Language of document : ECLI:EU:C:2023:846

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 9 novembre 2023 (1)

Affaire C551/22 P

Commission européenne

contre

Fundación Tatiana Pérez de Guzmán el Bueno,

Stiftung für Forschung und Lehre (SFL),

Conseil de résolution unique

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique – Règlement (UE) no 806/2014 – Article 18, paragraphe 7 – Recevabilité – Auteur d’un acte – Acte attaquable – Article 86, paragraphe 2 – Recours en annulation – Résolution de Banco Popular »






I.      Introduction

1.        Après la crise financière mondiale de 2008, le législateur de l’Union a mis en place un certain nombre de mesures au titre de l’union bancaire, visant à protéger les marchés financiers de l’Union contre les futures instabilités.

2.        L’une de ces mesures est le mécanisme de résolution unique (MRU), mis en place en 2014 (2). Son objectif principal est de constituer une résolution ordonnée des banques défaillantes sans recourir à l’argent des contribuables tout en favorisant la stabilité financière (3). En résumé, si une banque est en situation de défaillance avérée ou prévisible, le Conseil de résolution unique (CRU) peut, sous certaines conditions, adopter le dispositif de résolution et la Commission européenne dispose de 24 heures pour l’approuver.

3.        Le 6 juin 2017, le MRU a été utilisé pour la première fois à l’égard de Banco Popular Español SA (ci-après « Banco Popular »).

4.        La question principale soulevée dans le pourvoi qui a fait suite au recours exercé contre cette résolution est de savoir qui est juridiquement responsable du dispositif de résolution de Banco Popular et, partant, qui doit être attrait devant les juridictions de l’Union en tant que défenseur à un recours en annulation. Est-ce le CRU, qui a adopté le dispositif de résolution (4) ? Est-ce la Commission, qui l’a approuvé dans son intégralité (5) ? Ou la résolution de Banco Popular est-elle un acte conjoint ?

5.        Selon l’arrêt du Tribunal du 1er juin 2022, Fundación Tatiana Pérez de Guzmán el Bueno et SFL/CRU (T‑481/17, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:311) (6), le dispositif de résolution serait un acte attaquable et le CRU en serait juridiquement responsable.

6.        Dans le présent pourvoi, la Commission conteste que le recours soit dirigé contre le CRU, ainsi que le Tribunal l’a décidé. Selon elle, le recours aurait dû être dirigé contre la Commission elle-même, puisque le dispositif de résolution n’entre en vigueur qu’après son approbation.

7.        L’arrêt attaqué est l’une des six affaires pilotes tranchées par le Tribunal, retenues parmi plus d’une centaine de recours directs introduits par des personnes physiques et morales qui détenaient des capitaux dans Banco Popular avant sa résolution (7).

II.    Le cadre juridique

8.        La procédure de résolution prévue par le règlement MRU implique, à différents stades, le CRU, la Commission, la Banque centrale européenne (BCE) et éventuellement le Conseil de l’Union européenne. Le considérant 24 du règlement MRU se lit comme suit :

« Étant donné que seules les institutions de l’Union peuvent définir la politique de l’Union en matière de résolution et qu’il existe une marge d’appréciation dans l’adoption de chaque dispositif de résolution spécifique, il est nécessaire de prévoir la participation appropriée du Conseil et de la Commission, en tant qu’institutions qui peuvent exercer des pouvoirs d’exécution conformément à l’article 291 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La Commission devrait procéder à l’évaluation des aspects discrétionnaires des décisions de résolution prises par le CRU. Compte tenu des répercussions considérables des décisions de résolution sur la stabilité financière des États membres et sur l’Union proprement dite, ainsi que sur la souveraineté budgétaire des États membres, il est important que le pouvoir d’exécution permettant de prendre certaines décisions en matière de résolution soit conféré au Conseil. Il appartiendrait alors au Conseil, sur proposition de la Commission, d’assurer le contrôle effectif de l’appréciation, par le CRU, de l’existence d’un intérêt public et d’évaluer toute modification importante du montant du Fonds [de résolution unique] à utiliser pour une mesure de résolution donnée. De plus, la Commission devrait être habilitée à adopter des actes délégués pour préciser davantage les critères ou conditions à prendre en compte par le CRU dans l’exercice de ses différents pouvoirs. Cette attribution de tâches en matière de résolution ne devrait en aucun cas entraver le fonctionnement du marché intérieur des services financiers. Il importe donc de maintenir l’[Autorité bancaire européenne] dans son rôle et de lui conserver ses pouvoirs et tâches existants : elle devrait élaborer la législation de l’Union applicable à tous les États membres, contribuer à son application cohérente et favoriser la convergence des pratiques en matière de résolution dans l’ensemble de l’Union. »

9.        L’article 18 du règlement MRU expose la procédure de résolution de manière circonstanciée. Les paragraphes suivants intéressent le présent pourvoi :

« [...]

7.      Immédiatement après son adoption, le CRU transmet le dispositif de résolution à la Commission.

Dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution dans les cas qui ne sont pas prévus au troisième alinéa du présent paragraphe.

Dans les douze heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission peut proposer au Conseil :

a)      d’émettre des objections au dispositif de résolution au motif que le dispositif de résolution adopté par le CRU ne satisfait pas au critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, point c) ;

b)      d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du Fonds [de résolution unique] prévue dans le dispositif de résolution adopté par le CRU.

Aux fins du troisième alinéa, le Conseil statue à la majorité simple.

Le dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt‑quatre heures suivant sa transmission par le CRU.

Le Conseil ou la Commission, selon le cas, expose les motifs pour lesquels il ou elle exerce sa faculté de faire objection.

Si, dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, le Conseil a approuvé la proposition de modification du dispositif de résolution formulée par la Commission pour le motif visé au troisième alinéa, point b), ou si la Commission a émis des objections conformément au deuxième alinéa, le CRU modifie, dans un délai de huit heures, le dispositif de résolution conformément aux motifs exprimés.

Lorsque le dispositif de résolution adopté par le CRU prévoit l’exclusion de certains engagements dans les circonstances exceptionnelles visées à l’article 27, paragraphe 5, et que cette exclusion exige une contribution du Fonds [de résolution unique] ou un autre moyen de financement, afin de protéger l’intégrité du marché intérieur, la Commission peut interdire l’exclusion proposée ou exiger sa modification en exposant des motifs recevables sous l’aspect du manquement aux exigences fixées à l’article 27 et dans l’acte délégué adopté par la Commission en vertu de l’article 44, paragraphe 11, de la directive 2014/59/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190)].

8.      Si le Conseil s’oppose à ce qu’un établissement soit soumis à une procédure de résolution au motif que le critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, point c), n’est pas rempli, l’entité concernée est liquidée de manière ordonnée conformément au droit national applicable.

[...] »

III. Les antécédents de la procédure devant le Tribunal

10.      Les faits pertinents pour le présent pourvoi, tels qu’exposés plus en détail dans l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

11.      Les difficultés de Banco Popular ont débuté en 2016 pour culminer le 3 juin 2017, lorsque le CRU a décidé d’engager la procédure de commercialisation de Banco Popular et a informé le Fondo de Restructuración Ordenada Bancaria (Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne, ci-après le « FROB ») des conditions de commercialisation.

12.      Le 6 juin 2017, la BCE a estimé que la défaillance de Banco Popular était avérée ou prévisible au sens de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement MRU et a communiqué cette évaluation au CRU conformément à l’article 18, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement MRU (8).

13.      Le 7 juin 2017, le FROB a informé le CRU qu’il avait reçu de Banco Santander SA le même jour à 3 h 12 une offre ferme d’acheter les actions de Banco Popular au prix de 1 euro. Le FROB a proposé au CRU d’accepter cette offre.

14.      Lors de sa session exécutive du 7 juin 2017, le CRU a accepté l’offre de Banco Santander et a adopté le dispositif de résolution (9). Ce dispositif a été soumis à la Commission pour approbation à 5 h 13. À 6 h 30, par une décision adressée au CRU, la Commission a approuvé le dispositif de résolution.

IV.    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15.      Par un recours introduit devant le Tribunal le 2 août 2017, la Fundación Tatiana Pérez de Guzmán el Bueno et la Stiftung für Forschung und Lehre (ci‑après la « SFL ») ont introduit un recours contre le CRU tendant à l’annulation du dispositif de résolution (10).

16.      Le Tribunal a décidé d’examiner d’office la recevabilité du recours et a conclu qu’il était dirigé à juste titre contre le CRU.

17.      Le Tribunal a considéré décisif le fait que la Commission ne puisse pas exercer les compétences conférées au CRU en modifiant le dispositif de résolution ou ses effets juridiques (11). Il en est ainsi parce que l’approbation de la Commission n’est requise que pour les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution, ce qui a pour but d’éviter une véritable délégation de pouvoirs au sens de l’arrêt Meroni/Haute Autorité (12).

18.      Pour rejeter l’argument de la Commission selon lequel le dispositif de résolution n’est qu’un acte préparatoire qu’elle n’est pas tenue d’approuver, le Tribunal s’est fondé sur l’arrêt ABLV Bank e.a. (13). Il a fait la distinction entre l’évaluation faite par la BCE de la défaillance avérée ou prévisible et le dispositif de résolution : dans l’arrêt ABLV Bank e.a. la Cour a jugé que cette dernière évaluation n’avait pas produit, en tant que telle, d’effet de droit obligatoire de nature à affecter les intérêts des parties requérantes, alors que la résolution et sa mise en œuvre en avaient produit (14). Le Tribunal a appuyé cette conclusion sur le fait que, à la différence des pouvoirs du CRU à l’égard de la BCE, la Commission ne peut ni s’opposer aux aspects purement techniques du dispositif de résolution ni les modifier.

19.      Le Tribunal a également rejeté l’argument du Parlement et du Conseil selon lequel l’article 86 du règlement MRU ne vise que les décisions du CRU pour lesquelles aucune approbation de la Commission n’est requise. Il a expliqué que le dispositif de résolution est exclu du contrôle du comité d’appel et qu’il n’existe aucune autre exception qui le priverait des pouvoirs de contrôle des juridictions de l’Union au titre de l’article 86 du règlement MRU (15).

20.      Enfin, le Tribunal s’est appuyé sur les principes de sécurité juridique et de protection juridictionnelle effective (16) pour décider que le dispositif de résolution est un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

V.      Le recours devant la Cour

21.      Par pourvoi déposé le 17 août 2022, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal y a déclaré que le recours en annulation en première instance était recevable ;

–        déclarer irrecevable le recours en annulation introduit en première instance dans l’affaire T‑481/17 et, par conséquent, le rejeter dans son intégralité, et

–        condamner la Fundación Tatiana Pérez de Guzmán et la SFL (parties requérantes en première instance) au paiement des dépens exposés par la Commission tant dans la procédure devant le Tribunal que dans le cadre de la présente procédure.

22.      Le CRU conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi, et

–        condamner la Commission aux dépens.

23.      La SFL conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi de la Commission contre l’arrêt attaqué pour défaut de qualité pour agir ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le pourvoi de la Commission, et

–        condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre du présent pourvoi.

24.      Le Parlement, intervenant au soutien de la Commission, demande à la Cour d’accueillir le pourvoi de la Commission dans son intégralité.

25.      Le Conseil est intervenu à l’appui du rejet au fond du recours en annulation du dispositif de résolution.

26.      Une audience s’est tenue le 13 juin 2023, au cours de laquelle la SFL, le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission ont présenté des observations orales.

VI.    Analyse

27.      À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève trois moyens. Premièrement, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que le dispositif de résolution, tel qu’adopté par le CRU, produit des effets juridiques obligatoires. Deuxièmement, la Commission fait valoir que le Tribunal a accueilli un recours dirigé contre la mauvaise partie défenderesse, au mépris donc des droits de la défense de la Commission. Enfin, la Commission fait valoir que le raisonnement du Tribunal est contradictoire.

28.      Les trois moyens se réduisent à une seule question : le Tribunal a-t-il décidé à juste titre qu’un recours en annulation du dispositif de résolution de Banco Popular peut être dirigé contre le CRU ? Je les analyserai donc conjointement.

29.      Mon analyse montrera que le Tribunal a commis une erreur. L’auteur juridiquement responsable du dispositif de résolution est la Commission et, dans une situation telle que celle de l’espèce où la Commission a approuvé le dispositif de résolution, un recours en annulation ne peut être formé que contre cette institution.

30.      Cette conclusion découle du règlement MRU, dans lequel le législateur de l’Union a organisé la procédure de résolution et réparti les tâches entre différents acteurs. Toutefois, contrairement à l’un des arguments de la Commission, je ne considère pas que la doctrine Meroni ait imposé une telle solution (17).

31.      Le législateur de l’Union aurait pu déléguer au CRU le pouvoir d’adopter des dispositifs de résolution de manière indépendante dans des cas individuels selon les conditions énoncées dans la règle d’habilitation et sous un contrôle juridictionnel. Tel n’a toutefois pas été le cas. Le législateur a choisi de ne pas accorder au CRU un tel pouvoir indépendant, mais de le soumettre en plus à l’approbation de la Commission.

32.      Pour étayer mes conclusions, je procéderai de la manière suivante. Je décrirai tout d’abord le CRU et son rôle, ainsi que ceux que le Conseil et la Commission tirent du règlement MRU (section A.1.). On verra ainsi qu’il existe quatre scénarios différents pour que la procédure de résolution entre en vigueur (section A.2.). J’expliquerai ensuite que la doctrine Meroni, dans la lecture qui en est faite actuellement, ne requérait pas l’intervention du Conseil ou de la Commission dans les décisions adoptées par le CRU dans des cas individuels (section B.1.). Je montrerai ensuite que le choix du législateur de procéder ainsi fait néanmoins de la Commission l’auteur juridiquement responsable du dispositif de résolution (section B.2.). Par conséquent, c’est à tort que les requérants ont dirigé leur recours contre le CRU et que le Tribunal l’a accueilli.

A.      Sur le CRU et le rôle des différents acteurs dans la procédure de résolution

1.      À propos du CRU

33.      Le considérant 31 du règlement MRU nous dit qu’« il conviendrait que le CRU soit une agence de l’Union spécifique, dotée d’une structure spéciale, en adéquation avec ses tâches spécifiques, et que son modèle s’écarte de celui de toutes les autres agences de l’Union » (18). Le CRU est une agence parmi plus de 35 autres qui existent au niveau de l’Union, chacune ayant sa structure spéciale et ses tâches et pouvoirs spécifiques. Comme le soulignent divers auteurs, les traités ne rendent pas dûment compte de ce processus d’« agencification » à ce jour (19), dont le CRU n’est qu’une manifestation.

34.      L’article 16, paragraphe 1, du règlement MRU habilite le CRU à décider de procéder à la résolution. Le CRU engage une procédure de résolution après que la BCE a établi qu’un établissement de crédit est en situation de défaillance avérée ou prévisible (20). Toutefois, sous certaines conditions, le CRU peut également faire sa propre évaluation de la défaillance avérée ou prévisible (21). Ainsi, bien que ce soit en principe l’évaluation de la BCE qui déclenche la procédure de résolution, il reste que le CRU peut également l’enclencher par lui-même.

35.      Le CRU ne peut décider de procéder à la résolution que si l’intérêt public le requiert (22). S’il décide de procéder à la résolution, le CRU décide également de l’instrument de résolution qui sera employé (23).

36.      Toutes les parties à la procédure devant le Tribunal se sont accordées sur le fait que les choix du CRU sont de nature discrétionnaire, soumis au contrôle de la Commission (24).

37.      Si le CRU estime que la résolution est dans l’intérêt public, la Commission peut proposer au Conseil, dans les douze heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, d’émettre des objections au constat selon lequel la résolution satisfait au critère de l’intérêt public (25). Sur ce point, le pouvoir d’appréciation du CRU est limité par le Conseil et la Commission.

38.      Toutefois, si le CRU estime que la résolution n’est pas dans l’intérêt public, le règlement MRU n’envisage pas que le Conseil ou la Commission puisse le récuser. Sans vouloir préjuger la décision que la Cour prendra à cet égard (26), il me semble que la contestation d’un constat selon lequel une résolution n’est pas dans l’intérêt public ne peut être dirigée que contre le CRU, en ce qu’il est l’organe qui rend la décision finale en la matière.

39.      Outre la décision de procéder ou non à la résolution, le CRU est habilité à prendre un certain nombre d’autres décisions individuelles dans la procédure de résolution (27).

40.      Par exemple, le CRU élabore des plans de résolution (28) et émet des orientations et des instructions à l’intention des autorités nationales de résolution afin de garantir une application efficace et cohérente des pouvoirs spécifiques que lui confère le règlement MRU (29). Il a le pouvoir d’exiger de l’établissement ou de l’entreprise mère qu’il ou elle prenne contact avec des acquéreurs potentiels afin de préparer la résolution de l’établissement et d’exiger de l’autorité de résolution nationale concernée qu’elle élabore un avant-projet de plan de résolution (30).

41.      Le CRU décide également de la personne qui procédera à une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif d’un établissement de crédit avant de décider d’une résolution, et choisit une personne indépendante de toute autorité publique pour procéder à cette valorisation (31). Pendant la mise en œuvre de la résolution, le CRU dispose de pouvoirs de surveillance et d’instruction à l’égard des autorités de résolution nationales (32). Enfin, le CRU dispose de pouvoirs d’enquête (33) et peut infliger des sanctions aux entités ne respectant pas ses décisions d’enquête (34).

42.      Le dispositif de résolution du CRU est soumis à l’approbation de la Commission, ou à celle du Conseil pour certaines questions. Avant que cette approbation ne soit donnée, le dispositif de résolution adopté par le CRU n’est pas juridiquement obligatoire. Cela m’amène aux quatre scénarios possibles d’entrée en vigueur d’un dispositif de résolution.

2.      Les quatre scénarios possibles après l’adoption par le CRU d’un dispositif de résolution

43.      L’article 18, paragraphe 7, cinquième alinéa, du règlement MRU dispose que le dispositif de résolution « ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU ». Les autres dispositions de l’article 18, paragraphe 7, du règlement MRU prévoient quatre scénarios d’entrée en vigueur du dispositif de résolution impliquant la participation du CRU, de la Commission et éventuellement du Conseil.

44.      La résolution de Banco Popular n’implique que le premier scénario. Mon analyse conduisant à conclure que la Commission est le seul acteur juridiquement responsable, contre lequel doit être dirigé un recours contre un dispositif de résolution, s’applique à ce scénario. Mon intention n’est pas de proposer des solutions de manière transversale, mais il me semble important de distinguer le scénario actuel des autres. Cela nous aidera à mieux comprendre la relation entre la Commission et le CRU pour la solution de la présente affaire.

a)      Premier scénario : le dispositif de résolution du CRU est approuvé par la Commission

45.      La Commission peut approuver le dispositif de résolution dans un délai de 24 heures à compter de sa transmission par le CRU (35).

46.      C’est ce qui s’est passé dans la résolution de Banco Popular. La Commission n’avait aucune objection et a expressément approuvé le dispositif de résolution dans son intégralité.

47.      Étant donné qu’aucune objection n’a été émise dans ce scénario, le dispositif de résolution est entré en vigueur (36).

48.      Dans la résolution de Banco Popular, l’article 12, paragraphe 1, du dispositif de résolution indiquait qu’il entrerait en vigueur le 7 juin 2017 à 6 h 30. C’est l’heure à laquelle la Commission a approuvé le dispositif de résolution, plutôt que l’heure à laquelle le CRU l’a transmis à la Commission (5 h 13).

49.      Néanmoins, différentes interprétations de l’entrée en vigueur sont apparues dans le cadre du présent litige (37). D’une part, le Tribunal a relevé que l’article 12 du dispositif de résolution prévoyait le moment de son entrée en vigueur, ce qui l’a amené à conclure que le dispositif de résolution lui-même est un acte susceptible d’entrer en vigueur (38). D’autre part, la Commission fait valoir que son approbation est déterminante pour l’entrée en vigueur du dispositif de résolution (39).

50.      Comme je l’exposerai dans la section B.2. des présentes conclusions, il ressort clairement des termes et de l’économie du règlement MRU que, dans ce scénario, c’est spécifiquement l’approbation de la Commission qui fait du dispositif de résolution un acte juridiquement obligatoire.

b)      Deuxième scénario : silence

51.      Le deuxième scénario, jugé hautement improbable par la Commission lors de l’audience, est que la Commission garde le silence pendant les 24 heures qui suivent la transmission du dispositif de résolution.

52.      L’article 18, paragraphe 7, cinquième alinéa, du règlement MRU permet vraisemblablement de conclure que, en l’absence de toute objection (même sous la forme d’un silence absolu), le dispositif de résolution entrerait en vigueur sans décision d’approbation de la Commission.

53.      Une interprétation possible est que, dans cette situation, le seul acte produisant des effets juridiques obligatoires serait le dispositif de résolution lui‑même. Cela irait à l’encontre de l’argument de la Commission selon lequel sa décision d’approbation est la condition nécessaire requise pour l’entrée en vigueur d’un dispositif de résolution.

54.      Une autre manière de voir ce scénario est que l’approbation de la Commission est ici implicite et agit également comme la condition nécessaire requise pour l’entrée en vigueur du dispositif de résolution. C’est ce que la Commission soutient dans le présent pourvoi.

55.      Je peux me ranger à l’avis de la Commission selon lequel ce scénario peut être assimilé au premier et qu’en dépit de l’absence d’approbation expresse, le recours doit être dirigé contre la Commission en ce qu’elle est juridiquement responsable du dispositif de résolution.

56.      Toutefois, on doit considérer avec retenue l’absence de tout acte exprès de la Commission, dès lors que cela peut laisser penser que son rôle dans l’approbation du dispositif de résolution élaboré par le CRU n’était pas réel, mais seulement symbolique (40). Étant donné que la résolution de Banco Popular a été la première jamais prise en vertu du règlement MRU, il est impossible de savoir si la Commission approuvera à l’avenir des dispositifs de résolution implicitement. Pour l’heure, nous pouvons seulement croire que la Commission n’agira pas de la sorte (41).

c)      Troisième scénario : la Commission émet des objections sur les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution

57.      La Commission peut émettre des objections sur les aspects discrétionnaires (42) du dispositif de résolution (43). Le cas échéant, il lui incombe de motiver ses objections (44).

58.      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission ne saurait émettre des objections sur les aspects purement techniques du dispositif de résolution ou les modifier (45). Le Tribunal en a donc conclu que le dispositif de résolution produit des effets juridiques autonomes. Le CRU a également adopté une position similaire dans son mémoire en réponse.

59.      Les objections de la Commission ne peuvent en effet porter que sur des questions discrétionnaires. Toutefois, la partie discrétionnaire du régime repose sur des conclusions tirées de ses parties non discrétionnaires. Par exemple, la Commission peut émettre des objections sur le choix de l’instrument de résolution proposé par le CRU parce qu’elle tire une conclusion différente de la valorisation de la banque.

60.      Dans ce scénario, le CRU dispose de huit heures pour modifier le dispositif de résolution, conformément aux motifs exprimés par la Commission (46).

61.      En tout état de cause, si la Commission a émis des objections sur le dispositif de résolution, celui-ci ne peut entrer en vigueur sans que ces objections soient intégrées. À mon avis, dans ce scénario, il semble également raisonnable de tenir la Commission pour responsable du dispositif de résolution.

d)      Quatrième scénario : la participation du Conseil

62.      La résolution doit être nécessaire dans l’intérêt public (47). En outre, le renflouement interne est l’un des instruments de résolution possibles, pour lequel les capitaux provenant du Fonds peuvent être utilisés (48). Il s’agit des deux aspects du dispositif de résolution soumis au contrôle du Conseil.

63.      Dans les douze heures suivant la transmission du dispositif de résolution (49), la Commission peut proposer au Conseil, premièrement, d’émettre des objections au dispositif de résolution si la résolution n’est pas dans l’intérêt public, ou, deuxièmement, d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du Fonds proposée par la Commission.

64.      Dans ce scénario, le Conseil décide à la majorité simple (50) et doit motiver l’exercice de son pouvoir d’émettre des objections (51).

65.      Lorsque le Conseil émet des objections à l’existence d’un intérêt public, l’entité concernée est liquidée conformément au droit national (52). Le Conseil a donc le pouvoir de mettre fin complètement à la résolution.

66.      Lorsque le Conseil approuve la proposition de la Commission d’objection ou de modification de l’utilisation du Fonds, le CRU modifie le dispositif de résolution en conséquence dans un délai de huit heures (53).

67.      À l’instar du troisième scénario, la Commission émet des objections, mais contrairement à ce scénario, elle ne peut pas les imposer au CRU sans l’accord du Conseil. Il y a donc plusieurs évolutions possibles : le Conseil peut approuver, mais il peut également rejeter la proposition de la Commission, en approuvant dès lors le dispositif original de résolution du CRU.

68.      Quel est l’acte attaquable dans ce quatrième scénario ? Si la position du Conseil aboutit au rejet d’un dispositif de résolution (par exemple, pour défaut d’intérêt public), le seul acte susceptible d’être attaqué est la position du Conseil. Le dispositif de résolution n’existe pas dans un tel scénario.

69.      Toutefois, si le Conseil est en désaccord avec la Commission et confirme l’intérêt public de la résolution, le dispositif peut entrer en vigueur. Et pourtant il n’a pas été approuvé par la Commission. Quelle doit être la partie défenderesse à un recours contestant ce dispositif ? Le Conseil seul ? Le Conseil et la Commission ensemble ? Une question similaire se pose si le montant du Fonds à utiliser est modifié alors que le Conseil et la Commission sont en désaccord.

70.      Le règlement MRU est muet sur ces questions.

71.      Là encore, sans vouloir exclure une solution différente lorsqu’une question concrète se pose, en appréciant ces situations de manière abstraite, je suis encline à conclure que la Commission doit toujours être impliquée dans la contestation du dispositif de résolution (parallèlement au Conseil ou même seule). Comme je l’expliquerai à la section B.2 des présentes conclusions, la mesure dans laquelle la Commission participe à la procédure de résolution, par opposition au Conseil, milite en faveur de cette analyse.

B.      La Commission est juridiquement responsable du dispositif de résolution de Banco Popular

72.      Comme je l’ai indiqué précédemment, je propose à la Cour de décider que le Tribunal a interprété de manière erronée le règlement MRU lorsqu’il a considéré que le dispositif de résolution de Banco Popular était un acte imputable au CRU, plutôt qu’à la Commission. Je propose donc à la Cour d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué. Toutefois, mes arguments ne concordent pas entièrement avec ceux de la Commission.

73.      Surtout, je ne partage pas l’argument de la Commission selon lequel la doctrine Meroni commande d’imputer le dispositif de résolution à la Commission. Néanmoins une telle interprétation découle des termes et de l’économie du règlement MRU.

74.      Avant d’exposer les raisons pour lesquelles il y a lieu de faire cette lecture du règlement MRU (sous-section 2), j’expliquerai tout d’abord comment la doctrine Meroni doit être comprise aujourd’hui (sous-section 1).

1.      Délégation de pouvoirs discrétionnaires : de l’arrêt Meroni à l’arrêt AEMF

75.      L’un des arguments invoqués par la Commission dans le présent pourvoi est que l’octroi de pouvoirs discrétionnaires au CRU contreviendrait à la doctrine Meroni et au principe de l’équilibre institutionnel (54). Les travaux préparatoires montrent qu’après l’intervention du Conseil dans la procédure législative (55), le CRU ne s’est pas vu reconnaître le pouvoir de produire des effets juridiques obligatoires pour les particuliers. Cela a été jugé nécessaire pour garantir la conformité à la doctrine Meroni.

76.      La doctrine a reçu ce nom après l’arrêt Meroni rendu en 1958 (56). À l’époque, il n’y avait pas de Commission comme nous la connaissons aujourd’hui, mais la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ci‑après la « Haute Autorité »). La Haute Autorité avait délégué les pouvoirs d’un mécanisme financier du régime des ferrailles à un organisme privé. La Cour a constaté que la Haute Autorité n’était autorisée à déléguer que des pouvoirs d’exécution exactement définis, qui devraient être entièrement contrôlés par la Haute Autorité (57).

77.      L’arrêt Meroni est devenu la référence dans l’appréciation de la délégation de pouvoirs en droit de l’Union (58). Il est souvent compris comme imposant une règle en vertu de laquelle les pouvoirs discrétionnaires ne peuvent pas être délégués (59).

78.      Toutefois, exclure la délégation de pouvoirs discrétionnaires à tout organisme autre que la Commission ne correspond pas à la réalité actuelle (60). De nombreuses agences établies au niveau de l’Union ont le pouvoir d’adopter des décisions juridiquement obligatoires qui possèdent nécessairement un certain degré de pouvoir discrétionnaire (61).

79.      Lord Diplock a proposé une définition du pouvoir discrétionnaire que je trouve utile et applicable dans le contexte de l’Union : « La notion même de “pouvoir discrétionnaire de l’administration” implique le droit de choisir entre plus d’une ligne de conduite possible, qui permet à des personnes raisonnables d’avoir des opinions divergentes quant à leur préférence » (62).

80.      L’élaboration de règles procède nécessairement d’un pouvoir discrétionnaire : l’adoption de règles ayant force obligatoire de portée générale et uniforme pour chacun, procède de choix politiques. Ce pouvoir est de plus en plus délégué à l’exécutif (63). Dans l’Union, l’adoption de règles générales ne peut être déléguée qu’à la Commission (64). On peut soutenir que l’élaboration des règles dans l’Union doit rester du ressort des institutions de l’Union.

81.      Toutefois on retrouve également un pouvoir discrétionnaire dans la prise de décision individuelle (65). L’application d’une certaine règle à un ensemble individuel de faits est rarement, voire jamais, automatique (66); elle implique généralement des choix. Cette prise de décision discrétionnaire dans des cas individuels est encadrée et limitée par des règles générales de rang supérieur.

82.      Le régime de délégation dans l’Union n’a pas cessé son développement en 1958. Selon moi, la doctrine Meroni contemporaine exige de faire une distinction dans la délégation entre les pouvoirs réglementaires et le pouvoir discrétionnaire d’adopter des décisions individuelles. Les premiers ne peuvent pas être délégués à des agences. En revanche, les agences peuvent avoir le second pouvoir, mais l’exercice d’un tel pouvoir doit être suffisamment contraint par l’acte d’habilitation.

83.      Cela résulte de la jurisprudence développée après l’arrêt Meroni.

84.      La première affaire pertinente est l’arrêt Romano (67). Dans cette affaire, la Commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants (ci‑après la « Commission administrative ») avait été habilitée par le Conseil à fixer les taux de conversion permettant aux organismes nationaux de déterminer les montants dus à une personne pour couvrir la différence entre les niveaux de droits à pension auprès de plusieurs États membres.

85.      La Cour a jugé qu’un organe tel que la Commission administrative n’avait pas pu être habilité à adopter des « actes revêtant un caractère normatif » (68). La Cour a visé l’article 155 du traité CEE, régissant les compétences de la Commission. Il est possible de conclure que le Conseil a commis une erreur en ne déléguant pas ce pouvoir à la Commission (69). Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a visé les articles 173 et 177 du traité CEE (actuellement articles 263 et 267 TFUE), qui, à l’époque, ne mentionnaient pas le contrôle juridictionnel de décisions d’organes tels que la Commission administrative.

86.      En conséquence, le taux de conversion fixé par la Commission administrative ne liait pas les organismes nationaux lorsqu’ils déterminaient les montants de pension à verser.

87.      L’affaire pertinente suivante est l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume‑Uni/Parlement et Conseil, également appelée « affaire des positions courtes » (70). L’Agence européenne des marchés financiers (AEMF) a été créée dans le cadre de la réponse de l’Union à la crise financière, dans le but de renforcer la surveillance des marchés financiers au niveau de l’Union (71). En 2012, l’AEMF s’est en outre vu conférer le pouvoir de prendre des décisions concernant les différents opérateurs du marché, lorsqu’elle estimait qu’il existait des menaces sur « le bon fonctionnement et l’intégrité des marchés financiers ou sur la stabilité de l’ensemble ou d’une partie du système financier à l’intérieur de l’Union » (72).

88.      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a agi en annulation de la disposition conférant ce pouvoir à l’AEMF. Il a fait valoir que les doctrines Meroni et Romano étaient méconnues, en ce que des pouvoirs discrétionnaires d’adopter des mesures ayant force de loi avaient été conférés à l’AEMF. En outre, le Royaume-Uni a fait valoir que les articles 290 et 291 TFUE réglementent de manière exhaustive la délégation et la mise en œuvre en droit de l’Union, en excluant de conférer de tels pouvoirs à des agences (73).

89.      Dans l’arrêt AEMF, la Cour a considéré les exigences de la doctrine Meroni au regard du traité de Lisbonne pour conclure que ce qui reste interdit, c’est de conférer un « large pouvoir discrétionnaire » à une agence (74). Elle a estimé que les pouvoirs conférés à l’AEMF sont toutefois rigoureusement encadrés et qu’ils peuvent être soumis à un contrôle juridictionnel. L’AEMF n’est habilitée à agir que lorsqu’il existe « des menaces qui pèsent sur le bon fonctionnement et l’intégrité des marchés financiers ou sur la stabilité de l’ensemble ou d’une partie du système financier à l’intérieur de l’Union, et qui ont des implications transfrontalières » (75).

90.      La Cour n’a pas considéré comme pertinent le fait que la définition même de ces notions larges puisse en soi comporter l’exercice d’un pouvoir d’appréciation (76). Au contraire, elle a souligné la nécessité pour l’AEMF de déployer une expertise technique et professionnelle spécifique (77). Rapprochant cette nécessité de la limitation qu’elle a estimée suffisante de l’exercice des pouvoirs de l’AEMF, la Cour a jugé que l’interdiction imposée par la doctrine Meroni de déléguer des pouvoirs discrétionnaires n’avait pas été méconnue.

91.      La Cour a ensuite considéré l’arrêt du 14 mai 1981, Romano (98/80, EU:C:1981:104). À la suggestion de l’avocat général Jääskinen (78), la Cour a jugé que, étant donné que les articles 263 et 267 TFUE prévoient désormais expressément le contrôle juridictionnel des actes des agences, la limitation tirée de l’arrêt Romano ne s’applique plus (79).

92.      En prenant une décision individuelle concernant un opérateur de marché spécifique, indépendamment des contraintes de la règle d’habilitation, l’AEMF a très certainement exercé un pouvoir discrétionnaire. Après l’arrêt AEMF, je conclus donc qu’une délégation du pouvoir discrétionnaire à des agences dans le processus décisionnel individuel est admissible, pour autant qu’elle puisse être soumise à un contrôle juridictionnel.

93.      Globalement, il est possible de conclure des arrêts du 14 mai 1981, Romano (98/80, EU:C:1981:104), et AEMF que le pouvoir d’adopter des actes de portée générale ne peut pas être délégué aux agences, mais que les agences peuvent se voir conférer des pouvoirs d’exécution nettement délimités qui sont susceptibles d’être soumis à un contrôle juridictionnel (80).

94.      Il s’ensuit qu’il ne serait pas contraire à la doctrine Meroni de conférer au CRU le pouvoir de décider d’un dispositif de résolution sans l’approbation de la Commission. Le règlement MRU limite et encadre de manière suffisamment précise l’exercice des pouvoirs du CRU : le CRU ne peut procéder à la résolution que s’il juge qu’elle est dans l’intérêt public. Cette appréciation est discrétionnaire, mais pas arbitraire, car le règlement MRU la limite à l’exigence d’atteindre l’un des objectifs de la résolution énoncés en son article 14, paragraphe 2 (81). En outre, elle exige d’apprécier s’il serait porté atteinte à ces objectifs en cas de liquidation de la banque en vertu du droit national (82).

95.      Cela laisse de la marge pour différentes solutions dans des cas particuliers, mais les choix politiques principaux ont été faits dans le règlement MRU : il énumère des situations dans lesquelles il est nécessaire d’intervenir sur le marché tout en requérant une mise en balance entre ce qu’il adviendrait en laissant la banque à son sort sur le marché et une intervention de l’Union. En outre, si la décision individuelle avait été laissée au seul CRU, elle aurait été soumise au contrôle juridictionnel des juridictions de l’Union.

96.      La délégation au CRU du pouvoir d’adopter des décisions discrétionnaires individuelles serait conforme aux principes introduits depuis l’arrêt Meroni jusqu’à l’arrêt AEMF même sans requérir l’approbation de la Commission pour l’entrée en vigueur du dispositif de résolution.

97.      Or, ce n’est pas la manière dont le législateur de l’Union a organisé la procédure de résolution. Dans la section suivante, je montrerai que ce sont les choix législatifs faits dans le règlement MRU, plutôt que la doctrine Meroni, qui sont pertinents pour statuer sur le présent pourvoi.

2.      Pourquoi la Commission est-elle juridiquement responsable du dispositif de résolution de Banco Popular ?

98.      La conclusion selon laquelle la Commission est juridiquement responsable du dispositif de résolution et est la bonne partie défenderesse dans le présent recours en annulation découle des termes et de l’économie du règlement MRU. Elle résulte donc du choix opéré par le législateur de l’Union.

99.      Une fois que le CRU exerce son pouvoir discrétionnaire et adopte un dispositif de résolution, il doit le transmettre à la Commission pour approbation.

100. Ce dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’ont pas émis d’objections dans un délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU. Il est donc clair que le dispositif de résolution tel qu’adopté par le CRU ne peut devenir un acte juridiquement obligatoire sans décision d’approbation de la Commission (ou, dans certaines situations, du Conseil).

101. Le Tribunal a conclu sur le fondement à la fois de l’article 16, paragraphe 1 (83), et de l’article 47 du règlement MRU (84) que le CRU est le véritable auteur de la résolution et doit de ce fait être le défendeur au recours en annulation. Toutefois, le législateur de l’Union a conçu la procédure de résolution de telle sorte que l’indépendance du CRU dans l’adoption du dispositif de résolution est insuffisante pour lui conférer juridiquement la paternité de cet acte. Juridiquement, le dispositif de résolution n’existe pas s’il n’a pas été approuvé par la Commission.

102. La Commission fait valoir, et je suis entièrement d’accord avec elle, que le raisonnement du Tribunal a été contradictoire. D’une part, le Tribunal a reconnu que l’approbation par la Commission du dispositif de résolution est une condition nécessaire à son entrée en vigueur (85). D’autre part, il a jugé que le dispositif de résolution est un acte susceptible d’entrer en vigueur et de produire des effets juridiques autonomes (86).

103. En l’espèce, le dispositif de résolution n’a manifestement pas produit d’effets juridiques autonomes. Il n’est devenu juridiquement obligatoire qu’à partir du moment où la Commission l’a expressément approuvé.

104. L’arrêt attaqué est empreint de certaines confusions dues au fait que, sur le plan formel, on peut trouver deux actes dans la procédure de résolution : le dispositif de résolution adopté par le CRU et la décision d’approbation de la Commission. S’il existe formellement deux actes, lequel est attaquable ?

105. Il s’agit là d’une fausse question. La notion d’« acte attaquable » n’est pas une question de forme, mais de fond. La véritable question est plutôt celle de savoir ce qui est contesté en l’espèce. De toute évidence, les requérants ont intérêt à l’annulation du dispositif de résolution lui‑même, ou de parties de celui-ci. L’approbation de la Commission ne les intéresse que dans la mesure où, sans elle, il n’y aurait pas de dispositif de résolution.

106. En ce sens, la décision d’approbation de la Commission n’est pas un acte indépendant. Elle concerne le dispositif de résolution tel que présenté par le CRU et n’a pas de sens sans son contenu. Dès lors, bien que la décision d’approbation de la Commission ne fasse qu’une demi-page, le dispositif de résolution fait l’objet de la décision d’approbation et en fait dès lors partie intégrante.

107. De même, le dispositif de résolution ne peut être dissocié de la décision d’approbation, sans laquelle il ne peut pas avoir d’existence. Aucun des deux actes n’est attaquable séparément.

108. À mon avis, l’acte attaquable ne peut être que le dispositif de résolution tel qu’approuvé par la Commission. On peut également le décrire à l’envers : la décision d’approbation de la Commission est un acte attaquable, mais le dispositif de résolution en fait partie intégrante.

109. Reste à savoir qui doit être considéré comme l’auteur juridiquement pertinent de ces actes indissociables.

110. La Commission fait valoir à cet égard que le Tribunal a totalement ignoré la jurisprudence de la Cour relative aux procédures complexes. Selon cette jurisprudence, seul l’acte qui clôt l’ensemble de la procédure produit des effets juridiques obligatoires (87). Cette jurisprudence est, comme le fait valoir la Commission, applicable non seulement aux procédures complexes verticales (lorsqu’il s’agit à la fois d’organes de l’Union et d’organismes nationaux), mais également à des procédures horizontales, telles que la procédure de résolution. La Commission soutient à ce titre que sa décision d’approbation clôt la procédure de résolution et constitue, dès lors, l’acte attaquable. Toutefois, on ne peut l’accepter que si la décision d’approbation n’est pas détachée de l’acte qu’elle approuve.

111. Cette jurisprudence nous indique que l’auteur juridiquement pertinent d’un acte est l’organe dont la décision clôt la procédure. Étant donné que la procédure se termine par l’approbation du dispositif de résolution, cet organe est la Commission (88).

112. Par sa décision d’approbation, la Commission approuve l’ensemble du dispositif de résolution, ses aspects techniques et discrétionnaires. Ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission lors de l’audience, ces aspects sont interdépendants et indissociables.

113. Rien dans les termes du règlement MRU ne suggère que la Commission n’approuve que les parties discrétionnaires du dispositif de résolution. Bien au contraire. L’article 18, paragraphe 7, deuxième alinéa, du règlement MRU dispose que « la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution » (89). Ainsi, à la différence d’une objection, qui n’est dirigée que contre ses aspects discrétionnaires, une décision d’approbation concerne le dispositif de résolution dans son intégralité.

114. C’est donc à tort que le Tribunal a motivé sa décision en s’appuyant sur le pouvoir de la Commission de ne s’opposer qu’aux aspects discrétionnaires du dispositif de résolution (90). Les parties non discrétionnaires sont des éléments de fait et peuvent être erronées, mais elles ne relèvent pas d’un choix. Lorsque la Commission approuve le dispositif de résolution, elle approuve nécessairement aussi les constats de fait sur le fondement desquels des choix discrétionnaires ont été opérés.

115. Après la décision d’approbation de la Commission, un dispositif de résolution commence à produire des effets juridiques à l’égard des tiers et la Commission devient juridiquement responsable de l’ensemble du dispositif de résolution. Il n’est donc pas nécessaire d’attraire le CRU en tant que partie co‑défenderesse.

116. À l’appui de son argumentation relative à la qualité d’auteur de l’acte attaquable en l’espèce, dans son deuxième moyen, la Commission a invoqué ses droits de la défense. Elle a fait valoir que son droit de défendre le dispositif de résolution serait limité si elle n’était pas la partie défenderesse (91).

117. Cet argument est inversé. La pleine possibilité de défendre l’acte ne revêt d’importance que si la Commission en est juridiquement responsable. Le droit de la défense ne rend pas la Commission juridiquement responsable, mais il est plutôt le corollaire de cette responsabilité. La paternité de la Commission résulte des termes et de l’économie du règlement MRU, selon lesquels ce dispositif de résolution acquiert une existence juridique avec la décision d’approbation de la Commission. Son droit de défendre le régime découle de cette paternité.

118. C’est pour la même raison que l’argument parallèle du CRU selon lequel ses droits de la défense seraient méconnus s’il n’est pas partie défenderesse ne peut être accueilli. Si le CRU n’a pas vocation à être juridiquement responsable du dispositif de résolution, il n’y a aucune raison qu’il bénéficie de la plénitude des droits de la défense. Cela ne signifie toutefois pas qu’il ne peut pas intervenir dans un recours engagé contre le dispositif de résolution.

119. L’acte attaquable est donc la décision de la Commission d’approbation du dispositif de résolution de Banco Popular. Cette décision d’approbation, qui fait partie intégrante du dispositif de résolution, produit des effets juridiques et est, dès lors, susceptible de contrôle juridictionnel (92).

120. Le raisonnement du Tribunal fondé sur l’article 86, paragraphe 2, du règlement MRU (93), selon lequel le dispositif de résolution tel qu’adopté par le CRU constitue un acte attaquable parce qu’un recours peut être formé contre ses décisions, n’enlève rien à la conclusion précédente. Il existe d’autres décisions imputables au CRU, par exemple une décision de ne pas engager la procédure de résolution, qui sont soumises à cette disposition (94).

121. De surcroît, le Tribunal a considéré que le dispositif de résolution produit indépendamment des effets juridiques dès lors que le FROB est tenu de le mettre en œuvre (95). En tirant cette conclusion, le Tribunal semble avoir ignoré l’article 13 du dispositif de résolution, aux termes duquel le dispositif est adressé au FROB et lui sera communiqué après avoir été approuvé par le Conseil ou par la Commission. Il abonde donc dans le sens de la Commission, selon laquelle sa décision d’approbation régit l’entrée en vigueur du dispositif de résolution à l’égard de son destinataire, l’autorité de résolution nationale.

122. Toutes les considérations qui précèdent conduisent à conclure que la Commission est l’auteur juridiquement responsable du dispositif de résolution.

123. Il reste toutefois une autre question à aborder. Afin d’assurer un contrôle juridictionnel effectif par les juridictions de l’Union, les actes juridiquement obligatoires doivent être motivés (96). Dans l’ignorance des motifs, la personne affectée par un acte pourra difficilement charpenter un recours sérieux.

124. Le dispositif de résolution donne lui-même les motifs pour lesquels la résolution de Banco Popular remplit les conditions du règlement MRU. En approuvant ce dispositif de résolution, la Commission approuve également les motifs qui le justifient et doit être prête à les défendre devant les juridictions de l’Union (97).

125. Il n’est pas sans importance que la Commission puisse effectivement défendre pleinement la justification de la résolution de Banco Popular. Elle ne le pourra que si elle est le véritable auteur de cet acte.

126. Aux termes de l’article 43, paragraphe 3, du règlement MRU, la Commission (et la BCE) ont un représentant habilité à participer aux réunions des sessions exécutives et plénières du CRU en qualité d’observateur permanent, qui participe aux débats et qui a accès à tous les documents (98).

127. Dans l’arrêt Algebris (99), également rendu dans le contexte de la résolution de Banco Popular, le Tribunal a estimé que la Commission avait vraiment participé à l’élaboration de la résolution et dûment évalué le dispositif de résolution que le CRU lui avait soumis. Le fait qu’elle l’ait fait en 77 minutes a été compensé par sa participation tout au long de la procédure qui a débouché sur le dispositif de résolution qui s’inscrit, par nature, dans une situation d’urgence (100).

128. L’approbation par la Commission du dispositif de résolution de Banco Popular ne semble pas être une simple formalité. Par sa décision d’approbation, la Commission a approuvé la teneur du dispositif de résolution.

129. Toutefois, le dispositif de résolution lui-même n’était pas joint à cette décision d’approbation (101). Dans l’arrêt Algebris, qui s’écarte quelque peu de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la référence de la Commission au dispositif de résolution et aux motifs qui y figuraient suffisait à satisfaire à l’obligation de motivation. Il a considéré que « le dispositif de résolution et sa motivation font partie du contexte » (102) dans lequel la décision d’approbation de la Commission a été adoptée.

130. Il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, on s’est demandé lors de l’audience comment des particuliers devraient engager un recours direct au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE s’ils ne peuvent pas lire dans la décision d’approbation elle-même les motifs sur lesquels la Commission a fondé son approbation.

131. La Commission a répondu qu’il était irréalisable de publier le dispositif de résolution parallèlement à la décision d’approbation, car il contient des informations confidentielles. Elle a soutenu qu’il ressortait néanmoins de la décision d’approbation qu’elle vise la résolution de Banco Popular, qui a été publiée par le CRU sur son site Internet et qui est dès lors accessible au public (103).

132. J’estime que, à l’avenir, la Commission devrait joindre la version non confidentielle du dispositif de résolution à sa décision d’approbation publiée au Journal officiel de l’Union européenne. Si le nombre élevé de recours directs actuellement pendants devant le Tribunal montre que les personnes concernées avaient connaissance du dispositif de résolution, la publication conjointe de la décision d’approbation et du dispositif de résolution ferait apparaître clairement que, par sa décision d’approbation, la Commission approuve l’ensemble du dispositif de résolution, y compris les motifs sur lesquels il est fondé.

133. En conclusion, j’estime que le dispositif de résolution n’a pas d’existence juridique autonome et ne peut donc pas être attaqué indépendamment de la décision d’approbation de la Commission. Un recours direct doit attaquer la décision de la Commission d’approbation du dispositif de résolution du CRU. Il existe donc un acte attaquable unique dont l’auteur est la Commission.

VII. Conclusion

134. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose que la Cour :

–        annule l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 1er juin 2022, Fundación Tatiana Pérez de Guzmán el Bueno et SFL/CRU (T‑481/17, EU:T:2022:311), en ce qu’il déclare recevable le recours contre le dispositif de résolution tel qu’adopté par le Conseil de résolution unique (CRU) ;

–        rejette le recours en annulation de la Fundación Tatiana Pérez de Guzmán el Bueno et de la Stiftung für Forschung und Lehre (SFL) comme étant irrecevable ;

–        condamne la Fundación Tatiana Pérez de Guzmán el Bueno et la SFL à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés devant le Tribunal par le CRU et Banco Santander SA ;

–        condamne la Fundación Tatiana Pérez de Guzmán el Bueno et la SFL à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU et la Commission européenne dans le pourvoi ;

–        condamne les autres parties intervenantes devant le Tribunal à supporter leurs propres dépens afférents à ce recours et les parties intervenantes devant la Cour à supporter leurs propres dépens afférents au pourvoi.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1, ci-après le « règlement MRU »).


3      Voir précisions données à l’adresse Internet suivante : https://www.srb.europa.eu/en/about. Voir, également, considérant 6 du règlement MRU.


4      Décision SRB/EES/2017/08 de la session exécutive du CRU, du 7 juin 2017, concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »).


5      Décision (UE) 2017/1246 de la Commission, du 7 juin 2017, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA (JO 2017, L 178, p. 15, ci‑après la « décision d’approbation »).


6      Un second pourvoi dirigé contre cet arrêt est actuellement pendant devant la Cour sous le numéro d’affaire C‑448/22 P, SFL/Conseil de résolution unique. Ce pourvoi ne concerne pas la recevabilité. Si la Cour accueille le pourvoi dans la présente affaire, ce second pourvoi sera sans doute privé d’objet et sera rejeté à ce titre.


7      Dans trois de ces affaires pilotes, le dispositif de résolution du CRU a été attaqué conjointement avec la décision d’approbation de la Commission. La recevabilité n’a été contestée dans aucune de ces affaires. Voir arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU (T‑510/17, EU:T:2022:312) ; Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU (T‑523/17, EU:T:2022:313), ainsi que Aeris Invest/Commission et CRU (T‑628/17, EU:T:2022:315). Des pourvois formés contre ces arrêts sont actuellement pendants devant la Cour sous les numéros d’affaire C‑541/22 P, García Fernández e.a./Commission et CRU, et C‑535/22 P, Aeris Invest/Commission et CRU. Le pourvoi dans l’affaire Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU (C‑539/22 P) a été introduit, mais retiré le 22 juillet 2023. La quatrième affaire pilote devant le Tribunal concernait uniquement la décision de la Commission approuvant le dispositif de résolution, et la recevabilité n’a pas été contestée. Voir arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission (T‑570/17, EU:T:2022:314). Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi. Enfin, la sixième affaire pilote concernait un recours en annulation partielle du dispositif de résolution du CRU. La Commission était partie intervenante dans cette affaire, mais aucune exception d’irrecevabilité n’a été soulevée. Toutefois, le Tribunal a décidé d’office, par voie d’ordonnance, que le recours était irrecevable parce qu’il ne remplissait pas les conditions requises pour l’annulation partielle. Voir ordonnance du 24 octobre 2019, Liaño Reig/CRU (T‑557/17, non publiée, EU:T:2019:771). Cette ordonnance a été confirmée par la Cour saisie d’un pourvoi, qui a décidé dans son arrêt du 4 mars 2021, Liaño Reig/CRU (C‑947/19 P, EU:C:2021:172), que le Tribunal n’a pas commis d’erreur d’appréciation en décidant que la disposition attaquée n’est pas détachable de l’ensemble du dispositif de résolution du CRU.


8      Une version non confidentielle de cette évaluation peut être consultée à l’adresse Internet suivante : https://www.bankingsupervision.europa.eu/ecb/pub/pdf/ssm.2017_FOLTF_ESPOP.en.pdf ?ed492d2c6735d43ab422f25ed966d712.


9      L’article 3, paragraphe 1, points 30 à 33, du règlement MRU expose les instruments de résolution disponibles. En l’espèce, c’est l’« instrument de cession des activités » qui a été utilisé (voir article 24 du règlement MRU) en annulant 100 % des actions en cours de Banco Popular (fonds propres de base catégorie 1) et les actions nouvellement émises de Banco Popular. Les instruments de fonds propres de catégorie 2 ont été convertis en actions nouvellement émises de Banco Popular pour être transférées à Banco Santander au prix de 1 euro.


10      Le Royaume d’Espagne, le Parlement européen, le Conseil, la Commission ainsi que Banco Santander sont intervenus au soutien des conclusions du CRU.


11      Voir arrêt attaqué, point 132.


12      Voir arrêt attaqué, points 129 et 130, citant l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, ci-après l’« arrêt Meroni », EU:C:1958:7).


13      Arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369).


14      Voir arrêt attaqué, point 135, citant l’arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 66).


15      Voir arrêt attaqué, point 140.


16      Voir arrêt attaqué, points 145 à 147.


17      Pour des explications complémentaires de cette doctrine, voir point 76 des présentes conclusions.


18      Lors de l’audience, le Parlement a été invité à préciser ce qu’il fallait entendre par ce considérant. Il a répondu que l’objectif était de préciser que le CRU avait plus de compétences que ce qui est habituellement accordé aux agences, sans pour autant modifier le fait que le CRU fait partie d’une procédure administrative complexe. La SFL a précisé lors de l’audience que, en raison du pouvoir de résolution centralisé du CRU, il s’agit d’une agence qui n’a pas d’équivalent.


19      L’« agencification » a été décrite comme un processus dans lequel des compétences publiques sont transférées à des organes spécialisés de droit public, distincts d’institutions législatives ou exécutives dans le sens traditionnel où on les entend. Verhoest, K., Van Thiel, S., et De Vadder, S., « Agencification in Public Administration », Oxford Research Encyclopaedia of Politics, 2021, p. 2.


20      La BCE le fait après consultation du CRU conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement MRU.


21      Article 18, paragraphe 1, du règlement MRU.


22      Article 18, paragraphe 5, du règlement MRU. Le CRU a publié son approche de l’évaluation de l’intérêt public en 2019. Disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.srb.europa.eu/system/files/media/document/2019‑06‑28_draft_pia_paper_v12.pdf.


23      Article 23, premier alinéa, du règlement MRU.


24      Article 18, paragraphe 7, deuxième alinéa, du règlement MRU.


25      Article 18, paragraphe 7, troisième alinéa, du règlement MRU.


26      Le contentieux suscité par la décision du CRU de ne pas adopter de dispositif de résolution à l’égard de ABLV Bank AS est pendant. Au départ, les requérants attaquaient l’appréciation de la BCE d’une défaillance « avérée ou prévisible ». Ces recours ont été rejetés par le Tribunal par les ordonnances du 6 mai 2019, ABLV Bank/BCE (T‑281/18, EU:T:2019:296), et du 6 mai 2019, Bernis e.a./BCE (T‑283/18, non publiée, EU:T:2019:295). La Cour les a confirmées dans l’arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369), en décidant que l’appréciation de la BCE n’est pas un acte attaquable, mais que la décision du CRU de ne pas procéder à la résolution l’est. Dans le nouveau litige qui en découle, les requérants ont alors attaqué la décision du CRU dans un recours que le Tribunal a admis, mais qu’il a rejeté au fond dans l’arrêt du 6 juillet 2022, ABLV Bank/CRU (T‑280/18, EU:T:2022:429). Cet arrêt fait actuellement l’objet d’un pourvoi inscrit sous le numéro d’affaire C‑602/22 P, ABLV Bank/CRU. Ce pourvoi donne à la Cour une merveilleuse occasion de trancher la question du pouvoir discrétionnaire du CRU statuant sur l’existence de l’intérêt public à la résolution.


27      Le chapitre 2 du titre V du règlement MRU expose les pouvoirs du CRU à l’égard du Fonds de résolution unique (ci-après le « Fonds »), qui n’intéressent pas le présent pourvoi et ne seront pas présentés ici.


28      Article 8, paragraphe 1, du règlement MRU.


29      Voir, notamment, article 8, paragraphe 3, et article 12, paragraphe 3, du règlement MRU.


30      Article 13, paragraphe 3, du règlement MRU.


31      Article 20, paragraphe 1, du règlement MRU. Aux termes de l’article 20, paragraphe 15, du règlement MRU, la valorisation elle-même ne fait pas l’objet d’un droit de recours distinct, mais peut faire l’objet d’un recours visant aussi la décision prise par le CRU (la disposition ne précise pas de quelle décision il s’agit, mais l’on peut déduire qu’il s’agit du dispositif de résolution). En fait, au point 141 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que cette disposition confirme également que le dispositif de résolution à lui seul est un acte attaquable.


32      Articles 28 et 29 du règlement MRU.


33      Aux termes des articles 34 à 36 du règlement MRU, le CRU peut adresser des demandes d’information, mener des enquêtes générales et des inspections sur place.


34      Articles 38 à 41 du règlement MRU. Aux termes de l’article 85, paragraphe 3, du règlement MRU, toute personne physique ou morale, y compris les autorités de résolution, peut former un recours contre une décision du CRU auprès du comité d’appel.


35      Article 18, paragraphe 7, deuxième alinéa, du règlement MRU.


36      Article 18, paragraphe 7, cinquième alinéa, du règlement MRU.


37      La référence que l’article 12, paragraphe 1, du dispositif de résolution fait à l’article 18, paragraphe 6, du règlement MRU peut avoir suscité une certaine confusion. Cette disposition expose la teneur du dispositif de résolution, mais pas la procédure de son entrée en vigueur (qui est régie au contraire par l’article 18, paragraphe 7, du règlement MRU).


38      Voir arrêt attaqué, point 117.


39      Ce qui ressort probablement de la référence au moment auquel la Commission l’a approuvé plutôt qu’à celui où le CRU l’a transmis à la Commission.


40      Dans l’affaire pilote qui n’a pas fait l’objet d’un pourvoi [arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 122], le Tribunal a estimé que la Commission doit expressément approuver le dispositif de résolution sous peine de méconnaître la doctrine Meroni. Compte tenu de la position que j’ai adoptée sur la vocation de la doctrine Meroni à s’appliquer au CRU (voir section B.1 des présentes conclusions), je récuse l’idée que la doctrine Meroni imposerait expressément à la Commission une obligation d’approuver un dispositif de résolution.


41      Le silence peut poser un problème en ce sens qu’il peut créer une inertie du côté de la Commission et inféoder celle-ci au CRU. Voir Adamski, D., « The ESMA doctrine : a constitutional revolution and the economics of delegation », European Law Review, vol. 39, no 6, 2014, p. 812, en particulier p. 817 et 818 (dans lesquelles l’auteur soutient que le commettant qui s’en remet à l’expertise technique et professionnelle d’un préposé risque de créer une asymétrie dans l’information de sorte que c’est le préposé qui en définitive fait les choix fondamentaux que le commettant se borne à entériner).


42      Lors de l’audience, les parties au pourvoi ont visé le choix de l’instrument de résolution, la conformité aux objectifs de la résolution et un autre aspect quelconque non technique de la procédure de résolution.


43      Article 18, paragraphe 7, deuxième alinéa, du règlement MRU. À l’exclusion i) de l’évaluation de l’intérêt public et ii) du montant à utiliser du Fonds. Si la Commission remet en cause l’un de ces deux cas de figure, elle doit proposer au Conseil d’émettre des objections (article 18, paragraphe 7, troisième alinéa, du règlement MRU). J’envisagerai cette option dans le quatrième scénario.


44      Article 18, paragraphe 7, sixième alinéa, du règlement MRU.


45      Arrêt attaqué, points 132 et 137.


46      Article 18, paragraphe 7, septième alinéa, du règlement MRU. Ce règlement ne précise pas expressément si la Commission doit à nouveau confirmer le dispositif modifié.


47      Article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement MRU.


48      Article 27 du règlement MRU. Cet instrument n’a pas été utilisé dans la résolution de Banco Popular. Je l’inclus dans l’analyse par souci d’exhaustivité.


49      Article 18, paragraphe 7, troisième alinéa, du règlement MRU.


50      Article 18, paragraphe 7, quatrième alinéa, du règlement MRU.


51      Article 18, paragraphe 7, sixième alinéa, du règlement MRU.


52      Article 18, paragraphe 8, du règlement MRU.


53      Article 18, paragraphe 7, septième alinéa, du règlement MRU.


54      On peut se demander si le motif sous-tendant l’affaire Meroni était uniquement de sauvegarder l’équilibre institutionnel ou s’il était également de permettre un contrôle juridictionnel effectif. Pour une analyse selon laquelle ces deux préoccupations ont guidé la décision de la Cour dans l’affaire Meroni, voir conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Royaume‑Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2013:562, point 64). Voir, également, Chamon, M., « EU Agencies : between Meroni and Romano or the devil and the deep blue sea », Common Market Law Review, vol. 48, 2011, p. 1055, en particulier p. 1058 à 1059 (où il fait valoir que l’assimilation de l’équilibre des pouvoirs de Meroni à l’équilibre institutionnel mis en place en 1990 n’est pas justifiée, car le premier devrait plutôt être considéré comme faisant référence au système de protection juridictionnelle du traité).


55      Le service juridique du Conseil a estimé que la proposition initiale était trop large et imprécise, en ce qu’elle permettait au CRU de trancher des points qui n’étaient pas simplement de nature technique et donc au mépris de la doctrine Meroni. Voir Conseil de l’Union européenne, Avis du service juridique sur la délégation de compétences au CRU, Bruxelles, 7 octobre 2013, Doc. no 14547/13, p. 17 et 26 (ci-après l’« avis du service juridique du Conseil sur la délégation »). Voir, également, considérant 24 du règlement MRU, dans lequel la justification de la participation du Conseil et de la Commission suit la lecture faite de la doctrine Meroni dans l’avis du service juridique du Conseil sur la délégation.


56      Cité à la note en bas de page 12 des présentes conclusions.


57      Arrêt Meroni, p. 44 de la version en langue française.


58      On pourrait considérer que la lecture classique de l’arrêt Meroni procède de l’idée que la finalité de cet arrêt est de préserver l’équilibre institutionnel dès lors que la Cour se réfère à l’équilibre des pouvoirs. Voir Chamon, M., cité à la note en bas de page 54 des présentes conclusions, p. 1058 et 1059. Voir, également, avis du service juridique du Conseil sur la délégation, p. 3 à 5.


59      Arrêt Meroni, cité à la note en bas de page 12 des présentes conclusions, p. 43 et 44 de la version en langue française. Chamon ajoute six autres conséquences de cet arrêt recensées dans la doctrine : « (1) l’autorité délégante ne peut pas déléguer des compétences qu’elle ne possède pas elle-même ; (2) l’autorité délégante doit la soumettre à un examen permanent ; (3) la délégation ne peut être implicite, mais doit être explicitement établie ; (4) un contrôle juridictionnel permanent doit être assuré ; (5) l’équilibre institutionnel ne doit pas être bouleversé ; et (6) la délégation doit être véritablement nécessaire à la réalisation des missions concernées. » Chamon, M., « The Empowerment of Agencies under the Meroni Doctrine and Article 114 TFEU : Comment on United Kingdom v Parliament and Council (Short-selling) and the Proposed Single Resolution Mechanism », European Law Review, vol. 39, no 3, 2014, p. 380, spécialement p. 382.


60      Simoncini, M., « “Live and let die ?” The Meroni doctrine in 2023 », qui peut être consulté à l’adresse Internet suivante : https://eulawlive.com/op-ed-live-and-let-die-the-meroni-doctrine-in-2023-by-marta-simoncini.


61      L’avis du service juridique du Conseil sur la délégation mentionne l’Agence européenne des médicaments, les autorités européennes de surveillance, telles que l’Autorité bancaire européenne, et l’AEMF (p. 5, note en bas de page 11). Si on lit l’article 58 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, on trouvera au moins quatre autres offices et agences prenant des décisions individuelles susceptibles de recours directs devant la Cour au terme des procédures de recours internes : l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuell, l’Office communautaire des variétés végétales, l’Agence européenne des produits chimiques et l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne. Il est intéressant de noter que la proposition de modification du statut de la Cour de justice de l’Union européenne inclut une modification de l’article 58 bis, qui ajoute aussi le CRU à la liste des agences. Voir article 3 de la proposition de règlement modifiant le protocole no 3 sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui peut être consulté à l’adresse Internet suivante : https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/202212/demande_transfert_ddp_tribunal_fr.pdf.


62      Secretary of State for Education and Science v Tameside MBC [1976] UKHL 6, p.17. Voir, également, conclusions de l’avocat général Emiliou dans l’affaire BCE/Crédit lyonnais (C‑389/21 P, EU:C:2022:844, point 44).


63      Galligan, D. J., « Arbitrariness and Formal Justice in Discretionary Decisions », dans Galligan, D. J. (éd.), Essays in Legal Theory : A Collaborative Work, Melbourne University Press, 1984, p. 145.


64      L’article 290, paragraphe 1, TFUE ajoute qu’à travers la délégation la Commission ne peut que compléter ou modifier certains éléments non essentiels de l’acte législatif.


65      Voir, pour une explication classique du pouvoir discrétionnaire dans la prise de décision administrative, Galligan, D. J., Discretionary Powers : A Legal Study of Official Discretion, Clarendon Press, 1986, réédité en 2011.


66      Indépendamment du niveau de connaissance ou d’expertise technique, le décideur n’est jamais la simple « bouche de la loi », pour reprendre les termes de Montesquieu. Voir, également, Mendes, J., « Bounded Discretion in EU Law : A Limited Judicial Paradigm in a Changing EU », The Modern Law Review, vol. 80, no 3, 2017, p. 443.


67      Arrêt du 14 mai 1981, Romano (98/80, EU:C:1981:104).


68      Arrêt du 14 mai 1981, Romano (98/80, EU:C:1981:104, point 20).


69      Voir Chamon, M., cité à la note en bas de page 54 des présentes conclusions, p. 1063.


70      Arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, ci-après l’« arrêt AEMF », EU:C:2014:18).


71      Voir conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Royaume‑Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2013:562, point 2).


72      Article 28 du règlement (UE) no 236/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2012, sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d’échange sur risque de crédit (JO 2012, L 86, p. 1).


73      De surcroît, le Royaume-Uni a soutenu que l’article 114 TFUE était une base juridique erronée. L’avocat général Jääskinen l’a suivi et a proposé à la Cour d’accueillir le recours du Royaum‑Uni à ce titre. Voir conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Royaume‑Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2013:562, points 6 et 48 à 53). La Cour ne l’a pas suivi.


74      Arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18, point 42).


75      Arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18, points 46 et 47). Voir, également, conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2013:562, point 42). La Cour a établi que le pouvoir discrétionnaire de l’AEMF est solidement limité en se fondant sur l’obligation de l’AEMF de consulter le Comité européen du risque systémique, de notifier aux autorités nationales compétentes concernées la mesure qu’elle propose de prendre, et de réexaminer les mesures au moins tous les trois mois. Enfin, la Cour a jugé pertinent que la Commission soit habilitée à adopter des actes délégués précisant les critères et les facteurs à prendre en compte par l’AEMF lorsque surviennent certains événements ou évolutions défavorables ainsi que des menaces (arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, points 50 et 51).


76      Pour une critique de ce point, voir Mendes, J., cité à la note en bas de page 66 des présentes conclusions, p. 447 et 448 ; Chamon, M., cité à la note en bas de page 59 des présentes conclusions, p. 393.


77      Arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18, points 52, 82 et 85).


78      Conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2013:562, points 74 et 88) (dans lesquels il soutient que, indépendamment des changements apportés par le traité de Lisbonne dans le contrôle juridictionnel des actes des agences et de la capacité qu’elles en ont tirée d’adopter des actes juridiquement obligatoires, privant ainsi l’arrêt du 14 mai 1981, Romano, 98/80, EU:C:1981:104, de toute pertinence, l’acte de délégation « doit fournir des critères suffisamment clairs pour permettre le contrôle juridictionnel de la compétence d’exécution déléguée »).


79      Arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18, point 65).


80      Le CRU n’est pas la première agence disposant du pouvoir de prendre des décisions discrétionnaires dans des cas individuels, sans que l’approbation de la Commission soit nécessaire. Sur ce point, voir note en bas de page 61 des présentes conclusions.


81      Les objectifs de la résolution qui y sont énumérés sont les suivants : « a) assurer la continuité des fonctions critiques ; b) éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché ; c) protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ; d) protéger les déposants couverts par la directive 2014/49/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149)] ainsi que les investisseurs couverts par la directive 97/9/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 3 mars 1997, relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs (JO 1997, L 84, p. 22)] ; e) protéger les fonds et les actifs des clients ».


82      L’article 18, paragraphe 5, du règlement MRU dispose qu’« une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution, visés à l’article 14, alors qu’une liquidation de l’entité selon les procédures normales d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure ».


83      À cet égard, le Tribunal a visé l’article 16, paragraphe 1, du règlement MRU, qui dispose que le CRU « décide d’une mesure de résolution ». Voir arrêt attaqué, points 116 et 120.


84      L’article 47 du règlement MRU dispose que le CRU agit en toute indépendance et dans l’intérêt général (paragraphe 1) et ne sollicite ni n’accepte d’instructions, notamment, des établissements ou organes de l’Union (paragraphe 2). Nonobstant l’indépendance du CRU, la Commission a été investie, en vertu du règlement MRU, de pouvoirs explicites pour conférer des effets juridiquement obligatoires au dispositif de résolution.


85      La Commission vise les points 127, 128 et 130 de l’arrêt attaqué.


86      La Commission vise les points 117, 120 et 127 de l’arrêt attaqué.


87      La Commission cite ici les arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, points 10 à 12), et du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 49).


88      De même, un recours contre l’imposition de droits antidumping, dirigé contre la Commission, a été jugé irrecevable en ce que « le pouvoir de décision revient cependant au Conseil, qui peut s’abstenir de toute décision s’il est en désaccord avec la Commission ou, au contraire, prendre une décision sur la base des propositions de cette dernière » (ordonnance du 8 mai 1985, Koyo Seiko/Conseil et Commission, 256/84, EU:C:1985:178, point 3).


89      Mis en italique par mes soins.


90      Arrêt attaqué, point 137. Voir, également, point 18 des présentes conclusions.


91      La Commission a rappelé l’article 142 du règlement de procédure du Tribunal, aux termes duquel les parties intervenantes ne peuvent pas présenter de conclusions propres.


92      Selon une jurisprudence constante, constitue un acte attaquable toute décision adoptée par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, indépendamment de sa nature ou de sa forme, qui vise à produire des effets de droit [arrêt du 20 novembre 2018, Commission/Conseil (AMP Antarctique), C‑626/15 et C‑659/16, EU:C:2018:925, point 59].


93      Arrêt attaqué, point 140. L’article 86, paragraphe 2, du règlement MRU dispose : « Les États membres et les institutions de l’Union, de même que toute personne physique ou morale, peuvent introduire un recours auprès de la Cour de justice contre les décisions du CRU, conformément à l’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »


94      La capacité du CRU d’adopter la décision de ne pas ouvrir la procédure de résolution était précisément derrière la décision de la Cour dans l’arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369) (que le Tribunal a cité erronément), selon laquelle l’appréciation portée par la BCE sur la défaillance avérée ou prévisible n’est pas un acte attaquable. Voir arrêt attaqué, point 135, citant l’arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 66).


95      Arrêt attaqué, point 119.


96      Voir arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE (C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 85 et jurisprudence citée).


97      Dans la décision d’approbation du dispositif de résolution de Banco Popular, la Commission déclare que « [l]a Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public » (considérant 4 de la décision d’approbation).


98      Aucune participation analogue n’est prévue pour le Conseil.


99      Arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission (T‑570/17, EU:T:2022:314, points 138, 139 et 143). Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi.


100      Dans l’affaire Algebris, la Commission a expliqué qu’elle participait à différentes étapes préparatoires à l’adoption du dispositif de résolution, y compris aux réunions quotidiennes et à la réception de deux dispositifs de résolution préliminaires qui lui avaient été transmis par le CRU, et qu’elle avait accès à tous les documents pertinents pour la préparation du dispositif de résolution, y compris la situation financière de Banco Popular. Arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission (T‑570/17, EU:T:2022:314, points 132 à 135).


101      Dans la décision d’approbation, la Commission se contente d’évoquer le dispositif de résolution de Banco Popular (considérant 2).


102      Arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission (T‑570/17, EU:T:2022:314, points 151 et 156).


103      La Commission a poursuivi cette pratique à l’égard de la résolution de Sberbank banka d.d. et de Sberbank d.d. Voir décision (UE) 2022/947 de la Commission, du 1er mars 2022, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Sberbank banka d.d. (JO 2022, L 164, p. 63), et décision (UE) 2022/948 de la Commission, du 1er mars 2022, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Sberbank d.d. (JO 2022, L 164, p. 65).