Language of document : ECLI:EU:T:2022:182

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

30 mars 2022 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché du fret aérien – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord entre la Communauté et la Suisse sur le transport aérien – Coordination d’éléments du prix des services de fret aérien (surtaxe carburant, surtaxe sécurité, paiement d’une commission sur les surtaxes) – Échange d’informations – Compétence territoriale de la Commission – Obligation de motivation – Article 266 TFUE – Contrainte étatique – Infraction unique et continue – Montant de l’amende – Valeur des ventes – Durée de la participation à l’infraction – Circonstances atténuantes – Encouragement du comportement anticoncurrentiel par les autorités publiques – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑341/17,

British Airways plc, établie à Harmondsworth (Royaume-Uni), représentée par MM. J. Turner, R. O’Donoghue, QC, et Mme A. Lyle-Smythe, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Khan et A. Dawes, en qualité d’agents, assistés de M. A. Bates, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien), en tant qu’elle vise la requérante, et, à titre subsidiaire, à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz, C. Iliopoulos, D. Spielmann et Mme I. Reine, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 septembre 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, British Airways plc, est une compagnie de transport aérien active sur le marché des services de fret aérien (ci-après le « fret »).

2        Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.

3        Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.

4        Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S (ci‑après « SAS Cargo »), Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») et Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines »).

A.      Procédure administrative

5        Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence de 2002 »), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs, portant, notamment, sur :

–        la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;

–        la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

6        Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

7        Après les inspections, plusieurs transporteurs, dont la requérante, ont introduit une demande au titre de la communication sur la clémence de 2002.

8        Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont la requérante (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci‑après l’« accord CE-Suisse sur le transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci‑après le « refus de paiement de commissions »).

9        En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.

10      Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.

B.      Décision du 9 novembre 2010

11      Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :

–        Air Canada ;

–        Air France-KLM (ci-après « AF-KLM ») ;

–        Société Air France (ci-après « AF ») ;

–        Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM ») ;

–        la requérante ;

–        Cargolux Airlines International SA (ci‑après « Cargolux ») ;

–        Cathay Pacific Airways Ltd (ci‑après « CPA ») ;

–        Japan Airlines Corp. ;

–        Japan Airlines ;

–        Lan Airlines SA ;

–        Lan Cargo SA ;

–        Lufthansa Cargo ;

–        Lufthansa ;

–        Swiss ;

–        Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;

–        Qantas Airways Ltd (ci‑après « Qantas ») ;

–        SAS AB ;

–        SAS Cargo ;

–        Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;

–        SAC ;

–        Singapore Airlines Ltd (ci-après « SIA »).

12      Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés.

13      La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.

14      Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait la requérante, se lisait comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

d)      [la requérante], du 22 janvier 2001 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont [coordonné] divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

e)      [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 3

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :

[…]

e)      [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 4

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse, pendant les périodes suivantes :

[…]

d)      [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 5

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :

[…]

e)      [la requérante] : 104 040 000 EUR ;

[…]

Article 6

Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

C.      Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle la concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende qui lui avait été infligée. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.

16      Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T‑9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T‑38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T‑40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T‑43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T‑46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T‑56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T‑63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T‑67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie, la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, Air Canada, KLM, Japan Airlines et Japan Airlines Corp., CPA, Cargolux, Latam Airlines Group SA (anciennement Lan Airlines) et Lan Cargo, SAC et SIA, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, la requérante, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, AF-KLM, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.

17      À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.

18      Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.

19      En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.

20      En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture, retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que la requérante n’avait pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et qu’elle n’avait donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que la requérante s’était trouvée dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.

D.      Décision attaquée

21      Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.

22      Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 21 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris la requérante, ont fait usage de cette possibilité.

23      Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :

–        Air Canada ;

–        AF-KLM ;

–        AF ;

–        KLM ;

–        la requérante ;

–        Cargolux ;

–        CPA ;

–        Japan Airlines ;

–        Latam Airlines Group ;

–        Lan Cargo ;

–        Lufthansa Cargo ;

–        Lufthansa ;

–        Swiss ;

–        Martinair ;

–        SAS ;

–        SAS Cargo ;

–        SAS Consortium ;

–        SAC ;

–        SIA.

24      La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.

25      La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.

26      En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).

27      Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.

28      Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.

29      Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également été exploitées à ces fins.

30      En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).

31      Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :

« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.

(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]

(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une diminution de la STC allait être déclenchée. »

32      Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :

« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local. »

33      Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».

34      En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre la requérante figure aux considérants 739 à 743 de cette décision.

35      En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision, que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents [avaie]nt sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».

36      Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876), portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).

37      Au considérant 881 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que « la majorité des parties », dont la requérante, étaient impliquées dans les trois composantes de l’infraction unique.

38      Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.

39      Quatrièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.

40      Cinquièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.

41      Sixièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

42      Septièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».

43      D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :

« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »

44      Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :

« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se trouvant dans l’EEE.

(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.

(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.

(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »

45      En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :

–        l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;

–        l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;

–        l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;

–        l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;

–        l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.

46      En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 22 janvier 2001 au 14 février 2006.

47      En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.

48      S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

49      Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).

50      Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.

51      Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.

52      Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :

–        en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 22 janvier 2001 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à cinq ans, et un facteur de multiplication de 5 ;

–        en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et 8/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.

53      Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 51 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.

54      En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, le montant de base évalué pour la requérante à 260 000 000 euros a été arrêté à 136 000 000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.

55      Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.

56      En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de base de l’amende de la requérante après ajustement à 115 600 000 euros.

57      Aux considérants 1363 à 1381 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la contribution de la requérante dans le cadre de sa demande de clémence en appliquant une réduction de 10 % au montant de l’amende, de sorte que, comme il est indiqué au considérant 1404 de la décision attaquée, le montant de l’amende infligée à la requérante a été fixé à 104 040 000 euros.

58      Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :

« Article premier

En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.

1)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :

[…]

e)      [la requérante], du 22 janvier 2001 au 14 février 2006, à l’exclusion de la période du 2 octobre 2001 au 14 février 2006 en ce qui concerne la [STC] et la [STS] ;

[…]

2)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

[…]

e)      [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006, à l’exclusion de services de fret effectués à partir d’autres aéroports que ceux de Hong Kong (Chine), du Japon, de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil en ce qui concerne la [STC] et la [STS] ;

[…]

3)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

[…]

e)      [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006, à l’exclusion de services de fret effectués à partir d’autres aéroports que ceux de Hong Kong (Chine), du Japon, de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil en ce qui concerne la [STC] et la [STS] ;

[…]

4)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :

[…]

e)      [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006, sauf en ce qui concerne la [STC] et la [STS] ;

[…]

Article 2

La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :

à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne [la requérante], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :

[…]

e)      [la requérante] : 104 040 000 EUR ;

[…]

Article 4

Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 5

Sont destinataires de la présente décision :

[…]

[la requérante]

[…] »

II.    Procédure et conclusions des parties

59      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

60      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.

61      La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 31 janvier 2018.

62      La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 12 mars 2018.

63      Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

64      Le 16 août 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.

65      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2019.

66      Par ordonnance du 31 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.

67      Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020, puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.

68      Par décision du 6 novembre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.

69      Par ordonnance du 28 janvier 2021, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant de nouveau qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.

70      La Commission a, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal les 29 janvier et 16 mars 2021. Puis, sur invitation du Tribunal, la requérante a soumis des observations sur ces réponses.

71      Par décision du 25 mai 2021, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.

72      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler en tout ou partie la décision attaquée, en tant qu’elle la concerne ;

–        en outre ou à titre subsidiaire, supprimer ou réduire l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

73      La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        modifier le montant de l’amende infligée à la requérante en lui retirant le bénéfice de la réduction générale de 15 % dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

74      Dans le cadre de son recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions tendant à la suppression de l’amende qui lui a été infligée ou à la réduction de son montant. Quant à la Commission, elle a formulé une demande tendant, en substance, à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.

A.      Sur les conclusions en annulation

75      La requérante invoque neuf moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Ces moyens sont tirés :

–        le premier, d’une erreur ou d’une insuffisance de motivation, en ce que la décision attaquée repose sur une appréciation juridique incompatible avec la décision du 9 novembre 2010, qu’elle tient pourtant pour définitive ;

–        le deuxième, d’une violation de l’article 266 TFUE ;

–        le troisième, d’une erreur de droit ou d’une violation d’une forme substantielle tenant à la motivation insuffisante du montant de l’amende ou à l’incompétence de la Commission pour infliger à la requérante une amende n’ayant pas exclusivement trait aux constatations d’infraction faites dans la décision attaquée ;

–        le quatrième, de l’incompétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 EEE à des restrictions de concurrence en matière de fourniture de services de fret entrants ;

–        le cinquième, d’une erreur dans l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 EEE à la coordination de surtaxes pour des services de fret au départ/en provenance de Hong Kong, du Japon, de l’Inde, de Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil, et d’une motivation insuffisante s’agissant de la coordination de surtaxes pour des services de fret au départ/en provenance de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil, ainsi que de l’absence de motivation et de l’insuffisance de la réduction générale de 15 % ;

–        le sixième, d’une erreur dans l’appréciation de la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions ;

–        le septième, d’erreurs dans la détermination de la valeur des ventes ;

–        le huitième,  d’erreurs commises dans le calcul de la réduction octroyée à la requérante en vertu du programme de clémence ; et

–        le neuvième, d’une erreur d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la date du début de l’infraction.

76      Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, le quatrième moyen, ensuite, le moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une infraction sur les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés en Suisse (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-Suisse »), et, enfin, les premier à troisième et cinquième à neuvième moyens successivement.

1.      Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants

77      Le présent moyen, par lequel la requérante soutient que la Commission n’était pas compétente pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants et a violé les principes de courtoisie internationale et du droit international public, s’articule, en substance, en trois branches. Elles sont prises, la première, de l’interprétation erronée du règlement (CE) no 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO 2004, L 68, p. 1), la deuxième, de l’application erronée du critère de la mise en œuvre et, la troisième, de l’application erronée du critère des effets qualifiés.

a)      Sur la première branche, prise d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004

78      La requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission s’est fondée sur le règlement no 411/2004 pour se déclarer compétente pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes. Selon elle, les considérants de ce règlement ne sauraient conférer à la Commission une compétence qui n’existe pas en vertu de l’article 101 TFUE. En tout état de cause, il ne ressortirait pas de ces considérants que l’article 101 TFUE s’applique automatiquement à toutes les affaires de collusion sur les liaisons Union-pays tiers. Il ressortirait simplement desdits considérants que les pratiques anticoncurrentielles sur ces liaisons sont susceptibles d’affecter les échanges entre États membres.

79      La Commission répond que le règlement no 411/2004 ne constitue pas le fondement autonome de sa conclusion selon laquelle la coordination relative aux vols sur les liaisons entrantes relevait des interdictions visées à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Elle n’affirmerait pas que les considérants 2 et 3 de ce règlement lui confèrent une compétence qui n’existerait pas sans eux. Elle n’en aurait pas moins été fondée à relever que ces considérants reconnaissaient implicitement la possibilité qu’une coordination relative aux liaisons Union-pays tiers engendre des préjudices économiques dans l’Union ou dans l’EEE.

80      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 1, TFUE investit le Conseil de l’Union européenne de la compétence d’arrêter les règlements ou directives utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE.

81      En l’absence d’une telle réglementation, les articles 104 et 105 TFUE s’appliquent et imposent, en substance, aux autorités des États membres l’obligation d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et limitent les pouvoirs de la Commission en la matière à la faculté d’instruire, sur demande d’un État membre ou d’office, et en liaison avec les autorités compétentes des États membres qui lui prêtent leur assistance, les cas d’infraction présumée aux principes fixés par ces dispositions et, le cas échéant, de proposer les moyens propres à y mettre fin (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 52 à 54 et 58).

82      Le 6 février 1962, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article [103 TFUE], le règlement no 17, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).

83      Toutefois, le règlement no 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751), a soustrait l’ensemble du secteur des transports à l’application du règlement no 17 (arrêt du 11 mars 1997, Commission/UIC, C‑264/95 P, EU:C:1997:143, point 44). Dans ces conditions, en l’absence d’une réglementation telle que celle prévue à l’article 103, paragraphe 1, TFUE, les articles 104 et 105 TFUE sont initialement demeurés applicables aux transports aériens (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 51 et 52).

84      La conséquence en a été une répartition des compétences entre les États membres et la Commission pour l’application des articles 101 et 102 TFUE telle que celle décrite au point 81 ci-dessus.

85      Ce n’est qu’en 1987 que le Conseil a adopté un règlement concernant le transport aérien au titre de l’article 103, paragraphe 1, TFUE. Il s’agit du règlement (CEE) no 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO 1987, L 374, p. 1), qui a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux transports aériens internationaux entre des aéroports au sein de l’Union, à l’exclusion des transports aériens internationaux entre les aéroports d’un État membre et ceux d’un pays tiers (arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 11). Ces derniers sont demeurés assujettis aux articles 104 et 105 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T‑128/98, EU:T:2000:290, point 55).

86      L’entrée en vigueur, en 1994, du protocole 21 de l’accord EEE concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises (JO 1994, L 1, p. 181) a étendu ce régime à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues par l’accord EEE, excluant ainsi que la Commission puisse appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux transports aériens internationaux entre les aéroports des États parties à l’EEE qui ne sont pas membres de l’Union et ceux de pays tiers.

87      Le règlement no 1/2003 et la décision du Comité mixte de l’EEE no 130/2004, du 24 septembre 2004, modifiant l’annexe XIV (Concurrence), le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) et le protocole 23 (concernant la coopération entre les autorités de surveillance) de l’accord EEE (JO 2005, L 64, p. 57), qui a par la suite incorporé ce règlement à l’accord EEE, ont initialement laissé intact ce régime. L’article 32, sous c), dudit règlement prévoyait, en effet, que ce dernier « ne s’appliqu[ait] pas aux transports aériens entre les aéroports de [l’Union] et des pays tiers ».

88      Le règlement no 411/2004, dont l’article 1er a abrogé le règlement no 3975/87 et dont l’article 3 a supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux liaisons Union-pays tiers à compter du 1er mai 2004.

89      La décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005, du 11 mars 2005, modifiant l’annexe XIII (Transports) et le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) de l’accord EEE (JO 2005, L 198, p. 38), a incorporé le règlement no 411/2004 à l’accord EEE, conférant à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers à compter du 19 mai 2005.

90      En l’espèce, il est question de savoir si la portée du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005 s’étend aux services de fret entrants.

91      À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que, le règlement no 411/2004 ayant abrogé le règlement no 3975/87 et supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, il n’existe plus de base textuelle expresse qui serait de nature à justifier que les services de fret entrants demeurent exclus du régime institué par le règlement no 1/2003 et restent ainsi assujettis au régime prévu aux articles 104 et 105 TFUE.

92      Ensuite, rien dans le libellé ou l’économie générale du règlement no 411/2004 ne permet de considérer que le législateur aurait entendu maintenir l’exclusion des services de fret entrants du champ d’application du règlement no 1/2003. Au contraire, tant l’intitulé que les considérants 1 à 3, 6 et 7 du règlement no 411/2004 visent expressément les « transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers » sans distinction selon, d’une part, qu’ils sont au départ ou à destination de l’Union ou, d’autre part, qu’ils concernent le fret ou le transport de passagers.

93      La finalité du règlement no 411/2004 plaide, elle aussi, en faveur de l’inclusion des services de fret entrants dans le champ d’application dudit règlement. Il ressort, en effet, du considérant 3 de ce règlement que l’extension du champ d’application du règlement no 1/2003 au transport aérien entre l’Union et les pays tiers procède d’un double constat. D’une part, « [l]es pratiques anticoncurrentielles dans le domaine des transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres ». D’autre part, « les mécanismes prévus par [ce dernier règlement] conviennent également à l’application des règles de concurrence aux transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers ». Or, la requérante n’établit ni même n’allègue que les services de fret entrants soient, par leur nature même, insusceptibles d’affecter le commerce entre États membres ou ne se prêtent pas à la mise en œuvre des mécanismes prévus par le même règlement.

94      Enfin, les travaux préparatoires du règlement no 411/2004 confirment que le législateur de l’Union n’entendait établir de distinction ni entre les liaisons entrantes et les liaisons sortantes ni entre le fret et le transport de passagers. Il ressort ainsi du point 10 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers (COM/2003/0091 final – CNS 2003/0038), que, « [s]i les règles d’application du droit [de l’Union] de la concurrence régissaient également les transports aériens internationaux au départ et à destination de [l’Union], les [transporteurs] bénéficieraient d’un système commun d’application des règles de concurrence au niveau européen et, partant, d’une plus grande sécurité juridique quant à la légalité de leurs accords au regard de ces règles ». Au même point, il est fait référence à la volonté d’« offrir au secteur aérien des conditions de concurrence égales pour l’ensemble des activités de transport aérien ».

95      Il s’ensuit que les services de fret entrants relèvent du champ d’application du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a retenu, au considérant 1041 de la décision attaquée, que l’article 101 TFUE était applicable au transport aérien entre l’Union et les pays tiers « dans les deux sens », les mêmes considérations valant pour l’article 53 de l’accord EEE s’agissant des liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

96      Dès lors, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième et la troisième branches, prises, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés

97      Il convient d’observer que, comme en conviennent en substance les parties, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la seule existence de directives ou règlements visés à l’article 103, paragraphe 1, TFUE ne suffit pas à fonder la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE.

98      Encore faut-il que la Commission puisse établir cette compétence au regard du critère de la mise en œuvre ou au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).

99      Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64).

100    Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission s’est, comme le reconnaît la requérante, fondée tant sur le critère de la mise en œuvre que sur le critère des effets qualifiés pour établir au regard du droit international public sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.

101    La requérante invoquant une erreur dans l’application de chacun de ces deux critères, le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner d’abord si la Commission était fondée à se prévaloir du critère des effets qualifiés. Conformément à la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus, ce n’est que dans la négative qu’il conviendra de vérifier si la Commission pouvait s’appuyer sur le critère de la mise en œuvre.

102    La requérante avance, en substance, que la Commission a commis une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés. Selon elle, la Commission est loin d’établir la base juridique et factuelle nécessaire aux fins de démontrer que les effets dont elle postule l’existence sont immédiats, substantiels et prévisibles. La Commission ne procèderait pas à la moindre analyse distincte de ces trois critères cumulatifs, mais affirmerait simplement qu’ils sont réunis. Pour ce faire, elle se contenterait de se fonder sur l’existence hypothétique d’effets (non spécifiés) sur les coûts de transport.

103    La requérante soulève quatre arguments à l’appui de cette thèse. Premièrement, la Commission omettrait d’aborder la question du caractère substantiel des effets qu’elle invoque. Deuxièmement, les prétendues répercussions sur les consommateurs de l’Union des prix des produits transportés (ou des produits incorporant les produits transportés) dépendraient des conditions de concurrence et exigeraient des éléments de preuve plutôt que des suppositions. Troisièmement, la Commission contesterait spécifiquement devoir aborder dans la décision attaquée la question des effets. Il ressortirait du considérant 1190 de la décision attaquée qu’elle se fonde purement sur l’existence d’une restriction de concurrence « par objet ». Quatrièmement, le raisonnement de la Commission dépendrait de la démonstration d’effets qualifiés sur un marché autre que le marché cartellisé. Or, de tels effets ne pourraient être supposés. Ils devraient être analysés légalement au regard de chacun des critères applicables et quantifiés en termes d’importance.

104    La requérante ajoute que l’existence alléguée d’une entente au niveau mondial n’est pas de nature à conférer à la Commission une compétence en vertu de l’article 101 TFUE de l’article 53 de l’accord EEE à l’égard de toutes les composantes de cette entente.

105    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

106    Il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que soutient la requérante, dans la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur trois motifs autonomes pour retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait en l’espèce.

107    Les deux premiers motifs figurent au considérant 1045 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, ces motifs portent sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. Le premier motif tient à ce que les « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées [étaie]nt, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE ». Le deuxième motif concerne les effets de la coordination relative aux services de fret entrants « également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers ».

108    Le troisième motif figure au considérant 1046 de la décision attaquée et concerne, comme il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites et orales du Tribunal, les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

109    Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner tant les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément que ceux de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble, en commençant par les premiers.

1)      Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément

110    Il convient d’examiner d’abord le bien-fondé du premier motif sur lequel se fonde la conclusion de la Commission selon laquelle le critère des effets qualifiés est satisfait en l’espèce (ci-après l’« effet en cause »).

111    À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 1042 de la décision attaquée, le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application des règles de concurrence de l’Union et de l’EEE au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que le comportement litigieux produise un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, point 90).

112    En l’espèce, la requérante conteste tant la pertinence de l’effet en cause (voir points 115 à 125 ci-après) que son caractère prévisible (voir points 127 à 143 ci-après), son caractère substantiel (voir points 144 à 155 ci-après) et son caractère immédiat (voir points 156 à 161 ci-après).

i)      Sur la pertinence de l’effet en cause

113    Il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un État tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).

114    L’application du critère des effets qualifiés a précisément pour objectif d’appréhender des comportements qui n’ont, certes, pas été adoptés sur le territoire de l’EEE, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 45).

115    Ce critère n’exige pas d’établir que le comportement litigieux a effectivement produit des effets dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE. Au contraire, selon la jurisprudence, il suffit de tenir compte de l’effet probable de ce comportement sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 51).

116    Il incombe, en effet, à la Commission d’assurer la protection de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE contre les menaces à son fonctionnement effectif.

117    En présence d’un comportement dont la Commission a, comme en l’espèce, considéré qu’il révélait un degré de nocivité à l’égard de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE tel qu’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, l’application du critère des effets qualifiés ne saurait pas non plus exiger la démonstration des effets concrets que suppose la qualification d’un comportement de restriction de concurrence « par effet » au sens de ces dispositions.

118    À cet égard, il convient de rappeler que le critère des effets qualifiés est ancré dans le libellé de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, qui tendent à appréhender les accords et les pratiques qui limitent le jeu de la concurrence, respectivement, dans le marché intérieur et au sein de l’EEE. Ces dispositions interdisent, en effet, les accords et les pratiques des entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, respectivement, « à l’intérieur du marché intérieur » et « à l’intérieur du territoire couvert par [l’accord EEE] » (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 42).

119    Or, il est de jurisprudence constante que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un comportement relève des interdictions énoncées aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 28 et jurisprudence citée).

120    Il en résulte que, comme l’a relevé la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, la prise en considération des effets concrets du comportement litigieux est superflue, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 55). À plus forte raison, dans une telle situation, il n’incombe pas à la Commission de quantifier ces effets.

121    Dans ces conditions, interpréter le critère des effets qualifiés comme semble le préconiser la requérante, en ce sens qu’il exigerait la preuve et la quantification des effets concrets du comportement litigieux même en présence d’une restriction de concurrence « par objet », reviendrait à assujettir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à une condition qui ne trouve pas de fondement dans le texte de ces dispositions.

122    La requérante ne saurait par conséquent valablement reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur en retenant que le critère des effets qualifiés était satisfait, alors même que celle-ci avait, aux considérants 917, 1190 et 1277 de la décision attaquée, indiqué ne pas être tenue de procéder à une appréciation des effets anticoncurrentiels du comportement litigieux au vu de l’objet anticoncurrentiel de ce dernier. Elle ne saurait pas davantage déduire de ces considérants que la Commission n’a effectué aucune analyse des effets produits par ledit comportement dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE aux fins de l’application de ce critère.

123    En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, était susceptible d’accroître le montant des surtaxes et, en conséquence, le prix total des services de fret entrants et que les transitaires avaient répercuté ce surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE, qui avaient dû payer pour les marchandises qu’ils avaient achetées un prix plus élevé que celui qui leur aurait été facturé en l’absence de ladite infraction.

124    Par ailleurs, dans l’hypothèse où la requérante ferait valoir que la Commission ne pouvait pas se fonder sur les effets du comportement litigieux sur un marché autre que celui cartellisé, il suffirait de constater que rien dans le libellé, l’économie ou la finalité de l’article 101 TFUE ne permet de considérer que les effets pris en compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés doivent se produire sur le même marché que celui concerné par l’infraction en cause plutôt que sur un marché aval comme c’est le cas en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, points 159 et 161).

125    Il ne saurait donc être considéré que c’est au terme d’une analyse de nature inadéquate que la Commission a conclu que l’effet en cause satisfaisait aux conditions de prévisibilité, de substantialité et d’immédiateté.

126    Conformément à la jurisprudence citée au point 111 ci-dessus, la question est donc de savoir si cet effet présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis.

ii)    Sur le caractère prévisible de l’effet en cause

127    L’exigence de prévisibilité vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les entreprises concernées ne puissent être sanctionnées du fait d’effets qui résulteraient, certes, de leur comportement, mais dont elles ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils surviennent (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Otis Gesellschaft e.a., C‑435/18, EU:C:2019:651, point 83).

128    Satisfont ainsi à l’exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l’entente en cause doivent raisonnablement savoir, dans les limites des choses généralement connues, qu’ils surviendront, par opposition aux effets qui procèdent d’un déroulement parfaitement inhabituel de circonstances et, de ce fait, d’un enchaînement atypique de causes (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 42).

129    Or, il ressort des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée qu’il est, en l’espèce, question d’un comportement collusoire de fixation horizontale des prix, dont l’expérience montre qu’il entraîne notamment des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51).

130    Il ressort également des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée que ce comportement se rapportait à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.

131    En l’espèce, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que la fixation horizontale de la STC et de la STS entraînerait l’augmentation du niveau de celles-ci. Comme il ressort des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer une telle augmentation. Il s’analysait, en effet, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).

132    Or, il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que le prix des services de fret se compose des tarifs et de surtaxes, dont la STC et la STS. Sauf à considérer qu’une augmentation de la STC et de la STS serait, par un effet de vases communicants suffisamment probable, compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes, une telle augmentation était, en principe, de nature à entraîner une augmentation du prix total des services de fret entrants. Or, la requérante est restée en défaut de démontrer qu’un effet de vases communicants était probable au point de rendre imprévisible l’effet en cause.

133    En l’espèce, la requérante déduit, certes, d’un graphique annexé à sa réponse à la communication des griefs qu’il existait une corrélation négative substantielle entre le niveau de ses surtaxes et le niveau de ses tarifs sur les liaisons entrantes entre 2001 et 2006. Cependant, premièrement, il convient de constater que ce graphique concerne les services de fret sur les liaisons sortantes et non entrantes. Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que corrélation n’est pas causalité. Or, la requérante n’apporte aucun élément tendant à démontrer que les conditions étaient propices à la matérialisation d’un effet de vases communicants. En particulier, la requérante ne démontre pas que les tarifs étaient suffisamment flexibles pour compenser en temps utile toute hausse supra-concurrentielle des surtaxes par une baisse correspondante.

134    Dans ces conditions, les parties à l’entente litigieuse auraient raisonnablement pu prévoir que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle concernait les services de fret entrants, une augmentation du prix des services de fret sur les liaisons entrantes.

135    La question est donc de savoir s’il était prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur leurs propres clients, à savoir les expéditeurs.

136    À cet égard, il ressort des considérants 14 et 70 de la décision attaquée que le prix des services de fret constitue un intrant pour les transitaires. Il s’agit là d’un coût variable, dont l’accroissement a, en principe, pour effet d’augmenter le coût marginal au regard duquel les transitaires définissent leurs propres prix.

137    La requérante n’apporte aucun élément démontrant que les circonstances de l’espèce étaient peu propices à la répercussion en aval, sur les expéditeurs, du surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les liaisons entrantes.

138    Dans ces conditions, il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.

139    Or, comme il ressort des considérants 70 et 1031 de la décision attaquée, le coût des marchandises dont les transitaires organisent généralement le transport intégré au nom des expéditeurs intègre le prix des services de transit et notamment celui des services de fret, qui en sont un élément constitutif.

140    Au regard de ce qui précède, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, une augmentation du prix des marchandises importées.

141    Il était tout aussi prévisible pour les transporteurs incriminés que, comme il ressort du considérant 1045 de la décision attaquée, cet effet se produirait dans l’EEE. En effet, les services de fret entrants visent précisément à permettre l’acheminement de marchandises de pays tiers vers l’EEE.

142    L’effet en cause ayant relevé du cours normal des choses et de la rationalité économique, il n’était, contrairement à ce que soutient la requérante, nullement nécessaire que l’effet en cause se matérialise sur le marché sur lequel les transporteurs incriminés sont actifs pour le prévoir.

143    Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause revêtait le caractère prévisible requis.

iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause

144    D’emblée, il convient de constater que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission a omis d’aborder la question du caractère substantiel des effets qu’elle invoque. En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a expressément conclu au caractère substantiel de ces effets.

145    Quant au bien-fondé de cette conclusion, il convient de rappeler que l’appréciation du caractère substantiel des effets produits par le comportement litigieux doit s’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce. Parmi ces circonstances figurent notamment la durée, la nature et la portée de l’infraction. D’autres circonstances, telles que l’importance des entreprises ayant participé à ce comportement, peuvent aussi être pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 159, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 112).

146    Lorsque l’effet examiné tient à une augmentation du prix d’un bien ou d’un service fini dérivé du service cartellisé ou qui le contient, la proportion du prix du bien ou du service fini que représente le service cartellisé peut également entrer en ligne de compte.

147    En l’espèce, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, il convient de considérer que l’effet en cause, tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE, présente un caractère substantiel.

148    En effet, en premier lieu, il ressort du considérant 1146 de la décision attaquée que la durée de l’infraction unique et continue s’élève à 21 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et à 8 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Il ressort des considérants 1215 et 1217 de cette décision que telle était aussi la durée de la participation de l’ensemble des transporteurs incriminés, à l’exception de Lufthansa Cargo et de Swiss.

149    En deuxième lieu, s’agissant de la portée de l’infraction, il ressort du considérant 889 de la décision attaquée que la STC et la STS étaient des « mesures d’application générale qui n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons […] à destination de l’EEE ».

150    En troisième lieu, s’agissant de la nature de l’infraction, il ressort du considérant 1030 de la décision attaquée que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre les transporteurs incriminés, notamment sur des liaisons EEE-pays tiers. Au considérant 1208 de ladite décision, la Commission a conclu que la « fixation de divers éléments du prix, y compris certaines surtaxes, constitu[ait] l’une des restrictions à la concurrence les plus graves » et a, en conséquence, retenu que l’infraction unique et continue méritait l’application d’un coefficient de gravité situé « en haut de l’échelle » prévue par les lignes directrices de 2006.

151    À titre surabondant, s’agissant de la proportion du prix du service cartellisé dans le bien ou le service qui en est dérivé ou le contient, il convient d’observer que les surtaxes représentaient pendant la période infractionnelle une proportion importante du prix total des services de fret.

152    Il ressort ainsi d’une lettre du 8 juillet 2005 de la Hong Kong Association of Freight Forwarding & Logistics (Association de Hong Kong du transit et de la logistique) au président du sous-comité cargo (ci-après le « SCC ») du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes, ci-après le « BAR ») à Hong Kong que les surtaxes représentent une « part très conséquente » du prix total des lettres de transport aérien dont devaient s’acquitter les transitaires. De même, dans la réplique et dans ses annexes, il est indiqué que les surtaxes représentaient, pendant la dernière année comptable précédant le mois de février 2006, plus de 24 % des recettes réalisées par la requérante en matière de fret. Sur les liaisons entrantes, cette proportion représentait près de 19,9 %.

153    Or, comme il ressort du considérant 1031 de la décision attaquée, le prix des services de fret constituait lui-même un « élément important du coût des marchandises transportées, qui a un impact sur leur vente ».

154    Toujours à titre surabondant, s’agissant de l’importance des entreprises ayant participé au comportement litigieux, il ressort du considérant 1209 de la décision attaquée que la part de marché cumulée des transporteurs incriminés sur le « marché mondial » s’élevait à 34 % en 2005 et était « au moins aussi grande pour les services de fret […] fournis […] sur des liaisons [EEE-pays tiers] », lesquelles comprennent à la fois les liaisons sortantes et les liaisons entrantes. La requérante elle-même réalisait d’ailleurs pendant la période infractionnelle un chiffre d’affaires important sur les liaisons entrantes, d’un montant d’environ 330 000 000 euros entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2005.

155    Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause présentait le caractère substantiel requis.

iv)    Sur le caractère immédiat de l’effet en cause

156    L’exigence d’immédiateté des effets produits par le comportement litigieux vise le lien de causalité entre le comportement en cause et l’effet examiné. Cette exigence a pour objet d’assurer que la Commission ne puisse, pour justifier sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, se prévaloir de tous les effets possibles, ni des effets très éloignés qui pourraient résulter de ce comportement à titre de conditio sine qua non (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 33 et 34).

157    La causalité immédiate ne saurait toutefois se confondre avec une causalité unique qui exigerait de constater de manière systématique et absolue la rupture du lien de causalité lorsqu’un tiers a contribué à la survenance des effets en cause (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 36 et 37).

158    En l’espèce, l’intervention des transitaires, dont il était prévisible que, en toute autonomie, ils répercuteraient sur les expéditeurs le surcoût dont ils avaient dû s’acquitter, est, certes, de nature à avoir contribué à la survenance de l’effet en cause. Toutefois, cette intervention n’était pas, à elle seule, de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et ledit effet et, ainsi, à le priver de son caractère immédiat.

159    Au contraire, lorsqu’elle n’est pas fautive, mais découle objectivement de l’entente en cause, selon le fonctionnement normal du marché, une telle intervention ne rompt pas la chaîne de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission, T‑320/00, non publié, EU:T:2005:452, points 172 à 182), mais la poursuit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 37).

160    Or, en l’espèce, la requérante n’établit ni même n’allègue que la prévisible répercussion du surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE serait fautive ou étrangère au fonctionnement normal du marché.

161    Il s’ensuit que l’effet en cause présente le caractère immédiat requis.

162    Il résulte de ce qui précède que l’effet en cause présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis et que le premier motif sur lequel la Commission s’est appuyée pour conclure que le critère des effets qualifiés était satisfait est fondé. Il y a donc lieu de constater que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que ledit critère était satisfait s’agissant de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé du second motif retenu au considérant 1045 de la décision attaquée.

2)      Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble

163    Il convient d’emblée de rappeler que rien n’interdit d’apprécier si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).

164    Tel est le cas non seulement s’agissant de l’article 102 TFUE, mais encore s’agissant de l’article 101 TFUE. En effet, selon la jurisprudence, l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ils auront des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. Il ne saurait en effet être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 106).

165    La Commission peut ainsi fonder sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur. Contrairement à ce que soutient la requérante, tel est le cas même lorsque cet effet ne tendrait pas à évincer du marché intérieur un ou plusieurs concurrents de l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 105).

166    Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour l’article 53 de l’accord EEE

167    Or, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux d’infraction unique et continue, y compris en tant qu’il concernait les services de fret entrants. La requérante ne conteste ni cette qualification en général ni le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique tendant à entraver la concurrence au sein de l’EEE sur laquelle elle se fonde.

168    Au considérant 1046 de la décision attaquée, la Commission a, comme il ressort de ses réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, examiné les effets de cette infraction prise dans son ensemble. Elle a ainsi notamment retenu que son enquête avait révélé une « entente mise en œuvre mondialement », dont les « arrangements […] concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ». Elle a ajouté que l’« application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente [litigieuse] ». Comme l’a indiqué la Commission en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, l’application uniforme des surtaxes s’intégrait dans une stratégie d’ensemble visant à neutraliser le risque que les transitaires puissent contourner les effets de cette entente en optant pour des liaisons indirectes qui ne seraient pas assujetties à des surtaxes coordonnées pour acheminer des marchandises du point d’origine au point de destination. La raison en est, comme il ressort du considérant 72 de la décision attaquée, que le « facteur temps est moins important pour le transport de [fret] que pour le transport de passagers », si bien que le fret « peut être acheminé avec un nombre d’escales plus élevé » et que les liaisons indirectes peuvent, en conséquence, se substituer aux liaisons directes.

169    Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que lui interdire d’appliquer le critère des effets qualifiés au comportement litigieux pris dans son ensemble risquerait de conduire à une fragmentation artificielle d’un comportement anticoncurrentiel global, susceptible d’affecter la structure du marché au sein de l’EEE, en une série de comportements distincts susceptibles d’échapper, en tout ou en partie, à la compétence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 57).

170    Aucun des arguments de la requérante n’est susceptible de remettre en cause cette appréciation. Premièrement, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, ladite appréciation ne suppose aucunement que l’entente litigieuse ait fonctionné de manière globale et effective, couvrant toutes les liaisons dans le monde, la Commission ayant d’ailleurs, au considérant 889 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, reconnu que les surtaxes étaient des mesures qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons », mais avaient pu faire l’objet de variations locales. Comme il ressort du point 168 ci-dessus, ladite appréciation suppose uniquement l’existence d’une stratégie tendant à l’application uniforme des surtaxes.

171    Deuxièmement, contrairement à ce qu’a encore avancé la requérante lors de l’audience, il ne saurait être soutenu que la Commission est restée en défaut de prouver que les transporteurs incriminés pensaient effectivement que l’entente devait fonctionner de la manière décrite au point 168 ci-dessus. L’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités collusoires se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation afférente à celles-ci soit réduite au minimum. Les pièces que la Commission découvre n’étant, dès lors, souvent que fragmentaires et éparses, il peut lui être nécessaire d’inférer l’existence d’une stratégie d’ensemble d’un certain nombre de coïncidences et d’indices (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, H&R ChemPharm/Commission, C‑95/15 P, non publié, EU:C:2017:125, point 39 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, la Commission pouvait déduire l’existence de la stratégie décrite aux points 167 et 168 ci-dessus du caractère mondial de l’entente litigieuse (considérants 74, 107, 112, 832, 887 et 1300), de l’applicabilité générale des surtaxes et du refus de paiement de commissions (considérant 889 et note en bas de page no 1323 de cette décision), de leur mise en œuvre dans le cadre d’un système à plusieurs niveaux, central et local (considérants 107, 1046 et 1300 de ladite décision), ainsi que des éléments de preuve invoqués à l’appui de ces constats.

172    Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait, au considérant 1046 de la décision attaquée, examiner les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

173    Or, s’agissant d’accords et de pratiques, premièrement, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence au moins au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse (considérant 903 de cette décision), deuxièmement, qui réunissaient des transporteurs aux parts de marchés importantes (considérant 1209 de ladite décision) et, troisièmement, dont une partie significative a porté sur des liaisons intra-EEE pendant une période de plus de six ans (considérant 1146 de la même décision), il ne fait guère de doute qu’il était prévisible que, prise dans son ensemble, l’infraction unique et continue produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE.

174    Il s’ensuit que la Commission était également fondée à retenir, au considérant 1046 de la décision attaquée, que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

175    La Commission ayant ainsi établi à suffisance qu’il était prévisible que le comportement litigieux produirait un effet substantiel et immédiat dans l’EEE, il convient de rejeter le présent grief et, en conséquence, le présent moyen dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner sa deuxième branche, prise d’erreurs dans l’application du critère de la mise en œuvre.

2.      Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse

176    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).

177    De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).

178    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

179    La requérante fait valoir que la référence aux « pays tiers » à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée inclut la Confédération suisse. Cette dernière serait, en effet, un pays tiers au sens de l’accord EEE, dont la violation est constatée audit article. La requérante en déduit que la Commission a, audit article, constaté une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse et a ainsi violé l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

180    La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.

181    La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.

182    Il y a lieu de déterminer si, comme le soutient la requérante, la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

183    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).

184    C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).

185    À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006, « à l’exclusion de services de fret effectués à partir d’autres aéroports que ceux de Hong Kong (Chine), du Japon, de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil en ce qui concerne la [STC] et la [STS] ». Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément exclues.

186    Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

187    À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relève la requérante, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.

188    Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.

189    Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».

190    Conformément au principe rappelé au point 188 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.

191    En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.

192    Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

193    Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.

194    Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006 « en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE” désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».

195    Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».

196    Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page no 1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.

197    Contrairement à ce que soutient la requérante, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de 50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relève en substance la requérante, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.

198    La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

199    Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.

200    Le présent moyen doit donc être écarté.

3.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur ou d’une insuffisance de motivation, en ce que la décision attaquée repose sur une appréciation juridique incompatible avec la décision du 9 novembre 2010 qu’elle tient pour définitive

201    La requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur ou, à titre subsidiaire, d’une insuffisance de motivation, dans la mesure où l’infraction décrite dans ses motifs et constatée dans son dispositif est incompatible avec l’infraction constatée dans la décision du 9 novembre 2010 et tenue pour définitive dans la décision attaquée, notamment au regard du nombre et de l’identité des coauteurs. Il s’ensuivrait que ni le juge national saisi d’une action consécutive en dommages et intérêts, ni les transporteurs incriminés ne pourraient tirer les conséquences de la décision attaquée sur les demandes de réparation.

202    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

203    À titre liminaire, il importe de relever que la requérante allègue à titre principal une erreur qu’elle présente comme une erreur de droit. Or, l’argumentation qui sous-tend cette allégation porte toute entière sur l’existence de prétendues incohérences ou contradictions découlant du choix de la Commission de combiner les constats retenus dans la décision du 9 novembre 2010 et dans la décision attaquée. Il y a ainsi lieu de constater que l’argumentation de la requérante est, en réalité, prise d’une contradiction de motifs, ce dont atteste d’ailleurs son affirmation, formulée au soutien de la démonstration d’une prétendue erreur de droit, selon laquelle « [l]e fait que la Commission ait maintenu deux décisions contradictoires constatant une infraction à l’encontre d’une seule et même partie créera une confusion inadmissible au sein de l’ordre juridique de l’Union », à rebours de l’exigence selon laquelle « les juridictions nationales appliquant le droit de l’Union […] doivent pouvoir se fonder sur des constatations claires et précises de la Commission ». Il s’ensuit que le présent moyen doit s’analyser comme n’étant tiré que d’une violation de l’obligation de motivation.

204    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 151).

205    Selon la jurisprudence, une contradiction dans la motivation d’une décision n’est cependant de nature à affecter sa validité que si le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique (arrêts du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T‑5/93, EU:T:1995:12, point 42, et du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, EU:T:2000:93, point 85).

206    En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérants 9, 11, 1091 et 1092 de la décision attaquée, les constats d’infraction retenus dans le dispositif à l’encontre de la requérante sont limités aux aspects de la décision du 9 novembre 2010 qui ont été annulés par le Tribunal dans son arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988). Les autres aspects de cette décision, dans la mesure où ils n’avaient pas été contestés par la requérante, sont devenus définitifs.

207    Ainsi, la Commission a dûment expliqué, dans la décision attaquée, pourquoi elle a tenu compte du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 en tant qu’il concernait la requérante et pourquoi elle a, en conséquence, restreint le périmètre des nouveaux constats d’infraction opérés à son égard.

208    Certes, comme le relève la requérante, l’approche retenue par la Commission conduit à faire coexister des constats d’infractions à son égard qui diffèrent notamment à raison du fait que leurs coauteurs ne sont pas strictement les mêmes. Ainsi, les composantes de l’infraction unique et continue relatives aux liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse sont imputées, dans la décision attaquée, à plusieurs transporteurs qui ne s’étaient pas vus imputer ces comportements dans la décision du 9 novembre 2010.

209    Toutefois, il n’en résulte pas de contradiction entravant la bonne compréhension de la décision attaquée. Cette situation n’est, en effet, que le résultat du système des voies de recours, dans le cadre duquel le juge de la légalité ne peut, sous peine de statuer ultra petita, prononcer une annulation excédant celle sollicitée par la partie requérante, et de la circonstance que la requérante n’a demandé que l’annulation partielle de la décision du 9 novembre 2010.

210    Dans la mesure où la requérante fait valoir que, nonobstant l’annulation seulement partielle de la décision du 9 novembre 2010 en ce qui la concerne, la Commission aurait été tenue de tirer les conséquences de l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), en procédant au retrait de ladite décision, il y a lieu de constater que son argumentation se confond avec celle développée au soutien de son deuxième moyen. Elle sera, dès lors, examinée dans ce cadre.

211    Au regard de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

4.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE

212    La requérante soutient que la Commission a violé le devoir qui lui incombait au titre de l’article 266 TFUE de tirer toutes les conclusions utiles d’une décision de justice antérieure, et qu’il convient en conséquence d’annuler la décision attaquée ou, à tout le moins, l’article 3, sous e), de son dispositif.

213    La requérante reproche notamment à la Commission de s’appuyer sur les constatations de la décision du 9 novembre 2010 pour lui infliger une amende, alors même que le Tribunal aurait affirmé dans l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), que celles-ci étaient fondamentalement erronées.

214    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

215    En vertu de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation. Cette obligation ne s’entend que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation (arrêt du 29 novembre 2007, Italie/Commission, C‑417/06 P, non publié, EU:C:2007:733, point 52).

216    Selon une jurisprudence constante, afin de se conformer à un arrêt d’annulation et de lui donner pleine exécution, l’institution concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (arrêts du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27, et du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 29).

217    À cet égard, il importe de rappeler que, comme il ressort déjà du point 184 ci-dessus, la prise en considération des motifs qui font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée par le juge de l’Union n’a pour objet que de déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 55).

218    Ainsi, l’autorité d’un motif d’un arrêt d’annulation ne peut s’appliquer au sort de personnes qui n’étaient pas parties au procès et à l’égard desquelles l’arrêt ne peut dès lors avoir décidé quoi que ce soit (arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 55). Il doit en être de même s’agissant des parties d’un acte concernant une personne qui n’ont pas été déférées à la censure du juge de l’Union et à l’encontre desquelles ce dernier ne peut, dès lors, prononcer d’annulation et qui deviennent, dès lors, définitifs à l’égard de cette personne (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission, C‑122/16 P, EU:C:2017:861, point 85).

219    En l’espèce, le Tribunal a considéré, aux points 88 et 89 de son arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), que le recours de la requérante contre la décision du 9 novembre 2010 ne tendait qu’à son annulation partielle et que, sous peine de statuer ultra petita, l’annulation qu’il prononçait ne pouvait excéder celle sollicitée par la partie requérante. Par conséquent, le Tribunal a décidé d’annuler la décision litigieuse dans les limites des conclusions de la requérante. La Cour a rejeté le pourvoi introduit contre ledit arrêt, confirmant ainsi, en substance, le constat et les conclusions tirés sur ce point par le Tribunal (arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission, C‑122/16 P, EU:C:2017:861).

220    Ainsi, s’il est vrai que les motifs de l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), tendaient au constat d’une illégalité entachant l’entièreté de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle concernait la requérante (voir point 16 ci-dessus), la portée de son dispositif a néanmoins été dûment circonscrite selon les limites fixées au litige par la requérante dans ses conclusions (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission, C‑122/16 P, EU:C:2017:861, points 91 et 92).

221    Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 218 ci-dessus, l’autorité des motifs que la Commission était tenue, le cas échéant, de prendre en compte au moment d’exécuter l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), ne s’appliquait pas aux parties de la décision du 9 novembre 2010 qui n’avaient pas été déférées à la censure du Tribunal et, partant, n’étaient pas susceptibles d’être couvertes par le dispositif dudit arrêt.

222    Il s’ensuit que c’est sans violer l’article 266 TFUE que la Commission a pu s’appuyer, dans la décision attaquée, sur les constats d’infraction de la décision du 9 novembre 2010 non remis en cause par le dispositif de l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988) et qui étaient, dès lors, devenus définitifs.

223    Partant, le présent moyen doit être rejeté.

5.      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit et/ou d’une violation d’une forme substantielle tenant à la motivation insuffisante du montant de l’amende et/ou à l’incompétence de la Commission pour infliger une amende n’ayant pas exclusivement trait aux constats d’infraction faits dans la décision attaquée

224    La requérante avance que la Commission a commis une erreur, violé une forme substantielle et outrepassé les limites de sa compétence en lui infligeant une amende du même montant que celle infligée par la décision du 9 novembre 2010. En effet, la Commission se serait fondée sur le fait que la nouvelle amende n’a pas seulement trait aux aspects limités de l’infraction unique et continue à laquelle la requérante a participé (identifiés à l’article 1er de la décision attaquée), mais repose également sur les aspects figurant dans la décision du 9 novembre 2010 « qui sont devenus définitifs » (article 3 de la décision attaquée).

225    Or, premièrement, à la date d’adoption de la décision attaquée, aucun constat figurant dans la décision du 9 novembre 2010 ne serait « devenu définitif » à son égard, en ce qu’un pourvoi formé contre l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), était encore pendant.

226    Deuxièmement, le Tribunal aurait annulé l’amende infligée à la requérante dans la décision du 9 novembre 2010, parce qu’il a estimé que ladite décision renfermait des contradictions fondamentales. Ceci signifierait que l’ensemble des constats de la décision du 9 novembre 2010 auraient dû être annulés si le Tribunal ne s’était pas estimé lié par le principe ne ultra petita. Dès lors, du point de vue de la requérante, ce n’est pas parce que le Tribunal n’a pas annulé à son endroit les articles 1er à 4 de la décision du 9 novembre 2010 dans leur intégralité que la Commission pouvait se fonder sur ces dispositions pour infliger ultérieurement la même amende, sans produire une motivation additionnelle justifiant les constats ressortant desdites dispositions.

227    Troisièmement, la requérante soutient que l’approche de la Commission l’a empêchée de comprendre la justification du montant de l’amende dans la décision attaquée du fait de l’incertitude qui existe quant à l’étendue de l’infraction qui lui est imputée.

228    Quatrièmement, la Commission n’aurait pas été compétente pour infliger dans la décision attaquée une amende n’ayant pas exclusivement trait aux constats d’infraction faits dans cette même décision.

229    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

230    Il convient d’observer que le présent moyen est articulé autour de quatre griefs, qu’il convient d’examiner successivement.

231    Premièrement, s’agissant de la prétendue erreur commise par la Commission en ce qu’elle a tenu pour définitifs, au moment où elle a adopté la décision attaquée, les constats figurant dans la décision du 9 novembre 2010 sur lesquels elle s’appuie pour imposer une amende à la requérante, il y a lieu de relever que, à la supposer avérée, cette erreur serait sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dans la mesure où elle entache un motif surabondant de celle-ci.

232    En effet, les actes des institutions de l’Union jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et produisent, dès lors, des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (arrêt du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C‑475/01, EU:C:2004:585, point 18).

233    Or, les constats en cause de la décision du 9 novembre 2010 n’étaient, au moment de l’adoption de la décision attaquée, ni annulés, ni retirés, ni invalidés. Partant, ils produisaient des effets juridiques auxquels la Commission pouvait utilement se référer, indépendamment de la question de savoir s’ils revêtaient, en outre, un caractère définitif.

234    En outre, il importe de relever que, conformément à l’article 60, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un pourvoi contre un arrêt du Tribunal n’a, en principe, pas d’effet suspensif (ordonnance du 7 juillet 2016, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P‑R, non publiée, EU:C:2016:597, point 16). Ainsi, la formation d’un pourvoi par la requérante n’empêchait pas la Commission d’exécuter l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), conformément à l’article 266 TFUE.

235    En tout état de cause, le pourvoi que la requérante a introduit à l’encontre de l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), n’était pas susceptible d’élargir la portée des conclusions, en annulation partielle, qu’elle avait présentées devant le Tribunal, étant donné que, conformément à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, « les conclusions du pourvoi tendent […] à ce qu’il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance, à l’exclusion de toute conclusion nouvelle ».

236    N’ayant pas été contestés devant le Tribunal, et ne pouvant l’être au seul stade du pourvoi, les constats en cause de la décision du 9 novembre 2010 étaient donc devenus définitifs à l’égard de la requérante à la date d’expiration du délai de recours prévu à l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission, C‑122/16 P, EU:C:2017:861, point 98). Or, cette date est bien antérieure à la date d’adoption de la décision attaquée.

237    Deuxièmement, s’agissant de l’omission prétendument fautive de la Commission de motiver le recours aux constats non contestés de la décision du 9 novembre 2010 dans la décision attaquée, il y a lieu de relever que ce grief manque en fait, comme il ressort des points 206 et 207 ci-dessus.

238    À supposer que la requérante entende par ce grief contester la légalité de la référence même, dans la décision attaquée, aux constats non contestés de la décision du 9 novembre 2010 compte tenu des enseignements de l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), il y a lieu de l’écarter comme non fondé en ce qu’il procède d’une méconnaissance de l’autorité des motifs dudit arrêt vis-à-vis des constats qui n’entraient pas dans l’objet du litige, conformément à ce qui a été jugé au point 221 ci-dessus.

239    Troisièmement, s’agissant du grief pris d’une motivation insuffisante de l’amende imposée à la requérante compte tenu des incertitudes pesant sur l’étendue de l’infraction qui lui est imputée, le Tribunal a déjà constaté, au point 209 ci-dessus, que ces prétendues incertitudes sont le résultat du système des voies de recours et de la circonstance que la requérante n’a demandé que l’annulation partielle de la décision du 9 novembre 2010. Cette justification figure dans la décision attaquée (voir points 206 et 207 ci-dessus).

240    En outre, il convient de rappeler que la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 147).

241    Le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par celui-ci au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 45).

242    Or, il y a lieu d’observer que, en l’espèce, la seule circonstance que la décision attaquée impute la responsabilité de certaines composantes de l’infraction à un plus grand nombre de participants que ne le faisait la décision du 9 novembre 2010 à l’égard des mêmes comportements infractionnels n’est pas, contrairement à ce que soutient la requérante, de nature à appeler des explications supplémentaires, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un facteur dont la Commission a tenu compte aux fins du calcul de l’amende.

243    À cet égard, il y a, certes, lieu de relever, avec la requérante, que la Commission a examiné, au considérant 1209 de la décision attaquée, la part de marché cumulée au niveau mondial des transporteurs incriminés parmi d’autres facteurs pertinents pour déterminer la gravité de l’infraction unique et continue. En outre, il ne ressort pas du considérant 1212 de la décision attaquée, contrairement à ce qu’affirme la Commission, qu’elle n’aurait pas tenu compte de cette part de marché. Elle a simplement indiqué audit considérant qu’elle avait tenu compte « en particulier [de] la nature et [de] la portée géographique de l’infraction ».

244    En revanche, il ressort de l’ensemble des développements afférents à la gravité de l’infraction unique et continue, figurant aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, que la Commission a, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Roca/Commission, C‑638/13 P, EU:C:2017:53, point 67), procédé à une appréciation globale des différents facteurs pertinents, sans considération pour les spécificités éventuelles de certaines composantes, matérielles ou géographiques, de l’infraction unique et continue, ni, à ce stade, pour le degré d’implication variable des transporteurs incriminés. Le montant additionnel a également été déterminé sur la base de cette appréciation globale, comme il ressort du considérant 1219 de la décision attaquée. Or, dans le cadre de ladite appréciation globale, les différences relevées au point 242 ci-dessus n’étaient pas de nature à imposer à la Commission d’exposer, pour la bonne compréhension de l’amende infligée à la requérante, un raisonnement complémentaire.

245    Quant à l’argument de la requérante, formulé en réponse à une question écrite du Tribunal, selon lequel, de manière générale, le moindre nombre de participants à certains des comportements infractionnels retenus à son encontre dans la décision du 9 novembre 2010 par rapport à ceux établis dans la décision attaquée justifiait qu’elle bénéficie d’une réduction d’amende, il convient de relever qu’il a trait à la légalité au fond de la décision attaquée et non à une insuffisance de motivation. Cette affirmation n’est, au demeurant, aucunement étayée.

246    Il résulte de ce qui précède que la référence, dans la décision attaquée, aux constats d’infraction de la décision du 9 novembre 2010 non contestés par la requérante n’obligeait pas la Commission, au stade de la justification du montant de l’amende, à apporter une motivation supplémentaire.

247    Quatrièmement, le grief pris d’un défaut de compétence de la Commission pour infliger une amende n’ayant pas trait exclusivement aux constats d’infraction faits dans la décision attaquée ne saurait, non plus, prospérer.

248    En vertu de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d'entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 101 ou 102 TFUE.

249    Par ailleurs, le juge de l’Union a déjà dit pour droit que le pouvoir de la Commission d’adopter un acte déterminé doit nécessairement comporter le pouvoir de modifier cet acte, dans le respect des dispositions relatives à sa compétence ainsi que dans le respect des formes et des procédures prévues à cet égard (arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission, T‑91/10, EU:T:2014:1033, point 108). Dans l’hypothèse particulière d’une annulation partielle prononcée à l’encontre d’un acte déterminé, ce pouvoir doit inclure celui d’adopter une nouvelle décision venant, le cas échéant, compléter les parties de l’acte devenues définitives.

250    En l’espèce, tout d’abord, il y a lieu de relever que les constats d’infraction litigieux, figurant dans la décision du 9 novembre 2010, ont été retenus dans le cadre de la même procédure que celle ayant abouti à la décision attaquée et à la suite de la même communication des griefs.

251    Ensuite, il convient de constater que la Commission a pris soin, dans la décision attaquée, d’expliquer pourquoi elle a tenu compte du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 en tant qu’il concerne la requérante et pourquoi elle a, en conséquence, restreint le périmètre des nouveaux constats d’infraction opérés à son égard (voir points 206 et 207 ci-dessus).

252    Enfin, ainsi qu’il est rappelé aux considérants 9 et 11 de la décision attaquée, l’arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), a prononcé l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 en tant notamment qu’elle inflige une amende à la requérante, moyennant quoi la Commission, pour donner exécution audit arrêt, a réadopté, dans le cadre de la décision attaquée, une disposition par laquelle elle a infligé à la requérante une amende pour sa participation à l’infraction unique et continue.

253    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission a agi dans les limites de sa compétence.

254    À supposer que, dans le cadre de ce grief, la requérante entende également soulever une violation de l’obligation de motivation en ce que la décision attaquée renverrait à « des motifs qu[e] [la Commission] a produits dans une décision antérieure (qui a été annulée) », d’une part, il convient de constater, que les aspects de la décision du 9 novembre 2010 qui n’ont pas été contestés par la requérante n’ont pas été annulés. D’autre part, il importe de relever que la Commission est en droit, dans des circonstances comme celles de l’espèce dans lesquelles elle adopte une nouvelle décision visant à donner exécution à un arrêt d’annulation partielle du Tribunal, de se référer aux motifs de la décision partiellement annulée (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2016, Toshiba/Commission, T‑404/12, EU:T:2016:18, point 95).

255    Le présent grief doit donc être rejeté, ainsi que le troisième moyen dans son ensemble.

6.      Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs et d’une insuffisance de motivation dans la prise en compte de plusieurs régimes réglementaires

256    Le cinquième moyen est tiré d’erreurs et d’une violation de l’obligation de motivation dans la prise en compte de plusieurs régimes réglementaires. Ce moyen s’articule en deux branches, prises, la première, d’une erreur d’appréciation des régimes réglementaires en vigueur à Hong Kong, au Japon, ainsi qu’en Inde, en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil et de l’insuffisance de la motivation relative aux régimes réglementaires de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil et, la seconde, de l’absence de motivation et de l’insuffisance de la réduction générale de 15 %.

a)      Sur la première branche, prise d’une erreur d’appréciation des régimes réglementaires et de l’insuffisance de la motivation relative aux régimes réglementaires de certains pays tiers

257    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que les principes régissant le moyen de défense tiré de la contrainte étatique sont applicables lorsque sont en cause les règlementations d’un État tiers. De plus, elle fait valoir que l’appréciation faite par la Commission des régimes réglementaires en vigueur à Hong Kong et au Japon est entachée d’erreurs, lesquelles auraient également entaché son appréciation des régimes réglementaires en vigueur en Inde, en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil.

1)      Sur l’applicabilité des principes régissant le moyen de défense tiré de la contrainte étatique

258    Dans la réplique, la requérante soutient que les principes régissant le moyen de défense tiré de la contrainte étatique ne sont pas applicables en l’espèce, dès lors que des règlementations de pays tiers sont en cause. Tout d’abord, les pays tiers ne seraient pas soumis au droit de l’Union, notamment aux principes de primauté, d’effet direct et de coopération loyale, mais à leurs propres lois, et les entreprises établies dans ces pays devraient respecter les lois et pratiques administratives locales, sans pouvoir « exporter » le droit de la concurrence de l’Union. Ensuite, il conviendrait de tenir compte des principes de respect du droit international et de courtoisie internationale, ainsi que de l’adage pacta sunt servanda au titre duquel les pays tiers sont réputés s’acquitter de bonne foi de leurs obligations internationales, en l’occurrence de la mise en œuvre des accords internationaux relatifs aux services aériens (ci-après les « ASA »).

259    La Commission conteste ces arguments.

260    À cet égard, à supposer même que le présent grief soit recevable au regard de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure bien qu’il ait été présenté pour la première fois au stade de la réplique, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne vise que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui lui-même élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, l’article 101 TFUE n’est pas d’application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique cette disposition, dans des comportements autonomes des entreprises (voir arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C‑359/95 P et C‑379/95 P, EU:C:1997:531, point 33 et jurisprudence citée).

261    Inversement, si une réglementation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises, l’article 101 TFUE peut s’appliquer. En l’absence d’une disposition réglementaire contraignante imposant un comportement anticoncurrentiel, la Commission ne peut conclure à une absence d’autonomie dans le chef des opérateurs mis en cause que s’il apparaît sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants que ce comportement leur a été unilatéralement imposé par les autorités nationales par l’exercice de pressions irrésistibles, telles que la menace de l’adoption de mesures étatiques susceptibles de leur faire subir des pertes importantes (voir arrêt du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission, T‑66/99, EU:T:2003:337, points 177 et 179 et jurisprudence citée).

262    Selon la jurisprudence, tel n’est pas le cas lorsqu’une loi ou un comportement se limite à inciter ou à faciliter l’adoption, par les entreprises, de comportements anticoncurrentiels autonomes (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, EU:T:2006:396, point 258).

263    Enfin, il ressort de la jurisprudence que c’est aux entreprises concernées qu’il appartient de démontrer qu’une loi ou un comportement étatique était d’une nature telle qu’il les privait de toute autonomie dans le choix de leur politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T‑228/97, EU:T:1999:246, point 129). En effet, s’il incombe à l’autorité qui allègue une violation des règles de concurrence d’en apporter la preuve, il appartient à l’entreprise soulevant un moyen de défense contre la constatation d’une infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de la règle dont est déduit ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 19 et jurisprudence citée).

264    Contrairement à ce que soutient la requérante, ces principes sont également applicables lorsque sont en cause les régimes réglementaires de pays tiers (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 1131), comme il ressort en substance de la note en bas de page no 1435 de la décision attaquée.

265    Aucun argument de la requérante n’est de nature à remettre en cause l’applicabilité de ces principes au cas d’espèce.

266    En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de la jurisprudence citée aux points 260 à 262 ci-dessus que le moyen de défense tiré de la contrainte étatique trouve sa justification non dans les principes de coopération loyale, d’effet direct ou de primauté du droit de l’Union, mais dans l’absence d’autonomie des entreprises concernées dans le choix de leur politique commerciale, qui justifie l’inapplication de l’article 101 TFUE.

267    S’il est vrai que, à la différence des pays tiers, les États membres sont tenus de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises (arrêt du 9 septembre 2003, CIF, C‑198/01, EU:C:2003:430, point 45), il n’en reste pas moins que, dans le cadre de l’examen de l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux comportements des entreprises qui se conforment à une législation d’un État membre, l’évaluation préalable de cette législation ne porte que sur la question de savoir si elle laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes de leur part, de telle sorte que sa compatibilité avec les règles de concurrence du traité ne saurait être considérée comme déterminante (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C‑359/95 P et C‑379/95 P, EU:C:1997:531, points 31 et 35).

268    En second lieu, l’application de l’article 101 TFUE à des comportements d’entreprises intervenus et mis en œuvre dans des pays tiers se justifie au regard du droit international public, dès lors qu’il est prévisible que lesdits comportements produisent des effets immédiats et substantiels dans l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T‑422/14, non publié, EU:T:2018:446, point 101 et jurisprudence citée).

269    En particulier, l’argument tiré du non-respect du principe de « courtoisie internationale » revient à remettre en cause la compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE à des comportements tels que ceux qui ont été constatés et sanctionnés en l’espèce et a, en tant que tel, déjà été rejeté par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 22).

270    De plus, la requérante n’explique pas en quoi l’application de l’article 101 TFUE à des comportements d’entreprises intervenus et mis en œuvre dans des pays tiers, dans la mesure où elle vise des comportements anticoncurrentiels d’opérateurs économiques qui ne sont pas rendus obligatoires par les régimes réglementaires locaux, remettrait en cause les lois ou les pratiques administratives desdits pays tiers ou la façon dont ceux-ci exécutent leurs obligations tirées du droit international. Dans la mesure où la requérante soutient que les régimes réglementaires des pays tiers en cause ont, en réalité, rendu obligatoire la coordination tarifaire entre les transporteurs incriminés, ses arguments seront examinés ci-après.

271    Il ressort de ce qui précède que le présent grief doit être rejeté.

2)      Sur l’appréciation des régimes réglementaires en cause

i)      Hong Kong

272    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur en retenant, aux considérants 976 à 993 de la décision attaquée, que les transporteurs n’étaient assujettis à aucune obligation de discuter la STC à Hong Kong. Selon la requérante, la combinaison des ASA conclus entre Hong Kong et les États membres et des pratiques administratives des autorités de Hong Kong a créé une situation exigeant de facto des transporteurs qu’ils présentent des demandes de STC collectives.

273    Tout d’abord, la requérante se prévaut d’une lettre du DAC du 3 septembre 2009 adressée à la Commission et fait valoir qu’elle n’aurait pas été évoquée dans la décision attaquée. Or, il ressortirait de cette lettre que le DAC exigeait, en pratique, que des demandes collectives de surtaxes lui soient soumises pour approbation. Au stade de la réplique, la requérante ajoute que la bonne administration aurait imposé à la Commission de vérifier auprès du DAC le bien-fondé de son interprétation des pratiques administratives à Hong Kong telles qu’elles ressortent des courriers que le DAC lui a adressés.

274    Ensuite, la requérante soutient que le constat contenu au considérant 992 de la décision attaquée selon lequel le DAC était prêt à examiner des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe ne serait étayé par aucune preuve et serait contredit par certains éléments produits par Lufthansa dans le cadre de la procédure de clémence.

275    Enfin, la Commission aurait commis une erreur en retenant, au considérant 992 de la décision attaquée, qu’il était simplement « plus difficile » de déposer une demande individuelle pour une STC d’un montant fixe qu’une demande collective fondée sur un indice. En raison de la volatilité des prix du carburant, des délais habituels d’examen par le DAC des demandes d’approbation des surtaxes et de l’objectif de celui-ci, la possibilité d’introduire une telle demande individuelle n’aurait pas été crédible.

276    La Commission conteste cette argumentation.

277    Il ressort du considérant 988, sous c), de la décision attaquée que le DAC de Hong Kong a envoyé au président de la Commission une lettre datée du 5 septembre 2008, dans laquelle il a indiqué que les demandes collectives des transporteurs relatives à la STC étaient à la fois légales et souhaitables sur le plan administratif, sans toutefois mentionner une quelconque interdiction faite aux transporteurs d’introduire une demande individuelle. Au considérant 992 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le DAC n’était pas prêt à accepter les demandes individuelles pour un mécanisme de STC, mais qu’il était prêt à accepter des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe.

278    Or, premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de la lettre du DAC du 3 septembre 2009 adressée à la Commission, relative aux négociations tarifaires impliquant le SCC du BAR de Hong Kong, que cette appréciation soit erronée.

279    Cette lettre est libellée comme suit :

« Il doit être absolument clair pour la Commission que, s’agissant du mécanisme relatif à la [STC] pour le fret basé sur un indice, nous exigeons que le [SCC du BAR] et les transporteurs participants se mettent d’accord sur les détails des demandes collectives, y compris sur le montant de la surtaxe pour laquelle l’approbation était demandée, sur les preuves qui devaient être fournies au DAC pour étayer les demandes et sur le mécanisme unique qui devait être utilisé pour la détermination de la surtaxe. Le DAC a également donné mandat aux transporteurs participants et exigé d’eux qu’ils perçoivent spécifiquement la surtaxe approuvée. De plus, nous avons donné mandat au SCC du BAR et exigé de lui qu’il soumette à l’approbation du DAC toute modification de la liste des transporteurs participant aux demandes collectives et nous avons clairement indiqué que ces transporteurs ne devaient pas percevoir de [STC] sans l’approbation expresse du DAC adressée au SCC du BAR. »

280    Cette lettre se limite ainsi à détailler les conditions exigées par le DAC lorsque le SCC du BAR et les transporteurs envisagent une demande collective relative à la STC fondée sur un indice. En revanche, elle ne fait pas allusion à une obligation générale d’introduire une demande collective pour une STC, ni à l’impossibilité d’introduire une demande individuelle pour une STC fixe.

281    De plus, c’est à tort que la requérante fait grief à la Commission d’avoir méconnu le principe de bonne administration en procédant à sa propre interprétation des lettres du 5 septembre 2008 et du 3 septembre 2009 sans en vérifier le bien-fondé auprès du DAC.

282    Parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, figure notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 405).

283    Or, en l’espèce, c’est sans commettre d’erreur ni omettre d’examiner avec soin et impartialité les éléments pertinents du dossier de la procédure administrative que la Commission a pu, d’une part, interpréter la lettre du 5 septembre 2008 en ce sens qu’elle exposait les exigences du DAC en matière de coordination tarifaire des transporteurs en cas de demande collective relative à un mécanisme de STC fondé sur un indice, mais ne précisait pas qu’il était impossible d’introduire une demande individuelle et, d’autre part, soutenir devant le Tribunal que la lettre du 3 septembre 2009 ne contredisait pas cette interprétation.

284    Dans ces conditions, le principe de bonne administration n’obligeait pas la Commission à vérifier auprès du DAC le bien-fondé des déductions qu’elle pouvait légitimement tirer de ces deux lettres. Cela vaut a fortiori dès lors que c’était à la requérante et aux autres entreprises concernées qu’il appartenait de démontrer qu’une loi ou un comportement étatique était d’une nature telle qu’il les privait de toute autonomie dans le choix de leur politique commerciale, comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 263 ci-dessus.

285    Deuxièmement, quant au grief selon lequel la Commission aurait retenu par erreur dans la décision attaquée que le DAC était prêt à examiner des demandes individuelles pour une STC fixe, il ressort du considérant 988, sous d), de la décision attaquée qu’une demande individuelle de Lufthansa a été examinée et rejetée par le DAC dans le courant du mois de septembre 2006.

286    Il est vrai que, comme le fait valoir la requérante, la Commission est restée en défaut de citer un exemple de demande individuelle qui aurait été acceptée par le DAC. De plus, il ressort d’un courriel du 19 septembre 2006 adressé à CPA, figurant en annexe à la requête, que Lufthansa a confirmé sa participation aux demandes d’approbation de la STC coordonnées par le SCC du BAR au motif que le DAC n’acceptait pas qu’un transporteur puisse déposer une demande individuelle. Cette pièce est corroborée par la réponse de CPA à la communication des griefs, figurant en annexe au mémoire en défense, dont il ressort que, dans le courant du mois de septembre 2006, à la suite du dépôt par Lufthansa d’une demande individuelle, le DAC a forcé ce transporteur à se conformer au système collectif d’approbation de la STC.

287    Cependant, la Commission a admis, au considérant 992 de la décision attaquée, que le DAC n’était pas prêt à accepter des demandes individuelles pour un mécanisme de STC fondé sur un indice, tout en précisant que des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe auraient pu être acceptées, et a indiqué, au considérant 988, sous d), de cette décision, que la demande individuelle de Lufthansa formulée en septembre 2006 avait été rejetée non pas au motif qu’il s’agissait d’une demande individuelle, mais parce que l’indice alors proposé par ce transporteur a été rejeté. Or, les preuves dont se prévaut la requérante ne contredisent pas ces considérations. En effet, il ressort du courriel du 19 septembre 2006 adressé à CPA que la demande de Lufthansa concernait des changements relatifs à la méthodologie de détermination de la STC fondée sur un indice et de la réponse de CPA à la communication des griefs que la demande de Lufthansa rejetée par le DAC portait sur une méthodologie de fixation de la STC.

288    Par ailleurs, il ressort des autres éléments versés au dossier devant le Tribunal par les deux parties que :

–        dans un courriel du 13 octobre 2006, Qantas a indiqué qu’il continuerait à appliquer le mécanisme de STC du SCC du BAR alors en vigueur, sans préciser les motifs de ce choix ;

–        la déclaration faite par Lufthansa dans le cadre de sa demande de clémence indique que le SCC du BAR avait apporté certaines précisions à l’égard de la méthodologie relative à la STC en raison d’une demande par le DAC d’un enregistrement commun d’un indice STC uniforme et coordonné entre les transporteurs ;

–        dans sa réponse à la communication des griefs, CPA a indiqué que le DAC lui avait confirmé sa « préférence » pour les demandes collectives du SCC du BAR pour l’examen desquelles il avait mis au point « un processus d’approbation simplifié et efficace » ;

–        dans le courrier du DAC du 5 septembre 2008, le dépôt de demandes collectives a été présenté comme « un moyen efficace » au plan administratif.

289    Ces éléments, en raison de leur non-concordance, ne permettent pas de déterminer en eux-mêmes si, pour le DAC, le dépôt de demandes collectives était une simple préférence justifiée par des considérations administratives ou une obligation formellement imposée aux transporteurs.

290    Enfin, comme le fait valoir la Commission, la requérante ne produit aucun document établissant expressément que seules des demandes collectives pouvaient être communiquées au DAC et que celui-ci aurait par principe rejeté toute les demandes individuelles relatives à une STC d’un montant fixe.

291    Dès lors, la requérante n’établit pas que la Commission aurait commis une erreur en concluant, au considérant 992 de la décision attaquée, que, s’agissant de la STC, même si le DAC n’était pas prêt à accepter des demandes individuelles pour un mécanisme STC, des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe auraient pu être acceptées.

292    Troisièmement, la requérante n’est pas fondée à contester le considérant 992 de la décision attaquée selon lequel il était « plus difficile ou moins pratique » d’introduire, auprès du DAC, une demande individuelle pour une STC d’un montant fixe qu’une demande collective fondée sur un indice. L’argument de la requérante selon lequel une telle demande individuelle aurait été en réalité inconcevable, car elle aurait exposé le demandeur à des pertes considérables, en raison de la volatilité des prix du carburant et des délais d’examen des demandes par le DAC, ne saurait prospérer.

293    En effet, les allégations de la requérante ne sont étayées que par un graphique illustrant l’évolution des prix du carburant. Or, ce graphique ne suffit pas, en lui-même, à prouver le bien-fondé de ces allégations.

294    Il résulte de tout ce qui précède que les arguments de la requérante visant à contester l’appréciation du régime réglementaire de Hong Kong doivent être rejetés dans leur ensemble.

ii)    Japon

295    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur en retenant, aux considérants 994 à 1012 de la décision attaquée, que les transporteurs n’étaient assujettis à aucune exigence de discuter des tarifs au Japon. Premièrement, elle fait valoir que le protocole d’accord conclu en 2000 entre le Japon et le Royaume-Uni n’est pas juridiquement contraignant et n’a donc pas pu abroger les dispositions tarifaires de l’ASA conclu entre ces deux pays, lequel, au demeurant, était antérieur à l’adhésion du Royaume-Uni au traité instituant la Communauté économique européenne et relevait donc du régime établi à l’article 351, deuxième alinéa, TFUE.

296    Deuxièmement, la requérante conteste que les ASA conclus entre des États membres de l’Union et le Japon s’appliquaient uniquement aux transporteurs désignés. Tout d’abord, il ressortirait de ces accords que les discussions tarifaires pouvaient comprendre une consultation des transporteurs desservant tout ou partie de la liaison concernée. Ensuite, l’étendue de ces consultations devrait être envisagée au regard de l’effet combiné de tous les ASA régissant les vols à partir du Japon, qui serait équivalent à celui produit par un accord multilatéral.

297    Troisièmement, la requérante fait valoir que les ASA étaient juridiquement contraignants, notamment dans leurs clauses tarifaires, et que la Commission n’a pas examiné les déclarations des transporteurs incriminés selon lesquelles ils étaient effectivement appliqués par les autorités japonaises, au mépris du principe de bonne administration et alors que la charge de la preuve pesait sur elle.

298    Quatrièmement, en réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante a avancé que les ASA conclus par le Japon et la règlementation nationale japonaise, pris conjointement, exigeaient des transporteurs qu’ils se concertent sur les tarifs soumis à l’approbation du bureau japonais de l’aviation civile

299    La Commission conteste les arguments de la requérante.

300    Aucun de ces arguments ne saurait prospérer.

301    En premier lieu, il convient de relever que la Commission n’a jamais soutenu ni contesté, dans la décision attaquée, que la force contraignante de l’ASA conclu entre le Japon et le Royaume-Uni devrait être appréciée au regard de l’article 351, deuxième alinéa, TFUE. Au demeurant, la requérante se prévaut de cette disposition sans exposer quelles conséquences la Commission aurait dû tirer de son application au cas d’espèce. Ses arguments tirés de l’article 351, deuxième alinéa, TFUE, doivent donc être rejetés.

302    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle les clauses tarifaires des ASA conclus entre les États membres de l’Union et le Japon ne s’appliquaient pas uniquement aux transporteurs désignés, il convient de relever qu’elle procède d’une analyse erronée des ASA en cause. Il est vrai que les clauses de l’article 11 de l’ASA conclu entre le Japon et le Royaume-Uni, reproduites dans la requête, prévoient, en substance, que les tarifs doivent faire l’objet de discussions préalables entre transporteurs désignés, le cas échéant au regard du mécanisme mis en place au sein de l’IATA, et que, en cas d’accord, celui-ci doit être approuvé par les autorités compétentes des deux parties. Ces clauses prévoient aussi que, à défaut d’accord entre les transporteurs désignés, il appartient aux autorités compétentes des deux parties de fixer par accord entre elles les tarifs en question. En revanche, ainsi que cela est relevé aux considérants 1007 et 1012 de la décision attaquée, ces clauses n’exigent pas de discussions multilatérales sur les tarifs applicables à différentes liaisons. Tout au plus lesdites clauses prévoient-elles que les transporteurs désignés consultent les autres transporteurs qui exploitent tout ou partie de la même liaison ou tiennent compte des tarifs pratiqués par ces derniers avant de conclure des accords tarifaires.

303    Cette constatation n’est pas contredite par l’argument de la requérante selon lequel il conviendrait de tenir compte de l’effet combiné de tous les ASA régissant les vols à partir du Japon, qui serait équivalent à celui produit par un accord multilatéral. En effet, si un tel effet combiné pourrait expliquer l’existence de contacts entre le transporteur japonais désigné et différents transporteurs désignés d’autres pays pour définir les tarifs applicables à plusieurs routes, il ne saurait justifier des échanges multilatéraux de l’ampleur de ceux exposés aux considérants 185 à 199, 244, 256 et 257 de la décision attaquée, qui décrivent notamment des contacts directs entre plusieurs transporteurs incriminés n’impliquant pas nécessairement le transporteur japonais désigné.

304    Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que les clauses tarifaires des ASA rendaient obligatoires des contacts entre transporteurs multiples desservant des destinations multiples.

305    Par conséquent, il convient de rejeter aussi les arguments tirés de ce que le protocole d’accord conclu en 2000 entre le Japon et le Royaume-Uni n’a pas pu modifier l’ASA conclu par ces mêmes pays. Certes, comme l’admet la Commission en réponse à une question du Tribunal, ce protocole n’a pas une valeur équivalente à celle dudit ASA, ce qui contredit les considérants 997 et 1006 de la décision attaquée. Il n’en reste pas moins que, même si les clauses tarifaires du même ASA sont restées en vigueur après 2000, elles ne rendaient pas obligatoires les contacts entre transporteurs multiples desservant des destinations multiples, ainsi que le retient la Commission au considérant 1007 de la décision attaquée.

306    Il convient également de rejeter les arguments tirés, premièrement, de ce que ledit ASA ne créerait pas uniquement des droits et obligations entre les parties signataires, mais aussi dans le chef de la requérante, en sa qualité de transporteur désigné qui « faisait partie de l’État » au jour de sa conclusion, et, deuxièmement, de ce que la combinaison des dispositions des ASA conclus par le Japon, qui seraient d’effet direct en droit japonais, et de l’article 105, paragraphe 4, de la loi japonaise sur l’aéronautique civile interdisait au bureau japonais de l’aviation civile d’approuver des tarifs n’ayant pas fait l’objet d’un accord entre les transporteurs, ce qui exigerait la concertation de ces derniers.

307    En effet, quand bien même la valeur contraignante des clauses tarifaires des ASA, en raison de l’effet direct de ces derniers ou de la loi japonaise, serait établie, la requérante reste en défaut de prouver que lesdites clauses rendaient obligatoires les contacts entre transporteurs multiples desservant des destinations multiples visés par la Commission dans la décision attaquée.

308    En troisième lieu, l’argumentation de la requérante faisant grief à la Commission de ne pas avoir examiné les déclarations des transporteurs incriminés selon lesquelles les ASA étaient juridiquement contraignants et qu’ils étaient effectivement appliqués par les autorités japonaises, notamment dans leurs clauses tarifaires, n’est aucunement étayée. En particulier, la requérante ne mentionne ni ne produit la moindre déclaration d’un transporteur susceptible de confirmer ses allégations. Dans ces conditions, la requérante, sur qui pèse la charge de la preuve des agissements d’un pays tiers restreignant la concurrence, conformément à la jurisprudence citée au point 263 ci-dessus, ne saurait utilement faire grief à la Commission d’avoir omis d’examiner de telles déclarations.

309    Il ressort de tout ce qui précède que les arguments de la requérante relatifs au régime réglementaire applicable au Japon doivent être rejetés dans leur ensemble.

iii) Autres pays tiers

310    S’agissant des autres pays tiers, la requérante vise le considérant 1019 de la décision attaquée, selon lequel, « [s]uivant le raisonnement détaillé dans la présente section en ce qui concerne Hong Kong et le Japon, la Commission ne considère pas que l’argument de l’obligation imposée par l’État est étayé dans le cas de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée [du Sud] et du Brésil ».

311    À titre principal, la requérante déduit de ce considérant que les erreurs d’appréciation commises par la Commission lors de l’examen des régimes réglementaires de Hong Kong et du Japon et qui ont été identifiées dans sa requête entachent d’erreur l’examen par la Commission des régimes réglementaires de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil. À titre subsidiaire, la requérante soutient que la motivation de la Commission concernant les mêmes pays tiers est manifestement insuffisante en tant que base pour rejeter les arguments soulevés par les transporteurs incriminés.

312    La Commission conteste cette argumentation.

313    En premier lieu, dès lors que, comme cela ressort des points 272 à 294 ci-dessus, le Tribunal n’a constaté aucune erreur entachant l’examen des régimes réglementaires de Hong Kong et du Japon dans la décision attaquée, les arguments de la requérante formulés à titre principal doivent être rejetés.

314    En deuxième lieu, en ce qui concerne les arguments, soulevés à titre subsidiaire, relatifs à l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée, il convient de rappeler que, comme il ressort du point 241 ci-dessus, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

315    En l’espèce, il est vrai que, au considérant 1019 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, « [s]uivant le raisonnement […] en ce qui concerne Hong Kong et le Japon », le moyen de défense tiré de la contrainte étatique n’était pas étayé dans le cas de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil.

316    Cependant, au même considérant, la Commission a précisé que cette analogie était valable au motif, premièrement, que les dispositions tarifaires prévues dans les ASA applicables en Inde, en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil étaient limitées aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées et ne s’étendaient pas à des discussions tarifaires générales entre opérateurs multiples, assurant des services vers des destinations nationales multiples et, deuxièmement, qu’il n’avait pas été démontré que les dispositions légales et administratives nationales applicables exigeaient la coordination tarifaire.

317    Ce faisant, la Commission a exposé à suffisance de droit les motifs pour lesquels elle a rejeté les arguments des transporteurs relatifs au cadre règlementaire en vigueur en Inde, en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil, permettant à la requérante de les comprendre et au juge d’exercer son contrôle.

318    Les arguments tirés d’une violation de l’obligation de motivation doivent donc être rejetés.

319    En troisième lieu, à supposer que la requérante fasse grief à la Commission de ne pas avoir effectivement procédé à l’examen des régimes réglementaires indien, thaïlandais, singapourien, sud-coréen et du brésilien, son argumentation doit être rejetée.

320    En effet, ainsi que l’a soutenu à bon droit la Commission en réponse à une question du Tribunal, conformément à la jurisprudence citée au point 263 ci-dessus, il revenait aux transporteurs incriminés de prouver que les règlementations applicables dans les pays tiers en cause imposaient une obligation de coordination tarifaire. Or, la requérante ne produit aucun élément démontrant que la Commission aurait ignoré les preuves que les transporteurs incriminés auraient produites lors de la procédure administrative s’agissant de la réglementation applicable en Inde, en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil.

321    Il ressort de ce qui précède que les arguments de la requérante relatifs aux régimes réglementaires indien, thaïlandais, singapourien, sud-coréen et brésilien doivent être rejetés dans leur ensemble.

322    La présente branche doit donc être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, prise de l’absence de motivation de la réduction générale de 15 % et de l’insuffisance de ladite réduction générale

323    La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir exposé les raisons sous-tendant le quantum retenu pour la réduction générale de 15 %.

324    Elle soutient aussi que la Commission a, en tout état de cause, constaté, dans la décision attaquée, que les régimes réglementaires dans les pays tiers avaient pu inciter les transporteurs incriminés à se coordonner en matière de surtaxes, et que la réduction générale de 15 % qui a été accordée à ce titre apparaît insuffisante, des réductions plus importantes ayant été accordées au titre du cadre règlementaire dans des décisions antérieures.

325    La Commission conteste cette argumentation.

326    À cet égard, il convient de rappeler que, en matière de fixation du montant de l’amende, la Commission est tenue d’indiquer, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende. Elle doit néanmoins expliquer la pondération et l’évaluation qu’elle a faites des éléments pris en considération (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 291 et jurisprudence citée).

327    Or, dans la décision attaquée, après avoir analysé, aux considérants 972 à 1019, les régimes réglementaires applicables dans les pays tiers en cause, la Commission a conclu, au considérant 1020, qu’aucune obligation imposée par un État ne pouvait justifier l’inapplication de l’article 101 TFUE aux comportements incriminés. Aux considérant 1021 et aux considérants 1260 à 1265 de ladite décision, elle a estimé que les régimes réglementaires et l’approche des autorités régulatrices en cause n’en avaient pas moins encouragé des comportements anticoncurrentiels. Partant, elle les a qualifiés de circonstances atténuantes et a considéré qu’il était justifié de réduire de 15 % le montant de base de l’amende.

328    Il s’ensuit que la décision attaquée fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission justifiant que soit accordée une réduction de l’amende à hauteur de 15 % au titre des régimes réglementaires applicables, notamment le lien entre les facteurs pertinents pris en compte, à savoir les pressions régulatrices, et le coefficient d’ajustement du montant de base.

329    La motivation de la décision attaquée justifiant le quantum de la réduction générale de 15 % est donc existante et, du reste, suffisante.

330    Par ailleurs, même à supposer que des réductions plus importantes aient été accordées au titre du cadre réglementaire applicable dans des décisions antérieures, il ne saurait en être déduit que le quantum de la réduction générale de 15 % serait, en lui-même, insuffisant. En effet, le seul fait que la Commission a accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle est tenue d’accorder la même réduction lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (voir arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 140 et jurisprudence citée). La requérante ne saurait, par conséquent, se prévaloir de la réduction du montant d’amendes accordée dans cette autre affaire.

331    En outre, alors que la requérante soutient que la réduction générale de 15 % est manifestement trop faible compte tenu de la nature et de l’étendue des problèmes légaux ou réglementaires identifiés dans la décision attaquée, il convient de relever que la Commission a tenu compte desdits problèmes dans la décision attaquée lorsqu’elle a accordé ladite réduction générale, comme cela ressort de la motivation exposée au point 327 ci-dessus. Or, dans ses écritures, la requérante n’explique pas en quoi les motifs retenus par la Commission pourraient être critiqués.

332    La présente branche doit donc être rejetée, de même que le cinquième moyen dans son ensemble.

7.      Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de la participation de la requérante à une infraction concernant le refus de paiement de commissions

333    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant à sa participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. La requérante fait observer que, au considérant 743 de la décision attaquée, la Commission a fondé cette conclusion sur quatre séries d’éléments de preuves, à savoir, premièrement, des contacts avec Qantas, deuxièmement, un courriel de SAC du 28 décembre 2005, troisièmement, des échanges de courriers électroniques entre des membres de l’Italian Board of Airline Representatives (Association italienne des représentants des compagnies aériennes, ci-après l’« IBAR ») et, quatrièmement, des échanges de courriers électroniques entre des membres de l’Air Cargo Council Switzerland (Conseil du Fret Aérien Suisse, ci-après l’« ACCS »). Or, selon la requérante, ces éléments de preuves n’étayent pas ladite conclusion, ce que la Commission conteste.

334    À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la Commission qu’il appartient de rapporter la preuve des infractions aux règles de concurrence qu’elle constate. Elle doit faire état de preuves précises et concordantes de nature à fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, points 42 et 47).

335    Il n’est cependant pas nécessaire que chacune des preuves apportées par la Commission puisse fonder une telle conviction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, point 48).

336    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient, dans un premier temps, d’examiner chacune des quatre séries d’éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est appuyée au considérant 743 de la décision attaquée et, dans un second temps, de déterminer si la Commission était fondée, dans le cadre d’une appréciation globale, à déduire du faisceau d’indices invoqué que la requérante avait participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions.

a)      Sur les quatre séries d’éléments de preuves retenues au considérant 743 de la décision attaquée

1)      Sur les contacts avec Qantas

337    La requérante reproche à la Commission d’avoir retenu contre elle les contacts avec Qantas décrits au considérant 685 de la décision attaquée. Selon la requérante, ces contacts étaient licites. Ils se seraient, en effet, inscrits dans le cadre d’un accord relatif à des services communs (ci-après l’« ASC ») approuvé en 2005 par l’Office of Fair Trading (autorité de la concurrence du Royaume-Uni) et par la Australian Competition and Consumer Commission (autorité de la concurrence australienne).

338    La Commission répond que l’ASC n’autorisait pas la coordination des politiques relatives au paiement de commissions sur les surtaxes. Au stade de la duplique, la Commission ajoute que l’ASC ne couvrait que certaines « liaisons désignées ». Or, les contacts décrits aux considérant 685 de la décision attaquée se seraient rapportés à la politique générale de la requérante et de Qantas.

339    En tout état de cause, ses conclusions quant à la participation de la requérante au refus de paiement de commissions ne dépendraient pas de la légalité ou non des contacts visés au considérant 685 de la décision attaquée. La Commission se serait, en effet, appuyée sur un faisceau d’indices.

340    À cet égard, il y a lieu d’observer que, le 20 juin 1995, la requérante et Qantas ont conclu un accord aux termes duquel ils étaient convenus de coopérer et d’établir un réseau de services aériens sur des liaisons désignées. Le 3 avril 2000, la requérante et Qantas ont conclu un nouvel accord, à savoir l’ASC. Selon ses considérants (B) et (D), l’ASC avait pour objet de remplacer l’accord du 20 juin 1995 et d’améliorer encore davantage la capacité de la requérante et de Qantas d’offrir des services de transport de passagers et de fret harmonieux, concurrentiels, de haute qualité et économiques.

341    Le 10 mai 2000, la Australian Competition and Consumer Commission a autorisé l’ASC sur le fondement de considérations d’intérêt public. Le 1er mars 2005, la Australian Competition and Consumer Commission a réautorisé l’ASC pour une période de cinq ans sur le fondement de considérations du même ordre.

342    Entretemps, le 29 juillet 2003, la requérante a soumis un projet de notification de l’ASC à la Commission, qui a renvoyé l’affaire à l’Office of Fair Trading. Le 21 juillet 2005, l’Office of Fair Trading a informellement indiqué à la requérante et à Qantas que l’ASC tombait sous le coup de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, mais qu’il était peu probable qu’il donne lieu à des restrictions de concurrence qui ne pourraient être « exemptées » au titre du paragraphe 3 de la même disposition. L’Office of Fair Trading a ajouté que, au vu des faibles parts de marché des parties, il était peu probable que l’ASC restreindrait de manière sensible la concurrence sur le marché du fret. L’Office of Fair Trading a conclu que le dossier était clos, ce dont la Commission a été informée.

343    En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission n’invoque pas la contrariété de l’ASC aux règles de concurrence applicables ni ne soutient qu’il aurait été exploité dans le cadre de l’infraction unique et continue. Son argumentation tient à ce que les contacts décrits au considérant 685 de la décision attaquée excédaient, d’une part, le champ d’application matériel de l’ASC et, d’autre part, son champ d’application territorial.

344    Dans ces conditions, aux fins de répondre à la présente branche, il convient d’examiner si, comme le soutient la Commission, les contacts visés au considérant 685 de la décision attaquée excèdent le champ d’application matériel et territorial de l’ASC et sont, partant, susceptibles de contribuer à établir la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions.

345    À cet égard, d’une part, s’agissant du champ d’application matériel de l’ASC, il convient d’observer que sa clause 7.1, sous b), c) et e), stipule que la requérante et Qantas peuvent coordonner leurs activités dans les domaines, respectivement, de la commercialisation, de la vente et de la tarification. La clause 7.2, sous b), précise que la coordination des activités de commercialisation, de vente et de tarification de Qantas et de la requérante, au sens de la clause 7.1, peut inclure la fixation conjointe des « rabais, promotions et remises [accordées] aux clients ».

346    Or, il est constant entre les parties que les transitaires sont des clients des transporteurs et que, comme il ressort notamment du considérants 5 et 879 de la décision attaquée, les commissions sur les surtaxes sont, en réalité, des ristournes ou des remises sur les surtaxes. Il est également constant entre les parties que les contacts visés au considérant 685 de la décision attaquée concernaient le refus de paiement aux transitaires de commissions sur les surtaxes. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la Commission, ces contacts relevaient de la clause 7.1, sous b), c) et e), de l’ASC et, par suite, tombaient dans le champ d’application matériel de ce dernier.

347    D’autre part, s’agissant du champ d’application territorial de l’ASC, il y a lieu d’observer que sa clause 7.1 s’applique à la coordination des activités de commercialisation, de vente et de tarification de la requérante et de Qantas pour autant qu’elles se rapportent en tout ou en partie aux liaisons désignées. Il s’agit des liaisons entre l’Australie et l’Europe via tout point intermédiaire, entre l’Australie et des points intermédiaires en Europe et entre l’Europe et des points intermédiaires en Australie ou toutes autres liaisons dont les parties à cet accord conviendraient. Il ressort d’une annexe à la réponse de la requérante à la communication des griefs qu’il avait été expressément convenu entre la requérante et Qantas que 24 liaisons seraient assujetties à l’ASC, dont celle entre Londres (Royaume-Uni) et Bangkok (Thaïlande), celle entre Londres et Singapour (Singapour) et celles entre Singapour, d’une part, et Sydney, Perth, Melbourne ou Darwin (Australie), d’autre part.

348    En l’espèce, la « chaîne de courriels » sur laquelle la Commission s’est appuyée au considérant 685 de la décision attaquée comprend un total de huit courriels échangés entre les 20 et 23 décembre 2005. Ces courriels peuvent être regroupés en trois catégories. La première de ces trois catégories est composée des trois premiers courriels de ladite « chaîne de courriels ». Ces trois courriels sont datés des 20 et 21 décembre 2005 et concernent la politique tarifaire de Qantas. Il est ainsi notamment question de l’intégration de surtaxes aux tarifs de Qantas et de savoir si la totalité des prix facturés par Qantas est, par suite, susceptible de se voir appliquer les commissions revendiquées par les transitaires.

349    Contrairement à ce que laisse entendre la requérante, il est peu plausible que les trois courriels en cause concernaient exclusivement les liaisons couvertes par l’ASC et non la politique générale de Qantas. En effet, comme il ressort du deuxième de ces courriels, il était question du « tarif général de marché » de Qantas. Ni l’ASC ni des liaisons qui relèveraient spécifiquement de son champ d’application géographique ne sont mentionnés.

350    Il ne saurait, pour autant, être déduit des trois courriels en cause que la requérante a participé à des contacts relatifs au refus de paiement de commissions. Il convient, en effet, de constater que la requérante et Qantas ne figurent ni parmi les expéditeurs de ces courriels, ni parmi leurs destinataires. Il s’agit d’échanges entre des tiers à ces entreprises, dont notamment des transitaires et des associations de transitaires.

351    La deuxième des trois catégories de courriels en cause comprend les quatrième à sixième courriels de la « chaîne de courriels » décrite au considérant 685 de la décision attaquée. Ces trois courriels sont datés du 21 décembre 2005. Il s’agit d’échanges par lesquels des employés de la requérante se sont transmis les trois courriels visés au point précédent. Il ressort de l’un de ces échanges que la requérante a obtenu ces courriels non par l’intermédiaire de Qantas, mais par une « voie détournée ».

352    Or, rien dans lesdits échanges ne permet de considérer avec un degré de certitude suffisant que l’intérêt que la requérante portait à la question de l’intégration de surtaxes aux tarifs de Qantas excédait le champ d’application géographique de l’ASC. D’une part, un employé de la requérante a indiqué ce qui suit : « Ceci montre que ce que vous faites dans une partie du monde a des répercussions au Royaume-Uni ». D’autre part, cet employé a indiqué que la question était susceptible de présenter un intérêt pour l’Australie, Singapour et Bangkok, c’est-à-dire des lieux au départ et à destination desquels il y avait des liaisons dont la requérante et Qantas étaient expressément convenus qu’elles relevaient de l’ASC (voir point 347 ci-dessus).

353    La dernière des trois catégories de courriels en cause comprend les deux derniers courriels de la « chaîne de courriels » visée au considérant 685 de la décision attaquée. Ces courriels, datés du 23 décembre 2005, constituent un échange entre la requérante et Qantas. Eux non plus ne permettent pas, avec un degré suffisant de certitude, de considérer que la requérante et Qantas ont échangé des informations qui excèderaient le champ d’application géographique de l’ASC. En effet, dans le premier de ces deux courriels, un employé de la requérante a transféré à un employé de Qantas les courriels précédents en affirmant qu’il s’agissait d’« un exemple de manque de communication entre les parties » (« an example of one hand not talking to the other »), pointant ainsi l’existence d’une coopération préexistante entre la requérante et Qantas, dont les considérations figurant au point précédent portent à croire qu’il s’agit de l’ASC. La réponse du même jour de l’employé de Qantas, lequel a clarifié qu’il n’était aucunement question de payer des commissions sur les surtaxes, ne permet pas de considérer le contraire.

354    Tout au plus la « chaîne de courriels » décrite au considérant 685 de la décision attaquée démontre-t-elle donc que la requérante et Qantas ont échangé au sujet des commissions sur les surtaxes dans le cadre de la mise en œuvre de l’ASC.

2)      Sur le courriel de SAC du 28 décembre 2005

355    La requérante fait valoir que le courriel de SAC du 28 décembre 2005 se borne à identifier le nombre et l’identité des autres transporteurs ayant également été contactés par DHL au sujet de son intention d’appliquer des commissions sur les surtaxes. Il ne serait pas établi que la requérante a répondu ou a envisagé de répondre à ce courriel. L’obligation de distanciation publique que la Commission semble mettre à la charge de la requérante serait injustifiée au regard de la jurisprudence.

356    La Commission répond que la nature anticoncurrentielle du courriel de SAC du 28 décembre 2005 ne fait aucun doute. En envoyant ce courriel, son expéditeur aurait de toute évidence eu pour but de s’entendre avec les autres transporteurs au sujet du paiement à DHL de commissions sur les surtaxes. En incluant la requérante parmi les destinataires dudit courriel, cet expéditeur aurait laissé entendre que la requérante était pour lui l’un des transporteurs dont il fallait connaître l’avis en vue d’adopter une position commune en violation de l’article 101 TFUE. Quant à la requérante, elle se serait gardée de se distancier dudit courriel.

357    Il convient d’observer que le courriel du 28 décembre 2005 est décrit au considérant 686 de la décision attaquée. Dans ce courriel, un employé de SAC demande à plusieurs transporteurs, dont la requérante, s’ils ont entendu parler (« wondered if you have heard ») d’un récent communiqué de DHL en Allemagne reçu par son bureau de Francfort (Allemagne) et annonçant le prélèvement futur d’une commission sur les surtaxes. L’employé de SAC ajoute que le communiqué fait référence à la résolution 805zz de l’IATA, indique ne pas être sûr de quoi il s’agit et remercie les destinataires pour leurs commentaires.

358    Rien dans le libellé dudit courriel n’invite expressément ces transporteurs à s’entendre pour refuser de payer des commissions, ni d’ailleurs à échanger des informations sur la réponse commerciale qu’ils comptaient donner audit communiqué.

359    Au vu des incertitudes qu’exprime le courriel en cause quant à la résolution 805zz de l’IATA, il est concevable que les interrogations de l’employé de SAC aient simplement porté sur l’exigibilité d’éventuelles commissions sur les surtaxes. La réaction d’un employé d’un autre transporteur audit courriel laisse à penser que tel était le cas. Dans un courriel interne du 3 janvier 2006, cet employé s’est, en effet, demandé s’il convenait de « vérifier avec le département juridique » du transporteur. Toutefois, la réponse d’un autre employé du transporteur en cause laisse entendre que le courriel de SAC pouvait aussi être compris en ce sens qu’il portait sur la réponse commerciale à apporter au communiqué de DHL. Dans un autre courriel interne du 3 janvier 2006, cet employé a, en effet, observé avoir parlé à Lufthansa, qui avait notamment indiqué qu’elle n’« accepterait pas de factures de ce type ».

360    Il s’ensuit que le courriel du 28 décembre 2005 décrit au considérant 686 de la décision attaquée ne permet pas, à lui seul, d’établir que la requérante a participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Conformément à une jurisprudence constante (voir arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée), il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, ce courriel pouvait constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir points 386 et 387 ci-après).

3)      Sur les échanges de courriels entre membres de l’IBAR

361    La requérante fait valoir qu’aucun des courriels échangés entre les membres de l’IBAR les 30 mars et 19 mai 2005 n’émane d’elle ou ne lui est adressé en tant que destinataire. Il serait vrai que le courriel interne de Swiss du 19 mai 2005 mentionne que la requérante « n’a pas pu se joindre à nous lors de cette réunion [du 12 mai 2005], mais […] est du même avis ». Toutefois, cette phrase serait équivoque et ne saurait suffire à établir la culpabilité de la requérante en l’absence d’autres éléments venant étayer sa participation à des échanges entre transporteurs concernant le refus paiement de commissions. Cette conclusion s’imposerait d’autant plus qu’il ressortirait des discussions internes à la requérante que des instructions claires avaient été données à ses employés de ne pas participer à de telles discussions.

362    La Commission conteste l’argumentation de la requérante. L’IBAR lui-même aurait reconnu dans son courriel du 30 mars 2005 que la coordination entre transporteurs devrait être secrète. Il aurait en effet invité les transporteurs à « utiliser le projet de réponse ci-dessous en faisant preuve de la plus grande prudence, chaque transporteur devant utiliser l’essence du projet et pas se contenter de le copier tel qu’il est ». Rien ne prouverait que la requérante s’en serait par la suite distanciée publiquement. Quant au courriel interne de Swiss du 19 mai 2005, il tendrait à confirmer que la requérante a communiqué son avis quant au refus de paiement de commissions à l’IBAR ou à une concurrente en sachant qu’il serait transmis aux transporteurs présents lors de la réunion du 12 mai 2005. Si la requérante ne souhaitait pas se coordonner avec eux, ils n’auraient pas été en mesure d’être informés de l’« avis » de la requérante.

363    À cet égard, il convient de constater que le présent grief porte sur deux échanges de courriels entre l’IBAR et ses membres, auxquels la Commission s’est référée aux considérants 694 et 695 de la décision attaquée.

364    Premièrement, au considérant 694 de la décision attaquée, la Commission s’est appuyée sur un courriel du 30 mars 2005, par lequel l’IBAR a, tout en qualifiant le sujet de « très délicat », transmis à la requérante et à d’autres transporteurs un projet de réponse à une lettre de l’association des transitaires italienne (ANAMA) concernant le paiement d’une commission sur les surtaxes. Ce projet, qui indique que le paiement d’une commission est dépourvu de fondement juridique et contrevient à une pratique commerciale et contractuelle établie, est accompagné d’une invitation à l’utiliser « en faisant preuve de la plus grande prudence, chaque transporteur devant utiliser l’essence du projet et pas se contenter de le copier tel qu’il est ».

365    Il convient de constater que le courriel en cause visait à inciter les transporteurs qui en étaient les destinataires, dont la requérante, à adopter, dans le cadre de leurs réponses à l’ANAMA, un argumentaire commun au sujet des commissions sur les surtaxes et plus particulièrement de leur exigibilité. Toutefois, si l’insistance sur le caractère « très délicat » du sujet et l’invitation à utiliser l’argumentaire proposé « en faisant preuve de la plus grande prudence » et à ne « pas se contenter de le copier tel qu’il est » peuvent susciter des doutes quant au contexte dans lequel s’inscrivait la démarche de l’IBAR, ce courriel ne permet pas, en lui-même, d’établir que ces transporteurs se sont entendus pour refuser de payer aux transitaires des commissions sur les surtaxes. Or, comme il ressort des considérants 675, 676, 726 et 738 de la décision attaquée, c’est précisément une telle concertation que la Commission reproche aux transporteurs incriminés et non l’adoption d’un argumentaire commun ou l’envoi coordonné de ce dernier à une association de transitaires.

366    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le courriel du 30 mars 2005 n’est pas de nature à étayer, à lui seul, la conclusion de la Commission selon laquelle la requérante a participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Conformément à la jurisprudence citée au point 360 ci-dessus, il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, ce courriel pouvait constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir points 386 et 387 ci-après).

367    Deuxièmement, au considérant 695 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à un courriel interne de Swiss du 19 mai 2005. Dans ce courriel, il est indiqué ce qui suit : « Le 12 mai [2005], les transporteurs suivants ont décidé de se réunir chez [Lufthansa] Cargo en Italie : […], [Lufthansa], [Swiss], [AF], [KLM], [Cargolux] et [JAL] (plus de 50 % du marché). Nous avons tous confirmé notre volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS. [La requérante] n’a pu se joindre à nous lors de cette réunion, mais elle est du même avis… ».

368    Il y a lieu d’observer qu’il ne s’agit pas là d’une preuve directe de la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Il s’agit au contraire de propos à ce sujet que le responsable local italien d’un autre transporteur incriminé a attribués à la requérante.

369    Or, d’une part, ces propos sont décrits d’une manière qui n’est ni précise, ni détaillée. L’expéditeur du courriel en cause n’explique pas les motifs pour lesquels la requérante n’a pas pu participer à la réunion du 12 mai 2005. Il n’explique pas davantage d’où il tient ses informations quant à l’avis de la requérante. De telles circonstances sont susceptibles d’inspirer une certaine circonspection à l’égard des conclusions que la Commission entend tirer dudit courriel. D’autre part, la Commission n’a pas apporté d’élément de preuve contemporain qui serait de nature à corroborer ces conclusions. Il ne ressort, en effet, aucunement des considérants 696 à 698 de la décision attaquée que la requérante aurait participé aux contacts qui sont ultérieurement intervenus en Italie au sujet du refus de paiement de commissions.

370    Dans ces conditions, le courriel interne de Swiss du 19 mai 2005 ne peut se voir accorder qu’une valeur probante faible. Conformément à la jurisprudence citée au point 360 ci-dessus, il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, ce courriel pouvait constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir points 386 et 387 ci-après).

4)      Sur les échanges de courriels entre des membres de l’ACCS

371    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur en retenant à sa charge les deux courriels du président de l’ACCS des 5 et 13 juin 2005. Ces courriels ne revêtiraient pas de caractère anticoncurrentiel et n’auraient donc appelé aucune distanciation publique de la part de la requérante. Par ailleurs, il n’y aurait dans la décision attaquée aucun élément attestant de la tenue de la réunion du 17 juin 2005 mentionnée dans le courriel visé au considérant 693 de la décision attaquée.

372    La Commission rétorque que le courriel du 5 juin 2005 constituait le point de départ d’un cycle de coordination anticoncurrentielle, dont la requérante aurait été tenue de se distancier publiquement. Elle ne se serait cependant distanciée ni de ce courriel ni de celui du 13 juin 2005. Dans la mesure où elle soutiendrait qu’elle n’était pas tenue de se distancier de ces courriels, la requérante ignorerait la nature et la finalité évidentes de la réunion proposée, qui aurait visé à ce que les transporteurs s’entendent sur une approche commune pour répondre aux demandes de commissions des membres de Spedlogswiss.

373    En toute hypothèse, la requérante aurait répondu au courriel du 5 juin 2005. Par courriel du 9 juin 2005, elle aurait activement fait part de sa volonté de participer à la réunion proposée, indiqué souhaiter au préalable « partager quelques info[rmations] » quant aux efforts des associations de transitaires pour demander des commissions au nom de leurs membres et entendu soumettre à ses concurrents des propositions quant aux mesures sur lesquelles il convenait de s’accorder. La requérante aurait ainsi veillé à assurer que tous les transporteurs suivraient une politique commune consistant à ne s’engager individuellement dans aucune discussion ou négociation bilatérale avec Spedlogswiss.

374    À cet égard, il convient de relever que les courriels litigieux sont décrits aux considérants 692 et 693 de la décision attaquée.

375    Premièrement, au considérant 692 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à un courriel du 5 juin 2005 envoyé par le président de l’ACCS à plusieurs transporteurs, dont la requérante, afin de leur proposer d’assister à une réunion le 17 juin suivant en vue de discuter de manière informelle de la lettre envoyée par l’association des transitaires suisse (Spedlogswiss) le 30 mai précédent à la plupart d’entre eux. Dans sa réponse audit courriel, un prestataire de services dénommé ATC Aviation Services a demandé au président de l’ACCS si cette dernière répondrait à Spedlogswiss ou si les différents transporteurs devaient répondre individuellement. Il ressort du considérant 692 de la décision attaquée que les destinataires de ce courriel étaient partagés à ce sujet. Plusieurs transporteurs se sont ainsi prononcés en faveur d’une réponse commune de l’ACCS, tandis que le président de cette dernière a indiqué que les autorités de concurrence risquaient d’y voir une discussion sur les prix.

376    Deuxièmement, au considérant 693 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’un courriel du président de l’ACCS du 13 juin 2005. Ce courriel fait une nouvelle fois référence à la réunion prévue pour le 17 juin 2005 et inclut également un projet de réponse commune à Spedlogswiss, soumis aux transporteurs pour accord ou pour commentaires. Ce projet se limite, cependant, à indiquer qu’il a été demandé à l’ACCS de répondre à Spedlogswiss au nom de ses membres et que, au regard de la résolution 805zz de l’IATA, « Spedlogswiss en tant qu’association ne peut pas être utilisée comme une plateforme pour imposer multilatéralement des affaires de nature commerciale. »

377    Il en ressort que les échanges dont se prévaut la Commission aux considérants 692 et 693 de la décision attaquée concernaient l’appréciation du bien-fondé de la position d’une association de transitaires au regard de la résolution 805zz de l’IATA. Rien dans ces échanges ne permet d’établir que ces transporteurs se sont entendus pour refuser de payer des commissions sur les surtaxes aux transitaires. Or, comme il a été indiqué au point 365 ci-dessus, c’est précisément une telle concertation et non l’adoption d’une position juridique commune ou l’envoi coordonné de cette dernière à une association de transitaires que la Commission reproche aux transporteurs incriminés.

378    Il est vrai que, à la fin du courriel du président de l’ACCS du 13 juin 2005, il est également indiqué ce qui suit :

« ultérieurement, vous pourriez toujours être contactés directement de nouveau sur une base bilatérale. Il est dès lors toujours nécessaire de discuter de nos futures démarches comme nous l’avons prévu lors de notre réunion du 17 juin 2005. »

379    Il y a, cependant, lieu d’observer que la Commission est restée en défaut d’apporter le moindre élément tendant à démontrer qu’il était raisonnablement prévisible que ces « futures démarches » pourraient inclure un éventuel refus concerté de payer des commissions sur les surtaxes.

380    Il est également vrai que, comme le relève la Commission, la requérante a, dans un courriel du 9 juin 2005, répondu au courriel du 5 juin précédent qu’elle souhaitait « partager quelques informations » avec ses concurrents.

381    Il y a, cependant, lieu de rappeler que, en vertu de l’article 263 TFUE, le Tribunal doit se limiter à un contrôle de légalité de la décision attaquée sur la base des motifs contenus dans cette dernière (voir arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 43 et jurisprudence citée). La participation d’une entreprise à une infraction aux règles de concurrence doit ainsi être appréciée en fonction des seuls éléments de preuve réunis par la Commission dans cette décision. La seule question pertinente est donc celle de savoir si la preuve de cette participation est ou non rapportée au vu desdits éléments de preuve (arrêts du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 726, et du 12 juillet 2018, The Goldman Sachs Group/Commission, T‑419/14, EU:T:2018:445, point 85).

382    Or, comme elle l’a admis dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la Commission ne s’est pas appuyée sur le courriel du 9 juin 2005 dans la décision attaquée.

383    Contrairement à ce qu’a soutenu la Commission en réponse à ces mesures d’organisation de la procédure, il ne saurait être considéré qu’elle s’est contentée d’invoquer ce courriel pour répondre à l’argumentation que la requérante a avancée dans la requête. Cette argumentation est celle selon laquelle il n’y avait, dans les courriels décrits aux considérants 692 et 693 de la décision attaquée, rien dont la requérante aurait dû se distancier. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 334 ci-dessus, c’est à la Commission qu’il incombait de prouver, dans la décision attaquée, que la requérante devait publiquement se distancier de ces courriels. La Commission ne pouvait, sans renverser la charge de la preuve, le faire pour la première fois dans ses écritures devant le Tribunal.

384    En tout état de cause, il convient d’observer que les « informations » dont il est question dans le courriel du 9 juin 2005 se rapportaient, encore une fois, à l’analyse juridique de la position des transitaires et à l’approche à adopter pour la communiquer à Spedlogswiss. Contrairement à ce que soutient la Commission, rien dans ce courriel ne permet de considérer que la requérante entendait « veiller à ce que tous les transporteurs suivent une politique commune consistant à ne s’engager individuellement dans aucune discussion ou négociation bilatérale avec Spedlogswiss ». Dans ce courriel, la requérante s’est en effet contentée d’indiquer qu’elle souhaitait que les membres de l’ACCS s’accordent pour répondre à Spedlogswiss qu’il n’était pas « correct » pour cette dernière de s’adresser aux transporteurs de manière individuelle plutôt qu’à l’ACCS et que tout « accord ou discussion bilatéral ne pouvait se faire qu’entre transporteurs et transitaires individuels ».

385    Tout au plus les contacts visés aux considérants 692 et 693 de la décision attaquée démontrent-ils donc que les membres de l’ACCS ont échangé au sujet du bien-fondé de la position d’une association de transitaires au regard de la résolution 805zz de l’IATA.

b)      Appréciation globale du faisceau d’indices      

386    Il ressort de ce qui précède que, parmi les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée au considérant 743 de la décision attaquée, seuls trois étaient de nature à étayer la conclusion de la Commission selon laquelle la requérante a participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Il s’agit du courriel de SAC du 28 décembre 2005 décrit au considérant 686 de la décision attaquée, du courriel de l’IBAR du 30 mars 2005 et du courriel interne de Swiss du 19 mai 2005 visés, respectivement, aux considérants 694 et 695 de la même décision. Or, au vu de l’ambiguïté des échanges décrits aux deux premiers et de la faible valeur probante du courriel visé au troisième et en l’absence d’autres éléments probants, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas fait état d’un faisceau d’indices suffisant pour établir la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions.

387    Le présent moyen doit donc être accueilli et l’article 1er, paragraphe 1, sous e), paragraphe 2, sous e), et paragraphe 3, sous e), de la décision attaquée annulé en tant que la Commission a tenu la requérante pour responsable de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Quant à l’article 1er, paragraphe 4, sous e), il doit être annulé dans son intégralité.

8.      Sur le septième moyen, tiré d’erreurs dans la détermination de la valeur des ventes

388    Le présent moyen, par lequel la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs dans la détermination de la valeur des ventes, s’articule en deux branches. Elles sont prises, la première, d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 tenant à la détermination de la valeur des ventes par référence au chiffre d’affaires généré par la vente de services de fret en général plutôt que par référence aux revenus spécifiques tirés de la STC et de la STS, auxquelles l’infraction unique et continue était liée, et, la seconde, de l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes.

a)      Sur la première branche, prise d’erreurs tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes de la totalité des recettes générées par la vente de services

389    La requérante fait valoir que la Commission a violé le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 en déterminant la valeur des ventes par référence au chiffre d’affaires généré par la vente de services de fret en général plutôt que par référence aux revenus spécifiques tirés de la STC et de la STS, qui seules étaient concernées par l’infraction unique et continue. En procédant de la sorte, la Commission aurait inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires résultant des tarifs, qui n’aurait pourtant présenté aucun lien avec l’infraction unique et continue et ne relèverait donc pas du champ de cette dernière.

390    L’arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission (T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91), n’appuierait pas le raisonnement de la Commission. En effet, dans cet arrêt, il aurait été question de l’inclusion dans la valeur des ventes d’un coût de production. Or, ce coût aurait relevé du chiffre d’affaires couvert par l’entente litigieuse. À l’inverse, dans la présente affaire, le chiffre d’affaires résultant des tarifs ne relèverait pas de l’infraction unique et continue.

391    Au stade de la réplique, la requérante ajoute qu’il n’est pas cohérent que la Commission puisse, d’un côté, exclure les tarifs de son enquête pour insuffisance de preuves et, de l’autre, infliger des amendes comme si l’infraction avait également porté sur de tels tarifs.

392    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

393    Il y a lieu de rappeler que la notion de valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, reflète le prix hors taxes facturé au client pour le bien ou service qui a fait l’objet de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91, et du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 176 et jurisprudence citée). Eu égard à l’objectif poursuivi par ledit paragraphe, repris au paragraphe 6 des mêmes lignes directrices, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci, la notion de valeur des ventes doit ainsi être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction (voir arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, point 65 et jurisprudence citée).

394    La Commission peut donc utiliser pour déterminer la valeur des ventes le prix total que l’entreprise a facturé à ses clients sur le marché de biens ou de services concerné, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les différents éléments de ce prix selon qu’ils ont ou non fait l’objet d’une coordination (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, points 66 et 67).

395    Or, comme le relève en substance la Commission, la STC et la STS ne sont pas des biens ou des services distincts pouvant faire l’objet d’une infraction aux articles 101 ou 102 TFUE. Au contraire, ainsi qu’il ressort des considérants 17, 108 et 1187 de la décision attaquée, la STC et la STS ne sont que deux éléments du prix des services en cause.

396    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne s’opposait pas à ce que la Commission tienne compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans le diviser en ses éléments constitutifs.

397    Au surplus, il convient d’observer que l’approche préconisée par la requérante revient à considérer que les éléments du prix qui n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés doivent être exclus de la valeur des ventes.

398    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune raison valable d’exclure de la valeur des ventes les intrants dont le coût échappe au contrôle des parties à l’infraction alléguée (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91). Contrairement à ce que soutient la requérante, il en va de même des éléments de prix qui, tels les tarifs, n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination, mais font partie intégrante du prix de vente du produit ou service en cause (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 5030).

399    En juger autrement aurait pour conséquence d’imposer à la Commission de ne pas prendre en compte le chiffre d’affaires brut dans certains cas, mais de le prendre en considération dans d’autres cas, en fonction d’un seuil qui serait difficile à appliquer et ouvrirait la porte à des litiges sans fin et insolubles, y compris à des allégations de discrimination (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 53).

400    La requérante ne saurait pas non plus soutenir que la Commission l’a sanctionnée comme si l’entente litigieuse avait également porté sur les tarifs. En effet, selon la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006, la nature de l’infraction est prise en compte à un stade ultérieur du calcul de l’amende, lors de la détermination du coefficient de gravité, qui, en application du paragraphe 20 de ces lignes directrices, est apprécié au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, points 296 et 297).

401    C’est donc sans commettre d’erreur ni se contredire que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services de fret, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.

402    La présente branche doit donc être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, prise d’une erreur tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes

403    La requérante soutient que, à défaut de compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes, la Commission ne pouvait inclure le chiffre d’affaires réalisé sur ces liaisons dans la valeur des ventes.

404    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

405    Il y a lieu d’observer que la présente branche procède de la prémisse selon laquelle la Commission n’était pas compétente pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes. Or, il ressort des points 77 à 175 ci-dessus que cette prémisse est erronée.

406    La présente branche doit donc être rejetée, de même que le septième moyen dans son ensemble.

9.      Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs commises par la Commission dans le calcul de la réduction octroyée à la requérante en vertu du programme de clémence

407    Dans le cadre du huitième moyen, premièrement, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que sa demande de clémence du 27 février 2006 ne revêtait pas de « valeur ajoutée significative » au motif qu’elle corroborait des informations que la Commission avait déjà reçues de Lufthansa.

408    Deuxièmement, la requérante avance qu’elle a produit de nouveaux éléments prouvant l’existence d’accords impliquant plusieurs autres transporteurs, qui ont été utilisés par la Commission dans la décision attaquée, mais dont celle-ci cherche à minimiser l’importance en affirmant, de manière erronée, qu’ils étaient déjà publics.

409    Troisièmement, la requérante indique avoir produit des éléments de preuve qui ont, à tout le moins, permis de prouver l’étendue et la durée de l’infraction constatée.

410    Quatrièmement, la requérante fait valoir qu’est à la fois erronée et non pertinente l’appréciation de la Commission selon laquelle ses déclarations faites dans le cadre de sa demande de clémence étaient évasives ou peu claires.

411    Cinquièmement, la requérante soutient qu’elle a bénéficié d’un traitement inéquitable par rapport aux autres demandeurs de clémence, qui ont bénéficié de réductions plus importantes, alors que certains faisaient l’objet des mêmes critiques qu’elle dans la décision attaquée s’agissant de la valeur probante de leur déclaration, et d’autres, à l’instar d’Air Canada, avaient fait montre d’une attitude non coopérative.

412    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

413    En vertu du paragraphe 20 de la communication sur la clémence de 2002, « [l]es entreprises qui ne remplissent pas les conditions [pour obtenir une immunité d’amende] peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée ».

414    Le paragraphe 21 de la communication sur la clémence de 2002 dispose que, « afin de pouvoir prétendre à une [réduction d’amende au titre du paragraphe 20 de ladite communication], une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ».

415    Le paragraphe 22 de la communication sur la clémence de 2002 définit la notion de valeur ajoutée comme suit :

« La notion de “valeur ajoutée” vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question. Lors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que [celle d]es éléments de preuve établis ultérieurement. De même, les éléments de preuve se rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers. »

416    Il est prévu au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002, trois fourchettes de réduction d’amende. La première entreprise à remplir la condition énoncée au paragraphe 21 de ladite communication est en droit d’obtenir une réduction du montant d’amende comprise entre 30 et 50 %, la deuxième entreprise, une réduction du montant d’amende comprise entre 20 et 30 % et, les entreprises suivantes, une réduction du montant d’amende maximale de 20 %.

417    La Commission jouit d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (arrêts du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, EU:C:2007:277, point 88, et du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, point 177).

418    Par ailleurs, le fait que la Commission exploite l’ensemble des éléments de preuve dont elle dispose, et donc également les informations communiquées par la partie requérante dans sa demande de clémence, ne démontre pas pour autant que ces informations présentaient une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve dont elle disposait déjà (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2011, ThyssenKrupp Liften Ascenseurs/Commission, T‑144/07, T‑147/07 à T‑150/07 et T‑154/07, EU:T:2011:364, point 398).

419    Enfin, une déclaration se limitant à corroborer, dans une certaine mesure, une déclaration dont la Commission disposait déjà ne facilite pas la tâche de la Commission de manière significative (voir arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, EU:T:2011:217, point 343 et jurisprudence citée).

420    Aux considérants 1363 à 1371 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les éléments fournis par la requérante à l’occasion du dépôt de sa demande de clémence, le 27 février 2006, ne présentaient pas une « valeur ajoutée significative », faisant ainsi échec à ce qu’elle soit considérée comme la première entreprise à remplir la condition énoncée au paragraphe 21 de la communication sur la clémence de 2002. Ce n’est qu’à un stade plus avancé de la procédure administrative que la Commission a considéré, sur la base d’éléments de preuve déposés postérieurement par la requérante, que cette dernière était la neuvième entreprise à satisfaire la condition énoncée au paragraphe 21 de cette communication (voir considérant 1381 de la décision attaquée).

421    Ainsi, la Commission a relevé, au considérant 1364 de la décision attaquée, que les éléments fournis par la requérante le 27 février 2006 étaient « composé[s] de nombreux documents déjà connus de la Commission suite aux inspections, de quelques nouveaux documents de valeur limitée pour la Commission, et d’une déclaration de l’entreprise qui reste évasive et peu claire quant à l’entente et la participation de [la requérante] à cette entente ».

422    La Commission en a conclu, au considérant 1365 de la décision attaquée, qu’ils « n’apport[aient] donc pas une valeur ajoutée significative du fait que ni la demande de clémence ni les documents soumis le 27 février 2006 ne fourniss[ai]ent à la Commission d’importants éléments de preuve supplémentaires de l’infraction alléguée ».

423    Premièrement, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas exclu que les éléments soumis par la requérante le 27 février 2006 présentent une « valeur ajoutée significative » au seul motif qu’ils ne faisaient que corroborer des informations déjà en sa possession. Ainsi, la Commission a notamment constaté que de nombreux documents soumis par la requérante étaient déjà en sa possession, en particulier parce qu’ils avaient été découverts lors de l’inspection menée dans ses locaux (considérant 1370 de la décision attaquée). La Commission a également indiqué que certains documents communiqués par la requérante n’avaient pas de lien avec l’infraction unique et continue (considérants 1367 et 1370 de cette décision) ou qu’ils n’étayaient pas l’existence de cette dernière (considérant 1367 de ladite décision).

424    Deuxièmement, s’agissant des éléments produits par la requérante et censés, selon elle, prouver l’existence des accords visés au point 408 ci-dessus, ils se composent [confidentiel] (2). Ces derniers ont été utilisés par la Commission [confidentiel]. La Commission a toutefois indiqué au considérant 1370 de la décision attaquée, [confidentiel], et sans être contredite par la requérante, qu’elle avait déjà connaissance de ce contact [confidentiel].

425    Troisièmement, s’agissant des éléments de preuve qui, selon la requérante, auraient permis d’élargir l’étendue et la durée de l’infraction unique et continue, ceux-ci se composent [confidentiel]. Ces éléments ont été utilisés [confidentiel].

426    Le considérant 126 de la décision attaquée se lit ainsi :

[confidentiel]

427    Or, il ressort des considérants 124 et 125 de la décision attaquée que la Commission disposait déjà, [confidentiel], d’informations sur les contacts [confidentiel].

428    En outre, il ressort du considérant 193 de la décision attaquée que la Commission disposait déjà, grâce aux documents obtenus à l’occasion de l’inspection menée dans les locaux de la requérante, d’éléments de preuve [confidentiel].

429    Ainsi, figure dans un courriel interne [confidentiel].

430    Concernant ensuite le considérant 336 de la décision attaquée, ce dernier se lit ainsi :

[confidentiel]

431    Les déclarations de la requérante, telles que résumées au considérant 336 de la décision attaquée, corroborent les informations fournies à cet égard par Lufthansa à l’occasion de sa demande de clémence et résumées aux considérants 124 et 125 de la décision attaquée. [confidentiel]. Il y a lieu néanmoins de relever que les éléments de preuve fournis par la requérante et résumés au considérant 336 consistaient, soit en des déclarations faites postérieurement aux faits litigieux dans le cadre de la procédure ouverte par la Commission, soit en des preuves indirectes [confidentiel].

432    Quatrièmement, s’agissant de l’appréciation faite par la Commission de [confidentiel], selon laquelle celle-ci serait « évasive et peu claire quant à l’entente [litigieuse] et à la participation de [la requérante] à cette entente » (considérant 1364 de la décision attaquée), il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas qu’elle n’a pas expressément admis, [confidentiel], le caractère anticoncurrentiel de ses échanges avec Lufthansa relatifs à la STC. Or, le fait qu’elle ne reconnaisse pas sa participation à un comportement anticoncurrentiel n’est pas dénué de pertinence lorsqu’il s’agit d’apprécier la valeur ajoutée de sa déclaration orale.

433    Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant, au regard des éléments déjà à sa disposition et du contenu de la demande de clémence de la requérante du 27 février 2006, que cette dernière n’apportait pas de valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la clémence de 2002.

434    Quant au grief pris d’une inégalité de traitement par rapport aux autres demandeurs de clémence, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante vise Martinair, Japan Airlines, CPA, Cargolux et Air Canada.

435    À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par l’article 20 de la Charte. Il ressort d’une jurisprudence constante que ledit principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51 et jurisprudence citée).

436    La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées soient comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (voir arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, point 202 et jurisprudence citée).

437    Or, il ressort de la décision attaquée qu’aucun des transporteurs cités n’est dans une situation comparable à celle de la requérante. Pour ce qui est de Martinair, Japan Airlines, CPA et Cargolux, la décision attaquée indique, en effet, ce qui suit :

–        « aucun des documents présentés par [Martinair] n’étaient auparavant en possession de la Commission [ ; l]a déclaration est de nature autoaccusatrice » (considérant 1307) ;

–        « [d]ans ces dépositions du 10 mars 2006, [Japan Airlines] a fourni des preuves de contacts entre concurrents concernant la STC [ ; Japan Airlines] a notamment fourni des preuves de contacts jusque-là ignorés de la Commission, au sein de 1’alliance WOW, de coordination des prix pour des produits spécifiques, de concertation sur la STC au niveau des administrations centrales européennes et de coordination par d’autres transporteurs [ ; e]lle a également corroboré certaines informations qui étaient déjà en possession de la Commission, soit suite aux inspections, soit parce qu’elles avaient été fournies par le demandeur d’immunité » (considérant 1315) ;

–        « [CPA] a fourni des informations autoaccusatrices qui ont permis d’établir sa présence à un certain nombre de réunions et d’échanges [ ; CPA] a apporté des preuves d’entente sur le niveau de la STC [dans de nombreux pays], s’incriminant elle-même et incriminant de nombreux autres transporteurs [ ; CPA] a déposé des documents qui montrent les pressions exercées par elle sur des transporteurs nationaux dans bon nombre de pays » (considérant 1335) ;

–        « [Cargolux] a apporté des éléments de preuve qui l’auto-incriminent, qui ont aidé la Commission à déterminer l’ampleur de son implication. […] [Cargolux] a fourni de nouvelles informations sur l’implication d’autres transporteurs dans l’infraction unique et continue, en particulier à propos du paiement de commissions sur les surtaxes » (considérant 1359).

438    Pour ce qui est d’Air Canada, il ressort de la décision attaquée qu’il n’a pas été fait droit à sa demande de retrait de sa demande de clémence et que les démarches entreprises par elle au stade de la procédure d’adoption de la décision attaquée n’étaient pas de nature, selon la Commission, à remettre en cause la coopération constatée dans le cadre de la procédure d’adoption de la décision du 9 novembre 2010. Au demeurant, la requérante est en défaut d’expliquer en quoi sa propre situation, caractérisée par le rejet de sa première demande de clémence en raison d’une absence de valeur ajoutée significative, est semblable à celle d’Air Canada, qui aurait prétendument violé son obligation de coopération au titre de la communication sur la clémence de 2002.

439    Partant, le présent grief doit être rejeté, de même que le huitième moyen dans son ensemble.

10.    Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur dans l’appréciation de la date du début de l’infraction

440    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas apporté la preuve que sa participation à l’entente litigieuse a débuté le 22 janvier 2001 plutôt qu’en octobre 2001. Le seul élément sur lequel la Commission se serait fondée pour fixer la date de début de la participation de la requérante au 22 janvier 2001 serait le mémorandum interne de Martinair visé au considérant 174 de la décision attaquée (ci‑après le « mémorandum de Martinair »). Or, premièrement, le contexte dans lequel s’insèrerait le mémorandum de Martinair rendrait improbable l’interprétation de la Commission selon laquelle il exposerait des positions futures collectives sur la STC. Aucun élément intervenu entre le 22 janvier et octobre 2001 ne prouverait une quelconque communication impliquant la requérante relativement à la STC. À l’inverse, il y aurait eu à cette époque une multiplicité de communications entre d’autres transporteurs concernant la STC et dans lesquelles la requérante n’aurait été ni impliquée, ni mentionnée.

441    Deuxièmement, en tant qu’auteur d’une demande de clémence, la requérante n’aurait eu aucune raison de minimiser la durée de sa participation à l’infraction unique et continue.

442    Troisièmement, la Commission admettrait que la participation de la requérante à des tables rondes en 2000 n’est pas suffisante pour déterminer la date de début de sa participation à l’infraction unique et continue. La Commission n’expliquerait, cependant, pas pourquoi elle distingue ces tables rondes de la « réunion amicale » du 22 janvier 2001.

443    Quatrièmement, la requérante admet que le mémorandum de Martinair appelle une explication de sa part. Tout d’abord, la Commission aurait implicitement, mais clairement, accepté que le mémorandum de Martinair n’était pas un élément de preuve concluant, puisque de multiples transporteurs qui n’ont pas reçu la communication des griefs ont également participé à la réunion du 22 janvier 2001. Sauf à violer le principe d’égalité de traitement, la Commission ne pourrait donc pas utiliser ce seul mémorandum pour fixer la date de début de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue. Ensuite, le mémorandum de Martinair présenterait la requérante de façon sensiblement différente par rapport aux autres transporteurs (notamment par la mise entre parenthèses de son nom). Une explication plus plausible que celle de la Commission serait que la position de la requérante n’a été citée qu’à titre comparatif dans ledit mémorandum. Enfin, il n’y aurait pas d’éléments prouvant que la requérante a entrepris une action concertée concernant la STC après la réunion du 22 janvier 2001. Par ailleurs, les tarifs de fret auraient également été discutés lors de cette réunion. La décision attaquée exclurait pourtant spécifiquement ces tarifs du périmètre de l’infraction unique et continue.

444    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

445    Il y a lieu de relever que, au considérant 1148 de la décision attaquée, la Commission a retenu que la participation de la requérante à l’infraction unique et continue avait débuté le 22 janvier 2001, lorsqu’a eu lieu une « réunion amicale ». Le contenu de cette réunion est consigné dans le mémorandum de Martinair. Comme l’a constaté la Commission au considérant 174 de la décision attaquée, il ressort de ce mémorandum que plusieurs transporteurs, dont la requérante, ont participé à ladite réunion. Ainsi que le relève la Commission, la requérante ne le conteste aucunement. Il ressort également du mémorandum de Martinair que la STC a fait l’objet de discussions lors de ladite réunion, ce que la requérante ne conteste pas non plus.

446    Les critiques de la requérante portent sur la valeur probante du mémorandum de Martinair, qu’elle qualifie d’« obscur », et sur la nature des discussions relatives à la STC qui se sont tenues lors de la « réunion amicale » du 22 janvier 2001. Ce mémorandum ne démontrerait ni que les participants à ladite réunion ont « expos[é] des positions collectives futures concernant la STC » ni que la requérante a pris position quant à ses intentions futures.

447    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la divulgation d’informations commerciales sensibles à une ou plusieurs entreprises concurrentes a un effet anticoncurrentiel en ce que l’autonomie de comportement sur le marché des entreprises en cause s’en trouve modifiée. La Commission n’est pas tenue de prouver les effets anticoncurrentiels de telles pratiques sur le marché en cause si elles sont concrètement aptes, compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elles s’inscrivent, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, point 78).

448    Il ressort de la jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire que la divulgation d’informations commerciales sensibles revête un caractère réciproque pour être qualifiée d’anticoncurrentielle (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Comap/Commission, T‑377/06, EU:T:2011:108, point 70 et jurisprudence citée).

449    Il ressort également de la jurisprudence que, lorsqu’il est établi qu’une entreprise a participé à des réunions entre entreprises concurrentes ayant un caractère anticoncurrentiel, il lui incombe d’avancer des indices de nature à établir que sa participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir arrêt du 3 mai 2012, Comap/Commission, C‑290/11 P, non publié, EU:C:2012:271, point 74 et jurisprudence citée).

450    Afin que la participation d’une entreprise à une telle réunion ne puisse pas être considérée comme l’approbation tacite d’une initiative illicite ni comme une souscription à son résultat, il faut qu’elle se distancie publiquement de cette initiative de manière à ce que les autres participants considèrent qu’elle met fin à sa participation, ou bien qu’elle la dénonce aux entités administratives (voir arrêt du 3 mai 2012, Comap/Commission, C‑290/11 P, non publié, EU:C:2012:271, point 75 et jurisprudence citée).

451    En l’espèce, il y a lieu d’observer que le mémorandum de Martinair comporte, dans sa description des propos échangés lors de la « réunion amicale » du 22 janvier 2001, le passage suivant :

« [STC]

Comme il ressort de la presse spécialisée [Lufthansa] va baisser à partir du 1er février la [STC] de 0,17 à 0,10 euros. Déclaration de Lufthansa quand l’indice augmentera 2 fois de suite de nouveau à 170 0,17 euros seront de nouveau facturés.

Les [transporteurs] suivant[s] resteront à 0,17 euros : [Cargolux], [Swiss], [un autre transporteur], KL[M] ([la requérante] 0,15 euros). »

452    Contrairement à ce que soutient la requérante, il en ressort sans ambiguïté aucune que plusieurs transporteurs ont, lors de la « réunion amicale » du 22 janvier 2001, évoqué leur intention de modifier ou non le montant de la STC. La Commission était donc fondée à conclure au caractère anticoncurrentiel de cette réunion.

453    La requérante n’ayant pas soutenu s’être publiquement distanciée de ces discussions, il y a lieu de considérer que la Commission pouvait, conformément à la jurisprudence citée aux points 447 à 450 ci-dessus, s’appuyer sur le mémorandum de Martinair pour fixer la date de début de la participation à l’infraction unique et continue de la requérante, la question de savoir si elle a elle-même fait part aux autres participants à cette réunion de son intention de modifier ou non le niveau de la STC étant indifférente à cet égard.

454    En tout état de cause, il y a lieu d’ajouter que c’est à juste titre que la Commission a déduit du mémorandum de Martinair que la requérante a elle-même fait part aux autres participants à cette réunion de son intention de laisser inchangé le niveau de sa STC. Contrairement à ce que soutient la requérante, l’utilisation de parenthèses autour de son nom dans le passage en cause ne permet pas de conclure le contraire. La seule lecture plausible dudit passage est que l’utilisation de ces parenthèses visait simplement à indiquer que, à la différence de Cargolux, Swiss, KLM et de l’autre transporteur en cause, qui comptaient maintenir le niveau de leur STC à 0,17 euros, la requérante comptait maintenir le sien à 0,15 euros.

455    La circonstance que le niveau de la STC de la requérante serait demeuré inchangé entre le 18 septembre 2000 et novembre 2001 et que la Commission n’a retenu contre la requérante aucun contact entre le 22 janvier 2001 et octobre 2001 ne contredit en rien cette interprétation, mais s’explique par le fonctionnement de l’entente litigieuse. Au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a souligné que la « fréquence des contacts entre les transporteurs a[vait] vari[é] dans le temps ». Elle a constaté que les contacts relatifs à la STC étaient « particulièrement fréquents lorsque les indices du carburant approchaient un niveau susceptible de déclencher une augmentation ou une diminution, mais [pouvaient] avoir été moins fréquents à d’autres moments ».

456    Or, une fois la STC instaurée au début de l’année 2000, ce n’est, comme il ressort des considérants 157 à 165 de la décision attaquée, qu’en été 2000 que le prix du carburant a connu une hausse suffisante pour inciter les transporteurs à entamer, en septembre et octobre de la même année, des discussions sur l’augmentation de la STC ou l’instauration de celle-ci, dans le cas des transporteurs qui ne l’avaient pas encore fait. Les éléments de preuve décrits auxdits considérants ne font cependant état que de contacts peu nombreux et dont une proportion significative revêtait une forme bilatérale.

457    Ce n’est, comme il ressort des considérants 166 à 183 de la décision attaquée, que lorsque Lufthansa a annoncé une réduction de la STC au début de l’année 2001 que se sont engagés des contacts plus fréquents et multilatéraux entre transporteurs incriminés au sujet de la STC. C’est dans ce cadre des discussions à l’occasion desquelles des transporteurs ont débattu de la question de savoir s’ils allaient suivre cette baisse que s’inscrit la « réunion amicale » du 22 janvier 2001.

458    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du considérant 184 de la même décision, les contacts au sujet de la STC ont repris à l’automne 2001, lorsque le prix du carburant a connu une nouvelle baisse. La requérante ne conteste pas avoir pris part à certains de ces contacts.

459    Dans ces conditions, les éventuelles incitations de la requérante à minimiser la durée de sa participation à l’infraction unique et continue sont dépourvues de pertinence aux fins de l’examen du présent moyen.

460    C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a fixé la date du début de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue au 22 janvier 2001.

461    Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à infirmer cette conclusion.

462    Premièrement, la circonstance que la « réunion amicale » du 22 janvier 2001 ait également porté sur les tarifs et que ces derniers n’ont pas été inclus dans le périmètre de l’infraction unique et continue n’enlève rien à la valeur probante du mémorandum de Martinair ni n’entache l’approche de la Commission d’incohérence. Il convient, en effet, d’observer que la Commission s’est fondée, non sur le seul mémorandum de Martinair, mais sur un faisceau d’indices pour conclure à l’existence de l’infraction unique et continue. Or, il n’est pas allégué que la Commission disposait de preuves suffisamment sérieuses, précises et concordantes pour établir que les transporteurs incriminés avaient enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE en coordonnant les tarifs. A fortiori, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas s’être appuyée sur le mémorandum de Martinair pour fixer au 22 janvier 2001 la date du début de sa participation à une hypothétique infraction relative aux tarifs.

463    Deuxièmement, la requérante ne saurait tirer argument du fait que certains transporteurs qui ne figurent pas parmi les destinataires de la décision attaquée comptaient parmi les participants à la « réunion amicale » du 22 janvier 2001.

464    Il n’est pas allégué que la Commission disposait à l’encontre de ces transporteurs d’un faisceau d’indices équivalent à celui dont elle disposait à l’encontre de la requérante et que lesdits transporteurs se trouvaient, par suite, dans une situation comparable. La requérante n’est donc pas fondée à invoquer une inégalité de traitement et encore moins à imputer à la Commission un aveu implicite du caractère insuffisamment concluant du mémorandum de Martinair.

465    Troisièmement, c’est sans être contredite par la Commission que la requérante soutient avoir participé en 2000 à des tables-rondes similaires à la « réunion amicale » du 22 janvier 2001. Il y a cependant lieu d’observer que de tels contacts n’enlèvent rien au caractère anticoncurrentiel de cette réunion et ne sauraient, par suite, démontrer que la requérante est fondée à soutenir que la Commission aurait dû fixer la date du début de sa participation à l’infraction unique et continue au mois de novembre 2001.

466    Le présent moyen ne peut donc qu’être rejeté.

467    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le sixième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Il convient d’annuler, en conséquence, l’article 1er, paragraphe 1, sous e), paragraphe 2, sous e), et paragraphe 3, sous e) de la décision attaquée en tant que la Commission a tenu la requérante pour responsable de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Quant à l’article 1er, paragraphe 4, sous e), il convient de l’annuler dans son intégralité.

468    En revanche, il ne saurait être considéré que ces illégalités sont de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité. En effet, bien que la Commission ait commis une erreur d’appréciation en retenant la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré, dans le cadre du présent recours, que la Commission avait commis une erreur en constatant qu’elle avait participé à ladite infraction.

469    Les conclusions en annulation doivent être rejetées pour le surplus.

B.      Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante

470    La requérante demande, en substance, au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour supprimer ou réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée.

471    À titre liminaire, il convient de constater que la requérante est restée en défaut d’identifier explicitement les griefs qu’elle entend invoquer à l’appui des présentes conclusions. Cependant, il se déduit des points 5 et 6 de la requête que la requérante se prévaut, au soutien de ces conclusions, d’arguments en substance identiques à ceux qu’elle a invoqués à l’appui de ses conclusions en annulation, dans la mesure où ils sont pertinents aux fins de l’exercice de la compétence de pleine juridiction du Tribunal. À ces arguments s’en ajoutent deux qu’elle invoque dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui concernent les ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse.

472    Les trois premiers arguments concernent, en substance, le calcul de la valeur des ventes :

–        par son premier argument, la requérante soutient qu’il ne devrait être tenu compte que de la seule valeur des surtaxes et non du prix total des services de fret (première branche du septième moyen) ;

–        par son deuxième argument, la requérante avance que son chiffre d’affaires provenant de services de fret entrants ne saurait être inclus dans la valeur des ventes (quatrième moyen et seconde branche du septième moyen) ;

–        par son troisième argument, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante fait valoir que les recettes tirées des services de fret qu’elle a réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse ne sauraient être incluses dans la valeur des ventes.

473    Le quatrième argument porte, en substance, sur le coefficient de gravité et le montant additionnel. Par cet argument, présenté en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante fait, en substance, valoir que le champ géographique de l’infraction unique et continue serait réduit si le moyen relevé d’office était accueilli, ce qui serait de nature à justifier une réduction du coefficient de gravité et du montant additionnel.

474    Le cinquième argument porte sur l’adaptation des facteurs de multiplication au titre de la durée prétendument réduite de participation de la requérante à l’infraction unique et continue (neuvième moyen).

475    Les sixième et septième arguments portent, en substance, sur les ajustements à apporter au montant de base de l’amende :

–        par son sixième argument, la requérante indique que la réduction générale de 15 % est insuffisante au regard de la nature et de l’étendue des problèmes légaux ou réglementaires identifiés dans la décision attaquée (cinquième moyen, seconde branche) ;

–        par son septième argument, la requérante fait valoir que sa non-participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions devrait être prise en compte aux fins de la détermination de l’étendue de sa participation à l’infraction unique et continue (sixième moyen).

476    Le huitième argument que la requérante invoque au soutien des présentes conclusions concerne l’application de la communication sur la clémence de 2002. Selon cet argument, la requérante aurait dû se voir accorder au titre de sa demande de clémence une réduction de 30 à 50 % plutôt que 10 % (huitième moyen).

477    Quant au neuvième argument, qui ne se rattache à aucune étape spécifique du calcul de l’amende, il est pris de ce que cette dernière n’a pas exclusivement trait aux constatations d’infraction faites dans la décision attaquée.

478    La Commission conclut au rejet des conclusions de la requérante et demande, en substance, que le bénéfice de la réduction générale de 15 % lui soit retiré dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.

479    Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).

480    Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).

481    Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).

482    Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).

483    Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, EU:T:2011:344, point 209).

484    En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office, et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.

485    Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant de l’amende à infliger à la requérante, opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont il n’a pas préalablement déterminé qu’elle était entachée d’illégalité, ainsi qu’il ressort de l’examen des troisième, cinquième et septième à neuvième moyens ci-dessus. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).

486    Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 s’élevait à 588 230 122 euros, en tenant compte de l’adhésion des dix nouveaux États membres à partir de mai 2004. Quant au troisième argument de la requérante, tendant à l’exclusion de la valeur des ventes des recettes qu’elle a réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, il y a lieu de le rejeter. En effet, il ressort des réponses de la requérante aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, qu’elle n’est « pas au courant de connaissements aériens pour des transactions fret la liaison Suisse-Norvège entre le 19 mai 2005 et le 14 février 2006 et ne volait pas vers le Liechtenstein ou l’Islande pendant cette période ». Elle a d’ailleurs elle-même reconnu qu’il était « probable que sa valeur des ventes reste inchangée » du fait de l’exclusion des ventes réalisées sur ces liaisons pendant la période infractionnelle.

487    Pour la période infractionnelle retenue à l’encontre de la requérante qui est antérieure à mai 2004, à l’instar de la Commission au considérant 1197 de la décision attaquée, il y a lieu de prendre pour base, sur les liaisons intra-EEE et sur les liaisons Union-Suisse, des valeurs des ventes s’élevant, respectivement, à 9 209 404 euros et à 585 680 euros, en tenant compte des seuls États qui étaient déjà parties contractantes à l’accord EEE ou membres de l’Union avant mai 2004.

488    Par ailleurs, pour ce qui est du premier argument, lequel porte en substance sur l’inclusion du prix entier des services de fret dans la valeur des ventes, il renvoie à la première branche du septième moyen que la requérante a invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté cette branche aux points 389 à 402 ci-dessus et rien dans l’argumentation que la requérante a soulevée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du prix entier des services de fret était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes les éléments du prix des services de fret autres que les surtaxes reviendrait à minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction unique et continue.

489    Pour ce qui est du deuxième argument, qui porte sur l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants, il y a lieu d’observer qu’il renvoie au quatrième moyen et à la seconde branche du septième moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal les a examinés et rejetés, respectivement, aux points 77 à 175 et 403 à 406 ci-dessus et rien dans l’argumentation invoquée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ferait obstacle à ce qu’il soit infligé à la requérante une amende qui soit une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236).

490    Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.

491    Le quatrième argument invoqué à l’appui des présentes conclusions ne démontre pas le contraire. Cet argument supposait, en effet, que le Tribunal accueille le moyen relevé d’office. Ce dernier ayant été rejeté, il convient d’écarter ledit argument.

492    Pour ce qui est du montant additionnel, il convient de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que, en vue de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

493    Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T‑389/10 et T‑419/10, EU:T:2015:513, point 264).

494    Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.

495    Il s’ensuit que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.

496    Par ailleurs, il ressort des considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée que la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue s’élève à cinq ans sur les liaisons intra-EEE, un an et neuf mois sur les liaisons Union-pays tiers, trois ans et huit mois sur les liaisons Union-Suisse et huit mois sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. La Commission ayant légalement établi la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue, il convient de rejeter le cinquième argument et de retenir des facteurs de multiplication de 5, 1 et 9/12, 3 et 8/12 et 8/12, respectivement.

497    Il y a donc lieu de fixer le montant de base de l’amende à 262 987 992 euros.

498    Dès lors, le montant de base de l’amende après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que la requérante n’a pas contestée dans le cadre des conclusions en annulation et qui n’est pas inappropriée, doit être fixé, après arrondissement, à 136 000 000 euros. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir le montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 166).

499    Enfin, pour ce qui est des ajustements du montant de base de l’amende, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont elle conteste notamment le caractère suffisant dans le cadre de la seconde branche du cinquième moyen invoqué au soutien des conclusions en annulation ainsi que dans le cadre du sixième argument. Or, pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 330 et 331 ci-dessus dans le cadre de l’examen du cinquième moyen, il convient de constater que rien dans l’argumentation invoquée dans ce cadre n’est de nature à démontrer le caractère inapproprié de cette réduction. À l’inverse, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission visant au retrait du bénéfice de cette réduction. Ainsi qu’il ressort de la duplique, cette demande suppose que le Tribunal juge que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait être inclus dans les valeurs de ventes. Or, le Tribunal a refusé de le faire au point 489 ci-dessus.

500    Par ailleurs, quant au septième argument de la requérante, il convient d’observer que, aux considérants 1258 et 1259 de la décision attaquée, la Commission a octroyé à Air Canada, Lan Cargo et SAS Cargo une réduction du montant de base de l’amende de 10 % au titre de leur participation limitée à l’infraction unique et continue. La raison en était que ces transporteurs « opéraient en périphérie de l’entente [litigieuse], qu’ils entretenaient des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs et qu’ils n’[avaient] pas participé à tous les éléments de l’infraction [unique et continue] ». Le dernier membre de cette phrase doit être lu à la lumière des considérants 882 et 883 de la décision attaquée, dont il ressort que, selon la Commission, Air Canada, Lan Cargo et SAS Cargo n’avaient pas directement participé aux trois composantes de l’infraction unique et continue, mais avaient la connaissance requise de celles auxquelles ils n’avaient pas participé et étaient disposées à en assumer le risque.

501    En l’espèce, la requérante n’opérait pas en périphérie de l’entente litigieuse et n’entretenait pas avec d’autres transporteurs des contacts en nombre seulement limité. En revanche, comme il ressort de l’examen du sixième moyen, il n’est pas établi que la requérante a participé directement à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, ni même qu’elle en avait la connaissance requise et était disposée à en assumer le risque.

502    Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il est approprié d’accorder à la requérante une réduction de 16 % au titre de sa participation limitée à l’infraction unique et continue.

503    En outre, quant au huitième argument de la requérante, il convient de considérer que la réduction de 10 % dont elle a bénéficié au titre de la clémence demeure appropriée. En effet, cet argument renvoie au neuvième moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation, que le Tribunal a examiné et rejeté et rien dans celui-ci ne permet de considérer que ladite réduction était inappropriée. Il en va de même du neuvième argument, qui renvoie au troisième moyen avancé à l’appui des conclusions en annulation.

504    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de calculer le montant de l’amende infligée à la requérante comme suit : tout d’abord, le montant de base est déterminé en appliquant, compte tenu de la gravité de l’infraction unique et continue, un pourcentage de 16 % à la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 sur les liaisons intra-EEE, Union-pays tiers, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse, puis, au titre de la durée de l’infraction, des facteurs de multiplication de 5, 1 9/12, 8/12 et 3 8/12, respectivement, et enfin un montant additionnel de 16 %, ce qui aboutit à un montant intermédiaire de 262 987 992 euros. Après application de la réduction générale de 50 %, ledit montant, arrondi, est de 136 000 000 euros. Ensuite, après application de la réduction générale de 15 % et de la réduction de 16 % pour cause de participation limitée, ce montant doit être fixé à 93 840 000 euros. Enfin, ce dernier montant doit être réduit de 10 % au titre de la clémence. Cela aboutit à une amende d’un montant final de 84 456 000 euros à infliger à la requérante.

IV.    Sur les dépens

505    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

506    En l’espèce, la requérante a obtenu satisfaction pour une partie substantielle de ses conclusions. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supporte les deux tiers de ses propres dépens et que la Commission supporte ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, paragraphe 1, sous e), paragraphe 2, sous e), et paragraphe 3, sous e), de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien) est annulé en tant qu’il retient la participation de British Airways plc à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions sur les surtaxes.

2)      L’article 1er, paragraphe 4, sous e), de la décision C(2017) 1742 final est annulé.

3)      Le montant de l’amende infligée à British Airways, à l’article 3, sous e), de la décision C(2017) 1742 final, est fixé à 84 456 000 euros.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que le tiers des dépens de British Airways.

6)      British Airways supportera les deux tiers de ses propres dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Spielmann

 

      Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Procédure administrative

B. Décision du 9 novembre 2010

C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal

D. Décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants

a) Sur la première branche, prise d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004

b) Sur la deuxième et la troisième branches, prises, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés

1) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément

i) Sur la pertinence de l’effet en cause

ii) Sur le caractère prévisible de l’effet en cause

iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause

iv) Sur le caractère immédiat de l’effet en cause

2) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble

2. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse

3. Sur le premier moyen, tiré d’une erreur ou d’une insuffisance de motivation, en ce que la décision attaquée repose sur une appréciation juridique incompatible avec la décision du 9 novembre 2010 qu’elle tient pour définitive

4. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE

5. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit et/ou d’une violation d’une forme substantielle tenant à la motivation insuffisante du montant de l’amende et/ou à l’incompétence de la Commission pour infliger une amende n’ayant pas exclusivement trait aux constats d’infraction faits dans la décision attaquée

6. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs et d’une insuffisance de motivation dans la prise en compte de plusieurs régimes réglementaires

a) Sur la première branche, prise d’une erreur d’appréciation des régimes réglementaires et de l’insuffisance de la motivation relative aux régimes réglementaires de certains pays tiers

1) Sur l’applicabilité des principes régissant le moyen de défense tiré de la contrainte étatique

2) Sur l’appréciation des régimes réglementaires en cause

i) Hong Kong

ii) Japon

iii) Autres pays tiers

b) Sur la seconde branche, prise de l’absence de motivation de la réduction générale de 15 % et de l’insuffisance de ladite réduction générale

7. Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de la participation de la requérante à une infraction concernant le refus de paiement de commissions

a) Sur les quatre séries d’éléments de preuves retenues au considérant 743 de la décision attaquée

1) Sur les contacts avec Qantas

2) Sur le courriel de SAC du 28 décembre 2005

3) Sur les échanges de courriels entre membres de l’IBAR

4) Sur les échanges de courriels entre des membres de l’ACCS

b) Appréciation globale du faisceau d’indices

8. Sur le septième moyen, tiré d’erreurs dans la détermination de la valeur des ventes

a) Sur la première branche, prise d’erreurs tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes de la totalité des recettes générées par la vente de services

b) Sur la seconde branche, prise d’une erreur tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes

9. Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs commises par la Commission dans le calcul de la réduction octroyée à la requérante en vertu du programme de clémence

10. Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur dans l’appréciation de la date du début de l’infraction

B. Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante

IV. Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      Données confidentielles occultées.