Language of document : ECLI:EU:F:2013:212

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

12 décembre 2013 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Responsabilité non contractuelle de l’Union – Indemnisation du préjudice résultant de l’envoi par l’institution à l’avocat du requérant d’une lettre relative aux dépens mis à la charge du requérant – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé – Article 94 du règlement de procédure »

Dans l’affaire F‑133/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Luigi Marcuccio, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Gattinara, en qualité d’agents, assistés de MA. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, et de MM. R. Barents et K. Bradley, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 12 novembre 2012, M. Marcuccio demande, d’une part, l’annulation de la décision par laquelle la Commission européenne a rejeté sa demande d’indemnisation du préjudice qui résulterait de l’envoi à l’avocat qui l’a représenté depuis juin 2007 devant les juridictions de l’Union européenne (ci-après l’« avocat du requérant » ou « son avocat ») d’une lettre concernant le paiement des dépens afférents à 24 affaires passées en force de chose jugée dans lesquelles il a été condamné à supporter les dépens de la Commission et, d’autre part, la condamnation de la Commission à lui verser des dommages et intérêts.

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A 7 le 16 juin 2000 à la direction générale (DG) « Développement » de la Commission. Il a été mis à la disposition de la direction « Service extérieur » de la DG « Relations extérieures » et affecté le même jour auprès de la délégation de la Commission à Luanda (Angola). Il a été titularisé le 16 mars 2001.

3        À partir de janvier 2002, le requérant a été en congé de maladie en Italie. Par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), du 18 mars 2002, qui a pris effet le 1er avril 2002, le requérant a été réaffecté dans l’intérêt du service au siège de la Commission à Bruxelles (Belgique). Cette décision de réaffectation a été annulée par arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission (T‑236/02). Le pourvoi introduit par le requérant, qui a donné lieu à l’affaire C‑617/11 P, Marcuccio/Commission, a été rejeté par ordonnance de la Cour du 3 octobre 2013.

4        Par décision du 30 mai 2005, notifiée au requérant par une note datée du même jour et à laquelle était annexé l’avis de la commission d’invalidité, l’AIPN a, en application de l’article 53 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, mis le requérant à la retraite pour cause d’invalidité à compter du 31 mai 2005 et lui a accordé le bénéfice d’une allocation d’invalidité fixée conformément à l’article 78, troisième alinéa, dudit statut.

5        Le requérant a contesté la décision de mise à la retraite pour cause d’invalidité, laquelle a été annulée par arrêt du Tribunal du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑41/06). Statuant sur pourvoi, le Tribunal de l’Union européenne, par arrêt du 8 juin 2011, Commission/Marcuccio (T‑20/09 P), a annulé l’arrêt précité et renvoyé l’affaire au Tribunal.

6        Statuant sur renvoi après annulation, le Tribunal, par arrêt du 6 novembre 2012, Marcuccio/Commission (F‑41/06 RENV, faisant l’objet d’un pourvoi actuellement pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑20/13 P), a rejeté le recours et condamné le requérant aux dépens.

7        Depuis sa réaffectation à Bruxelles, en 2002, le requérant a saisi les trois juridictions de l’Union européenne de nombreux autres recours, notamment contre la Commission, dont certains sont à ce jour encore pendants. Dans la plupart des arrêts et ordonnances mettant fin aux litiges, le requérant, en sa qualité de partie perdante, a été condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la partie défenderesse.

8        Par une lettre du 3 mai 2011 (ci-après la « lettre du 3 mai 2011 »), la Commission a informé le requérant du montant dont il serait débiteur au titre des dépens auxquels il avait été condamné dans les 24 affaires qu’il avait introduites devant le juge de l’Union et ayant donné lieu aux arrêts et ordonnances suivants : arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 20 octobre 2008, Marcuccio/Commission (T‑278/07 P) ; ordonnance du Tribunal du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission (F‑40/06) ; ordonnance du Tribunal de première instance du 28 septembre 2009, Marcuccio/Commission (T‑46/08 P) ; ordonnance du Tribunal de première instance du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission (T‑114/08 P) ; ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 décembre 2009, Marcuccio/Commission (C‑432/08 P) ; ordonnance de la Cour du 9 décembre 2009, Marcuccio/Commission (C‑513/08 P) ; ordonnance de la Cour du 9 décembre 2009, Marcuccio/Commission (C‑528/08 P) ; ordonnance du Tribunal du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission, (F‑87/07) ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 23 mars 2010, Marcuccio/Commission (T‑16/09 P) ; ordonnance du Tribunal du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑133/06) ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 novembre 2010, Marcuccio/Commission (T‑9/09 P) ; ordonnance du Tribunal du 7 octobre 2009, Marcuccio/Commission (F‑122/07) ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 18 octobre 2010, Marcuccio/Commission (T‑516/09 P) ; ordonnance du Tribunal du 31 mars 2009, Marcuccio/Commission (F‑146/07) ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 4 avril 2011, Marcuccio/Commission (T‑239/09 P) ; ordonnance du Tribunal du 7 octobre 2009, Marcuccio/Commission (F‑3/08) ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 18 octobre 2010, Marcuccio/Commission (T‑515/09 P) ; ordonnance du Tribunal du 18 février 2009, Marcuccio/Commission (F‑42/08) ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 15 septembre 2010, Marcuccio/Commission (T‑157/09 P) ; ordonnance du Tribunal du 25 novembre 2009, Marcuccio/Commission (F‑11/09) ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 17 mars 2011, Marcuccio/Commission (T‑44/10 P) ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 28 octobre 2010, Marcuccio/Commission, (T‑32/09 P) ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 8 juillet 2010, Marcuccio/Commission (T‑166/09 P) et ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 17 décembre 2010, Marcuccio/Commission (T‑38/10 P).

9        Le montant débiteur qui figurait dans la lettre du 3 mai 2011 était de 228 010 euros. D’après la Commission, cette somme correspondait aux honoraires de l’avocat l’ayant assistée dans les 24 affaires mentionnées dans la lettre en cause. Toujours dans la lettre du 3 mai 2011, la Commission indiquait être prête à effectuer une compensation avec les dépens du requérant dont il avait réclamé le paiement par deux lettres datées du 28 décembre 2009 et du 16 mars 2010, sans préjudice du droit du requérant d’introduire des procédures de taxation des dépens devant les juridictions de l’Union européenne. À défaut pour le requérant de demander la taxation des dépens ou de proposer une compensation, la Commission l’informait du fait qu’elle émettrait une note de débit pour la somme réclamée. La lettre du 3 mai 2011 a été envoyée au requérant, avec copie à son avocat. Ces deux envois ont été effectués par pli recommandé avec avis de réception.

10      La Commission s’est par la suite rendu compte qu’une erreur de plume affectait le texte de la lettre du 3 mai 2011, et plus précisément l’indication de la somme réclamée au requérant (228 010 euros au lieu de 128 010 euros) et, deux jours après, le 5 mai 2011, elle a envoyé au requérant, avec copie à son avocat, un corrigendum à la lettre du 3 mai 2011. Ces deux nouveaux envois ont été effectués eux aussi par pli recommandé avec avis de réception.

11      Faute pour le requérant d’avoir retiré au bureau de poste les deux plis envoyés en recommandé à son adresse dans les 30 jours suivant l’avis de dépôt, ceux-ci ont été retournés à la Commission. En revanche, les plis recommandés adressés à l’avocat du requérant ont été réceptionnés par leur destinataire le 14 mai 2011.

12      Aux dires du requérant, entre les mois de mai et août 2011, il aurait appris que la lettre du 3 mai 2011 et son corrigendum avaient été envoyés par la Commission à son avocat. Il aurait également appris que cette lettre et son corrigendum lui étaient adressés à lui personnellement. Le requérant affirme n’avoir pris connaissance du contenu de la lettre du 3 mai 2011 et de son corrigendum que le 28 mars 2012, lorsqu’il a reçu notification du mémoire en défense dans l’affaire F‑143/11 alors pendante et qui a donné lieu à l’ordonnance du Tribunal du 18 juin 2013, Marcuccio/Commission, rejetant le recours comme manifestement irrecevable.

13      Considérant que l’envoi à son avocat des copies de la lettre du 3 mai 2011 et du corrigendum à ladite lettre était illégal et lui avait porté préjudice, le requérant a introduit, le 29 août 2011, une demande de réparation dudit préjudice auprès de la Commission, laquelle n’y a pas répondu.

14      Le 19 mars 2012, le requérant a alors introduit une réclamation contre « la décision quelle qu’en soit la forme » par laquelle la Commission aurait rejeté sa demande indemnitaire. Cette réclamation a été rejetée par la Commission, par décision du 4 juillet 2012 dont le requérant prétend n’avoir compris que le dispositif, la décision étant rédigée en français, langue dont il n’aurait pas une parfaite compréhension.

 Conclusions des parties et procédure

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de sa demande du 29 août 2011 ;

–        pour autant que nécessaire, annuler l’acte de rejet de la réclamation du 19 mars 2012 ;

–        pour autant que nécessaire, annuler la décision de la Commission, du 4 juillet 2012, qui lui est « parvenue […] pas avant le 13 août 2012 » ;

–        condamner la Commission à réparer le préjudice que lui aurait causé l’envoi à son avocat de la lettre du 3 mai 2011 et de son corrigendum, préjudice chiffré à 10 000 euros ;

–        condamner la Commission à lui verser, à compter du jour suivant la date de réception de la demande du 29 août 2011 et jusqu’au paiement effectif de la somme susmentionnée de 10 000 euros, les intérêts sur cette somme au taux de 10 % par an avec capitalisation annuelle ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme dénué de fondement,

–        condamner le requérant à l’entièreté des dépens.

17      Par lettre du greffe du 25 janvier 2013, les parties ont été informées du fait que la deuxième chambre, attributaire de la présente affaire, envisageait de renvoyer l’affaire au juge unique, en application de l’article 14 du règlement de procédure, et se sont vu octroyer un délai expirant le 1er février 2013 pour présenter leurs observations sur cet éventuel renvoi au juge unique.

18      Seule la Commission a pris position dans le délai imparti et s’est montrée favorable au renvoi de l’affaire au juge unique. La deuxième chambre du Tribunal a néanmoins décidé, lors de sa réunion du 26 juin 2013, que l’affaire devait être tranchée par la formation à trois juges.

 En droit

 Arguments des parties

19      À l’appui de ses conclusions tant en annulation qu’en réparation, le requérant soulève trois moyens : le premier est tiré de la violation des règles relatives à la protection de la vie privée ; le deuxième est fondé sur la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration ; le troisième est déduit de la violation des normes relatives à la réparation par la Commission du dommage causé par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. Le requérant sollicite l’adoption de plusieurs mesures d’instruction, notamment l’audition de deux témoins et l’organisation d’une expertise.

20      Dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation des règles relatives à la protection de la vie privée, le requérant fait valoir que la lettre du 3 mai 2011 et son corrigendum contenaient des informations confidentielles et n’auraient pas dû être portées à la connaissance de tierces personnes sans son autorisation expresse et sans qu’il en ait été informé de la teneur. Le comportement de la Commission serait, en outre, survenu en violation manifeste des règles de droit communes aux ordres juridiques des États membres de l’Union en matière de représentation, de mandat, et d’élection de domicile, et au mépris de l’obligation de confidentialité et du respect du secret professionnel incombant à toute institution de l’Union en vertu de l’article 339 TFUE.

21      S’agissant de démontrer l’illégalité du comportement de la Commission, le requérant soutient qu’il importe peu que son avocat l’ait représenté et assisté et le représente et assiste encore dans le cadre d’affaires pendantes devant les juridictions de l’Union européenne. Il affirme que, s’il est vrai que, en certaines occasions, il a également élu domicile chez son avocat en vertu de mandats ad litem ponctuels et spécifiques, ces mandats ont été conférés individuellement pour chacune des affaires et étaient limités à la « défense technique juridictionnelle ». En vertu desdits mandats, son avocat n’était pas habilité à prendre connaissance de questions de nature confidentielle concernant ses relations avec la Commission. Le requérant ajoute que son avocat ne l’a pas représenté et assisté dans toutes les affaires énumérées dans la lettre du 3 mai 2011 ; ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, précitée, il n’était pas représenté par son avocat mais par un autre avocat.

22      Par son deuxième moyen, fondé sur la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, le requérant cite l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en rapport avec la violation du principe de bonne administration et affirme que la Commission n’a pas dûment tenu compte de ses droits et de ses intérêts.

23      Par son troisième moyen, déduit de la violation des normes relatives à la réparation par la Commission du dommage causé par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, le requérant soutient que les trois conditions qui fondent l’obligation de réparation, à savoir l’illégalité du comportement imputable à l’institution, l’existence d’un dommage et le lien de causalité, sont manifestement réunies en l’espèce.

24      Afin de démontrer l’illégalité du comportement de la Commission, qu’il considère suffisamment caractérisée, grave et manifeste, le requérant renvoie aux arguments qu’il avance à l’appui du premier et du deuxième moyens. Pour ce qui est de l’existence du dommage, le requérant indique que l’envoi à son avocat des copies des lettres litigieuses a bien été effectué, ce que la Commission elle-même reconnaîtrait, et qu’avoir simplement subi ce fait illicite de l’envoi à son avocat des copies des lettres litigieuses constitue pour lui une source de dommage ; il propose néanmoins au Tribunal, pour autant que nécessaire, d’entendre des témoins et qu’il soit procédé à une expertise et ajoute que, dans la grande majorité des cas où les faits générateurs sont avérés, le dommage se produit, et qu’il serait donc raisonnable et rationnel de parvenir à la conclusion qu’il a subi le dommage, dommage dont la valeur devrait être appréciée en équité par le Tribunal. Enfin, s’agissant du lien de causalité, au point 37 de la requête, le requérant indique qu’il lui paraît superflu d’identifier le lien de causalité entre l’acte illégal et le dommage tellement ce lien lui semble évident.

25      En défense, la Commission soulève l’irrecevabilité du recours au motif qu’il n’a pas été précédé par une demande de réparation motivée et, pour le cas où le Tribunal déciderait d’aborder le fond du recours, réfute les trois moyens du requérant comme étant manifestement irrecevables ou manifestement dénués de tout fondement en droit.

 Appréciation du Tribunal

26      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

27      Il est de jurisprudence constante que, lorsque, à la lecture du dossier d’une affaire, la formation de jugement, s’estimant suffisamment éclairée par les pièces dudit dossier, est entièrement convaincue de l’irrecevabilité manifeste de la requête ou de son caractère manifestement non fondé et considère de surcroît que la tenue d’une audience ne serait pas de nature à offrir le moindre élément nouveau à cet égard, le rejet de la requête par voie d’ordonnance motivée, sur le fondement de l’article 76 du règlement de procédure, non seulement contribue à l’économie du procès, mais épargne également aux parties les frais que la tenue d’une audience comporterait (ordonnance du Tribunal du 25 avril 2012, Oprea/Commission, F‑108/11, point 12, et la jurisprudence citée).

28      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour se prononcer et décide ainsi, en application de l’article 76 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

29      Par ailleurs, il convient de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur le grief d’irrecevabilité soulevé par la partie défenderesse (arrêt du Tribunal du 20 janvier 2009, Klein/Commission, F‑32/08, point 20, et la jurisprudence citée).

30      Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée les moyens de fond invoqués par le requérant, sans statuer préalablement sur l’irrecevabilité du recours soulevée par la Commission pour défaut de demande de réparation motivée préalable, le recours étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les conclusions en annulation

31      Il y a lieu tout d’abord de relever que le requérant demande l’annulation, d’une part, de la décision de la Commission, « quelle qu’en soit la forme », portant rejet de sa demande du 29 août 2011, c’est-à-dire de la demande préalable de dédommagement qu’il avait adressée à l’institution avant l’introduction de son recours en indemnité, d’autre part, de « l’acte de rejet » de sa réclamation du 19 mars 2012, laquelle était dirigée contre « la décision quelle qu’en soit la forme » par laquelle la Commission avait rejeté sa demande de dédommagement, enfin, et pour autant que nécessaire, de la décision du 4 juillet 2012 qui a rejeté de manière explicite sa réclamation du 19 mars 2012.

32      Or, selon une jurisprudence constante, les conclusions en annulation dirigées contre l’acte contenant la prise de position de l’institution en matière indemnitaire pendant la phase précontentieuse ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en indemnité car cet acte a uniquement pour effet de permettre de saisir le Tribunal desdites conclusions (arrêt du Tribunal de première instance du 14 octobre 2004, I/Cour de justice, T‑256/02, point 47, et la jurisprudence citée).

33      Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation formulées par le requérant.

 Sur les conclusions en indemnité

34      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de trois conditions cumulatives, à savoir l’illégalité d’un acte administratif ou d’un comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le dommage invoqué (arrêts du Tribunal du 21 février 2008, Skoulidi/Commission, F‑4/07, point 43, et du 23 février 2010, Faria/OHMI, F‑7/09, point 62, et la jurisprudence citée).

35      Il s’ensuit que le fait que l’une de ces trois conditions fasse défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, points 11 et 14, et la jurisprudence citée).

36      En l’espèce, et pour ce qui est de la première condition, il convient de rappeler d’emblée que, dans 23 des 24 affaires énumérées dans la lettre du 3 mai 2011 (voir point 8 de la présente ordonnance), le requérant était représenté par son avocat et rien dans le dossier ne permet d’établir qu’entre le prononcé de chacune de ces 23 décisions mettant fin à l’instance et l’envoi à son avocat des copies de la lettre du 3 mai 2011 et de son corrigendum, le requérant aurait révoqué son mandat. Au contraire, il résulte de nombreuses décisions rendues dernièrement par les juridictions de l’Union sur des recours introduits avant les envois litigieux, en particulier de trois ordonnances de la Cour du 28 février 2013, Commission/Marcuccio (C‑432/08 P‑DEP, C‑513/08 P‑DEP  et C‑528/08 P‑DEP), d’une ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission (T‑278/07 P‑DEP) et de deux ordonnances de cette même juridiction du 20 juin 2013, Marcuccio/ Commission (T‑114/08 P‑DEP et T‑16/09 P‑DEP) ainsi que de trois ordonnances du Tribunal du 27 juin 2013, Marcuccio/Commission (F‑133/06 DEP ; F‑86/07 DEP et F‑87/07 DEP), que l’avocat du requérant n’avait pas cessé de le représenter devant les juridictions de l’Union européenne depuis juin 2007, y compris à la date d’envoi de la copie de la lettre du 3 mai 2011 et à celle de l’envoi de la copie du corrigendum, et qu’il bénéficiait donc de sa confiance.

37      En ce qui concerne, ensuite, le fait que le montant des dépens exposés par la Commission dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, précitée, affaire dans laquelle le requérant n’était pas représenté par son avocat mais par un autre avocat, figurait également dans la lettre du 3 mai 2011, le Tribunal relève que, ainsi qu’il ressort du texte même de ladite lettre, cette information figurait déjà dans une lettre précédente, datée du 8 juillet 2010, lettre qui avait également été envoyée à l’avocat du requérant et contre laquelle ce dernier ne semble pas avoir protesté, de sorte qu’il s’agissait d’une information dont l’avocat du requérant avait déjà connaissance. En outre, s’il est vrai que, dans cette affaire, l’avocat du requérant ne l’a pas représenté en première instance, il n’en demeure pas moins qu’il l’a représenté au stade du pourvoi devant le Tribunal de première instance, pourvoi qui a été rejeté par ordonnance du 28 septembre 2009, Marcuccio/Commission (T‑46/08 P).

38      Il s’ensuit que, bien avant l’envoi de la lettre du 3 mai 2011, l’avocat du requérant, lequel était tenu de respecter, en tout état de cause, le caractère éventuellement confidentiel des informations reçues, même en l’absence d’un mandat spécifique relatif aux questions soulevées par la lettre du 3 mai 2011 (ordonnance du Tribunal du 6 février 2013, Marcuccio/Commission, F‑67/12, point 23, confirmée sur pourvoi par ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 21 octobre 2013, T‑226/13 P), savait que le requérant avait été condamné aux dépens exposés par la Commission en première instance et également dans le cadre du pourvoi.

39      Enfin, par la lettre du 3 mai 2011, celle du 5 mai 2011 ne visant qu’à corriger l’erreur de plume contenue dans la première, la Commission s’est limitée à indiquer le montant qu’elle s’apprêtait à recouvrer auprès du requérant au titre des dépens qu’elle avait elle-même exposés, à proposer au requérant d’effectuer une compensation avec ses propres frais exposés dans les affaires dans lesquelles la Commission avait été condamnée aux dépens, frais dont il avait réclamé le paiement par lettres du 28 décembre 2009 et du 16 mars 2010, et à informer le requérant de son intention d’émettre une note de débit si, dans le délai de 90 jours, il n’avait pas engagé une procédure de taxation des dépens ou proposé une compensation.

40      Il y a lieu d’ajouter que, à supposer même, comme le requérant semble le soutenir, qu’en poursuivant le recouvrement des dépens auprès d’un requérant condamné à ce titre, la partie défenderesse soit tenue de s’adresser uniquement à celui-ci, en s’abstenant de tout contact avec l’avocat dudit requérant, force est de constater que, au regard du contenu de la lettre du 3 mai 2011, l’envoi d’une copie de celle-ci à l’avocat du requérant ne revêt pas de gravité particulière et ne saurait certainement pas être qualifié d’agissement susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la Commission. En toute hypothèse, rien dans le contenu de la lettre du 3 mai 2011, ni non plus dans celui du corrigendum du 5 mai 2011, ne justifie les allégations du requérant qui sont reprises aux points 20 et 21 de la présente ordonnance.

41      Au surplus, le requérant n’a pas démontré l’existence d’un comportement illégal de la Commission en rapport avec le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration, obligations prétendument méconnues en l’espèce.

42      En effet, il convient de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’exposé des moyens et des arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (arrêt du Tribunal du 15 février 2011, AH/Commission, F‑76/09, point 29).

43      Il en est d’autant plus ainsi que, selon l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la phase écrite de la procédure devant le Tribunal ne comporte, en principe, qu’un seul échange de mémoires, sauf décision contraire du Tribunal. Cette dernière particularité de la procédure devant le Tribunal explique que, à la différence de ce qui est prévu devant la Cour ou le Tribunal de l’Union européenne, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, l’exposé des moyens et arguments dans la requête ne saurait être sommaire. Une telle souplesse aurait pour effet, en pratique, de priver d’une grande partie de son utilité la règle, spéciale et postérieure, énoncée à l’annexe I du statut de la Cour (arrêt AH/Commission, précité, point 30).

44      Il importe d’ajouter que l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut, prévoit que les parties autres que les États membres, les institutions de l’Union européenne, les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen et l’Autorité de surveillance AELE visée par ledit accord doivent être représentées par un avocat. Le rôle essentiel de ce dernier, en tant qu’auxiliaire de justice, est précisément de faire reposer les conclusions de la requête sur une argumentation en droit suffisamment compréhensible et cohérente, compte tenu du fait que la procédure écrite devant le Tribunal ne comporte en principe qu’un seul échange de mémoires (arrêt AH/Commission, précité, point 31).

45      Or, le Tribunal constate que s’il est vrai que, aux points 28 et 29 de la requête, le requérant cite l’article 41 de la Charte en rapport avec la violation du principe de bonne administration et affirme que la Commission n’a pas dûment tenu compte de ses droits et de ses intérêts, il n’en demeure pas moins que ces griefs sont uniquement énoncés de manière générale et ne sont aucunement étayés par une quelconque argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure. Ils doivent, par conséquent, être déclarés manifestement irrecevables.

46      Il en résulte que la première condition requise pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir l’illégalité du comportement imputable à l’institution, n’est manifestement pas remplie en l’espèce. Il échet ainsi de rejeter les conclusions indemnitaires du requérant sans qu’il soit besoin ni de donner suite à sa demande d’audition de témoins et de mesures d’expertise ni d’examiner si les deux autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union sont remplies en l’espèce.

47      À titre surabondant, cependant, il convient de relever qu’il est hautement improbable que le prétendu préjudice grave et multiple dont fait état la requête, à le supposer réel et certain, ce qu’il appartient au requérant de prouver (arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, point 27, et la jurisprudence citée), puisse être le résultat de l’envoi de la copie de lettres comme celle du 3 mai 2011 et le corrigendum du 5 mai 2011. D’ailleurs le requérant lui-même n’avance aucun argument tendant à établir le lien de causalité entre l’illégalité invoquée et le préjudice allégué, se contentant de dire que ce lien transparaît « de manière irréfutable de l’examen de l’affaire » et de déclarer qu’il lui semble superflu « d’ennuyer plus avant le Tribunal à ce sujet ».

48      Or, à défaut de toute explication de la part du requérant, le Tribunal n’aperçoit nullement comment le préjudice moral, grave et multiple, allégué par celui-ci aurait pu avoir été causé par la simple prise de connaissance par le requérant du fait que son avocat était destinataire en copie d’une lettre qui lui était adressée, lettre dans laquelle la Commission, d’une part, mentionnait le montant des dépens qu’elle avait exposés dans 24 affaires introduites par le requérant et passées en force de chose jugée et qu’elle entendait récupérer auprès du requérant (montant d’ailleurs usuel pour ce type de litiges), d’autre part, indiquait être prête à effectuer une compensation avec les dépens mis à sa charge et réclamés par le requérant dans deux lettres datées des 28 décembre 2009 et 16 mars 2010 et, enfin, informait le requérant que, à défaut pour lui de demander la taxation des dépens ou de proposer une compensation, elle émettrait une note de débit pour la somme réclamée.

49      Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’ensemble du recours comme étant en partie manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens et frais de justice

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

51      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.

52      Par ailleurs, en vertu de l’article 94 du règlement de procédure, si le Tribunal a exposé des frais qui auraient pu être évités, notamment si le recours a un caractère manifestement abusif, il peut condamner la partie qui les a provoqués à les rembourser intégralement ou en partie, sans que le montant de ce remboursement puisse excéder la somme de 2 000 euros.

53      Les juridictions de l’Union ont déjà constaté, plusieurs fois, que le requérant avait opté pour la voie contentieuse sans aucune justification valable. Or, il est manifeste que la présente affaire s’inscrit dans le prolongement d’une telle démarche.

54      En outre, dans le cas présent, le Tribunal remarque que ce n’est pas la première fois que le requérant saisit une institution et ensuite le juge de l’Union afin d’obtenir, notamment, la réparation du préjudice que lui aurait prétendument causé l’envoi à son avocat ou à son ancien avocat d’un pourvoi, d’une note, ou encore de la copie d’une lettre qui lui était destinée, et que dans toutes les affaires introduites par le requérant à cette fin, le recours a été rejeté par ordonnance comme étant soit manifestement irrecevable soit manifestement dépourvu de tout fondement en droit : ainsi en a-t-il été jugé par l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 6 juillet 2010, Marcuccio/Cour de justice (T‑401/09, confirmée sur pourvoi par ordonnance de la Cour du 14 avril 2011, Marcuccio/Cour de justice, C‑460/10 P), par l’ordonnance du 16 mars 2011, Marcuccio/Commission, précitée, confirmée sur pourvoi par ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 15 novembre 2012, Marcuccio/Commission, T‑286/11 P), par l’ordonnance du Tribunal du 8 septembre 2011, Marcuccio/Commission (F‑69/10, confirmée sur pourvoi par ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 8 novembre 2012, Marcuccio/Commission, T‑616/11 P) et par l’ordonnance du Tribunal du 6 février 2013, Marcuccio/Commission, précitée). Dans toutes ces affaires, le requérant a soulevé des moyens et des griefs similaires, sinon même identiques, à ceux qu’il a avancés à l’appui de son recours dans la présente affaire, et qui viennent d’être rejetés.

55      Dans ces conditions, compte tenu du caractère manifestement abusif du recours, il convient de condamner le requérant à rembourser au Tribunal un montant de 2 000 euros, qui est la somme maximale prévue à l’article 94 du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      M. Marcuccio supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

3)      M. Marcuccio est condamné à payer au Tribunal la somme de 2 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 12 décembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      M. I. Rofes i Pujol

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l'italien.