Language of document : ECLI:EU:T:2021:666

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Rétrogradation – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑43/20,

AV,

AW,

représentés par Mes L. Levi, S. Rodrigues et J. Martins, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Scafarto et I. Lázaro Betancor, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation des décisions du Parlement du 21 juin 2019 infligeant au requérant une sanction disciplinaire de rétrogradation de quatre grades, de AST 6 à AST 2, et à la requérante une sanction disciplinaire de rétrogradation de deux grades, de AST 8 à AST 6, ainsi que, pour autant que de besoin, des décisions du Parlement du 28 novembre 2019 rejetant les réclamations du requérant et de la requérante du 17 juillet 2019 introduites à l’encontre des décisions du 21 juin 2019,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et J. Laitenberger, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 mai 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérants, AV et AW, sont fonctionnaires du Parlement européen.

2        Le requérant est en invalidité depuis le 1er mai 2017, la requérante depuis le 1er novembre 2018.

3        Le 13 décembre 2013, le secrétaire général du Parlement a informé l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) que, dans le cadre d’un audit interne, des irrégularités ont été trouvées quant à l’authenticité de certaines demandes de remboursement de traitements médicaux introduites entre janvier et août 2013.

4        Le 26 février 2014, l’OLAF a ouvert une enquête contre le requérant et, le 12 mai 2014, contre la requérante.

5        Le 21 décembre 2015, le rapport final d’enquête de l’OLAF a conclu à l’existence de plusieurs irrégularités affectant les intérêts financiers de l’Union européenne et prenant la forme de fraude, de falsification de documents et d’usage de faux. Selon l’OLAF, les requérants auraient, premièrement, présenté de fausses factures afin d’obtenir le remboursement de traitements non remboursables, deuxièmement, obtenu le remboursement de traitements pour le compte de tiers et, troisièmement, présenté des factures d’un montant supérieur aux frais réellement exposés.

6        Le 22 décembre 2015, l’OLAF a recommandé au Parlement d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre des requérants et de récupérer, au titre de la répétition de l’indu, la somme d’un montant de 5 289 euros auprès de la requérante et de 3 880 euros auprès du requérant. L’OLAF a également envoyé ses recommandations aux autorités judiciaires portugaises pour violation des articles 217 et 256 du code pénal portugais.

7        Le 26 janvier 2016, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») compétente en matière disciplinaire a diligenté une enquête administrative à l’encontre des requérants.

8        Le 7 novembre 2016, sur le fondement du rapport établi à la suite de l’enquête administrative visée au point 7 ci-dessus, il a été recommandé à l’AIPN de convoquer les requérants à l’audition préalable prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

9        À la suite de l’audition préalable des requérants et de leur avocat, Me V, le 20 mars 2017, l’AIPN a saisi le conseil de discipline, prévu à l’article 5 de l’annexe IX du statut, en vertu de l’article 12 de l’annexe IX dudit statut.

10      Le 20 février 2018, les requérants, par l’intermédiaire de Me V, ont été auditionnés par le conseil de discipline (ci-après la « première audition »). Il ressort du compte rendu de l’audition que les requérants ne remettent pas en question le rapport de l’OLAF ainsi que le rapport de fin d’enquête administrative du Parlement et regrettent profondément les faits qu’ils admettent de façon inconditionnelle. Leur avocat y a également déclaré que les requérants faisaient l’objet de poursuites pénales par le ministère public portugais. Ce dernier leur aurait proposé de se conformer à ses injonctions afin de pouvoir clôturer l’enquête pénale portugaise en remboursant les montants indûment perçus en plus d’une amende, injonctions auxquelles les requérants avaient l’intention de se conformer.

11      Le compte rendu de l’audition du 20 février 2018 a été transmis à Me V et aux requérants le 19 mars 2018 pour commentaires éventuels.

12      Le conseil de discipline a rendu un avis motivé le 19 mars 2018, proposant à l’AIPN de recouvrer les montants indûment perçus par les requérants et d’adopter une sanction de rétrogradation de deux grades, de AST 8 à AST 6, pour la requérante, et, pour le requérant, de réduire son allocation d’invalidité au minimum vital en application de l’article 6 de l’annexe VIII du statut jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite, et, en cas de réintégration avant son départ à la retraite, de le rétrograder de quatre grades, de AST 6 à AST 2.

13      Par lettre recommandée du 9 avril 2018, l’AIPN a convoqué les requérants, conformément à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, à une audition fixée au 23 avril 2018 (ci-après la « deuxième audition »).

14      Le 18 avril 2018, l’avocat des requérants, Me V, a confirmé sa participation à la deuxième audition du 23 avril 2018 en demandant qu’elle ait lieu par visioconférence et en joignant un certificat médical pour la requérante, signé en date du 16 avril 2018.

15      Le 19 avril 2018, le Parlement a reçu un courriel de deux nouveaux conseils, se substituant à Me V, à partir de ce jour, et demandant le report de la deuxième audition.

16      La deuxième audition a eu lieu le 30 avril 2018 à Bruxelles (Belgique). Étant donné que les conseils des requérants n’ont été mandatés qu’en date du 19 avril 2018 et qu’ils n’ont été les destinataires du dossier qu’à partir du 23 avril 2018, ils ont souhaité déclarer en annexe à cette deuxième audition que, compte tenu du caractère volumineux du dossier, ils avaient demandé un second report d’audition qui leur a été refusé et qu’un tel refus portait gravement atteinte aux droits de la défense de leurs clients.

17      Le 14 mai 2018, les conseils des requérants ont répondu aux questions posées par l’AIPN à l’issue de la deuxième audition et ont porté certaines observations et précisions complémentaires à la connaissance de l’AIPN.

18      Le 18 mai 2018, le Parlement a décidé d’attendre la fin de la procédure pénale au Portugal avant de prendre sa décision quant à la sanction à appliquer aux requérants, de suspendre avec effet immédiat la requérante, à ce moment en congé maladie, de ses fonctions pour une période indéterminée et de retenir sur son salaire tout montant dépassant le minimum vital prévu à l’article 6 de l’annexe VIII du statut. La décision de suspension de la requérante a fait l’objet d’une réclamation le 11 juillet 2018 et a été annulée par l’autorité compétente le 12 décembre suivant.

19      Le 4 juillet 2018, les conseils des requérants ont informé le Parlement que le nouvel avocat des requérants dans le cadre la procédure pénale en cours au Portugal, Me M, également en remplacement de Me V a, en date du 2 juillet 2018, analysé la régularité, en droit portugais, des déclarations faites par Me V lors de la première audition pour le compte des requérants et a conclu que ces déclarations, concernant la reconnaissance des faits qui leur sont reprochés et l’acceptation des conclusions des rapports de l’OLAF et de l’AIPN, devaient être considérées comme nulles au regard du droit portugais régissant le mandat de l’avocat.

20      Le compte rendu de la deuxième audition a été finalisé et signé le 27 août 2018.

21      Le 11 avril 2019, Me M, avocat des requérants dans le cadre de la procédure pénale au Portugal, a informé le Parlement de la clôture de cette dernière au Portugal en date du 20 mars 2019. L’affaire a été classée par ordonnance du ministère public portugais du 21 mars 2019, conformément à l’article 282, paragraphe 3, du code de procédure pénale portugais qui prévoit que si le défendeur respecte les injonctions et les règles de conduite, le ministère public portugais classe l’affaire qui ne peut alors être rouverte.

22      Le 2 mai 2019, les requérants ont été informés par l’AIPN de la fin de la suspension de la procédure disciplinaire et ont été convoqués à une troisième audition avec le choix de la date et du lieu, le 20 mai à Luxembourg ou le 23 mai à Bruxelles, et avec la possibilité de se faire accompagner ou représenter lors de l’entretien ou de formuler des observations par écrit.

23      Le 10 mai 2019, les conseils des requérants ont demandé que le conseil de discipline soit à nouveau saisi pour tenir compte du défaut de mandat valide du premier avocat, Me V, ainsi que de l’issue de la procédure pénale portugaise qui n’aurait retenu aucune responsabilité à l’encontre des requérants. Cette position se retrouve également dans une note de Me M adressée en date du 10 mai 2019 à l’AIPN et confirmée par courriel le 16 mai 2019. Si l’AIPN ne devait pas donner suite à cette suggestion, il conviendrait de reporter l’audition dès lors qu’aucune des dates ne conviendrait.

24      Le 14 mai 2019, l’AIPN a refusé le report de l’audition en réitérant les dates proposées et, alternativement, en proposant de formuler des observations par écrit avant le 23 mai 2019.

25      Le 22 mai 2019, les conseils des requérants ont présenté leurs observations par écrit.

26      Le 28 mai 2019, le ministère public portugais a informé l’OLAF que, le délai fixé pour la suspension de la procédure pénale au Portugal étant arrivé à son terme et les prévenus ayant respecté dans son intégralité le plan de conduite fixé, l’affaire avait été clôturée le 20 mars 2019.

27      Le 21 juin 2019, le Parlement a adopté une décision infligeant au requérant une sanction disciplinaire de rétrogradation de quatre grades, de AST 6 à AST 2, et une réduction de son allocation d’invalidité au minimum vital, et une décision infligeant à la requérante une sanction disciplinaire de rétrogradation de deux grades, de AST 8 à AST 6 (ci‑après, prises ensemble, les « décisions attaquées »). Les décisions attaquées ont été envoyées par lettre recommandée avec accusé de réception aux requérants en date du 24 juin 2019.

28      Le 17 juillet 2019, les requérants ont chacun introduit une réclamation contre les décisions attaquées, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

29      Le Parlement a rejeté les deux réclamations du 17 juillet 2019 par deux décisions du 28 novembre 2019 (ci-après, prises ensemble, les « décisions de rejet des réclamations »).

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2020, les requérants ont introduit le présent recours.

31      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 février 2020, les requérants ont demandé à bénéficier de l’anonymat au titre de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal. Celui-ci a fait droit à cette demande par une décision du 2 mars 2020.

32      Le 17 avril 2020, le Parlement a déposé un mémoire en défense.

33      Le 28 août 2020, les requérants ont déposé une réplique.

34      Le 3 novembre 2020, le Parlement a déposé une duplique.

35      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 novembre 2020, les requérants ont demandé la tenue d’une audience, en vertu de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

36      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure le 18 mars 2021.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 mai 2021.

38      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées, prises ensemble, en tant que de besoin, avec les décisions de rejet des réclamations, et rappeler au Parlement, en tant que de besoin, son obligation d’en tirer toutes les conséquences à leur égard, en application de l’article 266 TFUE, notamment en termes de rémunération et de promotion ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

39      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

40      Il ressort de la requête que, par le présent recours, les requérants demandent, d’une part, l’annulation des décisions attaquées et, d’autre part, l’annulation, pour autant que de besoin, des décisions de rejet des réclamations.

41      Il convient de rappeler à cet égard que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte initial contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8). En l’espèce, les décisions de rejet des réclamations sont dépourvues de contenu autonome. En pareille hypothèse, la légalité des décisions attaquées doit donc être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans les décisions de rejet des réclamations, cette motivation étant censée coïncider avec les actes contestés (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, point 43 et jurisprudence citée).

42      À l’appui de leurs conclusions en annulation, les requérants invoquent cinq moyens tirés, le premier, de l’absence d’audition par l’autorité compétente et de la violation du droit d’être entendu, le deuxième, de la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration, le troisième, de l’irrégularité des actes préparatoires, le quatrième, de la violation des articles 4 et 16 de l’annexe IX du statut et des principes d’attribution des compétences et d’autonomie procédurale des États membres et, le cinquième, de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’audition par l’autorité compétente et de la violation du droit d’être entendu

43      Les requérants soutiennent qu’ils n’ont pas été auditionnés par l’autorité compétente et que, par conséquent, leur droit d’être entendu n’aurait pas été respecté. En effet, l’audition qui s’est tenue au titre de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut en date du 30 avril 2018 aurait été menée par M. K, directeur général faisant fonction de l’administration du personnel du Parlement, et non par M. W, secrétaire général du Parlement. Or, en vertu d’une décision du bureau du Parlement du 13 janvier 2014, le secrétaire général serait, au sens de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, l’AIPN compétente pour auditionner un fonctionnaire après avis du conseil de discipline et avant l’adoption d’une décision infligeant une sanction disciplinaire telle qu’une rétrogradation dans le grade. Il s’agirait d’un moyen d’ordre public.

44      Toujours selon les requérants, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, l’article 22 de l’annexe IX du statut est une disposition de droit strict, qui doit être interprétée comme imposant à l’AIPN l’obligation de procéder elle-même à l’audition du fonctionnaire. En l’espèce, et contrairement à la jurisprudence du Tribunal qui admet que cette mission peut être confiée à un ou plusieurs de ses propres membres pour des raisons tenant au bon fonctionnement du service, il ne serait pas possible que l’AIPN confie sa mission d’entendre l’intéressé à un ou plusieurs de ses propres membres dans la mesure où elle n’est pas composée par plusieurs d’entre eux, mais uniquement par le secrétaire général du Parlement. Le Parlement n’aurait d’ailleurs jamais évoqué l’existence de raisons relatives au bon fonctionnement du service pour justifier le fait que les requérants auraient été auditionnés par le directeur général faisant fonction et non par le secrétaire général.

45      Le Parlement conteste les arguments des requérants.

46      Il convient de rappeler que, selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. Ce droit s’impose à toute institution de l’Union dans toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2018, Winkler/Commission, T‑369/17, non publié, EU:T:2018:334, point 44, et du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 85 et jurisprudence citée).

47      Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).

48      Le droit d’être entendu a notamment pour objet, afin d’assurer une protection effective de la personne concernée, que cette dernière puisse corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 37).

49      Le droit d’être entendu implique également que l’administration prête toute l’attention requise aux observations ainsi soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 88 et jurisprudence citée).

50      Le droit d’être entendu doit ainsi permettre à l’administration d’instruire le dossier de manière à prendre une décision en pleine connaissance de cause et de motiver cette dernière de manière appropriée, afin que, le cas échéant, l’intéressé puisse valablement exercer son droit de recours (voir, par analogie, arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 59).

51      Enfin, l’existence d’une violation du droit d’être entendu doit être appréciée en fonction, notamment, des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 9 février 2017, M., C‑560/14, EU:C:2017:101, point 33 et jurisprudence citée).

52      À cet égard, l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut dispose que l’AIPN prendra sa décision, laquelle doit être motivée, après avoir entendu le fonctionnaire concerné, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline.

53      La décision du bureau du Parlement du 13 janvier 2014 stipule que le secrétaire général est l’AIPN compétente au sens de l’article 22 de l’annexe IX du statut pour auditionner le fonctionnaire après avis du conseil de discipline avant d’adopter une sanction disciplinaire telle qu’une rétrogradation dans le grade.

54      Il découle aussi de cette décision du bureau du Parlement que le directeur général de l’administration du personnel du Parlement est l’AIPN compétente au sens de l’article 22 de l’annexe IX du statut pour auditionner un fonctionnaire de catégorie AST après avis du conseil de discipline et avant adoption d’une sanction disciplinaire telle qu’une rétrogradation dans le grade (« Tableau VI – Discipline » de ladite décision).

55      La Cour a également déjà jugé que, en raison de la gravité des sanctions auxquelles pouvait conduire la procédure visée par l’annexe IX du statut, et compte tenu des termes employés, la disposition alors en vigueur, correspondant à l’article 22 de ladite annexe du statut, était une disposition de droit strict et qu’il convenait de l’interpréter comme imposant à l’AIPN l’obligation de procéder elle‑même à l’audition du fonctionnaire. C’est seulement dans le respect de ce principe et dans les conditions assurant la sauvegarde des droits des intéressés que l’AIPN pourrait, pour des raisons tenant au bon fonctionnement des services, confier à un ou à plusieurs de ses membres la mission d’entendre le fonctionnaire (arrêt du 11 juillet 1968, Van Eick/Commission, 35/67, EU:C:1968:39, p. 503 et 504).

56      En l’espèce, la requérante était, avant sa mise en invalidité, assistante de traduction de grade AST 8 à l’unité de traduction portugaise de la direction générale de la traduction. Le requérant, quant à lui, était, avant sa mise en invalidité, gestionnaire de dossiers de grade AST 6 à l’unité de la restauration et de la centrale d’achats de la direction générale des infrastructures et de la logistique.

57      Les requérants ayant été entendus par le directeur général lui-même, sans que cette mission ait été confiée à un autre membre pour des raisons tenant au bon fonctionnement des services, ils ont donc été entendus par l’AIPN compétente pour auditionner des fonctionnaires de catégorie AST. Leur droit d’être entendu n’a dès lors pas été violé. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration

58      En premier lieu, les requérants soutiennent que leurs conseils n’ont été mandatés qu’en date du 19 avril 2018, le dossier de 1000 pages leur ayant été transmis le 23 avril 2018. À cet effet, ils auraient demandé un second report de la deuxième audition initialement prévue le 23 avril 2018, puis le 30 avril 2018, ce qui leur aurait été refusé. Même s’il leur aurait été possible de prendre position par écrit après l’audition, il n’en reste pas moins que le jour de la deuxième audition, les conseils n’auraient pas disposé d’un temps nécessaire pour l’analyse de ce dossier volumineux. Ils insistent sur l’importance du débat oral, celui-ci permettant d’avoir un dialogue sous forme de questions/réponses avec l’AIPN pour l’éclairer sur les tenants et les aboutissants du dossier disciplinaire duquel elle est saisie. Ils ajoutent que le changement de mandataire est un droit qui est autorisé dans tout ordre juridique, d’autant plus que l’ancien mandataire aurait agi sans avoir suivi les instructions de ses constituants.

59      En deuxième lieu, les conseils des requérants auraient sollicité le report d’une troisième audition fixée par l’AIPN aux dates alternatives des 20 et 23 mai 2019 dès lors qu’ils ne pouvaient être disponibles à aucune de ces deux dates. Ce report de l’audition leur aurait également été refusé, ce qui aurait eu pour conséquence qu’ils n’ont pas été entendus par l’AIPN avant l’adoption des décisions attaquées et ce qui ne leur aurait pas permis d’avoir un débat oral en lieu et place d’observations écrites qui ne présenteraient pas le même apport pour échanger avec l’AIPN.

60      En troisième lieu, dans un courrier du 24 juin 2019 accompagnant la décision attaquée visant le requérant, l’AIPN fait référence à l’attitude que ce dernier aurait montré au cours des diverses procédures administratives le concernant. Il aurait agi d’une manière extrêmement inadéquate, voire calomnieuse, envers plusieurs collègues qu’il aurait inondés de courriels très désagréables. Or, ces accusations ne seraient que de pures allégations qui ne seraient étayées par aucune pièce et qui n’auraient jamais été portées à la connaissance du requérant au cours de la procédure disciplinaire alors qu’il s’agissait d’une circonstance aggravante nécessairement prise en compte dans la détermination de la sanction infligée. L’étendue des reproches formulés par le Parlement dans le contexte des décisions attaquées s’avérerait dès lors beaucoup plus large que ce qui ressortirait des pièces du dossier. Le requérant n’aurait cependant pas été mis en mesure d’en prendre connaissance préalablement à l’adoption de la décision attaquée et d’y répondre en temps utile.

61      Selon les requérants, ces violations des droits de la défense précitées seraient aussi révélatrices d’une violation du principe de bonne administration dont il découle une obligation de diligence ainsi qu’un devoir de sollicitude dès lors que l’AIPN aurait manifestement tardé à s’informer de l’état de la procédure pénale ouverte au Portugal à leur égard. Il ressortirait en effet de la deuxième audition du 30 avril 2018 que l’AIPN était en possession d’un courrier du ministère public portugais du 27 octobre 2017, qui n’aurait pas été versé au dossier, et qu’elle ne se serait préoccupée d’en savoir plus sur la suite de la procédure que lors de l’audition précitée, soit plus de six mois après. Ainsi, le conseil de discipline n’aurait pas pu être informé en temps utile des résultats de la procédure pénale au Portugal, alors que, s’il l’avait été, son analyse du dossier aurait été nécessairement différente comme le contenu de son avis par conséquent. Cela aurait eu pour effet que le contenu des décisions attaquées aurait également été différent. Cette argumentation ne serait d’ailleurs pas contestée par le Parlement. Le conseil de discipline aurait par conséquent dû se réunir pour prendre position sur les procédures disciplinaires après la clôture de la procédure d’enquête pénale au Portugal.

62      Dans leur réplique, les requérants expliquent que le classement de l’affaire au Portugal, toujours en cours d’enquête, signifie que les faits qui leur sont reprochés n’ont pas été soumis au jugement d’un tribunal portugais. Étant donné que les faits dénoncés n’ont pas été examinés et jugés par un tribunal compétent et que le Parlement ne se serait pas opposé à l’application de la suspension provisoire de la procédure pénale au Portugal, il ne serait pas établi que ceux-ci auraient été pratiqués par les requérants. Sans production de preuves dans le cadre d’un jugement, il ne pourrait être établi que ces faits auraient été commis. Il ne s’agirait à ce stade que d’indices constatés. Il conviendrait ainsi d’appliquer le principe de la présomption d’innocence.

63      Le Parlement conteste les arguments des requérants.

64      Le deuxième moyen peut être subdivisé en deux branches, la première, tirée de la violation des droits de la défense et, la seconde, tirée de la violation du principe de bonne administration.

65      La première branche du deuxième moyen, tirée d’une violation des droits de la défense, fait état de trois griefs : le refus du report de la deuxième audition, le refus du report de la troisième audition et les allégations quant à la mauvaise conduite du requérant.

66      Par leurs premier et deuxième griefs, les requérants reprochent à l’AIPN d’avoir refusé de reporter, d’une part, une seconde fois l’audition prévue le 30 avril 2018 alors que leurs nouveaux conseils venaient d’être mandatés et n’auraient pas eu le temps d’analyser le dossier et, d’autre part, la troisième audition fixée par l’AIPN aux dates alternatives des 20 et 23 mai 2019 alors que les conseils n’étaient pas disponibles à ces dates, ce qui aurait eu pour conséquence pour les requérants de ne pas être entendus par l’AIPN avant l’adoption des décisions attaquées.

67      Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 46 ci‑dessus, en application de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

68      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ». Tel est d’ailleurs aussi le sens donné au droit d’être entendu et à l’étendue de droit par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 42).

69      Or, dans le cadre de la procédure disciplinaire telle que régie par le statut, le droit d’être entendu est mis en œuvre, au sens de la Charte, d’une part, notamment par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, qui précise que « [a]près avoir entendu le fonctionnaire, l’[AIPN] prend sa décision […] », et, d’autre part, par l’article 4 de cette même annexe qui prévoit en effet que « [s]i, pour des raisons objectives, le fonctionnaire ne peut être entendu au titre des dispositions de la présente annexe, il peut être invité à formuler ses observations par écrit ou peut se faire représenter par une personne de son choix » (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission, F‑107/13, EU:F:2014:232, point 100).

70      À cet égard, il convient aussi de rappeler que, s’agissant spécifiquement de l’obligation pour l’AIPN, après que le conseil de discipline lui a transmis son avis, d’entendre le fonctionnaire avant de prendre sa décision finale en la matière, la jurisprudence a admis que le fait de ne pas avoir entendu l’intéressé conformément à l’article 22, premier alinéa, de l’annexe IX du statut n’entraîne pas l’annulation de la décision lui imposant une sanction disciplinaire si ce manquement est imputable à l’intéressé lui-même. En effet, l’AIPN n’est pas tenue de repousser indéfiniment la date de la dernière audition jusqu’à ce que l’intéressé soit en mesure d’y participer. Au contraire, tant dans l’intérêt du fonctionnaire que dans celui de l’administration, la décision mettant fin à la procédure disciplinaire ne peut être retardée sans justification. Tel est l’objet du délai de deux mois prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, qui constitue en effet une « règle de bonne administration » (voir arrêt du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 41 et jurisprudence citée).

71      En l’espèce, quant à la deuxième audition, les conseils des requérants ont pris connaissance du dossier en temps utile pour pouvoir présenter des observations à l’audition du 30 avril 2018. En effet, il est constant entre les parties que, le 23 avril 2018, ils ont pu avoir accès au dossier et ont bénéficié d’un premier report de cette audition, prévue initialement le 23 avril 2018. Alors qu’il ressort de la jurisprudence qu’un délai de cinq jours peut déjà être considéré comme suffisant pour qu’un fonctionnaire prépare sa défense au cours d’une procédure précédant la saisine du conseil de discipline (arrêt du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, EU:T:2002:135, point 102), il doit être constaté que, dans le cas d’espèce, pour une audition après avis du conseil de discipline, un délai de sept jours, à la suite d’un premier report de l’audition, doit pouvoir être considéré comme suffisant pour les deux conseils des requérants, d’autant plus que, le 14 mai 2018, ils ont su répondre aux questions posées par l’AIPN à l’issue de l’audition en portant certaines observations et précisions complémentaires à la connaissance de l’AIPN. En tout état de cause, ce grief doit être rejeté dès lors que l’AIPN a suspendu la procédure disciplinaire en attendant les décisions dans la procédure pénale portugaise et a convoqué les requérants à une audition supplémentaire après la fin de la procédure pénale portugaise, laissant ainsi aux requérants et à leurs conseils suffisamment de temps pour préparer cette audition.

72      Quant au refus du report de la troisième audition, il est constant que les requérants n’étaient ni présents ni représentés lors de l’une des dates proposées en vue de cette audition. Il convient également de constater que la convocation leur avait été transmise en date du 2 mai 2019, donc près de trois semaines avant les deux dates proposées au choix des requérants. Il ressort enfin du dossier qu’ils ont transmis des observations écrites en vue de cette audition en date du 22 mai 2019 en application de l’article 4 de l’annexe IX du statut.

73      Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce grief étant donné que les requérants ont bien été entendus, conformément à l’article 4 de l’annexe IX du statut lu à la lumière de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

74      Quant au troisième grief relatif aux allégations de mauvaise conduite de la part du requérant faites par le Parlement et dont celui-ci n’aurait pas été mis en mesure de prendre connaissance préalablement à l’adoption de la décision attaquée, il convient de constater, contrairement à ce que les requérants ont soutenu à l’audience, qu’il découle de différents documents du dossier que ces reproches ont bien été portés à l’attention du requérant avant l’adoption des décisions attaquées.

75      À cet effet, il convient de rappeler que le caractère contradictoire d’une procédure telle que celle devant le conseil de discipline et les droits de la défense dans une telle procédure exigent que le requérant et ses conseils puissent prendre connaissance de tous les éléments de fait sur lesquels la décision a été fondée, et ce en temps utile pour présenter leurs observations (arrêt du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, EU:C:1985:28, point 23).

76      En l’espèce, il découle du procès-verbal de l’audition du conseil de discipline du 20 février 2018 que le représentant du Parlement a fait état d’une mauvaise conduite du requérant envers plusieurs collègues de la direction générale du personnel pendant la procédure en cours et du fait qu’il aurait envoyé des courriels à des fonctionnaires de haut rang. Ce procès-verbal a été communiqué à Me V ainsi qu’aux requérants le 19 mars 2018, en leur demandant d’envoyer leurs commentaires jusqu’au 21 mars 2018. Aucun commentaire n’a été envoyé au Parlement. L’avis du conseil de discipline indique ensuite que la conduite irrespectueuse du requérant envers ses collègues pendant la procédure disciplinaire constitue une circonstance aggravante. Même au cours des deux auditions qui ont suivi l’avis du conseil de discipline, le requérant n’a pas cherché à répondre à ces reproches. Me V était à chaque fois en copie de ces courriels.

77      Ce grief doit par conséquent être rejeté dès lors que la mauvaise conduite dont fait état le Parlement a bien été portée à la connaissance du requérant et de son conseil avant l’adoption de la décision attaquée le concernant. Les droits de la défense n’ont par conséquent pas été violés et la première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

78      Quant à la seconde branche du deuxième moyen, les requérants reprochent à l’AIPN d’avoir violé l’obligation de diligence et le devoir de sollicitude en ce qu’elle aurait manifestement tardé à s’informer de l’état de la procédure pénale ouverte au Portugal à leur égard.

79      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte (voir arrêt du 14 avril 2021, RQ/Commission, T‑29/17 RENV, non publié, EU:T:2021:188, point 72 et jurisprudence citée).

80      Il convient aussi de rappeler que l’obligation de diligence, qui est également inhérente au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public, exige de celle-ci qu’elle agisse avec soin et prudence (arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 34).

81      Selon l’article 25 de l’annexe IX du statut, « [l]orsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive ».

82      Il est vrai que l’article 25 de l’annexe IX du statut n’imposait pas à l’AIPN de suspendre ses travaux. D’une part, aux termes de cet article, des poursuites pénales parallèles n’empêchent pas la procédure disciplinaire de suivre son cours, mais uniquement l’AIPN d’adopter sa décision. D’autre part, l’administration n’est tenue de suspendre la prise de décision que si le fonctionnaire démontre que des poursuites pénales ont été engagées à son égard, notion qui, du fait qu’elle implique la mise en mouvement de l’action publique pour l’application des peines, ne saurait inclure l’existence d’une enquête, d’une information ou d’une instruction, mais suppose que des poursuites pénales aient été engagées (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2012, BG/Médiateur, F‑54/11, EU:F:2012:114, point 70, et du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, point 151).

83      Or, en l’espèce, la procédure pénale engagée par les autorités judiciaires portugaises en était uniquement au stade de l’instruction lorsque le Parlement a suspendu la procédure disciplinaire et non à celui de l’engagement de poursuites pénales. Cela est entre autre confirmé par le requérant, selon lequel « le classement de l’affaire, toujours en cours d’enquête, signifie que les faits reprochés […] n’ont pas été soumis au jugement du tribunal ».

84      Il ne peut donc pas être reproché à l’AIPN de ne pas avoir suspendu la procédure disciplinaire plus tôt, alors même que, au moment où elle l’a suspendue, elle n’était pas dans l’obligation de le faire.

85      L’argument selon lequel le conseil de discipline n’aurait pas été informé en temps utile des résultats de la procédure pénale au Portugal, qui se serait terminée par un classement du dossier, doit de ce fait être écarté, étant donné que la décision adoptée dans le cadre de la procédure pénale portugaise et classant le dossier n’a été prise que le 19 mars 2019 et ne pouvait dès lors pas être communiquée plus tôt, ni avant la suspension de la procédure disciplinaire ni avant la saisine du conseil de discipline. En tout état de cause, il ressort de l’avis du conseil de discipline que le conseil des requérants avait informé celui-ci de la possibilité de la suspension de la procédure pénale portugaise, les requérants ayant l’intention de respecter les injonctions du ministère public portugais. Le conseil de discipline était par conséquent au courant de la possibilité d’une suspension de la procédure pénale au Portugal.

86      Il découle des considérations qui précèdent que rien ne permet d’affirmer que le Parlement aurait méconnu son devoir de sollicitude ou son obligation de diligence en ne communiquant pas en temps utile les résultats de la procédure pénale portugaise au conseil de discipline ou en ne suspendant pas la procédure disciplinaire beaucoup plus tôt.

87      La seconde branche du deuxième moyen et, par conséquent, le deuxième moyen dans son intégralité doivent être rejetés.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’irrégularité des actes préparatoires

88      Selon les requérants, même si les actes préparatoires ne font pas grief à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure, il serait possible de faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés. En l’espèce, deux actes préparatoires aux décisions attaquées seraient irréguliers, entraînant l’irrégularité de ces dernières.

89      En premier lieu, le rapport d’enquête de l’OLAF du 21 décembre 2015 ferait état de plusieurs irrégularités qui auraient été signalées lors de la deuxième audition du 30 avril 2018 et dans les observations du 22 mai 2019. D’abord, il manquerait en annexe au rapport d’enquête une copie du rapport d’inspection des bureaux des fonctionnaires concernés afin d’y recueillir les disques durs ainsi que le contenu de leur messagerie Outlook. Puis, lors de certaines inspections effectuées par l’OLAF dans les cliniques portugaises, les représentants des autorités portugaises n’auraient pas été présents. Ensuite, il n’y aurait aucune référence à l’existence d’un mandat des autorités portugaises délivré à l’OLAF pour mener les interrogations lors des inspections dans les cliniques portugaises. Enfin, il n’y aurait pas de recoupements entre les suppositions initiales de l’OLAF et le résultat des inspections précitées, ce qui conduirait à l’absence de prise en compte des dépositions recueillies auprès des médecins interrogés et dont il ressortirait notamment la légitimité des factures émises. Ces éléments de preuve auraient été ignorés alors qu’ils seraient à décharge des requérants. Or, ces irrégularités identifiées dans le chef du rapport de l’OLAF entacheraient nécessairement le rapport d’enquête interne qui se contenterait de se référer au rapport de l’OLAF pour ce qui est des devoirs d’enquête. Le rapport d’enquête interne, étant fondé sur un acte préparatoire irrégulier, devrait donc également être considéré comme étant irrégulier. Cette dernière irrégularité entraînerait ainsi celle des décisions attaquées, ces dernières étant, notamment, fondées sur le rapport d’enquête interne. L’argument du Parlement, selon lequel les conclusions de l’OLAF et le rapport d’enquête interne auraient été acceptés par le conseil des requérants, Me V, ne saurait être considéré comme fondé au regard de l’absence de validité du mandat de Me V.

90      En second lieu, l’avis du conseil de discipline du 19 mars 2018 sur lequel se fondent les décisions attaquées serait irrégulier pour deux raisons. D’une part, l’avis du conseil de discipline n’a pas jugé utile d’attendre l’issue de la procédure pénale au Portugal, mais surtout aurait préempté les résultats en considérant que les requérants avaient acquiescé aux faits qui leur étaient reprochés et, ce faisant, avaient reconnu leur culpabilité puisqu’ils auraient prétendument eu l’intention de rembourser les sommes litigieuses, alors même que la procédure pénale portugaise aurait été classée sans reconnaissance de faits ou de culpabilité. Il ne suffirait pas au Parlement d’indiquer pourquoi il ne partagerait pas les conclusions de la procédure pénale portugaise, mais de prendre en compte les conséquences d’un classement de l’affaire de procédure pénale dans l’analyse des faits et de la culpabilité qui doit être menée dans le cadre de la procédure disciplinaire. Or, parmi ces conséquences figurerait l’absence de reconnaissance des faits et l’absence de reconnaissance de culpabilité, ce qui ne pourrait pas être ignoré par le Parlement au moment de l’adoption des décisions attaquées.

91      D’autre part, l’avis du conseil de discipline se fonderait à titre principal sur les propos, et notamment sur la culpabilité des requérants, tenus par Me V lors de l’audition du 20 février 2018. Or, Me V n’aurait pas disposé d’un mandat de représentation valide pour formuler une quelconque reconnaissance de culpabilité. Il résulterait des dispositions du droit portugais et du Conseil des barreaux européens (CCBE) que l’aveu ou la confession sont des actes qui doivent être posés par la personne elle-même et non par un tiers représentant. Ce serait la raison pour laquelle les requérants, dès qu’ils auraient eu connaissance, avec l’avis du conseil de discipline, des déclarations faites en leurs noms par Me V auraient perdu confiance en ce dernier et auraient décidé de révoquer son mandat. Par conséquent, les conclusions de l’avis du conseil de discipline ne pourraient être considérées comme valides, car elles ne pourraient se fonder sur les déclarations de Me V, mais uniquement sur les déclarations écrites des requérants du 20 février 2017, dont il ressortirait explicitement qu’ils rejettent catégoriquement toutes les allégations contenues dans le rapport de l’OLAF et dans le rapport d’enquête du Parlement.

92      Le Parlement conteste les arguments des requérants.

93      Il ressort de la jurisprudence que, s’agissant de décisions dont l’élaboration comprend plusieurs étapes, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent des actes faisant grief et, comme tels, attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des actes préparatoires de la décision finale. Ce n’est qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la décision prise au terme de cette procédure qu’une partie requérante peut faire valoir, à titre incident, l’irrégularité de tels actes préparatoires (voir, par analogie, ordonnance du 7 avril 2005, Van Dyck/Commission, C‑160/04 P, non publié, EU:C:2005:207, point 32).

94      Selon une jurisprudence également constante, pour qu’une irrégularité procédurale puisse justifier l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent. Dans le cadre de cet examen, il a été jugé qu’il devait être tenu compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, notamment, de la nature des griefs et de l’ampleur des irrégularités procédurales commises par rapport aux garanties dont l’agent a pu bénéficier (voir arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 225 et jurisprudence citée).

95      Force est de constater que, en l’espèce, le rapport d’enquête de l’OLAF du 21 décembre 2015 ainsi que l’avis du conseil de discipline du 19 mars 2018 font partie intégrante de la motivation des décisions attaquées. Il s’ensuit qu’il existe un lien étroit entre le rapport d’enquête de l’OLAF, l’avis du conseil de discipline et les décisions attaquées de sorte que, par rapport à ces dernières décisions, le rapport d’enquête de l’OLAF et l’avis du conseil de discipline constituent des actes préparatoires. Ce lien étroit justifie dès lors que le Tribunal examine la légalité de ces actes préparatoires (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2013, BM/BCE, F‑78/11, EU:F:2013:90, point 60).

96      En l’espèce, quant aux prétendues irrégularités entachant le rapport d’enquête de l’OLAF, il convient d’abord de constater, s’agissant du grief tiré du fait que le rapport de l’inspection menée dans les bureaux des requérants n’aurait pas été annexé au rapport d’enquête de l’OLAF, que les requérants ont eu accès aux éléments pertinents recueillis lors de ladite inspection, sur lesquels l’OLAF s’est fondé pour établir son rapport d’enquête. Il ressort en effet du point 2.2.2 du rapport d’enquête que deux notes détaillant les résultats de l’analyse par mots clés réalisée au terme de ladite inspection figurent en annexe audit rapport d’enquête. Dans ces circonstances, les requérants n’ont pas démontré en quoi la communication du rapport d’inspection en tant que tel aurait pu conduire à un résultat différent. Ce grief doit, par conséquent, être rejeté.

97      Concernant, ensuite, l’absence de représentants des autorités portugaises lors des perquisitions dans certaines cliniques au Portugal, il y a lieu de noter que la question de la présence d’agents nationaux est régie par le règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO 1996, L 292, p. 2).

98      D’une part, selon l’article 4 du règlement no 2185/96, la présence de ces agents doit, en substance, être acceptée lorsque ces derniers en expriment le souhait. D’autre part, selon l’article 9 dudit règlement, elle est nécessaire en cas d’opposition aux contrôles et aux vérifications effectuées par l’OLAF (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission, T‑48/16, EU:T:2018:245, points 85 et 86). Or, selon les informations fournies par les requérants, aucune de ces deux circonstances n’était réalisée en l’espèce de sorte que le grief tiré de l’absence de représentants des autorités portugaises lors des perquisitions réalisées par l’OLAF ne peut qu’être rejeté.

99      De même, le grief tiré de l’absence de mandat délivré par les autorités portugaises ne saurait prospérer, dès lors que, selon l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 2185/96, la réalisation de contrôles et de vérifications sur place par l’OLAF est seulement subordonnée à la délivrance, par le directeur général de cet office, d’une habilitation écrite (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission, T‑48/16, EU:T:2018:245, point 82).

100    En ce qui concerne l’absence de recoupement entre les suppositions de l’OLAF et son inspection, aboutissant selon les requérants à l’absence de prise en compte des dépositions des médecins à leur décharge, il convient de constater qu’il découle du rapport de l’OLAF que les dépositions des médecins font partie intégrante du rapport et que, dans la conclusion, contrairement à ce que les requérants ont indiqué à l’audience, il est même fait état de la responsabilité de deux médecins pour avoir émis des factures ne correspondant pas à des traitements. Par ailleurs, il est également fait état de l’existence de certaines factures relatives à des traitements dentaires qui auraient bien eu lieu et pour lesquels l’OLAF ne retient aucune responsabilité du médecin. Les requérants n’indiquent d’ailleurs pas de quelles dépositions il s’agit et en quoi ces dépositions auraient pu modifier le résultat des décisions attaquées. Ce grief est dès lors non fondé et doit être rejeté.

101    En conséquence, les requérants sont restés en défaut de démontrer l’existence d’une irrégularité qui entacherait le rapport d’enquête de l’OLAF.

102    Quant à l’avis du conseil de discipline, il résulte de l’article 25 de l’annexe IX du statut que « [l]orsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive ».

103    Ainsi que cela résulte du point 82 ci‑dessus, l’article 25 de l’annexe IX du statut n’empêche pas le conseil de discipline de rendre son avis mais seulement l’AIPN d’adopter une décision. En tout état de cause, cette disposition ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce dès lors que la procédure pénale engagée par les autorités judiciaires portugaises en était uniquement au stade de l’instruction par le ministère public.

104    Ce grief doit par conséquent être rejeté, le conseil de discipline n’ayant aucune obligation d’attendre la fin de la procédure pénale portugaise pour poursuivre ses travaux.

105    Le grief relatif à l’obligation d’analyser les conséquences du classement de l’affaire pénale portugaise doit également être rejeté.

106    À cet égard et sans qu’il soit nécessaire de définir de façon précise la matière pénale et la matière disciplinaire, il convient de rappeler que les visées des procédures pénale et disciplinaire sont fondamentalement différentes. La procédure pénale a trait au respect des règles de maintien de l’ordre édictées afin de garantir le bon fonctionnement d’une société tout entière. La procédure disciplinaire, en revanche, ne vise qu’au respect des règles devant garantir le bon fonctionnement d’une institution. De par leurs visées respectives, ces règles ont des sanctions différentes. Ainsi, si un même comportement peut enfreindre tant la règle pénale que la règle disciplinaire, la sanction disciplinaire s’évalue par rapport au régime disciplinaire et non par rapport à la sanction pénale. Partant, l’autorité disciplinaire ne saurait être tenue, dans son choix de la sanction disciplinaire appropriée, de tenir compte des sanctions pénales adoptées dans le cadre d’une procédure pénale impliquant la même personne (arrêt du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 98).

107    En outre, selon cette même jurisprudence, une sanction disciplinaire peut être infligée en l’absence de toute condamnation pénale. Par conséquent, le fait que des mêmes faits entraînent une condamnation disciplinaire mais pas de condamnation pénale n’atteste pas du caractère disproportionné ou manifestement erroné d’une sanction disciplinaire (arrêt du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 58).

108    Ainsi, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la question de savoir si, en droit portugais, la suspension de la procédure pénale doit être interprétée comme un classement sans reconnaissance de faits ni de culpabilité, il ne saurait être considéré que l’AIPN aurait, de ce fait, été tenue de considérer que les faits reprochés aux requérants n’étaient pas suffisamment établis. Au contraire, le constat de l’existence des faits reprochés aux requérants se fonde sur les éléments matériels recueillis par l’OLAF et le Parlement au cours de leurs enquêtes respectives, en particulier des demandes de remboursement, des factures et des courriels. En outre, il importe de relever que les éléments recueillis au cours de la procédure pénale confirment la teneur des déclarations de Me V lors de la première audition.

109    En effet, il est indiqué dans la décision du ministère public portugais, contrairement à ce que prétendent les requérants, qu’ils « ont présenté lesdits documents, qu’ils savaient être faux », qu’ils « ont toujours agi de manière délibérée [...] afin d’atteindre le but fixé et atteint par eux, à savoir retirer un avantage financier », qu’ils « ont trompé les services » et qu’ils « étaient en outre conscients qu’une telle conduite est interdite et punie par la loi », que, « [c]ompte tenu de ce qui précède, chacun des [requérants] a commis […] un délit de falsification de documents » et « un délit d’escroquerie », que, « [b]ien que les preuves soient suffisantes, […] ce qui justifierait la mise en accusation », il convient d’« évaluer l’opportunité d’une suspension provisoire de la procédure » qui « est l’un des moyens de substitution pour la gestion de la petite délinquance » et dont « les injonctions et […] règles de conduite […] agissent comme des équivalents fonctionnels d’une sanction pénale ». En dépit des explications données à l’audience, selon lesquelles l’ordonnance du parquet portugais ne contient pas de conclusions définitives et n’est pas un jugement, mais seulement un ensemble d’indices relatifs à un prévenu, ladite ordonnance laisse peu de doutes quant à la véracité des faits et confirme les propos tenus par Me V lors de l’audition du 20 février 2018.

110    À cet égard, aucun des arguments invoqués à l’appui du présent moyen n’est susceptible de démontrer que l’AIPN aurait dû avoir une quelconque raison de douter de la véracité des déclarations faites par Me V au nom des requérants lors de la première audition du 20 février 2018, selon lesquelles ces derniers n’entendaient pas remettre en cause les constatations opérées par l’OLAF et le Parlement au terme de leurs enquêtes respectives.

111    Par conséquent, dans les circonstances de l’espèce, c’est à juste titre que l’AIPN a pu estimer qu’il n’était pas nécessaire de consulter à nouveau le conseil de discipline à la suite de la clôture de la procédure pénale et qu’elle pouvait donc adopter les décisions attaquées en se fondant sur l’avis du conseil discipline rendu avant la clôture de la procédure pénale.

112    Le troisième moyen doit par conséquent être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des articles 4 et 16 de l’annexe IX du statut et des principes d’attribution des compétences et d’autonomie procédurale des États membres

113    Selon les requérants, en ne tenant pas compte de l’absence de validité, en droit portugais, du mandat de Me V, les décisions attaquées ainsi que les réponses aux réclamations violent les articles 4 et 16 de l’annexe IX du statut ainsi que les principes d’attribution des compétences et d’autonomie procédurale des États membres. En premier lieu, il ne résulterait aucunement de ces articles que les limitations de mandat d’un avocat en droit national ne seraient pas opposables à l’administration de l’Union. Il y aurait juste une référence à la possibilité de se faire représenter par une personne de son choix sans que cette personne soit nécessairement une personne exerçant le ministère d’avocat. Ainsi, il ne pourrait en être déduit que les articles précités autoriseraient l’aveu ou la confession par l’intermédiaire d’un tiers sans la confirmation par la personne concernée. En second lieu, la matière relative à la validité d’un mandat de représentation ne ferait l’objet d’aucune réglementation harmonisée de la part du législateur de l’Union. Dès lors, et selon la jurisprudence, en vertu du principe d’attribution des compétences entre l’Union et les États membres et du principe dit d’autonomie procédurale de ces derniers, la validité d’un mandat de représentation d’un avocat ne saurait être considérée comme régie de manière autonome par le droit de l’Union. Il appartiendrait à l’ordre juridique interne de chaque État membre d’établir les règles en la matière et aux institutions et aux organes d’en tenir compte en vertu du principe de coopération loyale. L’affirmation selon laquelle, en matière de fonction publique, le juge n’appliquerait que le droit de la fonction publique et non un quelconque droit national, ne saurait remettre en cause cette exigence. Ainsi, tant le conseil de discipline que l’AIPN auraient été tenus de vérifier la validité, notamment au regard du droit portugais, du mandat de Me V lors de l’audition du 20 février 2018 et d’en tirer toutes les conséquences pour la procédure disciplinaire diligentée, notamment en l’absence d’acquiescement de la part des requérants. S’étant abstenue d’agir ainsi, l’AIPN entacherait d’illégalité les décisions attaquées.

114    Les requérants précisent dans leur réplique que l’article 45 du code de procédure civile portugais concerne les procédures civiles et non les procédures pénales. Conformément à l’article 344, paragraphe 1, du code de procédure pénale portugais, la confession doit répondre à un certain nombre de conditions entraînant sinon la nullité du moyen de preuve, dont la demande par le juge si la confession est faite de plein gré et libre de toute contrainte. La confession d’un délit par un avocat au nom de son mandant ne pourrait dès lors jamais être considérée comme valable, même si celui-ci le souhaitait. Il s’agirait alors d’une violation du secret professionnel par l’avocat. Me V aurait d’ailleurs indiqué qu’il n’avait pas une déclaration écrite de la part de la requérante, sans en être certain. Le conseil de discipline aurait lui-même émis des doutes quant à la validité des déclarations de l’avocat.

115    Le Parlement conteste les arguments des requérants.

116    Il ressort de la requête que les requérants sont d’avis que la limitation du mandat de l’avocat en droit portugais serait opposable à l’administration, alors que les articles 4 et 16 de l’annexe IX du statut indiqueraient uniquement que le fonctionnaire pourrait se faire représenter « par une personne de son choix ». Il ne serait pas possible de déduire de ces articles que la « représentation par une personne de son choix » permettrait à cette dernière de faire des aveux sans l’autorisation de la personne concernée.

117    Selon l’article 4 de l’annexe IX du statut, « [s]i pour des raisons objectives, le fonctionnaire ne peut être entendu au titre des dispositions de la présente annexe, il peut être invité à formuler ses observations par écrit ou peut se faire représenter par une personne de son choix ».

118    Selon l’article 16, paragraphe 1 de l’annexe IX du statut, « [l]e fonctionnaire concerné est entendu par le conseil ; à cette occasion, il peut présenter des observations écrites ou verbales, personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant de son choix. ».

119    Quant au mandat d’avocat, il ressort de la jurisprudence que l’avocat qui assiste ou qui représente une partie n’est tenu devant le Tribunal à aucune autre formalité que celle de justifier de sa qualité d’avocat et n’a pas à produire une procuration en bonne et due forme, sauf à justifier de ce pouvoir en cas de contestation (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Saintraint/Commission, F‑103/06 REV, EU:F:2011:147, point 45 et jurisprudence citée). Par analogie, en matière de désistement, il a été jugé que, dans la mesure où l’avocat n’a pas, en principe, à justifier d’une procuration de son client en bonne et due forme ni pour l’introduction du recours ni pour faire connaître au Tribunal que son client entend renoncer à l’instance, la décision de ce dernier pouvant, aux termes de l’article 125 du règlement de procédure, être communiquée au Tribunal même oralement à l’audience, l’existence ainsi que l’étendue, voire la révocation, du mandat ad litem entre un avocat et son client sont, sauf cas de contestation, des questions soustraites à l’examen du Tribunal. La question de la production de la procuration par un avocat qui représente une partie devant le Tribunal étant réglée, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, par le règlement de procédure et par la jurisprudence du juge de l’Union, il n’y a pas lieu d’appliquer par analogie le droit national, en vertu duquel, un acte exprès de désistement ne peut être déposé qu’en vertu d’un pouvoir spécial (voir arrêt du 20 septembre 2011, Saintraint/Commission, F‑103/06 REV, EU:F:2011:147, point 46 et jurisprudence citée).

120    Il y a lieu de considérer que cette jurisprudence relative à une procédure judiciaire ou un désistement, qui pourrait nécessiter un pouvoir spécial dans certains droits nationaux, est également applicable, par analogie, dans le cadre d’une procédure disciplinaire appliquant des dispositions statutaires. La question de la représentation des requérants par Me V étant réglée par les dispositions statutaires et par la jurisprudence, il n’y a pas lieu d’appliquer le droit portugais qui, selon les requérants, exigerait un mandat spécial en matière d’aveu.

121    Il convient également de rappeler que, ainsi que le Parlement l’a indiqué lors de l’audience, pour statuer sur les litiges en matière de fonction publique pour lesquels il est compétent, le juge de l’Union applique uniquement le droit de la fonction publique de l’Union et non un quelconque droit national, de sorte que les références faites à un droit national sont dépourvues de toute pertinence (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2016, Weissenfels/Parlement, T‑684/15 P, non publié, EU:T:2016:525, point 30).

122    Cela est d’autant plus vrai que les requérants n’ont pas l’obligation de se faire représenter par un avocat, mais qu’ils peuvent se faire représenter par une personne de leur choix.

123    Par définition, le représentant est une personne qui a reçu le pouvoir d’agir au nom de quelqu’un ou qui accomplit un acte au nom et pour le compte de quelqu’un. Cette personne n’assiste pas le requérant, mais agit au nom et pour le compte de ce dernier. Étant donné que, en l’espèce, il ne doit pas s’agir nécessairement d’un avocat mais d’une personne choisie par le requérant, il n’est certes pas interdit de changer de représentant, mais celui qui représente le requérant peut agir au nom et pour le compte de ce dernier, ce qui lui permet également de faire des aveux.

124    Il ressort du dossier que Me V a été le représentant des requérants respectivement depuis le 3 et le 5 février 2016 jusqu’au 19 avril 2018, ayant en date du 18 avril 2018 confirmé sa participation à l’audition des requérants. Cela n’est pas contesté par les parties.

125    En tout état de cause, dans le cadre de cette représentation, il ressort du mandat donné à Me V, signé par les requérants les 3 et 5 février 2016, que ces derniers lui donnent par ailleurs expressément l’autorisation de faire des aveux. En effet, le mot « confessar » qui y est employé, est traduit en français par « avouer », « faire des aveux ».

126    Par ailleurs, dans le cadre de l’attribution des compétences et de l’autonomie procédurale des États membres, il convient également de souligner que, si des règles différentes devaient être appliquées selon l’origine nationale de l’avocat, les requérants se verraient appliquer des règles différentes selon leur représentant, ce qui entraînerait une inégalité de traitement, sans oublier la difficulté de devoir gérer plusieurs systèmes différents selon l’origine des représentants.

127    En l’espèce, les requérants n’ont pas apporté la preuve que Me V ne disposait plus d’un mandat pour les représenter lors de la première audition et, en l’absence de tout indice permettant de douter de la régularité de son mandat, il n’appartenait pas à l’AIPN de vérifier si le mandat du représentant des requérants était conforme au droit portugais. Il convient d’ailleurs de rappeler que, en sa qualité d’avocat, le précédent représentant des requérants est un professionnel du droit devant exercer ses fonctions dans le respect strict des règles de déontologie. S’il s’était rendu coupable d’une fausse déclaration lors de l’audition du 20 février 2018, non seulement il s’exposerait à des sanctions pénales, mais il compromettrait sa réputation professionnelle et ferait sérieusement douter de sa probité [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Forbo Financial Services/EUIPO – Windmöller (Canoleum), T‑3/20, EU:T:2020:606, point 55].

128    Le droit portugais n’étant pas applicable, il n’y a pas lieu d’analyser la question de savoir s’il convient d’appliquer le code de procédure civile ou le code de procédure pénale portugais.

129    Par conséquent, les arguments des requérants visant la violation des articles 4 et 16 de l’annexe IX du statut et des principes d’attribution des compétences et d’autonomie procédurale des États membres ne sont pas fondés. Le quatrième moyen doit donc également être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut

130    Selon les requérants, en application de l’article 10 de l’annexe IX du statut, la sanction disciplinaire doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise, l’AIPN devant également tenir compte de certains critères, non exhaustifs, dans le choix de la sanction. Or, ni le conseil de discipline, ni l’AIPN n’auraient examiné l’ensemble des circonstances atténuantes susceptibles d’être constatées en leur faveur. Ainsi, d’une part, le montant des sommes litigieuses serait peu élevé. Ensuite, le niveau de leurs responsabilités ne serait également pas très élevé. Par ailleurs, ils ne posséderaient aucun antécédent disciplinaire et auraient toujours fait l’objet de rapports de notation satisfaisants, preuve d’une conduite irréprochable tout au long de leur carrière. Leur état de santé critique, dont la dégradation aurait conduit à leur mise en invalidité, n’aurait également pas été pris en compte.

131    D’autre part, en ce qui concerne le requérant, les accusations formulées par le Parlement dans la décision attaquée et dans la décision rejetant la réclamation, selon lesquelles la conduite du requérant n’aurait pas été irréprochable tout au long de sa carrière, se révéleraient gratuites et ne seraient prouvées par aucun fait précis ni aucune date qui correspondrait aux faits reprochés. Le requérant n’aurait jamais insulté ses collègues en dépit d’une situation professionnelle d’adversité, laquelle l’a conduit à introduire plusieurs dossiers de reconnaissance de maladie professionnelle dont le traitement ferait l’objet d’une durée manifestement déraisonnable en ce qu’ils seraient toujours en phase d’instruction. Par ailleurs, le Parlement aurait implicitement, mais nécessairement, considéré que le degré de gravité des faits en cause ne serait pas susceptible d’empêcher le recours à la suspension provisoire et enfin au classement et à l’archivage de la procédure pénale au Portugal. Il n’aurait donc pas considéré les faits d’une gravité telle qu’ils auraient dû motiver une opposition à une suspension provisoire et conduire à un jugement devant un tribunal compétent.

132    Quant aux allégations sur leur état de santé, les requérants répliquent que, si les dates d’invalidité sont correctes, les situations à l’origine de l’invalidité de chacun d’entre eux sont naturellement antérieures à la date d’attribution de l’invalidité. Le requérant fait état à cet effet de certaines procédures médicales qui auraient fait l’objet d’un recours devant le Tribunal, celui-ci ayant annulé les décisions du Parlement relatives à la reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies. La requérante attendrait à ce jour une réponse à sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Selon un rapport médical du 22 août 2018, elle présenterait une aggravation significative de son état de santé qui évoluerait déjà depuis 13 ans avec des périodes fréquentes d’aggravation.

133    Le Parlement conteste les arguments des requérants.

134    Selon l’article 10 de l’annexe IX du statut, « [l]a sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise ». Sont énumérés de manière non exhaustive audit article, sous a) à i), les critères dont l’AIPN doit tenir compte pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction à infliger.

135    S’agissant de l’évaluation de la gravité des manquements constatés par le conseil de discipline à la charge du fonctionnaire et du choix de la sanction qui apparaît, au vu de ces manquements, comme étant la plus appropriée, ceux‑ci relèvent en principe du large pouvoir d’appréciation de l’AIPN, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits révélés. Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, l’AIPN dispose du pouvoir de procéder à une appréciation de la responsabilité du fonctionnaire, différente de celle portée par le conseil de discipline, ainsi que de choisir, par suite, la sanction disciplinaire qu’elle estime adéquate pour sanctionner les fautes disciplinaires retenues (voir arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 121 et jurisprudence citée).

136    Une fois la matérialité des faits établie, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont jouit l’AIPN en matière disciplinaire, le contrôle juridictionnel doit se limiter à une vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 180 et jurisprudence citée).

137    Pour apprécier la proportionnalité d’une sanction disciplinaire par rapport à la gravité des faits retenus, le Tribunal doit prendre en considération le fait que la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l’AIPN de tous les faits concrets et de toutes les circonstances propres à chaque cas d’espèce, étant rappelé que le statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions qui y sont indiquées et les différentes catégories de manquements commis par les fonctionnaires et ne précise pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction. L’examen du juge de première instance est, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, le juge ne saurait se substituer à l’AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle‑ci (voir arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 93 et jurisprudence citée).

138    C’est sur la base des éléments exposés aux points 134 à 137 ci-dessus qu’il y a lieu d’apprécier les arguments avancés par les requérants concernant une prétendue violation du principe de proportionnalité.

139    Dans le cas d’espèce, il n’apparaît pas que les sanctions litigieuses soient disproportionnées, dès lors que, en falsifiant des factures médicales et en cherchant à obtenir le remboursement de traitements soit non remboursables, soit prestés à autrui, soit fondés sur de fausses factures, les requérants ont porté gravement atteinte à la dignité de la fonction européenne. En outre, aucun élément avancé par les requérants ne permet de conclure que les sanctions infligées sont disproportionnées par rapport au comportements qui leur sont reprochés.

140    Les requérants reprochent à l’AIPN d’avoir négligé de prendre en compte, dans la décision attaquée, certaines circonstances atténuantes ou certains éléments à décharge, tels que les montants en cause ou le niveau de leurs responsabilités.

141    Quant à la circonstance que le préjudice matériel subi par l’Union serait d’une moindre importance, les montants en cause n’étant pas très élevés, le Tribunal rappelle que la détermination de la sanction disciplinaire à infliger procède d’une évaluation globale de tous les faits concrets et de toutes les circonstances propres au cas d’espèce. Or, outre le fait que ces comportements illicites ont perduré pendant plusieurs années, il importe de relever que le conseil de discipline a noté que, même si les montants en cause n’étaient pas très élevés, les requérants avaient agi avec une « énergie criminelle considérable » pour dissimuler le fait qu’ils détournaient des fonds pour leur propre bénéfice. Par ailleurs, le régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (RCAM) étant financé, en partie, par ses affiliés, c’est-à-dire par les fonctionnaires et les agents de l’Union, l’AIPN a pu estimer que le fait d’avoir intentionnellement, et au détriment de leurs collègues, demandé et obtenu le remboursement de soins de santé qui ne pouvaient être pris en charge par ledit régime constituait un manquement important à leurs obligations professionnelles, lequel comportement avait pu nuire à l’intégrité, à la réputation et aux intérêts des institutions. Partant, contrairement à ce que prétendent les requérants, l’AIPN a correctement apprécié l’importance du préjudice causé à l’Union par leurs manquements.

142    S’agissant du grief tiré de ce que l’AIPN n’aurait pas pris en compte le niveau peu élevé de leurs responsabilités, allégation simplement énoncée, mais nullement étayée, il ressort de l’avis motivé du conseil de discipline, suivi par l’AIPN, que le requérant, ayant travaillé comme assistant de grade AST 6, ne peut, compte tenu de son grade, être considéré comme un membre junior du personnel. Il ressort de l’avis motivé du conseil de discipline que la requérante, assistante de grade AST 8, avait un grade relativement élevé et que, par conséquent, il est exigé qu’elle agisse de façon exemplaire. Les deux avis du conseil de discipline ajoutent que, même si leurs fonctions et leurs responsabilités étaient relativement limitées, les fautes ont été commises par les requérants personnellement, de façon régulière sur plusieurs années, et non pas dans le cadre de leurs fonctions. Le manquement est dès lors un manquement très sérieux aux obligations professionnelles. Le niveau de leurs responsabilités a, dès lors, bien été pris en compte.

143    Ensuite, les requérants font grief au Parlement de ne pas avoir considéré en tant que circonstances atténuantes leurs rapports de notation dans lesquels il considérait notamment que les prestations de la requérante étaient excellentes au niveau du rendement, de la compétence et de la conduite et que celles du requérant étaient également satisfaisantes. À cet égard, il ressort du point 28 des avis du conseil de discipline que ce dernier a pris en compte les rapports de notation en indiquant que la conduite générale de la requérante tout au long de sa carrière était de bien à excellente et que celle du requérant était acceptable. Or, il ressort de la jurisprudence que, quelle que soit l’appréciation figurant dans les rapports de notation des requérants, le Parlement pouvait néanmoins légitimement considérer que, eu égard à la gravité des faits retenus, une telle circonstance n’était pas susceptible d’atténuer la sanction à infliger (arrêt du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T‑34/96 et T‑163/96, EU:T:1999:102, point 167). Ce grief doit donc être rejeté.

144    Les requérants soutiennent également que le Parlement aurait dû prendre en compte leur état de santé comme circonstance atténuante. Ce grief ne peut cependant qu’être rejeté. En effet, même s’il est vrai qu’un état de santé peut perdurer pendant plusieurs années avant d’être considéré comme nécessitant une mise en invalidité, il convient de constater que rien ne permet de prouver que cet état existait pendant la période durant laquelle les fautes ont été commises. Il résulte par ailleurs des rapports de notation de la requérante qu’elle s’est acquittée de ses fonctions en démontrant de grandes compétences. Rien ne permet dès lors de soutenir qu’elle aurait souffert de troubles abolissant ou altérant son discernement qui auraient pu avoir un impact sur le sens des responsabilités et qui devraient être pris en considération dans la détermination de la sanction. Le certificat médical qui fait état d’une aggravation de son état de santé depuis treize ans ne montre pas non plus que cet état aurait pu avoir une conséquence quelconque sur son discernement ou son sens des responsabilités dans l’exécution de ses tâches.

145    Il en est de même pour le requérant, qui n’apporte aucun élément constituant ne serait-ce qu’un commencement de preuve de l’évolution de son état de santé et des éventuelles répercussions de cet état sur son comportement et sa conduite pendant les périodes où les fautes ont été commises. Il n’a soumis à cet égard ni rapport médical, ni rapport de notation en ce sens. Il ne ressort de ses rapports de notation des années 2012 et 2013 aucun élément permettant de douter de ses capacités intellectuelles. Les informations relatives à son accident en 2010 ne permettent pas non plus de considérer que ses facultés de discernement ou son sens des responsabilités auraient été altérés. Cependant, tant l’OLAF que le conseil de discipline ont conclu que les fautes ont été commises intentionnellement dans un but d’enrichissement illégal, et ce de façon régulière et réfléchie pendant plusieurs années. Rien ne permet dès lors de conclure à une altération médicale pouvant être considérée comme une circonstance atténuante. Quant à l’arrêt du 28 mai 2020 AW/Parlement (T‑213/19, EU:T:2020:230), relatif au rejet de ses demandes de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie, il convient de constater que les décisions par lesquelles lesdites demandes ont été rejetées ont été annulées en raison de l’irrégularité des travaux de la commission médicale ayant vicié le rapport de celle-ci, à savoir en raison d’un vice de procédure, et ne pourraient dès lors avoir une quelconque incidence sur la solution du présent litige.

146    Quant à la mauvaise conduite du requérant invoquée par le conseil de discipline comme étant une circonstance aggravante, il convient de constater que le requérant a, à plusieurs reprises, envoyé des courriels à un grand nombre de fonctionnaires, ainsi qu’au président de la Commission, indiquant qu’il était victime de harcèlement, accusant ses collègues de lui causer des problèmes, voire de le traiter de façon discriminatoire. Même si ces courriels, dont celui envoyé au président de la Commission, peuvent être considérés comme n’étant ni malveillants, ni calomnieux, ils doivent cependant, ainsi que les requérants l’ont également reconnu à l’audience, être considérés comme étant irrespectueux.

147    Au regard de ces considérations et de la gravité des comportements reprochés, il convient de considérer, d’une part, que l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans la prise en considération et la pondération des circonstances atténuantes et aggravantes du cas d’espèce et, d’autre part, la sanction finalement infligée n’apparaît pas disproportionnée, étant observé qu’elle ne constitue pas, pour de tels manquements, la sanction disciplinaire la plus lourde eu égard à l’existence notamment de la révocation (voir, en ce sens, arrêt du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 59).

148    Il s’ensuit qu’aucun élément ne permet de conclure que les sanctions infligées sont disproportionnées au regard des comportements reprochés.

149    Il ressort ainsi de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’AIPN n’a pas commis d’erreur de fait ni d’erreur manifeste d’appréciation et que les décisions attaquées ne violent aucunement le principe de proportionnalité visé à l’article 10 de l’annexe IX du statut.

150    En conséquence, le cinquième moyen soulevé par les requérants doit être rejeté et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

151    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

152    Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      AV et AW sont condamnés aux dépens.

Svenningsen

Barents

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.