Language of document : ECLI:EU:T:2021:817

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

24 novembre 2021 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel de fonds – Liste des personnes, groupes et entités auxquels s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Base factuelle des décisions de gel des fonds – Erreur d’appréciation – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T‑160/19,

Subdivision politique européenne des Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE), établie à Herning (Danemark), représentée par Mes A. van Eik et T. Buruma, avocates,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen et Mme S. van Overmeire, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. F. Shibli et Mme S. McCrory, en qualité d’agents, assistés de Mme P. Nevill, barrister,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision (PESC) 2019/25 du Conseil, du 8 janvier 2019, portant modification et mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2018/1084 (JO 2019, L 6, p. 6), deuxièmement, de la décision (PESC) 2019/1341 du Conseil, du 8 août 2019, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2019/25 (JO 2019, L 209, p. 15), troisièmement, du règlement d’exécution (UE) 2020/19 du Conseil, du 13 janvier 2020, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2019/1337 (JO 2020, L 8 I, p. 1), et, quatrièmement, du règlement d’exécution (UE) 2020/1128 du Conseil, du 30 juillet 2020, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2020/19 (JO 2020, L 247, p. 1), et de la décision (PESC) 2020/1132 du Conseil, du 30 juillet 2020, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2020/20 (JO 2020, L 247, p. 18),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et P. Nihoul (rapporteur), juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du présent recours

A.      Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies

1        Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1373 (2001), arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement. Le paragraphe 1, sous c), de cette résolution dispose, notamment, que tous les États doivent geler sans attendre les fonds et les autres avoirs financiers ou les ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles et des personnes et des entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités.

2        Cette résolution ne prévoit pas de liste de personnes ou d’entités auxquelles ces mesures doivent être appliquées.

B.      Droit de l’Union européenne

3        Le 27 décembre 2001, considérant qu’une action de l’Union européenne était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1373 (2001), le Conseil de l’Union européenne a adopté la position commune 2001/931/PESC, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93).

4        L’article 1er de ladite position commune est formulé comme suit :

« 1.      La présente position commune s’applique, conformément aux dispositions des articles qui suivent, aux personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et dont la liste figure à l’annexe.

[...]

3.      Aux fins de la présente position commune, on entend par “acte de terrorisme”, l’un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d’infraction dans le droit national, lorsqu’il est commis dans le but de :

i)      gravement intimider une population, ou

ii)      contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou

iii)      gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale :

a)      les atteintes à la vie d’une personne, pouvant entraîner la mort ;

b)      les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne ;

c)      l’enlèvement ou la prise d’otage ;

d)      le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ;

e)      la capture d’aéronefs, de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ;

f)      la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ;

g)      la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

h)      la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

i)      la menace de réaliser un des comportements énumérés aux point a) à h) ;

j)      la direction d’un groupe terroriste ;

k)      la participation aux activités d’un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “groupe terroriste”, l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes “association structurée” désignent une association qui ne s’est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée.

4.      La liste à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits. Les personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil de sécurité des Nations unies comme liées au terrorisme et à l’encontre desquelles il a ordonné des sanctions peuvent être incluses dans la liste.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “autorité compétente”, une autorité judiciaire, ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine.

[...]

6.      Les noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié. »

5        L’article 2 de la position commune 2001/931 prévoit le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme et repris sur la liste figurant à l’annexe de ladite position commune.

6        Le même jour, afin de mettre en œuvre au niveau de l’Union les mesures décrites dans la position commune 2001/931, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70), ainsi que la décision 2001/927/CE, établissant la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 (JO 2001, L 344, p. 83).

7        Le 29 mai 2006, le Conseil a adopté la position commune 2006/380/PESC mettant à jour la position commune 2001/931 et abrogeant la position commune 2006/231/PESC (JO 2006, L 144, p. 25), et la décision 2006/379/CE mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, et abrogeant la décision 2005/930/CE (JO 2006, L 144, p. 21). Les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE), dont la requérante déclare constituer la subdivision politique européenne, ont été inscrits sur les listes des personnes et entités associées à ces actes.

8        Ces listes ont été régulièrement mises à jour conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001. Les LTTE sont demeurés inscrits sur les listes annexées aux actes postérieurs à ceux cités au point 7 ci-dessus.

C.      Actes attaqués

1.      Décision (PESC) 2019/25

9        Le 8 janvier 2019, le Conseil a maintenu les LTTE sur la liste annexée à la décision (PESC) 2019/25, portant modification et mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931, et abrogeant la décision (PESC) 2018/1084 (JO 2019, L 6, p. 6).

10      Le 9 janvier 2019, le Conseil a communiqué au conseil des LTTE l’exposé des motifs relatif à cette décision.

11      Dans cet exposé des motifs, il était indiqué que :

–        le mouvement des LTTE était un groupe qui luttait pour la création d’un État tamoul séparé dans le Nord et l’Est du Sri Lanka ;

–        la désignation des LTTE était fondée sur :

–        la décision 1261 du Secretary of State for the Home Department (ministère de l’Intérieur, Royaume-Uni, ci-après le « Home Secretary »), du 29 mars 2001 (ci-après la « décision du Home Secretary de 2001 »), qui avait conclu qu’ils constituaient une organisation terroriste et les avait ajoutés à la liste des organisations interdites (point 1 de l’exposé des motifs, points 3 et 4 de l’annexe A de l’exposé des motifs). Le Conseil a estimé que cette décision devait être considérée comme émanant d’une autorité nationale compétente au sens de la position commune 2001/931. Il a précisé que, selon ladite décision, les LTTE avaient commis ou participé à des actes de terrorisme au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous a), de l’UK Terrorism Act 2000 (loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme) et s’étaient préparés au terrorisme au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous b), de cette loi. Il a indiqué que les actes de terrorisme concernés incluaient en janvier 2000 plusieurs attaques, ayant eu lieu à Colombo, Morawewa et Vavuniya (Sri Lanka) et ayant occasionné des morts et des blessés, y compris civils (points 3 et 16 de l’annexe A de l’exposé des motifs) ; 

–        un jugement du tribunal de grande instance de Paris (France), du 23 novembre 2009, qui avait déclaré le Comité de coordination tamoul - France (CCTF) et certains individus qui y appartiennent coupables de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste, de financement d’entreprise terroriste et d’extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien en lien avec une entreprise terroriste (point 1 de l’exposé des motifs, point 1 de l’annexe B de l’exposé des motifs). Ce jugement avait été confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris (France) du 22 février 2012, lequel avait fait l’objet d’un pourvoi rejeté par la Cour de cassation (France) le 10 avril 2013 (points 3 et 4 de l’annexe B de l’exposé des motifs). Le Conseil a estimé que les décisions des juridictions françaises émanaient d’autorités compétentes (points 5 et 7 de l’exposé des motifs). Il a considéré que les actes de terrorisme attribués aux LTTE par les juridictions françaises relevaient de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, i) et iii), sous a), sous b) et sous c), de la position commune 2001/931 (point 15 de l’annexe B de l’exposé des motifs). 

–        le Conseil n’avait trouvé aucun élément qui aurait plaidé en faveur d’un retrait des LTTE des listes de gel de fonds et avait pris en considération des informations selon lesquelles, en dépit de la défaite militaire qu’ils avaient connue en 2009, les LTTE restaient à même de mobiliser des fonds au niveau international et de se relever. Cela était notamment démontré par un certain nombre d’incidents ayant révélé des liens internationaux avec des individus liés aux LTTE (points 3, 9 et 10 de l’exposé des motifs) ;

–        en juin 2014, le Home Secretary avait décidé de maintenir l’interdiction, considérant que le groupe en cause était impliqué d’une autre manière dans le terrorisme au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous d), de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme, étant donné qu’il pouvait être raisonnablement supposé que le groupe existait et conservait une capacité et un réseau militaires associés à l’intention de mener des attaques terroristes à l’avenir si cela était perçu comme étant dans l’intérêt de l’organisation de le faire. Il a estimé que cela correspondait à l’objectif prévu à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, ii), de la position commune 2001/931 et aux actes terroristes prévus à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, iii), sous f) et sous i), de cette position commune (points 5 et 17 de l’annexe A de l’exposé des motifs).

2.      Décision (PESC) 2019/1341

12      Par courrier et courriel du 27 juin 2019, le Conseil a informé les LTTE qu’il avait l’intention de les maintenir sur les listes de gel de fonds et qu’il avait reçu de nouveaux éléments les concernant. À ce courrier, il a joint le projet d’exposé des motifs modifié ainsi qu’un article publié le 20 juin 2019 dans le Daily Mirror, sur lequel il affirmait s’être fondé pour modifier ce projet. Le Conseil invitait en outre les LTTE à présenter leurs observations sur ces documents pour le 12 juillet suivant au plus tard.

13      Le 8 août 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/1341, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931, et abrogeant la décision 2019/25 (JO 2019, L 209, p. 15), par laquelle il a maintenu les LTTE sur la liste en cause.

14      Le 9 août 2019, le Conseil a communiqué au conseil des LTTE l’exposé des motifs relatif à cette décision.

15      En substance, cet exposé des motifs était semblable à celui qui sous-tendait la décision 2019/25. Le Conseil y faisait en outre état d’une décision du Home Secretary de mars 2019, maintenant l’interdiction des LTTE au Royaume-Uni, au motif que l’organisation était impliquée d’une autre manière dans le terrorisme, au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous d), de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme. Selon ledit exposé des motifs, fondé sur des preuves incluant une source publique faisant état, en juin 2018, d’une arrestation par la police sri-lankaise d’individus transportant des explosifs et du matériel des LTTE incluant des drapeaux, cette décision faisait l’objet d’un recours devant la Proscribed Organisations Appeal Commission (commission de recours pour les organisations interdites, Royaume-Uni, ci-après la « POAC »). Le Conseil a considéré que la décision adoptée par le Home Secretary correspondait à l’objectif prévu par l’article 1er, paragraphe 3, ii), de la position commune 2001/931 et aux actes terroristes visés par l’article 1er, paragraphe 3, iii), f) et i), de ladite position (points 5 et 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs).

3.      Règlement d’exécution (UE) 2020/19

16      Le 13 janvier 2020, le Conseil a maintenu les LTTE sur la liste annexée au règlement d’exécution (UE) 2020/19, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2019/1337 (JO 2020, L 8 I, p. 1).

17      Le 15 janvier 2020, le Conseil a communiqué au conseil des LTTE l’exposé des motifs relatif à ce règlement, identique à celui relatif à la décision 2019/1341.

4.      Règlement d’exécution (UE) 2020/1128 et décision (PESC) 2020/1132

18      Le 30 juillet 2020, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2020/1128, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, et abrogeant le règlement d’exécution 2020/19 (JO 2020, L 247, p. 1), et la décision (PESC) 2020/1132, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931, et abrogeant la décision (PESC) 2020/20 (JO 2020, L 247, p. 18).

19      Le 31 juillet 2020, le Conseil a communiqué au conseil des LTTE l’exposé des motifs relatif à ces actes, identique à celui relatif au règlement d’exécution 2020/19.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2019, la requérante a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision 2019/25, en ce qu’elle concernait les LTTE.

21      Le 5 avril 2019, l’affaire a été attribuée à la première chambre du Tribunal.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 juin 2019, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par décision du 30 juillet 2019, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Royaume-Uni a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

23      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 7 octobre 2019, la requérante a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête pour tenir compte de la décision 2019/1341, en tant qu’elle concernait les LTTE.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a été attribuée conformément à l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure.

25      Le 21 octobre 2019, le Conseil a déposé ses observations sur le mémoire en adaptation mentionné au point 23 ci-dessus.

26      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 mars 2020, la requérante a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté une deuxième fois la requête pour tenir compte du règlement d’exécution 2020/19, en ce qu’il concernait les LTTE.

27      Le 14 mai 2020, le Conseil a déposé ses observations sur ce deuxième mémoire en adaptation.

28      Le 14 juillet 2020, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

29      Le 17 juillet 2020, le Tribunal a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre, pour certaines, par écrit et, pour d’autres, lors de l’audience. Les parties ont répondu à la première demande dans le délai imparti.

30      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2020, la requérante a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté à nouveau la requête pour tenir compte du règlement d’exécution 2020/1128 et de la décision 2020/1132, en ce qu’ils concernaient les LTTE.

31      Le 5 octobre 2020, le Conseil a déposé ses observations sur ce troisième mémoire en adaptation.

32      Les parties, à l’exception du Royaume-Uni, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 octobre 2020.

33      Par ordonnance du 4 mai 2021, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé de rouvrir la procédure orale de la procédure.

34      Par courrier de la même date, le Tribunal a invité les parties à lui faire part de leurs observations sur les conséquences à tirer, le cas échéant, de l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), pour le traitement de la présente affaire. Le Conseil et la requérante ont répondu dans le délai imparti.

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2019/25, la décision 2019/1341, le règlement 2020/19, ainsi que le règlement 2020/1128 et la décision 2020/1132 (ci-après, ensemble, les « actes attaqués »), en ce qu’ils concernent les LTTE ;

–        à titre subsidiaire, adopter une mesure moindre que le maintien sur la liste des organisations terroristes de l’Union ;

–        condamner le Conseil aux dépens majorés d’intérêts.

36      Le Conseil, soutenu par le Royaume-Uni, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant manifestement non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

II.    En droit

A.      Sur la recevabilité

1.      Sur les conditions de recevabilité formelles de la requête

37      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 51 du règlement de procédure :

« […]

3.      Les avocats sont tenus, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe un mandat délivré par cette dernière.

4.      Si les documents visés aux paragraphes 2 et 3 ne sont pas déposés, le greffier fixe à la partie concernée un délai raisonnable pour les produire. À défaut de cette production dans le délai imparti, le Tribunal décide si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête ou du mémoire. »

38      Des dispositions similaires sont réitérées à l’article 78, paragraphes 5 et 6, du règlement de procédure.

39      En annexe à la requête, la requérante produit un mandat signé par M. Selvaratnam Thavaraj le 5 avril 2011.

40      Dans le mémoire en défense, le Conseil considère que le recours doit être déclaré irrecevable pour deux raisons.

41      D’une part, le mandat délivré par M. Thavaraj le 5 avril 2011 ne concernerait que les recours ayant donné lieu à l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885), et serait venu à expiration.

42      D’autre part, le Conseil doute que M. Thavaraj représente et ait jamais représenté les LTTE et indique avoir été approché par un autre avocat que ceux de la requérante.

43      En annexe à la réplique, la requérante produit un nouveau mandat signé par M. Thavaraj, daté du 23 juin 2019, une lettre du 4 juillet 2019 de l’avocat qui avait par ailleurs approché le Conseil, selon laquelle il ne représentait plus les LTTE, ainsi que plusieurs documents visant à démontrer le rôle de M. Thavaraj au sein des LTTE, ou à tout le moins de la requérante.

44      Dans la duplique, le Conseil fait valoir que la requérante ne produit aucun document attestant, d’une part, que M. Thavaraj et elle-même ont été mandatés par les LTTE et, d’autre part, que M. Thavaraj a été dûment autorisé à représenter leur subdivision politique européenne.

45      Il résulte de cette argumentation que le Conseil invoque trois arguments.

46      En premier lieu, le mandat délivré par M. Thavaraj le 5 avril 2011 ne concernerait que les recours introduits devant le Tribunal en 2011 et serait venu à expiration.

47      En deuxième lieu, il ne serait pas établi que M. Thavaraj et la requérante ont été mandatés par les LTTE pour former le présent recours en leur nom.

48      En troisième lieu, il ne serait pas établi que M. Thavaraj a été dûment autorisé à représenter la subdivision politique européenne des LTTE.

a)      Sur l’argument du Conseil selon lequel le mandat délivré par M. Thavaraj le 5 avril 2011 serait venu à expiration

49      S’agissant de l’argument du Conseil selon lequel le mandat délivré par M. Thavaraj le 5 avril 2011 ne concernerait que les recours introduits devant le Tribunal en 2011 et serait venu à expiration, il suffit de relever que, en annexe à la réplique, la requérante a produit un nouveau mandat, daté du 23 juin 2019.

50      Dès lors, à supposer que, comme le prétend le Conseil, le mandat du 5 avril 2011 soit venu à expiration au moment de l’introduction du présent recours, force serait de constater qu’il a été remplacé par celui du 23 juin 2019.

51      Le fait que ce nouveau mandat porte une date postérieure à la requête déposée dans le cadre du présent recours n’a pas d’incidence sur la recevabilité de celui-ci. En effet, selon la jurisprudence, il ne ressort pas du règlement de procédure que la preuve du mandat conféré à l’avocat ayant signé la requête doit être établie avant le dépôt de celle-ci. Au contraire, cette irrégularité étant régularisable en vertu de l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure, rien ne s’oppose à ce que le document attestant l’existence du mandat soit établi à une date ultérieure au dépôt de la requête [voir arrêt du 28 septembre 2016, European Food/EUIPO – Société des produits Nestlé (FITNESS), T‑476/15, EU:T:2016:568, point 19 et jurisprudence citée].

52      Il résulte de ce qui précède que le présent recours ne saurait être considéré comme irrecevable au motif que la requérante a produit, en annexe à sa requête, un mandat daté du 5 avril 2011.

b)      Sur l’argument du Conseil selon lequel il ne serait pas établi que M. Thavaraj et la requérante ont été mandatés par les LTTE pour former le présent recours en leur nom

53      S’agissant de l’argument du Conseil selon lequel il ne serait pas établi que M. Thavaraj et la requérante ont été mandatés par les LTTE pour former le présent recours en leur nom, il convient de relever que, dans les mandats des 5 avril 2011 et 23 juin 2019, M. Thavaraj déclare effectivement autoriser ses conseils à représenter « [son] organisation, les [LTTE] » devant le Tribunal.

54      Il importe cependant d’observer que la requête a été introduite non pas par l’ensemble de l’organisation des LTTE, mais seulement par sa subdivision politique européenne.

55      Dans ces conditions, la requérante ne devait pas établir que M. Thavaraj ou elle-même avaient été mandatés par les LTTE.

56      L’argument du Conseil est donc inopérant.

c)      Sur l’argument du Conseil selon lequel il ne serait pas établi que M. Thavaraj a été dûment autorisé à représenter la subdivision politique européennedes LTTE

57      S’agissant de l’argument du Conseil selon lequel il ne serait pas établi que M. Thavaraj a été dûment autorisé à représenter la requérante, il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon la jurisprudence, les dispositions du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure n’ont pas été conçues en vue de l’introduction de recours par des organisations n’ayant pas de personnalité juridique, telles que les LTTE ou la requérante. Dans cette situation exceptionnelle, les règles procédurales gouvernant la recevabilité d’un recours en annulation doivent être appliquées en les adaptant dans la mesure nécessaire aux circonstances de l’espèce. Tout en maintenant l’exigence de délivrance d’un mandat par la partie requérante, il s’agit d’éviter un formalisme excessif qui reviendrait à nier toute possibilité d’agir en annulation alors même que l’entité en question a fait l’objet de mesures restrictives (arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 114).

58      Il en va d’autant plus ainsi que les mesures restrictives prévues par le règlement no 2580/2001 entraînent des conséquences graves. Non seulement toute opération financière et tout service financier s’en trouvent empêchés à l’égard d’une personne, d’un groupe ou d’une entité visés par ce règlement, mais la réputation et l’action politique de ceux-ci sont lésées par le fait qu’ils sont qualifiés de terroristes (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 110).

59      En deuxième lieu, il convient de souligner que la disposition du règlement de procédure relative à l’obligation de fournir un mandat délivré par la personne morale requérante a été modifiée en 2015, ce dont le Tribunal a déduit que n’est plus exigée, en plus de la production dudit mandat, la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet [voir, en ce sens, arrêts du 28 septembre 2016, FITNESS, T‑476/15, EU:T:2016:568, point 19 ; du 17 février 2017, Batmore Capital/EUIPO – Univers Poche (POCKETBOOK), T‑596/15, non publié, EU:T:2017:103, points 19 à 22, et du 19 décembre 2019, Amigüitos pets & life/EUIPO – Société des produits Nestlé (THE ONLY ONE by alphaspirit wild and perfect), T‑40/19, non publié, EU:T:2019:890, point 14]. Cet assouplissement procédural est particulièrement justifié s’agissant d’une organisation ne disposant pas de la personnalité juridique et a fortiori d’une organisation qualifiée de terroriste, pour laquelle la divulgation d’informations relatives aux membres habilités à l’engager et à son organisation interne n’est pas sans risques.

60      En l’espèce, dans la duplique, le Conseil fait valoir que la requérante ne produit aucun document indiquant la position qu’occupe actuellement M. Thavaraj au sein de la subdivision politique européenne des LTTE.

61      En annexe à la réplique, la requérante a cependant produit, outre les déclarations du signataire du mandat expliquant comment il est devenu directeur de la subdivision politique européenne, des déclarations des directeurs des divisions suisse et danoise de la subdivision politique européenne des LTTE, des 25 et 27 mai 2011, affirmant qu’ils exerçaient leurs activités sous le commandement et le contrôle de M. Thavaraj, directeur coordinateur régional pour la subdivision politique européenne des LTTE.

62      De plus, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a fourni des déclarations sous serment des directeurs des divisions britannique, norvégienne, suisse, belge, française, danoise, italienne et allemande de la subdivision politique européenne des LTTE, délivrées entre le 13 août et le 17 août 2020.

63      Ces déclarations attestent à suffisance de droit le rôle joué par M. Thavaraj au sein de la subdivision politique européenne des LTTE. De plus, par leur caractère récent, elles établissent que l’intéressé a continué à jouer ce rôle postérieurement à 2011.

64      En conséquence, introduit au nom de la subdivision politique européenne des LTTE, le recours ne saurait être déclaré irrecevable au motif que M. Thavaraj n’aurait pas été dûment autorisé à représenter la requérante.

2.      Sur l’intérêt et la qualité pour agir de la requérante

65      Selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité des recours sont des fins de non-recevoir d’ordre public que le juge de l’Union peut, à tout moment, examiner d’office (voir arrêt du 11 juillet 2019, Gollnisch/Parlement, T‑95/18, non publié, EU:T:2019:507, point 35 et jurisprudence citée).

66      Le défaut d’intérêt et de qualité pour agir font partie de ces fins de non-recevoir (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, EU:C:2009:243, point 22 et jurisprudence citée, et ordonnance du 22 novembre 2006, Sanchez Ferriz/Commission, T‑436/04, EU:T:2006:360, point 31 et jurisprudence citée).

67      En l’espèce, il convient de se demander si, dès lors que ce sont les LTTE, et non la subdivision politique européenne de cette organisation, qui sont inscrits sur les listes annexées aux actes attaqués, la requérante a intérêt et qualité pour demander l’annulation de ces actes, dans la mesure où ils concernent cette organisation.

68      En premier lieu, il ressort d’une jurisprudence constante que l’intérêt à agir suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 2 septembre 2020, IR/Commission, T‑131/20, non publié, EU:T:2020:381, point 122 et jurisprudence citée ).

69      En l’espèce, il n’est pas contestable qu’une partie d’un groupe ou d’une entité inscrits sur des listes de gel de fonds a intérêt à demander l’annulation des actes par lesquels ce groupe ou cette entité ont été inscrits sur ces listes.

70      En effet, si l’inscription du groupe ou de l’entité est supprimée desdites listes, les fonds de ladite partie de ce groupe ou de cette entité cesseront d’être gelés.

71      Dans ses observations sur les mémoires en adaptation, le Conseil met en doute que la requérante constitue une partie des LTTE, au motif que, dans ses mémoires, elle se présente comme disposant d’un statut autonome. À l’audience, il a en outre été souligné qu’elle n’avait pas fourni le moindre document, autre que les déclarations sous serment de M. Thavaraj, qui attesterait ses liens avec les LTTE.

72      À cet égard, il convient de relever que, certes, dans les documents joints à la réplique, la requérante se qualifie d’autonome. Elle expose cependant également que, après leur défaite militaire, les LTTE ont été transformés en un réseau politique transnational et que la subdivision politique européenne des LTTE fait partie de ce réseau transnational. Par ailleurs, à l’audience, elle a précisé que le terme « autonome » ne signifiait pas qu’elle s’était séparée des LTTE, mais seulement qu’elle était habilitée à représenter les LTTE dans leur ensemble, après que M. Nediyaran, ancien coordinateur de la subdivision politique européenne des LTTE et ancien numéro deux des LTTE avant leur défaite militaire, aurait transmis ses pouvoirs à M. Thavaraj.

73      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des points 61 et 62 ci-dessus, la requérante a produit les déclarations sous serment de six personnes tierces par rapport au signataire du mandat, qui affirment diriger une branche de la subdivision politique européenne des LTTE et, pour la plupart, établissent un lien avec ces derniers dans leur ensemble.

74      Enfin, il y a lieu de souligner que c’est aux avocats de la requérante que le Conseil a adressé les différentes notifications relatives aux actes attaqués, tout en considérant que le recours avait été introduit au nom des LTTE. Il a ainsi reconnu le lien entre leur cliente et les LTTE.

75      Au vu, d’une part, des particularités des recours introduits par les organisations qualifiées de terroristes et, d’autre part, de la sévérité des mesures restrictives adoptées par le Conseil à leur égard, rappelées respectivement aux points 57 et 58 ci-dessus, il convient de considérer que ces éléments suffisent à établir que la subdivision politique européenne fait partie des LTTE et que, dès lors, la requérante a un intérêt à demander l’annulation des actes attaqués.

76      Quant à la qualité pour agir de la requérante, il convient de rappeler que, selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les actes dont elle est la destinataire ou qui la concernent directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

77      En vertu d’une jurisprudence constante, l’affectation directe requiert que la mesure de l’Union en cause produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires, qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, C‑417/04 P, EU:C:2006:282, point 28 et jurisprudence citée, et ordonnance du 21 mai 2015, APRAM/Commission, T‑403/13, non publiée, EU:T:2015:317, point 35 et jurisprudence citée).

78      Selon une jurisprudence également constante, un sujet autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concerné individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire (voir arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 26 et jurisprudence citée).

79      À cet égard, il importe de relever que, en l’espèce, les décisions 2019/25, 2019/1341 et 2020/1132 ont été notifiées aux LTTE, qui en sont par conséquent les destinataires.

80      La requérante constituant une subdivision des LTTE, il y a lieu de considérer qu’elle est également destinataire de ces décisions.

81      En toute hypothèse, lesdites décisions concernent les LTTE individuellement, dès lors que leur nom est inscrit sur les listes annexées à celles-ci. En effet, selon une jurisprudence constante, ces décisions ne s’apparentent pas seulement à des actes de portée générale dans la mesure où elles interdisent à une catégorie de destinataires déterminés de manière générale et abstraite, notamment, de mettre des fonds et des ressources économiques à la disposition des personnes et des entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans leurs annexes, mais aussi à un faisceau de décisions individuelles à l’égard de ces personnes et entités (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, point 56 et jurisprudence citée).

82      De plus, s’agissant de la condition relative à l’affectation directe, il est également patent que, dès lors que le nom des LTTE apparaît sur les listes qui leur sont annexées, les actes attaqués ont pour effet que, conformément aux articles 2 et 3 de la position commune 2001/931 et aux articles 2 à 4 du règlement no 2580/2001, les fonds et autres avoirs financiers des LTTE sont gelés sans que des mesures d’exécution doivent être prises par une autorité disposant d’un pouvoir d’appréciation.

83      Dès lors que les LTTE sont directement et individuellement concernés par les décisions 2019/25, 2019/1341 et 2020/1132 et directement concernés par les règlements d’exécution 2020/19 et 2020/1128, qui ne comportent pas de mesures d’exécution, il doit en aller de même pour la requérante, qui n’est qu’une partie de cette organisation.

84      En effet, en tant que subdivision régionale de l’organisation des LTTE, la requérante subit nécessairement les conséquences de l’inscription de cette organisation, en particulier le maintien du gel de ses fonds. La requérante n’est pas une entité distincte de l’organisation des LTTE, mais en constitue seulement une partie, qui, par conséquent, est soumise aux mêmes mesures que celles qui frappent l’organisation à laquelle elle se rattache.

85      Il y a donc lieu de considérer que la requérante est directement et individuellement concernée par les décisions 2019/25, 2019/1341 et 2020/1132 et directement concernée par les règlements d’exécution 2020/19 et 2020/1128, qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

86      Partant, il y a lieu de conclure que la requérante a intérêt et qualité pour demander l’annulation des actes attaqués en tant qu’ils concernent les LTTE.

3.      Sur la recevabilité du recours en ce qu’il concerne les règlements d’exécution 2020/19 et 2020/1128, ainsi que la décision 2020/1132

87      Comme il résulte des points 20, 23, 26 et 29 ci-dessus, la requérante a, dans la requête, demandé l’annulation de la décision 2019/25, puis, dans trois mémoires en adaptation déposés au titre de l’article 86 du règlement de procédure, étendu son recours, premièrement, à la décision 2019/1341, deuxièmement, au règlement d’exécution 2020/19 et, troisièmement, au règlement d’exécution 2020/1128 et à la décision 2020/1132.

88      Le Conseil estime que les demandes relatives au règlement d’exécution 2020/19, d’une part, et au règlement d’exécution 2020/1128 et à la décision 2020/1132, d’autre part, sont irrecevables parce qu’elles ne respectent pas les conditions prescrites par l’article 86 du règlement de procédure.

89      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, la partie requérante peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau.

90      Il ressort des termes de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure que, dans le cadre d’un mémoire en adaptation, une partie requérante est recevable à demander l’annulation d’un acte remplaçant ou modifiant un autre acte seulement si l’annulation de ce dernier a été demandée dans la requête (voir arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, points 37 à 39 et jurisprudence citée) ou dans le mémoire en adaptation déposé précédemment (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 141 et 142).

91      En l’espèce, dans le deuxième mémoire en adaptation, la requérante demande l’annulation du règlement d’exécution 2020/19. Cependant, contrairement à ce qu’exige la disposition précitée, ce règlement ne remplace ni ne modifie la décision 2019/1341, dont l’annulation a été demandée dans le premier mémoire en adaptation.

92      Il y a donc lieu de considérer que la demande en annulation portant sur le règlement 2020/19 est irrecevable.

93      Dans le troisième mémoire en adaptation, la requérante demande l’annulation du règlement d’exécution 2020/1128 et de la décision 2020/1132.

94      Selon la jurisprudence, une partie requérante ne saurait être autorisée à adapter ses conclusions et moyens, de façon à viser la survenance de nouveaux actes durant l’instance, que pour autant que sa demande d’annulation de l’acte précédemment attaqué ait été elle‑même recevable à la date de son introduction (voir, en ce sens, ordonnance du 18 novembre 2005, Selmani/Conseil et Commission, T‑299/04, non publiée, EU:T:2005:404, point 70 et jurisprudence citée).

95      En application de cette jurisprudence, la requérante, étant irrecevable à demander l’annulation du règlement d’exécution 2020/19, qui faisait l’objet du deuxième mémoire en adaptation, est également irrecevable à demander l’annulation du règlement d’exécution 2020/1128 que vise le troisième mémoire en adaptation.

96      Quant à la décision 2020/1132, elle remplace la décision (PESC) 2020/20 du Conseil, du 13 janvier 2020, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2019/1341 (JO 2020, L 8 I, p. 5), laquelle décision n’a pas été attaquée dans le cadre du présent recours. Il convient donc de considérer que, par application de la règle rappelée au point 90 ci-dessus, le recours est également irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la décision 2020/1132.

97      En conclusion, le recours ne devra être examiné qu’en ce qu’il concerne les décisions 2019/25 et 2019/1341.

B.      Sur le fond

98      La requérante invoque les six moyens suivants.

99      En premier lieu, les LTTE ne constitueraient pas une organisation terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

100    En deuxième lieu, l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 n’aurait pas été respecté par le Conseil, en ce que, d’une part, il ne se serait pas fondé sur des « décisions d’autorités compétentes » et, d’autre part, il n’aurait pas fourni des « informations précises et des éléments du dossier ».

101    En troisième lieu, le Conseil n’aurait pas procédé à un examen conforme à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

102    En quatrième lieu, les actes attaqués ne respecteraient pas les principes de proportionnalité et de subsidiarité.

103    En cinquième lieu, les actes attaqués ne respecteraient pas l’obligation de motivation prévue par l’article 296 TFUE.

104    En sixième lieu, les actes attaqués porteraient atteinte au principe du respect des droits de la défense et au droit à une protection juridictionnelle effective.

105    Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner les deuxième et troisième moyens puis les premier, quatrième, cinquième et sixième moyens.

1.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931

106    Le deuxième moyen est divisé en deux branches.

a)      Sur la première branche du deuxième moyen

107    En application de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, reproduit au point 4 ci-dessus, pour inscrire une personne ou une entité sur une liste de gel de fonds, le Conseil doit se fonder sur une décision d’une autorité compétente.

108    Dans la première branche du deuxième moyen, la requérante considère que la décision du Home Secretary de 2001 et le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 novembre 2009, confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 février 2012 et l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2013, sur lesquels, selon le Conseil, « repose la désignation des LTTE », ne constituent pas de telles décisions.

109    Le maintien de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel des fonds constituant, en substance, le prolongement de cette inscription (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 61, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 39), la première branche du deuxième moyen est opérante.

1)      Sur la décision du Home Secretary de 2001

110    La requérante soutient que la décision du Home Secretary de 2001 ne peut être considérée comme une décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, parce qu’elle constitue une décision administrative, et non une décision pénale, parce qu’elle a une durée illimitée et en raison des conditions dans lesquelles elle a été adoptée.

111    Le Conseil et le Royaume-Uni contestent cette argumentation.

112    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, à plusieurs reprises, le Tribunal a considéré que la décision du Home Secretary de 2001 constituait une décision d’une autorité compétente au sens de la disposition précitée (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, points 144 et 145 ; du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 106 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 258 à 285 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 71 à 96, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, points 108 à 133).

113    Pour répondre à l’argumentation de la requérante, il convient d’examiner si le caractère administratif, d’une part, de l’autorité que constitue le Home Secretary et, d’autre part, des décisions qu’il adopte est compatible avec les exigences figurant dans l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

114    En premier lieu, s’agissant de l’autorité que constitue le Home Secretary, il convient de relever que, selon la jurisprudence, même si l’article 1er, paragraphe 4, second alinéa, de la position commune 2001/931 comporte une préférence pour les décisions émanant des autorités judiciaires, il n’exclut pas la prise en compte de décisions émanant d’autorités administratives, lorsque, d’une part, ces autorités sont effectivement investies, en droit national, de la compétence pour adopter des décisions restrictives à l’encontre de groupements impliqués dans le terrorisme et, d’autre part, ces autorités, bien que seulement administratives, peuvent être considérées comme « équivalentes » aux autorités judiciaires (arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 107 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 259 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 72, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 111).

115    Des autorités administratives peuvent être considérées comme équivalentes à des autorités judiciaires lorsque leurs décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel portant sur les éléments de fait comme de droit (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 145 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 260 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 73, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 112).

116    En conséquence, le fait que des juridictions de l’État concerné détiennent des compétences en matière de répression du terrorisme ne fait pas obstacle à ce que le Conseil tienne compte des décisions prises par l’autorité administrative nationale chargée de l’adoption des mesures restrictives en matière de terrorisme (arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 108 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 261 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 74, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 113).

117    En l’espèce, ainsi qu’il résulte des points 13 et 15 de l’annexe A des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, les décisions du Home Secretary sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant la POAC, qui statue, en droit et en fait, en appliquant les principes régissant le contrôle juridictionnel, et chaque partie peut faire appel de la décision de la POAC sur un point de droit devant une juridiction d’appel si elle obtient l’autorisation de cette commission ou, à défaut, de la juridiction d’appel (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 262 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 75, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 114).

118    Dans ces conditions, la décision du Home Secretary de 2001 doit être considérée comme adoptée par une autorité administrative équivalente à une autorité judiciaire et, donc, par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 263 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 76, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 115).

119    En second lieu, s’agissant des décisions adoptées par le Home Secretary, il convient de relever que, selon la jurisprudence, l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 ne requiert pas que la décision de l’autorité compétente s’inscrive dans le cadre d’une procédure pénale stricto sensu, pourvu que, eu égard aux objectifs poursuivis par la position commune 2001/931 dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, la procédure nationale en question ait pour objet la lutte contre le terrorisme au sens large par l’adoption de mesures de type préventif ou répressif (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 269 à 271 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 82 à 84, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, points 119 à 121).

120    En l’espèce, la décision du Home Secretary de 2001 édicte des mesures d’interdiction à l’encontre d’organisations considérées comme terroristes et s’inscrit donc, comme le requiert la jurisprudence, dans une procédure nationale visant, à titre principal, à l’imposition de mesures de type préventif ou répressif à l’encontre des LTTE, au titre de la lutte contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 115 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 272 et 273 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 84, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 121).

121    Il résulte des considérations qui précèdent que les décisions 2019/25 et 2019/1341 ne sauraient être annulées pour la raison que, dans les exposés des motifs qui y sont afférents, le Conseil s’est référé, pour inscrire les LTTE sur les listes annexées à ces décisions, à la décision du Home Secretary de 2001, qui constitue une autorité administrative et dont les décisions ne revêtent pas un caractère pénal.

122    Cette position n’est pas infirmée par les autres arguments avancés par la requérante dans le cadre du présent recours.

123    Premièrement, la requérante soutient que les décisions administratives ne constituent pas l’aboutissement d’une procédure comportant plusieurs étapes comme ce serait le cas pour les procédures judiciaires.

124    À cet égard, il ne ressort pas du libellé de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 que, pour servir de base à une inscription, une décision nationale doive se dérouler en plusieurs étapes.

125    De plus, le Royaume-Uni a montré que la procédure aboutissant aux décisions d’interdiction du Home Secretary se déroulait en plusieurs étapes.

126    Tout d’abord, l’interdiction exige de cette autorité un examen rigoureux des éléments de preuve sur lesquels se fonde la croyance raisonnable que l’organisation est impliquée dans le terrorisme. Ces éléments de preuve englobent des renseignements émanant de sources d’information publiques et des services de renseignement.

127    Ensuite, la décision du Home Secretary intervient après consultation de l’ensemble du gouvernement, y compris des services de renseignement et des autorités policières.

128    Enfin, la décision d’interdiction est soumise au contrôle et à l’approbation des deux chambres du Parlement du Royaume-Uni dans le cadre de la procédure de ratification.

129    L’argument de la requérante doit donc être écarté.

130    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la décision du Home Secretary de 2001 a une durée illimitée, la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme ne prévoyant pas de réexamen annuel.

131    À cet égard, d’une part, il convient de souligner que la circonstance que la décision du Home Secretary de 2001 n’est pas soumise à une obligation de réexamen annuel ne fait pas obstacle à ce que le Conseil se fonde sur cette décision pour inscrire l’entité qu’elle vise sur les listes de gel de fonds, dans la mesure où le Conseil, au titre de son obligation de réexamen, est tenu de vérifier si, à la date à laquelle il entend maintenir cette entité sur lesdites listes, cette décision, d’autres décisions ou des éléments factuels postérieurs justifient encore cette inscription.

132    D’autre part, aux points 9 à 15 de l’annexe A des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, le Conseil a exposé que, en application de la section 4 de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme, une organisation ou une personne touchée par une mesure d’interdiction peut présenter par écrit une demande au Home Secretary visant à ce que celui-ci examine l’opportunité de la retirer de la liste des organisations interdites, que, en application de la section 5 de la même loi, si le Home Secretary rejette une telle demande, le demandeur peut former un recours devant la POAC et, enfin, qu’un appel contre cette décision est possible.

133    Il en résulte que, même si la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme ne prévoit pas un réexamen annuel des décisions d’interdiction du Home Secretary, celles-ci n’ont pas un effet illimité.

134    Troisièmement, la requérante souligne que le Home Secretary bénéficie d’une large marge d’appréciation, que le Parlement du Royaume-Uni n’est informé d’aucune des informations classifiées sur lesquelles il fonde ses décisions, que, en 2001, il a dû prendre position sur l’interdiction de 21 organisations considérées en bloc plutôt que d’apprécier une interdiction pour chaque organisation considérée individuellement et que l’inscription des LTTE sur la liste en cause a suscité des réserves de certains parlementaires.

135    À cet égard, le Royaume-Uni a fourni plusieurs éléments qui démontrent que le Home Secretary ne dispose pas d’une marge d’appréciation illimitée.

136    Ainsi qu’il résulte des points 127 et 128 ci-dessus, la décision du Home Secretary de 2001 est intervenue après consultation de l’ensemble du gouvernement, y compris des services de renseignement et des autorités policières, et a été soumise au contrôle et à l’approbation des deux chambres du Parlement du Royaume-Uni dans le cadre de la procédure de ratification. De plus, comme il ressort des points 117 et 132 ci-dessus, elle est susceptible de faire l’objet de recours devant la POAC et la juridiction d’appel.

137    Par ailleurs, dans l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 122), le Tribunal a déjà considéré qu’il ne ressortait pas de l’extrait, produit par la partie requérante dans cette affaire, des débats devant la House of Commons (Chambre des Communes, Royaume-Uni) du 13 mars 2001, relatifs au projet d’ordonnance soumis à son approbation par le Home Secretary le 28 février 2001, que la Chambre des Communes a été privée de la possibilité d’examiner individuellement la situation de chacune des organisations figurant dans ce projet d’ordonnance. En tout état de cause, le fait que des députés aient émis des réserves n’a pas empêché qu’une mesure d’interdiction soit adoptée contre les LTTE.

138    Il ressort des considérations qui précèdent que la qualification de la décision du Home Secretary de 2001 de décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante. 

2)      Sur le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 novembre 2009, confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 février 2012 et l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2013

139    La requérante soutient que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 novembre 2009, confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 février 2012 et l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2013, ne constitue pas une décision au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, d’une part, parce que les LTTE n’étaient pas partie à ces procédures et, partant, n’ont pas pu se défendre devant les instances concernées et, d’autre part, parce que ces décisions visaient le CCTF, qui constitue une entité distincte des LTTE avec laquelle ceux-ci n’auraient aucun lien.

140    Le Conseil conteste cette argumentation.

141    À cet égard, il importe de relever que, selon l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, la décision de l’autorité compétente sur laquelle le Conseil s’appuie pour inscrire une personne ou une entité sur une liste de gel de fonds doit, par principe, être antérieure à cette inscription.

142    En l’espèce, il est patent que le Conseil n’a pas pu, pour inscrire les LTTE sur les listes de gel de fonds, se fonder sur le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 novembre 2009, confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 février 2012 et l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2013, compte tenu de ce que cette décision est postérieure à la position commune 2006/380 et à la décision 2006/379, par lesquelles, ainsi qu’il résulte du point 7 ci-dessus, les LTTE ont été inscrits, le 29 mai 2006, sur les listes de gel de fonds.

143    Le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 novembre 2009, confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 février 2012 et l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2013, ne doit dès lors pas répondre aux conditions de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, de sorte que, en ce qu’elle le concerne, l’argumentation de la requérante est inopérante.

144    Il y a donc lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen et de considérer, pour l’examen des autres moyens et arguments de la requérante, que seule la décision du Home Secretary de 2001 fonde l’inscription des LTTE sur les listes de gel de fonds, dont les décisions 2019/25 et 2019/1341 sont le prolongement.

b)      Sur la secondebranche du deuxième moyen

145    Dans la seconde branche du deuxième moyen, la requérante estime que les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués ne fournissent pas suffisamment d’informations sur les agissements qui ont motivé la décision du Home Secretary de 2001 et que, en conséquence, il ne serait pas possible de vérifier si ces agissements peuvent être qualifiés d’actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, sachant que la définition des actes de terrorisme figurant dans cette dernière disposition est plus étroite que celle qui figure à l’article 1er de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme. Le Conseil aurait ainsi enfreint l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 en ce que cette disposition exigerait du Conseil qu’il fournisse dans les exposés des motifs des mesures de gel de fonds « des informations précises ou des éléments de dossier montrant qu’une décision a été prise par une autorité compétente ».

146    Le Conseil conteste cette argumentation.

147    Celle-ci pose la question de savoir si la motivation des décisions 2019/25 et 2019/1341 quant aux faits qui sont à l’origine de la décision du Home Secretary de 2001 est suffisante pour permettre au Tribunal de vérifier si ces faits constituent des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 et, en particulier, si le Conseil était tenu d’indiquer, dans les exposés des motifs relatifs auxdites décisions, les preuves et indices concernant ces faits.

148    À cet égard, il y a lieu de relever, en premier lieu, que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, « les informations précises ou des éléments du dossier » sur la base desquels doivent être établies les listes des personnes et des entités dont les fonds sont gelés doivent montrer qu’une décision d’une autorité nationale répondant à la définition de cette disposition a été prise à l’égard desdites personnes ou entités, mais ils ne se rapportent pas au contenu de ces décisions (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 126 ; du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 134, et du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑284/08, EU:T:2008:550, point 54).

149    Il ne saurait dès lors être déduit du membre de phrase cité par la requérante que le Conseil devait, dans les exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, fournir davantage d’informations sur les faits qui se trouvaient à l’origine de la décision du Home Secretary de 2001.

150    En deuxième lieu, il convient de rappeler que, à plusieurs reprises, le juge de l’Union a considéré que le Conseil ne devait pas indiquer, dans les exposés des motifs relatifs aux mesures de gel de fonds, les preuves et indices des faits qui se trouvaient à l’origine des décisions des autorités compétentes qui avaient fondé l’inscription de la personne ou de l’entité concernée sur les listes de gel de fonds (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 308 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 121, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 148).

151    La raison en est que, compte tenu de l’économie générale de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, l’exigence qui incombe au Conseil de vérifier, avant d’inscrire le nom de personnes ou d’entités sur les listes de gel de fonds, sur le fondement de décisions prises par des autorités compétentes, que ces décisions sont « basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles » ne concerne que les décisions d’ouvertures d’enquêtes ou de poursuites et non les décisions de condamnation (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 305 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 116, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 141).

152    La distinction ainsi faite entre les deux types de décisions résulte de l’application du principe de coopération loyale entre les institutions et les États membres, principe dans lequel s’inscrit l’adoption de mesures restrictives en matière de lutte contre le terrorisme et en vertu duquel le Conseil doit fonder l’inscription de personnes ou d’entités terroristes sur les listes de gel de fonds sur des décisions adoptées par les autorités nationales sans devoir ou même pouvoir les remettre en cause (arrêts du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 117, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 142).

153    Ainsi défini, le principe de coopération loyale s’applique aux décisions nationales comportant une condamnation avec pour conséquence que le Conseil ne doit pas vérifier, avant d’inscrire le nom de personnes ou d’entités sur les listes de gel de fonds, que ces décisions sont basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles et qu’il doit s’en remettre, sur ce point, à l’appréciation effectuée par l’autorité nationale (arrêts du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 118, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 143).

154    En revanche, les décisions nationales portant sur l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites se situent, par nature, au départ ou dans le courant d’une procédure non encore parvenue à son terme. Pour assurer le caractère effectif de la lutte contre le terrorisme, le Tribunal a considéré que, si le Conseil, pour adopter des mesures restrictives, pouvait se fonder sur de telles décisions, quoiqu’elles ne présentaient qu’un caractère préparatoire, c’était à la condition qu’il vérifie qu’elles reposaient sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, cela pour assurer la protection des personnes visées par ces procédures (arrêts du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 119, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 144).

155    Or, selon une jurisprudence établie, la décision du Home Secretary de 2001 doit être assimilée à une décision de condamnation au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑122/19 P, non publié, EU:C:2020:690, points 44 et 45 ; du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, non publié, EU:C:2020:691, point 65, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 146).

156    En effet, la décision du Home Secretary de 2001 est définitive en ce sens qu’elle ne doit pas être suivie d’une enquête. De plus, elle a pour objet d’interdire les personnes ou entités concernées au Royaume-Uni avec des conséquences pénales pour les personnes qui entretiendraient, de près ou de loin, un lien avec elles (arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 307 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 120, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 145).

157    À cet égard, le fait que le Home Secretary constitue une autorité administrative a été jugé indifférent, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 114 à 118 ci-dessus, la décision du Home Secretary de 2001 doit être considérée comme adoptée par une autorité administrative équivalente à une autorité judiciaire (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 309 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 122, et du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 147).

158    Il y a donc lieu de considérer que le Conseil n’a pas violé l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 en n’indiquant pas, dans les exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, les preuves et indices sur lesquels se fondait la décision du Home Secretary de 2001.

159    En troisième lieu, il convient de se demander si, quoique le Conseil ne devait pas indiquer, dans les exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, les preuves et indices qui étayaient les faits mentionnés au point 16 de ces exposés des motifs, la description de ces faits figurant dans ce point était suffisante pour permettre au Tribunal de vérifier qu’ils constituaient des actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

160    À cet égard, il importe de relever que, au point 16 de l’annexe A des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, le Conseil a indiqué que, parmi les actes de terrorisme invoqués par le Home Secretary pour justifier l’interdiction décidée en 2001, figuraient un attentat-suicide à la bombe en janvier 2000 devant les bureaux du Premier ministre du Sri Lanka à Colombo (Sri Lanka), un attentat au mortier commis contre une parade de promotion de policiers à Morawewa (Sri Lanka) et un attentat à la bombe commis contre un bureau de poste à Vavuniya (Sri Lanka).

161    Cette description des faits qui se trouvent à l’origine de la décision du Home Secretary de 2001 est suffisamment détaillée pour qu’il puisse être vérifié que ceux-ci constituent des actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

162    Par ailleurs, au point 6 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, le Conseil a indiqué qu’il avait « vérifié que les motifs ayant présidé aux décisions prises par les autorités nationales compétentes relevaient [de la définition] du “terrorisme” […] figurant dans la position commune [2001/931] ».

163    Dès lors qu’il ne ressort pas du dossier que, au cours de la procédure devant le Conseil, les LTTE ou la requérante aient contesté, de manière circonstanciée, que la décision du Home Secretary de 2001 portait sur des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le Conseil n’était pas tenu de se prononcer de manière plus détaillée sur cette question (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑122/19 P, non publié, EU:C:2020:690, point 42).

164    La position du Tribunal sur la seconde branche du présent moyen est confirmée par les points 41, 56 et 57 de l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), dans lequel la Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en se fondant, au point 68 de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), pour considérer que les actes attaqués dans le cadre de cette affaire étaient insuffisamment motivés, sur la circonstance que les exposés des motifs afférents à ces actes n’établissaient pas la matérialité des faits sous-tendant les motifs de la décision du Home Secretary de 2001 et ne précisaient pas les raisons pour lesquelles le Conseil avait considéré que les faits concernés relevaient de la définition d’« acte de terrorisme » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

165    En conséquence, les décisions 2019/25 et 2019/1341 ne sauraient être annulées au motif que le Conseil aurait violé l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 en ne fournissant pas, dans les exposés des motifs relatifs à ces décisions, suffisamment d’informations sur les faits qui ont motivé la décision du Home Secretary de 2001.

2.      Sur le troisième moyen, tiré de ce que le Conseil n’aurait pas procédé à un examen conforme à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931

166    La requérante estime que les actes attaqués doivent être annulés au motif que, pour maintenir l’inscription des LTTE sur les listes annexées aux décisions 2019/25 et 2019/1341, le Conseil n’a pas procédé à un réexamen conforme à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, reproduit au point 4 ci-dessus.

167    Le Conseil conteste le moyen.

a)      Rappel des principes jurisprudentiels

168    Comme l’a jugé la Cour, dans le cadre d’un réexamen au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Conseil peut maintenir la personne ou l’entité concernée sur la liste litigieuse s’il conclut à la persistance du risque de l’implication de celle-ci dans des activités terroristes ayant justifié son inscription initiale sur cette liste (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 51, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 29).

169    Dans le cadre de la vérification de la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes, le sort ultérieurement réservé à la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale de cette personne ou de cette entité sur la liste litigieuse doit dûment être pris en considération, en particulier l’abrogation ou le retrait de cette décision nationale en raison de faits ou d’éléments nouveaux ou d’une modification de l’appréciation de l’autorité nationale compétente (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 52 ; du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 30, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 50).

170    De l’arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil (C‑386/19 P, non publié, EU:C:2020:691, points 39 et 45), il ressort que la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité dont les fonds sont gelés peut être établie par la référence à la décision nationale ayant justifié l’inscription initiale, lorsque cette décision a récemment fait l’objet d’un réexamen à la suite duquel il a été conclu que son maintien était justifié en raison d’incidents récents mettant en évidence que la personne ou l’organisation en cause restait impliquée dans des activités terroristes.

171    Lorsque, à la lumière du temps écoulé et en fonction de l’évolution des circonstances de l’espèce, le seul fait que la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale demeure en vigueur ne permet plus de conclure à la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes, le Conseil est tenu de fonder le maintien de cette personne ou de cette entité sur ladite liste sur une appréciation actualisée de la situation, tenant compte d’éléments factuels plus récents, démontrant que ledit risque subsiste (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 54, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 32). À cet effet, le Conseil peut s’appuyer sur des éléments récents tirés non seulement de décisions nationales adoptées par des autorités compétentes, mais également d’autres sources et, partant, également sur ses propres appréciations (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 51 et jurisprudence citée).

172    Sur ces éléments factuels plus récents, la Cour a jugé que le Tribunal devait exercer un double contrôle.

173    D’une part, le juge de l’Union est tenu de vérifier le respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et, partant, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 70, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 48).

174    D’autre part, la personne ou l’entité concernée peut, dans le cadre du recours introduit contre son maintien sur la liste litigieuse, contester l’ensemble de ces éléments, indépendamment de la question de savoir s’ils sont tirés d’une décision nationale adoptée par une autorité compétente ou d’autres sources (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 71, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 49).

175    En cas de contestation, il appartient au juge de l’Union de vérifier si les motifs invoqués par le Conseil sont étayés, ce qui implique que ce juge s’assure, au titre du contrôle de la légalité au fond de ces motifs, que les actes portant maintien d’une inscription sur des listes de gel de fonds reposent sur une base factuelle suffisamment solide et vérifie les faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend lesdits actes (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 52 et jurisprudence citée).

b)      Application à l’espèce

176    En l’espèce, un laps de temps important s’est écoulé entre l’adoption de la décision ayant servi de fondement à l’inscription initiale des LTTE sur les listes de gel de fonds et l’adoption des décisions 2019/25 et 2019/1341. En effet, la décision du Home Secretary qui a fondé l’inscription des LTTE sur les listes de gel de fonds est entrée en vigueur le 29 mars 2001, tandis que les décisions 2019/25 et 2019/1341 ont été adoptées respectivement le 8 janvier et le 8 août 2019. Un tel laps de temps, de dix-huit ans, constitue en soi un élément justifiant de considérer que la décision du Home Secretary de 2001 n’était pas suffisante pour apprécier la persistance du risque d’implication des LTTE dans des activités terroristes au jour de l’adoption de ces actes.

177    De plus, ainsi qu’il résulte de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 79), la défaite militaire des LTTE de 2009 constituait un changement de circonstances important, susceptible de remettre en cause la persistance du risque d’implication des LTTE dans des activités terroristes.

178    Partant, pour maintenir les LTTE sur les listes annexées aux décisions 2019/25 et 2019/1341, le Conseil s’est fondé, au point 17 de l’annexe A des exposés des motifs relatifs à ces deux décisions, sur une décision du Home Secretary de juin 2014 et, au point 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la seconde décision, sur une décision du Home Secretary de mars 2019, par lesquelles l’interdiction des LTTE au Royaume-Uni, décidée en 2001, a été maintenue.

179    Le Conseil s’est en outre fondé sur différents incidents mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341.

180    En revanche, les faits qui se trouvent à l’origine des décisions des juridictions françaises mentionnées au point 139 ci-dessus, s’étant déroulés entre 2005 et 2008, et donc antérieurement à la défaite militaire des LTTE en 2009, n’ont pas pu justifier le maintien de l’inscription en 2019.

181    Il appartient donc au Tribunal de vérifier si le maintien de la décision du Home Secretary de 2001 par les décisions de juin 2014 et de mars 2019, d’une part, et les faits mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, d’autre part, permettaient de maintenir l’inscription des LTTE sur les listes annexées à ces dernières décisions, compte tenu des règles jurisprudentielles rappelées aux points 168 à 175 ci-dessus.

182    S’il s’avère que la motivation des faits mentionnés par le Conseil est suffisante et que ces motifs sont étayés, le Tribunal devra en outre vérifier s’ils justifient le maintien de l’inscription des LTTE sur les listes de gel de fonds.

183    Pour procéder à cet examen, il convient d’établir une distinction entre la décision 2019/25 et la décision 2019/1341 et de commencer par cette seconde décision.

1)      En ce qui concerne la décision 2019/1341

184    Au point 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/1341, le Conseil a indiqué :

« En mars 2019, sur la base de preuves disponibles, le ministre de l’Intérieur a conclu que les LTTE sont toujours liés au terrorisme. Le maintien de l’interdiction a été décidé sur la base de preuves, en ce compris des rapports de source ouverte indiquant qu’au mois de juin 2018, la police sri-lankaise avait procédé à l’arrestation de personnes transportant des dispositifs explosifs ainsi que de matériel divers des LTTE, notamment des drapeaux […] »

185    Il est patent que la décision du Home Secretary de mars 2019 présente un caractère récent par rapport à la décision 2019/1341 qui a été adoptée le 8 août 2019.

186    Il résulte en outre clairement du point 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/1341 que les faits sur lesquels s’est fondé le Home Secretary en mars 2019 pour maintenir l’interdiction des LTTE au Royaume-Uni datent de 2018 et, donc, qu’ils présentent également un caractère récent par rapport à la date d’adoption de la décision 2019/1341 (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, non publié, EU:C:2020:691, point 45).

187    En se référant à la décision du Home Secretary de mars 2019 au point 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/1341, le Conseil a donc établi la persistance du risque d’implication de cette organisation dans des activités terroristes, conformément à la jurisprudence rappelée au point 170 ci-dessus, sans qu’il doive invoquer d’autres éléments factuels récents.

188    En conséquence, sous réserve de la réponse qui sera apportée au premier moyen ci-dessous, la décision 2019/1341 ne saurait être annulée pour le motif que, en l’adoptant, le Conseil aurait violé l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

2)      En ce qui concerne la décision 2019/25

189    Au point 17 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25, le Conseil a indiqué que, en juin 2014, le Home Secretary avait « décidé de maintenir l’interdiction, considérant que le groupe était impliqué d’une autre manière dans le terrorisme, car il possédait des armes et avait toujours l’intention d’avoir recours à des actes de violence grave pour atteindre son objectif, la création d’un État tamoul indépendant, et qu’il continuait par conséquent à représenter une menace terroriste ».

190    Les faits sur lesquels le Home Secretary s’est fondé en juin 2014 pour maintenir l’interdiction au Royaume-Uni n’étant pas datés, il n’est pas possible, pour le Tribunal, de vérifier s’ils présentaient un caractère suffisamment récent par rapport à la date d’adoption de la décision 2019/25, soit le 8 janvier 2019 (arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, non publié, EU:C:2020:691, point 45).

191    Il y a lieu par conséquent de considérer que la référence à la décision du Home Secretary de juin 2014, figurant au point 17 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25, était insuffisante pour établir la persistance du risque de l’implication des LTTE dans des activités terroristes, de sorte qu’il importe d’examiner les incidents mentionnés au point 9 de cet exposé des motifs afin de vérifier qu’ils remplissent cette condition.

192    Ces incidents sont les suivants :

–        « le démantèlement en Malaisie, en mai 2014, d’une cellule liée [aux LTTE], ce qui a permis de saisir du matériel de propagande et des devises étrangères. Compte tenu du matériel en question, les services répressifs malaisiens ont cherché à savoir s’il y avait tentative de relance des activités [des LTTE] et confirmé que tel était le cas » (ci-après le « premier incident ») ;

–        « le démantèlement au Sri Lanka, en 2014, d’une cellule dirigée par Kajeepan Selvanayagam (alias Gobi, ancien membre de la branche [des LTTE] chargée du renseignement), au cours duquel une cache d’armes a été mise au jour. Lors de l’opération, des coups de feu ont été tirés en direction des policiers, blessant l’un d’entre eux. Gobi a été abattu par la suite, lors d’un affrontement avec l’armée. Vingt-six suspects ont été arrêtés et, à ce jour, quatre ont été condamnés » (ci-après le « deuxième incident ») ;

–        « le complot, déjoué en janvier 2017, visant à assassiner M. A. Sumandiran, membre du Parlement. Des explosifs et autres équipements connexes ont été récupérés auprès de certains des suspects qui sont à ce jour traduits devant la Haute Cour de Colombo. Le lien avec [les LTTE] peut être établi par le fait que les mêmes suspects sont également poursuivis pour diffusion de matériel de propagande au profit [des LTTE] » (ci-après le « troisième incident »).

i)      Sur la motivation des incidents mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25

193    Conformément à la jurisprudence citée au point 173 ci-dessus, il convient de vérifier si les faits mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25 satisfont à l’obligation de motivation.

194    Selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).

195    La motivation ainsi requise doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).

196    En l’espèce, les incidents mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/1341 ont été situés dans le temps et dans l’espace par le Conseil. De plus, ils ont été décrits avec un certain nombre de détails quant aux circonstances qui les ont entourés.

197    De telles indications étaient suffisamment précises et concrètes pour permettre aux LTTE de connaître les raisons pour lesquelles le Conseil a considéré que le risque de leur implication dans des activités terroristes avait persisté et de les contester devant le juge de l’Union.

198    Il en va d’autant plus ainsi que, quant à ces incidents, la décision 2019/25 intervient dans un contexte connu, étant donné que, par courrier du 6 février 2018, le Conseil avait communiqué aux LTTE plusieurs articles relatifs à ces incidents.

199    Il y a donc lieu de considérer que, quant aux incidents mentionnés au point 9 de son exposé des motifs, la décision 2019/25 satisfait à l’obligation de motivation.

ii)    Sur la matérialité des incidents mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25

200    Conformément à la jurisprudence citée au point 175 ci-dessus, il convient de vérifier la matérialité des faits mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25, dès lors qu’elle est contestée par la requérante.

–       Sur le premier incident

201    Pour établir le premier incident, le Conseil a produit trois articles : un article publié le 1er juin 2014 dans le Sunday Leader, un article paru le 5 juillet 2014 dans le journal malaisien The Star et un article de la BBC du 26 mai 2014.

202    En premier lieu, la requérante fait valoir que l’article publié le 1er juin 2014 dans le Sunday Leader ne constitue pas une source fiable, parce que, à l’époque de la rédaction de cet article, ce journal était détenu à 72 % par un allié du président du Sri Lanka. Il en irait de même pour l’article paru le 5 juillet 2014 dans le journal The Star. Ce journal serait malaisien. Or, la Malaisie ne serait pas objective à l’égard des LTTE, car elle entretiendrait des liens historiques et économiques privilégiés avec le Sri Lanka et le gouvernement malaisien craindrait la présence d’une population tamoule active en Malaisie. De plus, cet article relaterait une autre arrestation que celle contenue dans les autres articles.

203    À cet égard, il convient de constater que, pour établir le premier incident, le Conseil ne se réfère pas seulement aux articles publiés dans le Sunday Leader et dans The Star, mais également à un article de la BBC, dont la crédibilité n’est pas mise en cause par la requérante.

204    Il ne saurait dès lors être considéré que le Conseil ne pouvait se fonder sur le premier incident au motif que les éléments de preuve produits par le Conseil proviendraient de sources dépourvues de crédibilité.

205    Le premier argument de la requérante doit donc être rejeté.

206    En deuxième lieu, la requérante soutient que le premier incident est trop ancien pour justifier le maintien de l’inscription des LTTE sur les listes annexées aux actes attaqués.

207    À cet égard, il convient de constater que le premier incident s’est produit en mai 2014, alors que la décision 2019/25 a été adoptée le 8 janvier 2019.

208    Or, le Tribunal a déjà considéré que des incidents qui se sont déroulés moins de cinq ans avant l’adoption des actes attaqués ne peuvent, en principe, être considérés comme trop anciens pour justifier le maintien de l’inscription d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel de fonds au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 337, et du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 156).

209    Le deuxième argument de la requérante doit donc être rejeté.

210    En troisième lieu, la requérante soutient que le premier incident ne concerne pas des membres des LTTE, mais des membres du Global Tamil Forum (GTF). Cette organisation aurait été inscrite en mars 2014 sur les listes d’organisations terroristes du Sri Lanka, mais non sur celles du Royaume-Uni et de l’Union, et elle ne pourrait être considérée comme faisant partie des LTTE.

211    À cet égard, il convient de relever que, à différentes reprises, les articles produits par le Conseil visent d’anciens membres des LTTE qui tenteraient de faire renaître le mouvement. Cette organisation paraît donc bien concernée par ces articles.

212    Il y a donc lieu de rejeter le troisième argument de la requérante.

213    En quatrième lieu, la requérante fait valoir que, dans les articles produits par le Conseil, il est seulement question d’arrestations, et non de condamnations, et que le Conseil n’a pas fourni d’informations sur la suite de ces arrestations. Elle soutient en outre que la saisie de matériel de propagande et de devises étrangères que relatent ces articles, spécialement celui de la BBC, ne suffit pas à prouver des actes de terrorisme, car ces éléments sont tout aussi nécessaires à l’activisme démocratique et pacifique en faveur des droits des Tamouls et à la transformation des LTTE en un réseau politique transnational. Enfin, les articles produits par le Conseil ne permettraient pas de savoir si les autorités malaisiennes ont procédé à ces arrestations sur le fondement d’indices crédibles suffisants ni si elles ont eu lieu dans des conditions respectant les droits de l’homme. À cet égard, il souligne que l’article publié par la BBC indique que la Malaisie entendait expulser les personnes arrêtées, bien qu’elles bénéficient du statut de réfugiés de l’Organisation des Nations unies (ONU).

214    À l’audience, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Conseil a indiqué que, à la suite de l’enquête menée dans cette affaire, le dossier avait été refermé pour deux des trois personnes arrêtées en mai 2014, mais qu’une procédure avait été entamée contre la troisième devant le Tribunal de Vavuniya, dans le cadre de la loi sur la prévention du terrorisme et que cette procédure était toujours en cours.

215    À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, pour maintenir l’inscription de personnes ou d’entités sur des listes de gel de fonds, le Conseil ne doit pas établir la condamnation de ces personnes ou de ces entités pour des attentats terroristes, ni même que ces personnes ou entités ont commis des actes terroristes postérieurement à leur inscription sur les listes de gel de fonds, mais il doit invoquer des éléments qui démontrent la persistance du risque d’implication de ces personnes ou de ces entités dans des activités terroristes.

216    En effet, l’objet de la position commune 2001/931 et du règlement no 2580/2001 est la mise en œuvre de la résolution 1373 (2001), adoptée à la suite des attaques terroristes commises aux États-Unis le 11 septembre 2001, et tient principalement à la prévention des actes de terrorisme au moyen de l’adoption de mesures de gel de fonds pour entraver les actes préparatoires à de tels actes, tels que le financement de personnes ou d’entités susceptibles d’accomplir des actes de terrorisme (arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, point 83).

217    Or, en l’espèce, le matériel saisi lors des arrestations relatées par les articles produits par le Conseil, à savoir un matériel de propagande et des devises étrangères, tend à démontrer que les LTTE ont conservé une certaine activité et qu’ils ont les moyens de l’exercer. Combiné à d’autres informations démontrant que l’objectif de cette activité n’est pas strictement pacifique, cet élément factuel pourrait être retenu afin de démontrer la persistance du risque d’implication de cette organisation dans des activités terroristes.

218    Enfin, il convient de souligner que le fait que les personnes intéressées étaient menacées d’expulsion par les autorités malaisiennes ne remet pas en cause le fait même de l’arrestation et des saisies, qui justifient l’appréciation du Conseil.

219    Le quatrième argument de la requérante doit donc être rejeté.

–       Sur le deuxième incident

220    Pour prouver le deuxième incident, le Conseil a produit un article publié le 11 avril 2014 sur le blog d’un journaliste, M. D.B.S. Jeyaraj, ainsi qu’un article publié par la BBC à la même date.

221    La requérante soutient que le deuxième incident ne pouvait être pris en compte par le Conseil pour établir la persistance du risque d’implication des LTTE dans des activités terroristes, parce que le premier article émane d’un journaliste dont l’objectivité a été mise en cause dans un article publié dans le Colombo Telegraph du 16 avril 2014, produit par la requérante, et parce que l’article de la BBC a mis en doute le fait que les personnes tuées dans le cadre de cet incident étaient engagées dans une opération de regroupement des LTTE.

222    Il est exact que l’objectivité du journaliste qui a signé l’article du 11 avril 2014 quant au conflit qui oppose les Tamouls à l’État sri-lankais a été sévèrement mise en cause dans l’article du Colombo Telegraph, produit par la requérante. En outre, comme l’observe la requérante, l’article de la BBC émet d’importantes réserves sur la réalité de l’incident. L’article commence en effet par « Il est dit » (« It says »). Il se poursuit avec « L’incident rapporté, s’il est vrai, est le premier substantiel […] » (« The reported incident, if true, is the first substantial […] »). D’autres phrases sont précédées de « Les autorités déclarent » (« The authorities say ») ou « L’armée déclare » (« The military says »). Dans ces conditions, il ne saurait être affirmé que l’article de la BBC a confirmé l’article publié le 11 avril 2014 sur le blog de M. D.B.S Jeyaraj.

223    Par ailleurs, il convient de constater que, malgré les critiques de la requérante, le Conseil n’a fourni aucun élément qui aurait démontré l’objectivité du journaliste en cause ou que les 26 arrestations dont il est fait état dans la relation de cet incident avaient abouti à des condamnations.

224    Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments de la requérante qui s’y rapportent, il y a lieu de considérer que le deuxième incident n’est pas suffisamment étayé et qu’il ne pouvait donc pas être pris en compte par le Conseil pour justifier la persistance du risque d’implication des LTTE dans des activités terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

–       Sur le troisième incident

225    Pour prouver le troisième incident, le Conseil a produit un article publié le 10 février 2017 par M. D.B.S. Jeyaraj sur son blog. Il résulte de cet article qu’il a également été publié dans le Daily Mirror du 4 février 2017.

226    La requérante critique, en premier lieu, la source de l’information pour les mêmes raisons que celles mentionnées au point 221 ci-dessus.

227    À cet égard, il importe de relever que la tentative d’assassinat d’un parlementaire sri-lankais, qui est au cœur du troisième incident, n’est pas seulement évoquée dans l’article produit par le Conseil, mais également par deux articles que la requérante a elle-même produits, à savoir un article publié dans le DNA du 7 février 2017 et un article publié dans le Sunday Observer du 29 juillet 2018.

228    S’agissant du premier de ces deux articles, la requérante fait valoir, d’une part, qu’il rapporte les propos d’un ministre, dénommé M. Wigneswaran, selon lequel la tentative d’assassinat aurait été un stratagème utilisé par le gouvernement sri-lankais pour permettre le maintien des troupes militaires dans le Nord du pays et, d’autre part, qu’il ressort de ces articles que les quatre personnes arrêtées dans le cadre de la tentative d’assassinat n’ont pas été poursuivies pour des actes de terrorisme, ni même pour tentative d’assassinat, mais seulement pour possession de stupéfiants.

229    En ce qui concerne le premier argument de la requérante, il y a lieu de relever, comme le fait le Conseil, que, dans le même article, le ministre qui a déclaré que la tentative d’assassinat était un stratagème utilisé par le gouvernement sri-lankais pour permettre le maintien des troupes militaires dans le Nord du pays est qualifié de « ministre en chef tamoul radical » et qu’il y est affirmé que la victime de l’attentat, M. Sumandiran, qui est un parlementaire tamoul, tient l’information contenue dans cette déclaration pour fausse, même s’il a également déclaré qu’il n’était pas en mesure de vérifier la véracité du complot d’assassinat.

230    Quant au second argument avancé par la requérante, il importe de relever qu’il est infirmé par l’article publié dans le Sunday Observer du 29 juillet 2018, dont il ressort que, à cette date, les personnes arrêtées dans le cadre du troisième incident étaient en attente d’un jugement par la Haute Cour de Colombo sur la base de la loi sri-lankaise sur la prévention du terrorisme.

231    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la réalité du troisième incident est suffisamment établie pour que le Conseil puisse le prendre en compte dans le cadre de son appréciation sur la persistance du risque d’implication des LTTE dans des attentats terroristes.

232    En deuxième lieu, la requérante estime que le troisième incident est trop ancien pour justifier le maintien de l’inscription.

233    Cette critique n’est pas fondée. S’étant produit en janvier 2017, le troisième incident est suffisamment récent pour justifier le maintien de l’inscription des LTTE par le Conseil sur la liste annexée à la décision 2019/25, qui a été adoptée le 8 janvier 2019.

234    En troisième lieu, la requérante fait valoir que la loi sri-lankaise sur la prévention du terrorisme a été mise en cause devant l’ONU par le rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, de même que la méthode sri-lankaise de traitement des terroristes présumés.

235    À cet égard, il ressort de l’article publié dans le Sunday Observer du 29 juillet 2018, produit par la requérante, que les faits mentionnés par le Conseil au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25 ont été constatés, en ce qui concerne les personnes visées, au moment de leur arrestation. Or, aux termes de cet article, c’est en vertu de la « loi ordinaire », et non en application de la loi sri-lankaise sur la prévention du terrorisme, qu’est intervenue cette arrestation. Les faits indiqués par le Conseil ne sont donc pas liés à l’application de cette dernière loi, de manière telle que l’argument doit être écarté.

236    Il résulte de ce qui précède que les premier et troisième incidents pouvaient être pris en compte afin d’apprécier la persistance du risque d’implication des LTTE dans des activités terroristes, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

iii) Sur la question de savoir si les premier et troisième incidents justifiaient le maintien de l’inscription des LTTE sur la liste annexée à cette décision

237    Si la découverte de matériel de propagande et de devises étrangères dans le cadre du premier incident peut être interprétée comme la manifestation d’une simple activité politique visant à défendre les droits des Tamouls, elle devient plus inquiétante lorsqu’elle s’ajoute à une tentative d’assassinat telle que celle relatée dans le cadre du troisième incident.

238    Compte tenu des faits qui sont à l’origine de la décision du Home Secretary de 2001, sur laquelle le Conseil s’est appuyé pour inscrire les LTTE sur la liste annexée à la décision 2019/25, et de l’absence de déclaration de cette organisation selon laquelle elle aurait renoncé au terrorisme, il y a lieu de considérer que le Conseil a pu, sur la base des premier et troisième incidents, considérer que le risque d’implication des LTTE dans des actes terroristes avait persisté de sorte que le maintien de leur inscription sur la liste annexée à cette décision était justifiée.

239    S’agissant des faits qui sont à l’origine de la décision du Home Secretary de 2001, le Conseil a, au point 16 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25, fait état d’un attentat-suicide à la bombe commis en janvier 2000 devant les bureaux du Premier ministre du Sri Lanka à Colombo, d’un attentat au mortier commis contre une parade de promotion à Morawewa et d’un attentat à la bombe, commis contre un bureau à Vavuniya, tous ces attentats ayant fait des morts et des blessés, y compris civils.

240    La réalité ou l’imputabilité de ces faits ne sauraient être remises en cause devant le Conseil ou le Tribunal, comme tente de le faire la requérante dans ses écrits de la procédure.

241    En effet, selon la jurisprudence, sur ces deux points, le Conseil doit s’en remettre autant que faire se peut à la décision de l’autorité compétente, que celle-ci constitue une autorité judiciaire (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, points 121 et 124, et du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑284/08, EU:T:2008:550, points 53 et 54) ou une autorité administrative telle que le Home Secretary (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, points 134 et 147), dès lors que la décision du Home Secretary de 2001 doit être considérée comme adoptée par une autorité administrative équivalente à une autorité judiciaire (voir points 115, 117 et 118 ci-dessus) et doit être assimilée à une décision de condamnation au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (points 150 à 158 ci-dessus).

242    En effet, une obligation de vérification imposée au Conseil à l’égard des faits qui se trouvent à l’origine d’une telle décision, ayant fondé l’inscription initiale des LTTE sur les listes de gel de fonds, porterait un coup certain au système à deux niveaux caractérisant ladite position commune, dès lors que l’appréciation par le Conseil quant à la matérialité de ces faits risquerait d’entrer en conflit avec l’appréciation et les constatations effectuées par le Home Secretary en 2001. Un tel conflit serait d’autant plus inopportun que le Conseil ne dispose pas nécessairement de l’ensemble des données factuelles et des éléments de preuve qui figurent dans le dossier de cette autorité.

243    Quant aux éventuelles déclarations de la requérante selon lesquelles elle aurait renoncé au terrorisme, il y a lieu de relever, comme le fait le Conseil, que, au point 39 de la requête, elle affirme « se [concentrer] sur l’activisme politique pour promouvoir et accroître la reconnaissance de la gravité de la situation des Tamouls au Sri Lanka et de la nécessité d’une solution politique pérenne dans laquelle les droits des Tamouls soient respectés et où l’exercice pacifique de leur droit à l’autodétermination soit garanti ». De plus, M. Thavaraj a joint au mandat, qu’il a délivré le 23 juin 2019 aux avocats de la requérante, une déclaration sous serment ainsi libellée : « Nous renonçons au terrorisme ainsi qu’aux moyens que nous ne considérons pas comme terroristes, mais qui font partie de la lutte armée ».

244    Ces déclarations ne permettent pas de considérer que c’est à tort que le Conseil a estimé que le risque d’implication des LTTE dans des actes terroristes avait persisté. En effet, la requérante ne soutient pas que ces déclarations ont fait l’objet d’une quelconque publicité en dehors du cadre de la présente instance. En outre, la déclaration de M. Thavaraj ne permet pas de déterminer si elle engage la requérante ou les LTTE. Enfin, dès lors qu’elles ont seulement été produites dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, force est de constater que le Conseil n’en avait pas connaissance lors de l’adoption de la décision 2019/25, de sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas les avoir prises en compte dans cette décision.

245    Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de considérer que les premier et troisième incidents justifient l’appréciation du Conseil, selon laquelle le risque d’implication des LTTE dans des actes terroristes a persisté à la date d’adoption de cette décision.

246    En conséquence, sous réserve de la réponse qui sera apportée au premier moyen ci-dessous, les décisions 2019/25 et 2019/1341 ne sauraient être annulées au motif que le Conseil a violé l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

3.      Sur le premier moyen, tiré de ce que les LTTE ne pouvaient être qualifiés d’« organisation terroriste » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931

247    Le premier moyen comporte trois branches.

a)      Sur la première branche du premier moyen

248    Dans la première branche du premier moyen, la requérante estime que les actes attaqués doivent être annulés au motif que, depuis 2009, les LTTE ne constituent plus une « association structurée, agissant de manière concertée » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, dernier alinéa, de la position commune 2001/931.

249    La requérante ne nie pas que, avant leur défaite militaire en 2009, les LTTE constituaient une organisation structurée, mais elle soutient que, après cette défaite, ils se sont transformés en un réseau transnational composé de plusieurs divisions qui partageraient le même objectif de respect des droits des Tamouls et d’exercice pacifique du droit à l’autodétermination et qui agiraient indépendamment en raison de l’absence d’une supervision et d’une organisation générales.

250    En particulier, les incidents mentionnés par le Conseil au point 9 des exposés des motifs relatifs aux actes attaqués ne démontreraient pas l’existence d’une association suffisamment structurée agissant de façon concertée depuis 2009.

251    Le Conseil, soutenu par le Royaume-Uni, estime que cette argumentation de la requérante doit être rejetée.

252    À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que la qualification de « groupe terroriste » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de la position commune 2001/931, celui-ci étant défini comme « une association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes », ne constitue pas une condition générale d’application de ladite position commune.

253    En effet, ainsi qu’il est indiqué dans l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931, celle-ci s’applique aux personnes physiques ainsi qu’aux groupes et aux entités, ces derniers n’étant d’ailleurs pas distingués dans la liste qui y est annexée ni dans celles annexées aux décisions 2019/25 et 2019/1341, qui énumèrent, dans un premier point, les « personnes physiques » et, dans un second point, les « groupes et entités ». La définition du « groupe terroriste » fournie par l’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de la position commune 2001/931 vise uniquement à préciser deux buts terroristes spécifiques que sont « la direction d’un groupe terroriste » [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, iii), sous j), de la position commune 2001/931] et « la participation aux activités d’un groupe terroriste » [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, iii), sous k), de la position commune 2001/931], lesquels n’épuisent pas le champ d’application de cette position commune et n’ont d’ailleurs pas été retenus par le Conseil dans les décisions 2019/25 et 2019/1341 s’agissant des LTTE.

254    Il s’ensuit que, dans la mesure où les LTTE ont, conformément aux prescriptions de la position commune 2001/931, été inscrits sur les listes litigieuses en tant que « groupes et entités », il est indifférent que, comme le soutient la requérante, les LTTE ne constituent pas un « groupe terroriste ».

255    À titre surabondant, l’interprétation soutenue par la requérante procède manifestement d’une lecture incomplète de l’article 1er, paragraphe 3, dernier alinéa, de la position commune 2001/931. Il résulte en effet notamment de cette définition que, pour relever de la position commune 2001/931, il suffit que l’association structurée soit composée de plus de deux personnes, qu’elle ne doit pas nécessairement comporter des rôles formellement définis pour ses membres et qu’elle ne doit pas nécessairement présenter une continuité dans sa composition ou une structure élaborée.

256    Or, comme le relève le Royaume-Uni, la description que la requérante livre des LTTE au point 46 de la requête relève de cette définition de l’« association structurée ». En effet, cette description fait état d’« un réseau transnational » et de « divisions », ce qui suppose des regroupements de plusieurs personnes et une certaine organisation des groupes ainsi constitués.

257    De plus, comme l’observe également le Royaume-Uni, la position défendue par la requérante dans le cadre du présent moyen est en contradiction avec l’argumentation développée au point 41 de la requête, dans lequel, afin d’établir la recevabilité de son recours, elle se prévaut de la nomination de M. Thavaraj en tant que « directeur coordinateur du secrétariat international des LTTE » et de sa qualité de « responsable des activités et du fonctionnement de la subdivision politique européenne des LTTE ».

258    La première branche du premier moyen doit donc être écartée.

b)      Sur la deuxième branche du premier moyen

259    Dans la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que les LTTE ne peuvent être tenus pour responsables d’actes relevant de la liste limitative des actes intentionnels énumérés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, qui, « par [leur] nature ou [leur] contexte, peuvent gravement nuire à un pays […], correspondant à la définition d’infraction dans le droit national ».

260    Pour le prouver, la requérante passe en revue les faits qui se trouvent à l’origine de la décision du Home Secretary de 2001, des décisions du Home Secretary de juin 2014 et de mars 2019, ainsi que des décisions des juridictions françaises mentionnées au point 139 ci-dessus, et les incidents mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs des actes attaqués. Elle conteste chacun de ces faits notamment au motif qu’ils ne correspondent pas à la définition de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, mais également parce que la motivation à leur égard est insuffisante, parce qu’ils n’ont pas été revendiqués ou qu’ils ont été démentis par les LTTE ou encore parce qu’ils n’ont pas été prouvés.

261    Le Conseil conteste cette argumentation.

1)      Sur les faits qui se trouvent à la base de la décision du Home Secretary de 2001

262    S’agissant des faits qui se trouvent à la base de la décision du Home Secretary de 2001, mentionnés au point 16 de l’annexe A des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341 et reproduits au point 239 ci-dessus, la requérante fait valoir qu’elle n’a connaissance d’aucune information concernant l’attentat au mortier et d’aucune revendication par les LTTE de l’attentat-suicide et de l’attentat à la bombe. En tout état de cause, ces attentats auraient visé le personnel militaire et se seraient inscrits dans le cadre d’un conflit armé.

263    Ce dernier argument se rattache à la troisième branche du présent moyen qui sera examinée ci-dessous et à laquelle il est renvoyé.

264    Quant aux autres arguments, il convient de constater qu’ils visent à remettre en cause la réalité des faits qui se trouvent à la base de la décision du Home Secretary de 2001.

265    Or, ainsi qu’il ressort déjà des points 240 à 242 ci-dessus, le Tribunal ne peut remettre en cause la réalité de ces faits.

266    Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante relative aux faits qui se trouvent à la base de la décision du Home Secretary de 2001 doit être écartée.

2)      Sur les faits qui sont à l’origine des décisions du Home Secretary de juin 2014 et de mars 2019

i)      Sur les faits qui sont à l’origine de la décision du Home Secretary de juin 2014

267    La requérante considère que la motivation figurant au point 17 de l’annexe A des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, reproduite au point 189 ci-dessus, est trop vague et que l’intention de recourir à la violence n’implique pas une menace au sens de l’article 1er, paragraphe 3, iii), sous i), de la position commune 2001/931.

268    À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant de la décision 2019/1341, le Tribunal a considéré aux points 184 à 187 ci-dessus que la décision du Home Secretary de mars 2019 suffisait à justifier le maintien de l’inscription des LTTE.

269    En ce qui concerne la décision 2019/25, le Tribunal a estimé, aux points 190 et 191 ci-dessus, que, dès lors que les faits sur lesquels le Home Secretary s’était fondé en juin 2014 pour maintenir l’interdiction au Royaume-Uni n’étaient pas datés, cette décision ne pouvait à elle seule fonder le maintien de l’inscription des LTTE et que le Conseil devait invoquer des éléments factuels plus récents pour établir le risque d’implication des LTTE dans des actes terroristes, ce qu’il a fait au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25.

270    Il en ressort que la circonstance que la motivation relative aux faits qui se trouvent à l’origine de la décision du Home Secretary de juin 2014 n’est pas correcte ou que ces faits ne peuvent être qualifiés d’actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 ne peut, en toute hypothèse, conduire à l’annulation des décisions 2019/25 et 2019/1341.

271    L’argumentation de la requérante relative aux faits qui se trouvent à la base de la décision du Home Secretary de juin 2014 doit donc être rejetée comme étant inopérante.

ii)    Sur les faits qui sont à l’origine de la décision du Home Secretary de mars 2019

272    La requérante fait valoir que la motivation relative aux faits mentionnés au point 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/1341, reproduite au point 184 ci-dessus, est insuffisante et que ces faits ne constituent pas des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, la définition de l’acte terroriste livrée par cette disposition étant plus étroite que la définition qui figure dans la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme.

273    Sur la question de la motivation, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le Conseil peut, pour maintenir l’inscription d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel de fonds, se fonder sur la seule décision par laquelle l’autorité compétente a maintenu la décision qui a servi de base à l’inscription si cette décision nationale de maintien est récente et qu’elle se fonde sur des éléments factuels récents (voir points 170 et 185 à 187 ci-dessus).

274    En l’espèce, les mentions concernant la décision du Home Secretary de mars 2019, qui figurent au point 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/1341, sont suffisamment précises pour permettre, d’une part, aux intéressés de contester le respect de ces conditions et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle.

275    Il y a donc lieu de considérer que la décision 2019/1341 est suffisamment motivée quant à la décision du Home Secretary de mars 2019.

276    Quant à l’argument de la requérante selon lequel les faits qui se trouvent à l’origine de la décision du Home Secretary de mars 2019 ne constituent pas des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, il importe de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 6, de celle-ci, tel qu’il est interprété par la Cour, pour maintenir l’inscription des LTTE sur les listes de gel de fonds, le Conseil doit établir non pas que cette organisation a commis des actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de ladite disposition commune, mais que le risque qu’elle soit impliquée dans de tels actes a persisté (point 168 ci-dessus).

277    Il en ressort que la décision 2019/1341 ne saurait être annulée pour la raison que la motivation des faits qui se trouvent à l’origine de la décision du Home Secretary de mars 2019 est insuffisante ou que ces faits ne constituent pas des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

3)      Sur les faits qui se trouvent à la base des décisions des juridictions françaises

278    Il ressort des points 13 et 14 de l’annexe B des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341 que les décisions des juridictions françaises mentionnées au point 139 ci-dessus se réfèrent à des actes commis entre 2005 et 2008.

279    La requérante critique ces faits au motif qu’ils ne sont pas établis, qu’ils ont été démentis par les LTTE et que, intervenant dans le cadre d’un conflit armé, ils ne poursuivent pas un but terroriste.

280    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la réponse apportée à la deuxième branche du deuxième moyen, les décisions des juridictions françaises, étant postérieures à l’inscription initiale des LTTE, n’ont pas pu fonder celle-ci (points 141 et 142 ci-dessus).

281    En ce qui concerne l’inscription initiale des LTTE, l’argumentation de la requérante est donc inopérante.

282    Il en va de même en qu’elle concerne leur réinscription.

283    En effet, intervenus entre 2005 et 2008 et, donc, antérieurement à la défaite militaire des LTTE en 2009, les faits mentionnés dans les décisions des juridictions françaises ne peuvent justifier la persistance du risque d’implication de cette organisation dans des actes terroristes après cette date et donc le maintien de l’inscription des LTTE sur les listes annexées aux décisions 2019/25 et 2019/1341 (point 180 ci-dessus).

284    Ces décisions ne sauraient dès lors être annulées au motif que les faits qui se trouvent à la base des décisions des juridictions françaises ne sont pas établis, qu’ils ont été démentis par les LTTE ou que, intervenant dans le cadre d’un conflit armé, ils ne poursuivent pas un but terroriste.

4)      Sur les faits mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341

285    La requérante critique les faits mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341 pour différentes raisons qui ont été examinées dans le cadre du troisième moyen.

286    Il convient dès lors de renvoyer à la réponse apportée dans le cadre de ce moyen.

287    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

c)      Sur la troisième branche du premier moyen

288    Dans la troisième branche du premier moyen, la requérante soutient que, en toute hypothèse, les actes imputés aux LTTE ne poursuivaient pas un but terroriste parce qu’ils sont intervenus dans le cadre d’un conflit armé, régi par le droit international humanitaire.

289    À cet égard, la requérante expose que, jusqu’en 2009, les droits fondamentaux des Tamouls étaient déniés par le gouvernement sri-lankais et ce peuple faisait l’objet de graves discriminations. Les LTTE auraient participé à un conflit armé légitime dans le but d’assurer le droit à l’autodétermination du peuple tamoul. Ce droit à l’autodétermination ferait partie du jus cogens, aurait été inscrit à l’article 1er, paragraphe 2, de la charte des Nations unies et aurait été reconnu par la Cour internationale de justice ainsi que par l’Union, en particulier par la Cour de justice de l’Union européenne et par les États membres, dont les Pays-Bas.

290    Le droit humanitaire, qui serait dès lors applicable, n’interdirait pas le recours à la force dans de telles circonstances. En particulier, il n’interdirait pas les pertes de vies humaines en temps de guerre, non seulement celles des combattants actifs, mais aussi celles des civils.

291    La requérante fait en outre valoir à cet égard que tant les faits qui sont indiqués dans les décisions des juridictions françaises mentionnées au point 139 ci-dessus que ceux qui se trouvent à la base des décisions du Home Secretary et ceux relatés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux actes attaqués ne visaient ni à « gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, iii), de la position commune 2001/931, ni à « contraindre indûment […] des pouvoirs publics à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque » au sens du point ii) de ladite disposition, mais à améliorer les structures de l’État sri-lankais et à assurer leur conformité avec les principes démocratiques et juridiques auxquels adhère, notamment, l’Union. Ces faits n’auraient pas non plus visé à « gravement intimider la population » au sens du point i) de la même disposition, dès lors que, en cas de morts parmi les civils ou d’un sentiment de peur suscité au sein de la population, il conviendrait d’apprécier le lien de chacun des actes avec le conflit armé et sa nécessité militaire. Lorsque des civils, qui n’auraient pas participé au conflit, perdraient la vie, il y aurait lieu de déterminer s’ils ont été délibérément soumis à des actes de violence, si leur mort aurait pu être évitée et si le but principal des actes en question était de répandre la terreur.

292    Enfin, la requérante tente de démontrer qu’aucun des incidents survenus après 2009, mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, ne répond à un but terroriste.

293    Le Conseil, soutenu par le Royaume-Uni, conteste cette argumentation.

294    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence établie, l’existence d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international n’exclut pas l’application des dispositions du droit de l’Union visant à la prévention du terrorisme aux éventuels actes de terrorisme commis dans ce cadre, tels que la position commune 2001/931 et le règlement no 2580/2001 (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 57 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, points 95 à 98).

295    En effet, d’une part, la position commune 2001/931 n’opère aucune distinction en ce qui concerne son champ d’application selon que l’acte en cause est ou non commis dans le cadre d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international. D’autre part, l’objectif de l’Union et de ses États membres est de lutter contre le terrorisme, quelles que soient les formes qu’il puisse prendre, conformément aux objectifs du droit international en vigueur (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 58).

296    C’est, notamment, pour mettre en œuvre, au niveau de l’Union, la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies (voir point 1 ci-dessus), laquelle « réaffirme la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme » et « demande aux États membres de compléter la coopération internationale en prenant des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de terrorisme », que le Conseil a adopté la position commune 2001/931 (voir considérants 5 à 7 de cette position commune), puis, conformément à cette position commune, le règlement no 2580/2001 (voir considérants 3, 5 et 6 de ce règlement) (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 59).

297    À cet égard, il ne saurait être objecté que qualifier d’actes terroristes les agissements d’un mouvement qui viserait à exercer le droit à l’autodétermination porterait atteinte à ce droit.

298    Il convient de relever que, comme l’indique la requérante, la Cour, dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 88), a considéré que le principe coutumier d’autodétermination rappelé, notamment, à l’article 1er de la charte des Nations unies, est un principe de droit international applicable à tous les territoires non autonomes et à tous les peuples n’ayant pas encore accédé à l’indépendance.

299    Sans prendre position sur son application dans la présente affaire, il convient de relever que ce principe n’implique pas que, pour exercer le droit à l’autodétermination, un peuple ou les habitants d’un territoire puissent recourir à des moyens tombant sous le coup de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

300    En effet, une distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et, d’autre part, les comportements qu’ils mettent en œuvre aux fins d’y parvenir (arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, sous pourvoi, EU:T:2019:557, point 219). En effet, les « buts » mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, i) à iii), de la position commune 2001/931 ne correspondent pas à de tels objectifs, qui peuvent être qualifiés d’ultimes ou de sous-jacents. Ils visent, ainsi qu’il ressort des termes employés, à savoir « intimidation », « contrainte », « déstabilisation » ou « destruction », la nature même des actes accomplis, ce qui conduit à considérer que l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 fait uniquement référence à des « actes » et non à des « buts ».

301    Par conséquent, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen et, partant, l’ensemble de ce moyen.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité

302    La requérante estime que, compte tenu du changement de circonstances intervenu depuis l’inscription des LTTE, à savoir la défaite militaire de cette organisation en 2009, les actes attaqués violent les principes de proportionnalité et de subsidiarité au motif que, du fait de ces actes, elle est privée, en Europe, de sa liberté de réunion et de sa liberté d’expression, ce qui l’empêcherait de fonctionner légalement comme une entité politique et réduirait au silence les Tamouls qui souhaiteraient s’élever contre la répression et en faveur de l’autodétermination de leur peuple.

303    La requérante fait en outre valoir que, en 2006, des désaccords sont apparus entre les États de l’Union quant à l’inscription des LTTE et que, bien que cette organisation ait changé de tactique depuis plus de dix ans, il n’existe aucune perspective que les mesures restrictives prises à son égard soient levées.

304    À titre subsidiaire, pour le cas où il serait décidé que des sanctions à l’encontre des LTTE restent justifiées, la requérante estime qu’il y a lieu d’imposer des mesures moins sévères.

305    Cette argumentation est contestée par le Conseil.

306    À cet égard, il importe de souligner, en premier lieu, que l’argumentation de la requérante, exposée dans la requête, ne permet pas de comprendre en quoi les décisions 2019/25 et 2019/1341 violent le principe de subsidiarité.

307    Il y a donc lieu de rejeter le quatrième moyen en tant qu’il est fondé sur ce principe par application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

308    En effet, selon cette disposition telle qu’interprétée par la jurisprudence, la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir arrêt du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 127 et jurisprudence citée).

309    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel, en 2006, certains États membres n’auraient pas marqué leur accord pour inscrire les LTTE sur les listes de gel de fonds, il convient d’observer que la requérante ne conteste pas que les actes attaqués ont été adoptés dans le respect des règles de majorité établies par les traités.

310    L’argument ne permet donc pas de conduire à l’annulation des décisions 2019/25 et 2019/1341 et doit être écarté.

311    En troisième lieu, en ce qui concerne le principe de proportionnalité, il convient de rappeler que les droits fondamentaux, dont le droit de propriété, la liberté d’expression ou le droit de réunion, ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue. Des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits à condition, premièrement, qu’elles soient dûment justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et, deuxièmement, qu’elles ne constituent pas, au regard de ces objectifs, une intervention démesurée, ou intolérable, qui porterait atteinte à leur substance (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 121 et jurisprudence citée).

312    En ce qui concerne la première condition, il convient de rappeler que le gel des fonds, des avoirs financiers et d’autres ressources économiques des personnes et des entités identifiées, selon les règles prévues par le règlement no 2580/2001 et par la position commune 2001/931, comme étant impliquées dans le financement du terrorisme poursuit un objectif d’intérêt général, dès lors qu’il s’inscrit dans la lutte menée contre les menaces que font peser, sur la paix et la sécurité internationales, les actes de terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 123 et jurisprudence citée).

313    Quant à la seconde condition, il importe de relever que les mesures organisant le gel de fonds et, en particulier, le maintien des LTTE sur les listes annexées aux décisions 2019/25 et 2019/1341 n’apparaissent pas comme étant démesurés, intolérables ou comme portant atteinte à la substance des droits fondamentaux ou de certains d’entre eux.

314    En effet, ce type de mesures est nécessaire, dans une société démocratique, pour lutter contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 129 et jurisprudence citée).

315    De plus, les mesures organisant le gel de fonds ne sont pas absolues, compte tenu de ce que les articles 5 et 6 du règlement no 2580/2001 prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant, dans des conditions particulières, de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127 et jurisprudence citée).

316    En outre, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le gel des fonds des LTTE ne constitue pas une mesure permanente, dès lors que, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le maintien du nom des personnes et des entités sur les listes de gel de fonds fait l’objet d’un réexamen périodique en vue d’assurer qu’en soient radiées celles qui ne répondent plus aux critères pour y figurer (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 129).

317    Quant à l’argument subsidiaire de la requérante selon lequel les mesures adoptées par le Conseil à l’encontre des LTTE devraient à tout le moins être moins sévères, il y a lieu de relever qu’il se réfère à « des sanctions intelligentes, ciblant à la fois les LTTE et le gouvernement sri-lankais », mais n’explique pas en quoi devraient consister de telles mesures.

318    Le Tribunal n’est donc pas en mesure d’apprécier si elles permettraient d’atteindre aussi efficacement que les mesures de gel de fonds l’objectif poursuivi par celles-ci, à savoir la lutte contre le financement du terrorisme.

319    Il y a donc lieu de considérer que les décisions 2019/25 et 2019/1341 ne violent pas le principe de proportionnalité, de sorte que le quatrième moyen doit être rejeté.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

320    La requérante soutient que les actes attaqués doivent être annulés au motif que, pour différentes raisons qui sont contestées par le Conseil et le Royaume-Uni, ils ne satisfont pas à l’obligation de motivation prévue par l’article 296 TFUE.

321    En premier lieu, la requérante fait valoir que, dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, le Conseil n’a pas établi à suffisance de droit que les LTTE constituaient une organisation terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

322    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée ; arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 143).

323    En l’espèce, la question de savoir si le Conseil a établi à suffisance de droit que les LTTE constituaient une organisation terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 est une question de fond qui a été examinée dans le cadre du premier moyen, auquel il convient par conséquent de renvoyer.

324    En toute hypothèse, il ne ressort pas du dossier que, au cours de la procédure devant le Conseil, la requérante a contesté, de manière circonstanciée, que les LTTE constituaient une organisation terroriste, de sorte qu’il ne saurait être reproché à cette institution de ne pas s’être prononcée de manière plus détaillée sur cette question (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑122/19 P, non publié, EU:C:2020:690, point 42).

325    Le premier argument de la requérante doit donc être rejeté.

326    En deuxième lieu, la requérante reproche au Conseil de ne pas avoir précisé, dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, les raisons pour lesquelles il considérait que les décisions des juridictions françaises mentionnées au point 139 ci-dessus constituaient des « décisions d’autorités compétentes » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

327    À cet égard, il importe tout d’abord de rappeler que, étant postérieures à l’inscription initiale des LTTE sur les listes de gel de fonds, les décisions des juridictions françaises n’ont pas pu servir de base à cette inscription. Dès lors, elles ne devaient pas constituer des « décisions d’autorités compétentes » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (points 141 à 143 ci-dessus).

328    Partant, les décisions 2019/25 et 2019/1341 ne sauraient être annulées au motif que le Conseil n’a pas indiqué, dans les exposés des motifs relatifs à ces décisions, les raisons pour lesquelles les décisions des juridictions françaises constituaient des décisions d’autorités compétentes au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

329    Quant à la décision du Home Secretary de 2001, il convient de relever que l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 impose au Conseil de communiquer, dans la motivation des mesures de gel de fonds, les informations précises ou les éléments du dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente au sens de cette disposition, mais non d’exposer en quoi la décision nationale sur laquelle il s’appuie constitue une telle décision.

330    Ce n’est que si la qualification de cette décision nationale de décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 est contestée de manière circonstanciée par la personne ou l’entité concernée au cours de la procédure administrative qui s’est déroulée devant le Conseil que celui-ci doit motiver plus avant les mesures prises sur ce point.

331    Or, en l’espèce, il ne résulte pas du dossier produit devant le Tribunal que la requérante ou les LTTE aient contesté devant le Conseil que la décision du Home Secretary de 2001 constituait une décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

332    En toute hypothèse, il convient de relever que, au point 4 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, le Conseil a renvoyé à l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885), dans lequel le Tribunal a répondu au moyen mettant en cause la qualification de cette décision au regard de ladite disposition. Certes, dans ce point 4 des exposés des motifs, le Conseil mentionne l’UK Treasury (Trésor du Royaume-Uni), et non le Home Secretary. La requérante pouvait cependant aisément comprendre que ces exposés contenaient une erreur matérielle et que l’intention réelle du Conseil était de viser le Home Secretary, dont il était question dans le point 1 qui précédait et dont les décisions sont également en cause dans ledit arrêt.

333    Il ne saurait dès lors être reproché au Conseil de ne pas avoir indiqué, dans les exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, les raisons pour lesquelles il estimait que la décision du Home Secretary de 2001 et les décisions des juridictions françaises constituaient des décisions d’autorités compétentes au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

334    Le deuxième argument de la requérante doit dès lors être rejeté.

335    En troisième lieu, la requérante fait grief au Conseil de ne pas avoir mentionné les motifs réels et concrets sur lesquels reposait la décision du Home Secretary de juin 2014, par laquelle cette autorité a maintenu son interdiction.

336    À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la réponse apportée au troisième moyen, la réinscription des LTTE sur les listes annexées aux décisions 2019/25 et 2019/1341 est suffisamment justifiée par les faits mentionnés du point 9 de l’exposé des motifs relatif à ladite décision pour la première (points 189 à 192 et 193 à 246 ci-dessus) et la décision du Home Secretary de mars 2019 pour la seconde (points 184 à 187 ci-dessus).

337    Dans ces conditions, il est indifférent que le Conseil n’ait pas mentionné avec précision les faits qui se trouvaient à l’origine de la décision du Home Secretary de juin 2014, de sorte que l’argument est inopérant.

338    Il y a donc lieu de rejeter le troisième argument de la requérante.

339    En quatrième lieu, la requérante estime, dans le cadre des deuxième et cinquième moyens, que le Conseil aurait dû préciser de quelle manière ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective avaient été garantis dans le cadre de la procédure judiciaire qui a abouti aux décisions des juridictions françaises mentionnées au point 139 ci-dessus, alors qu’elle n’était pas partie dans cette affaire.

340    À cet égard, il y a lieu de relever que, dès lors qu’il ressort des réponses apportées à la première branche du deuxième moyen (points 141 à 143 et 327 ci-dessus) et au deuxième moyen (point 180 ci-dessus) que les décisions des juridictions françaises n’ont pu servir de fondement ni à l’inscription initiale des LTTE sur les listes de gel de fonds ni à leur réinscription sur les listes litigieuses, l’argument est inopérant et doit être rejeté.

341    En cinquième lieu, la requérante reproche au Conseil de ne pas avoir mentionné les motifs réels et concrets pour lesquels, après un examen approprié, il avait décidé de maintenir l’inscription des LTTE sur les listes annexées aux actes attaqués. À cet égard, la référence faite aux incidents évoqués au point 9 des exposés des motifs qui s’y rapportent et la mention du fait qu’ils conservent des capacités internationales leur permettant de se financer et de se reconstituer ne suffiraient pas à étayer la conclusion selon laquelle ils ont « toujours l’intention de commettre des attentats terroristes ».

342    Cet argument, qui touche au fond du recours, ayant déjà été examiné dans le cadre du troisième moyen, il convient de renvoyer à la réponse apportée à celui-ci et de rejeter l’argument.

343    En conséquence, il y a lieu de rejeter le cinquième argument de la requérante et, partant, le cinquième moyen.

6.      Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

344    Le sixième moyen comporte trois branches.

a)      Sur la première branche du sixième moyen

345    Dans la première branche du sixième moyen, la requérante soutient que les actes attaqués violent le principe du respect des droits de la défense parce que les trois incidents mentionnés au point 9 des exposés des motifs qui y sont relatifs ne permettent pas d’étayer le maintien de l’inscription des LTTE.

346    Le Conseil conteste cette argumentation.

347    Compte tenu de ce qu’elle concerne le respect de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, qui a été examiné dans le cadre du troisième moyen, il est renvoyé à celui-ci.

348    Il y a donc lieu d’écarter la première branche du sixième moyen.

b)      Sur la deuxième branche du sixième moyen

349    Dans la deuxième branche du sixième moyen, la requérante estime que les actes attaqués violent le droit à une protection juridictionnelle effective pour trois raisons.

350    En premier lieu, elle soutient que, n’ayant pas été soumis à l’appréciation d’une autorité nationale compétente, les trois incidents invoqués au point 9 des exposés des motifs relatifs aux actes attaqués et les éléments de preuve afférents à ces incidents auraient dû faire l’objet d’une communication par le Conseil.

351    Cette argumentation est contestée par le Conseil.

352    À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, une distinction doit être opérée entre, d’une part, l’inscription d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel de fonds et, d’autre part, le maintien d’une telle inscription pour la détermination des obligations requises par le principe du respect des droits de la défense.

353    Lorsqu’il inscrit pour la première fois une personne ou une entité sur une liste visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, le Conseil n’est pas tenu de leur communiquer, au préalable, les motifs sur lesquels il entend se fonder. Cette règle s’explique par le fait que, pour être efficace, une telle mesure doit pouvoir bénéficier d’un effet de surprise (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

354    Ainsi, dans le cadre d’une première inscription, il suffit, en principe, de communiquer, à la personne ou à l’entité visée, les motifs expliquant la mesure concomitamment avec, ou immédiatement après, l’adoption de cette mesure, en lui permettant d’être entendue à ce moment-là (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

355    Il en va différemment pour les actes maintenant l’inscription d’une personne ou d’une entité sur des listes de gel de fonds, dès lors que, dans ce cas, un effet de surprise n’est plus nécessaire.

356    Aux termes de la jurisprudence, les obligations diffèrent, pour de telles décisions, selon que l’exposé des motifs comporte ou non des éléments nouveaux.

357    En présence d’éléments nouveaux, l’adoption de la mesure doit être précédée d’une communication, à la personne ou à l’entité visée, des éléments retenus à sa charge, en lui permettant d’être entendue à leur propos (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 63, et du 28 juillet 2016, Tomana e.a./Conseil et Commission, C‑330/15 P, non publié, EU:C:2016:601, point 67).

358    En revanche, l’obligation de communication préalable ne s’applique pas en l’absence de tels éléments (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, points 43 et 44, et du 18 septembre 2017, Uganda Commercial Impex/Conseil, T‑107/15 et T‑347/15, non publié, EU:T:2017:628, point 97).

359    En l’espèce, il convient, pour l’application de cette jurisprudence, de distinguer l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25 et celui relatif à la décision 2019/1341.

360    S’agissant de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25, comme le Conseil l’a affirmé à l’audience, il ressort du courrier du 9 janvier 2019 par lequel le Conseil a communiqué cet exposé des motifs aux LTTE qu’il était identique à celui relatif aux actes antérieurs par lesquels les LTTE avaient été réinscrits sur les listes de gel de fonds. Il ne saurait dès lors être reproché au Conseil de ne pas avoir communiqué aux LTTE le projet de l’exposé des motifs relatif à ladite décision préalablement à son adoption.

361    Postérieurement à l’adoption de la décision 2019/25, le Conseil a, par courrier du 9 janvier 2019, notifié l’exposé des motifs aux personnes qui s’étaient présentées comme étant leurs avocats (point 10 ci-dessus).

362    En ce qui concerne la décision 2019/25, il ne peut donc être considéré que les droits de la défense des LTTE ont été violés au motif que l’exposé des motifs qui lui est relatif ne leur aurait pas été communiqué par le Conseil.

363    Quant à l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/1341, il résulte du point 15 ci-dessus qu’il contenait des modifications par rapport à celui relatif à la décision 2019/25.

364    En application de la jurisprudence rappelée au point 357 ci-dessus, cet exposé devait par conséquent être communiqué aux LTTE, sous forme de projet, avant l’adoption de la décision 2019/1341, ce qu’a fait le Conseil par courrier du 27 juin 2019 (point 12 ci-dessus).

365    De plus, après l’adoption de la décision 2019/1341, le Conseil a, par courrier du 9 août 2019, communiqué l’exposé des motifs relatif à celle-ci dans sa version définitive (point 14 ci-dessus).

366    En conséquence, il ne saurait être considéré que le Conseil a violé le principe du respect des droits de la défense au motif que les exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341 n’ont pas fait l’objet d’une communication.

367    En ce qui concerne la communication des preuves relatives aux trois incidents mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque, comme en l’espèce, des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 92 ; du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 87, et du 28 juillet 2016, Tomana e.a./Conseil et Commission, C‑330/15 P, non publié, EU:C:2016:601, point 66).

368    En l’espèce, la requérante n’établit pas qu’une telle demande a été présentée au Conseil.

369    En toute hypothèse, il importe d’observer que, par courrier du 6 février 2018, soit antérieurement à l’adoption de la décision 2019/25, le Conseil a communiqué aux LTTE, concernant le premier incident, l’article publié le 1er juin 2014 par le Sunday Leader, concernant le deuxième incident, l’article publié le 11 avril 2014 sur le blog de M. D.B.S. Jeyaraj et celui publié à la même date par la BBC et, concernant le troisième incident, l’article publié le 10 février 2017 sur le blog de M. D.B.S. Jeyaraj. À la suite de ce courrier, les LTTE ont d’ailleurs fait valoir leurs observations par courrier du 21 février 2018, auquel le Conseil a répondu par courrier du 22 mars 2018.

370    De même, par courrier du 27 juin 2019, et donc antérieurement à l’adoption de la décision 2019/1341, le Conseil a communiqué l’article publié dans le Daily Mirror du 20 juin 2018 concernant l’arrestation au mois de juin 2018 de personnes transportant des dispositifs explosifs ainsi que du matériel divers des LTTE, qui, aux termes du point 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à cette décision, a motivé le maintien, en mars 2019, de la décision du Home Secretary de 2001.

371    Dans ces conditions, le droit à une protection juridictionnelle effective des LTTE ne saurait être considéré comme ayant été violé au motif que les incidents qui ont motivé le maintien de leur inscription sur les listes annexées aux décisions 2019/25 et 2019/1341 et les éléments de preuve relatifs à ces incidents ne leur auraient pas été communiqués.

372    En deuxième lieu, la requérante estime que les LTTE auraient dû bénéficier d’une audition devant le Conseil préalablement à l’adoption des actes attaqués et que tel n’a pas été le cas.

373    Le Conseil conteste cet argument.

374    À cet égard, il suffit de relever que ni la réglementation en cause, à savoir la position commune 2001/931 et le règlement no 2580/2001, ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition devant le Conseil (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 93 et jurisprudence citée).

375    Les décisions 2019/25 et 2019/1341 ne sauraient dès lors être annulées au motif que les LTTE n’ont pas bénéficié d’une audition devant le Conseil préalablement à leur adoption.

376    En troisième lieu, la requérante fait grief au Conseil de ne pas avoir indiqué la source des informations relatives aux incidents mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux actes attaqués.

377    Le Conseil conteste cet argument.

378    À cet égard, il a déjà été jugé que le Conseil n’est pas tenu d’indiquer, dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués, la source des éléments invoqués pour maintenir l’inscription d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel de fonds (arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, sous pourvoi, EU:T:2019:557, point 150).

379    En effet, le fait que cette source ne soit pas indiquée dans les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués n’empêche pas la personne ou l’entité dont l’inscription est maintenue sur les listes de gel de fonds de comprendre les raisons de ce maintien.

380    Il en va d’autant plus ainsi que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 367 ci-dessus, les personnes ou les entités inscrites sur des listes de gel de fonds peuvent demander à accéder aux documents détenus par le Conseil et que, en l’espèce, le Conseil a communiqué aux LTTE, le 6 février 2018, des documents concernant les trois incidents mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341 (point 369 ci-dessus) et, le 27 juin 2019, des documents relatifs à l’incident qui, aux termes du point 18 de l’annexe A de l’exposé des motifs relatif à la seconde de ces décisions, a motivé le maintien, en mars 2019, de la décision du Home Secretary de 2001 (point 370 ci-dessus).

381    Il y a donc lieu de considérer que le droit à une protection juridictionnelle effective ne saurait être considéré comme violé au motif que le Conseil n’a pas indiqué, dans les exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341, la source des éléments invoqués pour maintenir l’inscription des LTTE sur les listes annexées à ces décisions.

c)      Sur la troisième branche du sixième moyen

382    Dans la troisième branche du sixième moyen, la requérante soutient que les principes du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective ont été violés parce que les exposés des motifs relatifs aux actes attaqués ne contiennent pas des motifs suffisants pour lui permettre de contester utilement l’affirmation selon laquelle les LTTE « sont ou seront impliqués dans des activités terroristes » et « constituent donc une menace terroriste ».

383    Cette argumentation est contestée par le Conseil.

384    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il résulte de l’examen des deuxième et troisième moyens, l’inscription des LTTE sur les listes de gel de fonds, dont les décisions 2019/25 et 2019/1341 constituent la prolongation, est fondée sur la décision du Home Secretary de 2001, tandis que leur réinscription est justifiée, pour la première décision, par les trois incidents mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs relatif à cette décision et, pour la seconde, par la décision du Home Secretary de mars 2019.

385    Il résulte en outre de l’examen des deuxième, troisième et cinquième moyens que les décisions 2019/25 et 2019/1341 sont suffisamment motivées sur ces points et de l’examen du présent moyen que le Conseil a dûment procédé aux communications nécessitées par le principe du droit à une protection juridictionnelle effective.

386    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que les principes du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective ont été violés en raison du fait que les exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341 ne contiendraient pas de motifs suffisants pour permettre de contester utilement l’affirmation selon laquelle les LTTE « sont ou seront impliqués dans des activités terroristes » et « constituent donc une menace terroriste ».

387    En conséquence, la troisième branche du sixième moyen et, partant, le sixième moyen doivent être rejetés.

III. Sur les dépens

388    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

389    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

390    Par ailleurs, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

391    En conséquence, le Royaume-Uni supportera ses propres dépens. 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La subdivision politique européenne des Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 novembre 2021.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du présent recours

A. Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies

B. Droit de l’Union européenne

C. Actes attaqués

1. Décision (PESC) 2019/25

2. Décision (PESC) 2019/1341

3. Règlement d’exécution (UE) 2020/19

4. Règlement d’exécution (UE) 2020/1128 et décision (PESC) 2020/1132

Procédure et conclusions des parties

II. En droit

A. Sur la recevabilité

1. Sur les conditions de recevabilité formelles de la requête

a) Sur l’argument du Conseil selon lequel le mandat délivré par M. Thavaraj le 5 avril 2011 serait venu à expiration

b) Sur l’argument du Conseil selon lequel il ne serait pas établi que M. Thavaraj et la requérante ont été mandatés par les LTTE pour former le présent recours en leur nom

c) Sur l’argument du Conseil selon lequel il ne serait pas établi que M. Thavaraj a été dûment autorisé à représenter la subdivision politique européenne des LTTE

2. Sur l’intérêt et la qualité pour agir de la requérante

3. Sur la recevabilité du recours en ce qu’il concerne les règlements d’exécution 2020/19 et 2020/1128, ainsi que la décision 2020/1132

B. Sur le fond

1. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931

a) Sur la première branche du deuxième moyen

1) Sur la décision du Home Secretary de 2001

2) Sur le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 novembre 2009, confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 février 2012 et l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2013

b) Sur la seconde branche du deuxième moyen

2. Sur le troisième moyen, tiré de ce que le Conseil n’aurait pas procédé à un examen conforme à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931

a) Rappel des principes jurisprudentiels

b) Application à l’espèce

1) En ce qui concerne la décision 2019/1341

2) En ce qui concerne la décision 2019/25

i) Sur la motivation des incidents mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25

ii) Sur la matérialité des incidents mentionnés au point 9 de l’exposé des motifs relatif à la décision 2019/25

– Sur le premier incident

– Sur le deuxième incident

– Sur le troisième incident

iii) Sur la question de savoir si les premier et troisième incidents justifiaient le maintien de l’inscription des LTTE sur la liste annexée à cette décision

3. Sur le premier moyen, tiré de ce que les LTTE ne pouvaient être qualifiés d’« organisation terroriste » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931

a) Sur la première branche du premier moyen

b) Sur la deuxième branche du premier moyen

1) Sur les faits qui se trouvent à la base de la décision du Home Secretary de 2001

2) Sur les faits qui sont à l’origine des décisions du Home Secretary de juin 2014 et de mars 2019

i) Sur les faits qui sont à l’origine de la décision du Home Secretary de juin 2014

ii) Sur les faits qui sont à l’origine de la décision du Home Secretary de mars 2019

3) Sur les faits qui se trouvent à la base des décisions des juridictions françaises

4) Sur les faits mentionnés au point 9 des exposés des motifs relatifs aux décisions 2019/25 et 2019/1341

c) Sur la troisième branche du premier moyen

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité

5. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

6. Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

a) Sur la première branche du sixième moyen

b) Sur la deuxième branche du sixième moyen

c) Sur la troisième branche du sixième moyen

III. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.