sur la question du transfert de la responsabilité peut uniquement signifier qu’elle entendait compléter ainsi la motivation du rejet du pourvoi incident introduit par la Commission. La motivation complémentaire de la Cour figurant dans ces deux premières phrases serait incomplète si la troisième phrase ne faisait pas également référence à la question du transfert matériel de responsabilité, puisque, à défaut, cette question serait restée sans réponse en ce qui concerne la déclaration du 23 juillet 1997.

102    La requérante ajoute que la version italienne de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, invoquée par la Commission à l’appui de son interprétation du point 88 dudit arrêt, est dépourvue de pertinence, puisque la langue de procédure est l’allemand, et que cette interprétation est de toute manière erronée sur le plan linguistique.

103    La requérante indique encore que, indépendamment de l’interprétation du point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, l’absence de transfert de responsabilité serait également justifiée au fond. Il résulterait de la jurisprudence que le successeur juridique ne pourrait être tenu responsable des violations des règles de concurrence commises par son prédécesseur, tant que ce dernier existerait encore, ce qui serait le cas de Thyssen. Dans ses écritures, la Commission admettrait, aujourd’hui, cette conclusion.

104    Elle fait, enfin, valoir que, contrairement aux affirmations de la Commission, le troisième moyen n’est pas irrecevable, dans la mesure où ne saurait lui être opposée la « force juridique » de l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, lequel faisait uniquement référence à la décision 98/247, qui ne fait pas l’objet du présent recours. Aucune juridiction ne s’étant encore prononcée de manière générale sur la légalité de la Décision, cette dernière ne serait pas juridiquement exécutoire, de sorte que le troisième moyen ne saurait être irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée.

105    Dans le cadre de son quatrième moyen d’annulation, la requérante fait valoir que, par la déclaration du 23 juillet 1997, elle a voulu exprimer son accord « pour que la Commission poursuive la procédure concernant l’ensemble de l’infraction contre [elle] exclusivement et non pas, parallèlement et en plus, contre Thyssen ». Cette déclaration ne saurait fonder la responsabilité de TKS et le transfert de la charge du paiement de l’amende.

106    Elle soutient qu’elle a, lors de la procédure précédente et dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la Décision, établi très clairement que la déclaration du 23 juillet 1997 ne pouvait être considérée comme une prise en charge de la responsabilité du paiement des amendes. Faire droit à la prétention contraire de la Commission reviendrait à attribuer à la volonté des parties un sens diamétralement opposé à son sens véritable, tel qu’il serait clairement apparu à la date de l’adoption de la Décision.

107    À supposer même que la déclaration du 23 juillet 1997 puisse être interprétée comme contenant une « prise en charge de responsabilité », cela ne signifierait pas que TKS pourrait être condamnée à payer l’amende due par Thyssen, et ce dans la mesure où cette déclaration privée ne pourrait avoir qu’un effet déclaratoire et non constitutif de droits. Une telle déclaration ne pourrait modifier la position du destinataire, qui découlerait directement du droit primaire et ne produirait d’effet ni sur le plan du droit matériel ni sur celui de la procédure, car elle serait incompatible avec la réglementation relative aux amendes en matière d’ententes. Cette réglementation relèverait incontestablement du droit public, « en particulier du droit pénal et du droit des sanctions ». Les déclarations privées autonomes faites par des sujets de droit privé ne sauraient modifier les conséquences juridiques découlant du droit public, « a fortiori du droit pénal et du droit des sanctions ». Ce principe remonterait au droit romain (jus publicum privatorum pactis mutari non potest) et il serait appliqué dans les ordres juridiques des États membres, constituant ainsi une tradition juridique commune aux États membres que la Commission devrait respecter.

108    Cette conclusion s’imposerait également lorsque la Commission approuverait une déclaration de prise en charge de responsabilité, l’institution n’ayant pas compétence pour s’écarter de la réglementation régissant les amendes prononcées en matière d’ententes. La requérante souligne que, dans sa décision du 19 janvier 2005, MCAA (affaire COMP/E − 1/C.37773), la Commission elle-même a estimé qu’une déclaration privée de prise en charge de responsabilité ne pouvait pas entraîner le transfert de la responsabilité du paiement d’amendes infligées dans le cadre du droit des ententes. Selon la requérante, « la responsabilité du paiement des amendes continue d’incomber au destinataire, même lorsque la Commission veut infliger l’amende à un autre destinataire que celui qui est responsable en vertu du droit communautaire primaire et secondaire ». Cela resterait vrai même dans les cas où les entreprises partageraient le souhait de la Commission tendant à faire peser la charge de l’amende sur un autre destinataire que le véritable responsable. Il faudrait, en tout état de cause, exclure la possibilité d’une telle marge d’appréciation à la Commission, car elle « friserait » l’arbitraire.

109    La Commission soutient que la recevabilité du troisième moyen se heurte au fait que la constatation par le Tribunal, dans l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, d’une possibilité de sanction fondée sur la déclaration du 23 juillet 1997 a déjà acquis force de chose jugée. En tout état de cause, l’intérêt à agir ferait défaut à la requérante pour remettre maintenant en cause cette possibilité de sanction, non contestée jusqu’alors. Cette absence d’intérêt à agir justifierait également l’irrecevabilité du quatrième moyen d’annulation, tiré de l’illégalité de l’imposition d’une amende fondée sur la déclaration du 23 juillet 1997, lequel serait, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation du Tribunal

110    Il convient de relever, à titre liminaire, que l’intérêt à agir de la requérante contre la Décision, qui lui impose une amende de 3 168 000 euros, est incontestable et que le troisième moyen d’annulation, tiré de la violation de l’autorité de la chose jugée, ne saurait être déclaré irrecevable au seul motif que la requérante a uniquement contesté, lors de la procédure ayant abouti à l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, le fait que la déclaration du 23 juillet 1997 puisse être interprétée comme comportant une renonciation à son droit d’être entendue.

111    Il y a lieu, par conséquent, d’examiner au fond l’argumentation de la requérante.

112    Il importe, à cet égard, de rappeler que la Cour a reconnu l’importance fondamentale que revêt, tant dans l’ordre juridique communautaire que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose définitivement jugée. En effet, afin de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (arrêts de la Cour du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, Rec. p. I‑10239, point 38, et du 16 mars 2006, Kapferer, C‑234/04, Rec. p. I‑2585, point 20).

113    Selon une jurisprudence bien établie, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause (arrêt de la Cour du 19 février 1991, Italie/Commission, C‑281/89, Rec. p. I‑347, point 14 ; ordonnance de la Cour du 28 novembre 1996, Lenz/Commission, C‑277/95 P, Rec. p. I‑6109, point 50, et arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 44).

 Sur la portée de l’arrêt du Tribunal Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission

114    Il résulte des points 51 à 52 et 55 à 68 de l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, ce qui suit :

–        la requérante a décrit elle-même comme un fait constant l’acceptation de la responsabilité de l’infraction commise par Thyssen, sans formuler une quelconque restriction ou réserve sur la valeur de la déclaration du 23 juillet 1997 ;

–        le Tribunal a expressément relevé le fait que TKS ne contestait pas la possibilité pour la Commission de lui imputer la responsabilité du comportement infractionnel reproché à Thyssen ;

–        le Tribunal a clairement admis la possibilité pour la Commission d’imputer à TKS, sur le fondement de la déclaration du 23 juillet 1997, la responsabilité du comportement infractionnel reproché à Thyssen entre le mois de décembre 1993 et le 1er janvier 1995 ;

–        l’article 1er de la décision 98/247 n’a été annulé, pour autant qu’il imputait à TKS l’infraction reprochée à Thyssen, qu’en raison du fait que la déclaration du 23 juillet 1997 ne pouvait être interprétée comme impliquant, « également », une renonciation de celle-ci à son droit d’être entendue sur les faits reprochés à Thyssen, cette conception erronée de la Commission de la portée de ladite déclaration étant à l’origine d’une violation des droits de la défense de TKS ;

–        la discussion et la conclusion subséquente du Tribunal d’une violation des droits de la défense de TKS avaient comme préalable nécessaire le constat de la validité de la déclaration du 23 juillet 1997, par laquelle TKS avait confirmé assumer la responsabilité des actes passés par Thyssen.

115    Dans le dispositif de l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, le Tribunal a annulé l’article 1er de la décision 98/247 en ce qu’il imputait à TKS la responsabilité de l’infraction à l’article 65 CA commise par Thyssen, réduit l’amende de TKS du montant de celle qui lui avait été infligée au titre de l’infraction commise par Thyssen, en fixant à 4 032 000 euros le montant de l’amende finalement infligée à TKS, et rejeté le recours pour le surplus.

 Sur la portée de l’arrêt de la Cour ThyssenKrupp/Commission

116    La requérante a introduit un pourvoi contre l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, en concluant, en substance, à ce qu’il plaise à la Cour :

–        annuler l’arrêt attaqué pour autant que le Tribunal rejette son recours ;

–        amender l’article 1er de la décision 98/247 et modifier la période d’infraction en ce qui la concerne ;

–        réduire dans les mêmes proportions le montant de l’amende qui lui est infligée en vertu de l’article 2 de la décision 98/247 ;

–        à titre subsidiaire, s’agissant des deux chefs de conclusions précédents, renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

117    TKS soulevait trois moyens à l’appui de son pourvoi :

–        l’erreur de droit dans l’appréciation de la durée de l’infraction ;

–        le calcul erroné du montant de l’amende forfaitaire ;

–        l’erreur de droit commise quant aux conséquences de la coopération de TKS à la procédure d’enquête sur la réduction du montant de l’amende.

118    Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la requérante ne portait pas sur l’appréciation par le Tribunal du transfert de responsabilité de Thyssen à TKS.

119    La Commission a introduit un pourvoi incident contre l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, en concluant, en substance, à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi de la requérante ;

–        à titre subsidiaire, pour le cas où l’arrêt attaqué serait annulé, rejeter la demande visant à obtenir la réduction du montant de l’amende ;

–        annuler l’arrêt attaqué pour autant que le Tribunal a :

i)      annulé l’article 1er de la décision 98/247 par lequel la responsabilité de l’infraction commise par Thyssen a été imputée à TKS ;

ii)      fixé à un montant inférieur à 7 596 000 euros l’amende infligée à TKS en vertu de l’article 2 de la décision 98/247 ;

iii)      ordonné que la Commission supporte ses propres dépens.

120    La Commission soulevait trois moyens à l’appui de son pourvoi incident :

–        la dénaturation de certains documents de preuve et l’erreur de droit dans l’appréciation du transfert de responsabilité de Thyssen à TKS ;

–        l’appréciation erronée des conditions requises en matière de respect des droits de la défense ;

–        l’erreur d’appréciation quant à l’existence d’une atteinte à l’exercice des droits de la défense.

121    C’est l’interprétation de la teneur de la réponse de la Cour au premier moyen du pourvoi incident, et plus particulièrement le point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, qui fait l’objet du débat entre les parties, interprétation qui est nécessairement liée à la portée dudit moyen et aux termes précis de l’argumentaire développé par la Commission à l’appui de celui-ci.

122    À cet égard, il résulte des points 73 à 79 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, que, par le premier moyen de son pourvoi incident, la Commission n’entendait pas, à l’évidence, remettre en cause la reconnaissance par le Tribunal du fait qu’elle était en droit d’imputer à TKS la responsabilité du comportement infractionnel reproché à Thyssen sur la base de la déclaration du 23 juillet 1997, mais, seulement, la conclusion subséquente du Tribunal selon laquelle ladite déclaration ne pouvait être interprétée comme impliquant également une renonciation de TKS à son droit d’être entendue sur les faits reprochés à Thyssen.

123    S’agissant de la teneur de la réponse de la Cour au premier moyen du pourvoi incident de la Commission, la requérante prétend que la Cour aurait, tout d’abord, aux points 82 à 87 de son arrêt, confirmé la décision du Tribunal d’annuler la décision de la Commission pour vice de procédure, puis, au point 88, développé un motif supplémentaire pour établir l’invalidité de la décision de la Commission en précisant que, indépendamment du vice de procédure précité, TKS ne pouvait être matériellement responsable des agissements de Thyssen.

124    La requérante fait valoir, premièrement, que, si la Cour avait voulu ne pas se prononcer sur le transfert de responsabilité au point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, elle n’y aurait pas fait la constatation, dans les deux premières phrases, que Thyssen avait continué à exister et qu’on ne pouvait, dès lors, imputer la responsabilité des agissements de cette dernière à TKS en application de la jurisprudence issue de l’arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 101 supra. La motivation complémentaire de la Cour figurant dans les deux premières phrases du point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, serait incomplète si la troisième phrase ne faisait pas également référence à la question du transfert matériel de responsabilité, puisque, à défaut, cette question serait restée sans réponse en ce qui concerne la déclaration du 23 juillet 1997.

125    Le Tribunal considère que ce premier argument méconnaît manifestement la structure de l’appréciation de la Cour relative au premier moyen du pourvoi incident caractérisée par la stricte corrélation de la réponse de la Cour aux arguments invoqués par la Commission.

126    Dans un premier temps, dans son arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra (points 80 à 87), la Cour vérifie si la conclusion du Tribunal, selon laquelle la déclaration du 23 juillet 1997 n’implique pas une renonciation de TKS à son droit d’être entendue, est entachée d’une erreur de droit en raison d’une dénaturation, d’une part, de la déclaration du 23 juillet 1997 elle-même et, d’autre part, d’autres documents mentionnés aux points 76 et 77 de l’arrêt de la Cour, à savoir, les réponses de TKS aux deux communications des griefs et sa lettre du 17 décembre 1996.

127    Dans son arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra (points 81 et 82), la Cour rappelle et confirme la validité de la conclusion susmentionnée du Tribunal au regard de la teneur de la déclaration du 23 juillet 1997, puis elle examine et rejette (points 83 à 86) l’argument de la Commission relatif à une absence de prise en compte par le Tribunal d’autres éléments de preuve en relation avec ladite déclaration et à la dénaturation subséquente de ceux-ci.

128    La conclusion d’absence de dénaturation par le Tribunal tant de la déclaration du 23 juillet 1997 que de ces autres éléments de preuve (arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, point 87) ne marque pas, toutefois, la fin de l’appréciation de la Cour du premier moyen soulevé par la Commission dans son pourvoi incident.

129    En effet, dans un second temps, la Cour examine et rejette également un autre argument de la Commission relatif à l’existence de circonstances exceptionnelles, tenant à une prétendue succession économique de TKS à Thyssen, à une unité d’action évidente entre ces deux opérateurs et aux déclarations faites par TKS au nom de Thyssen au cours de la procédure administrative. C’est l’unique objet du point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, qui est immédiatement suivi par la conclusion de rejet du premier moyen du pourvoi incident.

130    La requérante fait valoir, deuxièmement, que, au point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Cour indique, selon une terminologie sans équivoque, que les « déclarations » de TKS faites au cours de la procédure administrative, mentionnées aux points 85 et 86 de cet arrêt, ne permettent pas d’« imputer à [celle-ci] la responsabilité pour les agissements de Thyssen » et que le point 85 dudit arrêt vise d’ailleurs expressément la déclaration du 23 juillet 1997.

131    Il résulte, cependant, d’une simple lecture littérale de la troisième phrase du point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, qu’elle ne fait que renvoyer à la conclusion de l’analyse effectuée aux points 85 et 86 de cet arrêt et que les déclarations qui y sont visées sont celles sur lesquelles la Cour avait déjà porté son appréciation, à savoir, les réponses de TKS aux deux communications des griefs et sa lettre du 17 décembre 1996.

132    Si la déclaration du 23 juillet 1997 est certes mentionnée au point 85 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, le libellé de la dernière phrase dudit point met en évidence que la Cour y distingue précisément, pour les besoins de son raisonnement, les déclarations de TKS sur certaines activités de Thyssen avant l’acquisition de celles-ci en 1995 de la déclaration du 23 juillet 1997. La Cour estime, ainsi, que, même si dans sa réponse à la première communication des griefs et dans sa lettre du 17 décembre 1996, la requérante avait également présenté des observations sur certaines activités de Thyssen avant l’acquisition de celles-ci en 1995, la déclaration du 23 juillet 1997 n’impliquait pas que TKS estimait s’être pleinement et suffisamment défendue sur la question de l’imputabilité des agissements de Thyssen, de sorte que la Commission était fondée à lui infliger une amende relative auxdits agissements sans l’entendre de nouveau.

133    En outre, la Cour évoque, dans la troisième phrase du point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, les déclarations qui auraient été faites par TKS « sur les activités de Thyssen » au cours de la procédure administrative, formulation qui permet de les distinguer de la déclaration du 23 juillet 1997, par laquelle TKS a confirmé assumer la responsabilité des actes passés par Thyssen, et qui renvoie à celle employée au point 85 dudit arrêt relative aux « observations [présentées par TKS] sur certaines activités de Thyssen avant l’acquisition de celles-ci en 1995 ».

134    S’agissant de la formulation, figurant dans la troisième phrase susmentionnée, selon laquelle les déclarations faites par TKS sur les activités de Thyssen au cours de la procédure administrative ne permettent pas « d’imputer à TKS la responsabilité pour les agissements de Thyssen » avant 1995, elle doit être lue à la lumière de l’objet très précis du premier moyen du pourvoi incident et du fait que le passage en cause ne fait que renvoyer à la conclusion de l’analyse effectuée par la Cour aux points 85 et 86 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, et ce en raison d’un parallélisme partiel des arguments invoqués par la Commission au soutien du premier moyen du pourvoi incident.

135    La troisième phrase du point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, doit donc être comprise comme le rappel par la Cour que les déclarations faites par TKS sur les activités de Thyssen au cours de la procédure administrative, à savoir les réponses de TKS aux deux communications des griefs et sa lettre du 17 décembre 1996, ne permettent pas de considérer que la déclaration du 23 juillet 1997 impliquait également une renonciation à son droit d’être entendue et, subséquemment, d’imputer à TKS la responsabilité pour les agissements de Thyssen avant 1995 en raison d’un vice de procédure tenant à la violation des droits de la défense de TKS.

136    L’interprétation contraire du point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, soutenue par la requérante, reviendrait à admettre que la Cour a, sans aucune motivation et par simple renvoi, transformé une constatation concernant la violation du droit d’être entendu en une conclusion sur le transfert de responsabilité, ce qui ne saurait être admis.

137    Il importe encore de souligner que, si le point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, devait être interprété comme le fait la requérante, à savoir que la Cour y aurait indiqué que, indépendamment du vice de procédure, TKS ne pouvait être déclarée responsable des agissements de Thyssen, la Cour n’aurait eu aucune raison de se prononcer encore sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident critiquant la réalité d’une violation des droits de la défense, ce qu’elle a pourtant fait aux points 90 à 97 de l’arrêt en question, pour conclure au rejet desdits moyens.

138    Il s’ensuit que le troisième moyen de la requérante, selon lequel, en lui infligeant une amende pour le comportement infractionnel de Thyssen, la Commission aurait violé l’autorité de la chose jugée par la Cour dans l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, à savoir que TKS ne pouvait être déclarée responsable des agissements de Thyssen, doit être rejeté comme procédant d’une interprétation erronée du point 88 de l’arrêt précité.

 Sur les effets de l’autorité de la chose jugée

139    Il résulte des considérations qui précèdent que le juge communautaire a estimé que la Commission était exceptionnellement en droit d’imputer à TKS, compte tenu de la déclaration du 23 juillet 1997, la responsabilité du comportement reproché à Thyssen à partir du mois de décembre 1993, et ce jusqu’au transfert des activités de cette dernière à TKS, intervenu le 1er janvier 1995, mais qu’elle n’avait pas mis TKS en mesure de présenter ses observations sur ledit comportement et que, dès lors, TKS n’avait pas pu exercer ses droits de la défense à cet égard, conclusion ayant justifié l’annulation partielle de la décision 98/247.

140    Il y a lieu de considérer que ce point de droit a été effectivement tranché par le juge communautaire, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 113 ci-dessus, et qu’il est, dès lors, revêtu de l’autorité de la chose jugée, étant rappelé que cette autorité ne s’attache pas qu’au dispositif des décisions juridictionnelles d’annulation. Elle s’étend aux motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif et en sont, de ce fait, indissociables [voir, en ce sens, arrêt P&O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, point 94 supra, point 44, et la jurisprudence citée].

141    L’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, confirmé par l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, emportait pour seule obligation à la charge de la Commission, au titre de l’article 233 CE, qui impose à l’institution dont un acte a été annulé de prendre les mesures d’exécution de l’arrêt concerné, celle d’éliminer, dans l’acte destiné à se substituer à l’acte annulé, l’illégalité effectivement constatée (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 48).

142    C’est précisément ce qu’a fait la Commission dans la Décision, dont l’adoption a été précédée de l’envoi, le 5 avril 2006, d’une communication des griefs à TKS, laquelle y a répondu le 17 mai 2006. La requérante a ainsi été mise en mesure de présenter ses observations sur la réalité et la pertinence des faits reprochés à Thyssen.

143    Dans le cadre du présent recours, le Tribunal est invité à se prononcer sur la légalité de l’acte remplaçant la décision 98/247 et par lequel la Commission a infligé à la requérante, en se fondant sur les énonciations de l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, confirmé par l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, relatives à la déclaration du 23 juillet 1997, une amende de 3 168 000 euros pour les agissements de Thyssen.

144    Nonobstant le fait que le présent recours porte sur un acte formellement différent de la décision 98/247, il y a lieu de constater que le point de droit débattu dans le cadre de ce recours, tenant à la validité de la déclaration du 23 juillet 1997 comme base juridique de l’imputation des agissements de Thyssen à la requérante et de la sanction subséquente infligée à cette dernière, a déjà été examiné et tranché définitivement par le juge communautaire et qu’il est donc revêtu de l’autorité de la chose jugée.

145    Cette autorité de la chose jugée fait obstacle à ce que ce point de droit soit à nouveau soumis au Tribunal et examiné par celui-ci.

146    Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel aucune autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée en l’espèce, dans la mesure où l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, concernait exclusivement la décision 98/247, qui ne fait pas l’objet du présent recours, apparaît dépourvu de toute pertinence et doit être écarté.

147    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le quatrième moyen d’annulation, tiré de l’illégalité de l’imposition d’une amende fondée sur la déclaration du 23 juillet 1997, doit être rejeté comme étant irrecevable, ce qui prive de tout intérêt la révocation de ladite déclaration opérée par la requérante lors de l’audience et destinée uniquement à illustrer son argumentation sur la portée de celle-ci.

4.     Sur la violation du « principe de précision »

 Arguments des parties

148    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante soutient que la Décision viole le « principe de précision », faute pour la Commission d’avoir déterminé avec une clarté suffisante, d’une part, la base juridique pour infliger la sanction et, d’autre part, le concept de « prise en charge de la responsabilité par une déclaration privée ».

149    Premièrement, elle fait valoir que la Commission prétend fonder l’amende infligée à TKS sur une « combinaison de normes », associant à tout le moins l’article 65 CA à l’article 23 du règlement nº 1/2003, qui est imprécise, car l’amende infligée sur cette base n’est pas « prévisible pour tous ceux qui sont concernés », contrairement à ce qu’exige la jurisprudence. Les explications contradictoires fournies par la Commission dans le mémoire en défense révéleraient que cette dernière ne sait même pas à quoi cette combinaison « doit ressembler ».

150    L’imprécision de la combinaison de bases juridiques serait confirmée par le fait qu’elle ne permettrait pas de déterminer, notamment, si le délai de recours applicable était d’un mois, comme le prévoirait le traité CECA, ou de deux mois, comme le prévoirait le traité CE. Les incertitudes procédurales, causées par la Commission, constitueraient une violation des droits de la défense de TKS.

151    Deuxièmement, la requérante affirme que, avec le concept de « prise en charge de la responsabilité par une déclaration privée » (considérants 125 et 127 de la Décision), la Commission a élaboré un cas sui generis de succession juridique, qui est appliqué pour la première fois dans la présente affaire et qui est imprécis, indéfini et donc manifestement illégal à la fois de par sa portée et de par ses conditions d’application.

152    Ce concept nouveau ne résulterait ni du droit communautaire primaire ni du droit dérivé ni de la jurisprudence, caractérisée par une solution contraire définie dans l’arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 101 supra. La violation du « principe de précision » découlerait également du fait que, dans sa décision du 19 janvier 2005, MCAA, la Commission aurait même expressément retenu la position contraire, à savoir qu’une déclaration privée autonome ne conduirait justement pas au transfert de responsabilité. En outre, la Commission n’aurait même pas mentionné dans sa communication des griefs le concept nouveau qu’elle appliquerait désormais lorsqu’elle sanctionne les infractions au droit des ententes.

153    La requérante indique, enfin, que le fait que la Commission n’a pas indiqué clairement et définitivement sur quelle base juridique elle se fondait pour infliger une sanction ne lui permet d’émettre que des suppositions sur ladite base. Cette constatation ne pourrait avoir comme conséquence l’irrecevabilité du présent moyen, telle qu’invoquée par la Commission, mais uniquement la nullité de la Décision.

154    La Commission fait valoir que l’argumentation de la requérante sur de prétendues « incertitudes, causées par la Commission » est tellement vague que le moyen doit être rejeté comme irrecevable pour cause d’imprécision. Elle conclut à titre subsidiaire au rejet du moyen comme étant non fondé.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la recevabilité du moyen

155    La Commission conteste la recevabilité du cinquième moyen en raison d’une prétendue imprécision de celui-ci.

156     À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333).

157    En l’espèce, il ressort des écritures de la requérante relatives au moyen tiré de la violation du « principe de précision » que celle-ci se réfère en réalité au principe de sécurité juridique, lequel aurait été violé par la Commission en raison de l’imprécision, d’une part, de la base juridique de la sanction et, d’autre part, de l’imputation de responsabilité.

158    Il y a lieu de constater que, ce faisant, la requérante a fourni des indications suffisamment claires et précises étant donné qu’elles n’ont pas empêché la Commission de répondre aux arguments soulevés dès le stade du mémoire en défense et qu’elles permettent au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel.

159    Il convient donc de déclarer le moyen recevable et de l’examiner au fond.

 Sur le fond

160    Selon une jurisprudence bien établie, visée par la requérante dans ses écritures, la législation communautaire doit être claire et son application prévisible pour tous ceux qui sont concernés. Cet impératif de sécurité juridique requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit communautaire qui doit expressément être indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu (arrêt de la Cour du 16 juin 1993, France/Commission, C‑325/91, Rec. p. I‑3283, point 26). La Cour a également précisé qu’une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë (arrêt de la Cour du 25 septembre 1984, Könecke, 117/83, Rec. p. 3291, point 11).

161    S’agissant, en premier lieu, de l’allégation d’imprécision de la base juridique de la Décision, la requérante soutient que la Décision est fondée sur une « combinaison de normes », associant à tout le moins l’article 65 CA à l’article 23 du règlement n° 1/2003, qui est imprécise. Outre des considérations dépourvues de toute pertinence sur de prétendues imprécisions du mémoire en défense, elle avance que cette combinaison est imprécise, car l’amende infligée n’était pas « prévisible pour tous ceux qui sont concernés », et que l’imprécision du « cocktail de bases juridiques » est à l’origine d’incertitudes procédurales constitutives de violations des droits de la défense.

162    Cette argumentation de la requérante repose sur une prémisse erronée et doit être rejetée.

163    Il résulte clairement de la Décision que sa base juridique, c’est-à-dire les dispositions habilitant la Commission à agir dans le domaine concerné, est constituée uniquement par l’article 7, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, à l’exclusion de l’article 65 CA. La référence, dans la Décision, à l’article 65 CA concerne le paragraphe 1, c’est-à-dire la disposition matérielle s’adressant aux entreprises et aux associations d’entreprises en interdisant certains comportements anticoncurrentiels, et le paragraphe 5, en ce qu’il prévoit la possibilité de prononcer des amendes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord collusoire. La référence à l’applicabilité de l’article 65, paragraphe 5, CA concerne la discussion relative au principe de la lex mitior afin de justifier, dans la présente espèce, l’application de cette disposition et non de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, pour calculer le montant de l’amende (voir considérants 162 à 168 et 178 de la Décision).

164    La teneur des premier et deuxième moyens d’annulation examinés ci-dessus montre que la requérante n’éprouvait pas de réelle incertitude quant à la base juridique de la Décision.

165    Outre la référence explicite à l’article 7, paragraphe 1, et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission a rappelé, au considérant 70 de la Décision, les termes d’une jurisprudence constante selon laquelle les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur (arrêt Meridionale Industria Salumi e.a., point 85 supra, point 9). En outre, l’article 4 de la Décision mentionne expressément que cette dernière forme un titre exécutoire « conformément à l’article 256 [CE] », décision qui a été notifiée à la requérante au moyen d’une lettre lui précisant que cette notification était effectuée « conformément à l’article 254 [CE] ».

166    Dans ces circonstances, il ne faisait aucun doute que le recours contre la Décision, adoptée plus de quatre ans après l’expiration du traité CECA, devait être introduit dans le respect des dispositions de l’article 230 CE et du règlement de procédure et que l’article 23 du statut CECA de la Cour de justice ne pouvait, en aucun cas, trouver à s’appliquer.

167    Il y a lieu, en outre, de constater que la requérante ne fournit aucune explication à l’appui du grief particulier selon lequel la base juridique est imprécise, l’amende infligée n’étant pas « prévisible pour tous ceux qui sont concernés », et que, en tout état de cause, elle n’invoque pas une illégalité de l’article 23 du règlement n° 1/2003 au regard du principe de légalité des délits et des peines, corollaire du principe de sécurité juridique, ni même une insuffisance de motivation de la Décision.

168    Il convient de rappeler que la Décision, par laquelle la Commission constate une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et sanctionne la requérante après l’expiration du traité CECA, a été adoptée dans le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps et que c’est à juste titre que la Commission a fait application de l’article précité, en tant que règle de fond, et des règles de compétence et de procédure issues du règlement n° 1/2003, dont l’article 23, paragraphe 2, qui prévoit explicitement la possibilité pour elle d’imposer une amende aux entreprises ayant eu un comportement anticoncurrentiel.

169    Pour autant que la requérante vise, en fait, à remettre en cause la validité de la base juridique de la Décision en évoquant « un cocktail de bases juridiques non admis ni par la jurisprudence ni par la doctrine », il suffit de rappeler qu’il a été précédemment constaté que la base juridique utilisée conférait une compétence à la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, au moment de l’adoption de la Décision.

170    S’agissant, en second lieu, de l’allégation d’une imprécision, en l’espèce, quant à l’imputation de responsabilité, il suffit de constater que la responsabilité de la requérante pour le comportement de Thyssen est explicitement et uniquement fondée sur la déclaration du 23 juillet 1997, ainsi que cela ressort très clairement des considérants 112 à 117, 125, 127, 128 et 149 de la Décision. L’examen des écritures de la requérante révèle d’ailleurs l’absence de toute incertitude sur ce point.

171    Il apparaît, en réalité, que l’argumentation de la requérante développée à l’appui du cinquième moyen d’annulation vise à démontrer à nouveau l’illégalité d’un tel fondement, contestation irrecevable dans la mesure où ce point de droit a déjà été tranché définitivement par le juge communautaire, dans le sens de la validité dudit fondement, et qu’il est, dès lors, revêtu de l’autorité de la chose jugée (voir points 139 à 147 ci-dessus).

172    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation du « principe de précision » doit être rejeté.

5.     Sur la violation du principe non bis in idem

 Arguments des parties

173    Dans le cadre de son sixième moyen, la requérante affirme que le concept du « transfert de responsabilité par une déclaration privée » viole le principe non bis in idem, lequel doit également être respecté dans le cadre du « renouvellement d’une procédure d’amende ».

174    La présente affaire se caractériserait par une double sanction illicite. L’infraction commise par TKS aurait déjà fait l’objet d’une sanction devenue définitive et la Commission lui aurait imposé en plus la charge de l’infraction commise par Thyssen, ce qui reviendrait à la sanctionner une seconde fois pour le même acte.

175    Elle indique que, au point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Cour a constaté que le transfert de responsabilité était impossible sur le plan matériel et qu’elle est donc mise à l’amende une seconde fois, en dépit du fait que celui-ci avait acquis le caractère définitif de res judicata. Cette conclusion de la Cour priverait de pertinence le fait que la partie annulée de la décision 98/247 correspondrait à la partie de l’amende qui aurait été, en théorie, infligée à la requérante concernant l’infraction imputée à Thyssen.

176    En outre, conformément à son concept nouveau de « prise en charge de la responsabilité par une déclaration privée », la Commission procéderait à l’imputation d’une responsabilité qui incomberait à un tiers. La Commission soulignerait elle-même que la responsabilité n’incomberait pas au départ à TKS et qu’il ne s’agirait pas non plus d’une responsabilité imposée dans le cadre d’une succession juridique. Or, selon la requérante, si tel est le cas, force est de constater que la Commission lui inflige une nouvelle et seconde amende au lieu de se borner à corriger une erreur de procédure. L’imposition d’une sanction pour l’infraction commise par Thyssen ne serait donc licite que si TKS n’avait pas déjà été sanctionnée pour l’infraction qu’elle aurait commise. Cependant, comme la sanction infligée à TKS, dès 1998, serait devenue définitive, les poursuites devraient être considérées comme désormais éteintes pour l’ensemble des faits litigieux.

177    La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

178    Il convient de rappeler que le principe non bis in idem, principe fondamental du droit communautaire, consacré par ailleurs par l’article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, interdit, en matière de concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 59).

179    L’application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 338).

180    En l’espèce, la requérante prétend qu’elle fait l’objet d’une double sanction illicite. Elle fait valoir qu’elle a déjà été sanctionnée, de manière définitive, dans la décision 98/247, pour l’infraction qu’elle a commise et que, en lui imposant, dans la Décision, la charge de l’infraction commise par Thyssen, la Commission l’a sanctionnée une seconde fois pour « le même acte ».

181    À l’appui de cette allégation, la requérante excipe à nouveau de l’irrégularité de l’imputation de la responsabilité de l’infraction commise par Thyssen sur le fondement de la déclaration du 23 juillet 1997, et ce, d’une part, en rappelant son argumentation selon laquelle, au point 88 de l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Cour aurait jugé que TKS n’était pas matériellement responsable du comportement infractionnel de Thyssen et, d’autre part, en affirmant que la Commission a, dans la Décision, procédé à l’imputation d’une responsabilité qui incombait à un tiers.

182    La requérante déduit de cette prétendue irrégularité que l’amende infligée dans la Décision ne peut avoir d’autre objet que de la sanctionner une seconde fois pour l’infraction qu’elle a commise, ce qui contreviendrait au principe non bis in idem.

183    Le Tribunal considère que cette argumentation est fondée sur une prémisse erronée.

184    En effet, ainsi qu’il a déjà été indiqué, le juge communautaire a considéré que, compte tenu de la déclaration du 23 juillet 1997, la Commission était exceptionnellement en droit d’imputer à TKS la responsabilité du comportement infractionnel reproché à Thyssen.

185    Après avoir relevé l’existence d’un vice de procédure tenant à une violation des droits de la défense de la requérante, le Tribunal a, dans l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, annulé l’article 1er de la décision 98/247 en ce qu’il imputait à TKS la responsabilité de l’infraction à l’article 65 CA commise par Thyssen, réduit, en conséquence, l’amende de TKS du montant de celle qui lui avait été infligée au titre de l’infraction commise par Thyssen et fixé à 4 032 000 euros le montant de l’amende finalement infligée à TKS pour son propre comportement anticoncurrentiel.

186    Cet arrêt a été confirmé par la Cour dans son arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, étant rappelé que l’interprétation de la requérante du point 88 dudit arrêt a déjà été écartée.

187    Conformément à l’article 233 CE, il appartenait à la Commission de remédier à l’illégalité constatée par le juge communautaire, ce qu’elle a fait dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la Décision. Cette dernière a pour seul objet, après avoir remédié au vice de procédure, d’imputer à la requérante, sur le fondement de la déclaration du 23 juillet 1997, la responsabilité de l’infraction à l’article 65 CA commise par Thyssen et de lui imposer, en conséquence, une amende d’un montant de 3 168 000 euros.

188    La Décision ne constitue donc en aucun cas une seconde sanction du comportement infractionnel de TKS déjà réprimé, de manière définitive, par la décision 98/247. En outre, et ainsi que le souligne à juste titre la Commission, la prise en charge de la responsabilité par la déclaration du 23 juillet 1997 ne ramène pas les deux infractions commises par TKS et Thyssen à une seule infraction.

189    Par ailleurs, en visant à nouveau et uniquement les agissements anticoncurrentiels de Thyssen, la Décision ne viole pas davantage le principe non bis idem.

190    Il convient de rappeler que le principe non bis in idem ne s’oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors « acquittement » au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 62).

191    Cette solution jurisprudentielle est pleinement applicable en l’espèce, la sanction infligée à la requérante dans la Décision au titre de sa responsabilité de l’infraction commise par Thyssen se substituant à celle prononcée dans la décision 98/247 au même titre, excluant ainsi toute violation du principe non bis in idem.

192    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem doit être rejeté.

6.     Sur la prescription

 Arguments des parties

193    Dans le cadre du septième moyen, la requérante prétend que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision n° 715/78/CECA de la Commission, du 6 avril 1978, relative à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans le domaine d’application du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (JO L 94, p. 22), l’infraction commise par Thyssen est couverte par la prescription de cinq ans, laquelle est intervenue en 1999, ou au plus tard en 2003, si l’on prend en considération la date à laquelle les autres participants à l’entente ont mis fin à l’infraction.

194    Il n’y aurait pas eu d’interruption de la prescription au sens de l’article 2 de la décision nº 715/78, ni de suspension de celle-ci, Thyssen n’ayant pas été partie à la procédure qui a abouti à l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra. Le résultat serait le même si on se référait aux règles de prescription de l’article 25 du règlement nº 1/2003 ou du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1).

195    Contrairement au point de vue de la Commission, la prescription ne serait pas tributaire en l’espèce de l’infraction commise par TKS, étant rappelé que l’amende imposée dans la Décision sanctionnerait une infraction commise au départ par Thyssen. Se référant à l’arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission (C‑297/98 P, Rec. p. I‑10101), la requérante fait valoir que, puisque l’infraction qui lui est reprochée est une infraction commise par Thyssen, la sanction qui lui est infligée ne peut l’être que dans la mesure où elle pouvait être imposée à son prédécesseur en droit, à savoir Thyssen. L’infraction étant prescrite en ce qui concerne Thyssen, elle le serait aussi vis-à-vis de la requérante, qui serait censée avoir « remplacé Thyssen dans la procédure susceptible d’aboutir à une amende ».

196    En réponse à l’argumentation de la Commission selon laquelle il ne s’agit pas d’un « problème de succession », au motif que Thyssen existe encore et que sa compétence pour poursuivre les infractions résulte uniquement et directement de la prétendue déclaration de prise en charge de responsabilité, la requérante soutient que la notion de succession en droit n’est pas soumise à la condition que le prédécesseur en droit n’existe plus et qu’il y a succession dès lors que les compétences juridiques sont modifiées, même lorsque le prédécesseur en droit existe encore. En outre, le fait de qualifier ce transfert de responsabilité comme « succession en droit » ou comme l’usage par la Commission de son « pouvoir répressif » du fait de la déclaration du 23 juillet 1997 serait dépourvu de pertinence, dans la mesure où il s’agirait toujours d’une responsabilité pour une infraction à laquelle la requérante serait totalement étrangère.

197    La requérante souligne que la Commission oppose également à la prescription son « intérêt légitime à constater l’infraction » par la Décision, prise contre TKS, et allègue que les délais de prescription ne s’appliqueraient pas aux « décisions de constatation ». Cette argumentation ne pourrait être retenue, car on ne verrait pas sur quoi la Commission pourrait fonder un tel « intérêt légitime » au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003 et il ne s’agirait pas ici d’une décision déclaratoire, mais bien d’une décision infligeant une amende. Même un « intérêt légitime à constater l’infraction » ne pourrait rien changer au fait que l’infraction serait prescrite. En tout état de cause, une « décision de constatation » qui ne serait pas soumise aux règles de prescription violerait les droits de la défense de TKS, parce que cet intérêt légitime n’aurait jamais été mentionné dans la communication des griefs.

198    La Commission conclut au rejet du septième moyen.

 Appréciation du Tribunal

199    Le Tribunal estime que le présent moyen ne peut être retenu, car la prémisse sur laquelle il est fondé, à savoir que la sanction qui a été infligée à la requérante dans la décision 98/247 puis dans la Décision concerne « une infraction à laquelle elle est totalement étrangère », est erronée.

200    Il convient de rappeler que TKS a accepté, par la déclaration du 23 juillet 1997, adressée à la Commission, d’être tenue pour responsable des faits reprochés à Thyssen pour la période commençant à courir à partir de l’année 1993, alors que les activités de Thyssen dans le secteur des produits concernés ne lui avaient été transférées qu’à partir du 1er janvier 1995.

201    La décision 98/247 imputant à TKS la responsabilité des agissements anticoncurrentiels de Thyssen et lui imposant à ce titre une amende est précisément et uniquement fondée sur la déclaration du 23 juillet 1997.

202    Dans l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, le Tribunal a considéré que, compte tenu de la déclaration du 23 juillet 1997, la Commission était exceptionnellement en droit d’imputer à TKS la responsabilité du comportement infractionnel reproché à Thyssen, une telle déclaration impliquant que la personne morale sous la responsabilité de laquelle les activités d’une autre personne morale ont été placées, postérieurement à la date de l’infraction découlant desdites activités, soit tenue d’en répondre, même si, en principe, il appartient à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise concernée au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci (point 62 de l’arrêt).

203    Il apparaît ainsi que TKS est réputée juridiquement avoir commis elle-même l’infraction en cause (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, point 28).

204    C’est précisément ce qui explique que, dans l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, le Tribunal a sanctionné la Commission pour violation des droits de la défense de la requérante.

205    Après avoir relevé que la déclaration du 23 juillet 1997 ne pouvait être interprétée comme impliquant, également, une renonciation de la requérante à son droit d’être entendue sur les faits reprochés à Thyssen, le Tribunal a constaté que la communication des griefs notifiée à la requérante n’imputait pas à celle-ci la responsabilité des agissements allégués à l’encontre de Thyssen, faits pour lesquels TKS acceptait désormais d’être tenue pour responsable aux fins de l’imputation d’une amende éventuelle, et que TKS n’avait pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la réalité et la pertinence des faits reprochés à Thyssen. Le Tribunal en a conclu que la requérante n’avait pas pu exercer ses droits de la défense.

206    Il convient, à cet égard, de rappeler que, sur la base des éléments réunis à la suite des inspections et des demandes de renseignements, il appartient à la Commission de régler la question de l’imputabilité des infractions relevées et que la garantie procédurale essentielle que constitue la communication des griefs est une application d’un principe fondamental du droit communautaire qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure (arrêt de la Cour du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, C‑395/96 P et C‑396/96 P, Rec. p. I‑1365, points 142 et 143). Dans la communication des griefs, acte procédural qui marque le début de la procédure administrative contradictoire, la Commission énonce les griefs et expose les faits imputés à l’entreprise qui en est la destinataire. Eu égard à son importance, la communication des griefs doit préciser sans équivoque la personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et être adressée à cette dernière (arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, ARBED/Commission, C‑176/99 P, Rec. p. I‑10687, point 21, et ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, point 92).

207    Le Tribunal a donc considéré qu’il appartenait à TKS et à elle seule de répondre de l’infraction qui lui était juridiquement imputable compte tenu de la déclaration du 23 juillet 1997.

208    Dans ces circonstances, la question soulevée, en l’espèce, par la prescription n’est pas celle de savoir si la sanction imposée à TKS dans la Décision pouvait l’être à son prétendu « prédécesseur en droit », mais si la Commission était encore en droit d’infliger à TKS, le 20 décembre 2006, une amende au titre d’une infraction ayant pris fin le 1er janvier 1995 ou le 21 janvier 1998, selon que soit prise en compte la date d’acquisition par TKS des activités de Thyssen dans le secteur des produits plats en acier inoxydable ou la date de cessation de l’infraction continue retenue à l’article 1er de la décision 98/247.

209    En ce qui concerne les règles de prescription devant être prises en compte, il y a lieu de constater que, la Commission ayant fait application dans la Décision des règles de compétence et de procédure issues du règlement n° 1/2003, l’application du règlement n° 2988/74 est exclue en l’espèce, en vertu de l’article 37 du règlement n° 1/2003. S’agissant du règlement n° 1/2003 et de la décision n° 715/78, ils comportent des dispositions en substance identiques.

210    Les actes susvisés prévoient ainsi que :

–        le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes pour infractions aux dispositions du droit de la concurrence est soumis, en principe, à un délai de prescription de cinq ans qui court à compter du jour où l’infraction a été commise ou du jour où l’infraction a pris fin, pour les infractions continues ou répétées (article 25, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1/2003 et article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision n° 715/78) ;

–        la prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction, l’interruption de la prescription prenant effet le jour où l’acte est notifié à au moins une entreprise ayant participé à l’infraction et valant à l’égard de toutes les entreprises ayant participé à l’infraction (article 25, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 1/2003 et article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision n° 715/78) ;

–        la prescription court à nouveau à partir de chaque interruption, mais elle est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration, sans que la Commission ait prononcé une amende ou sanction, ce délai étant prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue (article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003 et article 2, paragraphe 3, de la décision n° 715/78) ;

–        la prescription en matière de poursuites est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant le juge communautaire (article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003 et article 3 de la décision n° 715/78).

211    Dans le cas présent, il convient de rappeler que, faisant suite à la déclaration du 23 juillet 1997, intervenue un peu plus de deux ans après l’acquisition le 1er janvier 1995 par TKS des activités de Thyssen dans le secteur des produits plats en acier inoxydable, la Commission a adopté la décision 98/247, sanctionnant pour la première fois TKS, et ce le 21 janvier 1998, soit dans le délai de prescription quinquennale.

212    La requérante a introduit un recours contre la décision 98/247, le 11 mars 1998, et le Tribunal a rendu l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, le 13 décembre 2001. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi introduit par la requérante le 28 février 2002 et rejeté par la Cour, par son arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, le 14 juillet 2005.

213    Il y a lieu de relever que, après sa suspension pendant toute la période durant laquelle la procédure dirigée contre la décision 98/247 était pendante, le délai de prescription a couru à nouveau du 14 juillet 2005 au 5 avril 2006, date à laquelle il a été encore interrompu par la communication des griefs adressée à TKS dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la Décision le 20 décembre 2006.

214    Il résulte des considérations qui précèdent que la Décision a été adoptée dans le respect des règles de prescription prévues dans les actes visés au point 209 ci-dessus, que le point de départ du délai de celle-ci soit fixé au 1er janvier 1995 ou au 21 janvier 1998, et qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter le moyen d’annulation tiré de la prescription des poursuites.

7.     Sur la violation des droits de la défense

215    La requérante invoque une violation des droits de la défense, grief qui s’articule en deux branches, tirées, premièrement, de l’irrégularité de la communication des griefs (neuvième moyen d’annulation) et, deuxièmement, de la violation du droit d’accès au dossier (huitième moyen d’annulation).

 Arguments des parties

216    Premièrement, la requérante soutient que la Commission fait valoir pour la première fois dans la Décision que le transfert de responsabilité résulterait non pas d’une succession, mais exclusivement de la déclaration du 23 juillet 1997 et, pour ce qui est de la prescription de l’infraction, qu’elle a un « intérêt légitime à constater l’infraction », ce qui n’a été mentionné ni dans la communication des griefs ni dans la procédure antérieure.

217    Elle fait valoir également que, au lieu d’une communication des griefs en bonne et due forme, la Commission lui a adressé un « patchwork » de documents divers, incluant la communication des griefs de 1997 et divers bordereaux, complétés par des considérations juridiques fragmentaires, dont il était impossible de dégager les allégations de fait et de droit que la Commission entendait maintenir et les points sur lesquels elle avait modifié son appréciation après que l’ancienne décision et la communication des griefs de 1997 avaient été critiquées et partiellement annulées par la Cour et le Tribunal.

218    Selon la requérante, la technique de renvoi utilisée par la Commission et le caractère particulièrement vague de l’analyse juridique de ses points principaux n’étaient pas suffisants, de manière formelle, pour permettre une procédure contradictoire régulière et ne pouvaient pas, par conséquent, préparer de manière adéquate l’adoption de la Décision.

219    Deuxièmement, la requérante prétend que la Commission a violé son droit d’accès au dossier en ne lui permettant pas, dans le cadre de la consultation du dossier effectuée dans les locaux de l’institution le 24 avril 2006, de consulter l’ensemble des pièces susceptibles d’être utiles à sa défense, au motif que certaines pièces contiendraient des secrets d’affaires.

220    Elle allègue que ce refus de donner accès au dossier est injustifié, ne serait-ce que parce qu’il s’agissait de pièces remontant toutes à plus de dix ans, qui avaient donc perdu leur prétendu caractère confidentiel selon les termes du point 23 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 [CE] et 82 [CE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (JO 2005 C 325, p. 7) (ci-après la « communication de 2005 »), et parce que la Commission n’a, à aucun moment, spécifié la nature des secrets d’affaires qu’elles pouvaient contenir. La Commission aurait également méconnu sur un plan plus général que, dans le cadre de la « procédure de réadoption », elle aurait naturellement dû permettre l’accès aux réponses données par les autres entreprises concernées à la communication des griefs de 1997.

221    Après l’expiration, le 17 mai 2006, du délai de réponse à la dernière communication des griefs, la Commission lui aurait, par courrier du 8 août 2006, donné accès à certains des documents initialement occultés. Cette mesure n’aurait cependant pas remédié à la violation des droits de la défense de TKS, dans la mesure où elle n’aurait pas porté sur l’ensemble des documents susceptibles d’être utiles à la défense et TKS n’aurait pas été en mesure d’exploiter ces documents dans sa réponse à la communication des griefs, de sorte que, à cet égard aussi, ses droits de la défense auraient été violés. La requérante fait valoir qu’il ne lui a pas été possible de faire connaître son point de vue sur les documents communiqués le 8 août 2006 en raison du délai fixé parallèlement pour l’audition.

222    En outre, l’argument de la Commission, selon lequel les documents dont la requérante n’aurait pu disposer ne seraient pas pertinents, puisque celle-ci n’aurait pas contesté les faits, ne saurait convaincre, dans la mesure où il ne saurait y avoir de violation des droits de la défense que dans l’hypothèse où une entreprise entend contester des faits pour sa défense. Des éléments touchant à des circonstances atténuantes pertinentes pour le calcul du montant de l’amende ou concernant la possibilité de poursuivre une infraction du point de vue de la prescription pourraient résulter de tels documents. Dans la mesure où la Commission ferait enfin valoir que la requérante aurait dû donner plus de détails sur les documents dont elle n’aurait pas été en mesure de disposer, pour fonder de manière suffisante une demande d’accès à ces documents, il y aurait lieu de constater le caractère contradictoire de cette allégation, lesdits documents ne pouvant être connus de la requérante.

223    La Commission conclut à l’absence de toute violation des droits de la défense en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

224    Il convient, à titre liminaire, de rappeler que ce sont la communication des griefs, d’une part, et l’accès au dossier, d’autre part, qui permettent aux entreprises faisant l’objet d’une enquête de prendre connaissance des éléments de preuve dont dispose la Commission et de conférer aux droits de la défense leur pleine effectivité (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 55).

 Sur la teneur de la communication des griefs du 5 avril 2006

225    Selon la jurisprudence, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellés dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission (arrêt Mo Och Domsjö/Commission, point 156 supra, point 63). Le respect des droits de la défense dans une procédure susceptible d’aboutir à des sanctions telles que celle en cause exige en effet que les entreprises et les associations d’entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 553). Cette exigence est respectée lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l’exposé des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 94). Il en résulte que la Commission ne peut retenir que les griefs au sujet desquels ces derniers ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue (arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T‑39/92 et T‑40/92, Rec. p. II‑49, point 47).

226    La requérante soutient que la communication des griefs du 5 avril 2006 ne répond pas aux exigences susmentionnées, à un double titre.

227    Elle prétend, premièrement, que, au lieu d’une communication des griefs en bonne et due forme, la Commission lui a adressé un « patchwork de documents divers », incluant la communication des griefs de 1997 et divers bordereaux, complétés par des considérations juridiques fragmentaires, « dont il était impossible de dégager les allégations de fait et de droit que la Commission entendait maintenir et les points sur lesquels elle avait modifié son appréciation après que l’ancienne décision et la communication des griefs de 1997 eurent été critiquées et partiellement annulées par la Cour et le Tribunal ».

228    Il est constant que la Commission a adressé à la requérante, le 5 avril 2006, une communication des griefs à laquelle était jointe la communication des griefs du 23 avril 1997 et ses annexes, de même qu’une liste complète des pièces de l’ancienne procédure et de la « procédure de réadoption », ce qui ne saurait être qualifié de « patchwork de documents divers ».

229    Outre que la requérante ne fait état d’aucune disposition de la réglementation communautaire prohibant la démarche susvisée de la Commission, ladite démarche s’explique par les circonstances particulières de l’espèce.

230    Après avoir relevé l’existence d’un vice de procédure tenant à une violation des droits de la défense de la requérante, le Tribunal a, dans l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, annulé l’article 1er de la décision 98/247 en ce qu’il imputait à TKS la responsabilité de l’infraction à l’article 65 CA commise par Thyssen, réduit, en conséquence, l’amende de TKS du montant de celle qui lui avait été infligée au titre de l’infraction commise par Thyssen et fixé à 4 032 000 euros le montant de l’amende finalement infligée à TKS pour son propre comportement anticoncurrentiel.

231    L’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, confirmé par l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, emportait pour seule obligation à la charge de la Commission, au titre de l’article 233 CE, celle d’éliminer, dans l’acte destiné à se substituer à l’acte annulé, l’illégalité effectivement constatée (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 48).

232    Conformément à la jurisprudence selon laquelle la procédure visant à remplacer l’acte annulé doit en principe être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 73), la Commission s’est replacée au moment de la prise en charge par TKS de la responsabilité du comportement infractionnel de Thyssen, le 23 juillet 1997, et a repris la procédure à compter de cette date.

233    Dans le cadre de l’exécution de l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, confirmé par l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, la Commission a adressé, le 5 avril 2006, une nouvelle communication des griefs à la requérante pour une prise de position concernant le comportement anticoncurrentiel de Thyssen. Compte tenu de l’identité des éléments de fait et de droit dudit comportement par rapport à la procédure originaire, la Commission a pu faire figurer les « anciens griefs » de 1997 en tant que partie intégrante de la nouvelle communication des griefs de 2006.

234    La Commission précise au point 16 de la communication des griefs de 2006 ce qui suit :

« La communication des griefs de 1997 déjà envoyée à [Thyssen], y compris les annexes (I‑V), est reproduite sous forme d’original scanné en annexe 1 de la présente communication des griefs et fait partie intégrante de la présente communication des griefs. »

235    Il convient, à cet égard, de rappeler que le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été en mesure de faire valoir utilement son point de vue sur les documents retenus par la Commission dans les constatations qui sont à la base de la décision (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 25). En conséquence, seuls les documents qui ont été cités ou mentionnés dans la communication des griefs constituent, en principe, des moyens de preuve opposables au destinataire de la communication des griefs (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 55, et ICI/Commission, T‑13/89, Rec. p. II‑1021, point 34).

236    Dans la communication des griefs de 2006, la Commission a présenté des considérations juridiques explicites sur l’application de l’article 65 CA, malgré l’expiration du traité CECA, ainsi que sur le principe de la lex mitior, et a encore précisé au point 15 ce qui suit :

« 1. Les griefs sont adressés exclusivement à TKS pour le comportement de [Thyssen]. 2. Toutes indications (par exemple le nombre d’États membres de la CE) doivent être lues dans le contexte historique. 3. Le point 64 relatif à l’applicabilité de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA doit être lu en combinaison avec les points 26 et suivants de la présente communication des griefs. 4. La date de la communication des griefs de même que le membre de la Commission ayant à l’époque adopté la décision pour la Commission se trouvent chacun remplacés du fait de la présente communication des griefs. »

237    Dans ces circonstances, il ne saurait être allégué, comme le fait la requérante de manière non étayée, que la communication des griefs de 2006 ne permettait pas de connaître les allégations de fait et de droit que la Commission entendait maintenir après l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, et l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra. La requérante a d’ailleurs pris position dans sa réponse à la communication des griefs en ne contestant pas les faits et la qualification juridique de ceux-ci, tels qu’exposés dans ladite communication.

238    La requérante a encore fait valoir que la communication des griefs de 2006 ne permettait pas de distinguer les constatations de la Cour que la Commission entendait reconnaître et que, dans la mesure où la Commission prétendait ne pas être liée par l’ensemble des constatations faites par la Cour, elle aurait dû, a fortiori, adopter une communication des griefs compréhensible et uniforme. Le Tribunal considère que, outre que ce grief a un caractère une nouvelle fois imprécis, il repose implicitement, mais nécessairement, sur la thèse erronée de la requérante selon laquelle la Cour aurait jugé, dans l’arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 27 supra, que TKS ne pouvait être matériellement responsable des agissements de Thyssen. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, cette allégation procède d’une interprétation erronée dudit arrêt, et plus particulièrement de son point 88.

239    La Commission n’a aucunement prétendu ne pas être liée par l’ensemble des constatations faites par la Cour et elle a, en exécution des décisions du juge communautaire, adressé à la requérante une nouvelle communication des griefs pour recueillir ses observations sur le comportement de Thyssen, dans laquelle elle a clairement indiqué qu’elle considérait que, par le biais de la déclaration du 23 juillet 1997, la requérante avait assumé la responsabilité du comportement de Thyssen.

240    La requérante prétend, deuxièmement, que la Commission a introduit « par surprise » de nouveaux arguments juridiques dans la Décision. Ainsi, la Commission aurait fait valoir pour la première fois dans la Décision que le transfert de responsabilité résultait non pas d’une succession, mais exclusivement de la déclaration du 23 juillet 1997 et, pour ce qui est de la prescription de l’infraction, qu’elle avait un « intérêt légitime à constater l’infraction », ce qui n’aurait été mentionné ni dans la communication des griefs de 2006 ni dans la procédure antérieure.

241    S’agissant de la référence à la déclaration du 23 juillet 1997 comme fondement de l’imputation à TKS de la responsabilité du comportement de Thyssen, il y a lieu d’observer, d’une part, que la décision 98/247 renvoyait déjà à cette déclaration de prise en charge de responsabilité, ce que le Tribunal avait relevé aux points 59 à 62 de l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, et, d’autre part, que la teneur de la communication des griefs de 2006, et plus précisément les points 5, 7, 11 et 33 de celle-ci, ne laisse place à aucun doute sur cette question.

242    En ce qui concerne la mention dans la Décision selon laquelle la Commission a un « intérêt légitime à constater l’infraction », il suffit de constater qu’il s’agit d’un élément de réponse de la Commission à l’invocation par la requérante, dans sa réponse à la communication des griefs, d’une illégalité de la décision à venir pour violation des règles de prescription.

243    Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon la jurisprudence, la décision ne doit pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 68). La Commission doit en effet être en mesure de tenir compte, dans sa décision, des réponses des entreprises concernées à la communication des griefs. À cet égard, elle doit pouvoir non seulement accepter ou rejeter les arguments des entreprises concernées, mais aussi procéder à sa propre analyse des faits avancés par celles-ci, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager ou compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle maintient (arrêt de la Cour ACF Chemiefarma/Commission, point 225 supra, point 92 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 437 et 438). Aussi, ce n’est que si la décision finale met à la charge des entreprises concernées des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs ou retient des faits différents qu’une violation des droits de la défense devra être constatée (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, point 225 supra, point 94 ; voir également, en ce sens, arrêt CB et Europay/Commission, point 225 supra, points 49 à 52). Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision finale ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les entreprises concernées s’étaient déjà expliquées et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 103).

244    La requérante fait, enfin, valoir, au point 63 de la réplique, que « même la question de la base d’habilitation est restée sans réponse dans la communication des griefs et dans la [D]écision ou a fait l’objet de différents traitements non uniformes et variables ». Outre que cette affirmation a un caractère intrinsèquement contradictoire, il doit être souligné qu’elle est également contredite par la teneur de la communication des griefs de 2006 (voir points 19 et suivants) et par les propres déclarations de la requérante formulées dans un autre point du même mémoire (point 27), selon lesquelles la Commission a « exposé dans la communication des griefs (CG) (point 19 et suivants) que c’est uniquement l’article 65 [CA] et non le traité CE qui est la base matérielle et que sur le plan de la procédure, c’est uniquement le règlement n° 1/2003 qui s’applique ».

245    Il s’ensuit que la première branche du moyen relatif à la violation des droits de la défense, tirée de l’irrégularité de la communication des griefs du 5 avril 2006, doit être rejetée.

 Sur le droit d’accès au dossier

–       Sur la recevabilité

246    Aux termes de l’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, les parties concernées ont « le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués ».

247    Le juge communautaire a précisé que l’accès au dossier a notamment pour objet de permettre aux destinataires d’une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu’ils puissent se prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs. Il s’ensuit que la Commission est tenue de rendre accessible aux destinataires de la communication des griefs l’ensemble des documents à charge et à décharge qu’elle a recueillis au cours de l’enquête à l’exception, toutefois, des documents qui ont un caractère confidentiel (arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, points 45 et 46).

248    Le droit d’accès au dossier de la Commission vise donc à garantir un exercice effectif des droits de la défense (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C‑51/92 P, Rec. p. I‑4235, point 76), droits qui, à la fois, relèvent des principes fondamentaux du droit communautaire et sont consacrés par l’article 6 de la CEDH (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 316).

249    Une annulation totale ou partielle de la décision infligeant des amendes à des entreprises pour des violations des règles de concurrence ne peut être prononcée sur le fondement d’un accès irrégulier que moyennant la constatation que cet accès irrégulier au dossier d’instruction les a empêchées de prendre connaissance de documents qui étaient susceptibles d’être utiles à leur défense et a, de la sorte, violé leurs droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 179 supra, point 101).

250    En l’espèce, la requérante a indiqué, dès le stade de la requête, que son droit d’accès au dossier a été violé par la Commission, qui lui a refusé l’accès à l’ensemble des pièces susceptibles d’être utiles à sa défense et plus particulièrement a refusé de lui communiquer les réponses fournies par les autres entreprises impliquées dans l’entente à la communication des griefs de 1997 (ci-après les « anciennes réponses »), documents susceptibles d’être utiles à sa défense.

251    Il y a lieu de considérer que, ce faisant et contrairement aux allégations de la Commission, la requérante a satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, tel qu’interprété par la jurisprudence, selon lesquelles la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts Viho/Commission, point 156 supra, point 68, et Mo och Domsjö/Commission, point 156 supra, point 333).

252    Les indications fournies dans la requête étaient suffisamment claires et précises étant donné qu’elles n’ont pas empêché la Commission de répondre aux arguments soulevés dès le stade du mémoire en défense et qu’elles permettent au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel.

253    Il convient donc de déclarer le grief recevable et d’en examiner le bien-fondé.

–       Sur le fond

254    Il est constant que, entre la consultation du dossier par la requérante dans les locaux de la Commission le 24 avril 2006 et l’adoption de la Décision, la Commission a transmis à celle-ci, de manière successive, différents documents émanant des entreprises impliquées dans l’entente et sanctionnées dans la décision 98/247.

255    Lors de l’audience, les parties se sont accordées sur le fait que la requérante a reçu copie de toutes les réponses des entreprises impliquées dans l’entente à la communication de griefs du 24 avril 1997, à l’exception des documents visés aux points 9 et 10 de la réponse de la Commission à la question posée par le Tribunal, lesquels ont été communiqués à la requérante dans leur version non confidentielle (annexe S 2 correspondant aux pages 2260 à 2262, 3108 à 3318, 5824 à 5836 et 5838 à 5842 du dossier de la Commission relatif à la première procédure administrative, ci-après l’ « ancien dossier »).

256    Premièrement, la Commission indique qu’elle a donné accès à toutes les pièces concernées par la demande de la requérante, pour autant que des considérations de confidentialité, liées à la protection des secrets d’affaires des entreprises concernées, ne s’y opposaient pas, conformément à la communication de 2005.

257    La communication de 2005 précise que le dossier de la Commission peut contenir des documents accessibles et non accessibles, ces derniers recouvrant, notamment, des documents contenant deux catégories d’informations, à savoir les secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles, auxquelles l’accès peut être partiellement ou totalement restreint et qui sont définies aux points 18 et 19 de ladite communication. Le point 18 est ainsi libellé :

« Si la divulgation d’informations sur l’activité professionnelle d’une entreprise peut gravement léser ses intérêts, ces informations constituent des secrets d’affaires. À titre d’exemple de ce type d’informations, on peut citer : les informations techniques et/ou financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marchés, les fichiers de clients et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix et la politique de vente d’une entreprise. »

258    La requérante prétend que le refus de donner accès au dossier est injustifié, ne serait-ce que parce qu’il s’agissait de documents remontant tous à plus de dix ans, qui avaient donc perdu leur prétendu caractère confidentiel selon les termes du point 23 de la communication de 2005 et parce que la Commission n’a, à aucun moment, spécifié la nature des secrets d’affaires qu’ils pouvaient contenir.

259    Le point 23 précité dispose ce qui suit :

« Les informations relatives à une entreprise, mais qui sont déjà connues en dehors de celle-ci (ou dans le cas d’un groupe, en dehors de celui-ci) ou en dehors de l’association à laquelle elles ont été communiquées par cette entreprise, ne sont normalement pas considérées comme confidentielles. Les informations qui ont perdu leur importance commerciale, par exemple en raison du temps qui a passé, ne peuvent plus être considérées comme confidentielles. En règle générale, la Commission suppose que les informations relatives au chiffre d’affaires, aux ventes, aux parts de marché des parties et autres données similaires datant de plus de cinq ans ne sont plus confidentielles. »

260    Il convient d’observer, au vu de l’annexe S 2 de la réponse de la Commission à la question posée par le Tribunal, que les informations rendues non accessibles dans la version non confidentielle transmise à la requérante ne relèvent pas a priori de la catégorie définie dans la dernière phrase du point 23 de la communication de 2005, étant observé que les mentions « en règle générale » et « suppose » figurant dans ladite phrase excluent toute automaticité dans la qualification d’un document datant de plus de cinq ans.

261    Ainsi que l’indique la Commission, sans être contredite par la requérante, seules quelques données chiffrées relatives à la politique commerciale d’Usinor-Sacilor, tenant, par exemple, à des données de prix ou de coûts, des marges bénéficiaires, ou la source de certaines données chiffrées ont été noircies dans les pages 3108 à 3318 de l’ancien dossier. Il n’est, au demeurant, pas contesté par la requérante que le dossier auquel elle a eu accès, le 24 avril 2006, dans les locaux de la Commission contenait déjà les pages 5914 à 5922, qui reproduisent la réponse de l’entreprise en cause à la communication des griefs de 1997. Ces dernières pages ont été communiquées une nouvelle fois à la requérante le 8 août 2006 (voir annexe KB 8 du mémoire en défense correspondant à la lettre adressée par la Commission à la requérante le 8 août 2006).

262    Dans les pages 2260 à 2262 de l’ancien dossier, qui concernent diverses factures émises par ALZ NV, seules les indications permettant d’identifier le client ont été noircies. Enfin, en ce qui concerne les pages 5824 à 5836 et 5838 à 5842 de l’ancien dossier, il convient tout d’abord de signaler que les pages 5838 à 5842 ne constituent qu’une reproduction de certaines parties des pages 5824 à 5836. Dans ces dernières, outre l’identité de certains clients et la date de la lettre correspondante, seules ont été noircies les indications permettant de connaître un système de tarification encore appliqué par Avesta Sheffield (devenue Outokumpu) en 2006 et l’existence de dérogations pour certains clients (voir annexe KB 8 du mémoire en défense correspondant à la lettre adressée par la Commission à la requérante le 8 août 2006).

263    En outre, afin de permettre à la Commission de mettre en balance, d’un côté, la nécessité de préserver les droits de la défense des parties par l’accès le plus large possible au dossier et de l’autre le souci de protéger les informations confidentielles d’autres parties ou de tiers, ces parties et ces tiers doivent fournir à la Commission tous les éléments utiles.

264    À cet égard, le point 47 de la communication de 2005 est ainsi libellé :

« Si une partie considère qu’après avoir obtenu l’accès au dossier, elle doit prendre connaissance, pour sa défense, de certaines informations non accessibles, elle peut présenter une demande motivée à cet effet à la Commission. Si les services de la direction générale de la concurrence ne sont pas en mesure de faire droit à cette demande, et si la partie en cause conteste cette conclusion, la question sera résolue par le conseiller-auditeur conformément au mandat des conseillers-auditeurs. »

265    Il est constant que, postérieurement à la réponse de la requérante à la communication des griefs évoquant une violation des droits de la défense en raison d’une absence d’accès à l’intégralité des anciennes réponses, la Commission a, par lettre du 20 juin 2006, invité celle-ci à présenter, conformément au point 47 de la communication de 2005, une demande motivée « indiquant pourquoi les informations non accessibles sont en l’espèce nécessaires à [sa] défense ».

266    Dans sa réponse du 29 juin 2006, la requérante a, par l’intermédiaire de ses conseils, indiqué qu’« [elle] estim[ait] superflu de présenter une demande nouvelle ou complémentaire de consultation du dossier et de dire pourquoi certaines pièces jusqu’ici refusées d[e]v[ai]ent [lui] être rendues accessibles ou [pouvai]ent être utiles à [sa] défense ». Elle a rappelé que ces informations ne pouvaient plus être considérées comme confidentielles, ne serait-ce qu’en raison du temps écoulé, et indiqué que la pertinence de celles-ci pour sa défense résultait du fait « que les entreprises concernées lors de la première procédure [avaie]nt déjà fait usage de ces observations pour leur défense au fond contre les faits [qui lui sont] maintenant reprochés ». La requérante a, en substance, maintenu cette position dans ses lettres des 5 et 7 juillet 2006 ainsi que dans une lettre du 23 août 2006.

267    Force est de constater que cette réponse à caractère général, et non détaillée, document par document, ne correspond pas à une demande motivée et ne répond pas à l’interrogation de la Commission sur la pertinence apparente des informations non accessibles pour la défense de la requérante elle-même, dans le contexte spécifique d’une procédure administrative où la requérante, seule entreprise visée par celle-ci, devait présenter ses observations sur les agissements anticoncurrentiels de Thyssen.

268    Interrogée par le Tribunal, lors de l’audience, sur l’existence d’une demande motivée d’accès postérieure à la consultation du dossier, la requérante a fait référence à sa lettre du 5 juillet 2006, déjà évoquée ci-dessus, et à une lettre du 26 septembre 2006 adressée au conseiller-auditeur, non produite aux débats et dont la restitution orale ne permet pas de conclure à la réalité d’une demande motivée au sens du point 47 de la communication de 2005.

269    Il convient encore de souligner que, conformément à la jurisprudence et à l’article 17 de la communication de 2005, la requérante a eu accès à une version non confidentielle des documents en cause. Elle ne prétend pas ni ne démontre a fortiori que cette version desdits documents a été établie d’une manière telle qu’elle ne lui permettait pas de déterminer si les informations supprimées pouvaient être utiles à sa défense et donc s’il y avait des raisons suffisantes de solliciter auprès de la Commission l’accès aux informations dont la confidentialité est alléguée (voir point 38 de la communication de 2005). Il résulte, de surcroît, de la lettre adressée par la Commission à la requérante le 8 août 2006, dans laquelle elle explicite sa position sur la confidentialité des documents en cause au regard de la nature des informations qui y sont contenues, que la requérante a reçu deux courriers émanant de la société Arcelor, datés du 30 juin et du 1er août 2006, dans lesquels sont indiquées les raisons pour lesquelles les pages 2260 à 2262 et 3108 à 3318 de l’ancien dossier doivent rester confidentielles.

270    Dans ces circonstances, le refus de la Commission de divulguer à la requérante, pour des raisons de confidentialité, l’intégralité des documents en cause, ne saurait être considéré comme injustifié.

271    Deuxièmement, la Commission fait valoir qu’il n’y a pas lieu, en tout état de cause, de retenir une violation des droits de la défense de la requérante, puisque celle-ci n’a pas « d’intérêt juridique » à l’accès au dossier bien qu’ayant admis les faits et leur appréciation juridique et que les parties des anciennes réponses auxquelles il n’a pas été donné accès ne contiennent pas d’éléments de preuve ni à sa charge, ni à sa décharge.

272    En réponse à cet argument, la requérante indique « qu’il ne saurait y avoir de violation des droits à la défense uniquement lorsqu’une entreprise entend contester des faits pour sa défense mais aussi également lorsque des circonstances atténuantes pertinentes pour le calcul du montant de l’amende ou concernant la possibilité de poursuivre une infraction du point de vue de la prescription peuvent résulter de tels documents ».

273    Force est de constater que la requérante se contente de formuler une déclaration à caractère général sur la portée de la notion de violation des droits de la défense, qui laisse entendre que les documents partiellement divulgués seraient susceptibles d’être utiles pour sa défense comme contenant des éléments à décharge. Elle ne dénonce ni a fortiori ne démontre une absence de communication par la Commission, au cours de la procédure administrative, desdits documents utilisés à charge dans la Décision.

274    S’agissant de l’absence de communication d’un document à décharge, l’entreprise concernée doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influencer, à son détriment, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit que l’entreprise démontre qu’elle aurait pu utiliser ledit document à décharge pour sa défense, en ce sens que, si elle avait pu s’en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission et aurait donc pu influencer, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par cette dernière dans la décision, au moins en ce qui concerne la gravité et la durée du comportement qui lui était reproché, et, partant, le niveau de l’amende. Dans ce contexte, la possibilité qu’un document non divulgué ait pu avoir une influence sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission ne peut être établie qu’après un examen provisoire de certains moyens de preuve faisant apparaître que les documents non divulgués pouvaient avoir – au regard de ces moyens de preuve – une importance qui n’aurait pas dû être négligée (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 179 supra, points 74 à 76).

275    Reste que la requérante ne formule aucune allégation concrète et précise quant à une violation de ses droits de la défense dans le cas présent, en lien avec les documents dont l’accès lui a été partiellement refusé et le niveau de l’amende ou la question de la prescription.

276    Cette argumentation générale n’est pas de nature à établir la réalité d’une violation des droits de la défense, laquelle doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 69).

277    À titre surabondant, la possibilité que les documents non divulgués intégralement par la Commission aient pu avoir une influence sur le déroulement de la procédure et le contenu de la Décision apparaît totalement hypothétique.

278    Il convient de rappeler que pour imputer à TKS la responsabilité de l’infraction commise par Thyssen et lui infliger à ce titre une amende de 3 168 000 euros dans la Décision, la Commission s’est fondée, de manière valable, sur la déclaration du 23 juillet 1997. Il a été précédemment indiqué que, ce faisant, la Commission n’a pas violé les règles de prescription et les informations rendues non accessibles, tenant à des indications chiffrées et à la dénomination d’entreprises, apparaissent, au regard d’une question juridique mettant en cause la seule situation de la requérante, dépourvues de toute pertinence.

279    S’agissant du niveau de l’amende et de l’appréciation corrélative par la Commission de la gravité et de la durée de l’infraction, il y a lieu de relever que la Commission a considéré que les accords ou pratiques concertées ayant pour objet une hausse uniforme d’un élément de prix constituaient une infraction grave et que cette concertation illicite a débuté avec la réunion de Madrid le 16 décembre 1993 et a pris fin le 31 décembre 1994, ce qui représente une période infractionnelle de plus d’un an (considérants 171 et 173 de la Décision).

280    Pour parvenir à cette conclusion, la Commission s’est, notamment, fondée sur les déclarations des entreprises impliquées dans l’entente recueillies lors de l’enquête diligentée dans le cadre de la première procédure administrative et sur les déclarations de la requérante, qui avait reconnu la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs de 1997. Par ailleurs, dans sa réponse, datée du 17 mai 2006, à la communication des griefs du 5 avril de la même année, la requérante n’a, une nouvelle fois, pas contesté les faits exposés dans celle-ci. Dans ces circonstances, il ne saurait être valablement soutenu que les documents non divulgués intégralement pouvaient avoir une importance qui n’aurait pas dû être négligée en ce qui concerne l’appréciation par la Commission de la gravité et la durée de l’infraction concernée, au sens de la jurisprudence visée au point 274 ci-dessus.

281    Il y a lieu, en outre, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises à être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 199 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 21).

282    Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission à travers la possibilité de faire des observations sur la durée, la gravité et le caractère anticoncurrentiel des faits reprochés. Par ailleurs, les entreprises bénéficient d’une garantie supplémentaire, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, dans la mesure où le Tribunal statue avec une compétence de pleine juridiction et peut notamment supprimer ou réduire l’amende, en vertu de l’article 17 du règlement n° 17 (arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 235, et LR AF 1998/Commission, point 281 supra, point 200).

283    Or, il est incontestable que, dans la communication des griefs de 2006 et ses annexes, la Commission a énoncé les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée.

284    Il s’ensuit que la seconde branche du moyen relatif à la violation des droits de la défense, tirée d’une violation du droit d’accès au dossier, doit être écartée.

285    La requérante soutient, enfin, que la Commission lui a, par courrier du 8 août 2006, donné accès à certains des documents initialement occultés, mais qu’elle n’a pas été en mesure d’exploiter ces documents dans sa réponse à la communication des griefs, de sorte que, à cet égard aussi, ses droits de la défense ont été violés.

286    Il convient de rappeler que, selon l’article 27 du règlement n° 1/2003, la Commission doit donner aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus « avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement ».

287    Pour respecter les droits de la défense des entreprises, la Commission doit donc donner aux parties concernées le droit d’être entendues avant qu’elle n’arrête une des décisions susvisées, ce qu’elle a fait à l’égard de la requérante dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la Décision.

288    Il est constant que, après la transmission à la requérante, le 5 avril 2006, de la communication des griefs et la consultation par celle-ci du dossier de la Commission dans les locaux de l’institution, la requérante a pu faire valoir son point de vue dans sa réponse, datée du 17 mai 2006, à ladite communication.

289    Il est vrai que, si la Commission a, postérieurement à cette réponse et pour faire suite à une demande de la requérante de communication de l’ensemble des réponses des entreprises impliquées dans l’entente à la communication des griefs de 1997, transmis à celle-ci, à plusieurs reprises, des documents après avoir apprécié la confidentialité de ces derniers au regard de la protection des secrets d’affaires, elle n’a, toutefois, aucunement modifié les griefs exposés dans la communication du 5 avril 2006. Il importe de souligner que la requérante ne prétend ni a fortiori ne démontre que la Décision met à sa charge une infraction autre que celle visée dans l’exposé des griefs ou retient des faits sur lesquels elle n’a pas eu l’occasion de s’expliquer.

290    De surcroît, la requérante ne conteste pas que, à l’occasion de la transmission de nouvelles pièces le 8 août 2006, il lui a été donné la possibilité de faire connaître son point de vue par écrit dans un délai d’un mois afin de compléter, le cas échéant, sa réponse à la communication des griefs, ce qu’elle n’a pas fait.

291    La requérante a répondu, dans sa lettre du 23 août 2006, « n’être plus en mesure en temps utile d’examiner les pièces complémentaires et de faire connaître utilement son point de vue sur ces pièces », et ce compte tenu de la nécessaire préparation de l’audition fixée à la date rapprochée du 15 septembre 2006.

292    Cette allégation est reprise dans les écritures de la requérante, mais n’apparaît aucunement justifiée au regard des circonstances de l’espèce. Il y a lieu de rappeler que la communication des griefs a eu lieu dès le 5 avril 2006 et que celle-ci s’appuie sur les faits exposés dans l’exposé des griefs précédent de 1997 parfaitement connu de la requérante. L’affirmation par la requérante qu’il lui aurait été impossible, pendant les cinq dernières semaines précédant l’audition (à savoir entre le 8 août et le 15 septembre 2006), de préparer l’audition, que celle-ci avait au demeurant demandée dès le 17 mai 2006, et de rédiger des observations sur les quelques documents qui lui ont été transmis constitue, comme le souligne à juste titre la Commission, un simple prétexte.

293    La requérante s’est par ailleurs déclarée dans sa lettre du 23 août 2006 « d’accord pour procéder à l’audition accordée sur la base de l’état actuel de l’accès au dossier afin d’éviter des retards de la procédure ». Si la procédure devait être poursuivie après l’audition, elle avait annoncé qu’elle revendiquerait « le cas échéant l’occasion de présenter par écrit des moyens complémentaires de défense ». Force est de constater que la requérante n’a pas complété sa réponse à la communication des griefs après l’audition, pas même après l’accès complémentaire au dossier accordé le 20 septembre 2006.

294    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter, en son entier, le moyen tiré d’une violation des droits de la défense de la requérante.

8.     Sur la coopération de la requérante

 Arguments des parties

295    À titre subsidiaire, la requérante soutient, dans le cadre du dixième moyen, que le montant de l’amende a été calculé de façon erronée, la Commission n’ayant pas tenu compte de son absence de contestation de la réalité de l’infraction dans son ensemble. Cette seconde coopération de TKS aurait dû conduire à une réduction de l’amende supérieure à celle de 20 % déjà retenue sur le fondement du point D de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »), dans la mesure où elle a permis de confirmer l’ensemble des faits ainsi que leur appréciation comme infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA.

296    La Commission s’opposerait à toute réduction en arguant des observations de la requérante sur la validité de la base juridique de la sanction infligée, ce qui serait dépourvue de toute pertinence compte tenu de l’autonomie des problématiques concernées. La preuve de l’infraction n’aurait en aucune façon été rendue plus difficile par ces observations ponctuelles de TKS.

297    La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

298    Il convient de rappeler que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par les services de cette institution. La Commission jouit, à cet égard, d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (arrêt SGL Carbon/Commission, point 224 supra, points 81 et 88).

299    Dans la communication sur la coopération, la Commission a précisé les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter (voir point A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération).

300    Le point D de la communication sur la coopération prévoit :

« 1. Lorsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si :

–        avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

–        après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. »

301    Dans la décision 98/247, la Commission avait accordé à TKS, sur le fondement du point D de la communication sur la coopération, une minoration de 10 % du montant de l’amende, en raison de sa reconnaissance de la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs de 1997. Alors qu’elle avait octroyé une minoration de 40 % à deux autres entreprises impliquées dans l’entente, la Commission avait justifié ce taux de 10 % en indiquant que les déclarations et la réponse à la communication des griefs de TKS, premièrement, n’avaient apporté aucun élément nouveau et, deuxièmement, contenaient une contestation de l’existence d’une infraction.

302    Dans l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, le Tribunal a censuré la première branche de cette appréciation (points 232 à 248 de l’arrêt) et a accordé à TKS, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, une minoration de 20 % du montant de l’amende.

303    En l’espèce, la Commission rappelle que la présente procédure reprend la procédure originaire à partir du point auquel le vice de procédure a été commis et que, dans cette dernière, TKS a contribué à expliquer les faits concernant Thyssen, ce qui justifie, au regard de la solution retenue par le Tribunal dans l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 24 supra, une minoration de 20 % de l’amende au titre du point D de la communication sur la coopération (considérants 179 et 182 de la Décision).

304    La requérante conteste cette appréciation chiffrée et fait valoir que, dans sa réponse à la communication des griefs de 2006, elle n’a pas contesté les faits ni surtout leur qualification juridique d’infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA. Elle précise que les facteurs ayant conduit à la réduction de 20 % sont restés valides et qu’il s’y est ajouté le fait que, dans la « procédure de réadoption », elle n’a pas contesté l’infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, mais l’a, au contraire, expressément concédée, ce qui aurait dû conduire la Commission à lui accorder une réduction de l’amende supérieure à celle de 20 % retenue dans la Décision.

305    Cette argumentation de la requérante ne peut être retenue au regard d’une analyse d’ensemble de la réponse à la communication des griefs de 2006 ainsi que, plus particulièrement, du point 75 de celle-ci.

306    Le point 75 de la réponse à la communication des griefs de 2006 est ainsi libellé :

« TKS déclare expressément qu’elle ne conteste pas les faits reprochés dans la communication des griefs concernant les années 1993 à janvier 1998 et que les faits non contestés ont constitué une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA. »

307    Force est de constater qu’il s’agit d’une formulation impersonnelle, abstraite et ambiguë, qui ne permet pas de préciser à l’encontre de qui l’infraction peut être constatée et si cela était encore juridiquement possible, à la date de la réponse à la communication des griefs de 2006. Outre que la requérante ne se réfère pas à la période 1993/1994, seule visée dans ladite communication des griefs, elle n’affirme pas expressément et de manière claire que les faits en cause constituent une infraction dont elle est responsable.

308    Au contraire, l’ensemble des points de la réponse à la communication des griefs de 2006 précédant le point 75 de celle-ci (voir point 306 ci-dessus), révèle sans équivoque que la requérante conteste toute possibilité pour la Commission d’appliquer dans le cas présent l’article 65, paragraphe 1, CA et de lui imputer le comportement de Thyssen.

309    Or, il convient de relever que, pour bénéficier d’une réduction au titre de la coopération, le comportement de l’entreprise en cause doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. II‑1751, points 309 et 332) et il appartient à la Commission d’apprécier, dans chaque cas individuel, si ledit comportement lui a effectivement facilité son travail (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 193, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 559, actuellement sous pourvoi).

310    L’affirmation de la requérante selon laquelle « les faits non contestés ont constitué une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA » ne présentait, dans les circonstances de l’espèce rappelées au point 308 ci-dessus, aucune utilité pour la Commission.

311    Il y a lieu, en outre, de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une réduction au titre de la communication sur la coopération ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l’entreprise concernée pourraient à cet égard être considérés comme démontrant un véritable esprit de coopération de sa part (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 395, et du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, point 81 supra, point 68).

312    Dans sa réponse à la communication des griefs de 2006, la requérante a, d’abord, contesté avec vigueur la possibilité pour la Commission d’appliquer dans le cas présent l’article 65, paragraphe 1, CA et de lui imputer la responsabilité de l’infraction à cet article, en déniant pour la première fois depuis l’engagement de la procédure initiale toute validité à la déclaration du 23 juillet 1997, puis a ajouté, in fine, une déclaration censée démontrer sa coopération, mais qui, en réalité, est intrinsèquement ambiguë et trompeuse.

313    Ce comportement de la requérante, qui traduit une stratégie visant à concilier des objectifs contradictoires, ne peut être considéré comme démontrant un véritable esprit de coopération de sa part.

314    Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la Commission a considéré que la déclaration de la requérante figurant au point 75 de la réponse à la communication des griefs de 2006 ne justifiait pas une minoration de l’amende supérieure à 20 %, que ce soit au titre du point D de la communication de la coopération ou d’une quelconque circonstance atténuante.

315    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

316    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

317    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      ThyssenKrupp Stainless AG est condamnée aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er juillet 2009.

Signature

Table des matières


Cadre juridique

1.  Dispositions du traité CECA

2.  Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

3.  Dispositions du règlement (CE) n° 1/2003

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur l’existence d’une argumentation prétendument nouvelle et tardive de la Commission

2.  Sur la compétence de la Commission

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la base juridique de la Décision

Sur la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement n° 1/2003

3.  Sur l’autorité de la chose jugée et la validité de la déclaration du 23 juillet 1997

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la portée de l’arrêt du Tribunal Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission

Sur la portée de l’arrêt de la Cour ThyssenKrupp/Commission

Sur les effets de l’autorité de la chose jugée

4.  Sur la violation du « principe de précision »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité du moyen

Sur le fond

5.  Sur la violation du principe non bis in idem

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

6.  Sur la prescription

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

7.  Sur la violation des droits de la défense

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la teneur de la communication des griefs du 5 avril 2006

Sur le droit d’accès au dossier

–  Sur la recevabilité

–  Sur le fond

8.  Sur la coopération de la requérante

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.