Language of document : ECLI:EU:C:2010:146

Affaires jointes C-317/08 à C-320/08

Rosalba Alassini e.a.

contre

Telecom Italia SpA e.a.

(demandes de décision préjudicielle, introduites par

le Giudice di pace di Ischia)

«Demande de décision préjudicielle — Principe de protection juridictionnelle effective — Réseaux et services de communications électroniques — Directive 2002/22/CE — Service universel — Litiges entre utilisateurs finals et fournisseurs — Tentative de conciliation extrajudiciaire obligatoire»

Sommaire de l'arrêt

1.        Rapprochement des législations — Réseaux et services de communications électroniques — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22 — Règlement extrajudiciaire des litiges

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2002/22, art. 34)

2.        Droit communautaire — Principes — Droit à une protection juridictionnelle effective

1.        L’article 34 de la directive 2002/22, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les litiges en matière de services de communications électroniques entre utilisateurs finals et fournisseurs desdits services, relevant des droits conférés par cette directive, doivent faire l’objet d’une tentative de conciliation extrajudiciaire obligatoire comme condition de recevabilité des recours juridictionnels.

En effet, l’article 34, paragraphe 1, de cette directive assigne comme objectif aux États membres l’instauration de procédures extrajudiciaires pour régler les litiges non résolus auxquels sont parties des consommateurs et qui concernent des questions relevant de ladite directive. Dans ces conditions, le fait qu’une réglementation nationale, non seulement ait mis en place une procédure de conciliation extrajudiciaire, mais, de surcroît, ait rendu obligatoire le recours à celle-ci, préalablement à la saisine d’un organe juridictionnel, n’est pas de nature à compromettre la réalisation de l’objectif susmentionné. Au contraire, une telle réglementation, en ce qu’elle garantit le caractère systématique du recours à une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges, tend à renforcer l’effet utile de la directive «service universel».

(cf. points 45, 67, disp. 1)

2.        Les principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui impose, pour des litiges en matière de services de communications électroniques entre utilisateurs finals et fournisseurs desdits services relevant des droits conférés par la directive 2002/22, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire lorsque cette procédure n’aboutit pas à une décision contraignante pour les parties, n’entraîne pas de retard substantiel pour l’introduction d’un recours juridictionnel, suspend la prescription des droits concernés et ne génère pas de frais, ou des frais peu importants, pour les parties, pour autant toutefois que la voie électronique ne constitue pas l’unique moyen d’accès à ladite procédure de conciliation et que des mesures provisoires sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose.

Certes, en conditionnant la recevabilité des recours juridictionnels introduits en matière de services de communications électroniques à la mise en œuvre d’une tentative de conciliation obligatoire, une telle réglementation introduit une étape supplémentaire pour l’accès au juge. Cette condition pourrait affecter le principe de protection juridictionnelle effective, réaffirmé à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Néanmoins, les droits fondamentaux ne constituent pas des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et n’impliquent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis. À cet égard, dès lors que la réglementation nationale vise un règlement plus rapide et moins onéreux des litiges en matière de communications électroniques, ainsi qu’un désencombrement des tribunaux, elle poursuit, par conséquent, des objectifs d’intérêt général légitimes. Ensuite, l’imposition d’une telle procédure de règlement extrajudiciaire n’est pas, au regard de ses modalités précises de fonctionnement, précitées, disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis dès lors que, d’une part, il n’existe pas d’alternative moins contraignante à la mise en œuvre d’une procédure obligatoire, l’introduction d’une procédure de règlement extrajudiciaire purement facultative ne constituant pas un moyen aussi efficace d’atteindre lesdits objectifs, et que, d'autre part, il n’existe pas de disproportion manifeste entre ces objectifs et les éventuels inconvénients causés par le caractère obligatoire de la procédure de conciliation extrajudiciaire.

(cf. points 54-59, 61-65, 67, disp. 2)