Language of document : ECLI:EU:T:2024:221

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 avril 2024 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Invalidité totale et permanente – Refus de reprendre la procédure d’invalidité – Article 266 TFUE – Décision adoptée en exécution d’un arrêt du Tribunal – Mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation – Procédure disciplinaire – Révocation – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑38/23,

IB, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes A. Lukošiūtė, E. Lekan et M. D. Botis, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Martín y Pérez de Nanclares et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu l’ordonnance du 24 avril 2023, IB/EUIPO (T‑38/23 AJ),

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 16 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, IB, demande, en substance, premièrement, l’annulation de la décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 avril 2022 prise en exécution de l’arrêt du 13 octobre 2021, IB/EUIPO (T‑22/20, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2021:689) (ci-après la « décision attaquée »), ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision du 2 novembre 2022 rejetant la réclamation contre la décision du 11 avril 2022 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »), deuxièmement, à titre principal, la réparation du préjudice subi du fait de cette décision ou, à titre subsidiaire, qu’il soit enjoint à l’EUIPO de reprendre la procédure d’invalidité et, troisièmement, que le troisième médecin de la commission d’invalidité soit désigné d’office.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est un ancien fonctionnaire de l’EUIPO.

 Faits ayant donné lieu à l’arrêt d’annulation

3        À l’origine de la présente espèce se trouvait une procédure d’invalidité, ouverte à l’égard du requérant par l’EUIPO le 28 novembre 2014, au titre de l’article 59, paragraphe 4, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

4        À la suite de l’ouverture de cette procédure, une commission d’invalidité a été instituée le 23 janvier 2015. En application de l’article 7 de l’annexe II du statut, elle était composée de trois médecins, à savoir celui désigné par l’EUIPO, celui désigné par le requérant et celui désigné d’un commun accord par les deux médecins précédents (ci-après le « médecin commun »).

5        Le 9 février 2015, cette commission d’invalidité a rendu son avis, dont il ressortait, d’une part, que le requérant était affecté par une invalidité permanente considérée comme totale, laquelle l’empêchait d’exercer ses fonctions et, d’autre part, que la pathologie dont il souffrait avait évolué au fil du temps et constituait une conséquence directe de l’accident de travail survenu le [confidentiel] (1).

6        Par courriel du 12 mai 2015, l’EUIPO a informé le médecin du requérant et le médecin commun que le médecin qu’il avait désigné avait été remplacé pour raisons personnelles. Par ailleurs, l’EUIPO a indiqué que l’avis de la commission d’invalidité n’était pas suffisamment motivé et, par conséquent, a invité ladite commission à poursuivre ses travaux. Par un courrier commun du 16 juin 2015, le médecin du requérant et le médecin commun ont fourni à l’EUIPO une analyse complémentaire de la situation médicale du requérant, confirmant l’avis initial. Par courriel du 17 juillet 2015, le médecin du requérant a fourni des explications additionnelles à l’EUIPO.

7        Par courrier du 31 août 2015, le conseil du requérant a demandé à l’EUIPO de reconnaître l’incapacité permanente considérée comme totale du requérant à exercer ses fonctions et de mettre ce dernier à la retraite d’office.

8        Par courrier du 18 décembre 2015, l’EUIPO a rejeté la demande du requérant, au motif que l’avis de la commission d’invalidité ne contenait aucune motivation lui permettant de vérifier la régularité des considérations émises et de la procédure suivie devant ladite commission. Dans cette décision, l’EUIPO a également confirmé au requérant avoir sollicité l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), afin qu’il mène une enquête pour comprendre les étapes et les actions entreprises par la commission d’invalidité pour conclure à son invalidité, dans la mesure où elle n’apportait pas davantage d’explications quant au lien existant entre ladite invalidité et son origine supposée. L’EUIPO a, enfin, indiqué que, durant ladite enquête, il suspendait la procédure d’invalidité.

9        Le requérant a demandé l’annulation de ladite décision devant le Tribunal, lequel a rejeté son recours par l’arrêt du [confidentiel].

10      À la suite de l’enquête de l’OLAF, qui s’est terminée en novembre 2017, l’EUIPO a notamment décidé, le 29 mai 2018, d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’égard du requérant au motif qu’il ressortait du rapport de l’OLAF que ce dernier aurait tenté d’influencer en sa faveur les médecins composant la commission d’invalidité, notamment son médecin et le médecin commun.

11      Par décision du 14 mars 2019 (ci-après la « décision de révocation »), l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut, infligé au requérant la sanction de la révocation sans réduction de ses droits à pension, à compter du 1er avril 2019.

12      Dans une note au dossier du requérant du 26 avril 2019, l’AIPN a constaté que la procédure d’invalidité était devenue sans objet et avait été clôturée.

13      Le 13 janvier 2020, le requérant a introduit un recours par lequel il a demandé l’annulation de la décision de révocation en tant qu’elle, d’une part, lui infligeait la sanction de la révocation sans réduction de ses droits à pension et, d’autre part, clôturait définitivement la procédure d’invalidité le concernant.

14      Par l’arrêt d’annulation, le Tribunal a partiellement accueilli le recours et annulé la décision de révocation seulement en tant qu’elle clôturait la procédure d’invalidité.

 Mesures prises par l’EUIPO en exécution de l’arrêt d’annulation

15      Par courrier du 19 octobre 2021, le conseil du requérant a demandé à l’EUIPO d’exécuter l’arrêt d’annulation et de reprendre la procédure d’invalidité, afin de statuer tant sur l’invalidité du requérant que sur l’origine de celle-ci.

16      Le 24 janvier 2022, l’AIPN a informé le requérant qu’elle envisageait de clôturer la procédure d’invalidité, en raison, d’une part, des irrégularités entachant l’avis de la commission d’invalidité, telles que confirmées par le Tribunal, et du refus des médecins de reprendre les travaux de la commission ainsi que, d’autre part, du fait que, au vu des circonstances antérieures à l’ouverture de la procédure d’invalidité, qui n’avaient été portées à la connaissance de l’EUIPO qu’à un stade ultérieur, l’ouverture même de cette procédure était dépourvue de fondement.

17      Après avoir entendu le requérant sur cette proposition, par la décision attaquée, l’AIPN a confirmé, sur la base des mêmes motifs, la clôture de la procédure d’invalidité.

18      Le 8 juillet 2022, le requérant a introduit, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation à l’encontre de la décision attaquée.

19      Cette réclamation a été rejetée par l’EUIPO le 2 novembre 2022.

 Conclusions des parties

20      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        à titre principal, l’indemniser rétroactivement des allocations d’invalidité et des autres allocations non perçues depuis la décision de révocation, augmentées des intérêts, et, à titre subsidiaire, enjoindre à l’EUIPO de reprendre la procédure d’invalidité à l’étape de la désignation d’une commission d’invalidité et, dans l’intervalle et dans l’attente d’une décision finale sur la procédure d’invalidité, de lui verser le minimum vital augmenté des allocations familiales et des intérêts et de l’affilier rétroactivement au régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (RCAM) ;

–        désigner d’office le troisième médecin de la commission d’invalidité ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

21      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur le premier chef de conclusions

22      Au soutien du premier chef de conclusions, le requérant invoque trois moyens, tirés, en substance, le premier, d’une mauvaise exécution de l’arrêt d’annulation, le deuxième, d’une violation du devoir de sollicitude et, le troisième, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation.

23      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le recours, même formellement dirigé contre une décision de rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel la réclamation a été formée (voir arrêt du 6 juillet 2022, MZ/Commission, T‑631/20, EU:T:2022:426, point 20 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, dès lors qu’elle rejette la réclamation et confirme la décision de clôturer la procédure d’invalidité, la décision de rejet de la réclamation n’a pas un contenu autonome de la décision attaquée. En pareille hypothèse, la légalité de la décision attaquée doit donc être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2022, MZ/Commission, T‑631/20, EU:T:2022:426, point 21 et jurisprudence citée).

25      Au soutien du premier moyen, premièrement, le requérant soutient, en substance, que l’EUIPO n’a pas mis en place les mesures nécessaires pour exécuter l’arrêt d’annulation, violant ainsi l’article 266 TFUE. Selon lui, il ressort de cet arrêt que l’EUIPO aurait dû reprendre la procédure d’invalidité au stade de la désignation d’une nouvelle commission d’invalidité, laquelle aurait dû, conformément au manuel sur la procédure d’invalidité établi par l’EUIPO, se prononcer sur son incapacité définitive d’exercer ses fonctions, sur l’exigence ou non d’un examen de suivi ainsi que sur l’origine de cette incapacité.

26      Deuxièmement, le requérant allègue, en substance, que, en refusant de reprendre la procédure d’invalidité sur la base des mêmes faits que ceux ayant mené à la décision de révocation, l’EUIPO lui inflige une seconde sanction. Selon lui, cette seconde sanction, qui est contraire à l’article 9 de l’annexe IX du statut, a pour effet de le priver de ses droits à pension d’invalidité et d’un régime de sécurité sociale.

27      Lors de l’audience de plaidoiries, le requérant a, par ailleurs, demandé au Tribunal d’écarter l’annexe B.1 du mémoire en défense, à savoir le rapport clôturant une nouvelle enquête de l’OLAF à son encontre pour des faits qui ne sont pas liés à la procédure d’invalidité, car ce document ne serait pas pertinent aux fins de la résolution du litige.

28      L’EUIPO conteste les arguments du requérant.

29      Premièrement, il fait valoir que, le Tribunal ayant jugé dans l’arrêt d’annulation que l’EUIPO avait méconnu le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration, l’exécution de cet arrêt impliquait que ce dernier adopte une décision explicite et motivée qui résulte de la prise en compte des intérêts du service et du requérant.

30      En ce qui concerne l’intérêt de service, en premier lieu, l’EUIPO fait valoir que la procédure d’invalidité repose sur une base factuelle viciée, dès lors qu’elle a été ouverte sur la base de certificats médicaux émis par le médecin du requérant que ce dernier a influencé (ci-après les « certificats en cause »). Selon l’EUIPO, ces certificats ne jouissent pas d’une présomption de validité irréfragable et, au contraire, leur légalité peut être remise en question à tout moment. En outre, l’EUIPO soutient que, même à supposer que cette présomption deviendrait irréfragable après un certain délai, la suspension de la procédure d’invalidité, puis l’adoption de la décision attaquée ont eu lieu, en l’espèce, dans un délai raisonnable. En deuxième lieu, l’EUIPO met en exergue le fait que la tentative d’influencer les médecins touche au cœur même de la procédure d’invalidité, puisque le comportement du requérant a affecté l’indépendance de la commission d’invalidité. En troisième lieu, selon l’EUIPO, le requérant n’étant plus fonctionnaire, il n’a pas le droit de demander une nouvelle procédure d’invalidité et, de toute façon, l’EUIPO ne serait pas en mesure de l’ouvrir, dès lors que les certificats sur lesquels elle reposerait sont viciés.

31      En ce qui concerne l’intérêt du requérant, l’EUIPO fait valoir que, pour que cet intérêt soit pris en compte, encore faut-il qu’il soit légitime, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que le requérant tente de tirer profit d’une procédure qu’il a lui-même viciée.

32      Deuxièmement, l’EUIPO soutient que l’affirmation selon laquelle le requérant serait privé de ses droits à pension d’invalidité est purement hypothétique, étant donné que son invalidité n’a pas été reconnue et que, en tout état de cause, cette appréciation est de nature médicale et ne relève pas de la compétence du Tribunal. En outre, la décision de ne pas reprendre la procédure d’invalidité ne serait pas une sanction disciplinaire, mais la conséquence du fait que le requérant a anéanti cette procédure.

33      Il résulte d’une jurisprudence constante que, pour se conformer à l’obligation que fait peser sur elle l’article 266 TFUE, il appartient à l’institution dont émane un acte annulé par le juge de l’Union européenne de déterminer quelles sont les mesures requises pour exécuter l’arrêt d’annulation en exerçant le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet effet dans le respect aussi bien des dispositions du droit de l’Union applicables que du dispositif et des motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter. En particulier, l’institution est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont en effet ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (voir arrêt du 16 mai 2018, Barnett/CESE, T‑23/17, non publié, EU:T:2018:271, point 22 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, premièrement, il ressort des motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt d’annulation que le Tribunal a constaté que l’EUIPO n’avait pas exclu, malgré l’existence de la procédure disciplinaire, la possibilité de soumettre le requérant à un nouvel examen médical pour vérifier si la pathologie dont il prétendait souffrir était avérée ou non.

35      Plus particulièrement, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 46 de l’arrêt d’annulation, dans son courrier du 16 février 2018 annonçant au requérant la clôture de l’enquête de l’OLAF ainsi que la décision de l’AIPN d’ouvrir une procédure prédisciplinaire, l’EUIPO a affirmé qu’il n’incombait pas à l’OLAF de se prononcer sur des faits d’origine médicale et que, dès lors, la partie de l’enquête concernant cet aspect ne pourrait être clôturée qu’après réalisation d’un examen médical approprié. En outre, il ressort également du point 54 du procès-verbal de l’audition du requérant devant le conseil de discipline que l’AIPN elle-même a affirmé que toute décision médicale concernant le requérant devait être prise par des médecins, après un examen médical et une procédure appropriés.

36      Deuxièmement, le Tribunal a relevé que la décision de l’EUIPO de clôturer la procédure d’invalidité comme étant devenue sans objet n’était fondée sur aucune base légale.

37      Notamment, le Tribunal a dit pour droit, au point 71 de l’arrêt d’annulation, qu’aucune disposition statutaire ne dispose que, lorsqu’une procédure d’invalidité, lancée lorsque la personne intéressée était encore en fonction, a été suspendue par l’institution, celle-ci ne peut se poursuivre une fois que la personne intéressée a cessé ses fonctions à la suite d’une décision de révocation.

38      Troisièmement, aux points 72, 75 et 76 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a également rappelé qu’il ressortait du point 53 de l’arrêt du [confidentiel], que, si, certes, l’EUIPO n’avait aucune obligation d’entériner automatiquement les conclusions formulées par la commission d’invalidité, le pouvoir d’appréciation dont il dispose quant à la suite à réserver à l’avis de cette commission ne saurait lui permettre de refuser indéfiniment, et sans motivation, d’adopter une décision sur la base de cet avis. En outre, il incombait à l’EUIPO, et non au requérant, de reprendre la procédure d’invalidité dans un délai raisonnable.

39      Quatrièmement, le Tribunal a considéré que l’EUIPO n’avait pas tenu compte de l’intérêt du requérant, notamment du fait qu’une procédure disciplinaire était pendante en même temps que la procédure d’invalidité et des conséquences que l’une pouvait avoir sur l’autre.

40      Comme cela est relevé aux points 73 et 74 de l’arrêt d’annulation, afin de tenir compte de cet intérêt, l’EUIPO aurait dû soit clôturer la procédure d’invalidité avant l’adoption de la décision de révocation, soit en permettre la poursuite ultérieurement. En outre, le Tribunal a précisé que la reconnaissance de l’invalidité a un impact sur la situation économique d’un fonctionnaire, dès lors que l’article 9 de l’annexe IX du statut confère aux fonctionnaires ou anciens fonctionnaires ne pouvant plus travailler en raison de leur état de santé l’assurance de recevoir, même en cas de révocation des fonctions, au moins le minimum vital.

41      Il découle des points 34 à 40 ci-dessus que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal a, en substance, estimé que l’EUIPO ne pouvait pas déclarer que la procédure d’invalidité était devenue sans objet, alors même que la question qui est au cœur de cette procédure, savoir si le requérant était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et, dans l’affirmative, s’il pouvait bénéficier d’une allocation d’invalidité, n’avait jamais été définitivement tranchée, ni avant ni après l’adoption de la décision de révocation. En outre, le fait que le requérant ait adopté une attitude répréhensible à l’égard de la commission d’invalidité, ce pourquoi il a été révoqué de ses fonctions, n’impliquait pas nécessairement qu’il ne soit pas atteint d’une telle invalidité.

42      Or, il est constant que, en exécution de l’arrêt d’annulation, l’EUIPO s’est abstenu de soumettre le requérant à un nouvel examen médical afin de répondre à la question de savoir si celui-ci était atteint d’une telle invalidité et, dans l’affirmative, s’il pouvait bénéficier d’une allocation d’invalidité à compter de la date de prise d’effet de la décision de révocation, à savoir le 1er avril 2019. Au contraire, en s’appuyant sur les résultats de la procédure disciplinaire, l’EUIPO a considéré qu’il n’était pas dans l’intérêt du service ni dans celui du requérant de poursuivre la procédure d’invalidité après sa révocation et de trancher la question relative à cette invalidité.

 Sur les arguments de l’EUIPO concernant l’intérêt du service

43      Afin de justifier que la poursuite de la procédure d’invalidité n’était pas dans l’intérêt du service, l’EUIPO avance trois arguments qui sont mentionnés au point 30 ci-dessus, à savoir l’absence de validité des certificats en cause, l’atteinte du requérant à l’indépendance de la commission d’invalidité et l’impossibilité d’ouvrir une nouvelle procédure d’invalidité.

44      En ce qui concerne, en premier lieu, l’absence de validité des certificats en cause, l’EUIPO a, en substance, considéré que la procédure d’invalidité était viciée dès le début, dès lors qu’elle avait été lancée sur la base de ces certificats, dont il conteste la validité plus de neuf ans après leur émission et plus de quatre ans après la remise du rapport d’enquête par l’OLAF.

45      D’emblée, il convient de relever que les certificats en cause ont servi, avant même de déclencher la procédure d’invalidité, à justifier l’incapacité de travail du requérant et ses absences subséquentes sur son poste de travail à partir du 10 juin 2013. En mettant en cause leur validité, l’EUIPO tente en réalité de remettre en cause les absences du requérant sur son poste à partir de cette date.

46      Or, selon une jurisprudence bien établie, la présentation d’un certificat médical fait naître une présomption de régularité de l’absence. Dès lors, l’administration ne peut nier la validité d’un tel certificat médical et conclure à l’irrégularité de l’absence du fonctionnaire concerné que si elle l’a auparavant soumis, conformément à l’article 59, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, à un contrôle médical dont les conclusions ne produisent leurs effets qu’à partir de la date de ce contrôle (voir arrêt du 30 janvier 2020, PV/Commission, T‑786/16 et T‑224/18, non publié, EU:T:2020:17, point 214 et jurisprudence citée).

47      En outre, en vertu de l’article 59, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut, un fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution. Si ce contrôle ne peut avoir lieu pour des raisons imputables à l’intéressé, son absence est considérée comme injustifiée. De plus, il ressort de la jurisprudence que l’obligation des institutions de l’Union d’organiser des contrôles médicaux a nécessairement comme corollaire l’obligation pour les fonctionnaires concernés de se soumettre à ces contrôles, ou bien de fournir des certificats desquels il ressort, avec une précision suffisante et de façon concluante, leur impossibilité de se déplacer à cette fin, sous peine de rendre sans effet les dispositions des articles 59 et 60 du statut (voir arrêt du 30 janvier 2020, PV/Commission, T‑786/16 et T‑224/18, non publié, EU:T:2020:17, point 215 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, premièrement, force est de constater que l’EUIPO n’a, à aucun moment, soumis le requérant à un tel contrôle, même après la remise du rapport de l’OLAF en novembre 2017, lequel a mis en lumière l’influence que le requérant avait tenté d’exercer à l’égard de son médecin dans le cadre de la procédure d’invalidité, ni, en tout état de cause, n’a jamais fait valoir que, l’ayant soumis à de tels contrôles, ceux-ci auraient révélé que ses absences étaient injustifiées. Tout au plus l’EUIPO se contente-t-il d’affirmer, au point 55 du mémoire en défense, que « sans vouloir émettre un avis médical, il convient d’observer que s’agissant de son état de santé le [r]equérant n’a de cesse d’invoquer des problèmes psychologiques, créant ainsi un doute au sujet des problèmes de douleurs de dos, donc physiques, attestées par le [médecin du requérant] et qui étaient à la base de l’ouverture de la procédure en invalidité ». Or, une telle affirmation, comme le confirme d’ailleurs l’EUIPO, n’est pas étayée par des éléments de preuve d’ordre médical, de sorte qu’elle ne saurait renverser la présomption de validité qui est attachée aux certificats en cause.

49      Deuxièmement, pour autant que l’EUIPO se réfère à la procédure disciplinaire ayant mené à la révocation du requérant pour justifier la contestation de la validité de ces certificats, il convient de relever que les faits reprochés au requérant dans le cadre de cette procédure sont circonscrits au déroulement de la procédure d’invalidité et ne concernent ni directement ni indirectement les certificats en cause que le médecin du requérant avait remis à ce dernier avant le début de cette procédure.

50      D’une part, cela est confirmé par le point 10 de la décision de révocation qui mentionne que « les faits sont liés au travaux de la commission d’invalidité […] au moins à partir du 28 novembre 2014 », date à laquelle la procédure d’invalidité a été ouverte. D’autre part, il ressort du courrier du 16 février 2018 par lequel l’AIPN a annoncé au requérant qu’elle allait ouvrir une procédure prédisciplinaire que cette dernière avait décidé de classer sans suite le constat de l’OLAF relatif aux ambiguïtés planant sur l’incapacité de travail du requérant entre 2006 et 2014, en raison du fait que l’OLAF n’avait pas de compétence à ce sujet et qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves d’ordre médical.

51      En outre, il y a lieu de constater que l’EUIPO ne démontre pas dans quelle mesure ladite procédure disciplinaire a spécifiquement porté sur la validité de ces certificats, ni même n’allègue que tel serait le cas. Tout au plus se contente-t-il de formuler des affirmations générales et non circonstanciées sur le fait qu’il doute des certificats en cause en ce qu’ils proviennent d’un médecin influencé par le requérant, sans citer l’un ou l’autre document probant issu de cette procédure qui prouverait ces affirmations au sujet de ces certificats.

52      Il s’ensuit que les arguments avancés par l’EUIPO ne sont pas de nature à renverser la présomption de validité qui est attachée aux certificats en cause.

53      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de l’EUIPO selon lequel la contestation de la validité des certificats en cause aurait été faite dans un délai raisonnable. En effet, au vu de ladite conclusion, la question de savoir si l’EUIPO a agi dans un délai raisonnable pour contester la validité de ces certificats est inopérante, dès lors que, à supposer même qu’il ait respecté un tel délai, les arguments avancés par ce dernier pour étayer cette contestation ne sont pas fondés.

54      Eu égard aux considérations exposées aux points 45 à 51 ci-dessus, il y a lieu de conclure que la contestation par l’EUIPO de la validité des certificats en cause est infondée.

55      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’argument selon lequel le requérant aurait porté atteinte à l’indépendance de la commission d’invalidité, il suffit de relever que, ainsi qu’il a été précisé au point 41 ci-dessus, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal a considéré que l’issue de la procédure disciplinaire ne pouvait pas préjuger l’issue de la procédure d’invalidité, dès lors qu’il ne pouvait pas être exclu que le requérant, malgré son attitude répréhensible à l’égard de la commission d’invalidité, fut en réalité atteint d’une invalidité. Ainsi, c’est à juste titre que le requérant fait valoir que, en exécution de l’arrêt d’annulation, l’EUIPO aurait dû reprendre la procédure d’invalidité, convoquer à nouveau la commission d’invalidité et éventuellement remplacer à tout le moins les membres de celle-ci impliqués dans l’enquête de l’OLAF, voire les trois membres. Dans le même ordre d’idées, il était loisible à l’EUIPO d’expurger du dossier de la procédure d’invalidité les documents élaborés par cette commission, tels que ceux mentionnés aux points 5 et 6 ci-dessus.

56      En ce qui concerne, en troisième lieu, l’argument selon lequel l’EUIPO était dans l’impossibilité d’ouvrir une nouvelle procédure d’invalidité à cause du fait que le requérant n’était plus fonctionnaire, l’EUIPO a précisé, en réponse à des questions posées par le Tribunal lors de l’audience de plaidoiries, qu’il était constant que le requérant demandait en réalité non pas l’ouverture d’une nouvelle procédure d’invalidité, mais la reprise de celle déjà ouverte le 28 novembre 2014, éventuellement sous l’égide d’une nouvelle commission d’invalidité. Cet argument manque en fait et doit être écarté comme non fondé.

57      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que les arguments avancés par l’EUIPO au sujet de l’intérêt du service ne sont pas fondés.

 Sur les arguments de l’EUIPO concernant l’intérêt du requérant

58      L’EUIPO soutient, en substance, que le requérant ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et tirer bénéfice d’une procédure qu’il a lui-même viciée, de sorte que son intérêt ne saurait être pris en considération.

59      À cet égard, il a déjà été rappelé aux points 39 et 40 ci-dessus que le Tribunal, dans l’arrêt d’annulation, a reproché à l’EUIPO de ne pas avoir tenu compte de l’intérêt du requérant, notamment du fait qu’une procédure disciplinaire était pendante en même temps que la procédure d’invalidité et des conséquences que l’une pouvait avoir sur l’autre. Or, en persistant à affirmer que le requérant n’a pas un intérêt, sinon illégitime, à la reprise de la procédure d’invalidité, l’EUIPO méconnaît clairement et manifestement ce qui découle de l’arrêt d’annulation.

60      En outre, le principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans ne trouve pas à s’appliquer au cas d’espèce, dans la mesure où, d’une part, comme il a été relevé au point 54 ci-dessus, la contestation par l’EUIPO de la validité des certificats en cause qui sont à la base de la procédure d’invalidité ouverte le 28 novembre 2014 est infondée et, d’autre part, ainsi qu’il a été rappelé au point 55 ci-dessus, le Tribunal a considéré, dans l’arrêt d’annulation, que l’issue de la procédure disciplinaire ne pouvait pas préjuger l’issue de la procédure d’invalidité, dès lors qu’il ne pouvait pas être exclu que le requérant, malgré son attitude répréhensible à l’égard de la commission d’invalidité, fut en réalité atteint d’une invalidité.

61      Il s’ensuit que l’argument avancé par l’EUIPO au sujet de l’intérêt du requérant n’est pas fondé.

 Conclusion

62      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que, en clôturant la procédure d’invalidité sans d’abord trancher la question de savoir si le requérant était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et, dans l’affirmative, s’il pouvait bénéficier d’une allocation d’invalidité à compter de la date de prise d’effet de la décision de révocation, à savoir le 1er avril 2019, l’EUIPO n’a pas correctement exécuté l’arrêt d’annulation et a ainsi méconnu l’article 266 TFUE.

63      Par conséquent, il convient d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner le grief tiré de la double sanction (voir point 26 ci-dessus) ni les deuxième et troisième moyens ni encore la demande présentée par le requérant lors de l’audience de plaidoiries d’écarter l’annexe B.1 du mémoire en défense (voir point 27 ci-dessus).

 Sur le deuxième chef de conclusions

64      Le requérant demande, en substance, au Tribunal, à titre principal, à être indemnisé rétroactivement des allocations d’invalidité et des autres allocations non perçues depuis la décision de révocation, augmentées des intérêts et, à titre subsidiaire, qu’il soit enjoint à l’EUIPO de reprendre la procédure d’invalidité à l’étape de la désignation d’une commission d’invalidité et, dans l’intervalle et dans l’attente d’une décision finale concernant la procédure d’invalidité, de lui verser le minimum vital augmenté des allocations familiales et des intérêts et de l’affilier rétroactivement au RCAM.

65      L’EUIPO excipe de l’irrecevabilité de ce chef de conclusions. En ce qui concerne la demande à titre principal, il soutient qu’il ne relève pas de la compétence du Tribunal de formuler des considérations d’ordre médical. En ce qui concerne la demande à titre subsidiaire, il fait valoir qu’il s’agit d’une demande d’injonction.

66      En ce qui concerne la demande à titre principal, le Tribunal relève qu’elle implique non seulement qu’il soit établi avec suffisamment de certitude que le requérant peut bénéficier d’une allocation d’invalidité à compter de la date de la décision de révocation, mais également que l’allocation dont il bénéficiera puisse déjà être fixée. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 62 ci-dessus, à ce stade, l’EUIPO n’a pas encore tranché la question de savoir si le requérant était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et, dans l’affirmative, s’il pouvait bénéficier d’une allocation d’invalidité à compter de la date de prise d’effet de la décision de révocation, à savoir le 1er avril 2019. Dès lors, cette demande est prématurée (voir, par analogie, arrêt du 12 mai 2016, Guittet/Commission, F‑92/15, EU:F:2016:118, point 198 et jurisprudence citée).

67      Cela étant, il convient de rappeler que la compétence de pleine juridiction, prévue par l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut, investit le juge de l’Union de la mission de donner aux litiges dont il est saisi une solution complète et lui permet, même en l’absence de conclusions régulières à cet effet, non seulement d’annuler, mais encore, s’il y a lieu, de condamner d’office l’institution défenderesse au paiement d’une indemnité pour le dommage moral causé par sa faute de service, à condition d’inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur l’octroi éventuel d’une telle indemnité (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2010, OHMI/Simões Dos Santos, T‑260/09 P, EU:T:2010:461, points 84 et 87 et jurisprudence citée).

68      Interrogées à cet égard par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, les parties ont fait valoir, lors de l’audience, que le Tribunal peut exercer, en l’espèce, sa compétence de pleine juridiction, prévue par l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut. En s’appuyant sur l’arrêt du 6 octobre 2015, CH/Parlement (F‑132/14, EU:F:2015:115), le requérant estime que, dès lors que plus de quatre ans se sont écoulés depuis sa révocation et que, malgré ce délai, l’EUIPO n’a pas encore répondu à la question de savoir s’il était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, cette indemnité ne devrait pas être inférieure à 50 000 euros. L’EUIPO soutient que, à supposer que l’illégalité de la décision attaquée puisse constituer le fait générateur du prétendu préjudice moral, ladite indemnité devrait correspondre au maximum à 5 000 euros, le requérant ayant contribué lui-même à son propre préjudice.

69      En l’espèce, le présent litige a un caractère pécuniaire au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut. En effet, par son recours, le requérant demande au juge de l’Union de se prononcer sur la légalité d’une décision de ne pas poursuivre une procédure d’invalidité et, par conséquent, de ne pas lui reconnaître le statut de personne « invalide », ce qui a des conséquences directes sur ses droits pécuniaires. Il en découle que le Tribunal dispose, dans la présente affaire, d’une compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, KL/BEI, T‑370/20, EU:T:2021:822, point 118).

70      Selon une jurisprudence constante, le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait pour une personne de devoir mener une procédure précontentieuse puis contentieuse afin de voir ses droits reconnus sont susceptibles de constituer un préjudice qui peut être déduit du seul fait que l’administration a commis des illégalités. Ce préjudice est réparable lorsqu’il n’est pas compensé par la satisfaction résultant de l’annulation de l’acte en cause (voir arrêt du 28 mai 2020, Cerafogli/BCE, T‑483/16 RENV, non publié, EU:T:2020:225, point 448 et jurisprudence citée). Cela vaut, notamment, lorsque, dans le cadre des mesures d’exécution d’un arrêt d’annulation, l’administration réitère des irrégularités de même nature que celles ayant justifié ladite annulation (arrêt du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 125).

71      En l’espèce, il a été relevé au point 62 ci-dessus que l’EUIPO a illégalement clôturé la procédure d’invalidité, en privant le requérant de la possibilité de bénéficier, le cas échéant, du droit aux allocations d’invalidité, en le contraignant ainsi à introduire une réclamation, puis un recours devant le Tribunal, aux fins de faire constater notamment les erreurs commises par l’EUIPO dans l’exécution de l’arrêt d’annulation. En outre, il découle de l’annulation de la décision attaquée que, à ce jour et plus de quatre ans après la décision de révocation, le requérant n’a toujours pas obtenu de décision statuant définitivement sur l’existence ou non d’une invalidité le concernant et sur la question de savoir s’il peut bénéficier d’une allocation d’invalidité à compter de la date de prise d’effet de la décision de révocation, à savoir le 1er avril 2019.

72      La décision attaquée a donc placé le requérant dans une situation d’insécurité, d’incertitude et de désarroi qui constitue, eu égard à l’ancienneté des faits à l’origine du présent litige, un préjudice moral qui n’est pas susceptible d’être intégralement réparé par la seule annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2020, Cerafogli/BCE, T‑483/16 RENV, non publié, EU:T:2020:225, point 450 et jurisprudence citée).

73      Dans les circonstances de l’espèce, il y a donc lieu de condamner l’EUIPO à payer au requérant des dommages et intérêts évalués ex æquo et bono à la somme de 4 000 euros au titre du préjudice moral subi.

74      En ce qui concerne, enfin, la demande à titre subsidiaire, il suffit de relever, à l’instar de l’EUIPO, que celle-ci doit être rejetée pour cause d’incompétence. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions à l’administration dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 155 et jurisprudence citée).

75      Eu égard à ce qui précède, il convient de condamner l’EUIPO à verser au requérant la somme de 4 000 euros au titre du préjudice moral subi et de rejeter le deuxième chef de conclusions pour le surplus.

 Sur le troisième chef de conclusions

76      Le requérant sollicite la désignation d’un troisième médecin par le Tribunal, compte tenu du refus de l’EUIPO de procéder à la désignation d’une nouvelle commission d’invalidité.

77      L’EUIPO excipe de l’irrecevabilité de ce chef de conclusions, car il ne relève pas de la compétence du Tribunal de désigner le troisième médecin.

78      Il suffit de relever, à cet égard, qu’aucune disposition des traités ni aucun principe ne donne compétence au Tribunal pour statuer sur pareille demande. À supposer que ce chef de conclusions doive être compris comme une invitation au Tribunal de faire application de l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe II du statut, il convient de relever que, à défaut d’accord sur la désignation du troisième médecin dans un délai de deux mois à compter de la désignation du deuxième médecin, le troisième médecin est commis d’office par le président de la Cour à l’initiative d’une des parties et non par le Tribunal dans le cadre d’une procédure juridictionnelle. Le troisième chef de conclusions ne peut dès lors qu’être rejeté.

79      Eu égard à tout ce qui précède, il convient d’annuler la décision attaquée, de condamner l’EUIPO à verser au requérant la somme de 4 000 euros au titre du préjudice moral subi et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

81      Par ailleurs, conformément à l’article 149, paragraphe 3, du règlement de procédure, le requérant ayant été admis à l’aide juridictionnelle et le Tribunal ayant condamné l’EUIPO à supporter les dépens exposés par celui-ci, l’EUIPO sera tenu de rembourser à la caisse du Tribunal les sommes avancées au titre de l’aide juridictionnelle.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 avril 2022 prise en exécution de l’arrêt du 13 octobre 2021, IB/EUIPO (T22/20), est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné à verser à IB, au titre du préjudice moral subi, la somme de 4 000 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      L’EUIPO est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par IB ainsi que les sommes avancées par la caisse du Tribunal au titre de l’aide juridictionnelle.

Svenningsen

Martín y Pérez de Nanclares

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées.