Language of document : ECLI:EU:T:2016:643

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 octobre 2016 (1)

« Recours en annulation et en carence – Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE – Refus d’accès – Nouvelle demande – Demande en annulation – Absence d’acte confirmatif – Recevabilité – Demande en carence – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑611/15,

Edeka-Handelsgesellschaft Hessenring mbH, établie à Melsungen (Allemagne), représentée par Mes E. Wagner et H. Hoffmeyer, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Buchet, Mmes F. Clotuche-Duvieusart et L. Wildpanner, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 3 septembre 2015 refusant à la requérante l’accès à la version non confidentielle de la décision de la Commission, du 4 décembre 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire AT.39914 – Euro Interest Rate Derivatives (EIRD) – Procédure de transaction], et à la table des matières du dossier administratif de cette procédure et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 265 TFUE et tendant à faire constater que la Commission se serait illégalement abstenue d’établir une version non confidentielle de la décision C(2013) 8512 final et de la table des matières relative à cette procédure,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

composé, lors des délibérations, de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Edeka-Handelsgesellschaft Hessenring mbH, est une entreprise exerçant l’essentiel de ses activités dans la région de la Hesse (Allemagne), principalement dans le secteur du commerce de gros et de détail de produits alimentaires.

2        Dans le cadre d’une enquête sur des ententes entre des banques concernant les Euro Interest Rate Derivatives (EIRD, produits dérivés de taux d’intérêt en euros) (ci‑après la « procédure EIRD »), la Commission a adopté, le 4 décembre 2013, une décision par laquelle elle a infligé une amende à quatre banques qui avaient collaboré avec elle dans le cadre d’une procédure de transaction et obtenu de ce fait une réduction du montant de leur amende (ci-après la « décision EIRD »). L’enquête de la Commission dans le cadre de cette procédure était toujours en cours au moment de l’introduction de la requête dans la présente affaire.

3        Par lettre du 3 décembre 2014, Edeka Verband kaufmännischer Genossenschaften eV (ci-après « Edeka Verband ») a demandé, pour le compte de la requérante, l’accès au dossier de la Commission dans la procédure EIRD, conformément au règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43). Cette demande a été enregistrée par la Commission sous la référence GESTDEM 2015/429 (ci-après la « première procédure »).

4        Par lettre du 10 février 2015, la direction générale (DG) de la concurrence de la Commission a répondu en demandant, conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, que lui soient communiquées des informations plus détaillées sur les documents demandés.

5        Par lettre du 17 février 2015, Edeka Verband a indiqué que la demande d’accès visait notamment les documents de la Bayerische Landesbank et de la Dresdner Bank à partir de 2006 concernant la manipulation du taux Euribor, mais qu’elle n’était pas en mesure d’indiquer avec précision les documents nécessaires aux fins d’un recours en indemnisation que la requérante prévoyait d’intenter contre les membres de l’entente.

6        Par lettre du 24 février 2015, la DG de la concurrence a fait savoir que le dossier ne contenait pas de documents de la Bayerische Landesbank ou de la Dresdner Bank rédigés à partir de 2006 relatifs à la manipulation du taux Euribor et elle a renvoyé aux communiqués de presse de la Commission portant sur la procédure EIRD.

7        Par lettre du 12 mars 2015, Edeka Verband a confirmé sa demande d’accès à tous les documents établis depuis 2006 comportant des informations sur la manière dont les membres de l’entente avaient manipulé l’Euribor.

8        Par lettre du 31 mars 2015, la DG de la concurrence a rejeté cette demande d’accès en vertu de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, et paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. Elle a également refusé un accès partiel auxdits documents.

9        Par lettre du 8 avril 2015, Edeka Verband a demandé au secrétariat général de la Commission de réexaminer cette décision de refus d’accès. Elle a notamment indiqué que le refus d’accès partiel était disproportionné et que la DG de la concurrence devrait au moins permettre l’accès à la table des matières du dossier.

10      Par décision du 27 avril 2015, le secrétaire général de la Commission a confirmé la décision de refus d’accès de la DG de la concurrence (ci-après la « décision confirmative dans la première procédure »).

11      Par lettre du 13 juillet 2015, Me Eckart Wagner a demandé, au nom et pour le compte de la requérante, l’accès à la décision EIRD et à la table des matières du dossier de la Commission dans la procédure EIRD. Cette demande a été enregistrée sous la référence GESTDEM 2015/4023 (ci-après la « seconde procédure »).

12      Par lettre du 29 juillet 2015, la DG de la concurrence a répondu en signalant qu’une demande d’accès avait déjà été introduite antérieurement par Edeka Verband pour le compte de la requérante et que les documents demandés étaient déjà couverts par cette précédente demande et, partant, par la décision confirmative dans la première procédure. La DG de la concurrence a rappelé les raisons pour lesquelles la demande dans la première procédure avait été refusée.

13      Par lettre du 10 août 2015, la requérante a demandé au secrétariat général de la Commission de réexaminer cette décision.

14      Par lettre du 3 septembre 2015, le secrétaire général de la Commission a confirmé la décision du 29 juillet 2015 (ci-après l’« acte attaqué ») et a notamment fait valoir que la demande du 13 juillet 2015 était déjà couverte, sur le fond, par la première procédure. Il a également rappelé que le refus d’accès de la première procédure était devenu définitif, aucun recours n’ayant été introduit dans le délai prescrit.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 novembre 2015, la requérante a introduit le présent recours.

16      Le 18 janvier 2016, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

17      Le 1er mars 2016, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité de la Commission.

18      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’acte attaqué ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’acte attaqué dans la mesure où la Commission a refusé l’accès à la partie de la décision EIRD ou de la table des matières de son dossier relatif à la procédure EIRD dont les entreprises concernées par ladite décision n’avaient pas fait valoir ou n’ont plus fait valoir la confidentialité ;

–        à titre encore plus subsidiaire, constater que la Commission s’est illégalement abstenue d’établir et de lui communiquer une version non confidentielle de la décision EIRD ou une version non confidentielle de la table des matières relative à la procédure EIRD ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        à titre subsidiaire, joindre la décision sur la recevabilité au fond ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

21      En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond.

22      Dans le cadre de son recours, la requérante a introduit une demande en annulation de l’acte attaqué, à l’appui de laquelle elle soulève neuf moyens, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande en carence, en raison d’une prétendue absence d’établissement d’une version non confidentielle de la décision EIRD et d’une table des matières du dossier de la Commission dans cette procédure.

 Sur la recevabilité de la demande en annulation

23      À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que la demande en annulation est tardive, car la requérante aurait dû introduire un recours à l’encontre de la décision confirmative dans la première procédure, du 27 avril 2015, et dans le délai de recours commençant à courir à partir de cette date. En effet, la décision confirmative dans la première procédure et l’acte attaqué concerneraient les mêmes documents, sollicités par la même demanderesse, et aucun fait nouveau ne serait intervenu entre-temps. L’acte attaqué serait donc un acte purement confirmatif.

24      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante soutient que la demande en annulation est recevable. Selon elle, la décision confirmative dans la première procédure n’est pas devenue un acte définitif à son égard. En effet, ladite lettre ne mentionnerait pas la requérante comme destinataire et la demanderesse dans cette procédure n’aurait pas agi en son nom ni avec un pouvoir de représentation. La Commission n’aurait pas prouvé que cette lettre ait été dûment notifiée à la requérante en sa prétendue qualité de partie représentée. En outre, les documents demandés dans les deux procédures n’auraient pas été les mêmes. Enfin, l’acte attaqué aurait fait état de faits nouveaux.

25      Selon une jurisprudence constante, ne sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir ordonnance du 8 octobre 2012, ClientEarth/Conseil, T‑62/12, non publiée, EU:T:2012:525, point 19 et jurisprudence citée).

26      Il découle également d’une jurisprudence bien établie concernant la recevabilité des recours en annulation qu’il convient de s’attacher à la substance même des actes attaqués ainsi qu’à l’intention de leurs auteurs pour qualifier ces actes. À cet égard, constituent, en principe, des actes attaquables les mesures qui fixent définitivement la position d’une institution au terme d’une procédure administrative et qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, à l’exclusion, notamment, des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale, qui n’ont pas de tels effets, ainsi que des actes purement confirmatifs d’un acte antérieur non attaqué dans les délais (voir ordonnance du 8 octobre 2012, ClientEarth/Conseil, T‑62/12, non publiée, EU:T:2012:525, point 20 et jurisprudence citée).

27      Pour déterminer si un acte peut faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 263 TFUE, c’est à son contenu, davantage qu’à sa présentation formelle, qu’il convient de s’attacher (voir ordonnance du 8 octobre 2012, ClientEarth/Conseil, T‑62/12, non publiée, EU:T:2012:525, point 21 et jurisprudence citée).

28      Selon la jurisprudence relative aux actes confirmatifs, un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 44 et jurisprudence citée, confirmé sur pourvoi par ordonnance du 26 mars 2003, Inpesca/Commission, C‑170/01 P, non publiée, EU:C:2003:181 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 8 octobre 2012, ClientEarth/Conseil, T‑62/12, non publiée, EU:T:2012:525, points 22, 33 et 34 et jurisprudence citée).

29      Cette jurisprudence vise à assurer le respect des délais de recours ainsi que l’autorité de la chose jugée et, partant, à protéger le principe de sécurité juridique. En effet, les règles concernant les délais de recours sont d’ordre public et doivent être appliquées par le juge de l’Union de manière à assurer la sécurité juridique ainsi que l’égalité des justiciables devant la loi afin d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir ordonnance du 8 octobre 2012, ClientEarth/Conseil, T‑62/12, non publiée, EU:T:2012:525, point 23 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, premièrement, il convient de relever que les deux procédures de demande d’accès se fondent l’une et l’autre sur le règlement n° 1049/2001, c’est-à-dire sur la même base juridique.

31      Deuxièmement, quant aux documents demandés, la requérante soutient que les deux demandes ne concernaient pas les mêmes documents, puisque Edeka Verband aurait demandé l’accès à l’ensemble du dossier de la procédure EIRD, alors que la requérante aurait demandé l’accès à la version non confidentielle de la décision EIRD et à la table des matières relative à la procédure EIRD.

32      Cette argumentation ne saurait prospérer. Certes, la demande d’accès dans la seconde procédure était plus spécifique, notamment en ce que la requérante y demandait uniquement la version non confidentielle de la décision EIRD et non tout le dossier dans la procédure EIRD. Toutefois, il ne saurait être considéré que la requérante a ainsi demandé un document nouveau auquel l’accès n’aurait pas déjà été refusé par la décision confirmative dans la première procédure. En effet, ainsi que le soutient la Commission, la décision adoptée par elle, dans ses versions confidentielle et non confidentielle, fait partie du dossier constitué dans la procédure d’enquête EIRD. À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que la version non confidentielle d’une décision constitue un accès partiel à cette même décision, au sens de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 (arrêt du 7 octobre 2014, Schenker/Commission, T‑534/11, EU:T:2014:854, point 117). Or, il ressort de la décision confirmative dans la première procédure que, dans le cadre de celle-ci, la Commission avait examiné la possibilité d’un accès partiel aux documents qu’elle a également refusé. Enfin, l’accès à la table des matières dans ledit dossier avait déjà été demandé dans la première procédure. Dès lors, il convient de constater que tous les documents sur lesquels porte la demande dans la seconde procédure étaient déjà visés par la demande dans la première procédure.

33      Troisièmement, il y a lieu de relever que, dans l’acte attaqué, la Commission a renvoyé explicitement à la motivation de la décision confirmative dans la première procédure (voir point 14 ci-dessus). Quant à la version non confidentielle de la décision EIRD demandée, elle a précisé qu’elle ne pouvait pas y donner accès, car celle-ci n’avait pas encore été établie.

34      Selon la requérante, l’acte attaqué comporterait des éléments nouveaux, puisque, d’une part, la demanderesse dans les deux procédures ne serait pas la même et que, d’autre part, la Commission aurait avancé une nouvelle justification pour refuser l’accès à la version non confidentielle de la décision EIRD en indiquant que celle-ci n’existait pas. En outre, l’acte attaqué refléterait un réexamen de la situation de la requérante par rapport à la décision dans la première procédure dès lors que, premièrement, dans les deux procédures, la Commission aurait examiné les situations particulières de deux demanderesses différentes, deuxièmement, la seconde procédure concernerait des documents spécifiques et, troisièmement, la demande d’accès dans la seconde procédure serait motivée de façon spécifique.

35      Ainsi que l’a rappelé la Cour, en vertu de l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001, les exceptions visées aux paragraphes 1 à 3 de cet article ne sauraient s’appliquer qu’au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Dès lors, une personne peut former une nouvelle demande d’accès portant sur des documents auxquels l’accès lui a été précédemment refusé. Une telle demande oblige l’institution concernée à examiner si le refus d’accès antérieur demeure justifié au regard d’une modification de la situation de droit ou de fait intervenue entre-temps (arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, points 56 et 57).

36      Ainsi, l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive. Un recours introduit contre une décision refusant de procéder à un réexamen d’une décision devenue définitive sera déclaré recevable s’il apparaît que la demande était effectivement fondée sur des faits nouveaux et substantiels. En revanche, s’il apparaît que la demande n’était pas fondée sur de tels faits, le recours contre la décision refusant de procéder au réexamen sollicité sera déclaré irrecevable (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, points 47 et 49 et jurisprudence citée).

37      En outre, une décision est confirmative d’une décision antérieure si elle ne contient aucun élément nouveau en ce qui concerne la raison pour laquelle l’accès aux documents sollicités avait été refusé (ordonnance du 29 juin 2009, Nuova Agricast/Commission, C‑225/08 P, non publiée, EU:C:2009:406, point 40).

38      En l’espèce, il ne saurait être considéré que l’acte attaqué constitue une nouvelle appréciation de fait et de droit en raison, notamment, de ce que la requérante avait motivé la demande d’accès dans la seconde procédure de façon spécifique. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil (C‑266/05 P, EU:C:2007:75, points 45 et 47), le règlement n° 1049/2001 ne prévoit pas la prise en compte de certains intérêts spécifiques dont pourrait se prévaloir une personne aux fins d’obtenir l’accès à un document particulier. En outre, la Commission n’a avancé aucune nouvelle justification pour refuser l’accès à la version non confidentielle de la décision EIRD. En effet, dans la première décision de refus dans la seconde procédure, la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas encore achevé la préparation de la version publique de la décision EIRD, car l’enquête était toujours en cours. Les raisons du refus étaient donc les mêmes que celles opposées à la divulgation de l’ensemble du dossier EIRD (voir point 32 ci-dessus).

39      Par ailleurs, plusieurs arguments avancés par la requérante pour démontrer l’existence des prétendus faits nouveaux concernent plutôt la question de l’identité de la demanderesse des documents dans les deux procédures, question qui sera examinée ci-après (voir points 41 et suivants).

40      Il y a lieu de conclure que la demande de la requérante n’était pas fondée sur des faits nouveaux et substantiels.

41      Quatrièmement, il convient de déterminer la personne qui avait demandé l’accès aux documents dans la première procédure à laquelle, par conséquent, le refus d’accès a été opposé par la décision confirmative dans cette première procédure.

42      Dans le cadre de ladite procédure, la demande d’accès aux documents ainsi que toute la correspondance qui s’en est suivie avaient été présentées sur un courrier à en-tête d’Edeka Verband et signé par M. Jochen Baier pour Edeka Verband. De même, les courriers de la Commission et notamment les décisions de refus des 31 mars et 27 avril 2015 indiquent comme destinataire M. Baier au siège social d’Edeka Verband. Toutefois, il convient de relever que, dans cette demande d’accès dans la première procédure, M. Baier d’Edeka Verband indique que ladite demande est introduite « pour le compte de » la requérante. En outre, il ressort de cette demande motivée que les documents concernés étaient demandés en vue de préparer un recours contre les membres de l’entente pour le préjudice encouru par la requérante dans ce cadre. Enfin, dans la demande confirmative dans la première procédure du 8 avril 2015, il a été précisé que l’accès à la table des matières du dossier demandée permettrait à « Edeka » de préciser sa demande d’accès aux documents.

43      Or, malgré l’indication d’Edeka Verband selon laquelle lesdits documents étaient demandés « pour le compte » de la requérante et le fait qu’il ressort des termes des demandes dans les deux procédures que les documents étaient demandés pour le même objectif, à savoir permettre à la requérante de préparer un recours contre les acteurs du cartel faisant l’objet d’une enquête, cette dernière conteste le fait que, dans le cadre de ladite procédure, Edeka Verband a agi en son nom et avec un pouvoir de représentation de sa part. Force est aussi de relever qu’aucun pouvoir de représentation ne figure dans le dossier.

44      La Commission soutient qu’Edeka Verband est intervenue dans cette procédure comme pure représentante de la requérante, de la même manière que M. Wagner avait représenté la requérante dans le cadre de la seconde procédure. Cependant, la Commission ne produit aucun élément de preuve dans ce sens.

45      À cet égard, il convient de préciser que, en matière d’accès aux documents, la personne qui demande un tel accès n’est pas obligatoirement représentée par un avocat et que, ainsi qu’il a été rappelé au point 38 ci‑dessus, le règlement n° 1049/2001 ne prévoit pas la prise en compte de certains intérêts spécifiques dont pourrait se prévaloir une personne aux fins d’obtenir l’accès à un document particulier. Par conséquent, face à une demande émanant d’une personne morale qui affirme demander des documents pour le compte d’une autre personne morale appartenant en apparence à un même groupe de sociétés, la Commission pouvait considérer cette demande comme régulière.

46      Il y a lieu de rappeler que la jurisprudence selon laquelle une décision purement confirmative d’une décision antérieure n’est pas un acte susceptible de recours est fondée sur le souci de ne pas faire renaître des délais de recours expirés (voir arrêt du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T‑188/95, EU:T:1998:217, point 108 et jurisprudence citée).

47      En outre, ainsi qu’il ressort de l’ordonnance du 29 juin 2009, Nuova Agricast/Commission (C‑225/08 P, non publiée, EU:C:2009:406, point 59), les dispositions du règlement n° 1049/2001 ne permettent pas de conclure que ce règlement saurait, eu égard au droit d’accès très large qu’il consacre, justifier a priori dans son domaine l’éviction totale des règles sur les délais de recours résultant du principe de sécurité juridique (ordonnance du 8 octobre 2012, ClientEarth/Conseil, T‑62/12, non publiée, EU:T:2012:525, point 38).

48      Cependant, un recours contre une décision confirmative n’est irrecevable que si la décision confirmée est devenue définitive à l’égard de l’intéressé, faute d’avoir fait l’objet d’un recours contentieux introduit dans le délai requis. Dans le cas où la décision confirmée n’est pas devenue définitive, la personne intéressée est en droit d’attaquer soit la décision confirmée, soit la décision confirmative, soit l’une et l’autre de ces décisions (arrêt du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T‑188/95, EU:T:1998:217, point 108).

49      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. En outre, selon l’article 288, quatrième alinéa, seconde phrase, TFUE, lorsqu’une décision désigne des destinataires, elle n’est obligatoire que pour ceux-ci. Il ressort également de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE que les décisions qui désignent un destinataire sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification.

50      En outre, selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique exige également, dans l’intérêt des parties et des éventuels tiers intéressés, que, pour tout délai de forclusion, les points de départ et d’arrivée soient clairement déterminés et respectés de manière rigoureuse (voir arrêt du 6 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑167/10, non publié, EU:T:2012:651, point 38 et jurisprudence citée).

51      Au demeurant, il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté d’un recours, au regard du délai fixé, notamment, par l’article 263, sixième alinéa, TFUE, de fournir la preuve de la date à laquelle l’événement faisant courir le délai est survenu (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑167/10, non publié, EU:T:2012:651, point 39 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, il n’est pas contesté que la décision confirmative dans la première procédure avait été portée à la connaissance de la requérante avant l’introduction de sa demande d’accès dans la seconde procédure. En effet, dans cette demande, la requérante a rappelé le déroulement de la première procédure tout en affirmant que la demande d’accès à l’origine de celle-ci devait être considérée comme introduite par Edeka Verband en son nom propre et que, dès lors, elle ne la concernait pas.

53      Aucun élément concret du dossier ne permet de remettre en cause cette position de la requérante. Notamment, la Commission n’a produit aucune preuve qu’Edeka Verband aurait agi en tant que représentante de la requérante dans la première procédure ni que les décisions de refus dans ladite procédure auraient été régulièrement notifiées à la requérante en tant que destinataire de celles-ci.

54      À cet égard, la Commission fait valoir que, dans le rapport d’activité de 2014 du groupe Edeka, la position d’Edeka Verband au sein de ce groupe est présentée comme étant « gardienne de l’ordre : l’instance de contrôle au sens de la loi sur les coopératives » et qu’elle « soutient ses membres en matière fiscale et juridique ».

55      Or, une telle position dans le groupe, à la supposer établie, ne suffit pas pour pouvoir constater que la décision confirmative dans la première procédure avait été dûment notifiée à la requérante en tant que destinataire.

56      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, « [t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement ».

57      La requérante affirme notamment être détenue à 50 % par Edeka Hessenring eG, qui est l’une des neuf coopératives régionales qui sont membres d’Edeka Verband, mais que les deux sociétés ne font pas partie du même groupe.

58      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le lien juridique exact existant entre Edeka Verband et la requérante, force est d’observer que, la requérante étant une personne morale distincte d’Edeka Verband, ces sociétés avaient, en principe, toutes les deux le droit de demander l’accès aux mêmes documents, à moins qu’il ne doive être considéré que c’est la requérante, représentée par M. Baier ou Edeka Verband, qui avait présenté la demande d’accès dans la première procédure, auquel cas l’acte attaqué pourrait être qualifié d’acte confirmatif à son égard.

59      Or, en l’absence d’éléments pouvant démontrer que, dans la cadre de la première procédure, Edeka Verband aurait introduit la demande d’accès au nom et pour le compte de la requérante et uniquement dans l’intérêt de celle-ci, le présent recours ne saurait être rejeté comme irrecevable. En effet, il convient de considérer que, si Edeka Verband n’avait pas agi sur pouvoir de représentation de la requérante, cette dernière avait gardé tous ses droits d’introduire une demande d’accès en son propre nom.

60      Dès lors, vu qu’il n’a pas été démontré que la requérante était la destinataire de la décision confirmative dans la première procédure, il convient de considérer que ladite décision n’a pas porté atteinte aux droits propres de celle-ci dès lors que, d’une part, la requérante n’avait pas présenté elle‑même la demande d’accès aux documents dans cette première procédure et que, d’autre part, la possibilité pour elle de présenter une telle demande n’était donc pas mise en cause (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 30 avril 2001, British American Tobacco International (Holdings)/Commission, T‑41/00, EU:T:2001:125, point 20).

61      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’acte attaqué ne constitue pas, à l’égard de la requérante, un acte purement confirmatif par rapport à la décision confirmative dans la première procédure et que, partant, il est susceptible de faire l’objet d’un recours au titre de l’article 263 TFUE.

62      Dès lors, l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée en ce qui concerne la demande en annulation.

 Sur la recevabilité de la demande en carence

63      À titre subsidiaire, la requérante conclut à ce que le Tribunal constate que la Commission s’est illégalement abstenue d’établir et de communiquer à la requérante une version non confidentielle de la décision EIRD ou une version non confidentielle de la table des matières relative à la procédure EIRD. En effet, puisqu’elle avait demandé l’accès à la version non confidentielle de la décision EIRD et à la table des matières du dossier relatif à la procédure EIRD et qu’elle aurait un droit d’accès à ce dossier, la requérante aurait également un droit à ce que la Commission établisse une telle version non confidentielle de sa décision et de la table des matières, dans le cas où ces versions n’existeraient pas encore.

64      La Commission soutient que la demande en carence est irrecevable, car les conditions de la procédure précontentieuse indispensables à l’introduction d’un recours en carence ne seraient pas remplies en l’espèce. Par ailleurs, la Commission fait valoir que, selon l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, l’absence de réponse d’une institution saisie d’une demande d’accès à des documents dans un délai de quinze jours ouvrables est considérée comme une réponse négative contre laquelle le demandeur est habilité à former un recours.

65      La requérante soutient qu’elle a – à tout le moins implicitement – invité la Commission, au sens de l’article 265, deuxième alinéa, première phrase, TFUE, à l’établissement d’une version non confidentielle de la décision EIRD ainsi que d’une version non confidentielle de la table des matières de ce dossier. Selon elle, il suffit que la Commission puisse déduire de la demande ou de son interprétation le contenu de la décision qu’il lui est demandé de prendre et qu’elle comprenne que cette invitation a pour objet de la contraindre à prendre position, sans qu’il soit besoin de respecter une condition de forme particulière. Par ailleurs, la fin de non-recevoir de la Commission serait inopérante, car la demande en carence aurait été soulevée à titre subsidiaire, pour le cas où la demande en annulation serait rejetée en raison de ce que les documents demandés n’existent pas.

66      À cet égard, il convient de préciser qu’il ressort des demandes d’accès aux documents de la requérante des 13 juillet et 10 août 2015 que cette dernière a demandé la table des matières du dossier EIRD et non une version non confidentielle de celle-ci.

67      Aux termes de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, « [le] recours [en carence] n’est recevable que si l’institution, l’organe ou l’organisme en cause a été préalablement invité à agir » et, « [s]i, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de cette invitation, l’institution, l’organe ou l’organisme n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois ».

68      Selon une jurisprudence constante, l’article 265 TFUE vise la carence par l’abstention de statuer ou de prendre position et non du fait de l’adoption d’un acte différent de celui que les intéressés auraient souhaité (voir arrêt du 7 octobre 2009, Vischim/Commission, T‑420/05, EU:T:2009:391, point 255 et jurisprudence citée).

69      En outre, la mise en demeure de l’institution prévue par l’article 265, deuxième paragraphe, TFUE est une formalité essentielle et a pour effet, d’une part, de faire courir le délai de deux mois dans lequel l’institution est tenue de prendre position et, d’autre part, de délimiter le cadre dans lequel un recours pourra être introduit au cas où l’institution s’abstiendrait de prendre position. Bien que non soumise à une condition de forme particulière, il est, néanmoins, nécessaire que la mise en demeure soit suffisamment explicite et précise pour permettre à l’institution défenderesse de connaître de manière concrète le contenu de la décision qu’il lui est demandé de prendre et faire ressortir qu’elle a pour objet de contraindre celle-ci à prendre parti (ordonnance du 22 octobre 2014, Arvanitis et Déligéorgi/Parlement e.a., T‑350/14, non publiée, EU:T:2014:922, point 12 et jurisprudence citée).

70      En l’espèce, il suffit de souligner qu’il ne ressort aucunement du dossier que la requérante ait adressé à la Commission une invitation à agir répondant aux conditions fixées par la jurisprudence mentionnée au point 69 ci-dessus. Notamment, sa demande d’accès à une version non confidentielle de la décision EIRD et de la table des matières du dossier EIRD ne saurait être entendue comme une demande formelle à ce que la Commission établisse ces documents et donc comme une invitation à agir au sens de l’article 265 TFUE.

71      Quant à la demande d’accès à ces documents, la prise de position de la Commission constitue un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, ainsi qu’il ressort des points précédents.

72      Il en découle que la demande en carence doit être rejetée comme étant irrecevable.

73      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu, d’une part, de rejeter la demande en carence comme irrecevable et, d’autre part, de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission pour le surplus.

 Sur les dépens

74      L’article 133, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal prévoit qu’il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.

75      À ce stade de l’instance, les dépens doivent donc être réservés.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      La demande en carence est rejetée comme irrecevable.


2)      L’exception d’irrecevabilité est rejetée pour le surplus.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 26 octobre 2016.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Prek


1 Langue de procédure: l’allemand.