Language of document : ECLI:EU:T:2018:858

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

29 novembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Khadi – Production de preuves pour la première fois devant la chambre de recours – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Article 76, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Motifs absolus de refus – Marque de nature à tromper le public – Article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement 2017/1001] – Marque comportant des badges, emblèmes ou écussons – Article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement 2017/1001] – Absence de mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001]  »

Dans l’affaire T‑681/17,

Khadi and Village Industries Commission, établie à Mumbai Maharashtra (Inde), représentée par MM. J. Guise, N. Rose, et Mme V. Ellis, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté initialement par Mmes M. Rajh et D. Walicka, puis par Mme Rajh et M. H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

BNP Best Natural Products GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes M. Kloth et R. Briske, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 30 juin 2017 (affaire R 2083/2016-5), relatives à une procédure de nullité entre Khadi and Village Industries Commission et BNP Best Natural Products,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2017,

à la suite de l’audience du 11 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 décembre 2011, Khadi Naturprodukte GbR, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Khadi.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 21 et 31 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; lotions toniques pour la peau [cosmétiques] ; matières tinctoriales pour les cheveux ; liquides pour le traitement des cheveux ; gels pour les cheveux ; après-shampooings ; hydratants capillaires [produits de soin de beauté] ; matières tinctoriales pour les cheveux ; liquides pour le traitement des cheveux ; gels pour les cheveux ; après-shampooings ; hydratants capillaires [produits de soin de beauté] ; huile pour le corps ; huiles pour le corps ; huiles pour le corps en spray ; huiles cosmétiques pour le corps en spray ; matières tinctoriales pour les cheveux ; liquides pour le traitement des cheveux ; gels pour les cheveux ; après-shampooings ; hydratants capillaires [produits de soin de beauté] ; huile pour le corps ; huiles pour le corps ; huiles pour le corps en spray ; huiles cosmétiques pour le corps en spray ; masques pour le visage ; masques à usage cosmétique ; compresses de beauté pour le visage ; masques pour le visage [cosmétiques] ; matières tinctoriales pour les cheveux ; liquides pour le traitement des cheveux ; gels pour les cheveux ; après-shampooings ; hydratants capillaires [produits de soin de beauté] ; huile pour le corps ; huiles pour le corps ; huiles pour le corps en spray ; huiles cosmétiques pour le corps en spray ; masques pour le visage ; masques à usage cosmétique ; compresses de beauté pour le visage ; masques pour le visage [cosmétiques] ; huiles pour les cheveux ; huile pour les cheveux ; matières tinctoriales pour les cheveux ; liquides pour le traitement des cheveux ; gels pour les cheveux ; après-shampooings ; hydratants capillaires [produits de soin de beauté] ; huile pour le corps ; huiles pour le corps ; huiles pour le corps en spray ; huiles cosmétiques pour le corps en spray ; masques pour le visage ; masques à usage cosmétique ; compresses de beauté pour le visage ; masques pour le visage [cosmétiques] ; huiles pour les cheveux ; huile pour les cheveux ; shampooings pour les cheveux ; shampooings ; produits lavants et lotions pour les cheveux ; traitements anti-pelliculaires sous forme de shampooings ; matières tinctoriales pour les cheveux ; liquides pour le traitement des cheveux ; gels pour les cheveux ; après-shampooings ; hydratants capillaires [produits de soin de beauté] ; huile pour le corps ; huiles pour le corps ; huiles pour le corps en spray ; huiles cosmétiques pour le corps en spray ; masques pour le visage ; masques à usage cosmétique ; compresses de beauté pour le visage ; masques pour le visage [cosmétiques] ; huiles pour les cheveux ; huile pour les cheveux ; shampooings pour les cheveux ; shampooings ; produits lavants et lotions pour les cheveux ; traitements anti-pelliculaires sous forme de shampooings ; crèmes (cosmétiques - pour la peau) ; crèmes (cosmétiques - pour la peau). »

–        classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine ; peignes et éponges ; brosses (à l’exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie ; matériel de nettoyage ; paille de fer ; verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction) ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d’autres classes. »

–        classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; animaux vivants ; fruits et légumes frais ; semences, plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt. »

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires, du 23 janvier 2012. La marque contestée a été enregistrée le 2 mai 2012, sous le numéro 10479954.

5        Khadi Naturprodukte GbR a ultérieurement transféré la marque à l’intervenante, BNP Best Natural Products GmbH.

6        Le 2 septembre 2014, la requérante, Khadi and Village Industries Commission, a introduit une demande en nullité, à l’encontre de la marque Khadi pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus. En substance, elle fondait son recours sur la signification et l’encadrement légal du terme « khadi » en Inde, qui empêcheraient, selon elle, l’enregistrement de la marque contestée auprès de l’EUIPO. Les motifs de la demande en nullité étaient ceux énoncés à :

–        l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001],

–        l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous g) et i), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous g) et i), du règlement 2017/1001],

–        l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement 2017/1001],

–        l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001].

7        Le 26 septembre 2016, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

8        Le 15 novembre 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 30 juin 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours en considérant que la requérante n’avait apporté la preuve d’aucun des motifs de nullité invoqués.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        constater que la marque contestée est nulle ;

–        lui accorder le bénéfice des dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Observations liminaires

12      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que dans le cadre d’une procédure de nullité, l’EUIPO ne saurait être contraint à effectuer une nouvelle fois l’examen d’office des faits pertinents pouvant l’amener à appliquer les motifs absolus de refus mené par l’examinateur. Il ressort des dispositions des articles 52 et 55 du règlement no 207/2009 [devenus articles 59 et 62 du règlement 2017/1001] que la marque de l’Union est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 27].

13      La présomption de validité de la marque de l’Union limite l’obligation de l’EUIPO, figurant à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [devenu article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001], d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque de l’Union mené par les examinateurs de l’EUIPO et, sur recours, par les chambres de recours lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Or, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28].

14      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués à l’encontre de la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenu article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001]

15      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que certains éléments de preuves produits par elle pour la première fois devant ladite chambre, soit les annexes 1 à 48 au mémoire exposant les motifs de recours devant cette chambre, étaient irrecevables, dans la mesure où ils n’étaient pas pertinents pour la résolution du litige. À cet égard, elle soutient que le raisonnement de la même chambre est erroné, car lesdits éléments apporteraient un éclairage sur la perception du terme « khadi ».

16      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

17      Ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 16 de la décision attaquée, la requérante a joint à son mémoire exposant les motifs du recours devant ladite chambre de nouveaux éléments de preuve. Ces annexes sont des extraits d’un ouvrage, des articles de la presse indienne concernant l’utilisation du terme « khadi » en Inde ainsi que des rapports d’inspection concernant des entreprises en Inde.

18      Aux points 24 et 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les éléments de preuves en cause ne présentaient aucun élément potentiellement pertinent, puisqu’ils se limitaient à confirmer les informations relatives au contexte historique du terme « khadi » en Inde et n’attestaient pas de la connaissance générale dudit terme dans l’Union européenne. Elle en a conclu que ceux-ci étaient irrecevables dans le cadre du recours devant elle.

19      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, qu’il ressort de la jurisprudence qu’aucune raison de principe liée à la nature de la procédure se déroulant devant la chambre de recours ou à la compétence de cette instance n’exclut que, aux fins de statuer sur le recours dont elle est saisie, ladite chambre prenne en compte des faits ou des preuves présentés pour la première fois au stade de ce recours (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 49).

20      D’ailleurs, il résulte de l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [devenu article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001] que, par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours peut exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée et est donc appelée, dans ce cadre, à procéder à un nouvel examen complet du fond du recours, tant en droit qu’en fait (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 57).

21      Selon la jurisprudence, sans préjudice de la règle spéciale applicable aux procédures d’opposition visée à la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO 2005, L 172, p. 4), il est toujours possible de présenter des preuves en temps utile pour la première fois devant la chambre de recours dans la mesure où ces preuves visent à contester les motifs retenus par la division d’annulation dans la décision attaquée. Ces preuves sont, dès lors, soit des preuves supplémentaires à celles présentées à l’instance devant la division d’annulation, soit des preuves qui portent sur un élément nouveau qui ne pouvait être soulevé au cours de ladite instance. Il appartient à la partie qui présente les preuves pour la première fois devant la chambre de recours de justifier les raisons pour lesquelles ces preuves sont introduites à ce stade de la procédure ainsi que de démontrer l’impossibilité d’une telle présentation au cours de l’instance devant la division d’annulation. Ainsi, les preuves présentées pour la première fois devant la chambre de recours ne doivent pas être considérées, en toutes circonstances, comme étant tardives, par cette chambre (arrêt du 24 janvier 2018, EUIPO/European Food, C‑634/16 P, EU:C:2018:30, points 42 à 45).

22      En l’espèce, au point 19 de la décision attaquée, après avoir rappelé que, en vertu de l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, l’EUIPO pouvait ne pas tenir compte des faits que les parties n’avaient pas invoqués ou des preuves qu’elles n’avaient pas produites en temps utile, la chambre de recours a rappelé que la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 2868/95 prévoyait que, lorsque le recours était dirigé contre une décision d’une division d’opposition, elle limitait l’examen du recours aux faits et aux preuves présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition conformément au même règlement à moins qu’elle ne considère que des faits et preuves nouveaux ou supplémentaires devaient être pris en compte conformément à l’article 76, paragraphe 2 du règlement no 207/2009. De plus, elle a considéré que, même si cette dernière disposition faisait uniquement référence à la procédure d’opposition, elle s’appliquait aussi aux procédures de nullité invoquant un motif relatif de refus, étant donné que leur ratio legis était identique.

23      Or, il ressort de la jurisprudence que la règle spéciale, contenue à la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 2868/95, n’est pas applicable dans le cadre d’une procédure de nullité fondée sur des causes de nullité absolue (voir arrêt du 24 janvier 2018, EUIPO/European Food, C‑634/16 P, EU:C:2018:30, points 48 et 49 et jurisprudence citée). Par conséquent, la procédure en cause étant une procédure de nullité fondée tant sur des motifs relatifs que sur des motifs absolus (voir point 6 ci-dessus), la chambre de recours a commis une erreur en considérant que ladite règle s’appliquait à la procédure de nullité en cause.

24      Cependant, cette erreur demeure sans conséquence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que la chambre de recours a examiné la nature et le contenu des éléments de preuves en cause et considéré qu’ils n’étaient pas pertinents pour la solution du litige avant de les déclarer irrecevables dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation. En effet, aux points 24 et 25 de ladite décision, ladite chambre a constaté que ces éléments n’étaient pas pertinents pour l’issue du litige, dans la mesure où ils n’attestaient pas de la connaissance du terme « khadi » par le public pertinent. Or, ainsi que l’a justement relevé cette chambre au point 33 de cette décision, la demande en nullité, en l’espèce, doit être examinée par rapport à la perception et la connaissance du terme « khadi » par ledit public.

25      Eu égard à ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la dénaturation des éléments de preuve

26      La requérante fait valoir que la chambre de recours a dénaturé les éléments de preuve dans son appréciation du contexte factuel relatif au terme « khadi », dans son analyse du public pertinent et dans son appréciation des relations entre la requérante et l’intervenante.

27      Tout d’abord, en ce qui concerne le contexte factuel relatif au terme « khadi », la requérante considère que, si la chambre de recours a conclu à juste titre que ledit terme était emblématique en Inde, ladite chambre a omis un aspect important, qui, selon elle, ressort clairement des éléments de preuve, à savoir le fait que ce terme est contrôlé et règlementé en Inde et que, ainsi, son usage n’est pas libre, notamment en vertu de la loi indienne Khadi and Village Industries Commission Act de 1956. À cet égard, elle soutient en substance que ce facteur est pertinent pour apprécier la validité de la marque contestée. Selon elle, ladite loi fixe notamment ses compétences et prévoit qu’elle a pour fonction de « planifier, promouvoir, faciliter, organiser et aider à l’établissement et au développement de l’industrie du Khadi et des industries villageoises dans les zones rurales ».

28      La requérante soutient également que la chambre de recours a dénaturé les éléments de preuve en considérant que la signification du terme « khadi » était « arbitraire en relation avec les produits en cause […] puisqu’il désigne principalement un tissu filé à la main ». Or, il ressortirait des éléments de preuve que la gamme des produits visés par la loi indienne mentionnée au point 27 ci-dessus s’étend également à des produits non textiles obtenus en respectant des principes similaires de fabrication locale et artisanale.

29      Plus généralement, la requérante estime que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le terme « khadi » est arbitraire pour les produits concernés est erronée et ne reflète pas le fait que, comme les éléments de preuve le démontrent clairement, la gamme de produits en cause englobe des produits issus d’un vaste groupe de secteurs différents et que tel était le cas bien avant que l’intervenante n’établisse son entreprise.

30      Ensuite, concernant l’analyse du public pertinent, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la partie de la population du Royaume-Uni qui était d’origine indienne, représentant 2,5 % de ladite population, ne constituait pas une part dudit public suffisante pour avoir une incidence en l’espèce. À cet égard, elle soutient que ladite partie de la population du Royaume-Uni représente environ 1,63 million de personnes sur 65 millions d’habitants au Royaume-Uni, soit plus que la population de chacun des quatre États membres les moins peuplés de l’Union.

31      Enfin, la requérante soutient que, en décrivant la relation entre la requérante et l’intervenante comme limitée à un achat isolé de produits à une entité agréée par la requérante, la chambre de recours a dénaturé les éléments de preuve dans son appréciation de la relation entre les parties et ainsi minimisé la connaissance, par l’intervenante, du rôle de la requérante dans la supervision de la production de la gamme de produits en cause et dans le contrôle de l’usage du terme « khadi ».

32      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

33      En premier lieu, en ce qui concerne l’analyse du public pertinent, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la partie de la population du Royaume-Uni qui était d’origine indienne, ne constituait pas une part dudit public suffisante pour avoir une incidence en l’espèce. Pourtant, contrairement à ce qu’affirme la requérante et ainsi que le souligne l’EUIPO, ladite chambre ne s’est pas limitée à considérer que ladite partie de la population du Royaume-Uni ne constituait pas une part de ce public suffisante pour avoir une incidence en l’espèce. En effet, elle a constaté, aux points 34 et 35 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas établi que cette partie du même public connaissait le terme « khadi » et sa signification et qu’il n’y avait pas de raison de considérer que tel était le cas.

34      En deuxième lieu, en ce qui concerne le contexte factuel et contrairement à ce qu’avance la requérante, la chambre de recours a relevé, aux points 28 à 30 de la décision attaquée, le rôle et les compétences de la requérante et ainsi, dans quelle mesure le terme « khadi » disposait d’une signification légale. Ainsi, comme le fait valoir l’EUIPO, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir tenu compte du fait que ce terme est contrôlé et règlementé en Inde, notamment en vertu de la loi indienne mentionnée au point 27 ci-dessus. Cependant, d’une part, il ne peut en être déduit que, en Inde, l’usage dudit terme n’est pas libre et, d’autre part, même à considérer que ledit usage soit encadré en Inde, la requérante ne démontre pas que cet élément est pertinent pour apprécier le degré de connaissance de ce terme par le public pertinent, à savoir le grand public de l’Union (voir points 32 et 33 de la décision attaquée).

35      En troisième lieu, en ce qui concerne la signification du terme « khadi » s’agissant des produits concernés, la chambre de recours a, au point 28 de la décision attaquée, tenu compte de la définition accordée audit terme par l’article 2 de la loi indienne mentionnée au point 27 ci-dessus selon lequel ce terme désigne « toute étoffe tissée sur métiers à main, en Inde, avec du fil de coton, de soie ou de laine filé à la main, en Inde, ou avec un mélange de deux ou trois de ces types de fils ». La requérante ne saurait donc valablement faire valoir, sans étayer davantage son argument selon lequel la gamme des produits en cause s’étend également à des produits non textiles obtenus en respectant des principes similaires de fabrication locale et artisanale, que la chambre de recours a dénaturé les preuves en considérant que le terme en question devait être associé à des produits textiles.

36      En quatrième lieu, la requérante fait grief à la chambre de recours d'avoir décrit, au point 90 de la décision attaquée, la relation entre les parties comme ayant été limitée à un achat isolé de produits à une entité agréée par la requérante, ce qui serait contredit par les déclarations mêmes de l’intervenante, qui mentionne qu’elle a consulté la requérante sur la possibilité d’effectuer des livraisons dans l’Union, démontrant ainsi que l’intervenante était consciente du rôle de la requérante dans la supervision et la production des produits en cause. Or, dans cette partie de la décision attaquée, la chambre de recours a analysé l’existence alléguée d’obligations morales ou commerciales, lors de l’enregistrement de la marque contestée, nées des relations commerciales entre les parties et non la connaissance par l’intervenante du rôle de la requérante dans la supervision et le contrôle des produits en cause. Par conséquent, il suffit de constater que la requérante n’a pas étayé l’existence d’une dénaturation des éléments de preuves par la chambre de recours au motif que celle-ci s’est cantonnée à décrire, audit point 90, la relation contractuelle antérieure avec l’intervenante comme ayant seulement visé l’achat d’un nombre limité de produits cosmétiques à une telle entité. En effet, le fait qu’il y ait eu des consultations sur la possibilité d’effectuer des livraisons dans l’Union n’affecte ni ce constat, ni la conclusion qu'en tire la chambre de recours que cette relation contractuelle n’était pas de nature à faire naître des obligations particulières.

37      Il découle des points 33 à 36 ci-dessus que la requérante n’a pas apporté la preuve d’une dénaturation des éléments de preuves par la chambre de recours et que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 et de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement

38      La requérante fait valoir que la chambre de recours a fait une application erronée de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, et de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du même règlement, en considérant que la marque contestée n’était pas trompeuse.

39      À cet égard, la requérante soutient que la chambre de recours a appliqué, contrairement à ce qui serait requis par la jurisprudence, un seuil quantitatif en lien avec la perception du consommateur pour apprécier le caractère trompeur et lui a imposé de prouver qu’une proportion substantielle des consommateurs de l’Union serait trompée. Or, selon elle, il suffit qu’un seul consommateur puisse être trompé pour que la marque contestée ne soit pas conforme à l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009.

40      La requérante ajoute que le fait que le terme « khadi » soit règlementé indique une supervision des produits par l’État indien et fait découler du principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » la connaissance par le public de l’encadrement dudit terme en Inde.

41      Ainsi, la requérante fait valoir en substance que le public pertinent, ayant connaissance du fait que le terme « khadi » est règlementé en Inde, pourra être trompé par la marque contestée et amené à penser que les produits commercialisés sous cette marque ont été fabriqués sous la supervision de la requérante et importés d’Inde.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

43      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.

44      Il ressort d’une jurisprudence constante que les cas de refus d’enregistrement visés par l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 supposent que puisse être retenue l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 30 mars 2006, Emanuel, C‑259/04, EU:C:2006:215, point 47 et jurisprudence citée, et du 24 septembre 2008, HUP Uslugi Polska/OHMI – Manpower (I.T.@MANPOWER), T‑248/05, non publié, EU:T:2008:396, point 64].

45      À cet égard, il convient de rappeler qu’une marque a pour fonction essentielle de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. En effet, pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (arrêt du 30 mars 2006, Emanuel, C‑259/04, EU:C:2006:215, point 38). Or, une marque perd ce rôle de garantie si l’information qu’elle comporte est de nature à tromper le public.

46      Par conséquent, l’appréciation du motif absolu de refus mentionné à l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009, doit être portée, notamment, par rapport à la perception de la marque par le public pertinent.

47      En l’espèce, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, au regard des produits concernés, le public pertinent est le grand public de l’Union.

48      En ce qui concerne la perception de la marque par le public pertinent, force est de constater que, ainsi que la chambre de recours l’a relevé aux points 34 et 35 de la décision attaquée, aucun élément de preuve ou argument de la requérante ne permet de considérer que le grand public, ou même la partie de la population du Royaume-Uni qui est d’origine indienne, connaît de manière générale le terme « khadi » ou son rôle dans l’industrie indienne et, partant, de remettre en cause l’appréciation de ladite chambre selon laquelle ce terme est un mot peu courant dont il ne saurait être présumé qu’il sera compris par ledit public.

49      En effet, parmi les preuves présentées par la requérante, certaines présentent un lien avec le public pertinent. Il s’agit notamment des annexes 49 et 50 du mémoire exposant les motifs de recours devant la chambre de recours. La première de ces annexes est un article de presse décrivant un événement ayant eu lieu en Pologne, auquel ont participé plus de 133 exposants indiens, dont la requérante. Bien que cet article décrive le succès de la gamme de produits en cause lors de cet événement, il ne s’agit que d’un événement ponctuel ayant une portée limitée. La seconde de ces annexes est un document déclaratif portant sur la participation de la requérante à des expositions internationales en Allemagne, en France, en Italie et en Pologne afin de promouvoir ladite gamme de produits. Cependant, il ne saurait être considéré que les produits de tous les exposants ayant participé à une foire internationale dans un État membre sont, de ce fait, connus du grand public de l’Union.

50      Les autres éléments de preuve sont notamment constitués d’extraits d’un ouvrage et portent sur l’histoire et l’adoption de la « marque » Khadi (annexes 1 à 27 de la requête), d’articles de sites Internet et de la presse indienne concernant l’utilisation du terme « khadi » en Inde et le fonctionnement de l’industrie supervisée par la requérante (annexes 28 à 45 et 48 de la requête) ainsi que des rapports d’inspection concernant des entreprises productrices de cette industrie en Inde (annexes 46 et 47 de la requête). Force est de constater que l’ensemble de ces éléments ne sont pas pertinents pour vérifier si ledit terme sera compris par le public pertinent, ainsi que la chambre de recours l’a noté à juste titre aux points 24 et 25 de la décision attaquée.

51      La chambre de recours a par ailleurs observé, au point 41 de la décision attaquée, que, même en supposant qu’une partie du public pertinent associe le terme « khadi » à l’Inde, cela ne confère pas un caractère trompeur à la marque contestée, les produits concernés pouvant s’inspirer de formules indiennes ou contenir des ingrédients provenant d’Inde.

52      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 37 ci-dessus, la requérante n’a pas non plus établi, dans le cadre du présent recours, que la chambre de recours avait dénaturé les preuves qui lui ont été présentées.

53      Or, si le public pertinent n’associe pas le terme « khadi » à une signification précise, il ne peut être retenu l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur. En effet, l’article 7, paragraphe 1, point g), du règlement no 207/2009 implique une désignation suffisamment spécifique des caractéristiques potentielles des produits et services couverts par la marque. Ce n’est que lorsque le consommateur visé est amené à croire que les produits et les services possèdent certaines caractéristiques, qu’ils ne possèdent pas en réalité, qu’il est trompé par la marque (arrêt du 24 septembre 2008, I.T.@MANPOWER, T‑248/05, non publié, EU:T:2008:396, point 65). Ainsi que le souligne l’EUIPO, en l’absence de connaissance de la signification dudit terme, ledit public ne saurait avoir d’attentes à l’égard de la marque.

54      Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il n’existait pas de tromperie effective ou de risque suffisamment grave de tromperie du consommateur au sens de l’article 7, paragraphe 1, point g), du règlement no 207/2009. Le troisième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 et de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement

55      La requérante fait valoir que la division d’annulation n’a pas correctement appliqué l’article 52, paragraphe 1, sous a), et l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 dans sa décision indiquant que la marque contestée n’était pas en conflit avec des emblèmes ou des badges protégés (autres que ceux visés par l’article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée).

56      La requérante soutient notamment à cet égard que la division d’annulation a conclu en substance que l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 ne s’applique qu’aux marques figuratives, à l’exclusion des marques verbales. Or la chambre de recours se serait ralliée aux conclusions de ladite division.

57      L’EUIPO fait valoir que ce moyen est irrecevable dans la mesure où l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 n’ayant pas été avancé devant la chambre de recours, il ne ferait pas partie de l’objet du litige. Il fait notamment observer que la requérante n’a pas présenté d’arguments relatifs à cette question dans le mémoire exposant les motifs du recours devant la chambre de recours.

58      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’il existe une continuitéfonctionnelle entre les différentes unités de l’EUIPO, à savoir les divisions d’annulation, d’une part, et les chambres de recours, d’autre part. Or, il découle, précisément, de cette continuitéfonctionnelle entre les différentes instances de l’EUIPO que, dans le cadre du réexamen que les chambres de recours doivent faire des décisions prises par les unités de l’EUIPO statuant en premier ressort, elles sont tenues de fonder leur décision sur tous les éléments de fait et de droit que les parties ont fait valoir, soit dans la procédure devant l’unité ayant statué en première instance, soit dans la procédure de recours. Plus généralement, il résulte de l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, aux termes duquel, à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours et peut, ce faisant, « exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée », que, de par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’affaire portée devant elle, tant en droit qu’en fait [voir arrêt du 12 novembre 2013, Gamesa Eólica/OHMI – Enercon (Dégradé de verts), T‑245/12, non publié, EU:T:2013:588, points 18 et 19 et jurisprudence citée].

59      Dans la mesure où la requérante a fait valoir le motif de nullité pris de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 lors de la procédure devant la division d’annulation, il y a lieu de constater qu’il figurait dans le dossier dont était saisie la chambre de recours. Celle-ci ayant en outre statué sur ledit motif, en se ralliant aux conclusions de la division d’annulation à cet égard, il y a lieu de considérer que ce motif fait partie de l’objet du recours et, ainsi, que le présent moyen n’est pas irrecevable.

60      Au point 44 de la décision attaquée, la chambre de recours se rallie pleinement au raisonnement de la division d’annulation. Celle-ci a considéré que la marque contestée ne contenait aucun badge, emblème ou écusson, puisque le public pertinent n’établissait aucun lien entre le terme « khadi » et une quelconque organisation étatique et que, ainsi, ledit public ne pouvait pas être induit en erreur. En outre, il ressort de la décision de ladite division que celle-ci n’a ni implicitement, ni explicitement considéré que l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 ne s’appliquait qu’aux marques figuratives, à l’exclusion des marques verbales.

61      À cet égard, force est de constater que, ainsi qu’il a été relevé au point 50 ci-dessus, les éléments présentés par la requérante ne permettent pas de conclure que le public pertinent accordera une quelconque signification au terme « khadi » ou l’associerait à une quelconque organisation. Dans ces conditions, la chambre de recours a considéré à juste titre qu’aucun badge, emblème ou écusson ne saurait être identifié par ledit public dans le signe en cause.

62      Le quatrième moyen doit donc être rejeté comme non-fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

63      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’elle n’avait pas établi que la marque contestée avait été enregistrée de mauvaise foi.

64      En premier lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas appliqué les bons critères pour conclure à l’absence de mauvaise foi lors de l’enregistrement de la marque contestée. Selon elle, ladite chambre a considéré à tort qu’une condition préalable pour parvenir à une telle conclusion était l’établissement d’une renommée, d’un caractère notoire ou l’association d’une image particulière à sa marque sur le territoire de l’Union.

65      En deuxième lieu, la requérante soutient que l’intervenante avait connaissance de la « marque » khadi et de l’usage qui en était fait en Inde et notamment de la circonstance que le terme « khadi » était règlementé et contrôlé par un organisme public indien. La chambre de recours aurait ainsi mal apprécié tant la connaissance de l’intervenante que le degré de protection juridique dont jouissait le signe, au sens de l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361).

66      En troisième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur en méconnaissant le fait que, lorsque l’intervenante a envisagé de vendre des produits en utilisant la marque contestée, cette dernière avait connaissance du fait qu’elle contrôlait l’utilisation du terme « khadi », que les deux parties ne seraient pas parvenues à un accord commercial et que, par conséquent, l’intervenante avait demandé l’enregistrement de ladite marque. Selon elle, ce comportement serait constitutif de mauvaise foi.

67      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

68      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que le régime d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne repose sur le principe du premier déposant, inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001). En vertu de ce principe, un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle, qu’il s’agisse d’une marque de l’Union européenne, d’une marque enregistrée dans un État membre ou par l’Office Benelux de la propriété intellectuelle (OBPI), d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ou encore d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union. En revanche, sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001), la seule utilisation par un tiers d’une marque non enregistrée ne fait pas obstacle à ce qu’une marque identique ou similaire soit enregistrée en tant que marque de l’Union européenne, pour des produits et des services identiques ou similaires [voir arrêt du 9 juillet 2015, CMT/OHMI – Camomilla (CAMOMILLA), T‑100/13, non publié, EU:T:2015:481, point 30 et jurisprudence citée].

69      Toutefois, l’application de ce principe est nuancée, notamment par l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en vertu duquel la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. Dès lors, il incombe au demandeur en nullité, qui entend se fonder sur ce motif, d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière (voir arrêt du 9 juillet 2015, CAMOMILLA, T‑100/13, non publié, EU:T:2015:481, point 31 et jurisprudence citée).

70      Par ailleurs, il y a lieu de noter que la notion de mauvaise foi, visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation [arrêt du 1er février 2012, Carrols/OHMI – Gambettola (Pollo Tropical CHICKEN ON THE GRILL), T‑291/09, EU:T:2012:39, point 44].

71      Cependant, il convient d’observer que, selon la jurisprudence, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne et, notamment, premièrement, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, deuxièmement, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que, troisièmement, le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53).

72      Cela étant, les facteurs énumérés au point 71 ci-dessus ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte à l’effet de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement au moment du dépôt de la demande de marque. À cet égard, il y a lieu de considérer que, dans la cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de la logique commerciale dans laquelle s’inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne, ainsi que de la chronologie des évènements ayant caractérisé ledit dépôt (arrêt du 9 juillet 2015, CAMOMILLA, T‑100/13, non publié, EU:T:2015:481, points 35 et 36).

73      C’est notamment à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le cinquième moyen.

74      Tout d’abord, il convient de noter que, ainsi que le souligne l’EUIPO, la critique de la requérante relative aux critères retenus pour analyser la mauvaise foi du demandeur lors de l’enregistrement de la marque contestée résulte d’une interprétation erronée de la décision attaquée. En effet, la référence de la chambre de recours, au point 81 de ladite décision, à l’absence de renommée ou d’association d’une image particulière à la marque de la requérante sur le territoire de l’Union a été utilisée pour illustrer le fait que la requérante n’avait démontré aucun intérêt réel, ni aucune véritable présence sur le marché de l’Union en ce qui concerne les produits sous sa supervision au moment du dépôt de la marque contestée. Ladite chambre n’a donc pas considéré, comme le prétend la requérante, que la « renommée, [le] caractère notoire ou l’association d’une image particulière » à la marque de cette dernière étaient des conditions préalables pour déterminer l’existence d’une telle mauvaise foi.

75      Ensuite, en ce qui concerne la connaissance de l’utilisation du terme « khadi » lors de l’enregistrement de la marque contestée, il y a lieu de noter que la requérante se réfère au premier critère cité au point 71 ci-dessus, à savoir au « fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ». Or, tant le raisonnement développé que les preuves évoquées par la requérante aux points 88 à 90 de la requête tendent à démontrer le cadre juridique qui préside à l’appréhension du terme « khadi » en Inde et la connaissance dudit terme qu’aurait dû avoir le demandeur lors de l’enregistrement de la marque contestée et non son utilisation dans un État membre de l’Union.

76      En outre, c’est à raison que l’EUIPO fait valoir que la requérante tire ses droits sur le terme « khadi » de la loi indienne mentionnée au point 27 ci-dessus. Or cette loi précise son champ d’application territorial, qui s’étend à l’Inde, à l’exception d’un de ses États. C’est également à juste titre que l’EUIPO constate que la requérante n’a pas apporté de preuve d’une utilisation étendue ou même de la connaissance de la « marque » khadi dans l’Union.

77      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que la circonstance que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise une marque à l’étranger au moment du dépôt de sa demande qui peut être confondue avec la marque dont l’enregistrement est demandé ne suffit pas, à elle seule, à établir l’existence, de la mauvaise foi du demandeur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C‑320/12, EU:C:2013:435, point 37). Or, en l’espèce, au moment du dépôt de la demande de la marque contestée, le terme « khadi » n’était protégé au nom de la requérante par aucun enregistrement en tant que marque, ni en Inde, ni internationalement, ainsi que l’EUIPO l’a fait valoir lors de l’audience. Ainsi, a fortiori et en l’absence de demande de protection juridique dudit terme en tant que marque par la requérante, même s’il ressort du dossier que lors de l'enregistrement de la marque contestée, le demandeur avait connaissance des activités de la requérante et de l’utilisation de ce terme en Inde, cela ne saurait suffire à établir sa mauvaise foi.

78      Enfin, il est constant que les échanges entre les parties ont consisté en des demandes de renseignement auprès de la requérante sur les produits et les producteurs sous sa supervision. Des renseignements ont également été demandés sur la possibilité de faire livrer des produits régis par la requérante dans l’Union et, à une occasion, un achat de produits à une entité agréée par la requérante a été réalisé. Or, ces éléments ne suffisent pas à démontrer l’existence d’une intention malhonnête ou déloyale du demandeur lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

79      Ainsi, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il n’avait pas été établi que, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, l’intention du demandeur était d’usurper la renommée de la requérante, notamment dans la mesure où il n’avait pas été démontré une notoriété ou une utilisation extensive de la marque de la requérante. Il y a donc lieu de rejeter le cinquième moyen comme non-fondé.

 Sur le deuxième chef de conclusions

80      La requérante demande au Tribunal de constater que la marque contestée est nulle et ainsi, en substance, la réformation de la décision attaquée.

81      Or il y a lieu de rappeler que le contrôle que le Tribunal exerce conformément à l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) est un contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO et qu’il ne peut annuler ou réformer la décision objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée par l’un des motifs énoncés à l’article 65, paragraphe 2, de ce règlement (devenu article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) (voir arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 71 et jurisprudence citée).

82      Les moyens invoqués par la requérante au soutien des conclusions en annulation étant dépourvus de fondement, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, la décision attaquée n’est entachée d’aucune des illégalités visées à l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. Il n’y a donc pas lieu d’accéder à la demande de la requérante de réformer la décision attaquée et le deuxième chef de conclusions doit être rejeté.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Khadi and Village Industries Commission est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.