Language of document : ECLI:EU:T:2020:439

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

23 septembre 2020 (*) (1)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille – Marque nationale tridimensionnelle antérieure – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 15, paragraphe 1, et article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 40/94 [devenus article 18, paragraphe 1, et article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement (UE) 2017/1001] – Nature de l’usage – Altération du caractère distinctif – Usage conjointement avec d’autres marques – Objet de la protection – Exigence de clarté et de précision – Exigence de concordance de la description avec la représentation – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Renvoi aux motifs d’une décision antérieure annulée – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑796/16,

CEDC International sp. z o.o., établie à Oborniki Wielkopolskie (Pologne), représentée par Me M. Siciarek, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Underberg AG, établie à Dietlikon (Suisse), représentée par Me A. Renck, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 29 août 2016 (affaire R 1248/2015‑4), relative à une procédure d’opposition entre CEDC International  et Underberg,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias et Mme M. Kancheva (rapporteure), juges,

greffier : Mme A. Juhász‑Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 novembre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 24 février 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 mars 2017,

vu la décision de suspension de la procédure du 29 mai 2017,

vu la décision de reprise de la procédure du 12 août 2019,

vu les mesures d’organisation de la procédure du 10 décembre 2019 et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal les 23 décembre 2019 et 9 janvier 2020,

à la suite de l’audience du 6 février 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er avril 1996, l’intervenante, Underberg AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel représenté comme suit :

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3        Cette représentation de la marque demandée est accompagnée de la description suivante : « L’objet de la marque est un brin d’herbe vert-brun dans une bouteille ; la longueur du brin d’herbe correspond à environ trois quarts de la bouteille ».

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Spiritueux et liqueurs ».

5        La demande de marque no 33266 a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 51/2003, du 23 juin 2003.

6        Le 15 septembre 2003, Przedsiębiorstwo Polmos Białystok (Spółka Akcyjna), à laquelle la requérante, CEDC International sp. z o.o., s’est substituée à la suite d’une fusion par absorption survenue le 27 juillet 2011, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement no 40/94 (devenu article 41 du règlement no 207/2009, puis article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 4 ci-dessus.

7        L’opposition était notamment fondée sur la marque française tridimensionnelle antérieure, déposée le 18 septembre 1995, enregistrée le 18 avril 1997 sous le numéro 95588457, renouvelée le 9 juin 2005 et le 13 juillet 2015 (après transmission à la requérante le 28 octobre 2011) pour des « boissons alcoolisées » relevant de la classe 33 de l’arrangement de Nice, représentée comme suit :

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8        Cette représentation de la marque française tridimensionnelle antérieure est accompagnée de la description suivante : « La marque se compose d’une bouteille telle que représentée ci-dessus, à l’intérieur de laquelle un brin d’herbe est placé en position quasi diagonale dans le corps de la bouteille ».

9        L’opposition était également fondée sur d’autres marques représentant, selon la requérante, un brin d’herbe dans une bouteille, à savoir la marque allemande no 39848553, les marques polonaises nos 62018, 62081 et 85811, la marque japonaise no 2092826, la marque française no 98746752 ainsi que des signes non enregistrés revendiqués dans divers États membres de l’Union européenne.

10      Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés, premièrement, à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009, puis du règlement 2017/1001] au titre de la marque française tridimensionnelle antérieure no 95588457 reproduite au point 7 ci-dessus, deuxièmement, à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, puis du règlement 2017/1001] au titre de la même marque ainsi que des marques enregistrées indiquées au point 9 ci-dessus et, troisièmement, à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, puis du règlement 2017/1001] au titre des signes non enregistrés mentionnés au point 9 ci-dessus.

11      Le 11 juillet 2007, la requérante a produit des éléments de preuve de l’usage de sa marque française tridimensionnelle antérieure dans le délai imparti par la division d’opposition et fixé au 1er août 2007, en réponse à une demande de preuve d’usage sérieux formée par l’intervenante. Le 3 juillet 2008, la requérante a développé son argumentation quant à la preuve dudit usage.

12      Le 18 octobre 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a notamment considéré que les éléments de preuve fournis étaient insuffisants pour établir l’usage sérieux de la marque française tridimensionnelle antérieure entre le 23 juin 1998 et le 22 juin 2003 (ci-après la « période pertinente ») et que la présence, sur la bouteille commercialisée, de l’étiquette contenant la mention « żubrówka » et la représentation d’un bison altéraient clairement le caractère distinctif de ladite marque dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée.

13      Le 17 décembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition. Le 18 février 2011, elle a déposé le mémoire exposant les motifs du recours, auquel étaient joints des éléments de preuve d’usage non produits devant la division d’opposition.

14      Par décision du 26 mars 2012 (ci-après la « première décision ») dans l’affaire R 2506/2010-4, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

15      S’agissant, premièrement, du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a tout d’abord recensé les éléments de preuve d’usage produits par la requérante devant la division d’opposition, auxquels étaient jointes diverses représentations de bouteilles de vodka ŻUBRÓWKA vues de face, en ajoutant qu’« aucune autre présentation que celles représentées [ci-après] n’a[vait] été produite » :

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16      La chambre de recours a ensuite considéré que la marque française dont l’usage avait été prouvé consistait en une « bouteille de forme commune, comportant sur le corps une ligne qui s’étend[ait] en diagonale à partir du côté gauche de la bouteille, débutant juste sous le goulot, jusqu’au bord opposé de la base », telle que reproduite au point 7 ci-dessus ; que la preuve de l’usage montrait des bouteilles sous deux formes différentes, mais toujours avec la même étiquette portant la mention « żubrówka bison vodka » frappante et non transparente, couvrant une partie importante des bouteilles, et que la ligne diagonale n’était pas apposée à la surface extérieure et ne figurait pas sur l’étiquette elle-même. Elle a en outre estimé que, en raison de la présence de l’étiquette, il n’était pas possible de voir ce qui se trouvait derrière l’étiquette ou dans les bouteilles.

17      La chambre de recours a enfin conclu que, dans ces circonstances, la requérante n’avait pas prouvé la nature de l’usage de la marque française tridimensionnelle antérieure, à savoir l’usage de cette marque telle qu’enregistrée ou sous une forme qui différait par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée. Elle en a déduit que, comme cette marque était la seule marque antérieure sur laquelle se fondait l’opposition aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009, cette opposition devait être rejetée.

18      S’agissant, deuxièmement, du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, la chambre de recours a estimé que la requérante n’avait pas prouvé l’usage réel des signes non enregistrés revendiqués dans divers États membres de l’Union (voir point 9 ci-dessus), notamment en Allemagne, et a, en conséquence, rejeté l’opposition fondée sur ce motif.

19      S’agissant, troisièmement, du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait prouvé ni l’usage réel des marques invoquées (voir point 9 ci-dessus) ni, dans les documents contractuels produits, aucune relation d’agent ou activité commerciale avec l’intervenante et a, en conséquence, rejeté l’opposition fondée sur ce motif. Par souci d’exhaustivité, la chambre de recours a ajouté que, pour certaines marques invoquées, la qualité de titulaire de la requérante n’était pas prouvée ou bien leur date de dépôt était postérieure à celle de la marque contestée ou encore leur existence n’était pas suffisamment étayée conformément à la règle 19 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 7 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], notamment faute de traduction en anglais, langue de la procédure devant elle.

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2012 et enregistrée sous le numéro d’affaire T‑235/12, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la première décision, à l’appui duquel elle a soulevé trois moyens.

21      Par l’arrêt du 11 décembre 2014, CEDC International/OHMI – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille) (T‑235/12, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2014:1058), le Tribunal a annulé la première décision.

22      À titre liminaire, le Tribunal a relevé que la requérante contestait les constatations et appréciations de l’EUIPO concernant l’ensemble des motifs de l’opposition, à savoir ceux énoncés à l’article 8, paragraphe 1, sous a), paragraphe 3, et paragraphe 4, du règlement no 207/2009, mais que, cependant, elle indiquait qu’elle limitait son argumentation aux seules conclusions de la chambre de recours sur l’évaluation des preuves d’usage présentées, car ces conclusions concernaient de la même façon tous les motifs de l’opposition (arrêt d’annulation, point 29).

23      Le Tribunal a estimé opportun d’examiner d’abord le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphes 1 et 2, du règlement no 207/2009 (devenus article 94 et article 95, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001) et portant sur les éléments de preuve à prendre en compte dans l’appréciation de l’usage sérieux de la marque française tridimensionnelle antérieure. Par ce moyen, la requérante alléguait que la chambre de recours avait, sans fournir de motivation à cet égard, omis d’examiner des éléments de preuve produits pour la première fois devant elle, comportant notamment des représentations de la bouteille de vodka portant la mention « żubrówka » sous quatre angles différents, non seulement de face, mais également de dos et de côté, et prouvant, selon la requérante, que ladite marque en forme de brin d’herbe dans une bouteille était nettement visible et avait effectivement été utilisée (arrêt d’annulation, points 30 et 31).

24      Le Tribunal a relevé que les cinq annexes produites pour la première fois devant la chambre de recours étaient les suivantes :

–        des articles de la presse française et des extraits de forums de sites Internet français, datant de la période allant de 1998 à 2003 et contenant des représentations de la bouteille de vodka portant la mention « żubrówka » ainsi que des déclarations selon lesquelles, en substance, la vodka de marque ŻUBRÓWKA à la « fameuse herbe de bison » « se reconna[issai]t facilement grâce au brin d’herbe aromatique présent dans la bouteille » ;

–        un extrait du Wallpaper City Guide pour la ville de Varsovie (Pologne) ;

–        une déclaration du 16 février 2011, rédigée en polonais et traduite en anglais, émanant de M. K., spécialiste technologique responsable de l’étiquetage au sein de la requérante depuis 1992 (ci-après la « déclaration de M. K. ») ;

–        un poster intitulé « Żubrówka herbe de bison vodka » ;

–        un extrait du site Internet « Wikipédia » (arrêt d’annulation, point 50).

25      À la déclaration de M. K. étaient jointes quatre photographies de bouteilles de vodka de marque ŻUBRÓWKA, telles qu’exportées en France durant la période pertinente selon lui, et montrant les quatre représentations suivantes, où la bouteille apparaissait respectivement de face, sous deux côtés opposés et de dos (arrêt d’annulation, point 52) :

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26      Le Tribunal en a déduit que l’assertion de la chambre de recours, au point 16 de la première décision, selon laquelle « aucune autre présentation [que les vues de face] n’a[vait] été produite » devait être comprise comme se référant aux éléments de preuve d’usage produits devant la division d’opposition dans le délai imparti par celle-ci, mais non à ceux tardivement produits devant la chambre de recours. Dès lors, le Tribunal a considéré que la chambre de recours avait pris en compte uniquement les éléments produits par la requérante devant la division d’opposition et non les éléments de preuve d’usage produits pour la première fois devant elle, en particulier la déclaration de M. K. et les photographies qui y étaient jointes, ainsi que les articles de la presse française et les extraits de forums de sites Internet français. Le Tribunal a constaté que la chambre de recours n’avait pas exercé le pouvoir d’appréciation dont elle était investie quant à la prise en compte des éléments de preuve d’usage produits pour la première fois devant elle et n’avait fourni aucune motivation à cet égard (arrêt d’annulation, points 54, 55 et 61).

27      Le Tribunal a également considéré que, parmi les éléments supplémentaires tardivement produits, à tout le moins la déclaration de M. K. et les représentations de la bouteille, vue de face, sous deux côtés opposés et de dos, qui y étaient jointes (voir points 24 et 25 ci-dessus) ainsi que les articles de la presse française et les extraits de forums de sites Internet français, remplissaient les deux conditions jurisprudentielles susceptibles, en principe, de justifier leur prise en compte par l’EUIPO. En particulier, le Tribunal a estimé que la déclaration de M. K. et les représentations de la bouteille, vue de face, sous deux côtés opposés et de dos, qui y étaient jointes, étaient, de prime abord, susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant l’EUIPO, dans la mesure où leur éventuelle prise en compte eût été de nature à remettre en cause les appréciations de la chambre de recours sur les preuves d’usage, énoncées aux points 17 et 18 de la première décision (voir points 16 et 17 ci-dessus), selon lesquelles, premièrement, « la ligne diagonale n’[était] pas apposée à la surface extérieure et ne figurait pas sur l’étiquette elle-même », deuxièmement, « en raison de la présence de l’étiquette, il n’[était] pas possible de voir ce qui se trouv[ait] derrière elle ou dans les bouteilles » et, troisièmement, « [d]ans ces circonstances, il y a[vait] lieu de conclure que [la requérante] n’a[vait] pas prouvé la nature de l’usage » de la marque française tridimensionnelle antérieure (arrêt d’annulation, points 63 et 64).

28      À cet égard, le Tribunal a souligné que le caractère tridimensionnel d’une marque telle que celle en cause s’opposait à une vision statique, en deux dimensions, et commandait une perception dynamique, en trois dimensions. Ainsi, une marque tridimensionnelle pourrait, en principe, être perçue de plusieurs côtés par le consommateur pertinent. Quant aux preuves de l’usage d’une telle marque, il convenait donc de les prendre en compte, selon le Tribunal, non en tant que reproductions de sa visibilité en deux dimensions, mais en tant que représentations de sa perception en trois dimensions par le consommateur pertinent. Par suite, des représentations de côté et de dos d’une marque tridimensionnelle étaient, en principe, susceptibles de revêtir une réelle pertinence aux fins d’apprécier l’usage sérieux de ladite marque et ne pouvaient être écartées au simple motif qu’elles ne constituaient pas des reproductions de face (arrêt d’annulation, point 65).

29      Le Tribunal a conclu que la chambre de recours était tenue d’exercer, de façon objective et motivée, son pouvoir d’appréciation quant à la prise en compte des éléments de preuve tardivement produits qui remplissaient les deux critères posés par la jurisprudence, à savoir, à tout le moins, la déclaration de M. K. et les représentations de la bouteille, vue de face, sous deux côtés opposés et de dos, qui y étaient jointes ainsi que les articles de la presse française et les extraits de forums de sites Internet français. Dès lors, en s’abstenant d’exercer, de façon objective et motivée, son pouvoir d’appréciation quant à la prise en compte des éléments de preuve d’usage de la marque française tridimensionnelle antérieure produits pour la première fois devant elle, la chambre de recours avait violé l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ainsi que, compte tenu du défaut de motivation ainsi constaté, l’article 75 du même règlement. Le Tribunal a également considéré qu’il s’agissait de preuves supplémentaires, venant s’ajouter aux preuves pertinentes produites dans le délai imparti (arrêt d’annulation, points 68, 69, 87 et 100).

30      Au vu du bien-fondé du troisième moyen, sans qu’il fût besoin d’examiner les premier et deuxième moyens, le Tribunal a accueilli le recours et, partant, annulé la première décision (arrêt d’annulation, point 103).

31      Par décision du présidium des chambres de recours du 23 juin 2015, l’affaire a été renvoyée devant la quatrième chambre de recours, sous la référence R 1248/2015‑4, afin qu’elle statue à nouveau.

32      Par décision du 29 août 2016 (ci-après la « décision attaquée ») dans l’affaire R 1248/2015-4, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

33      En particulier, la chambre de recours a considéré que, même si elle exerçait son pouvoir d’appréciation pour tenir compte des preuves produites tardivement en faveur de la requérante, ces preuves ne modifiaient en rien sa décision antérieure, selon laquelle la requérante n’avait pas prouvé la nature de l’usage et, partant, l’usage sérieux de la marque française tridimensionnelle antérieure, conformément à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001) (point 35 de la décision attaquée).

34      D’emblée, la chambre de recours a observé que c’était la représentation graphique de la marque telle qu’elle avait été déposée qui définissait la portée de sa protection, et non la description de la marque qui avait été fournie par la requérante. Elle a ajouté qu’une description de marque devait définir ce qui pouvait être vu sur la représentation d’une marque et que la portée de la protection n’était pas élargie par une interprétation possible de ce que voulait dire la demanderesse par cette représentation ou de ce qu’elle avait à l’esprit. En l’espèce, la chambre de recours a relevé que la représentation graphique de la marque française tridimensionnelle antérieure montrait une bouteille de forme commune sur laquelle apparaissait une ligne qui partait en diagonale du côté gauche de la bouteille, démarrant juste sous le goulot, vers le bord inférieur de la bouteille ; que la ligne, présentée comme une partie fixe du corps de la bouteille, était une ligne diagonale droite et rien d’autre et que la description fournie par la requérante ne modifiait en rien cette constatation, car la portée de la protection de la marque n’était pas définie par l’intention de la requérante lors du dépôt de la marque (points 38 et 39 de la décision attaquée).

35      La chambre de recours a constaté qu’aucune des preuves produites en première instance ne montrait la marque dans sa forme enregistrée, c’est-à-dire telle qu’elle était représentée graphiquement dans le registre. En effet, aucune des bouteilles ne présentait une ligne diagonale ininterrompue, encore moins la même ligne que celle faisant partie de la marque antérieure ; cette ligne n’était pas apposée sur la surface extérieure de l’une des bouteilles présentées et n’apparaissait pas sur l’étiquette elle-même ou à travers celle-ci et il était impossible de voir ce qui pouvait se trouver dans la bouteille derrière l’étiquette, parce que l’étiquette non transparente couvrait presque l’intégralité de la surface de la bouteille. La chambre de recours a ajouté que la requérante avait produit devant elle des preuves supplémentaires dans lesquelles figuraient des bouteilles, certaines étant munies d’étiquettes illisibles et d’autres munies d’étiquettes portant la mention « żubrówka bison vodka », mais que toutes les bouteilles, comme celles présentées en première instance, étaient munies d’une étiquette non transparente, empêchant ce qui se trouvait derrière d’être vu, et ne présentaient pas la ligne diagonale faisant partie de la marque antérieure sur la surface extérieure de la bouteille ou traversant l’étiquette elle-même. S’agissant des preuves produites tardivement et plus particulièrement des photographies, jointes à la déclaration de M. K., de la bouteille munie de l’étiquette portant la mention « żubrówka bison vodka » et représentée cette fois non seulement avec une vue de face, mais aussi avec des vues de dos et des deux côtés, la chambre de recours a constaté que, sur les vues de côté figurant sur chaque photo, une ligne allongée ininterrompue pouvait être observée et que, bien qu’elles soient légèrement différentes sur les deux photos, ces lignes n’étaient aucunement identiques à la ligne diagonale droite qui faisait partie de la marque antérieure : par exemple, elles n’avaient pas la même position, étaient bien plus longues, ne démarraient pas au même endroit dans la partie inférieure de la bouteille et n’étaient pas totalement droites (points 40 à 42 de la décision attaquée).

36      La chambre de recours a estimé que cet usage, tel que montré par la requérante, n’était pas l’usage de la marque telle qu’elle était enregistrée, mais n’était pas non plus un usage sous une forme qui différait par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci avait été enregistrée au sens de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001]. À cet égard, elle a tenu compte du fait que le caractère distinctif de la marque française antérieure en tant que telle était plutôt faible, car celle-ci se composait d’une bouteille à la forme commune munie d’une ligne droite simple placée dans une position spécifique et d’une longueur spécifique, et, en réalité, dans l’impression globale, c’était cette ligne et son positionnement et sa longueur spécifique qui rendaient la marque légèrement distinctive. Ainsi, la portée de la protection de la marque antérieure telle qu’elle était définie par sa représentation graphique était très faible et, par conséquent, une forme différant de la manière présentée dans les preuves produites ne constituait aucunement un usage de la marque antérieure. La chambre de recours a encore souligné que l’explication de la requérante selon laquelle ce qui se trouvait dans les bouteilles présentées dans les preuves produites était un brin d’herbe, lequel était une caractéristique importante de sa vodka de marque ŻUBRÓWKA, ne plaidait pas en sa faveur et n’était pas pertinent, car la marque française antérieure ne protégeait pas le concept d’un brin d’herbe dans une bouteille (points 43 à 45 de la décision attaquée).

37      La chambre de recours a conclu que, même en tenant compte des preuves produites pour la première fois devant elle, la requérante n’avait pas démontré la nature de l’usage de la marque française tridimensionnelle antérieure, qui était une exigence nécessaire afin de prouver l’usage sérieux de cette marque antérieure conformément à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009. Elle en a déduit que, pour cette seule raison, il n’était pas nécessaire d’examiner plus avant les preuves produites tardivement et s’il convenait ou non de tenir compte de ces preuves dans leur ensemble. Selon elle, il n’en restait pas moins que l’opposition fondée sur la marque française tridimensionnelle antérieure et les motifs établis à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009 était rejetée. En ce qui concerne les autres motifs de l’opposition et les autres droits antérieurs invoqués, la chambre de recours a « renvo[yé] explicitement au raisonnement contenu dans sa décision du 26 mars 2012 dans l’affaire R 2506/2010-4 ». Elle a conclu que l’opposition était rejetée pour tous les motifs et tous les droits antérieurs sur lesquels l’opposition était fondée (points 46 à 49 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

38      Par lettre du 4 mai 2017, l’EUIPO a demandé la suspension de la présente procédure. Il a expliqué qu’il avait estimé approprié de reprendre l’examen des motifs absolus concernant la marque demandée, sur le fondement de l’article 45, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, et que cet examen pouvait aboutir au rejet de la demande conformément à l’article 7 du même règlement. Il a ajouté que, si tel était le cas, l’opposition formée par la requérante deviendrait caduque et que le présent recours devant le Tribunal deviendrait sans objet, conformément à l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

39      Par lettres du 22 mai 2017, la requérante et l’intervenante ont présenté leurs observations sur la demande de suspension de l’EUIPO et ne s’y sont pas opposées.

40      Le 29 mai 2017, le président de la huitième chambre du Tribunal (ancienne composition) a décidé, conformément à l’article 69, sous c), du règlement de procédure, de suspendre la présente procédure jusqu’à ce que l’EUIPO informe le Tribunal de l’adoption d’une nouvelle décision à la suite du réexamen des motifs absolus de refus concernant la marque demandée.

41      Par lettre du 13 mai 2019, l’intervenante a informé le Tribunal des développements suivants. L’examinateur avait rouvert l’examen sur le fondement de deux motifs de refus. Premièrement, le 10 mai 2017, il avait émis des objections à l’enregistrement de la marque demandée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, puis du règlement 2017/1001]. L’intervenante avait surmonté cette objection en ajustant la description de la marque demandée par l’ajout de la formulation (non encore mentionnée dans le registre de l’EUIPO) suivant laquelle « [l]a marque [était] une marque de position » et « [l]’objet de la marque [était] un brin d’herbe vert-brun mis dans une bouteille, placé en diagonale entre le fond de la bouteille et le goulot de celle-ci, et dont la longueur correspond[ait] aux trois quarts environ de la hauteur de la bouteille ». Deuxièmement, le 30 janvier 2018, l’examinateur avait émis une objection à l’enregistrement de la marque demandée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement no 207/2009, puis du règlement 2017/1001]. L’examinateur avait considéré, en substance, que la marque demandée montrait un brin d’herbe dans une bouteille, qui ne représentait pas une déviation significative des normes et des pratiques de l’industrie, étant donné que les herbes et les plantes dans des bouteilles avaient toujours été utilisées dans la production de spiritueux, comme il ressortait de trois preuves glanées sur Internet (comportant une bouteille de marque ŻUBRÓWKA et d’autres bouteilles de vodkas polonaises, de marque GRASOVKA et avec un terme illisible). Le 10 juillet 2018, l’examinateur avait refusé l’enregistrement de la marque demandée. L’intervenante avait formé un recours à l’encontre de cette décision, sous le numéro R 1651/2018-4. Par décision du 12 avril 2019, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO avait annulé la décision de l’examinateur et établi que les motifs de refus énoncés aux articles 41 et 42 du règlement 2017/1001 n’étaient pas présents concernant la marque demandée. En particulier, la chambre de recours avait critiqué des violations procédurales commises par l’examinateur, qui constituaient selon elle un « salami […] inadmissible », ainsi que les preuves produites par l’examinateur, qui se rapportaient à une date postérieure à la date du dépôt de la demande de marque, à savoir le 1er avril 1996, et concernaient la Pologne, laquelle n’était pas un État membre de l’Union à cette date. Elle avait estimé que, 23 ans plus tard, il était pratiquement impossible d’évaluer les conditions de marché rétrospectivement pour l’année 1996 et une Communauté européenne de quinze États membres. En conséquence de tous ces développements, l’intervenante a demandé au Tribunal la reprise de la présente procédure.

42      Par lettre du 3 juin 2019, l’EUIPO a présenté ses observations sur la demande de reprise de la procédure de l’intervenante. Il a informé le Tribunal que le réexamen de la marque demandée était clos, à la suite de la décision définitive de la quatrième chambre de recours dans l’affaire R 1651/2018‑4, et que la présente procédure pouvait reprendre.

43      Par lettre du 3 juin 2019, la requérante a réagi à la demande de l’intervenante. Elle a demandé au Tribunal d’obliger l’EUIPO à soumettre au Tribunal, aux fins de la présente procédure, le dossier complet de la procédure de réexamen de la marque demandée devant l’EUIPO, auquel elle n’avait pu avoir accès malgré ses requêtes, pour des raisons de « confidentialité » et sous prétexte qu’il s’agissait d’une « demande de marque non publiée » (alors que celle-ci avait été publiée en 2003, voir point 5 ci-dessus). Elle a également demandé une extension de la date limite pour soumettre des observations sur la demande de reprise de la procédure de l’intervenante, à une nouvelle date tombant un mois après la soumission du dossier complet par l’EUIPO au Tribunal et de sa mise à disposition pour accès, pour pouvoir ainsi évaluer le bien-fondé de la décision de la chambre de recours dans l’affaire R 1651/2018-4 et, partant, de la reprise de la procédure.

44      Par lettre du 9 juillet 2019, l’intervenante s’est opposée à la demande de production de documents de la requérante, au motif que l’objet du présent litige devant le Tribunal était uniquement la décision de la chambre de recours dans l’affaire R 1248/2015‑4, laquelle concernait l’usage sérieux d’une marque tridimensionnelle antérieure en France entre 1998 et 2003 (procédure d’opposition) et non le caractère distinctif de la position d’un brin d’herbe dans une bouteille dans l’Union en 1996 (procédure de réexamen).

45      Par lettre du 10 juillet 2019, l’EUIPO s’est également opposé à la demande de production de documents de la requérante, au motif que cette dernière n’était pas partie à la procédure ex parte de réexamen, distincte de la procédure inter partes d’opposition ayant donné lieu au présent recours. Il a ajouté que, si, à la suite de sa notification d’irrégularité de la requête d’ouverture à inspection publique de la requérante, à laquelle celle-ci n’avait pas répondu, une décision de rejet devait être rendue, cette dernière pourrait former un recours.

46      Le 12 août 2019, le président de la huitième chambre du Tribunal (ancienne composition) a rejeté la demande de production de documents de la requérante et, partant, ordonné la reprise de la présente procédure.

47      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée le 4 octobre 2019, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 22 octobre 2019, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure.

48      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens exposés dans le cadre des procédures devant le Tribunal et devant la chambre de recours.

49      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

50      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris à tous ceux encourus par l’intervenante.

 En droit

51      À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001). Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 (devenue article 10, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625) ainsi que de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphes 1 et 2, du règlement no 207/2009.

 Observations liminaires

 Sur le droit applicable ratione temporis

52      Il ressort du dossier que la chambre de recours a appliqué le règlement no 207/2009 (voir point 3 de la décision attaquée), que la requérante a fondé ses moyens sur ce règlement (voir point 4 de la requête), que l’intervenante a fondé sa réponse sur ledit règlement et que l’EUIPO, dans son mémoire en réponse, a invoqué une version du « RMUE » dont les numéros des dispositions correspondent à ceux du même règlement.

53      Toutefois, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, l’EUIPO a relevé que, la date du dépôt de la demande de marque étant déterminante, le droit applicable en l’espèce, du moins pour les aspects de fond, était le règlement no 40/94.

54      Il y a lieu de considérer que, compte tenu de la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, en l’occurrence le 1er avril 1996, laquelle est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable (voir, en ce sens, ordonnance du 26 octobre 2015, Popp et Zech/OHMI, C‑17/15 P, non publiée, EU:C:2015:728, point 2 ; arrêt du 12 décembre 2019, EUIPO/Wajos, C‑783/18 P, non publié, EU:C:2019:1073, point 2), et compte tenu de la date d’adoption de la décision attaquée, en l’occurrence le 29 août 2016, laquelle est déterminante aux fins de l’identification du droit procédural applicable, le présent litige est régi, d’une part, par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 et, d’autre part, par les dispositions procédurales du règlement no 207/2009. Les dispositions matérielles de ces deux règlements pertinentes pour les besoins du présent litige sont, en substance, identiques.

55      En ce qui concerne le deuxième moyen, tiré de la violation de diverses dispositions de droit matériel, eu égard à l’identité, en substance, des dispositions pertinentes des règlements no 40/94 et no 207/2009, le Tribunal appliquera les dispositions matérielles du règlement no 40/94. Cependant, il y a lieu de considérer que l’application, par la chambre de recours, des dispositions identiques du règlement no 207/2009, au demeurant non contestée par la requérante, ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée. En effet, l’application ratione temporis de l’un ou l’autre de ces règlements n’amène pas à un résultat différent et toute remise en cause de ladite décision sur ce fondement serait inopérante.

56      En ce qui concerne les premier et troisième moyens, tirés de la violation de plusieurs dispositions procédurales, la décision attaquée ayant été adoptée le 29 août 2016, les dispositions du règlement no 207/2009, le cas échéant telles que modifiées par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement no 207/2009 et le règlement no 2868/95, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21), leur sont applicables (voir, en ce sens, arrêt du 31 octobre 2019, Repower/EUIPO, C‑281/18 P, EU:C:2019:916, points 2 et 3). Plus précisément, l’article 4 du règlement 2015/2424 prévoit que ce règlement entre en vigueur le 23 mars 2016, mais que certaines dispositions du règlement no 207/2009, au nombre desquelles figure l’article 75, ne s’appliqueront qu’à compter du 1er octobre 2017. En l’espèce, compte tenu de la date d’adoption de la décision en cause, l’article 75 du règlement no 207/2009 dans sa version initiale demeure applicable à cette décision. En revanche, en l’absence de disposition transitoire, l’article 65, paragraphe 6, et l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 s’appliquent à ladite décision tels que modifiés par le règlement 2015/2424. En définitive, l’application ratione temporis des versions initiales ou modifiées des dispositions procédurales du règlement no 207/2009 n’amène pas à un résultat différent pour le traitement des premier et troisième moyens.

 Sur l’objet du présent litige

57      La requérante conteste les appréciations de l’EUIPO au sujet de tous  les motifs de l’opposition, à savoir l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), paragraphe 3, et paragraphe 4, du règlement no 207/2009. Elle limite toutefois son argumentation aux conclusions de la chambre de recours relatives à l’appréciation de la preuve qu’elle a fournie de son usage de la marque française tridimensionnelle antérieure, étant donné que, selon elle, les conclusions à ce sujet affectent tous les motifs de l’opposition, en raison du fait que toutes les marques tridimensionnelles antérieures (voir point 9 ci-dessus) représentaient une bouteille nue avec un brin d’herbe à l’intérieur.

58      Pour sa part, l’EUIPO a indiqué, lors de l’audience, qu’il « n’[étai]t pas d’accord » avec la décision du 12 avril 2019 de la quatrième chambre de recours dans l’affaire R 1651/2018-4 (voir point 41 ci-dessus), qui avait annulé la décision de l’examinateur, et qu’il considérait que la marque demandée aurait dû se voir refuser un enregistrement pour absence de caractère distinctif en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, eu égard au fait notoire de la pratique traditionnelle, dans le secteur des boissons alcooliques, de placer dans des bouteilles des matières organiques qui sont visibles pour les consommateurs. Toutefois, l’EUIPO a précisé que, cette décision de la quatrième chambre de recours étant définitive, il convenait de partir de la prémisse que l’examen des motifs absolus était finalement clos, à moins que de nouveaux éléments de fait ne surviennent, et que, par conséquent, il convenait de présumer que la marque demandée présentait un minimum de caractère distinctif intrinsèque. De même, tout en exprimant des doutes sur la question de savoir si et dans quelle mesure la marque antérieure respectait l’exigence de clarté et de précision, l’EUIPO a reconnu qu’il convenait de présumer, pour le présent litige, que cette marque était valablement enregistrée. Pour autant, l’EUIPO a considéré que ces doutes concernant la possibilité de protection des deux marques en conflit devaient se refléter au moment de déterminer la portée de la protection respective de ces marques ainsi que d’examiner si l’usage de la marque antérieure correspondait bien à la marque telle que représentée dans l’enregistrement.

59      En premier lieu, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que le présent litige n’a pas pour objet la validité de la marque demandée. En effet, le Tribunal n’est pas saisi dans le cadre d’une procédure de réexamen (voir point 41 ci-dessus) ou de nullité, mais dans le cadre d’une procédure d’opposition.

60      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les motifs absolus de refus visés à l’article 7 du règlement no 40/94 n’ont pas à être examinés dans le cadre d’une procédure d’opposition et que cet article ne figure pas parmi les dispositions au regard desquelles la légalité de la décision attaquée doit être appréciée. Si le requérant considère que la marque demandée contrevient aux dispositions dudit article, il lui appartient de présenter à l’EUIPO une demande en nullité en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94 [devenu article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, puis article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] [voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2014, Fuchs/OHMI – Les Complices (Étoile dans un cercle), T‑342/12, EU:T:2014:858, point 58 et jurisprudence citée ; ordonnance du 3 décembre 2018, Classic Media/EUIPO – Pirelli Tyre (CLASSIC DRIVER), T‑811/17, non publiée, EU:T:2018:894, point 27]. De même, dans la mesure où il est allégué, au point 7.39 de la requête, que « la marque demandée a été déposée de mauvaise foi par un ancien distributeur des produits de la requérante », il est loisible à cette dernière de présenter à l’EUIPO une demande en nullité pour cause de mauvaise foi en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 [devenu article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, puis article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

61      En deuxième lieu, le présent litige n’a pas non plus pour objet la validité de la marque antérieure, qui doit être présumée.

62      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour ne pas enfreindre l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, il doit être reconnu un certain degré de caractère distinctif à une marque nationale invoquée à l’appui d’une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI, C‑196/11 P, EU:C:2012:314, point 47). Ainsi, même si la marque nationale enregistrée devrait être considérée comme étant dépourvue d’un caractère distinctif élevé, elle devrait toutefois se voir reconnaître, en raison même de son enregistrement, un minimum de caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 44].

63      En troisième lieu, l’objet principal du présent litige est l’existence, ou non, d’un usage sérieux (en France durant la période pertinente) de la marque française tridimensionnelle antérieure, telle que représentée et enregistrée. En revanche, le présent litige ne porte pas non plus sur l’usage sérieux d’autres marques verbales ou figuratives de la requérante, telles que ŻUBRÓWKA BISON VODKA.

64      Il convient maintenant d’examiner les trois moyens soulevés par la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009

65      Par le premier moyen, la requérante allègue que la chambre de recours, en adoptant la décision attaquée, n’a pas respecté les appréciations et les orientations du Tribunal contenues dans l’arrêt d’annulation.

66      En premier lieu, la chambre de recours aurait appuyé sa décision sur des prémisses incorrectes relatives à la nature de la marque antérieure, reprises de sa première décision annulée, en décrivant une « ligne » sur le corps de la bouteille, et non un brin d’herbe dans une bouteille. Or, d’abord, au point 8 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal aurait confirmé que la marque tridimensionnelle « correspond[ait] » à la description.

67      En deuxième lieu, la chambre de recours n’aurait pas apprécié correctement les cinq éléments de preuve produits tardivement (voir point 24 ci-dessus) et les aurait jugés sans pertinence pour l’analyse de l’usage sérieux, malgré les instructions contraires du Tribunal (arrêt d’annulation, points 63 à 66 et 68). Elle n’aurait pas du tout tenu compte de ces preuves, car elle n’aurait ni apprécié leur recevabilité ni effectué une analyse au fond sur elles. En particulier, elle n’aurait pas examiné les articles de la presse française ni les extraits de sites Internet français que le Tribunal estimait pertinents. De plus, la chambre de recours aurait porté sur la déclaration de M. K. (arrêt d’annulation, point 51) une appréciation « extrêmement courte et illusoire » avant de conclure que cet élément de preuve ne démontrait pas l’usage de la marque antérieure telle qu’enregistrée, alors que le Tribunal aurait constaté que cet élément était susceptible de revêtir une réelle pertinence pour le sort de l’opposition (arrêt d’annulation, point 64).

68      En troisième lieu, la chambre de recours aurait appliqué un critère erroné et inadéquat de l’usage sérieux d’une marque tridimensionnelle, contrairement aux orientations du Tribunal selon lesquelles le critère correct pour analyser les preuves d’un tel usage serait la perception dynamique, de plusieurs côtés (arrêt d’annulation, point 65). Ainsi, la présence d’une étiquette n’empêcherait pas une perception claire de la marque tridimensionnelle depuis les autres côtés. Enfin, l’affirmation selon laquelle il serait impossible de voir ce qui se trouve derrière l’étiquette contredirait le constat du Tribunal selon lequel « sur les photographies [reproduites au point 15 ci-dessus], c’est un brin d’herbe – et non un objet oblong quelconque – se trouvant à l’intérieur d’une bouteille qui est visible pour l’observateur » (arrêt d’annulation, point 91).

69      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

70      Il convient de rappeler que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, en vertu de l’article 266 TFUE, et de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement 2015/2424, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un éventuel arrêt d’annulation du juge de l’Union.

71      Il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’EUIPO des injonctions et il incombe à ce dernier de tirer, le cas échéant, les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal [arrêts du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, EU:T:2001:33, point 33 ; du 6 octobre 2011, Bang & Olufsen/OHMI (Représentation d’un haut-parleur), T‑508/08, EU:T:2011:575, point 31, et du 7 décembre 2017, Coca-Cola/EUIPO – Mitico (Master), T‑61/16, EU:T:2017:877, point 35].

72      Selon une jurisprudence constante, un arrêt d’annulation opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique [voir arrêt du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, EU:T:2009:85, point 21 et jurisprudence citée ; arrêts du 8 juin 2017, Bundesverband Deutsche Tafel/EUIPO – Tiertafel Deutschland (Tafel), T‑326/16, non publié, EU:T:2017:380, point 18, et du 8 février 2018, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO – Marpefa (Vieta), T‑879/16, EU:T:2018:77, point 37].

73      Il ressort de cette même jurisprudence que, pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont mené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (arrêts du 25 mars 2009, ARCOL, T‑402/07, EU:T:2009:85, point 22 ; du 8 juin 2017, Tafel, T‑326/16, non publié, EU:T:2017:380, point 19, et du 8 février 2018, Vieta, T‑879/16, EU:T:2018:77, point 38).

74      En premier lieu, s’agissant de l’identification correcte de la marque antérieure, force est de relever que, au point 8 de l’arrêt d’annulation, lorsque le Tribunal a déclaré que la marque antérieure « correspond[ait] à la description suivante », le terme « correspond[ait] » signifiait simplement que cette marque avait été déposée en étant accompagnée d’une description. En revanche, le Tribunal ne s’est nullement prononcé sur l’objet de la protection conférée par ladite marque et, partant, n’a nullement constaté que cette description correspondît à la représentation, ni que la ligne représentée dans cette marque fût un brin d’herbe.

75      De plus, au point 91 de l’arrêt d’annulation, lorsque le Tribunal a constaté que, « sur les photographies reproduites [au point 15 ci-dessus], c’est un brin d’herbe – et non un objet oblong quelconque – se trouvant à l’intérieur d’une bouteille qui est visible pour l’observateur », il en a seulement tiré la conclusion que « [l]es photographies [reproduites au point 25 ci-dessus] ne sauraient donc constituer la première et unique preuve de l’usage d’un brin d’herbe placé à l’intérieur d’une bouteille », tranchant ainsi une question procédurale logiquement préalable à l’examen du fond de l’affaire. Ce faisant, le Tribunal a évoqué certaines preuves d’usage supplémentaires telles que produites, où apparaissait un brin d’herbe. En revanche, le Tribunal ne s’est nullement prononcé sur la marque antérieure telle qu’enregistrée (voir point 7 ci-dessus) et n’a nullement constaté que celle-ci comportât un brin d’herbe. Au demeurant, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal n’a examiné que le troisième moyen, de procédure, tiré de la violation des articles 75 et 76 du règlement no 207/2009, et non le deuxième moyen, de fond, tiré de la violation de l’article 15 du même règlement.

76      En deuxième lieu, s’agissant du reproche fait à la chambre de recours de n’avoir procédé à aucun examen des éléments de preuve produits tardivement (voir point 24 ci-dessus), en particulier les articles de la presse française et les extraits de sites Internet français excepté la déclaration de M. K., il convient de rappeler que, aux points 101 et 102 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a jugé ce qui suit :

« Au surplus, la question de savoir s’il y avait lieu ou non de prendre en compte les éléments de preuve supplémentaires produits devant elle n’ayant pas été examinée par la chambre de recours, il n’appartient pas au Tribunal de l’examiner, pour la première fois, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée […]

Il reviendra donc à la chambre de recours d’apprécier, dans le respect des enseignements découlant de la jurisprudence et du présent arrêt, en tenant dûment compte de l’ensemble des circonstances pertinentes ainsi qu’en motivant sa décision à cet égard, s’il y a lieu de prendre en considération les éléments de preuve supplémentaires produits pour la première fois devant elle par la requérante, aux fins de la décision qu’elle est appelée à rendre sur le recours dont elle demeure saisie […] »

77      Le Tribunal a donc laissé au pouvoir d’appréciation de la chambre de recours la décision de tenir compte ou non des preuves tardives.

78      Or, il ressort des points 41 et 42 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en compte les preuves tardives, bien que les considérant comme étant sans pertinence. En effet, elle a examiné ces preuves au regard des critères de l’« usage [de la marque] telle qu’[…] enregistrée » et a constaté que la requérante n’avait pas établi la nature de l’usage de la marque telle qu’enregistrée, en raison de la présence de l’étiquette non transparente et des différences de nature, de longueur et de position entre les lignes, tout en prenant dûment en considération les vues de la bouteille de face, de dos et des côtés.

79      La chambre de recours a ainsi exercé son pouvoir d’appréciation et tenu compte des preuves produites tardivement en décidant que ces preuves ne prouvaient pas la nature de l’usage de la marque telle qu’enregistrée et, de plus, ne prouvaient pas un usage qui n’altérait pas le caractère distinctif de la marque au sens de l’article 15 du règlement no 207/2009. Par conséquent, au point 47 de la décision attaquée, elle a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner « plus avant » les preuves, concernant la durée, le lieu et l’importance de l’usage, ainsi que la valeur probante des éléments de preuve.

80      Force est effectivement de constater que, si la chambre de recours considérait qu’aucune preuve de la nature de l’usage de la marque telle qu’enregistrée n’avait été produite par la requérante (appréciation dont le bien-fondé fait l’objet du deuxième moyen), il n’était pas nécessaire d’examiner « plus avant » les exigences en matière d’usage.

81      En troisième lieu, quant au grief tiré du critère d’appréciation de l’usage pour les marques tridimensionnelles, il suffit de relever que la chambre de recours n’a pas appliqué un critère inadéquat de l’usage sérieux de la marque tridimensionnelle, mais a procédé à une analyse dynamique des preuves d’usage, en tenant compte non seulement des vues de face et de dos, mais aussi des deux vues latérales, ainsi qu’il résulte du point 42 de la décision attaquée, où elle a constaté que, « [s]ur les vues de côté […], une ligne allongée ininterrompue p[ouvai]t être observée ». Partant, ce grief est non fondé.

82      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, ainsi que de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009

83      Par le deuxième moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir estimé que les preuves présentées (devant la division d’opposition et devant la chambre de recours) n’établissaient pas un usage sérieux de la marque française tridimensionnelle antérieure pendant la période pertinente. Elle invoque à cet égard quatre griefs.

84      Par le premier grief, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas identifié correctement la marque antérieure en affirmant, à tort, au point 39 de la décision attaquée, que « [l]a ligne, présentée comme une partie fixe du corps de la bouteille, [était] une ligne diagonale droite et rien d’autre », alors qu’il s’agirait d’une bouteille avec un brin d’herbe à l’intérieur. En somme, la requérante fait grief à la chambre de recours de n’avoir pas tenu compte de la perception de la marque française tridimensionnelle antérieure comme comportant un brin d’herbe à l’intérieur de la bouteille, ce qui correspondrait, premièrement, aux constatations du Tribunal dans l’arrêt d’annulation, deuxièmement, à la représentation, au type tridimensionnel et à la description de cette marque, indiqués dans son certificat d’enregistrement, et, troisièmement, aux éléments de preuve produits. C’est à tort que la chambre de recours aurait continué de se référer à la notion artificielle de « bouteille de forme commune sur laquelle appara[issai]t une ligne […] sur le corps de la bouteille » et aurait déclaré que « la ligne » ne pourrait pas être considérée comme un brin d’herbe se trouvant dans la bouteille.

85      Par le deuxième grief, la requérante allègue que la chambre de recours a, « une fois encore », appliqué un critère erroné et inadéquat de l’usage sérieux de la marque française tridimensionnelle antérieure, en raison de son approche « simpliste et bidimensionnelle » de cette marque, alors que le caractère tridimensionnel d’une marque exclurait une vision statique, bidimensionnelle, et commanderait une perception dynamique et tridimensionnelle. En outre, la chambre de recours ne pourrait pas se limiter à apprécier les éléments de preuve indépendamment les uns des autres, mais devrait les analyser ensemble en ayant à l’esprit les relations entre eux, en particulier entre les différentes vues de la forme utilisée sur le marché. Elle aurait dû tenir compte de tous les éléments de preuve, afin d’appliquer un critère dynamique pour apprécier la perspective du consommateur, qui pourrait percevoir la marque en cause de plusieurs côtés.

86      Par le troisième grief, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la possibilité de l’usage simultané de plusieurs marques de différents types en affirmant à tort que l’utilisation de l’étiquette modifiait le caractère distinctif de la marque française tridimensionnelle antérieure. Ainsi, en rejetant à nouveau certains éléments de preuve uniquement en raison de la présence d’une étiquette portant le terme « żubrówka », qui prétendument rendait impossible de voir ce qu’il y avait derrière elle, la chambre de recours aurait violé la jurisprudence de la Cour selon laquelle il peut y avoir un usage sérieux simultané de plusieurs marques sur un même produit, bien qu’elles aient été enregistrées séparément. Dans la présente affaire, la marque française tridimensionnelle antérieure serait utilisée conjointement avec des marques d’autres types (verbales et figuratives) apposées sur une étiquette, dont la présence n’empêcherait pas un usage sérieux de ladite marque, pour quatre raisons. Premièrement, malgré la présence de l’étiquette, le brin d’herbe serait clairement visible dans la vue de face. Deuxièmement, la nature même de la marque tridimensionnelle présupposerait une analyse dynamique de la preuve de l’usage sérieux, d’autant plus que le brin d’herbe placé à l’intérieur d’une bouteille simple et transparente serait parfaitement visible depuis les côtés, où l’étiquette n’interférerait aucunement avec l’élément tridimensionnel (voir les photos de côté au point 25 ci-dessus). Troisièmement, selon la jurisprudence, l’utilisation simultanée de plusieurs marques de manière autonome sur un produit serait une pratique courante du marché, spécialement dans le secteur des boissons alcoolisées, et les consommateurs seraient habitués à cette pratique. Quatrièmement, les boissons alcoolisées devraient toujours avoir une étiquette contenant certaines informations et seraient soumises à certaines prescriptions légales. Par conséquent, la présence de l’étiquette ne pourrait pas être un facteur excluant l’usage sérieux de la marque tridimensionnelle telle qu’enregistrée.

87      Par le quatrième grief, la requérante allègue que la chambre de recours a mal apprécié l’usage sérieux au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 en le restreignant erronément aux seuls cas où la forme est « la même » ou « identique » à celle enregistrée et en ne reconnaissant pas que des différences mineures de longueur et de position du brin d’herbe dans la bouteille utilisée sur le marché français n’avaient pas altéré le caractère distinctif de la marque française tridimensionnelle antérieure telle qu’enregistrée. La chambre de recours, en décrivant les photographies jointes à la déclaration de M. K. (voir point 25 ci-dessus) au point 42 de la décision attaquée, n’aurait pas examiné si les différences mineures mentionnées altéraient ou non le caractère distinctif de cette marque telle qu’enregistrée. Cependant, en comparant la représentation de ladite marque aux vues (de face, des côtés ou de dos) du produit tel qu’il est utilisé sur le marché, il apparaîtrait que, premièrement, le principal élément distinctif de la marque en cause – un brin d’herbe dans la bouteille – serait clairement visible de tous les côtés, en raison du verre transparent de la bouteille, deuxièmement, les bouteilles seraient identiques (forme du corps, de la base, du goulot), alors que les brins d’herbe seraient presque identiques et aussi semblables que peuvent l’être deux brins d’herbe, troisièmement, l’EUIPO aurait « exagéré » en disant que les brins d’herbe, ou plutôt leurs lignes, étaient « bien plus longs », car la différence de longueur serait minime, et, quatrièmement, l’EUIPO aurait faussement affirmé qu’ils n’étaient « pas totalement droits », car en fait les brins d’herbe seraient droits.

88      Selon la requérante, les différences légères de longueur et de position du brin d’herbe seraient des exemples typiques de différences qui n’altéreraient pas le caractère distinctif de la marque française tridimensionnelle antérieure telle qu’enregistrée et ne seraient pas remarquées par les consommateurs moyens. De plus, de légers changements de position des brins dans la bouteille avec du liquide seraient inévitables et relèveraient de la nature même de cette marque. Toutefois, il s’agirait toujours d’« un seul long brin d’herbe placé à l’intérieur d’une bouteille identique dans une position inclinée de façon presque diagonale ». Par conséquent, la forme de cette marque utilisée sur le marché correspondrait à la représentation graphique et à la description de son certificat d’enregistrement, quelques différences mineures n’altérant pas son caractère distinctif. L’application d’un critère plus restrictif conduirait dans la plupart des cas à l’impossibilité pratique de prouver un usage sérieux d’une marque tridimensionnelle.

89      Par ailleurs, la requérante souligne qu’elle ne cherche pas à protéger le concept d’un brin d’herbe dans une bouteille, mais qu’elle cherche à protéger une représentation concrète d’un brin d’herbe dans une bouteille concrète, qui est couverte par l’enregistrement de la marque antérieure et qui constitue le fondement d’une opposition contre une demande de marque quasiment identique (tant dans les signes que dans la description) déposée « de mauvaise foi » par un ancien distributeur des produits de la requérante.

90      Enfin, la requérante considère qu’elle a prouvé, non seulement la durée, le lieu et l’importance de l’usage, mais aussi la nature de l’usage. Elle expose qu’elle a présenté toute une variété d’éléments de preuve qui, analysés ensemble, auraient dû conduire la chambre de recours à constater que l’usage sérieux de la marque antérieure à grande échelle sur le marché français, entre le 23 juin 1998 et le 22 juin 2003, avait été prouvé. Elle précise que tous ces documents parlent de l’utilisation de la même forme de cette marque, et bien sûr du même produit, que la majorité d’entre eux ont été apportés en temps utile devant la division d’opposition et que les éléments de preuve tardifs accompagnant le mémoire exposant les motifs du recours ont aussi confirmé l’usage sérieux de ladite marque et la perception par les consommateurs du brin d’herbe comme indication d’origine. Selon elle, alors que les prospectus (destinés aux distributeurs et aux consommateurs français), les brochures, les publicités, les images de produits vendus, annexés aux déclarations sous serment, montrent les représentations du produit et de ses marques, c’est-à-dire quelle marque a été utilisée (nature de l’usage), les communiqués de presse, les déclarations sous serment, les factures, la liste des activités promotionnelles et le rapport rédigé par l’Institut Iri indiquant le volume des ventes en magasin en France dans les années 1998 à 2006 montrent la durée, le lieu et l’importance de l’usage, c’est-à-dire quand et comment la marque en cause a été utilisée. Elle relève à cet égard que les objections de l’EUIPO se sont limitées à la nature de l’usage.

91      En réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante considère que la question de l’usage sérieux de la marque antérieure est régie, non par le droit de l’Union, mais par le droit national, en particulier le décret no 92-100 du 30 janvier 1992 et l’arrêté du 31 janvier 1992.

92      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

93      Il convient de relever que le présent moyen porte, en substance, sur la question de savoir si la marque antérieure a été utilisée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée (ou dans une forme qui ne l’altère pas, avec des variations négligeables) et, partant, sur l’objet exact de la protection conférée par cette marque.

94      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement no 40/94 [devenu article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, puis article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001], prévoit, pour l’essentiel, que, sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque de l’Union européenne ou nationale antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque de l’Union européenne, la marque de l’Union européenne ou nationale antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée.

95      Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 40/94 (devenu article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 207/2009, puis article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2017/1001), si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues par ledit règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

96      En vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement no 2868/95, telle que modifiée (devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2018/625), la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001].

97      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les quatre griefs du deuxième moyen de la requérante et si c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 46 de la décision attaquée, a estimé que, même en tenant compte des preuves produites pour la première fois devant elle, la requérante n’avait pas démontré la nature de l’usage de la marque française tridimensionnelle antérieure, qui était une exigence nécessaire afin de prouver l’usage sérieux de cette marque conformément à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009.

98      À titre liminaire, s’agissant du droit matériel applicable, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque le titulaire d’une marque de l’Union européenne demande que la preuve de l’usage sérieux soit apportée, cet usage constitue une condition que doivent remplir, en vertu du règlement no 40/94, non seulement les marques de l’Union européenne, mais aussi les marques nationales antérieures invoquées à l’appui d’une opposition à ladite marque de l’Union européenne. Par conséquent, l’application de l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94 aux marques nationales antérieures en vertu du paragraphe 3 dudit article implique que la notion de l’usage sérieux est à définir selon l’article 15 du même règlement, et non selon le droit national [voir, par analogie, en matière de procédure en nullité, arrêt du 12 juillet 2019, mobile.de/EUIPO – Droujestvo S Ogranichena Otgovornost “Rezon” (mobile.ro), T‑412/18, non publié, EU:T:2019:516, point 23]. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que, dans le présent litige, la chambre de recours a apprécié si la marque nationale antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux au sens de cette dernière disposition du droit de l’Union, et non selon le droit français.

99      En l’espèce, il convient de relever que la requérante a produit, dans le délai imparti par la division d’opposition, des éléments montrant, selon elle, que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage « long et intense ». Ces éléments de preuve, tels que décrits par elle, comprennent notamment :

–        une déclaration sous serment du 25 juin 2007 signée par le directeur financier et le président de la requérante, contenant les chiffres relatifs aux ventes en France pendant les années 2000 à 2004 de bouteilles de vodka contenant un brin d’herbe de bison et portant la marque ŻUBRÓWKA, accompagnés de factures et de photographies du produit ; les ventes étant assurées par le détenteur de licence-distributeur de la requérante (Agros Trading SA) à travers la société française Pernod SA ;

–        une déclaration sous serment du 27 juin 2007 signée par le président et directeur général de Pernod, contenant les chiffres relatifs aux ventes en France pendant les années 2000 à 2004 de bouteilles de vodka contenant un brin d’herbe de bison et portant la marque ŻUBRÓWKA, accompagnée des factures et de photographies du produit, dont il ressortirait, ainsi que de l’autre déclarations sous serment, que les volumes des ventes en France étaient « très élevés » et croissants entre 2000 et 2004 et s’élevaient à 1,3 million d’euros en 2002 et en 2003 ;

–        des exemples de factures relatives à la vente d’Agros Trading à Pernod de bouteilles de vodka contenant un brin d’herbe de bison et portant la marque ŻUBRÓWKA avec une photographie du produit ;

–        des photos montrant un exemplaire de bouteille de vodka vendue sur le marché français ;

–        des exemples de prospectus pour les distributeurs français concernant les années 2001 à 2003 et montrant la bouteille de vodka portant la marque ŻUBRÓWKA réellement vendue sur le marché ;

–        la liste des activités promotionnelles qui ont eu lieu en France pendant les années 1999 à 2004 et au cours desquelles des prospectus relatifs à la vodka de marque ŻUBRÓWKA ont été distribués au public ;

–        un rapport rédigé par l’Institut Iri indiquant les volumes des ventes de vodka de marque ŻUBRÓWKA en magasin en France dans les années 1998 à 2006 ;

–        un exemple de prospectus du 24 mai 2003 distribué par un supermarché français où figure la bouteille de vodka de marque ŻUBRÓWKA ;

–        des prospectus relatifs aux promotions de vente en magasin lancées en France entre novembre 2003 et juin 2006 et concernant la vodka de marque ŻUBRÓWKA.

100    Dans ces éléments de preuve figuraient les photographies reproduites au point 15 ci-dessus. Ensuite, la requérante a produit, pour la première fois devant la chambre de recours, les éléments de preuve énumérés au point 24 ci-dessus, assortis des photographies reproduites au point 25 ci-dessus, ainsi que de la photographie suivante :

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101    Afin de déterminer si ces éléments de preuve établissent la nature de l’usage de la marque antérieure, il convient au préalable d’identifier correctement l’objet de la protection conférée par celle-ci.

102    Le Tribunal estime opportun d’examiner d’emblée le premier grief, puis, ensemble, les deuxième, troisième et quatrième griefs du deuxième moyen.

 Sur le premier grief, tiré d’une identification incorrecte de la marque antérieure

103    Par le premier grief, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas identifié correctement la marque antérieure, alors qu’il s’agirait d’une bouteille avec un brin d’herbe à l’intérieur.

–       Rappel de législation et de jurisprudence

104    Il convient de rappeler le contexte législatif et jurisprudentiel relatif à l’objet de la protection conférée par une marque tridimensionnelle, telle que la marque antérieure, à l’exigence de clarté et de précision de sa représentation ainsi qu’à l’exigence de concordance entre cette représentation et une éventuelle description d’une telle marque.

105    En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour relative au droit des marques de l’Union européenne, un signe ne peut être enregistré en tant que marque que s’il fait l’objet par le déposant d’une représentation graphique, conformément à l’exigence figurant à l’article 4 du règlement no 40/94 (devenu article 4 du règlement no 207/2009, puis du règlement 2017/1001), en ce sens que l’objet et l’étendue de la protection demandée sont clairement et précisément déterminés (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Red Bull/EUIPO, C‑124/18 P, EU:C:2019:641, point 36 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 mars 2019, Hartwall, C‑578/17, EU:C:2019:261, point 38 et jurisprudence citée).

106    Lorsque la demande est assortie d’une description verbale du signe, cette description doit contribuer à préciser l’objet et l’étendue de la protection sollicitée au titre du droit des marques et une telle description ne saurait entrer en contradiction avec la représentation graphique d’une marque, ni être de nature à susciter des doutes sur l’objet et l’étendue de cette représentation graphique (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Red Bull/EUIPO, C‑124/18 P, EU:C:2019:641, point 37 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 mars 2019, Hartwall, C‑578/17, EU:C:2019:261, points 39 et 40).

107    La représentation graphique doit permettre au signe d’être représenté visuellement, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, de sorte qu’il puisse être identifié avec exactitude. D’abord, l’exigence de la représentation graphique a pour fonction notamment de définir la marque elle-même afin de déterminer l’objet exact de la protection conférée par la marque enregistrée à son titulaire. Ensuite, pour remplir cette fonction à l’égard des autorités compétentes et du public, en particulier des opérateurs économiques, la représentation graphique doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective [voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2017, M/S. Indeutsch International/EUIPO – Crafts Americana Group (Représentation de chevrons entre deux lignes parallèles), T‑20/16, EU:T:2017:410, points 33 et 34 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, EU:C:2002:748, points 46 et 48 à 55, et du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, points 25 et 27 à 32]. En particulier, la représentation a précisément pour objet d’écarter tout élément de subjectivité dans le processus d’identification et de perception du signe. Par conséquent, le moyen de la représentation graphique doit être non équivoque et objectif (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, EU:C:2002:748, point 54).

108    Une représentation graphique qui manque de précision et de clarté ne permet pas de déterminer l’étendue de la protection demandée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 novembre 2003, Shield Mark, C‑283/01, EU:C:2003:641, point 59). Le facteur déterminant au regard de l’étendue de la protection de la marque est la manière dont elle sera perçue, sur le seul fondement du signe tel qu’enregistré [voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2018, Deichmann/EUIPO – Munich (Représentation d’une croix sur le côté d’une chaussure de sport), T‑68/16, EU:T:2018:7, point 44]. L’exigence de la représentation graphique a pour fonction notamment de définir la marque elle-même afin de déterminer l’objet exact de la protection conférée par la marque enregistrée à son titulaire. Par conséquent, il incombe au demandeur de déposer une représentation graphique de la marque correspondant précisément à l’objet de la protection qu’il souhaite obtenir. Une fois que la marque est enregistrée, le titulaire de celle-ci ne peut pas prétendre à une protection plus large que celle conférée par cette représentation graphique ou qui ne lui correspond pas [voir, en ce sens, arrêts du 30 novembre 2017, Red Bull/EUIPO – Optimum Mark (Combinaison des couleurs bleue et argent), T‑101/15 et T‑102/15, EU:T:2017:852, point 71 , et du 19 juin 2019, adidas/EUIPO – Shoe Branding Europe (Représentation de trois bandes parallèles), T‑307/17, EU:T:2019:427, point 30 et jurisprudence citée].

109    En outre, la règle 3, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 prévoit que la demande d’enregistrement « peut contenir une description de la marque », à titre facultatif. Dès lors, dans l’hypothèse où une description est présente dans la demande d’enregistrement, cette description doit être examinée conjointement avec la représentation graphique. En effet, il ressort de l’arrêt du 6 mai 2003, Libertel (C‑104/01, EU:C:2003:244), qu’une description d’un signe peut être nécessaire pour satisfaire aux exigences de l’article 4 du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 30 novembre 2017, Combinaison des couleurs bleue et argent, T‑101/15 et T‑102/15, EU:T:2017:852, points 79 et 80, et du 19 juin 2019, Représentation de trois bandes parallèles, T‑307/17, EU:T:2019:427, point 31). Toutefois, l’examen conjoint de la description ne saurait étendre l’objet exact de la protection tel que défini par la représentation (voir point 108 ci-dessus), mais peut seulement contribuer à le clarifier et à le préciser.

110    S’agissant des marques tridimensionnelles, la règle 3, paragraphe 4, du règlement no 2868/95 [devenue article 3, paragraphe 3, sous c), du règlement d’exécution 2018/626 de la Commission, du 5 mars 2018, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2017/1431 (JO 2018, L 104, p. 37)], qui n’exige pas de description pour de telles marques, prévoit ce qui suit :

« Si l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle est demandé, mention en est faite dans la demande. La représentation consiste en une reproduction photographique ou une représentation graphique de la marque. Elle peut contenir jusqu’à six vues en perspective de la marque. »

111    Il ressort de ce qui précède que, pour ce qui concerne l’interprétation et l’application du droit des marques de l’Union européenne, la représentation de la marque, qui doit être claire et précise, définit l’objet de la protection conférée par l’enregistrement. En outre, la description, qui peut éventuellement accompagner la représentation, doit concorder avec celle-ci, telle qu’enregistrée, et ne saurait étendre le champ d’application de la marque ainsi défini. Cette exigence de concordance d’une éventuelle description avec la représentation est donc un corollaire de l’exigence de clarté et de précision de la représentation qui définit l’objet de la protection.

112    À la lumière de ces principes, c’est à bon droit que la chambre de recours, au point 38 de la décision attaquée, a observé que c’est la représentation (graphique à l’époque) de la marque telle qu’elle a été déposée qui définit la portée de sa protection, et non la description de la marque qui a été fournie par la requérante, avant d’ajouter qu’une description de marque doit définir ce qui peut être vu sur la représentation d’une marque et que la portée de la protection n’est pas élargie par une interprétation possible de ce que veut dire la demanderesse par cette représentation ou de ce qu’elle avait à l’esprit.

–       Application en l’espèce à la définition de l’objet exact de la protection conférée par la marque antérieure et à la concordance de sa description avec sa représentation

113    En l’espèce, il ressort du certificat d’enregistrement de la marque tridimensionnelle française antérieure, délivré par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI, France), que cette marque comporte une représentation (reproduite au point 7 ci-dessus) accompagnée d’une description suivant laquelle « [l]a marque se compose d’une bouteille telle que représentée ci‑dessus, à l’intérieur de laquelle un brin d’herbe est placé en position quasi diagonale dans le corps de la bouteille ».

114    Eu égard à ce certificat d’enregistrement, il importe de souligner, d’emblée, que la description de la marque antérieure ne concorde pas avec sa représentation. En effet, force est de constater que la représentation comporte une ligne, et non un brin d’herbe tel que décrit. En outre, sur la représentation, la ligne semble plutôt figurer sur le corps de bouteille et il n’apparaît pas clairement qu’elle se trouve à l’intérieur de la bouteille. Par ailleurs, la description de ladite marque, étant donné qu’elle ne concorde pas avec sa représentation, ne peut servir à clarifier ou à préciser celle-ci.

115    Dès lors, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 39 de la décision attaquée, a relevé que la représentation graphique de la marque antérieure montrait « une bouteille de forme commune sur laquelle appara[issai]t une ligne [droite] qui part[ait] en diagonale du côté gauche de la bouteille, démarrant juste sous le goulot, vers le bord inférieur de la bouteille », que la ligne, présentée comme une partie fixe du corps de la bouteille, était une ligne diagonale droite et rien d’autre et que la description fournie par la requérante ne modifiait en rien cette constatation, car la portée de la protection de la marque n’était pas définie par l’intention de la requérante lors du dépôt de la marque.

116    Comme le relève l’intervenante, cette appréciation de la chambre de recours est conforme aux principes pertinents pour l’identification correcte d’une marque tridimensionnelle, selon lesquels c’est la représentation qui est décisive pour définir la portée de la protection d’une telle marque et la description ne peut pas altérer ou interpréter la représentation de cette marque.

117    Ce constat n’est pas remis en cause par les arguments de la requérante selon lesquels la perception de la marque tridimensionnelle française antérieure comme comportant un brin d’herbe à l’intérieur de la bouteille correspondrait, premièrement, aux constatations du Tribunal dans l’arrêt d’annulation, deuxièmement, à la représentation, au type et à la description de cette marque, indiqués dans son certificat d’enregistrement, et, troisièmement, aux éléments de preuve produits.

118    Premièrement, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal ne s’est nullement prononcé, au fond, sur l’objet exact de la protection conférée par la marque française tridimensionnelle antérieure. Il s’est limité à accueillir le troisième moyen du premier recours, fondé sur un défaut de motivation et sur un défaut d’exercice du pouvoir d’appréciation à l’égard des éléments de preuve d’usage produits pour la première fois devant la chambre de recours, c’est-à-dire un moyen de nature procédurale relatif à la non-prise en compte des preuves d’usage, et non à la définition de l’objet de la protection (voir également la réponse au premier moyen aux points 70 à 82 ci-dessus).

119    Deuxièmement, c’est précisément sur la représentation de la marque française tridimensionnelle antérieure dans son certificat d’enregistrement que se fonde l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle cette marque protège « une bouteille de forme commune sur laquelle apparaît une ligne droite qui part en diagonale du côté gauche de la bouteille, démarrant juste sous le goulot, vers le bord inférieur de la bouteille ». En revanche, la présence alléguée d’un brin d’herbe ne ressort pas de la représentation, mais seulement de la description.

120    Or, comme le relève l’intervenante, cette description contient une interprétation indue de la représentation, car elle interprète l’élément graphique de la ligne au-delà de ce qui est visible en affirmant que cet élément constitue un brin d’herbe. En effet, sur la représentation en noir et blanc (et donc non limitée à une couleur particulière telle que le vert-brun, mais couvrant toutes les couleurs), l’élément graphique est une ligne noire très droite, sans aucune courbe ou irrégularité, alors qu’un brin d’herbe n’est normalement pas droit, mais présente des courbes et des irrégularités. De plus, sur cette même représentation, il n’apparaît pas clairement que la ligne se trouve à l’intérieur de la bouteille, mais elle semble plutôt figurer sur le corps de celle-ci. Dès lors, toute interprétation ou altération de la représentation par la description contreviendrait aux principes rappelés aux points 104 à 112 ci-dessus.

121    L’intervenante ajoute que, si la requérante avait voulu protéger un brin d’herbe dans une bouteille, elle aurait dû déposer une image d’un brin d’herbe entièrement fidèle à la réalité, comme cela a été fait pour d’autres marques enregistrées par la requérante.

122    À cet égard, il convient de relever que le Tribunal s’est déjà prononcé sur l’objet exact de la protection conférée par la marque polonaise tridimensionnelle no 189866 de la requérante, reproduite ci-après :

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123    Le Tribunal a ainsi jugé, aux points 94, 95, 97 et 98 de l’arrêt du 12 novembre 2015, CEDC International/OHMI – Fabryka Wódek Polmos Łańcut (WISENT) (T‑449/13, non publié, EU:T:2015:839) et aux points 96, 97, 99 et 100 de l’arrêt du 12 novembre 2015, CEDC International/OHMI – Fabryka Wódek Polmos Łańcut (WISENT VODKA) (T‑450/13, non publié, EU:T:2015:841), que la marque antérieure en conflit contenait un élément figuratif consistant en une fine ligne qui traversait la bouteille et que ladite ligne était droite, légèrement inclinée vers la gauche, de couleur verte, et interrompue par l’étiquette. Selon le Tribunal, ces représentations schématiques de ce qui pourrait constituer un brin d’herbe ne sauraient, cependant, être perçues comme un véritable brin d’herbe. Le trait présent dans les marques en conflit, telles que représentées et enregistrées, sera perçu comme ce qu’il est, à savoir une simple ligne et non comme un brin d’herbe. Seule une représentation plus réaliste du brin d’herbe, ou la véritable image d’un brin d’herbe placé à l’intérieur d’une bouteille, pourrait renvoyer à l’image d’un brin d’herbe, ce qui, par ailleurs, pourrait être confirmé par la description de celle-ci. Or, le Tribunal a jugé que cela n’était pas le cas en l’espèce. Ainsi, selon lui, c’est en raison de la perception dudit élément figuratif comme une simple ligne droite légèrement inclinée ou en diagonale, traversant une bouteille, que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, en présence d’autres éléments figuratifs, ledit élément était moins distinctif et jouait un rôle secondaire dans l’appréciation de la similitude des marques en conflit. Cette conclusion, selon le Tribunal, ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel le brin d’herbe est un élément particulièrement frappant ou original. À cet égard, il convient de rappeler, selon le Tribunal, que l’élément figuratif présent dans les marques en conflit, telles que représentées et enregistrées, est une ligne droite légèrement inclinée ou en diagonale, qui sera perçue comme une ligne qui traverse la bouteille et non comme un brin d’herbe. En tant que forme simple, ladite ligne n’apparaît pas comme étant particulièrement originale ou frappante. En outre, dans le cas tant de la marque demandée que dans le cas de la marque antérieure, elle passe au second plan du fait de la présence d’autres éléments verbaux et figuratifs dans lesdites marques. Ainsi, elle devient moins visible et, de ce fait, sa capacité à frapper l’esprit du consommateur est plus réduite.

124    En ce qui concerne la marque française tridimensionnelle antérieure en cause en l’espèce, il convient de constater, à plus forte raison, que seule une représentation plus réaliste du brin d’herbe, ou la véritable image d’un brin d’herbe placé à l’intérieur d’une bouteille, aurait pu déterminer clairement et précisément la présence d’un brin d’herbe dans cette marque, ce qui, par ailleurs, aurait pu être confirmé par la description de celle-ci, qui aurait alors concordé avec la représentation. Tel n’est cependant pas le cas dans la présente affaire.

125    Troisièmement, en principe, des éléments de preuve d’usage produits ne sauraient influer sur la définition de l’objet exact de la protection conférée par une marque. En effet, cet objet est défini par la représentation de la marque figurant dans le certificat d’enregistrement, éventuellement clarifiée et précisée par la description dans les cas où celle-ci concorde avec la représentation, mais ne saurait en aucune façon être modifié par l’usage effectif de la marque sur le marché. Au demeurant, l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 40/94 (devenu article 43, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, puis article 49, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) ne permet pas qu’une modification ultérieure à la demande affecte substantiellement la marque.

126    Au demeurant, en l’espèce, le caractère insuffisamment clair et précis de la représentation, accompagnée de sa description, tend plutôt à être confirmé par le fait que la requérante a présenté des preuves d’usage qui reproduisent la marque antérieure de manière différente par rapport à la nature, à la longueur et à la position de la ligne dans la représentation figurant dans le certificat d’enregistrement (voir, en ce sens, arrêts du 29 juillet 2019, Red Bull/EUIPO, C‑124/18 P, EU:C:2019:641, point 45, et du 30 novembre 2017, Combinaison des couleurs bleue et argent, T‑101/15 et T‑102/15, EU:T:2017:852, point 65).

127    Enfin, au point 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisé, à juste raison, que la marque antérieure ne saurait protéger le concept d’un brin d’herbe dans une bouteille.

128    À cet égard, la Cour a jugé qu’une représentation abstraite d’un concept sous toutes les formes imaginables ne présente pas les caractères de précision et de constance exigés à l’article 4 du règlement no 40/94. En effet, une telle présentation autoriserait de nombreuses combinaisons différentes qui ne permettraient pas au consommateur d’appréhender et de mémoriser une combinaison particulière qu’il pourrait utiliser pour réitérer, avec certitude, une expérience d’achat, pas plus qu’elles ne permettraient aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques de connaître la portée des droits protégés du titulaire de la marque (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Red Bull/EUIPO, C‑124/18 P, EU:C:2019:641, point 38 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, points 33 à 35).

129    De plus, la Cour a dit pour droit que l’objet d’une demande d’enregistrement de marque qui porte sur toutes les formes imaginables d’un produit ou d’une partie de produit ne constitue pas un « signe » au sens de l’article 4 du règlement no 40/94 et, partant, n’est pas susceptible de constituer une marque au sens de celui‑ci (voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2007, Dyson, C‑321/03, EU:C:2007:51, point 40).

130    Il s’ensuit que la réglementation sur les marques ne permet pas la protection d’un concept ou d’une idée, mais uniquement d’une expression concrète d’un concept ou d’une idée, telle qu’incorporée dans le signe et définie par la représentation dudit signe.

131    La requérante elle-même reconnaît qu’elle n’entend pas s’approprier, dans l’abstrait, toute représentation d’un brin d’herbe dans une bouteille, mais qu’elle prétend à l’exclusivité sur une représentation concrète, qui fait partie de sa marque, de la combinaison de ces deux éléments.

132    C’est donc la représentation concrète de la marque antérieure qui détermine l’objet exact de la protection conférée par cette marque en vue de l’examen de la nature de l’usage de ladite marque.

133    Or, force est de constater qu’il ressort de la représentation de la marque antérieure, telle que correctement identifiée par la chambre de recours, que l’objet exact de la protection conférée par cette marque vise uniquement « une bouteille de forme commune sur laquelle apparaît une ligne droite qui part en diagonale du côté gauche de la bouteille, démarrant juste sous le goulot, vers le bord inférieur de la bouteille », mais non, comme l’allègue la requérante, un brin d’herbe.

134    Le premier grief doit donc être écarté comme étant non fondé.

 Sur les deuxième, troisième et quatrième griefs, tirés, respectivement, de l’application d’un critère erroné et inadéquat de l’usage sérieux de la marque antérieure, de l’absence de prise en compte de la possibilité de l’usage simultané de plusieurs marques et de l’absence d’altération du caractère distinctif de la marque antérieure lors de son usage

135    Par le deuxième grief, la requérante allègue que la chambre de recours a, « une fois encore », appliqué un critère erroné et inadéquat de l’usage sérieux de la marque tridimensionnelle française antérieure, en raison de son approche « simpliste et bidimensionnelle », sans approche dynamique des vues de plusieurs côtés, et en se limitant à apprécier les éléments de preuve indépendamment les uns des autres, sans les analyser ensemble. Par le troisième grief, elle avance que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la possibilité de l’usage simultané de plusieurs marques de différents types en affirmant à tort que l’utilisation de l’étiquette modifiait le caractère distinctif de la marque en cause. Par le quatrième grief, elle fait valoir que la chambre de recours a mal apprécié l’usage sérieux de cette marque au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, en restreignant erronément l’usage sérieux aux seuls cas où la forme est « la même » ou « identique » à celle enregistrée et en ne reconnaissant pas que des différences mineures de longueur et de position du brin d’herbe dans la bouteille utilisée sur le marché français n’avaient pas altéré le caractère distinctif de ladite marque telle qu’enregistrée.

–       Rappel de législation et de jurisprudence

136    En vertu des dispositions de l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement no 40/94 [devenu article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 et article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001], la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

137    Il découle directement des termes de l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement no 40/94 que l’usage de la marque sous une forme qui diffère de la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est considéré comme un usage au sens du premier paragraphe de cet article pour autant que le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée ne soit pas altéré [voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 21 ; du 28 février 2017, Labeyrie/EUIPO – Delpeyrat (Représentation d’un semis de poissons clairs sur fond foncé), T‑767/15, non publié, EU:T:2017:122, point 18, et du 28 juin 2017, Tayto Group/EUIPO – MIP Metro (real), T‑287/15, non publié, EU:T:2017:443, point 22]. La règle selon laquelle l’usage d’une marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est également considéré comme un usage de ladite marque peut être dénommée, brevitatis causa, « loi des variantes autorisées » (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, Représentation de trois bandes parallèles, T‑307/17, EU:T:2019:427, point 48).

138    En outre, il y a lieu de préciser que l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement no 40/94 vise l’hypothèse où une marque enregistrée, nationale ou de l’Union européenne, est utilisée dans le commerce sous une forme légèrement différente de celle sous laquelle l’enregistrement a été effectué. L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [arrêts du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, EU:T:2006:65, point 50 ; du 28 février 2017, Représentation d’un semis de poissons clairs sur fond foncé, T‑767/15, non publié, EU:T:2017:122, point 20, et du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 90].

139    Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir arrêt du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, point 31 et jurisprudence citée ; arrêts du 24 septembre 2015, Klement/OHMI – Bullerjan (Forme d’un fourneau), T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 32, et du 28 février 2017, Représentation d’un semis de poissons clairs sur fond foncé, T‑767/15, non publié, EU:T:2017:122, point 21].

140    Il convient, aux fins d’un tel constat, de tenir compte également des qualités intrinsèques et, en particulier, du degré plus ou moins élevé de caractère distinctif de la marque enregistrée si elle est utilisée uniquement en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque. En effet, plus le caractère distinctif de celle-ci est faible, plus il sera aisément altéré par l’adjonction d’un élément lui-même distinctif et plus la marque en question perdra son aptitude à être perçue comme une indication de l’origine du produit. La considération inverse s’impose également (arrêts du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 33 ; du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 29, et du 28 février 2017, Représentation d’un semis de poissons clairs sur fond foncé, T‑767/15, non publié, EU:T:2017:122, point 22).

141    Le caractère distinctif d’une marque au sens du règlement no 40/94 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 février 2017, Représentation d’un semis de poissons clairs sur fond foncé, T‑767/15, non publié, EU:T:2017:122, point 19).

142    Ainsi, la condition d’usage sérieux d’une marque peut être remplie lorsqu’une marque est utilisée conjointement avec une autre marque, pour autant que la marque continue d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause [arrêts du 28 février 2017, Représentation d’un semis de poissons clairs sur fond foncé, T‑767/15, non publié, EU:T:2017:122, point 48 ; du 10 octobre 2017, Klement/EUIPO – Bullerjan (Forme d’un four), T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715, point 47, et du 28 février 2019, PEPERO original, T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 97].

143    Il convient, par ailleurs, de tenir compte de la catégorie particulière à laquelle appartient la marque antérieure uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque (arrêt du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 34).

144    Certes, s’agissant des marques tridimensionnelles constituées, comme en l’espèce, par l’apparence du produit lui-même, il est de jurisprudence constante que les critères d’appréciation de leur caractère distinctif ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 45 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence peut être transposée à l’appréciation de l’usage sérieux de telles marques tridimensionnelles. En effet, il ne ressort ni du règlement no 40/94 ni de la jurisprudence qu’il y aurait lieu de leur appliquer des critères différents, voire plus stricts. En particulier, il ne saurait être exigé par principe que ces marques soient utilisées isolément ou qu’elles présentent un degré particulièrement élevé de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage (arrêt du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 35).

145    Toutefois, dans le cadre de l’appréciation tant du caractère distinctif que de son altération en cas d’usage conjoint avec une autre marque, il y a lieu de tenir compte également de la perception spécifique des formes des produits par le consommateur moyen. Aux fins d’une telle appréciation, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par la forme du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative consistant en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative. Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 (voir arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, points 30 et 31 et jurisprudence citée ; arrêts du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 80, et du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 36).

146    Transposée à l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit lui-même, cette jurisprudence implique que, en cas d’usage conjoint de celle-ci avec une autre marque, il pourrait s’avérer plus facile d’établir l’altération du caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celle du caractère distinctif d’une marque verbale ou figurative (arrêt du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 37).

147    S’agissant d’une marque tridimensionnelle constituée par l’apparence du produit lui-même, pour parvenir à la conclusion que la marque antérieure a effectivement été utilisée conformément à sa fonction essentielle, la preuve de son usage doit se matérialiser par des éléments qui permettent de conclure de façon non équivoque que le consommateur est en mesure d’associer à une entreprise déterminée la forme protégée par la marque antérieure [voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2018, M J Quinlan & Associates/EUIPO – Intersnack Group (Forme d’un kangourou), T‑219/17, non publié, EU:T:2018:610, point 33, et du 28 février 2019, PEPERO original, T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 72].

148    Enfin, il convient de considérer que, en présence d’une marque extrêmement simple, même de légères modifications apportées à cette marque sont susceptibles de constituer des variations non négligeables, de sorte que la forme modifiée ne pourra pas être considérée comme globalement équivalente à la forme enregistrée de ladite marque. En effet, plus une marque est simple, moins elle est susceptible d’avoir un caractère distinctif et plus une modification apportée à cette marque est susceptible d’affecter une de ses caractéristiques essentielles et d’altérer ainsi la perception de ladite marque par le public pertinent (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, points 33 et 52 et jurisprudence citée, et du 19 juin 2019, Représentation de trois bandes parallèles, T‑307/17, EU:T:2019:427, point 72).

–       Application en l’espèce

149    En l’espèce, pour ce qui concerne le quatrième grief, en premier lieu, force est de constater que la marque antérieure, telle que représentée, dont l’objet de la protection est « une bouteille de forme commune sur laquelle apparaît une ligne droite qui part en diagonale du côté gauche de la bouteille, démarrant juste sous le goulot, vers le bord inférieur de la bouteille », et non un brin d’herbe (voir points 115 et 133 ci-dessus), n’a pas été utilisée telle quelle, sous une forme identique, par la requérante dans les preuves d’usage produites.

150    S’agissant des preuves produites devant la division d’opposition (voir point 15 ci-dessus) dans lesquelles figurent des bouteilles, aucune de ces bouteilles ne présente une ligne diagonale ininterrompue, encore moins une ligne droite identique à celle figurant dans la marque antérieure. En outre, cette ligne n’est pas apposée sur la surface extérieure de l’une des bouteilles et n’apparaît pas sur l’étiquette elle-même ou à travers celle-ci. Au surplus, toutes les bouteilles sont munies d’une étiquette non transparente (illisible ou portant la mention « żubrówka bison vodka »), susceptible d’affecter la visibilité et la perception de ce qui se trouve derrière elle.

151    S’agissant des preuves produites tardivement devant la chambre de recours (voir point 25 ci-dessus) et plus particulièrement des photographies, jointes à déclaration de M. K., de la bouteille munie de l’étiquette portant la mention « żubrówka bison vodka » et représentée cette fois non seulement avec une vue de face, mais aussi avec des vues de dos et des deux côtés, il y a lieu de constater que, certes, sur les vues de côté, une longue ligne ininterrompue peut être observée.

152    Toutefois, ces lignes apparaissant dans les deux vues de côtés de cette preuve d’usage, quoique légèrement différentes entre elles, diffèrent fortement de la ligne diagonale droite figurant dans la marque antérieure. Elles en diffèrent par leur nature, n’étant pas totalement droites, mais légèrement incurvées, par leur longueur supérieure et par leur position, puisqu’elles commencent et finissent à des points différents sur le bord et dans la partie inférieure de la bouteille, ce qui entraîne également une inclinaison différente.

153    C’est donc à juste titre que la chambre de recours, aux points 40 à 42 de la décision attaquée, a constaté qu’aucune des preuves produites devant la division d’opposition (voir point 15 ci-dessus) ou devant elle (voir point 25 ci-dessus) ne montrait la marque dans sa forme enregistrée, c’est-à-dire telle qu’elle est représentée graphiquement dans le certificat d’enregistrement.

154    En second lieu, il convient de constater que la marque antérieure, telle que représentée, dont l’objet de la protection est « une bouteille de forme commune sur laquelle apparaît une ligne droite qui part en diagonale du côté gauche de la bouteille, démarrant juste sous le goulot, vers le bord inférieur de la bouteille », et non un brin d’herbe (voir points 115 et 133 ci-dessus), n’a pas non plus été utilisée par la requérante sous une forme qui différait par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci avait été enregistrée ou par des variations négligeables.

155    À cet égard, il convient de tenir compte, à l’instar de la chambre de recours au point 44 de la décision attaquée, du fait que le caractère distinctif de la marque antérieure en tant que telle est faible. En effet, cette marque se compose d’une bouteille à la forme commune munie d’une simple ligne droite d’une longueur précise, placée dans une position spécifique entraînant une inclinaison particulière. Dans l’impression globale, c’est cette simple ligne droite, avec sa longueur précise et sa position spécifique, qui rend ladite marque légèrement distinctive.

156    Ainsi, la portée de la protection de la marque antérieure telle qu’elle est définie par sa représentation graphique s’avère étroite et son caractère distinctif est aisément altéré (voir point 140 ci-dessus), d’autant plus qu’il s’agit d’une marque tridimensionnelle (voir points 143 et 147 ci-dessus).

157    Or, les formes présentées dans les preuves produites diffèrent de la forme protégée de la marque antérieure par des variations non négligeables de nature, de longueur et de position (voir point 152 ci-dessus) et ne peuvent être considérées comme « non négligeables » ou « globalement équivalentes » à la forme enregistrée de ladite marque au sens de la jurisprudence (voir point 148 ci-dessus).

158    C’est donc à juste titre que la chambre de recours, aux points 43 à 45 de la décision attaquée, a estimé que cet usage, tel que montré par les preuves produites pour la première fois devant elle, non seulement n’était pas l’usage de la marque antérieure telle qu’elle était enregistrée, mais n’était pas non plus un usage sous une forme qui différait par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci avait été enregistrée au sens de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009.

159    Ainsi, force est de constater que la marque antérieure telle qu’utilisée, selon ce qui ressort des preuves produites, ne concorde pas avec ladite marque telle que représentée et enregistrée, et que les différences entre elles constituent une altération du caractère distinctif de cette dernière qui va au-delà de variations négligeables en vertu de la « loi des variantes autorisées ».

160    Le quatrième grief doit donc être écarté comme étant non fondé.

161    Quant au deuxième grief, tiré du critère d’appréciation de l’usage pour les marques tridimensionnelles, tout d’abord, il suffit de relever qu’il réitère, en substance, le troisième grief du premier moyen, déjà écarté comme manquant en fait au point 81 ci-dessus.

162    En outre, comme le souligne l’EUIPO, s’il est certes vrai que le caractère tridimensionnel d’une marque commande une approche dynamique qui tienne compte des différentes vues de la marque telles que produites dans les éléments de preuve de l’usage dans leur ensemble, la chambre de recours ne pouvait les examiner qu’à condition qu’elles soient effectivement produites. Or, le dossier ne contient qu’un seul jeu de reproductions d’une bouteille sous différents angles, à savoir celui des photographies jointes à la déclaration de M. K. produite tardivement (voir point 25 ci-dessus), et la chambre de recours a analysé cet unique jeu de reproductions sous tous les angles (point 42 de la décision attaquée). En revanche, adopter une « approche dynamique » ne signifie pas qu’il faille imaginer, sur la base d’une vue d’un seul côté, à quoi les différents côtés d’un produit pourraient potentiellement ressembler, lorsqu’aucune preuve n’a été présentée à cet égard.

163    Même pour les photographies reproduites au point 25 ci-dessus, pour lesquelles une analyse dynamique permet de deviner la présence d’une ligne légèrement incurvée, voire d’un brin d’herbe, derrière l’étiquette, force est de constater que cette ligne, par sa nature, sa longueur et sa position, diffère fortement de la marque antérieure, définie comme « une bouteille de forme commune sur laquelle apparaît une ligne droite qui part en diagonale du côté gauche de la bouteille, démarrant juste sous le goulot, vers le bord inférieur de la bouteille ».

164    Enfin, quant au reproche d’absence d’analyse d’ensemble des éléments produits pour prouver l’importance de l’usage, il suffit de rappeler que la chambre de recours, à juste titre, a considéré, sur la base des preuves produites, que les différences entre la marque telle qu’utilisée et la marque telle qu’enregistrée étaient de nature à altérer le caractère distinctif de cette dernière. Par conséquent, c’est également à juste titre que la chambre de recours, aux points 46 et 47 de la décision attaquée, a pu conclure que, même en tenant compte des preuves produites pour la première fois devant elle, la requérante n’avait pas démontré la nature de l’usage de la marque antérieure, qui était une exigence nécessaire afin de prouver l’usage sérieux de cette marque, et en a déduit que, pour cette seule raison, il n’était pas nécessaire d’examiner « plus avant » lesdites preuves afin d’apprécier l’importance de l’usage de ladite marque. En effet, si la chambre de recours a constaté, à juste titre, que les preuves d’usage produites ne concordaient pas avec l’objet de la protection conférée par la marque antérieure (voir points 149 à 160 ci-dessus), elle n’était pas tenue de les analyser plus avant, notamment au regard de l’importance de l’usage.

165    Le deuxième grief doit donc également être écarté comme étant inopérant.

166    Quant au troisième grief, tiré de la possibilité de l’usage simultané de plusieurs marques de différents types, il convient, certes, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’usage d’une marque peut englober aussi bien l’usage indépendant de cette marque que son usage en tant que composante d’une autre marque ou conjointement avec celle-ci (arrêt du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, points 23, 24 et 26, et du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 29).

167    Toutefois, il importe de souligner qu’une marque enregistrée qui est uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque doit continuer d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause afin que cet usage satisfasse à la notion d’« usage sérieux » au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94 (arrêts du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 35, et du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 30).

168    En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que, si la chambre de recours a mentionné la présence de l’étiquette (illisible ou portant la mention « żubrówka bison vodka »), c’est avant tout parce qu’elle a estimé que la présence d’une telle étiquette affectait la visibilité et la perception de la marque française tridimensionnelle antérieure sur les preuves d’usage, et non seulement parce que la présence d’une marque d’un autre type, verbal ou figuratif, altérait le caractère distinctif de cette marque. En effet, sur les photographies reproduites au point 15 ci-dessus, selon les cas, aucune ligne n’est visible, ou rien n’est visible dans la partie inférieure de la bouteille, sous l’étiquette, ou bien plusieurs (deux ou trois) lignes sont visibles sous l’étiquette.

169    Comme le relève l’EUIPO, ce n’est donc pas le seul fait que plusieurs marques soient utilisées sur le même produit qui a mené la chambre de recours à conclure que l’usage de la marque antérieure n’était pas établi, mais principalement le fait qu’il était difficile de déceler ce qui se trouvait derrière l’étiquette, notamment dans la mesure où les photographies étaient contradictoires en ce qui concerne l’absence ou la présence d’une ligne ou d’un brin d’herbe.

170    Il s’ensuit que la chambre de recours n’a nullement remis en cause la jurisprudence sur la possibilité d’un usage conjoint de plusieurs marques de différents types citée aux points 166 et 167 ci-dessus, selon laquelle la condition d’usage sérieux d’une marque peut être remplie lorsqu’une marque est utilisée conjointement avec une autre marque, pour autant que la marque continue d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause.

171    En second lieu et en tout état de cause, il y a lieu de considérer, à l’instar de l’intervenante, que les conditions d’un tel usage conjoint d’une marque tridimensionnelle conjointement avec d’autres marques ne sont pas remplies en l’espèce. En effet, si l’usage combiné de deux marques peut, certes, en principe, constituer l’usage de l’une de ces marques, tel n’est toutefois le cas qu’à condition que le caractère distinctif de cette marque ne soit pas altéré, cette condition n’étant remplie que si le public pertinent perçoit ladite marque de façon individuelle et indépendante de l’autre marque, comme une indication d’origine.

172    Or, en l’espèce, non seulement la marque antérieure est-elle utilisée conjointement avec une autre marque, apposée sur une étiquette non transparente, qui entrave la visibilité et affecte la perception de la partie distinctive de ladite marque antérieure, mais, en tout état de cause, la requérante n’a pas démontré, dans les preuves d’usage produites, la perception individuelle et indépendante de cette marque comme une indication d’origine par le public pertinent, par exemple en produisant une étude de marché.

173    À cet égard, le Tribunal a déjà jugé, concernant un dessin comparable à ces photographies, que la ligne passait au second plan du fait de la présence d’autres éléments verbaux et figuratifs dans les marques utilisées en combinaison, que, ainsi, elle devenait moins visible et que, de ce fait, sa capacité à frapper l’esprit du consommateur était plus réduite (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2015, WISENT, T‑449/13, non publié, EU:T:2015:839, point 98, et du 12 novembre 2015, WISENT VODKA, T‑450/13, non publié, EU:T:2015:841, point 100).

174    Tel est également le cas en l’espèce. Il n’est pas démontré que la marque antérieure, lorsqu’elle est utilisée conjointement avec la marque verbale ŻUBRÓWKA BISON VODKA ou avec les éléments graphiques liés au bison figurant sur l’étiquette, continue d’être perçue comme une indication d’origine par le public pertinent. C’est d’autant moins le cas que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure est faible (voir point 155 ci-dessus), à l’évidence plus faible que celui de ladite marque verbale, et, partant, fortement altéré par celui-ci (voir point 156 ci-dessus).

175    Au demeurant, il y a lieu de rappeler que le caractère distinctif de la marque antérieure est avant tout altéré en ce que les lignes présentes dans les preuves d’usage, même tardives, diffèrent fortement de celle figurant sur la représentation de la marque antérieure par leur nature, n’étant pas totalement droites, mais légèrement incurvées, par leur longueur supérieure et par leur position différente, ne démarrant pas au même endroit dans la partie inférieure de la bouteille, entraînant une inclinaison différente (voir point 151 ci-dessus). Or, dans l’impression globale, c’est cette ligne droite, avec sa position et sa longueur spécifiques, qui rend la marque antérieure faiblement distinctive, puisque celle-ci se compose d’une bouteille à la forme commune assortie d’une telle ligne.

176    Par ailleurs, quant à la pratique de marché dans le secteur des boissons alcooliques ou alcoolisées, il convient de rappeler que l’arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH) (T‑29/04, EU:T:2005:438), concerne la combinaison de plusieurs marques verbales et figuratives sur les étiquettes d’une bouteille, et non les marques tridimensionnelles. En outre, même s’il existe une obligation d’étiqueter les bouteilles, il appartient au titulaire de choisir le format, la couleur, la taille et l’aspect de l’étiquette, la réglementation n’imposant aucune obligation d’utiliser des étiquettes non transparentes qui entravent la visibilité et affectent la perception par le public pertinent d’un éventuel brin d’herbe dans les bouteilles.

177    Le caractère distinctif de la marque antérieure, intrinsèquement faible, étant fortement altéré dans les preuves d’usage par les autres marques ou éléments figurant sur l’étiquette, les conditions d’un usage conjoint ne sont pas remplies.

178    Le troisième grief doit être écarté comme manquant en fait et, en tout état de cause, comme étant non fondé.

179    Il y a donc lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’usage de la marque française tridimensionnelle antérieure, telle que représentée et enregistrée, n’a pas été prouvé.

180    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009

181    Par le troisième moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 75 du règlement no 207/2009 (défaut de motivation) et l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (défaut d’examiner correctement les faits). Elle invoque à cet égard quatre griefs, qu’il convient d’examiner ensemble pour les trois premiers, concernant le motif d’opposition énoncé à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, et séparément pour le dernier, concernant les motifs d’opposition énoncés à l’article 8, paragraphes 3 et 4, du même règlement.

 Sur les trois premiers griefs, concernant diverses violations de l’obligation de motivation

182    Par le premier grief, la requérante allègue que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle « le caractère distinctif de la marque française antérieure […] est plutôt faible » (point 44 de la décision attaquée) est totalement arbitraire, ne s’appuie sur aucun motif et n’est corroborée par aucun élément de preuve. En outre, cette appréciation irait à l’encontre des preuves produites (à savoir les extraits de la presse française et de sites Internet français) se référant à un brin d’herbe unique comme symbole de la marque ŻUBRÓWKA et montrant que, pour les consommateurs, « cet élément est original et sert d’indication du produit original » de la requérante.

183    Par le deuxième grief, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une contradiction interne de motifs en déclarant, d’une part, que la marque antérieure était « plutôt faible » (point 44 de la décision attaquée), mais en « suggérant », d’un autre côté, que même le plus léger changement dans la « ligne » altérerait le caractère distinctif de la marque (points 42 à 44 de la décision attaquée). Selon elle, en effet, si la marque ou des éléments de celle-ci sont jugés faiblement distinctifs, alors il est clair que des changements mineurs de tels éléments faiblement distinctifs ne peuvent pas altérer le caractère distinctif de la marque.

184    Par le troisième grief, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas indiqué à suffisance de droit pour quels motifs les preuves produites de l’usage de la marque française tridimensionnelle antérieure (en particulier les vues de côté) n’établissaient pas un usage dans une forme différant par des éléments qui n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée, alors que l’usage d’une marque tridimensionnelle dans des tailles différentes ou avec l’ajout d’étiquettes équivaudrait à l’usage de la marque telle qu’enregistrée.

185    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

186    Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009 [devenu article 94, première phrase, du règlement 2017/1001], les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Par ailleurs, la règle 50, paragraphe 2, sous h), du règlement no 2868/95 [devenue, en substance, article 32, sous i), du règlement délégué 2018/625] dispose que la décision de la chambre de recours doit contenir la motivation de la décision. Cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 296 TFUE. Or, il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt d’annulation, point 42 et jurisprudence citée).

187    En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation [voir arrêt du 19 septembre 2018, Volkswagen/EUIPO – Paalupaikka (MAIN AUTO WHEELS), T‑623/16, non publié, EU:T:2018:561, point 71 et jurisprudence citée].

188    Pour sa part, l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement 2015/2424, intitulé « Examen d’office des faits », est libellé comme suit :

« Au cours de la procédure, l’[EUIPO] procède à l’examen d’office des faits ; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties […] »

189    S’agissant du premier grief, il suffit de relever que la chambre de recours, au point 44 de la décision attaquée, a dûment motivé son constat que « le caractère distinctif de la marque antérieure [étai]t plutôt faible » par le fait que « celle-ci se compos[ait] d’une bouteille à la forme commune munie d’une ligne droite simple placée dans une position spécifique et d’une longueur spécifique ». Elle a ainsi fourni une motivation suffisante. De surcroît, cette motivation est fondée (voir point 155 ci-dessus).

190    S’agissant du deuxième grief, il suffit de relever que les appréciations de la chambre de recours, aux points 42 et 44 de la décision attaquée, ne sont nullement contradictoires. En effet, au point 44 de ladite décision, la chambre de recours n’a nullement « suggéré » que « même le plus léger changement dans la ligne altérerait le caractère distinctif de la marque antérieure », mais a simplement constaté que « la portée de la protection de la marque antérieure telle qu’elle [étai]t définie par sa représentation graphique [étai]t très faible et [que], par conséquent, une forme différant de la manière présentée dans les preuves produites ne constitu[ait] aucunement un usage de la marque antérieure ». Elle a ainsi fourni une motivation cohérente et non contradictoire. De surcroît, cette motivation est bien fondée, conformément à la jurisprudence déjà citée selon laquelle plus une marque est simple, moins elle est susceptible d’avoir un caractère distinctif et plus une modification apportée à cette marque est susceptible d’affecter une de ses caractéristiques essentielles et d’altérer ainsi la perception de ladite marque par le public pertinent (voir point 148 ci-dessus).

191    S’agissant du troisième grief, il suffit de relever que la chambre de recours, aux points 46 et 47 de la décision attaquée, a dûment motivé le fait qu’il n’était pas nécessaire d’examiner plus avant les preuves produites par le fait que ces preuves ne démontraient pas la nature de l’usage de la marque antérieure. Elle a ainsi fourni une motivation suffisante. De surcroît, cette motivation est fondée (voir points 163 et 164 ci-dessus). Par ailleurs, la chambre de recours n’a nullement remis en cause la jurisprudence sur l’usage conjoint de deux marques (voir points 166 à 176 ci-dessus).

192    La motivation avancée par la chambre de recours concernant ces trois griefs permet ainsi, d’une part, à la requérante de connaître les motifs de la décision attaquée à cet égard afin de défendre ses droits et, d’autre part, au Tribunal saisi de la présente affaire d’exercer son contrôle de la légalité de ces aspects de ladite décision. En témoignent les arguments que la requérante a été en mesure de formuler dans le cadre de son deuxième moyen (voir points 83 à 90 ci-dessus) et dont le Tribunal a été en mesure d’apprécier le bien-fondé. De plus, la chambre de recours a dûment examiné les faits présentés à cet égard par la requérante.

193    Les trois premiers griefs ne sauraient donc prospérer.

 Sur le quatrième grief, concernant le renvoi par la chambre de recours aux motifs d’une décision antérieure annulée par le Tribunal

194    Par le quatrième grief, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas examiné les motifs restants du recours et de l’opposition, tirés de l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009. Au point 48 de la décision attaquée, elle se serait contentée de renvoyer simplement aux motifs de sa première décision dans l’affaire R 2506/2010‑4. Il semblerait lui avoir « échappé » que cette décision antérieure avait été annulée dans son intégralité par l’arrêt d’annulation. Par conséquent, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait dû statuer sur tous les motifs invoqués par la requérante dans son recours et n’aurait pu renvoyer à une décision qui n’existerait plus.

195    L’EUIPO conteste ces arguments. Il souligne que, comme indiqué au point 29 de l’arrêt d’annulation, c’est la requérante elle-même qui a limité son argumentation aux seules conclusions de la chambre de recours sur l’évaluation des preuves de l’usage présentées dans la première décision et qui a fait valoir que ces conclusions concernaient de la même façon tous les motifs invoqués à l’appui de l’opposition.

196    L’intervenante conteste ces arguments. Elle considère que la référence faite par la chambre de recours à la première décision, du 26 mars 2012, dans l’affaire R 2506/2010-4 pour démontrer qu’il n’a pas été satisfait aux exigences de l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009, ne constitue pas, elle non plus, une violation des articles 75 et 76 du même règlement. Elle estime que, après la procédure devant le Tribunal, l’article 8, paragraphes 3 et 4, dudit règlement, ne faisait plus partie de l’objet du litige devant la chambre de recours, car l’arrêt d’annulation avait eu pour objet la violation des articles 75 et 76 du même règlement en corrélation avec l’article 8, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, et concernait les preuves de l’usage uniquement. Elle relève que l’objet du litige était limité – par la requérante elle‑même – à la violation de ces dispositions, car la requérante avait déclaré au point 5.2 de la requête déposée dans l’affaire antérieure qu’elle « limit[ait] son argumentation aux seules conclusions de la chambre de recours sur l’évaluation des preuves d’usage présentées, car ces conclusions concern[ai]ent de la même façon tous les motifs de l’opposition ». Or, l’intervenante considère que les preuves relatives à l’usage ne concernent pas tous les motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009, car, selon la jurisprudence issue de l’arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar (C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 143), elle-même n’a aucun droit à demander la preuve de l’utilisation de ces droits. Au contraire, une exigence d’utilisation pourrait être posée uniquement  pour des droits antérieurs au sens de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement. C’est pourquoi elle estime qu’il n’était plus question de l’article 8, paragraphes 3 et 4, dudit règlement dans la précédente procédure devant le Tribunal et que ces dispositions ne font pas non plus l’objet de la présente procédure portant sur la décision attaquée.

197    En outre, l’intervenante relève que, dans la première décision, aux points 20 à 34, la chambre de recours a fourni des motifs détaillés expliquant pourquoi ces dispositions n’étaient pas applicables. Or, la requérante n’aurait fourni aucun argument, ni raisonnement expliquant pourquoi cette partie de la décision était viciée, mais se serait seulement référée, à tort, à la question de l’usage sérieux comme étant une condition préalable à l’appréciation de ces motifs. Selon l’intervenante, cela n’est pas conforme à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, qui exige de la partie requérante qu’elle expose en détail les arguments selon lesquels l’EUIPO a violé le droit. Par conséquent, même si la requérante avait voulu attaquer la première décision du point de vue de l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009, ce moyen était irrecevable et la décision ne pouvait pas être annulée sur le fondement de ces dispositions. L’intervenante conclut que le Tribunal, lorsqu’il a annulé la décision dans son intégralité, n’a pu l’annuler que dans la mesure où elle était contestée. Or, la requérante n’aurait pas contesté le rejet des motifs d’opposition énoncés à l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009. De plus, la limitation au motif d’opposition énoncé à l’article 8, paragraphe 1, du même règlement ressortirait aussi de l’argumentation de la requérante, qui n’aurait n’invoqué qu’une violation de ce motif.

198    Il y a lieu de relever que la chambre de recours, au point 48 de la décision attaquée, « [e]n ce qui concerne les autres motifs de l’opposition et les autres droits antérieurs invoqués, [a] renvo[yé] explicitement au raisonnement contenu dans sa décision du 26 mars 2012 dans l’affaire R 2506/2010-4 ».

199    Or, force est de constater que cette première décision avait été annulée dans son intégralité par le Tribunal dans l’arrêt d’annulation, lequel n’a pas fait l’objet d’un pourvoi et est passé en force de chose jugée.

200    Dès lors qu’un arrêt d’annulation opère ex tunc et a pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique (voir point 72 ci-dessus), ladite première décision n’existe pas dans l’ordre juridique de l’Union et ne peut y déployer aucun effet.

201    Partant, cette première décision ne fait pas partie du contexte juridique au regard duquel la motivation de la décision attaquée doit être appréciée.

202    Par ailleurs, une opposition fondée sur plusieurs motifs ne peut être rejetée que si tous les motifs invoqués à son appui sont examinés et écartés.

203    Il s’ensuit qu’il n’était pas permis à la chambre de recours, pour fonder le dispositif de la décision attaquée rejetant tous les motifs d’opposition invoqués, de renvoyer, pour certains de ces motifs, à la motivation d’une première décision annulée dans son intégralité par le Tribunal, sans examiner et écarter chacun des motifs d’opposition.

204    Il y a donc lieu de conclure que, en se bornant à « renvoyer explicitement », pour ce qui concerne les motifs d’opposition énoncés à l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009, au raisonnement contenu dans la première décision, laquelle a été annulée dans son intégralité par le Tribunal, et en fondant ensuite le dispositif de rejet du recours devant elle en partie sur un tel renvoi, la chambre de recours n’a pas motivé la décision attaquée à suffisance de droit, en violation de l’article 75 du règlement no 207/2009.

205    Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que, au point 29 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal, à titre liminaire, a relevé ce qui suit :

« [L]a requérante conteste les constatations et appréciations de l’[EUIPO] concernant l’ensemble des motifs de l’opposition, à savoir ceux énoncés à l’article 8, paragraphe 1, sous a), paragraphe 3, et paragraphe 4, du règlement no 207/2009. Cependant, la requérante indique qu’elle limite son argumentation aux seules conclusions de la chambre de recours sur l’évaluation des preuves d’usage présentées, car ces conclusions concernent de la même façon tous les motifs de l’opposition. »

206    À cet égard, sans qu’il soit besoin de déterminer si l’évaluation des preuves d’usage présentées concernait ou non de la même façon tous les motifs d’opposition, il suffit de constater que le fait que le Tribunal ait accueilli, dans l’arrêt d’annulation, le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 et relatif à la non-prise en compte, non motivée, de certaines preuves d’usage par la chambre de recours, était susceptible de remettre en cause, à tout le moins, l’examen du motif d’opposition énoncé à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du même règlement et, partant, l’intégralité du dispositif de la première décision, rejetant le recours contre la décision de la division d’opposition rejetant l’opposition.

207    En effet, lorsque, saisi d’un recours contre une décision de la chambre de recours telle que la première décision, le Tribunal constate que l’appréciation de la chambre de recours est invalide ne fût-ce qu’au regard d’un seul des motifs d’opposition invoqués, il lui incombe d’annuler cette décision dans son intégralité, comme il l’a fait dans l’arrêt d’annulation.

208    Il convient donc d’accueillir le quatrième grief du troisième moyen soulevé à l’appui du présent recours.

209    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée uniquement pour ce qui concerne les motifs d’opposition énoncés à l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009, tels que visés par le quatrième grief du troisième moyen, et de rejeter le recours pour le surplus, c’est-à-dire pour tout ce qui concerne le motif d’opposition énoncé à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du même règlement.

 Sur les dépens

210    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

211    En l’espèce, la requérante a partiellement succombé, puisque le constat du bien-fondé du quatrième grief du troisième moyen ne conduit à l’annulation de la décision attaquée que pour ce qui concerne les motifs d’opposition énoncés à l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009 et que le recours est rejeté pour le surplus. Pour leur part, l’EUIPO et l’intervenante n’ont succombé que sur ce grief, alors que le recours est rejeté pour tout ce qui concerne le motif d’opposition énoncé à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du même règlement.

212    Partant, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 août 2016 (affaire R 1248/2015-4) est annulée pour ce qui concerne les motifs d’opposition énoncés à l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      CEDC International sp. z o.o., l’EUIPO et Underberg AG supporteront chacun leurs propres dépens.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Signatures


 Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur le droit applicable ratione temporis

Sur l’objet du présent litige

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement n o 207/2009

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n o 207/2009, et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, ainsi que de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009

Sur le premier grief, tiré d’une identification incorrecte de la marque antérieure

– Rappel de législation et de jurisprudence

– Application en l’espèce à la définition de l’objet exact de la protection conférée par la marque antérieure et à la concordance de sa description avec sa représentation

Sur les deuxième, troisième et quatrième griefs, tirés, respectivement, de l’application d’un critère erroné et inadéquat de l’usage sérieux de la marque antérieure, de l’absence de prise en compte de la possibilité de l’usage simultané de plusieurs marques et de l’absence d’altération du caractère distinctif de la marque antérieure lors de son usage

– Rappel de législation et de jurisprudence

– Application en l’espèce

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n o 207/2009

Sur les trois premiers griefs, concernant diverses violations de l’obligation de motivation

Sur le quatrième grief, concernant le renvoi par la chambre de recours aux motifs d’une décision antérieure annulée par le Tribunal

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.