Language of document : ECLI:EU:T:2014:636

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

7 juillet 2014 (*)

« Recours en annulation – Environnement – Directive 94/62/CE – Emballages et déchets d’emballages – Directive 2013/2/UE – Rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité » 

Dans l’affaire T‑224/13,

Melitta France, établie à Chézy-sur-Marne (France), représentée par Me H. Weil, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Alcover San Pedro et M. J.‑F. Brakeland, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la directive 2013/2/UE de la Commission, du 7 février 2013, modifiant l’annexe I de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO L 37, p. 10), en ce que la Commission inscrit les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple, à l’exception de ceux destinés à faire partie d’équipements de production et qui ne sont pas utilisés pour présenter un produit en tant qu’unité de vente, sur la liste des exemples de produits illustrant l’application des critères précisant la notion d’« emballage »,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 20 décembre 1994, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO L 365, p. 10) visant, selon son article 1er, à harmoniser les diverses mesures nationales concernant la gestion des emballages et des déchets d’emballages afin, d’une part, de prévenir et de réduire leur incidence sur l’environnement des États membres et des pays tiers et d’assurer ainsi un niveau élevé de protection de l’environnement et, d’autre part, de garantir le fonctionnement du marché intérieur et de prévenir l’apparition d’entraves aux échanges et de distorsions et restrictions de concurrence dans l’Union européenne. À cette fin, elle impose aux États membres de mettre en place des mesures de prévention de la formation de déchets d’emballages et de réduction de leur élimination finale, notamment par l’instauration de systèmes, d’une part, de reprise ou de collecte des emballages utilisés ou des déchets d’emballages et, d’autre part, de réutilisation ou de valorisation des emballages ou des déchets d’emballages collectés.

2        Conformément à son cinquième considérant et à son article 2, la directive 94/62 entend couvrir de façon large tous les emballages mis sur le marché dans l’Union.

3        L’article 3, point 1, de la directive 94/62 vise à définir la notion d’« emballage ».

4        À cet égard, la directive 94/62 a été modifiée par la directive 2004/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004 (JO L 47, p. 26), laquelle vise, notamment, à clarifier la définition de la notion d’« emballage » par l’introduction de certains critères et d’une annexe I contenant des exemples illustratifs, positifs et négatifs, de l’application de ces critères (considérant 2 de la directive 2004/12). La directive 2004/12 a modifié l’article 3, point 1, de la directive 94/62 en y ajoutant deux alinéas, dont le quatrième qui prévoit que la Commission européenne doit examiner, selon la procédure visée à l’article 21 de cette dernière, et, le cas échéant, modifier la liste d’exemples illustratifs figurant à l’annexe I. Les tubes et les rouleaux sur lesquels est enroulé un matériau souple sont désormais expressément visés parmi les produits devant être étudiés en priorité par la Commission dans le cadre de son examen.

5        En application de l’article 3, point 1, quatrième alinéa, de la directive 94/62 et selon la procédure prévue à l’article 21 de celle-ci, la Commission a adopté, le 7 février 2013, la directive 2013/2/UE modifiant l’annexe I de la directive 94/62 (JO L 37, p. 10, ci-après la « directive attaquée »). Par la directive attaquée, la Commission a inscrit sur la liste des exemples de produits constituant des emballages, figurant à l’annexe I de la directive 94/62, notamment les « rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple (par exemple : film plastique, aluminium, papier), à l’exception des rouleaux, tubes et cylindres destinés à faire partie d’équipements de production et qui ne sont pas utilisés pour présenter un produit en tant qu’unité de vente » (ci-après les « rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple »).

6        La directive 94/62 a été transposée en droit français notamment par les articles L 541-10 et suivants et R 543-42 et suivants du code de l’environnement, modifiés, dans le cadre de la transposition de la directive 2004/12, par l’arrêté ministériel, du 7 février 2012, relatif aux exemples d’application des critères précisant la notion d’« emballage » définis à l’article R 543-43 du code de l’environnement (JORF du 23 février 2012, p. 3070). Il ressort des articles L 541-10 II et R 543‑56 du code de l’environnement que les producteurs, les importateurs ou les entreprises responsables de la première mise sur le marché français des produits consommés ou utilisés par les ménages et commercialisés dans des emballages sont tenus de contribuer ou de pourvoir à la gestion de l’ensemble de leurs déchets d’emballages. À cet effet, ils identifient les emballages qu’ils font prendre en charge par un organisme ou une entreprise agréée à cette fin et récupèrent les autres emballages. L’article R 543-43 I énonce les critères visant à définir la notion d’« emballage » et prévoit que des exemples illustrant l’application de ces critères sont précisés par arrêté du ministre chargé de l’environnement.

7        La directive attaquée a été transposée en droit français par l’arrêté ministériel, du 6 août 2013, modifiant l’arrêté, du 7 février 2012, relatif aux exemples d’application des critères précisant la notion d’« emballage » définis à l’article R 543-43 du code de l’environnement (JORF du 27 août 2013, p. 14487), en y incluant, notamment, les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple en tant qu’exemple de produits constituant des emballages.

8        La requérante, Melitta France, commercialise en France des films à usage alimentaire en plastique, en aluminium et en papier, qui sont enroulés sur des tubes en carton. Ces produits sont fabriqués par les sociétés du groupe dont la requérante fait partie.

9        En janvier 2013, la requérante a été assignée devant le juge français par un éco-organisme privé agréé en France pour assurer la gestion des déchets d’emballages (ci-après l’« éco-organisme ») au motif qu’elle n’avait pas déclaré, dans le cadre de la participation au système de gestion des déchets d’emballages, les déchets constitués par les rouleaux, tubes et cylindres utilisés dans les produits commercialisés par elle sur le marché français, et que, en conséquence, elle n’avait pas acquitté la redevance à ce titre.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 avril 2013, la requérante a introduit le présent recours.

11      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 27 juin 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

12      Le 19 septembre 2013, la requérante a déposé les observations sur l’exception d’irrecevabilité.

13      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler « avec effet immédiat » la directive attaquée, en tant qu’elle ajoute les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple, à l’exception de ceux à usage industriel, sur la liste des exemples d’emballages figurant à l’annexe I de la directive 94/62 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        annuler « avec effet immédiat » partiellement la directive attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

16      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

17      La Commission conclut à l’irrecevabilité du présent recours en soulevant trois fins de non-recevoir, tirées, la première, de l’absence d’intérêt à agir de la requérante, en ce que l’annulation de la directive attaquée ne serait pas susceptible de lui procurer un avantage, la deuxième, du fait que la directive attaquée ne serait pas un acte réglementaire qui concerne directement la requérante et qui ne comporte pas de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ainsi que, la troisième, de l’absence de qualité pour agir de la requérante, en raison du défaut d’affectation directe et individuelle.

18      Il convient d’examiner d’abord la qualité pour agir de la requérante.

19      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

20      Une directive a, conformément à l’article 288, troisième alinéa, TFUE, pour destinataires les États membres. Ainsi, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, des particuliers, telle la requérante, ne peuvent former un recours en annulation contre une directive qu’à la condition soit qu’elle constitue un acte réglementaire qui les concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution, soit qu’elle les concerne directement et individuellement [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 25 octobre 2010, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec. p. II‑7697, point 19, et du 6 septembre 2013, Sepro Europe/Commission, T‑483/11, non publié au Recueil, point 29].

21      Le Tribunal estime opportun de commencer par examiner la fin de non‑recevoir tirée du défaut d’affectation directe, celle-ci étant fondée sur la condition de recevabilité d’un recours qui est commune aux deuxième et troisième catégories d’actes présentés au point 19 ci‑dessus.

22      La Commission soutient, en substance, que la directive attaquée ne produit pas directement des effets sur la situation juridique de la requérante. Selon la Commission, le fait que cette directive puisse l’affecter financièrement ne suffit pas à considérer qu’elle la concerne directement. Les États membres disposeraient, en outre, d’une marge d’appréciation quant à la réalisation des objectifs prévus par la directive 94/62 en ce qui concerne les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple, ajoutés par la directive attaquée à la liste des exemples de produits constituant des emballages au sens de l’article 3, point 1, de la directive 94/62.

23      La requérante fait valoir, en substance, que la directive attaquée implique, de manière automatique, que les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple doivent être désormais considérés comme des emballages, ne laissant à cet égard aucune marge d’appréciation aux autorités nationales compétentes. La directive attaquée aurait donc pour conséquence directe et immédiate que la requérante se voit imposer des obligations supplémentaires, notamment de nature financière, au titre de sa participation au système de gestion des déchets d’emballages formés par ces produits.

24      En l’espèce, force est de constater que la directive attaquée, tant par sa forme que par sa substance, est un acte de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et qui vise, de manière générale et abstraite, tous les opérateurs économiques des États membres exerçant leurs activités dans le domaine des emballages constitués par les produits inscrits par la directive attaquée à l’annexe I de la directive 94/62, y compris ceux constitués par les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple.

25      Il convient de rappeler que la Cour a qualifié, à diverses reprises, une directive d’acte ayant une portée générale (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 22 février 1984, Kloppenburg, 70/83, Rec. p. 1075, point 11, et du 29 juin 1993, Gibraltar/Conseil, C‑298/89, Rec. p. I‑3605, point 16 ; ordonnance de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C‑10/95 P, Rec. p. I‑4149, point 29). Toutefois, il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, les dispositions d’un tel acte de portée générale puissent concerner directement et individuellement un particulier (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, points 19 à 22 ; arrêts du Tribunal du 27 juin 2000, Salamander e.a./Parlement et Conseil, T‑172/98, T‑175/98 à T‑177/98, Rec. p. II‑2487, point 30, et du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, Rec. p. II‑211, point 96).

26      Par ailleurs, en ce qui concerne la condition de l’affectation directe telle qu’elle figurait à l’article 230, quatrième alinéa, CE, il ressort d’une jurisprudence constante que la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par l’acte faisant l’objet du recours requiert que cet acte produise directement des effets sur sa situation juridique et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires [arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43 ; arrêts Salamander e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, point 52 ; Arcelor/Parlement et Conseil, point 25 supra, point 97, et Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 20 supra, point 27].

27      Cela signifie que, dans le cas où un acte de l’Union est adressé à un État membre par une institution, si l’action que doit entreprendre l’État membre à la suite de l’acte a un caractère automatique, ou si de toute façon l’issue n’est pas douteuse, l’acte concerne alors directement toute personne qui est affectée par cette action. Si, au contraire, l’acte laisse à l’État membre la possibilité d’agir ou de ne pas agir, c’est l’action ou l’inaction de l’État membre qui concerne directement la personne affectée, et non l’acte en lui-même. En d’autres termes, l’acte en question ne doit pas dépendre, pour produire ses effets, de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par un tiers, à moins qu’il soit évident qu’un tel pouvoir ne peut s’exercer que dans un sens déterminé (ordonnance du Tribunal du 10 septembre 2002, Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil, T‑223/01, Rec. p. II‑3259, point 46).

28      Étant donné que la condition de l’affectation directe posée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’a pas été modifiée, cette jurisprudence s’applique également en l’espèce (ordonnance de la Cour du 9 juillet 2013, Regione Puglia/Commission, C‑586/11 P, non encore publiée au Recueil, point 31 ; voir également, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 15 juin 2011, Ax/Conseil, T‑259/10, non publiée au Recueil, point 21, et du 12 octobre 2011, GS/Parlement et Conseil, T‑149/11, non publiée au Recueil, point 19).

29      Il incombe donc au Tribunal de vérifier si la directive attaquée produit, par elle-même, des effets sur la situation juridique de la requérante.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une directive ne peut pas, par elle‑même, créer d’obligations à la charge d’un particulier et ne peut donc être invoquée, en tant que telle, à l’encontre de celui-ci (arrêts de la Cour du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, point 48, et du 7 mars 1996, El Corte Inglés, C‑192/94, Rec. p. I‑1281, point 15 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C‑91/92, Rec. p. I‑3325, point 25). Il s’ensuit qu’une directive qui, comme en l’espèce, contraint les États membres à considérer certains produits comme constituant des emballages, au sens de l’article 3, point 1, de la directive 94/62, n’est pas, en elle-même, antérieurement à, et indépendamment de, l’adoption des mesures étatiques de transposition, de nature à affecter directement la situation juridique des opérateurs économiques, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Salamander e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, point 54).

31      La requérante soutient, toutefois, que la directive attaquée l’a affectée directement avant même, et indépendamment de, sa transposition.

32      En premier lieu, la requérante se réfère aux répercussions financières qu’elle subit ou risque de subir en raison de l’adoption de la directive attaquée, du fait que celle-ci inclut les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple sur la liste des exemples d’emballages. Ainsi, la requérante, qui commercialise des films à usage alimentaire en plastique, en aluminium et en papier, qui sont enroulés sur les tubes en carton, serait obligée de participer au système de gestion des emballages constitués par ces tubes en carton en devant s’acquitter, à ce titre, de certaines contributions financières. Le litige, pendant devant une juridiction française, qui l’oppose à l’éco-organisme attesterait du caractère inexorable et de l’imminence de ces répercussions financières.

33      À cet égard, force est de constater que de telles conséquences ne résultent pas de la directive attaquée, mais de la transposition de celle-ci par les autorités françaises. En effet, cette directive se borne à modifier la liste des exemples de produits devant être considérés ou non comme des emballages, au sens de l’article 3, point 1, de la directive 94/62. La seule inscription de certains produits, notamment des rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple, sur la liste des exemples d’emballages n’impose pas aux opérateurs économiques exerçant leur activité dans le secteur des emballages constitués par ces produits d’obligations de participer au système de leur gestion. S’il est vrai que l’article 1er de la directive attaquée et l’annexe I de celle-ci ont pour conséquence que les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple doivent être désormais considérés, dans les systèmes juridiques nationaux, comme constituant des emballages, au sens de l’article 3, point 1, de la directive 94/62, la directive attaquée ne donne aucune indication précise quant aux mesures qui seront prises par les autorités nationales pour atteindre les objectifs imposés par la directive 94/62 en ce qui concerne ces produits.

34      Plus particulièrement, l’obligation, résultant de l’article 7 de la directive 94/62, d’instaurer un système de reprise, de collecte et de valorisation des déchets provenant des produits désignés par la directive attaquée comme constituant des emballages n’est pas directement applicable à la requérante. En effet, elle nécessite un acte de la part de l’État membre concerné, afin qu’il précise de quelle manière celui-ci entend mettre en œuvre l’obligation en cause en ce qui concerne, notamment, les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du Tribunal du 22 juin 2006, Freiherr von Cramer-Klett et Rechtlerverband Pfronten/Commission, T‑136/04, Rec. p. II‑1805, point 52).

35      Dès lors, ce sont les dispositions nationales transposant la directive attaquée, et non celle-ci, qui sont susceptibles de produire des effets juridiques sur la situation de la requérante.

36      En conséquence, la directive attaquée ne peut pas être considérée comme affectant directement les droits de la requérante ou l’exercice de tels droits.

37      Les répercussions financières auxquelles fait référence la requérante ne s’exercent, en tout état de cause, pas sur sa situation juridique, mais sur sa situation de fait (voir, en ce sens, arrêt Salamander e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, point 62, et ordonnance du Tribunal du 19 septembre 2006, Benkö e.a./Commission, T‑122/05, Rec. p. II‑2939, point 47). En outre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le seul fait qu’un acte soit susceptible d’avoir une influence sur la situation matérielle d’une partie requérante ne suffit pas pour qu’il puisse être considéré qu’il la concerne directement. Seule l’existence de circonstances spécifiques pourrait habiliter un justiciable, prétendant que l’acte se répercute sur sa position sur le marché, à se pourvoir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Eridania e.a./Commission, 10/68 et 18/68, Rec. p. 459, point 7 ; ordonnances du Tribunal du 18 février 1998, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, T‑189/97, Rec. p. II‑335, point 48, et du 21 septembre 2011, Etimine et Etiproducts/ECHA, T‑343/10, Rec. p. II‑6611, point 41). En l’espèce, la requérante ayant seulement fait valoir qu’elle serait assujettie à des obligations financières supplémentaires relatives à la gestion des déchets d’emballages constitués par les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple, elle n’a pas établi l’existence de telles circonstances spécifiques.

38      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la directive attaquée affecte directement sa situation juridique, car l’éco-organisme pourrait l’invoquer directement dans le cadre du contentieux pendant devant la juridiction française pour exiger des contributions au titre de sa participation au système de gestion des emballages constitués par les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple.

39      À cet égard, il y a lieu de relever, ainsi qu’il a été rappelé au point 30 ci‑dessus, qu’une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations à la charge d’un particulier et ne peut donc être invoquée, en tant que telle, à l’encontre de celui-ci. Cet argument de la requérante n’est donc pas fondé.

40      En troisième lieu, n’est pas non plus fondé l’argument de la requérante selon lequel elle serait directement concernée par la directive attaquée, indépendamment de sa transposition, dans la mesure où celle-ci ne laisserait aucun pouvoir discrétionnaire aux États membres en ce qui concerne les mesures de transposition. Il est certes vrai, ainsi que le fait valoir la requérante, que la directive attaquée ne laisse pas aux États membres de pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la possibilité de considérer désormais les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple comme des emballages, au sens de l’article 3, point 1, de la directive 94/62. Toutefois, les États membres disposent toujours d’un pouvoir d’appréciation quant au choix des mesures à prendre afin d’atteindre les objectifs fixés par la directive 94/62 en ce qui concerne ces produits. Or, les éventuels effets sur la situation juridique de la requérante ne découlent pas de l’exigence d’atteindre ce résultat, mais du choix des mesures que l’État membre décide d’adopter afin que ce résultat soit atteint (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, Rec. p. I‑1451, points 62 et 63).

41      En effet, ni la directive 94/62 ni la directive attaquée ne déterminent le système de gestion des déchets d’emballages ménagers à usage unique, tels les rouleaux, tubes et cylindres utilisés dans les produits commercialisés par la requérante, qui permettrait d’atteindre les objectifs visés. Elles laissent ainsi aux États membres le choix du système le plus approprié (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 décembre 2004, Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz, C‑309/02, Rec. p. I‑11763, point 42). La directive 94/62 laisse également aux États membres le choix de définir la catégorie des opérateurs tenus de participer aux systèmes assurant la reprise, la collecte et la valorisation des emballages ainsi que des déchets d’emballages instaurés en application de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 94/62, à condition que ceux-ci soient « ouverts à la participation des acteurs économiques concernés et à la participation des autorités publiques compétentes » (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 16 février 2006, Plato Plastik Robert Frank, C‑26/05, non publiée au Recueil, point 33). Ainsi, ni la directive 94/62 ni la directive attaquée ne prévoient une participation obligatoire des opérateurs économiques commercialisant des produits utilisant des emballages, telle la requérante, à un système de gestion d’emballages que la République française instaurera en ce qui concerne les rouleaux, tubes et cylindres sur lesquels est enroulé un matériau souple.

42      Le fait que les autorités nationales aient déjà adopté des mesures en vertu de la directive 94/62 n’implique pas que la marge d’appréciation de l’État membre pour la mise en œuvre de la directive attaquée soit purement théorique, dès lors qu’il ne peut pas être exclu que les autorités nationales adoptent d’autres types de mesures à la suite de celle-ci (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du Tribunal du 14 juillet 2008, Calebus/Commission, T‑366/06, non publiée au Recueil, point 43).

43      En quatrième lieu, ne saurait davantage prospérer l’argument que la requérante tire de l’arrêt Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 20 supra, aux termes duquel le Tribunal a reconnu que la décision litigieuse, prévoyant une interdiction de la commercialisation de la substance chimique concernée, produisait directement des effets sur la situation juridique des parties requérantes. Premièrement, il convient de relever que l’acte attaqué par les parties requérantes dans cette affaire était une décision qui, conformément à l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, est obligatoire dans tous ses éléments. Or, dans la présente affaire, l’acte attaqué est une directive qui, aux termes de l’article 288 TFUE, troisième alinéa, TFUE, lie les États membres quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.

44      Deuxièmement, contrairement à la décision visée dans l’affaire Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 20 supra, la directive attaquée ne prévoit aucune interdiction ni injonction à l’égard de la requérante, mais laisse aux États membres le soin de déterminer les conséquences pour les opérateurs économiques concernés de l’inscription de certains produits sur la liste des exemples d’emballages, eu égard aux objectifs établis par la directive 94/62.

45      Il en est de même en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’arrêt du Tribunal du 7 octobre 2009, Vischim/Commission (T‑420/05, Rec. p. II‑3841), aux termes duquel le Tribunal a jugé que la partie requérante dans cette affaire était recevable à introduire un recours en annulation contre une directive qui prévoyait les conditions de commercialisation sur le marché de l’Union d’une substance active constituant une composante des produits phytopharmaceutiques. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la directive en cause produisait des effets directs sur la situation juridique de la partie requérante en tant que société produisant cette substance active. Or, les circonstances en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt sont différentes de celles en cause en l’espèce, car la directive attaquée dans le cadre du présent recours ne prévoit pas de conditions de commercialisation des emballages constitués par des produits qu’elle inscrit sur la liste de l’annexe I de la directive 94/62.

46      Dès lors, les circonstances visées tant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 20 supra (point 29), que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Vischim/Commission, point 45 supra (point 77), sont différentes de celles de la présente affaire.

47      La condition de l’affectation directe étant une condition de recevabilité commune aux recours dirigés contre les actes dont une partie requérante n’est pas le destinataire et à ceux dirigés contre les actes réglementaires qui ne comportent pas de mesures d’exécution, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si la directive attaquée constitue ou non un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, pour conclure que la requérante ne dispose pas de la qualité pour agir en l’espèce (voir, en ce sens, ordonnances Ax/Conseil, point 28 supra, point 25, et GS/Parlement et Conseil, point 28 supra, point 28).

48      La requérante n’ayant pas la qualité pour agir, il convient de conclure que le présent recours est irrecevable sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir de la requérante.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.


2)      Melitta France est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 7 juillet 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       H. Kanninen


* Langue de procédure : le français.