Language of document : ECLI:EU:T:2020:537

DOCUMENT DE TRAVAIL



ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

11 novembre 2020 (*)

 « Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant un cor stylisé– Marque de l’Union européenne figurative antérieure représentant un cor postal sur fond jaune – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Similitude des signes – Absence de caractère distinctif de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑25/20,

Deutsche Post AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Me M. Viefhues, avocat,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Pošta Slovenije d.o.o., établie à Maribor (Slovénie), représentée par Mes M. Kavčič et R. Jerovšek, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 18 novembre 2019 (affaire R 994/2019-1), relative à une procédure d’opposition entre Deutsche Post et Pošta Slovenije,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg (rapporteur) et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 23 mars 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 août 2017, l’intervenante, Pošta Slovenije d.o.o., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant:

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 6, 16, 19, 20, 35, 38, 39, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Boîtes aux lettres métalliques » ;

–        classe 16 : « Supports à cachets [timbres] ; machines pour l’affranchissement ; machines à imprimer des adresses, plaques à adresses pour machines à adresser, clichés à adresses ; cachets [sceaux] ; matières à cacheter ; pains à cacheter ; machines à cacheter de bureau ; cire à cacheter ; timbres à cacheter ; timbres-poste ; cartes postales ; timbres [cachets] ; cartes de vœux ; paquets, enveloppes en carton ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) » ;

–        classe 19 : « Boîtes aux lettres en maçonnerie » ; 

–        classe 20 : « Boîtes aux lettres, ni en métal, ni en maçonnerie » ;

–        classe 35 : « Diffusion de matériel publicitaire [tracts, prospectus, imprimés, échantillons] ; diffusion d’annonces publicitaires ; publicité par correspondance ; vente en gros et au détail des produits suivants : boîtes aux lettres métalliques, appareils de contrôle de l’affranchissement, tampons pour sceaux, supports pour tampons, machines pour l’affranchissement, machines à imprimer des adresses, plaques à adresses pour machines à adresser, timbres à adresses, timbres à cacheter, matières à cacheter, pains à cacheter, machines à cacheter de bureau, cire à cacheter, timbres à cacheter, timbres-poste, cartes postales, timbres à cacheter, cartes de vœux, enveloppes, paquets en carton, matériaux d’emballage en plastique, boîtes aux lettres en maçonnerie, boîtes aux lettres ni en métal, ni en maçonnerie, boîtes aux lettres » ;

–        classe 38 : « Transmission de messages ; messagerie électronique ; transmission de télécopies ; transmission de télégrammes ; transmission de messages et d’images assistée par ordinateur ; communications télégraphiques ; services télex » ;

–        classe 39 : « Livraison de colis ; services de distribution de courrier et de messagerie ; services d’autobus ; transport en automobile ; enregistrement électronique de données et de documents ; livraison de marchandises ; livraison de marchandises commandées par correspondance ; distribution de journaux ; distribution du courrier ; informations en matière d’entreposage ; informations en matière de transport ; location de véhicules ; transport en bateau ; portage ; emballage de produits ; courtage de fret ; courtage de transport ; transport de passagers ; services pour la réservation de voyages ; transport ; déménagement ; dépôt de marchandises ; dépôt de marchandises ; services de chauffeurs ; services d’expédition de fret ; transports ; camionnage ; transport en véhicules blindés ; services de réservation de transport ; empaquetage de marchandises ; transports aéronautiques ; services de transport ferroviaire ; emballage et entreposage de marchandises ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne n° 2017/191, du 6 octobre 2017.

5        Le 19 décembre 2017, la requérante, Deutsche Post AG, a formé opposition au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001 à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus. L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure, déposée le 6 avril 1998 et enregistrée le 21 mars 2000 sous le numéro 797 209, telle que reproduite ci-après :

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6        La marque antérieure désigne les services relevant de la classe 39 et correspondant à la description suivante :

–        Classe 39 : « Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; traçabilité par détermination électronique de l’origine des articles et des marchandises, ainsi que services d’appui logistique ultérieurs tels que lien systématique des flux de marchandises et des informations compris dans la classe 39 ; service postal, de marchandises, de messagerie ».

7        Le 26 janvier 2018, l’intervenante, après avoir, le 22 décembre 2017, demandé la preuve de l’usage de la marque antérieure, a présenté des observations devant l’EUIPO sur l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit, en raison des différences significatives entre lesdites marques, du fait que l’élément commun représentant un cor postal était faiblement distinctif, ainsi que des différences dans la destination et dans l’utilisation des produits et des services en cause. L’intervenante a expliqué qu’elle était le bureau de poste national de la Slovénie, tandis que la requérante était le bureau de poste national de l’Allemagne et que les deux parties étaient membres de PostEurope, l’association professionnelle des opérateurs postaux publics européens. L’intervenante a également attiré l’attention sur le fait que l’élément représentant un cor postal placé sur un fond jaune était utilisé par d’autres opérateurs postaux européens, tels que :

la poste tchèque Image not found;

la poste autrichienne Image not found;

la poste lituanienne Image not found;

la poste espagnole Image not found;

la poste bulgare Image not found;

la poste chypriote Image not found.

8        Le 23 avril 2019, la division d’opposition a rejeté l’opposition. Elle a, pour l’essentiel, fondé sa décision sur le fait que les cors postaux et les rectangles jaunes utilisés par les marques en conflit possédaient un caractère distinctif très limité, voire nul, qu’il existait des différences significatives entre ces marques, et a finalement conclu à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Le 8 mai 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 18 novembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours pour les mêmes raisons que la division d’opposition de l’EUIPO, et a conclu à l’absence d’un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle a dans la décision attaquée, pour l’essentiel, conclu que :

–        le public pertinent était, selon les classes des produits et services couverts par les marques en conflit, soit le public professionnel, soit le grand public ;

–        les produits et services en cause visés par la marque demandée étaient soit identiques, soit similaires, aux services de la classe 39 couverts par la marque antérieure, sauf en ce qui concerne les services de vente en gros relevant de la classe 35 de la marque demandée, qui étaient différents ;

–        les signes en cause présentaient un faible degré de similitude ;

–        il n’existait aucun risque de confusion avec la marque antérieure.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À titre liminaire, il convient de souligner que, même si la chambre de recours affirme dans la décision attaquée faire application des dispositions du règlement 2017/1001, il convient d’entendre ces références, en ce qui concerne les règles de fond, comme visant en réalité les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009. En effet, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 9 août 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C 591/12 P, EU:C:2014:305, point 12 et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C 702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

14      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En substance, elle soutient que, premièrement, à l’exception des services de vente en gros de la classe 35 dont elle admet qu’ils sont différents, les produits et les services en cause sont identiques ou à tout le moins similaires, deuxièmement, que la marque antérieure possède un caractère distinctif plus élevé que ce qui a été constaté dans la décision attaquée et, troisièmement, que les signes en cause sont bien plus similaires que ce que la chambre de recours a estimé. Elle conclut qu’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit.

15      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42].

 Sur le public pertinent

19      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

20      Il ressort de la décision attaquée que le public pertinent est constitué du public  professionnel tant pour certains produits relevant de la classe 35 qui intéressent plus particulièrement les entreprises [machines pour l’affranchissement ; machines à imprimer des adresses, plaques à adresses pour machines à adresser, clichés à adresses ; matières à cacheter ; pains à cacheter ; machines à cacheter de bureau ; cire à cacheter ; timbres à cacheter ; timbres-poste ; supports à cachets (timbres) ; cachets (sceaux) ; timbres (cachets)], que pour les services de vente au détail compris dans cette classe qui se rapportent à de tels produits, ainsi que pour les services de diffusion de matériel publicitaire relevant de ladite classe. Le grand public est également visé pour le reste des produits et des services en cause compris dans les classes 6, 19, 20 et 35 et pour les services compris dans la classe 38. En ce qui concerne la classe 39, certains des services figurant dans la demande (enregistrement électronique de données et de documents ; courtage de fret ; services d’expédition de fret ; transports ; camionnage ; transport en véhicules blindés) ne présentent d’intérêt que pour les professionnels attentifs, tandis que le reste de ces services peut cibler à la fois le grand public et les professionnels.

21      Cette définition du public pertinent n’est pas contestée par les parties.

 Sur la comparaison des produits et des services en cause

22      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

23      S’agissant de la comparaison des produits et services, la chambre de recours a considéré que les produits et services visés par la marque demandée étaient soit identiques soit similaires aux services de la classe 39 visés par la marque antérieure et que les services de vente en gros de la classe 35 visés par la marque demandée différaient des produits et services visés par la marque antérieure.

24      Ces constatations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante.

 Sur la comparaison des signes

25      Afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les signes en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, d’évaluer l’importance qu’il convient d’accorder à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause ou des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 27, et du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 36 et jurisprudence citée).

26      En ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, cette appréciation doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci auprès du public pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35).

27      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, sur le plan visuel, les signes en cause présentaient un faible degré de similitude, compte tenu, notamment, de la stylisation différente des deux marques. Selon elle, le public pertinent est habitué à voir des cors postaux représentés généralement sous une vue latérale, et remarquera les différences entre les éléments figuratifs respectifs.

28      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a conclu qu’il n’était pas possible de procéder à une comparaison, les signes étant purement figuratifs. Néanmoins, comme l’illustrent les nombreuses images à l’appui de l’usage de la marque antérieure, cette dernière est étroitement liée à l’élément verbal « deutsche post » et utilisée avec celui-ci. Les marques seraient donc différentes sur le plan phonétique lorsque la marque antérieure est désignée sous la dénomination « deutsche post ».

29      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a conclu que l’hypothétique similitude ne pouvait résulter que de la coïncidence au niveau du cor postal et du fond rectangulaire jaune, aucun de ces éléments n’étant distinctif.

30      Elle en a conclu que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude.

31      La requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que les marques en conflit présentaient un faible degré de similitude. S’agissant des cors postaux, l’embouchure ainsi que la boucle au milieu des deux cors postaux seraient presque identiques. En outre, selon la requérante, dans les deux marques, le pavillon est placé sur le côté droit et le tracé du pavillon est plus large que le reste du tracé. Cependant, même si le tracé est d’une seule et même épaisseur dans la marque demandée, le bout du pavillon aurait la même épaisseur que le bout du pavillon de la marque antérieure. Enfin, les deux cors postaux étant de couleur noire, ils devraient être considérés comme hautement similaires.

32      La requérante ajoute que, en ce qui concerne le fond jaune, la teinte des couleurs ne diffère que légèrement. S’agissant de leur comparaison, elle soutient que l’aptitude à mémoriser des couleurs ou à s’en souvenir ne couvre que relativement peu de couleurs. Le nombre de couleurs que le public serait apte à distinguer serait peu élevé du fait qu’il a rarement la possibilité de comparer directement des produits revêtus de différentes nuances de couleurs. Par conséquent, le public pertinent ne percevrait pas de différences de couleur qui ne sont que mineures.

33      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

34      Il convient de relever que les marques en conflit présentent certes de nombreuses différences, relevées par la chambre de recours. Ainsi, la présence, dans la marque demandée, de pampilles et de lignes épaisses qui forment le cor postal, de même que la différence de couleur du fond, jaune vif et froid dans la marque demandée et plus chaud dans la marque antérieure, ainsi que des différences dans les proportions du cor postal et sa stylisation constituent des éléments de différence non négligeables avec la marque antérieure. Cela étant, les marques en conflit coïncident en ce qu’elles contiennent toutes deux un élément représentant un cor postal sur un fond rectangulaire jaune. Dès lors, elles doivent être considérées comme présentant un degré de similitude visuelle moyen et non faible, comme l’a indiqué la chambre de recours.

35      La similitude phonétique n’est pas pertinente en l’espèce, dans la mesure où les signes en conflit ne contiennent pas d’éléments verbaux.

36      Sur le plan conceptuel, les signes en conflit sont similaires, dès lors que le public pertinent percevra la marque demandée comme un cor postal sur un fond rectangulaire jaune.

37      Ainsi, la chambre de recours a conclu à tort que les signes présentaient un faible degré de similitude. En effet, même si l’on tient compte des différences visuelles non négligeables précédemment mentionnées, ces différences ne sont toutefois pas suffisantes en l’espèce pour conclure à un faible degré de similitude entre lesdits signes, ce degré de similitude devant plutôt être qualifié de moyen.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

38      Il convient de rappeler que, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’une marque ou d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35, et du 5 décembre 2013, Olive Line International/OHMI – Carapelli Firenze (Maestro de Oliva), T‑4/12, non publié, EU:T:2013:628, point 48 et jurisprudence citée].

39      La requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que la marque antérieure ne possédait qu’un caractère distinctif faible, en se fondant sur le caractère distinctif faible que posséderaient la couleur jaune, d’une part, et le cor postal pour les produits et services liés à la distribution du courrier, d’autre part. Selon la requérante, le cor postal est désormais associé aux services proposés par les opérateurs postaux nationaux ou par les sociétés qui leur succèdent et qui poursuivent les opérations à la suite de privatisations, si bien qu’il possède un caractère distinctif en ce qui concerne lesdits services.

40      La requérante ajoute que les opérateurs postaux nationaux, qu’il s’agisse de sociétés publiques ou privées, comme c’est le cas de la requérante, utilisent dans leurs pays respectifs un logo représentant un cor postal différent et individuellement conçu. Le dessin du cor postal permet de désigner l’opérateur postal correspondant. Ces cors postaux sont protégés en tant que marques, ce qui signifie notamment, selon la requérante, que les opérateurs postaux ne les perçoivent pas comme un simple symbole descriptif de leur activité commerciale, mais comme une indication de l’origine commerciale de leurs services.

41      Les cors postaux des marques en conflit posséderaient donc chacun un caractère distinctif et renverraient à une seule origine commerciale, à savoir une société ou un groupe de sociétés en particulier. Cela s’appliquerait également au cor postal de la requérante, pris dans sa stylisation spéciale et moderne.

42      De la même manière, les opérateurs postaux d’autres États membres utilisent, selon la requérante, leur cor postal comme élément d’identification commerciale. Ce serait le cas, par exemple, des bureaux de poste autrichiens, espagnols, danois, suédois, slovènes, estoniens, hongrois ou bulgares, qui utiliseraient le cor postal sur leurs boîtes aux lettres, chariots de livraison ou sacs :

–        en Autriche :

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–        en Espagne :

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–        au Danemark :

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–        en Suède :

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–        en Slovénie :

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–        en Estonie :

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–        en Hongrie :

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–        en Bulgarie :

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43      Quant au fond jaune, la requérante fait valoir que, quand bien même il ne posséderait qu’un faible caractère distinctif, il contribue à l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure.

44      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

45      Il y a lieu de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que l’élément figuratif représentant un cor postal possédait un caractère distinctif faible pour les produits et les services en cause.

46      En effet, c’est en raison de son lien historique avec la distribution du courrier que l’élément représentant un cor postal stylisé a été utilisé par plusieurs opérateurs postaux sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, comme en attestent les vues latérales des cors postaux utilisés par lesdits opérateurs présentées par l’intervenante, ainsi que les photographies mentionnées par la requérante, reproduites aux points 7 et 42 ci-dessus. L’utilisation de cet élément figuratif dans la marque antérieure s’inscrit ainsi dans les normes du secteur concerné et contrairement à ce que soutient la requérante, le public ne le verra pas nécessairement comme une indication de l’origine des services postaux.

47      Il convient donc de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté le faible caractère distinctif de la marque antérieure, compte tenu des produits et services concernés.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

48      L’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et le caractère distinctif d’une marque antérieure figure au nombre de ces facteurs pertinents (voir arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 51 et jurisprudence citée).

49      En effet, le degré du caractère distinctif de la marque antérieure détermine l’étendue de la protection conférée par celle-ci. Lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est important, une telle circonstance est de nature à augmenter le risque de confusion (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 70 et jurisprudence citée). Inversement, lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est faible, l’étendue de la protection conférée par celle-ci est également faible, même si l’existence d’un risque de confusion n’est pas exclue dans ce dernier cas.

50      À cet égard, la Cour a jugé que, lorsque la marque antérieure et le signe dont l’enregistrement est demandé coïncident dans un élément de caractère faiblement distinctif au regard des produits en cause, l’appréciation globale du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, n’aboutit fréquemment pas au constat de l’existence de ce risque (voir arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 53 et jurisprudence citée).

51      En substance, la requérante fait valoir qu’il existe un risque de confusion entre les signes en conflit, étant donné que ces marques, ainsi que les produits et les services en cause, sont très similaires et que le caractère distinctif de la marque antérieure serait plus élevé que ce qui été constaté dans la décision attaquée.

52      Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a confirmé le constat de la chambre de recours concernant le faible caractère distinctif de la marque antérieure (voir point 47 ci-dessus). En dépit du degré de similitude moyen des signes en conflit (voir point 37 ci-dessus) et de l’identité ou de la similitude des produits et des services en cause, le Tribunal conclut, en l’espèce, à l’absence de risque de confusion entre lesdits signes.

53      En effet, comme indiqué aux points 43 et 44 de la décision attaquée, le cor postal était utilisé par les postillons aux XVIIIe et XIXe siècles pour signaler l’arrivée ou le départ du postier ou du convoi postal, et que, en raison de son lien historique avec la distribution du courrier, l’élément représentant un cor postal stylisé a été utilisé depuis longtemps par des opérateurs postaux sur l’ensemble du territoire de l’Union. Il en va de même de la couleur jaune utilisé depuis près de deux siècles par plusieurs opérateurs postaux au sein de l’Union.

54      Les deux signes en conflit s’inscrivent ainsi dans une tradition du secteur concerné dans le cadre duquel une grande partie des signes utilisés par les opérateurs postaux nationaux au sein de l’Union ou par la société qui leur succède et poursuit les opérations à la suite d’une privatisation, utilise un logo représentant un cor postal, souvent sur un fond jaune (voir, à ce titre, les exemples cités aux points 7 et 42 ci-dessus). Dès lors, le public pertinent n’associera pas le cor postal ou la couleur jaune à la requérante et à ses services, mais, comme l’a fait valoir l’intervenante, plus généralement aux services de plusieurs opérateurs postaux nationaux.

55      Compte tenu de cette tradition du secteur concerné, qui explique les raisons pour lesquelles des signes présentant des similitudes coexistent depuis longtemps, et du faible caractère distinctif de la marque antérieure, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit, malgré le fait qu’ils présentent un degré de similitude moyen et malgré l’identité ou la similitude des produits et services concernés.

56      Les arguments de la requérante fondés sur les arrêts du Tribunal concernant des signes présentant des similitudes importantes sur les plans visuel et conceptuel [arrêts du 18 septembre 2014, Polo/Lauren/OHMI – FreshSide (Représentation d’un garçon sur un vélo tenant un maillet), T‑265/13, non publié, EU:T:2014:779 ; du 30 septembre 2015, Mocek et Wenta KAJMAN Firma Handlowo-Usługowo-Produkcyjna/OHMI – Lacoste (KAJMAN), T‑364/13, non publié, EU:T:2015:738, et du 15 mars 2018, Marriott Worldwide/EUIPO – Graf (Représentation d’un taureau ailé), T‑151/17, non publié, EU:T:2018:144] doivent être écartés. En effet, dans ces affaires, les signes en cause ne s’inscrivaient pas dans un contexte où l’utilisation des signes était liée au secteur concerné et où les signes ont été considérés comme possédant un faible caractère distinctif, contrairement aux faits de l’espèce. Cette jurisprudence n’est ainsi pas pertinente en l’espèce.

57      Au vu de tout ce qui précède, le moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, avancé par la requérante au soutien de ses conclusions, n’étant pas fondé, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Deutsche Post AG est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 novembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.