Language of document : ECLI:EU:T:2005:49

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
15 février 2005 (1)

« Marque communautaire – Opposition – Risque de confusion – Demande de marque communautaire verbale LINDENHOF – Marque verbale et figurative antérieure LINDERHOF – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94 »

Dans l'affaire T-296/02,

Lidl Stiftung & Co. KG, établie à Neckarsulm (Allemagne), représentée par Me P. Groß, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), représenté par MM. A. von Mühlendahl, B. Müller et G. Schneider, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), intervenant devant le Tribunal, étant

REWE-Zentral AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Me M. Kinkeldey, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 17 juillet 2002 (affaire R 0036/2002-3), relative à une procédure d'opposition entre Lidl Stiftung & Co. KG et REWE-Zentral AG,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et N. J. Forwood, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 18 mai 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 16 septembre 1997, l’intervenante devant le Tribunal a sollicité auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’« Office ») l’enregistrement en tant que marque communautaire du signe verbal

LINDENHOF

2
La demande de marque vise, notamment, les produits relevant des classes 30 et 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

classe 30 : « [...] produits à base de chocolat ; boissons chocolatées, [...] produits à base de massepain et de praliné ; [...] chocolats, également fourrés [...] » ;

classe 32 : « Bières, mélanges de boissons contenant de la bière, eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits, jus de légumes ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ; boissons à base de petit-lait [...] ».

3
Le 10 août 1998, la demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires   60/98.

4
Le 26 octobre 1998, la requérante a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, en se fondant sur la marque verbale et figurative suivante

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enregistrée en Allemagne et ayant comme date de dépôt le 24 décembre 1991 (ci-après la « marque antérieure »).

5
L’opposition était dirigée contre l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 2 ci-dessus. Elle était fondée sur les produits couverts par la marque antérieure, dénommés « vins mousseux », relevant de la classe 33.

6
À l’appui de son opposition, la requérante a invoqué le motif relatif de refus visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

7
L’intervenante ayant soulevé l’exception tirée du non-usage de la marque antérieure, prévue à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, la requérante a produit une déclaration sous serment d’un de ses gérants accompagnée d’une liste établissant le nombre d’unités de vente pour les années 1995 à 2000 et d’une image montrant la forme utilisée pour ces ventes, reproduite ci-dessous.

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8
Par décision du 8 novembre 2001, la division d’opposition a considéré, d’abord, que l’usage sérieux de la marque antérieure avait été prouvé. Ensuite, elle a accueilli l’opposition en ce qu’elle concernait les produits dénommés « bières, mélanges de boissons contenant de la bière », au motif de l’existence d’un risque de confusion. Elle a rejeté l’opposition pour le surplus, au motif de l’absence d’un tel risque. Enfin, elle a condamné chacune des parties à supporter ses propres dépens.

9
Le 7 janvier 2002, la requérante a formé un recours contre cette décision en ce qui concerne les produits dénommés « eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits », relevant de la classe 32 (ci-après les « boissons visées par la demande de marque »).

10
Par décision du 17 juillet 2002 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a rejeté le recours et condamné la requérante aux dépens.


Procédure

11
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 septembre 2002, la requérante a introduit le présent recours.

12
Par lettre du 14 janvier 2003, l’Office a informé le Tribunal qu’il avait constaté l’absence de preuve de la prorogation de la durée de protection de la marque antérieure. Par lettre reçue le 10 mars 2003, la requérante a fait parvenir cette preuve au Tribunal.

13
L’Office et l’intervenante ont déposé leur mémoire en réponse respectivement les 3 et 4 février 2003.


Conclusions des parties

14
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’Office aux dépens.

15
L’Office conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

16
L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens exposés par l’intervenante.


Arguments des parties

17
À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, pris d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce que la chambre de recours aurait conclu à tort à l’absence de risque de confusion en ce qui concerne les produits dénommés « vins mousseux », d’une part, et les boissons visées par la demande de marque, d’autre part (ci-après les « produits en cause »).

18
Concernant les produits en cause, la requérante fait valoir, d’abord, qu’ils ont habituellement une provenance commune. À cet égard, elle présente des documents, accompagnés d’offres de preuve par témoin, visant à montrer l’existence de caves à vins et à vins mousseux allemandes produisant aussi des jus de fruits, des vins de fruits, des vins mousseux de fruits et des boissons mélangées à base de vin. Ce fait serait connu du public ciblé. Par ailleurs, selon la requérante, l’existence de caves commercialisant aussi de l’eau de table, voire de l’eau minérale, ne doit pas être exclue. Enfin, elle prétend que, à l’inverse, les fabricants de boissons visées par la demande de marque étendraient également leur gamme de produits.

19
La requérante fait aussi valoir que les produits finaux en cause sont similaires. En effet, tous seraient des boissons de consommation courante et se vendraient côte à côte tant dans les magasins que sur les cartes de boissons. La publicité qui en est faite serait similaire, montrant normalement une personne qui, en buvant la boisson présentée, connaît un moment de bonheur. Comme les vins mousseux, les boissons visées par la demande de marque, et notamment les boissons à base de fruits alcoolisées, se boiraient aussi lors d’occasions spéciales, et, comme lesdites boissons, les vins mousseux se boiraient aussi lors d’un repas. De plus, bien d’autres boissons que les vins seraient mousseuses. Enfin, la requérante fait observer que, comme le vin mousseux, certaines boissons non alcoolisées, boissons de fruits et autres jus de fruits peuvent être produites, notamment, à partir de raisins. Elle en conclut que, revêtus de signes similaires, les produits en cause pourraient se voir attribuer la même origine commerciale.

20
Concernant les signes en cause, la requérante soutient qu’ils sont similaires, dans la mesure où leur différence phonétique est à peine perceptible et où leur différence conceptuelle n’est pas particulièrement frappante, le public n’étant pas conduit en l’espèce à rechercher leur signification.

21
Concernant le public ciblé, la requérante affirme en effet que, les produits en cause étant de consommation courante, l’attention de celui-ci sera faible.

22
La requérante fait également valoir que la marque antérieure présente un fort caractère distinctif. En effet, les vins mousseux seraient vendus sous cette marque depuis plus de sept ans, dans plus de 4 000 filiales de la requérante, dont la plupart en Allemagne. La déclaration sous serment visée au point 7 ci-dessus prouverait que ces ventes ont généré un important chiffre d’affaires en Allemagne de janvier 1995 à janvier 2000. D’importants moyens publicitaires auraient été mis en œuvre à ce propos. Le requérant fait remarquer que le mot « linderhof » n’est pas descriptif pour les vins mousseux.

23
En réponse au prétendu caractère tardif de certains de ses arguments, la requérante a fait valoir, lors de l’audience, que l’argument principal avait déjà été présenté devant la chambre de recours.

24
L’Office estime pour sa part que la chambre de recours a décidé à juste titre qu’il n’existait pas de risque de confusion.

25
À cet égard, l’Office fait valoir, notamment, que les arguments de la requérante tirés, premièrement, de la provenance habituelle commune des produits en cause et, deuxièmement, du fait que des mélanges des produits en cause sont proposés, sont tardifs, eu égard à la règles 16, paragraphe 3, à la règle 17, paragraphe 2, et à la règle 20, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), à l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement no 40/94 et aux arrêts du Tribunal du 13 juin 2002, Chef Revival USA/OHMI – Massagué Marín (Chef) (T‑232/00, Rec. p. II‑2749), et du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS) (T‑388/00, Rec. p. II‑4301, points 21 et suivants). En effet, selon l’Office, le premier argument n’a été avancé de façon claire que devant le Tribunal et le deuxième argument y a été avancé pour la première fois. Ces arguments ne serviraient pas non plus à appuyer ou à approfondir un argument déjà présenté devant la division d’opposition. L’Office ajoute que, s’il n’a pas clairement indiqué à la requérante quels faits et preuves devaient être présentés, il appartenait à cette dernière d’en décider elle-même. De plus, l’Office n’aurait pas été en mesure de l’indiquer, ne connaissant pas suffisamment le marché en cause. Enfin, l’Office fait valoir que la requérante elle-même a intitulé la partie concernée de sa requête « faits nouveaux ».

26
Il en va de même, selon l’Office, pour l’argument tiré du fort caractère distinctif de la marque antérieure en raison de son usage, dans la mesure où cet argument n’a pas non plus été avancé devant lui. L’Office relève que, devant la chambre de recours, la requérante a seulement fait valoir que la marque antérieure disposait d’un « caractère distinctif au moins normal ». Par ailleurs, l’Office soutient que les faits et autres éléments présentés par la requérante visant à prouver l’usage de la marque antérieure ne constitueraient l’invocation ni explicite ni implicite de la grande renommée que cette marque aurait acquise par son usage.

27
L’intervenante invoque, tout d’abord, un moyen tiré d’une violation des articles 15 et 43 du règlement n° 40/94, en ce que la chambre de recours aurait dû rejeter le recours au motif de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

28
Ensuite, l’intervenante soutient qu’il n’existe pas de risque de confusion.

29
Lors de l’audience, l’intervenante s’est ralliée aux arguments de l’Office selon lesquels certains des arguments de la requérante sont tardifs.


Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité de certains arguments avancés par la requérante

30
L’Office et l’intervenante soutiennent que les arguments tirés, premièrement, de la provenance habituelle commune des produits en cause, deuxièmement, du fait que des mélanges des produits en cause sont proposés à la vente et, troisièmement, du fort caractère distinctif de la marque antérieure sont tardifs.

31
À cet égard, il y a lieu de relever que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 63 du règlement n° 40/94. Or, des faits qui sont invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’Office ne sauraient affecter la légalité d’une telle décision que si l’Office aurait dû les prendre en considération d’office. À cet égard, il résulte de l’article 74, paragraphe 1, in fine, dudit règlement, selon lequel, dans une procédure concernant les motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’Office est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties, que celui-ci n’est pas tenu de prendre en considération, d’office, des faits qui n’ont pas été avancés par les parties. Partant, de tels faits ne sont pas susceptibles de mettre en cause la légalité d’une décision de la chambre de recours.

32
Or, s’agissant du premier argument visé au point 30 ci-dessus, force est de constater que la requérante a allégué devant la chambre de recours que les produits en cause étaient fabriqués, pour l’essentiel, dans des entreprises identiques, ainsi qu’il ressort d’ailleurs du point 14 de la décision attaquée. Ce premier argument ne saurait donc être considéré comme n’ayant pas été invoqué devant l’Office, contrairement à ce que soutiennent celui-ci et l’intervenante.

33
Il convient d’ajouter que, certes, la requérante a avancé l’allégation visée au point précédent pour la première fois devant la chambre de recours. Il ressort cependant de la jurisprudence que les chambres de recours peuvent, sous la seule réserve de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, faire droit au recours, sur la base de nouveaux faits invoqués par la partie ayant formé le recours ou encore sur la base de nouvelles preuves produites par celle-ci [arrêt du Tribunal du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, non encore publié au Recueil, point 26].

34
S’agissant de la référence faite par l’Office à l’arrêt ELS, précité (points 21 et suivants), il convient de relever que ceux-ci concernent, notamment, la production de la preuve de l’usage de la marque invoquée à l’appui de l’opposition, qui, en l’espèce, n’est pas en cause à ce stade de la procédure.

35
Il en va de même de la référence faite à l’arrêt Chef, précité. En effet, celui-ci concernait l’omission de produire, dans le délai imparti par la division d’opposition, la traduction, dans la langue de procédure de l’opposition, du certificat d’enregistrement de la marque invoquée à l’appui de l’opposition (voir points 53 et 57 dudit arrêt). Or, une telle situation ne se présente pas en l’espèce.

36
Il s’ensuit que l’argument tiré de la provenance habituelle commune des produits en cause est recevable.

37
S’agissant, en revanche, des documents présentés par la requérante à l’appui de cet argument et visés au point 18 ci-dessus, force est de constater qu’ils ont été produits pour la première fois devant le Tribunal. La requérante n’a d’ailleurs pas prétendu le contraire.

38
Ces documents ne sauraient donc être pris en considération par le Tribunal.

39
S’agissant du deuxième argument visé au point 30 ci-dessus, selon lequel des mélanges des produits en cause sont proposés à la vente, force est de constater qu’il n’a pas été avancé par la requérante devant l’Office, ainsi qu’il ressort du point 42 de la décision attaquée, selon lequel la requérante n’a avancé aucun argument à cet égard. Plus particulièrement, il y a lieu de relever que, si, dans son mémoire du 24 mars 2000 présenté devant la division d’opposition, la requérante a fait référence à l’existence de « boissons récréatives, contenant du ‘vin mousseux’ », cette référence concerne le rapport non pas entre les produits en cause mais entre, d’une part, les vins mousseux et, d’autre part, des produits visés par la demande de marque qui ne font plus l’objet du présent litige.

40
Il s’ensuit que l’argument tiré du fait que des mélanges des produits en cause sont proposés à la vente ne saurait être pris en compte par le Tribunal.

41
S’agissant du troisième argument visé au point 30 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’il n’a pas non plus été avancé par la requérante devant l’Office. Plus particulièrement, devant la chambre de recours, la requérante a seulement prétendu que la marque antérieure revêtait un caractère distinctif de niveau moyen.

42
L’argument tiré du fort caractère distinctif de la marque antérieure ne saurait donc, lui non plus, être pris en considération par le Tribunal.

Sur le fond

43
Il convient d’examiner d’abord le moyen invoqué par la requérante, avant d’examiner éventuellement celui invoqué par l’intervenante. En effet, s’il devait être conclu, contrairement à ce que prétend la requérante, que la chambre de recours a rejeté à juste titre le recours introduit devant elle au motif de l’absence de risque de confusion, il n’y aurait plus besoin d’examiner si, comme le prétend l’intervenante, elle aurait dû le faire au motif de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

44
Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

45
En l’espèce, la marque antérieure est enregistrée en Allemagne. Partant, aux fins de l’appréciation des conditions visées au point précédent, il convient de tenir compte du point de vue du public allemand. Par ailleurs, étant donné que les produits en cause sont de consommation courante, ce public est constitué par le consommateur moyen. Celui-ci est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p.  I‑3819, point 26). En ce qui concerne l’affirmation de la requérante, selon laquelle, les produits en cause étant de consommation courante, l’attention du public pertinent sera faible, elle ne saurait être accueillie, dès lors qu’elle n’est étayée par aucun élément précis corroborant la validité de cette affirmation générale par rapport aux produits en question.

46
Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion quant à l’origine commerciale des produits ou des services doit être apprécié globalement selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause et en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 29 à 33, et la jurisprudence citée].

47
Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 18, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19).

48
Par ailleurs, il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 qu’un risque de confusion au sens de cette disposition présuppose une identité ou une similitude des produits ou services désignés. Partant, même dans l’hypothèse de l’existence d’une identité du signe demandé avec une marque dont le caractère distinctif est particulièrement fort, il reste nécessaire d’établir la présence d’une similitude entre les produits ou les services désignés par les marques opposées (voir, par analogie, arrêt Canon, précité, point 22).

Sur les produits en cause

49
Pour apprécier la similitude entre les produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, précité, point 23).

50
Or, certes, les vins mousseux, d’une part, et les boissons visées par la demande de marque, d’autre part, présentent des points communs quant aux ingrédients de base et sont vendus souvent côte à côte, tant dans les magasins que sur les cartes de boissons.

51
Il y a cependant lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le consommateur moyen allemand considérera comme normal et, dès lors, s’attendra à ce que les vins mousseux, d’une part, et les boissons dénommées « eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits », d’autre part, proviennent de différentes entreprises. Plus particulièrement, les vins mousseux et lesdites boissons ne peuvent être considérés comme appartenant à une même famille de boissons, voire comme des éléments d’une gamme générale de boissons susceptibles d’avoir une origine commerciale commune.

52
Devant la chambre de recours, la requérante n’a d’ailleurs cité qu’une seule entreprise qui fabrique à la fois des vins mousseux et des boissons visées par la demande de marque (voir point 14 de la décision attaquée). S’agissant des documents qu’elle a présentés à cet égard devant le Tribunal, tendant à montrer l’existence de caves à vins et à vins mousseux allemandes produisant aussi des jus de fruits, des vins de fruits, des vins mousseux de fruits et des boissons mélangées à base de vin, il a déjà été jugé aux points 37 et 38 ci-dessus qu’ils ne sauraient être pris en compte par le Tribunal.

53
De surcroît, certes, les boissons visées par la demande de marque sont libellées « eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques, boissons de fruits et jus de fruits ». Les termes « non alcooliques » ne se rapportent donc pas aux « boissons de fruits et jus de fruits », de sorte que, en théorie, ces derniers produits pourraient être considérés comme incluant des boissons alcooliques. Il y a cependant lieu de considérer que, en pratique, les termes allemands « Fruchtgetränke und Fruchtsäfte » utilisés dans l’original de la demande de marque, tout comme d’ailleurs les termes français « boissons de fruits et jus de fruits » et les termes équivalents dans d’autres langues de la Communauté, sont réservés aux produits sans alcool. Partant, les boissons visées par la demande de marque doivent être considérées comme n’incluant que des boissons non alcooliques. D’ailleurs, la considération de la chambre de recours selon laquelle le vin mousseux « relève de la catégorie des boissons alcooliques, à la différence des produits couverts par la marque demandée » (point 37 de la décision attaquée), n’a pas été contestée par la requérante.

54
Or, les vins mousseux sont des boissons alcooliques et, en tant que telles, nettement séparés des boissons non alcooliques telles que les boissons visées par la demande de marque, tant dans les magasins que sur les cartes de boissons. Le consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est habitué et attentif à cette séparation entre boissons alcooliques et non alcooliques, laquelle est d’ailleurs nécessaire, certains consommateurs ne souhaitant pas, voire ne pouvant pas, consommer de l’alcool.

55
Par ailleurs, si les boissons visées par la demande de marque se boivent lors d’occasions spéciales et pour être savourées, elles sont consommées aussi, sinon essentiellement, à d’autres occasions et pour se désaltérer. Elles sont en effet plutôt des articles de consommation courante. Les vins mousseux, en revanche, sont consommés presque uniquement, voire uniquement lors d’occasions spéciales et pour être savourés, et beaucoup moins fréquemment que les produits visés par la demande de marque. En effet, ils relèvent d’un segment de prix bien plus élevé que celui des boissons visées par la demande de marque.

56
Enfin, les vins mousseux ne constituent qu’une boisson atypique de remplacement des boissons visées par la demande de marque. Les produits en cause ne peuvent donc pas être considérés comme étant en rapport de concurrence.

57
La circonstance invoquée par la requérante et selon laquelle les produits en cause peuvent être consommés l’un après l’autre ou même être mélangés n’est pas de nature à modifier l’appréciation émise aux points précédents. En effet, cette circonstance s’applique à beaucoup de boissons qui ne sont pourtant pas similaires (par exemple, le rhum et le cola).

58
Il en va de même pour la circonstance invoquée par la requérante et selon laquelle la publicité des produits en cause montre toujours une personne qui connaît un moment de bonheur en buvant la boisson présentée, dans la mesure où cette circonstance s’applique à presque toutes les boissons, y compris les plus diverses.

59
À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les éléments de dissimilitude l’emportent sur les éléments de similitude des produits en cause. Toutefois, les différences relevées entre ceux-ci ne sont pas telles qu’elles excluent, à elles seules, la possibilité d’un risque de confusion, notamment dans l’hypothèse de l’existence d’une identité du signe demandé avec une marque antérieure dont le caractère distinctif est particulièrement fort (voir point 48 ci-dessus).

Sur les signes en cause

60
Il ressort du point 48 de la décision attaquée que la chambre de recours a fondé sa comparaison des signes en cause, en ce qui concerne la marque antérieure, sur la forme reproduite au point 7 ci-dessus, au motif que cette forme ne diffère pas de la forme enregistrée de la marque antérieure, à savoir celle figurant au point 4 ci-dessus, de manière que son caractère distinctif s’en trouverait altéré.

61
Il n’est pas nécessaire de décider si, ce faisant, la chambre de recours a commis une erreur. En effet, les différences entre les deux formes visées au point précédent ne sont pas de nature à modifier le résultat de la comparaison des signes en cause ni, partant, celui de l’appréciation du risque de confusion, ainsi qu’il le sera exposé par la suite.

62
Il ressort d’une jurisprudence constante que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux‑ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, non encore publié au Recueil, point 47, et la jurisprudence citée].

63
Sur les plans visuel et phonétique, il convient de relever que, dans les deux formes de la marque antérieure visées au point 60 ci-dessus, l’élément verbal « linderhof » détient une place prépondérante. L’élément verbal consistant en l’expression « vita somnium breve » y occupe une place secondaire, dans la mesure où il est écrit en caractères considérablement plus petits que ceux employés pour le mot « linderhof ». Cet élément verbal est donc accessoire par rapport à l’élément verbal dominant « linderhof » [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 36]. Quant aux éléments verbaux « trocken » et « sekt », il y a lieu de relever que le consommateur moyen allemand comprendra immédiatement qu’ils ne servent qu’à indiquer respectivement qu’il s’agit d’un vin sec et d’un vin mousseux. Dans cette mesure, ces éléments sont également accessoires par rapport à l’élément « linderhof ». Enfin, quant aux éléments figuratifs des deux formes de la marque antérieure visées au point 60 ci-dessus, ils ne sont que décoratifs. Ils ne sont donc pas non plus de nature à infirmer la prépondérance de l’élément « linderhof ».

64
L’élément « linderhof » étant prépondérant dans la marque antérieure, celle-ci doit être considérée comme étant semblable à la marque demandée sur les plans visuel et phonétique. En effet, les différences visuelle et phonétique entre les termes « linderhof » et « lindenhof » ne sont pas de nature à être immédiatement remarquées par le consommateur moyen allemand.

65
Sur le plan conceptuel, il convient de constater que, au point 52 de la décision attaquée, la chambre de recours a fait remarquer que le terme « linderhof » renvoie au château de « Linderhof » du roi Louis II de Bavière, alors que le terme « lindenhof » signifie « cour de tilleuls ».

66
À cet égard, il convient de relever que, même si, effectivement, une certaine dissimilitude conceptuelle peut être constatée, il est douteux que le consommateur moyen allemand parvienne à la remarquer. De plus, on ne peut pas s’attendre à ce que le consommateur moyen en Allemagne connaisse ledit château de « Linderhof ». Or, un consommateur qui ne connaît pas celui-ci constatera plutôt une similitude conceptuelle entre les termes « lindenhof » et « linderhof » dans la mesure où, dans les deux cas, il pensera à une « cour » ou à un « domaine ».

67
Dans ces conditions, force est de conclure à une similitude conceptuelle entre les signes.

68
Il s’ensuit que les signes doivent être considérés comme similaires.

Sur le risque de confusion

69
Au point 55 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, bien qu’elle ait constaté la grande similitude phonétique des signes en cause, compte tenu du caractère distinctif normal de la marque antérieure et de la distance manifeste entre les produits en cause, il n’existe aucun risque de confusion significatif dans l’esprit du public ciblé en Allemagne, d’autant plus que ce n’est pas la fraction marginale du public pressé et superficiel qui fait foi, en l’espèce, mais le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

70
Cette conclusion n’est pas entachée d’erreur.

71
En effet, le Tribunal estime que les dissimilitudes des produits en cause, constatées aux points 51 à 56 ci-dessus, l’emportent sur la similitude des signes en cause, de sorte que le consommateur moyen allemand ne croira pas que les premiers revêtus des derniers aient la même origine commerciale. Par ailleurs, ainsi qu’il découle du point 42 ci-dessus, la marque antérieure ne saurait être considérée comme présentant un caractère distinctif fort.

72
Il s’ensuit que, en rejetant le recours contre la décision de la division d’opposition au motif de l’absence de risque de confusion, la chambre de recours n’a pas méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

73
Dès lors, le moyen unique invoqué par la requérante ne saurait être accueilli.

74
Le recours doit donc être rejeté, sans qu’il y ait besoin d’examiner le moyen invoqué par l’intervenante.


Sur les dépens

75
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

76
En l’espèce, la requérante a succombé. L’Office conclut à ce que la requérante soit condamnée aux dépens et l’intervenante conclut à ce que la requérante soit condamnée aux dépens de l’intervenante. Il y a donc lieu de condamner la requérante aux dépens tant de l’Office que de l’intervenante.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Meij

Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 février 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1
Langue de procédure : l'allemand.