Language of document : ECLI:EU:C:2024:283

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

8 avril 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 99 du règlement de procédure de la Cour – Irrecevabilité manifeste – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence – Propriété intellectuelle – Acte portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle – Sanctions pénales et administratives – Principe de légalité des délits et des peines »

Dans l’affaire C‑558/23 [Dramanova] (i),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit, Bulgarie), par décision du 6 septembre 2023, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure pénale contre

IC,

en présence de :

Rayonna prokuratura Lovech, TO Lukovit,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme O. Spineanu-Matei (rapporteure), présidente de chambre, M. S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, et à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49, paragraphes 1 et 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que de l’article 61 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’« accord ADPIC »), constituant l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre IC pour usage dans la vie des affaires d’une marque sans le consentement du titulaire du droit exclusif sur cette marque.

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        L’accord ADPIC comporte une partie III, intitulée « Moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle ». Figurant dans la section 5, intitulée « Procédures pénales », de cette partie III, l’article 61 dudit accord stipule :

« Les Membres prévoiront des procédures pénales et des peines applicables au moins pour les actes délibérés de contrefaçon de marque de fabrique ou de commerce ou de piratage portant atteinte à un droit d’auteur, commis à une échelle commerciale. Les sanctions incluront l’emprisonnement et/ou des amendes suffisantes pour être dissuasives, et seront en rapport avec le niveau des peines appliquées pour des délits de gravité correspondante. Dans les cas appropriés, les sanctions possibles incluront également la saisie, la confiscation et la destruction des marchandises en cause et de tous matériaux et instruments ayant principalement servi à commettre le délit. Les Membres pourront prévoir des procédures pénales et des peines applicables aux autres actes portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle, en particulier lorsqu’ils sont commis délibérément et à une échelle commerciale. »

 Le droit bulgare

 Le code pénal

4        L’article 2, paragraphe 1, du Nakazatelen kodeks (code pénal) prévoit :

« Pour toute infraction, la loi applicable est celle en vigueur au moment des faits. »

5        Aux termes de l’article 55 de ce code :

« (1) En cas de circonstances atténuantes exceptionnelles ou nombreuses, lorsque même la peine la plus légère prévue par la loi s’avère disproportionnée, la juridiction :

1.       fixe une peine en dessous de la limite inférieure ;

2.      remplace :

[...]

b)      la peine d’emprisonnement, lorsqu’aucune limite inférieure n’est prévue, par la probation ;

[...]

[...]

(3)      Dans ces cas, la juridiction peut choisir de ne pas infliger la sanction la plus légère que la loi prévoit, en plus de la peine d’emprisonnement. »

6        L’article 172b dudit code, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Zakon za izmenenie i dopalnenie na Nakazatelnia kodeks (loi portant modification et complément du code pénal, DV no 53, du 8 juillet 2022, ci-après la « loi de 2022 »), disposait :

« (1)      Quiconque, sans le consentement du titulaire du droit exclusif, fait usage dans la vie des affaires d’une marque [...] est puni d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans et d’une amende allant jusqu’à 5 000 [leva bulgares (BGN)].

(2)      Si l’acte visé au paragraphe 1 a été commis de manière réitérée ou s’il a causé des conséquences préjudiciables importantes, la peine est de cinq à huit ans d’emprisonnement et de 5 000 à 8 000 BGN d’amende.

[...] »

7        L’article 172b du même code, dans sa version issue de la loi de 2022, énonce :

« (1)      Quiconque, sans le consentement du titulaire du droit exclusif, fait usage dans la vie des affaires d’une marque […] est puni d’une peine d’emprisonnement d’un à six ans et d’une amende allant jusqu’à 10 000 BGN. 

(2)      Si l’acte visé au paragraphe 1 a été commis de manière réitérée ou s’il a causé des conséquences préjudiciables importantes, la peine est de cinq à huit ans d’emprisonnement et de 10 000 à 15 000 BGN d’amende.

[...] »

 Le ZMGO

8        Selon l’article 127 du Zakon za markite i geografskite oznachenia (loi relative aux marques et aux indications géographiques, DV no 98, du 13 décembre 2019, ci-après le « ZMGO »), intitulé « Infractions et sanctions administratives » :

« (1)      Quiconque fait usage dans la vie des affaires au sens de l’article 13, paragraphes 1 et 2, de produits ou services, sur lesquels est apposé un signe identique ou similaire à une marque enregistrée, sans le consentement de son titulaire, est puni d’une amende de 2 000 à 10 000 BGN, et les entreprises individuelles et les personnes morales, d’une sanction pécuniaire d’un montant de 3 000 à 20 000 BGN. 

(2)      En cas de récidive et de toute infraction ultérieure au sens des paragraphes 1 à 5, commise dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la décision infligeant une sanction précédente, le contrevenant est passible d’une amende de 3 000 à 15 000 BGN, et les entreprises individuelles et personnes morales, d’une sanction pécuniaire d’un montant de 5 000 à 30 000 BGN.

[...]

(5)      L’objet de l’infraction au sens des paragraphes 1 à 4, quel que soit son propriétaire, est confisqué au profit de l’État et remis pour destruction aux services du ministère de l’Intérieur, le titulaire de la marque ou une personne autorisée par lui pouvant assister à la destruction.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        IC vend, en qualité d’entrepreneur individuel, entre autres, des vêtements et des chaussures dans un magasin situé dans son logement à Lukovit (Bulgarie).

10      Le 10 novembre 2021, lors d’un contrôle de police effectué dans ce magasin, il a été constaté que 61 articles offerts à la vente, à savoir des vêtements, chaussures et claquettes, portaient des signes similaires aux marques « Adidas », « Nike », « Puma », « Dolce & Gabbana » et « Lacoste ». L’expert désigné dans le cadre de la procédure pénale ouverte contre IC a estimé la valeur totale de ces articles, qui, selon lui, constituaient des imitations évidentes de produits originaux, à 868 BGN (environ 445 euros).

11      Un accord relatif à la procédure pénale a été conclu entre le procureur de l’arrondissement de Lovech, service territorial de Lukovit, IC et son avocat, en vue de régler l’affaire. Dans cet accord, IC a reconnu avoir commis, le 10 novembre 2021, le délit visé à l’article 172b, paragraphe 1, du code pénal en faisant usage, dans le cadre de son activité commerciale, des marques mentionnées au point précédent. Par ailleurs, ledit accord a prévu, conformément aux articles 2 et 55 du code pénal, la condamnation d’IC à une peine de probation assortie de deux mesures à accomplir pendant une durée de huit mois, à savoir l’enregistrement à son adresse actuelle deux fois par semaine et des rencontres périodiques obligatoires avec un agent de probation. Enfin, les marchandises concernées par l’infraction ont été confisquées en faveur de l’État.

12      L’accord en cause au principal a été soumis par le procureur au Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit), la juridiction de renvoi, aux fins de contrôle de sa légalité.

13      Cette juridiction considère, à titre liminaire, que la Charte s’applique à l’affaire au principal, étant donné que les règles pénales et administratives nationales pertinentes, notamment l’article 172b du code pénal, constituent la mise en œuvre de règles internationales relatives à la protection de la propriété intellectuelle, en particulier l’accord ADPIC, qui font partie intégrante du droit de l’Union.

14      Ladite juridiction s’interroge sur le point de savoir si l’infraction pénale et la peine prévues à l’article 172b, paragraphe 1, du code pénal sont conformes au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu’au principe de proportionnalité, tels qu’énoncés à l’article 49, paragraphes 1 et 3, de la Charte.

15      S’agissant, en particulier, du principe de proportionnalité, la juridiction de renvoi se demande si ce principe s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle une peine privative de liberté peut être infligée à une personne ayant porté atteinte pour la première fois à des droits de propriété intellectuelle, quelle qu’en soit l’ampleur ou la gravité de l’atteinte.

16      À cet égard, elle expose que ses doutes portent notamment sur la disproportion substantielle des peines prévues à l’article 172b du code pénal par rapport à des peines prévues pour d’autres délits qu’elle qualifie de « traditionnels », tels que l’infliction de blessures corporelles.

17      Étant donné que l’article 172b, paragraphe 1, du code pénal, dans sa version issue de la loi de 2022 prévoit des peines d’emprisonnement d’un à six ans et une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 BGN, il ne serait plus possible, dans le cas d’infraction commise, de prononcer une peine de probation à la place d’une peine privative de liberté. Ce renforcement des peines aurait fait l’objet de critiques au regard de sa conformité au principe de proportionnalité des délits et des peines.

18      Ladite juridiction souhaite ainsi être éclairée sur ce principe et, en particulier, sur la nécessité de tenir compte des critères énoncés à l’article 61 de l’accord ADPIC, relatifs à l’intentionnalité et à l’échelle commerciale de l’atteinte commise, ainsi que sur l’interprétation de ces critères.

19      S’agissant du principe de légalité des délits et des peines, la juridiction de renvoi expose que les éléments constitutifs de l’infraction administrative prévue à l’article 127 du ZMGO sont identiques à ceux du délit visé à l’article 172b du code pénal, à savoir l’usage dans la vie des affaires d’une marque sans le consentement de son titulaire. Or, l’absence de critères objectifs sur la base desquels le juge national peut apprécier la gravité de l’infraction commise aux fins de décider si celle-ci constitue une infraction administrative ou une infraction pénale donnerait lieu à une jurisprudence nationale divergente.

20      Eu égard aux difficultés de qualification des infractions visées, la juridiction de renvoi se demande si une telle législation est conforme au principe de légalité des délits et des peines. En effet, selon ce principe, la loi devrait définir clairement les infractions et les peines qui les répriment, de sorte qu’il ne serait satisfait aux conditions posées par ce principe que lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par la jurisprudence, quels actes et quelles omissions engagent sa responsabilité pénale.

21      Dans ces conditions, le Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1)      Le principe de proportionnalité autorise-t-il une règle de droit national, telle que l’article 172b du [code pénal], qui prévoit une peine d’un à six ans d’emprisonnement et une amende pour une première atteinte aux droits de propriété intellectuelle, indépendamment du caractère délibéré de l’usage illicite d’une marque protégée et/ou de l’échelle commerciale de celui-ci ?

2)      Si la réponse à la première question est négative, comment faut-il interpréter les expressions « délibérément » et « échelle commerciale » utilisées à l’article 61 de l’[accord ADPIC] ?

3)      Les principes de légalité et d’interdiction de l’application arbitraire de la loi autorisent-ils une règle de droit national qui prévoit une responsabilité administrative (article 127 [du ZMGO]) ainsi qu’une responsabilité pénale (article 172b [du code pénal]) sans établir de critère clair de classement objectif et prévisible de la gravité de l’acte (usage illicite de marques protégées) ? »

 La procédure devant la Cour

22      Par une décision du président de la Cour du 6 octobre 2023, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir dans l’affaire C‑655/21.

23      À la suite du prononcé de l’arrêt du 19 octobre 2023, G. ST. T. (Proportionnalité de la peine en cas de contrefaçon) (C‑655/21, EU:C:2023:791), la Cour a interrogé la juridiction de renvoi sur le point de savoir si elle entendait, à la lumière de cet arrêt, maintenir sa demande de décision préjudicielle.

24      Par une lettre du 23 novembre 2023, cette juridiction a informé la Cour qu’elle entendait maintenir sa demande de décision préjudicielle.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

25      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

26      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

27      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. Comme il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie. En effet, la mission de la Cour, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, est d’assister la juridiction de renvoi dans la solution du litige concret pendant devant elle. Dans le cadre d’une telle procédure, il doit ainsi exister entre ledit litige et les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est sollicitée un lien de rattachement tel que cette interprétation réponde à un besoin objectif pour la décision que la juridiction de renvoi doit prendre (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, points 44, 45, 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée).

28      En l’occurrence, il découle tant du libellé des première et deuxième questions préjudicielles que de la motivation qui les sous-tend que, par celles-ci, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de l’article 172b, paragraphe 1, du code pénal, dans sa version issue de la loi de 2022, au principe de proportionnalité visé à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte ainsi qu’aux critères figurant à l’article 61 de l’accord ADPIC. Elle souligne en particulier que l’article 172b, paragraphe 1, du code pénal, dans sa version issue de la loi de 2022, prévoit des peines d’emprisonnement d’un à six ans d’emprisonnement et une amende allant jusqu’à 10 000 BGN, si bien que, après cette modification législative, il ne serait plus possible de remplacer la peine d’emprisonnement par une peine de probation.

29      Toutefois, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’infraction en cause au principal a été commise le 10 novembre 2021, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de 2022, et que, par suite, elle relevait ratione temporis de l’article 172b, paragraphe 1, du code pénal, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de cette loi. D’ailleurs, c’est sur le fondement de cette dernière disposition et de l’article 55 dudit code pénal que, en l’occurrence, une peine de probation a été prévue dans l’accord en cause passé avec le procureur.

30      Certes, dans un passage de la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge, sans faire référence à une version spécifique de l’article 172b du code pénal, sur la proportionnalité d’une réglementation nationale qui permet d’infliger une peine privative de liberté en cas de première atteinte à des droits de propriété intellectuelle, quelle qu’en soit l’ampleur et la gravité. Toutefois, il ne ressort pas de la décision de renvoi que l’application d’une telle peine privative de liberté aurait été prévue par l’accord en cause au principal. Au contraire, ainsi qu’il a été relevé au point précédent, cet accord prévoit une peine de probation, par application de l’article 172b, paragraphe 1, du code pénal, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 2022. La juridiction de renvoi n’expose pas non plus les raisons pour lesquelles cette loi de 2022 serait applicable aux faits commis par IC.

31      Dans ces conditions, il n’apparaît pas que la décision préjudicielle sollicitée soit nécessaire, au sens de l’article 267 TFUE, pour permettre à la juridiction de renvoi de rendre son jugement.

32      Eu égard aux considérations qui précèdent, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, les première et deuxième questions doivent être rejetées comme étant manifestement irrecevables.

 Sur la troisième question

33      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure de la Cour, celle-ci peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence.

34      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

35      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de légalité des délits et de peines consacré à l’article 49, paragraphe 1, de la Charte s’oppose à une législation nationale qui prévoit, en cas d’usage dans la vie des affaires d’une marque sans le consentement du titulaire du droit exclusif sur cette marque, que ce comportement peut être qualifié tant comme infraction administrative que comme infraction pénale, sans comporter de critères clairs ni d’objectifs permettant de délimiter l’infraction administrative par rapport à l’infraction pénale, les éléments constitutifs de l’infraction étant décrits dans des termes identiques dans la loi pénale et dans la loi sur les marques.

36      La juridiction de renvoi justifie cette question par le fait que, en l’occurrence, les éléments constitutifs de l’infraction administrative prévue à l’article 127 du ZMGO seraient identiques à ceux du délit visé à l’article 172b du code pénal. Ainsi, le juge national ne disposerait pas de critères lui permettant d’apprécier la gravité de l’infraction commise aux fins de décider si celle-ci constitue une infraction administrative ou une infraction pénale.

37      Or, la réponse à cette troisième question peut être clairement déduite de l’arrêt du 19 octobre 2023, G. ST. T. (Proportionnalité de la peine en cas de contrefaçon) (C‑655/21, EU:C:2023:791, points 47 à 59).

38      En particulier, aux points 55 et 56 de cet arrêt, la Cour a considéré que, sous réserve du respect des principes généraux du droit de l’Union, dont le principe de proportionnalité, les États membres peuvent imposer, pour les mêmes faits, une combinaison de sanctions administratives et pénales. Il s’ensuit que, pourvu que la disposition pénale soit, en tant que telle, conforme aux exigences découlant du principe de légalité des délits et des peines, ce principe ne s’oppose pas à ce qu’une législation nationale qualifie un même comportement d’infraction pénale et d’infraction administrative et définisse donc le comportement sanctionné par de telles infractions dans des termes similaires, voire identiques. 

39      La Cour en a déduit, au point 59 dudit arrêt, que le principe de légalité des délits et des peines ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit, en cas d’usage dans la vie des affaires d’une marque sans le consentement du titulaire du droit exclusif, que le même comportement peut être qualifié tant comme infraction administrative que comme infraction pénale, sans comporter de critères permettant de délimiter l’infraction administrative par rapport à l’infraction pénale, l’infraction étant décrite dans des termes similaires, voire identiques, dans la loi pénale et dans la loi sur les marques.

40      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 49, paragraphe 1, de la Charte doit être interprété en ce sens que le principe de légalité des délits et des peines ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit, en cas d’usage dans la vie des affaires d’une marque sans le consentement du titulaire du droit exclusif sur cette marque, que le même comportement peut être qualifié tant comme infraction administrative que comme infraction pénale, sans comporter de critères permettant de délimiter l’infraction administrative par rapport à l’infraction pénale, les éléments constitutifs de l’infraction étant décrits dans des termes identiques dans la loi pénale et dans la loi sur les marques.

 Sur les dépens

41      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

1)      Les première et deuxième questions de la demande de décision préjudicielle introduite par le Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit, Bulgarie), par décision du 6 septembre 2023, sont manifestement irrecevables.

2)      L’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens que :

le principe de légalité des délits et des peines ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit, en cas d’usage dans la vie des affaires d’une marque sans le consentement du titulaire du droit exclusif sur cette marque, que le même comportement peut être qualifié tant comme infraction administrative que comme infraction pénale, sans comporter de critères permettant de délimiter l’infraction administrative par rapport à l’infraction pénale, les éléments constitutifs de l’infraction étant décrits dans des termes identiques dans la loi pénale et dans la loi sur les marques.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.


i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.