Language of document : ECLI:EU:T:2022:839

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

21 décembre 2022 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Obligation du Conseil de vérifier que la décision d’une autorité d’un État tiers a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T‑242/21,

Artem Viktorovych Pshonka, demeurant à Kramatorsk (Ukraine), représenté par Me M. Mleziva, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Vobořil, R. Pekař et Mme S. Van Overmeire, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni (rapporteur) et Mme M. Brkan, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

vu les documents déposés par le requérant au greffe du Tribunal le 18 novembre 2022, 

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Artem Viktorovych Pshonka, demande l’annulation de la décision (PESC) 2021/394 du Conseil, du 4 mars 2021, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2021, L 77, p. 29), et du règlement d’exécution (UE) 2021/391 du Conseil, du 4 mars 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2021, L 77, p. 2) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), dans la mesure où ces actes maintiennent son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.

 Antécédents du litige

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre du contentieux lié aux mesures restrictives adoptées à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, à la suite de la répression des manifestations de la place de l’Indépendance à Kiev (Ukraine) en février 2014.

3        Le requérant est le fils de l’ancien procureur général d’Ukraine et le chef adjoint du groupe du Parti des régions à la Verkhovna Rada Oukraïny (Conseil suprême d’Ukraine).

4        Le 5 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2014/119/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26). À la même date, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 208/2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1).

5        Les considérants 1 et 2 de la décision 2014/119 précisent ce qui suit :

« (1)      Le 20 février 2014, le Conseil a condamné dans les termes les plus fermes tout recours à la violence en Ukraine. Il a demandé l’arrêt immédiat de la violence en Ukraine et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a demandé au gouvernement ukrainien de faire preuve d’une extrême retenue et aux responsables de l’opposition de se désolidariser de ceux qui mènent des actions extrêmes, et notamment recourent à la violence.

(2)      Le 3 mars 2014, le Conseil [est] convenu d’axer les mesures restrictives sur le gel et la récupération des avoirs des personnes identifiées comme étant responsables du détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien, et des personnes responsables de violations des droits de l’homme, en vue de renforcer et de soutenir l’[É]tat de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine. »

6        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/119 dispose ce qui suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et à des personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’à des personnes physiques ou morales, à des entités ou à des organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

7        Les modalités de ce gel des fonds sont définies à l’article 1er, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/119.

8        Conformément à la décision 2014/119, le règlement no 208/2014 impose l’adoption des mesures restrictives en cause et définit les modalités de celles-ci en des termes identiques, en substance, à ceux de ladite décision.

9        Les noms des personnes visées par la décision 2014/119 et par le règlement no 208/2014 (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2014 ») sont inscrits sur la liste figurant à l’annexe de ladite décision et à l’annexe I dudit règlement (ci-après la « liste ») avec, notamment, la motivation de leur inscription.

10      Le nom du requérant apparaissait sur la liste avec les informations d’identification « Fils de l’ancien procureur général, chef adjoint du groupe du Parti des régions à la Verkhovna Rada (Conseil suprême) » et avec la motivation suivante :

« Personne faisant l’objet d’une enquête en Ukraine pour participation à des infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors d’Ukraine. »

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2014, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑380/14, visant, notamment, à l’annulation des actes de mars 2014, en ce qu’ils le visaient.

12      Le 29 janvier 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/143, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 24, p. 16), et le règlement (UE) 2015/138, modifiant le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 24, p. 1).

13      La décision 2015/143 a modifié, à partir du 31 janvier 2015, les critères d’inscription des personnes visées par le gel des fonds, le texte de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119 étant remplacé par le texte suivant :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes ayant été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et aux personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

Aux fins de la présente décision, les personnes identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien incluent des personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes :

a)      pour détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel détournement ; ou

b)      pour abus de pouvoir en qualité de titulaire de charge publique dans le but de se procurer à lui-même ou de procurer à un tiers un avantage injustifié, causant ainsi une perte pour les fonds ou avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel abus. » 

14      Le règlement 2015/138 a modifié de façon similaire le règlement no 208/2014.

15      Le 5 mars 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/364, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 62, p. 25), et le règlement d’exécution (UE) 2015/357, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 62, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2015 »). La décision 2015/364 a, d’une part, remplacé l’article 5 de la décision 2014/119, en étendant l’application des mesures restrictives en cause, en ce qui concernait le requérant, jusqu’au 6 mars 2016, et, d’autre part, remplacé l’annexe de cette dernière décision. Le règlement d’exécution 2015/357 a remplacé en conséquence l’annexe I du règlement no 208/2014.

16      Par les actes de mars 2015, le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec les informations d’identification « Fils de l’ancien procureur général, chef adjoint du groupe du Parti des régions à la Verkhovna Rada (Conseil suprême) » et la nouvelle motivation qui suit :

« Personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics et pour complicité dans un tel détournement. »

17      Le requérant n’a pas formé de recours à l’encontre des actes de mars 2015.

18      Le 4 mars 2016, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2016/318, modifiant la décision 2014/119 (JO 2016, L 60, p. 76), et le règlement d’exécution (UE) 2016/311, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2016, L 60, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2016 »).

19      Par les actes de mars 2016, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée à l’égard du requérant jusqu’au 6 mars 2017, et ce sans que la motivation de la désignation de celui-ci ait été modifiée par rapport à celle issue des actes de mars 2015.

20      Le requérant n’a pas formé de recours à l’encontre des actes de mars 2016.

21      Par ordonnance du 10 juin 2016, Pshonka/Conseil (T‑380/14, non publiée, EU:T:2016:363), prise sur le fondement de l’article 132 de son règlement de procédure, le Tribunal a fait droit au recours mentionné au point 11 ci-dessus, en le déclarant manifestement fondé et en annulant donc les actes de mars 2014, en ce qu’ils visaient le requérant.

22      Le 3 mars 2017, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2017/381, modifiant la décision 2014/119 (JO 2017, L 58, p. 34), et le règlement d’exécution (UE) 2017/374, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2017, L 58, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2017 »).

23      Par les actes de mars 2017, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée à l’égard du requérant jusqu’au 6 mars 2018, et ce sans que la motivation de la désignation de celui-ci ait été modifiée par rapport à celle issue des actes de mars 2015.

24      Le requérant n’a pas formé de recours à l’encontre des actes de mars 2017.

25      Le 5 mars 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/333, modifiant la décision 2014/119 (JO 2018, L 63, p. 48), et le règlement d’exécution (UE) 2018/326, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2018, L 63, p. 5) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2018 »).

26      Par les actes de mars 2018, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée à l’égard du requérant jusqu’au 6 mars 2019, et ce sans que la motivation de la désignation de celui-ci ait été modifiée par rapport à celle issue des actes de mars 2015.

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2018, le requérant a introduit un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑289/18, tendant, notamment, à l’annulation des actes de mars 2018, en ce qu’ils le visaient.

28      Le 4 mars 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/354, modifiant la décision 2014/119 (JO 2019, L 64, p. 7), et le règlement d’exécution (UE) 2019/352, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2019, L 64, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2019 »).

29      Par les actes de mars 2019, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée à l’égard du requérant jusqu’au 6 mars 2020 et le nom de celui-ci a été maintenu sur la liste, avec la même motivation que celle rappelée au point 16 ci-dessus, assortie d’une précision concernant le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’était fondé.

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2019, le requérant a introduit un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑292/19, tendant, notamment, à l’annulation des actes de mars 2019, en ce qu’ils le visaient.

31      Par arrêt du 11 juillet 2019, Pshonka/Conseil (T‑289/18, non publié, EU:T:2019:504), le Tribunal a annulé les actes de mars 2018 en ce qu’ils visaient le requérant.

32      Le 5 mars 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/373, modifiant la décision 2014/119 (JO 2020, L 71, p. 10), et le règlement d’exécution (UE) 2020/370, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2020, L 71, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2020 »).

33      Par les actes de mars 2020, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée jusqu’au 6 mars 2021 et le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec la même motivation que celle rappelée au point 16 ci-dessus, assortie d’une précision concernant le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’était fondé. 

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 mai 2020, le requérant a introduit un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑268/20, tendant, notamment, à l’annulation des actes de mars 2020, en ce qu’ils le visaient.

35      Par arrêt du 23 septembre 2020, Pshonka/Conseil (T‑292/19, non publié, EU:T:2020:449), le Tribunal a annulé les actes de mars 2019 en ce qu’ils visaient le requérant.

36      Entre les mois de novembre 2020 et de janvier 2021, le Conseil et le requérant ont échangé plusieurs courriers au sujet de la possible prorogation des mesures restrictives en cause à l’égard de ce dernier. En particulier, le Conseil a transmis au requérant plusieurs lettres du bureau du procureur général d’Ukraine (ci-après le « BPG »), incluant, notamment, des décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine (ci-après la « Haute Cour anticorruption »), concernant, notamment, la procédure pénale dont il faisait l’objet et sur laquelle le Conseil se fondait pour envisager ladite prorogation.

37      Le 4 mars 2021, le Conseil a adopté les actes attaqués, par lesquels l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée, en ce qui concerne le requérant, jusqu’au 6 mars 2022 et le nom de celui-ci a été maintenu sur la liste, avec la même motivation que celle rappelée au point 16 ci-dessus. Par ailleurs, l’annexe de la décision 2014/119 et l’annexe I du règlement no 208/2014 ont été subdivisées en deux sections, dont la seconde a été intitulée « Droits de la défense et droit à une protection juridictionnelle effective ». Dans cette section figure, s’agissant du requérant, la mention suivante :

« La procédure pénale relative au détournement de fonds ou d’avoirs publics est toujours en cours. Il ressort des informations figurant dans le dossier du Conseil que les droits de la défense [du requérant] et son droit à une protection juridictionnelle effective, y compris le droit fondamental à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé. En témoignent notamment le fait qu’une notification écrite de suspicion a été délivrée le 29 décembre 2014, le fait que la décision du 16 juin 2017 de suspendre la procédure pénale était susceptible de recours et les décisions du juge d’instruction du 12 mars 2018, du 13 août 2018 et du 5 septembre 2019 autorisant le placement [du requérant] en détention dans le but de le faire comparaître devant le tribunal pour qu’il participe à une audience sur la demande d’application d’une mesure préventive de détention. Le Conseil dispose d’informations selon lesquelles les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour faire rechercher [le requérant]. Le 24 juillet 2020, une demande d’entraide judiciaire internationale a été adressée aux autorités compétentes de la Fédération de Russie afin d’établir le lieu où se trouve [le requérant] et de l’interroger. Cette demande est toujours pendante. L’enquête préliminaire a été suspendue le 24 juillet 2020 en raison de la nécessité d’accomplir des actes de procédure dans le cadre de la coopération internationale. Les autorités russes ont rejeté la demande d’entraide judiciaire internationale qui leur avait été adressée en 2018. Dans sa décision du 8 juillet 2020, la Haute Cour anticorruption d’Ukraine a rejeté le recours formé par l’avocat [du requérant] tendant à l’annulation de la décision datée du 30 avril 2015 de suspendre l’enquête préliminaire. La Cour a également conclu que l’avis de suspicion avait été notifié conformément au code de procédure pénale ukrainien et a confirmé le statut de suspect [du requérant] dans le cadre de la procédure pénale. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil estime que les périodes au cours desquelles [le requérant] s’est soustrait à l’enquête doivent être exclues du calcul de la période à prendre en considération pour apprécier le respect du droit à un procès dans un délai raisonnable. Le Conseil considère par conséquent que les circonstances décrites dans la décision de la Haute Cour anticorruption imputées [au requérant] ainsi qu’à la non-exécution préalable de la demande d’entraide judiciaire internationale ont contribué de manière significative à la durée de l’enquête. »

38      Par courrier du 5 mars 2021, le Conseil a informé le requérant du maintien des mesures restrictives en cause à son égard. Il a répondu aux observations du requérant formulées dans ses correspondances du 10 décembre 2020 et du 27 janvier 2021 et lui a transmis les actes attaqués. En outre, il lui a indiqué le délai pour présenter des observations avant l’adoption d’une décision concernant l’éventuel maintien de son nom sur la liste.

39      Par courrier du 18 mars 2021, le requérant a présenté une demande d’accès à tous les documents et informations le concernant sur lesquels le Conseil s’est appuyé afin d’adopter les actes attaqués.

40      Par courrier du 25 mars 2021, le Conseil a répondu à cette demande d’accès en annexant certains documents à sa réponse.

 Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

41      Par arrêt du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil (T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418), le Tribunal a annulé les actes de mars 2020, en ce qu’ils visaient le requérant.

 Conclusions des parties

42      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués, en ce qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

43      Le Conseil conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, si les actes attaqués devaient être annulés en ce qu’ils concernent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision 2021/394 jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/391 prenne effet ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

44      Bien que la requête ne soit pas explicitement structurée par moyens, il convient de considérer que le requérant invoque à l’appui de son recours, en substance, cinq moyens. Le premier est tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième est tiré d’une erreur d’appréciation en ce que, avant d’adopter les actes attaqués, le Conseil n’aurait pas demandé aux autorités ukrainiennes des informations complémentaires. Le troisième est tiré d’une erreur d’appréciation en ce que le Conseil n’aurait pas tenu compte de l’absence de progrès dans le cadre de la procédure pénale concernant le requérant. Le quatrième est pris d’une violation des droits fondamentaux du requérant et s’articule en trois branches, tirées, la première, de la violation du principe de la présomption d’innocence, la deuxième, de la violation de son droit de propriété et, la troisième, de son droit au respect de sa vie privée et familiale. Enfin, le cinquième moyen est tiré de l’absence de motifs juridiques pour l’adoption des actes attaqués.

45      Il convient d’examiner, ensemble, les premier et troisième moyens, par lesquels le requérant reproche, notamment, au Conseil de ne pas avoir vérifié, au moment de l’adoption des actes attaqués, le respect, par les autorités ukrainiennes, de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective, y compris le droit à être jugé dans un délai raisonnable, ce dont il résulterait, en substance, une erreur d’appréciation commise par le Conseil lors de l’adoption des actes attaqués.

46      Le requérant estime que le Conseil n’a pas tenu compte de la violation de ses droits dans le cadre de la procédure pénale sur laquelle il a fondé les mesures restrictives en cause. Il soutient, en particulier, que le Conseil a décidé à tort de proroger ces mesures sur le fondement des informations émanant du BPG au regard de l’enquête menée contre lui dans le cadre de la procédure pénale [confidentiel](1), pour détournement de fonds publics [confidentiel].

47      En premier lieu, le requérant fait valoir que les décisions du tribunal de district de Petchersk à Kiev (ci-après le « tribunal de Petchersk ») faisant droit aux demandes réitérées du BPG de le placer en détention, dans le but de le faire comparaître devant le tribunal pour qu’il participe à une audience portant sur la demande d’application d’une mesure préventive de détention, ont été adoptées sans la participation de ses avocats, mais en présence du procureur, et à l’issue d’une audience à huis clos, ce qui aurait porté gravement atteinte, notamment, au principe d’égalité des armes, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »). En outre, il affirme ne pas avoir été informé de la demande d’émission d’une autorisation de le placer en détention et ne pas avoir reçu de copies desdites décisions ni avoir eu la possibilité de les contester en justice.

48      Par ailleurs, le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir tenu compte des éléments qu’il lui avait apportés démontrant l’existence d’autres violations de ses droits lors de l’enquête menée contre lui dans le cadre de la procédure [confidentiel]. Premièrement, il soutient ne pas avoir reçu l’avis de suspicion, conformément aux dispositions du code de procédure pénale ukrainien (ci-après le « code de procédure pénale »), ce qui impliquerait l’illégalité de toutes les décisions postérieures prises par l’enquêteur, le procureur et le tribunal le concernant. Deuxièmement, il fait valoir que la durée maximale de ladite enquête, qui ne serait que de douze mois, a été largement dépassée et que, de ce fait, tout acte d’investigation effectué au-delà du délai fixé pour mener l’enquête serait nul et les preuves qui en découlent irrecevables. Troisièmement, il argue que le BPG a suspendu illégalement l’enquête préliminaire dans le cadre de la procédure [confidentiel], en continuant d’enquêter sur les mêmes faits dans le cadre d’une autre procédure pénale à laquelle ses avocats n’ont toutefois pas pu participer. Quatrièmement, il fait observer que, comme cela a été constaté par le juge d’instruction du tribunal de Petchersk, le BPG a utilisé des méthodes d’enquête illégales visant à obtenir des preuves de son implication dans le détournement de fonds publics. Le BPG aurait, en effet, fait pression sur une personne soupçonnée afin qu’elle délivre un faux témoignage justifiant l’implication du requérant dans les faits qui lui sont reprochés.

49      Afin de se défendre des violations susmentionnées, le requérant se serait adressé, d’abord, au parquet spécial anticorruption du BPG pour obtenir l’annulation des décisions du BPG relatives au mandat d’arrêt émis à son encontre ainsi que de celles visant la réalisation d’autres actes pris dans le cadre de la procédure [confidentiel]. À la suite du rejet de sa plainte, le requérant aurait saisi la Haute Cour anticorruption, laquelle aurait toutefois jugé qu’il ne pouvait introduire de telles actions, dès lors que la procédure pénale le concernant avait été ouverte en 2015 et non après mars 2018, comme cela est exigé par les nouvelles dispositions du code de procédure pénale permettant l’introduction de telles actions. Le requérant aurait donc été privé, en substance, de son droit à une protection juridictionnelle effective et les renvois effectués par les actes attaqués aux décisions de la Haute Cour anticorruption et de sa chambre d’appel ne remettraient pas en cause cette conclusion. En outre, il fait valoir qu’il ne s’est jamais caché des autorités ukrainiennes, qu’il a été contraint de quitter son domicile en Ukraine en raison d’une menace réelle et toujours d’actualité pesant sur sa vie ainsi que sur celle des membres de sa famille et que le fait que les autorités compétentes de la Fédération de Russie aient rejeté la demande d’entraide judiciaire internationale n’a pas empêché et n’empêcherait pas de mener l’enquête dans le cadre de la procédure 815.

50      Enfin, le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir respecté l’obligation de vérifier, avant l’adoption des mesures restrictives en cause, si ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective avaient été respectés. Plus particulièrement, il relève que les lettres du BPG et les copies des documents joints à celles‑ci montrent uniquement que, en plus de six ans d’enquête préliminaire, celui-ci n’a obtenu aucune preuve de ses agissements illégaux. Il continuerait donc à être visé par des poursuites illégales uniquement afin que le Conseil proroge l’application des mesures restrictives en cause à son égard.

51      En second lieu, le requérant fait valoir qu’il n’y a eu aucune « progression » de la procédure [confidentiel] sur laquelle le Conseil s’est fondé et qu’aucune nouvelle information concernant l’enquête menée contre lui n’a été présentée. En particulier, aucun acte d’instruction n’aurait été effectué durant les six dernières années dans le cadre de ladite procédure, l’instruction préliminaire ayant été illégalement suspendue dès le 30 avril 2015. À cet égard, le requérant souligne que la législation ukrainienne n’interdit pas qu’une enquête soit menée sans la participation de la personne concernée et qu’une procédure pénale puisse aussi être interrompue en son absence. Ainsi, le fait que la procédure [confidentiel] n’ait pas été close ne ferait que démontrer la volonté des autorités ukrainiennes de trouver au moins une raison de proroger encore la validité des mesures restrictives en cause.

52      Selon le requérant, dans la mesure où l’enquête menée contre lui dans le cadre de la procédure [confidentiel] n’a connu aucune évolution et où aucune nouvelle information essentielle concernant celle-ci n’a été communiquée par le BPG au Conseil, il n’existait pas de motifs pour proroger l’application des mesures restrictives en cause et adopter les actes attaqués, de sorte que son droit à être jugé dans un délai raisonnable aurait été violé.

53      Le Conseil rappelle, tout d’abord, les principes jurisprudentiels applicables en ce qui concerne l’exigence de vérification que les décisions des États tiers, sur lesquelles il fonde la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés, ont été prises dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. En l’espèce, il aurait fondé sa décision de maintenir le nom du requérant sur la liste non seulement sur le fait que celui-ci est une « personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics », mais également sur un certain nombre d’autres éléments qu’il aurait exposés en détail, notamment dans la section B de l’annexe des actes attaqués, dans ses courriers du 20 novembre 2020, des 14 et 22 janvier 2021 et, en particulier, dans son courrier du 5 mars 2021, résumant l’état de la procédure [confidentiel] engagée contre le requérant.

54      Au cours de la période pertinente, il y aurait eu, dans le cadre de ladite procédure, des modifications substantielles apportées à la base factuelle sur laquelle le Conseil aurait pu fonder sa nouvelle décision dans le cadre de son réexamen de la situation du requérant.

55      Le Conseil renvoie, en particulier, à la décision du juge d’instruction de la Haute Cour anticorruption du 8 juillet 2020. Il ressortirait de cette décision, contenant de nouvelles informations concernant l’état de la procédure [confidentiel], que le requérant avait le statut de personne soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale et que, pour calculer la durée effective de la procédure d’enquête préliminaire, il y avait lieu de tenir compte de toutes les périodes de suspension pour lesquelles il existait un motif légal. En effet, ledit juge d’instruction ne se serait pas limité à un examen formel du recours du requérant et à le rejeter pour non-respect d’une forme substantielle, mais aurait examiné au fond les faits relatifs à la procédure [confidentiel] et, partant, la base factuelle pertinente pour l’adoption des actes attaqués.

56      À cet égard, le Conseil soutient avoir vérifié si les droits du requérant n’avaient pas été affectés et obtenu, de manière active et répétée, des informations pertinentes, tant de sa propre initiative, indépendamment de tout élément de preuve fourni par le requérant, que sur la base des informations communiquées par celui-ci.  

57      Après avoir vérifié à plusieurs reprises auprès de l’administration judiciaire ukrainienne l’état et les circonstances de la procédure [confidentiel] et, notamment, tous les faits, y compris en réponse aux observations envoyées par le requérant, qui pouvaient laisser soupçonner que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci avaient été violés dans le cadre de cette procédure, le Conseil a conclu, sur la base de l’ensemble des informations obtenues, que, au cours de la période déterminante pour le réexamen et l’adoption des actes attaqués, la procédure [confidentiel] n’était pas entachée d’irrégularités si graves qu’il ne pouvait, à première vue, l’utiliser comme base factuelle solide pour sa décision d’adopter les actes attaqués.

58      En ce qui concerne l’allégation formulée dans la réplique, selon laquelle il aurait prétendument ignoré les informations fournies par le requérant, il n’aurait pas procédé à une vérification approfondie et impartiale des informations fournies par les autorités ukrainiennes et il n’aurait pas demandé d’informations supplémentaires à celles-ci, le Conseil rétorque que, sur la base des informations fournies par le requérant, il a adressé aux autorités ukrainiennes de nombreuses demandes d’éclaircissements, a procédé à une vérification approfondie et impartiale des informations obtenues et, en cas de contradictions internes dans les informations fournies, a demandé à nouveau aux autorités ukrainiennes d’autres explications détaillées afin de pouvoir étayer les actes attaqués de manière suffisamment précise et concrète.

59      S’agissant de la prétendue durée disproportionnée de l’enquête préliminaire dans la procédure [confidentiel], le Conseil fait valoir qu’il ressort des faits de l’espèce que le requérant a fui dans un pays tiers sans informer l’administration judiciaire ukrainienne du lieu où il se trouvait et qu’il n’a pas, en tant qu’inculpé, coopéré avec les autorités ukrainiennes afin qu’il soit procédé dans le cadre de ladite procédure aux actes d’enquête pour lesquels sa participation personnelle était requise. À la suite des éclaircissements demandés, le Conseil estime que la période pendant laquelle le requérant s’est soustrait à la procédure pénale ne saurait être prise en considération en vue de déterminer la durée de celle-ci aux fins d’apprécier le respect du droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. Sur ce fondement ainsi que sur celui des éléments figurant dans la décision du juge d’instruction de la Haute Cour anticorruption du 8 juillet 2020, il est d’avis que les lenteurs de la procédure sont dans une large mesure dues aux actions mêmes du requérant et à la non-exécution des précédentes demandes d’entraide judiciaire.  

60      Il ressort d’une jurisprudence bien établie que, lors du contrôle de mesures restrictives, les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, au rang desquels figurent, notamment, le droit à une protection juridictionnelle effective et les droits de la défense, tels que consacrés par les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 62 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 66 et jurisprudence citée).

61      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir ladite décision, sont étayés (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 63 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 67 et jurisprudence citée).

62      L’adoption et le maintien de mesures restrictives, telles que celles prévues par les actes de mars 2014, tels que modifiés, prises à l’encontre d’une personne ayant été identifiée comme étant responsable d’un détournement de fonds appartenant à un État tiers reposent, en substance, sur la décision d’une autorité de celui-ci, compétente à cet égard, d’engager et de mener une procédure d’enquête pénale concernant cette personne et portant sur une infraction de détournement de fonds publics (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 64 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 68 et jurisprudence citée).

63      Aussi, si, en vertu d’un critère d’inscription tel que celui rappelé au point 13 ci-dessus, le Conseil peut fonder des mesures restrictives sur la décision d’un État tiers, l’obligation, pesant sur cette institution, de respecter les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective implique qu’il doive s’assurer du respect desdits droits par les autorités de l’État tiers ayant adopté ladite décision (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 65 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 69 et jurisprudence citée).

64      L’exigence de vérification, par le Conseil, du fait que les décisions des États tiers sur lesquelles il entend se fonder ont été prises dans le respect desdits droits vise à assurer que l’adoption ou le maintien des mesures de gel de fonds n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide et, de ce fait, à protéger les personnes ou les entités concernées. Ainsi, le Conseil ne saurait considérer que l’adoption ou le maintien de telles mesures repose sur une base factuelle suffisamment solide qu’après avoir vérifié lui-même que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés lors de l’adoption de la décision de l’État tiers concerné sur laquelle il entend se fonder (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 66 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 70 et jurisprudence citée).

65      Par ailleurs, s’il est vrai que la circonstance que l’État tiers compte au nombre des États ayant adhéré à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), implique un contrôle, par la Cour EDH, des droits fondamentaux garantis par la CEDH, lesquels, conformément à l’article 6, paragraphe 3, TUE, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux, une telle circonstance ne saurait toutefois rendre superflue l’exigence de vérification rappelée au point 64 ci-dessus (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 67 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 71 et jurisprudence citée).

66      Selon la jurisprudence, le Conseil est tenu de faire état, dans l’exposé des motifs relatifs à l’adoption ou au maintien de mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, ne serait-ce que de manière succincte, des raisons pour lesquelles il considère que la décision de l’État tiers sur laquelle il entend se fonder a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Ainsi, il incombe au Conseil, afin de satisfaire à son obligation de motivation, de faire apparaître, dans la décision imposant des mesures restrictives, qu’il a vérifié que la décision de l’État tiers sur laquelle il fonde ces mesures a été adoptée dans le respect de ces droits (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 68 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 72 et jurisprudence citée).

67      En définitive, lorsqu’il fonde l’adoption ou le maintien de mesures restrictives telles que celles en cause sur la décision d’un État tiers d’engager et de mener une procédure pénale pour détournement de fonds ou d’avoirs publics par la personne concernée, le Conseil doit, d’une part, s’assurer que, au moment de l’adoption de ladite décision, les autorités de cet État tiers ont respecté les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective de la personne faisant l’objet de la procédure pénale en cause et, d’autre part, mentionner, dans la décision imposant des mesures restrictives, les raisons pour lesquelles il considère que ladite décision de l’État tiers a été adoptée dans le respect de ces droits (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 69 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 73 et jurisprudence citée).

68      En l’espèce, de telles obligations apparaissent d’autant plus impérieuses que, ainsi qu’il résulte du considérant 2 de la décision 2014/119, celle-ci et les décisions subséquentes ont été adoptées dans le cadre d’une politique visant à renforcer et à soutenir l’État de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine (voir point 5 ci-dessus), conformément aux objectifs figurant à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE. Par conséquent, l’objet de ces décisions, qui est, notamment, de faciliter la constatation par les autorités ukrainiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour celles-ci, de recouvrer le produit de ces détournements, serait dépourvu de pertinence au regard desdits objectifs si cette constatation était entachée d’un déni de justice, voire d’arbitraire (voir arrêt du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 74 et jurisprudence citée).

69      C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient d’établir si le Conseil a respecté les obligations qui lui incombaient dans le cadre de l’adoption des actes attaqués en ce que ceux-ci concernent le requérant.

70      À cet égard, il y a lieu de relever que le Conseil a mentionné dans les actes attaqués les raisons pour lesquelles il avait considéré que la décision des autorités ukrainiennes d’engager et de mener des procédures pénales à l’encontre du requérant pour détournement de fonds ou d’avoirs publics avait été adoptée dans le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective (voir point 37 ci-dessus). Il convient néanmoins de vérifier si c’est à juste titre que le Conseil a considéré que tel avait été le cas en l’espèce.

71      En effet, l’examen du bien-fondé de la motivation, qui relève de la légalité au fond des actes attaqués et consiste, en l’occurrence, à vérifier si les éléments invoqués par le Conseil sont établis et s’ils sont de nature à démontrer la vérification du respect de ces droits par les autorités ukrainiennes, doit être distingué de la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle et ne constitue que le corollaire de l’obligation du Conseil de s’assurer, au préalable, du respect desdits droits (voir arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 72 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 77 et jurisprudence citée).

72      Or, les mesures restrictives précédemment adoptées ont été prorogées et maintenues à l’égard du requérant par les actes attaqués sur le fondement du critère d’inscription énoncé à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119, tel que modifié par la décision 2015/143, et à l’article 3 du règlement no 208/2014, tel que modifié par le règlement 2015/138 (voir points 13 et 14 ci-dessus). Ce critère vise les personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de faits de détournement de fonds publics appartenant à l’État ukrainien, y compris les personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes.

73      Il ressort des motifs des actes attaqués, rappelés au point 37 ci-dessus, et de la lettre du 5 mars 2021 que le Conseil s’est fondé, pour décider du maintien du nom du requérant sur la liste, sur la circonstance que celui-ci faisait l’objet d’une procédure pénale engagée par les autorités ukrainiennes pour des infractions constitutives d’un détournement de fonds ou d’avoirs publics, qui était établi, notamment, par les lettres du BPG ainsi que par certaines décisions de justice.

74      Le maintien des mesures restrictives prises à l’encontre du requérant reposait donc, tout comme dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 11 juillet 2019, Pshonka/Conseil (T‑289/18, non publié, EU:T:2019:504), du 23 septembre 2020, Pshonka/Conseil (T‑292/19, non publié, EU:T:2020:449), et du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil (T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418), sur la décision des autorités ukrainiennes d’engager et de mener des procédures d’enquêtes pénales portant sur une infraction de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien.

75      Il y a également lieu de relever que, en modifiant, par les actes attaqués, l’annexe de la décision 2014/119 et l’annexe I du règlement no 208/2014, le Conseil a ajouté à celles-ci, ainsi qu’il avait déjà fait lors de l’adoption des actes de mars 2019 et de mars 2020, une nouvelle section, entièrement consacrée aux droits de la défense et au droit à une protection juridictionnelle effective, qui se subdivise en deux parties.

76      Dans la première partie figure un simple rappel, d’ordre général, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective en vertu du code de procédure pénale. En particulier, tout d’abord, sont rappelés les différents droits procéduraux dont jouit toute personne soupçonnée ou poursuivie dans le cadre d’une procédure pénale en vertu de l’article 42 du code de procédure pénale. Ensuite, il est fait mention de l’article 303 de ce même code, qui établit une distinction entre les décisions et omissions qui peuvent être contestées au cours de la procédure préliminaire et les décisions, actes et omissions qui peuvent être examinés en justice au cours de la procédure préparatoire. En outre, d’une part, il est rappelé que, en vertu de l’article 306 dudit code, toute plainte contre des décisions, des actes ou des omissions de l’enquêteur ou du procureur doit être examinée par le juge d’instruction d’un tribunal local, en présence du plaignant, de son avocat ou de son représentant légal. D’autre part, il est indiqué, notamment, que l’article 309 dudit code précise les décisions du juge d’instruction qui peuvent être contestées par la voie d’un recours. Enfin, il est précisé qu’un certain nombre de mesures d’enquêtes, telles que la saisie de biens et les mesures de détention, ne sont possibles que sous réserve d’une décision du juge d’instruction ou d’un tribunal.

77      La seconde partie de la section concerne le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de chacune des personnes dont le nom est inscrit sur la liste. S’agissant plus particulièrement du requérant, il est précisé que, selon les informations figurant dans le dossier du Conseil, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé, ainsi qu’en témoigneraient, notamment, « le fait qu’une notification écrite de suspicion a été délivrée le 29 décembre 2014, le fait que la décision du 16 juin 2017 de suspendre [ladite procédure] était susceptible de recours et les décisions du juge d’instruction du 12 mars 2018, du 13 août 2018 et du 5 septembre 2019 autorisant le placement en détention [du requérant] dans le but de le faire comparaître devant le tribunal pour qu’il participe à une audience sur la demande d’application d’une mesure préventive de détention ». Le Conseil précise, en outre, qu’il « dispose d’informations selon lesquelles les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour faire rechercher [le requérant et que, l]e 24 juillet 2020, une demande d’entraide judiciaire internationale a été adressée aux autorités compétentes de la Fédération de Russie afin d’établir le lieu où [il se trouvait] et de l’interroger ». Il ajoute que cette demande est toujours pendante et que « [l]’enquête préliminaire a été suspendue le 24 juillet 2020 en raison de la nécessité d’accomplir des actes de procédure dans le cadre de la coopération internationale [et que l]es autorités russes ont rejeté la demande d’entraide judiciaire internationale qui leur avait été adressée en 2018 ». Par ailleurs, le Conseil relève que, « [d]ans sa décision du 8 juillet 2020, la Haute Cour anticorruption d’Ukraine a rejeté le recours formé par l’avocat [du requérant] tendant à l’annulation de la décision datée du 30 avril 2015 de suspendre l’enquête préliminaire, [considéré] que l’avis de suspicion avait été notifié conformément au code de procédure pénale ukrainien [et confirmé] le statut de suspect [du requérant] dans le cadre de la procédure pénale ». Selon le Conseil, conformément à la jurisprudence de la Cour EDH, « les périodes au cours desquelles [le requérant] s’est soustrait à l’enquête doivent être exclues du calcul de la période à prendre en considération pour apprécier le respect du droit à un procès dans un délai raisonnable » (voir point 37 ci-dessus).

78      Dans la lettre du 5 mars 2021 adressée au requérant (voir point 38 ci-dessus), le Conseil reprend, en substance, le contenu de la partie des actes attaqués concernant le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant (voir point 77 ci-dessus). Après avoir affirmé qu’il avait tenu compte des observations envoyées par le requérant les 10 décembre 2020 et 27 janvier 2021, le Conseil indique, tout d’abord, que les informations provenant du BPG établissent que le requérant continue à faire l’objet de la procédure [confidentiel] en Ukraine pour détournement de fonds ou d’avoir publics. Ensuite, il précise, d’une part, que le BPG lui a fourni des informations concernant les décisions prises dans le cadre de ladite procédure et, d’autre part, qu’il est informé du fait que, le 24 juillet 2020, les autorités ukrainiennes ont adressé une demande d’entraide judiciaire aux autorités compétentes de la Fédération de Russie, qui est encore pendante, en vue d’établir le lieu où se trouve le requérant et de procéder à son interrogatoire dans le cadre de l’enquête. Il précise également que la procédure [confidentiel] a été suspendue le 24 juillet 2020 afin d’effectuer des actes de procédure dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale et que les autorités de la Fédération de Russie ont rejeté une demande d’entraide judiciaire qui leur avait été envoyée en 2018. En outre, le Conseil fait valoir qu’il ressort de la décision de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine, du 8 juillet 2020, rejetant le recours du requérant tendant à l’annulation de la décision du 30 juillet 2015 de suspendre l’enquête préliminaire, que l’avis de suspicion lui avait été correctement signifié et que son statut de suspect était confirmé. Cette conclusion n’est pas remise en cause, d’après le Conseil, par le fait qu’il n’y avait pas eu une demande de procéder in absentia, dès lors qu’une telle décision relève entièrement du pouvoir discrétionnaire des autorités investigatrices. Par ailleurs, le Conseil considère que la période pendant laquelle le requérant s’est soustrait à la procédure pénale ne saurait être prise en considération en vue de déterminer la durée de celle-ci, qui est pertinente aux fins d’apprécier le respect du droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. Enfin, le Conseil écarte l’objection du requérant selon laquelle la demande de son avocat avait été rejetée pour des motifs artificiels. Dans la partie conclusive de la lettre, il rappelle qu’il ne lui appartient pas de vérifier le bien-fondé de l’enquête.

79      Ainsi, il ressort d’une lecture combinée des motifs exposés dans les actes attaqués et dans la lettre du 5 mars 2021 que la procédure [confidentiel] est la seule pour laquelle le Conseil atteste avoir effectivement vérifié le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant.

80      À cet égard, il doit être observé, d’emblée, que le Conseil reste en défaut de démontrer dans quelle mesure les décisions de justice mentionnées au point 77 ci-dessus témoigneraient du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant au cours de ladite procédure. En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 63 et 64 ci-dessus, en l’espèce, le Conseil était tenu de vérifier, avant de décider du maintien des mesures restrictives en cause, si la décision de l’administration judiciaire ukrainienne d’engager et de mener des procédures d’enquêtes pénales portant sur des infractions inhérentes au détournement de fonds ou d’avoirs publics prétendument commises par le requérant avait été adoptée dans le respect desdits droits de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 80 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 86).

81      Dans cette perspective, les décisions de justice mentionnées au point 77 ci-dessus ne sauraient être identifiées comme étant des décisions d’engager et de mener la procédure d’enquête justifiant le maintien des mesures restrictives en cause, étant donné qu’il s’agit de décisions incidentes. Cela étant, il est possible d’admettre que, d’un point de vue substantiel, dès lors que ces décisions ont été rendues par une juridiction, elles ont réellement été prises en compte par le Conseil comme étant la base factuelle justifiant le maintien des mesures restrictives en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 81 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 87).

82      Il y a donc lieu de vérifier si c’est à juste titre que le Conseil a pu considérer que de telles décisions de justice ainsi que les autres éléments qu’il a invoqués dans la seconde partie de la section des actes attaqués ayant trait au respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle du requérant (voir point 37 ci-dessus), à savoir les lettres du BPG concernant l’envoi au requérant de la notification écrite de suspicion, le fait que la décision du BPG du 16 juin 2017 de suspendre la procédure 815 était susceptible de recours, ainsi que le fait que les autorités ukrainiennes ont adressé, le 24 juillet 2020, une demande d’entraide judiciaire internationale aux autorités compétentes de la Fédération de Russie et que ce même jour l’enquête préliminaire a été suspendue, témoignaient du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant.

83      S’agissant des décisions des 12 mars et 13 août 2018 et du 5 septembre 2019, il convient de relever que celles-ci ont été prises et ont cessé de produire leurs effets juridiques bien avant l’adoption des actes attaqués. Il s’ensuit que ces décisions ne sauraient suffire à établir que la procédure 815 sur laquelle le Conseil se fonde pour maintenir, pour la période allant du mois de mars 2021 au mois de mars 2022, les mesures restrictives en cause à l’égard du requérant, s’est déroulée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, points 83 et 84 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 89).

84      Des considérations analogues peuvent être énoncées pour ce qui est, d’une part, du fait qu’une notification écrite de suspicion a été délivrée au requérant le 29 décembre 2014 et, d’autre part, du fait que la décision du 16 juin 2017 de suspendre la procédure pénale en cause était susceptible de recours, ces circonstances se référant à une période bien antérieure à l’adoption des actes attaqués et au réexamen périodique annuel de la situation du requérant qui en a précédé l’adoption (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 87).

85      Au demeurant, le Tribunal a déjà eu l’occasion de se prononcer à l’égard des décisions des 12 mars et 13 août 2018, dans le cadre des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 23 septembre 2020, Pshonka/Conseil (T‑292/19, non publié, EU:T:2020:449, points 73 à 77 et 86), et du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil (T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, points 82 et 83), et, à l’égard de la notification écrite de suspicion ainsi que des décisions des 16 juin 2017 et 5 septembre 2019, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil (T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, points 84 à 88). Dans ces arrêts, qui n’ont pas fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour, le Tribunal a jugé que lesdites décisions et les autres éléments susmentionnés n’étaient pas susceptibles de démontrer que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant avaient été respectés dans le cadre de la procédure 815. Aucun élément avancé par le Conseil dans le cadre de la présente affaire ne permet au Tribunal de parvenir à des conclusions différentes de celles retenues dans lesdits arrêts, qui concernent les mêmes parties et soulèvent pour l’essentiel les mêmes questions juridiques, quant à la valeur probante des éléments susmentionnés.

86      S’agissant de la demande d’entraide judiciaire internationale, datée du 24 juillet 2020 et adressée aux autorités compétentes de la Fédération de Russie (voir point 77 ci-dessus), qui n’a pas été versée au dossier de l’affaire, il y a lieu de relever qu’elle a été formulée à la suite de la décision de rouvrir la procédure adoptée le 30 juin 2020.  Il ressort de cette décision qu’elle a été prise afin d’accomplir des actes d’investigation, qui ont consisté, pour l’essentiel, à présenter ladite demande d’entraide. Il convient également de relever que, dans l’attente de la réponse des autorités russes, la procédure a une nouvelle fois été suspendue par une décision adoptée le 24 juillet 2020. Or, il ressort du dossier que, en 2018, lesdites autorités n’avaient déjà pas donné suite à une précédente demande de coopération judiciaire analogue. Le BPG n’a fourni aucune information à cet égard et il n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles une nouvelle demande d’entraide n’a pas été présentée avant juillet 2020. En outre, il n’a pas précisé si cette nouvelle demande se fondait sur des considérations ou des faits différents de ceux qui avaient justifié le refus opposé par les autorités russes à la demande de coopération judiciaire formulée en 2018. Dans de telles circonstances, cette demande ne saurait témoigner du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective dans le cadre de la procédure [confidentiel].

87      S’agissant, enfin, de la décision du juge d’instruction de la Haute Cour anticorruption du 8 juillet 2020, il convient de relever que celle-ci rejette la demande du requérant, déposée par l’avocat de celui-ci le 5 mars 2020, après avoir pris connaissance de la décision de suspension de la procédure du 30 avril 2015. Or, s’il est vrai que cette décision confirme que l’avis de suspicion, dont la valeur probante a toutefois déjà été écartée au point 84 ci-dessus, avait été notifié au requérant conformément aux dispositions pertinentes du code de procédure pénale, il n’en reste pas moins qu’une telle décision, dont l’adoption a, par ailleurs, été sollicitée par une demande du requérant tendant à l’annulation de ladite décision de suspension de 2015, non seulement n’est pas inhérente à l’évolution de l’enquête préliminaire, mais ne suffit pas, en soi, à établir que la procédure [confidentiel] sur laquelle le Conseil se fonde pour maintenir, pour la période allant du mois de mars 2021 au mois de mars 2022, le nom du requérant sur la liste, s’est déroulée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci.

88      En tout état de cause, toutes les décisions de justice mentionnées au point 77 ci-dessus s’insèrent, notamment, dans le cadre de ladite procédure pénale et ne sont qu’incidentes par rapport à celle-ci, dans la mesure où elles sont de nature procédurale. De telles décisions, qui peuvent servir tout au plus à établir l’existence d’une base factuelle suffisamment solide, en ce que, conformément au critère d’inscription applicable, le requérant faisait l’objet d’une procédure pénale portant sur une infraction de détournement de fonds ou d’avoirs appartenant à l’État ukrainien, ne sont pas ontologiquement susceptibles, à elles seules, de démontrer que la décision de l’administration judiciaire ukrainienne d’engager et de mener ladite procédure pénale, sur laquelle repose, en substance, le maintien des mesures restrictives à l’encontre du requérant, a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci, ainsi qu’il incombe au Conseil de le vérifier, conformément à la jurisprudence rappelée au point 63 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2021, Pshonka/Conseil, T‑268/20, non publié, EU:T:2021:418, point 88 et jurisprudence citée, et du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil, T‑291/20, non publié, EU:T:2022:187, point 103 et jurisprudence citée).

89      Au demeurant, le Conseil n’invoque aucune pièce du dossier de la procédure ayant abouti à l’adoption des actes attaqués dont il résulterait qu’il a examiné les décisions de justice et les autres documents invoqués dans les actes attaqués et qu’il a pu en conclure que les droits procéduraux du requérant avaient été respectés dans leur substance.

90      La simple référence faite par le Conseil à des lettres et à des prises de position des autorités ukrainiennes dans lesquelles celles-ci ont expliqué en quoi les droits fondamentaux du requérant avaient été respectés et ont donné des assurances à cet égard ne saurait suffire pour considérer que la décision de maintenir son nom sur la liste repose sur une base factuelle suffisamment solide, au sens de la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 44).

91      Il s’ensuit que, à l’issue de l’examen des décisions de justice et des autres documents invoqués par le Conseil dans les actes attaqués, il y a lieu de constater que, même pris dans leur ensemble, ceux-ci ne sont pas susceptibles de témoigner du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant au cours de la procédure 815 dans la période allant du mois de mars 2021 au mois de mars 2022.

92      À cet égard, il doit être rappelé que le Conseil était tenu de vérifier un tel respect indépendamment de tout élément de preuve apporté par le requérant visant à démontrer que celui-ci avait subi une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. Or, en l’espèce, la simple possibilité d’invoquer la violation desdits droits devant les juridictions ukrainiennes en vertu de dispositions du code de procédure pénale n’est pas suffisante en soi pour démontrer leur respect par l’administration judiciaire ukrainienne (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil, T‑291/20, non publié, EU:T:2022:187, point 111 et jurisprudence citée).

93      D’ailleurs, le Conseil n’explique pas non plus comment les décisions de justice et les documents mentionnés au point 77 ci-dessus permettraient de considérer que le respect du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant a été garanti. À cet égard, il y a lieu de relever que, comme celui-ci l’avait fait valoir à maintes reprises dans les lettres envoyées au Conseil, la procédure [confidentiel] avait été dissociée, en avril 2015, de la procédure [confidentiel], ouverte en avril 2014. En outre, en l’état, la procédure [confidentiel] était une nouvelle fois suspendue après avoir été rouverte seulement pour quelques jours. Force est de constater que cette procédure, transférée en novembre 2019 au bureau national anticorruption, se trouvait encore au stade de l’enquête préliminaire, de sorte qu’elle n’avait pas été soumise à un tribunal ukrainien sur le fond, un tel tribunal n’en ayant eu connaissance que pour des questions procédurales (voir, par analogie, arrêt du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil, T‑292/20, non publié, EU:T:2022:188, point 110 et jurisprudence citée).

94      Or, l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui constitue le paramètre à l’aune duquel le Conseil apprécie le respect du droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêts du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 101 et jurisprudence citée, et du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil, T‑291/20, non publié, EU:T:2022:187, point 114 et jurisprudence citée), prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.

95      Dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, tels que ceux prévus à l’article 6 de celle-ci, leur sens et leur portée sont, aux termes de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, les mêmes que ceux que leur confère la CEDH.

96      À cet égard, il convient de rappeler que, en interprétant l’article 6 de la CEDH, la Cour EDH a relevé que l’objectif du principe du délai raisonnable était, notamment, de protéger la personne inculpée contre les lenteurs excessives de la procédure et d’éviter qu’elle ne demeure trop longtemps dans l’incertitude de son sort et que ledit principe soulignait l’importance de rendre la justice sans les retards propres à compromettre l’efficacité et la crédibilité de l’administration de la justice (voir Cour EDH, 7 juillet 2015, Rutkowski et autres c. Pologne, CE:ECHR:2015:0707JUD007228710, § 126 et jurisprudence citée). De plus, la Cour EDH a considéré que la violation de ce principe pouvait être constatée notamment lorsque la phase d’instruction d’une procédure pénale se caractérisait par un certain nombre de périodes d’inactivité imputables aux autorités compétentes pour cette instruction (voir, en ce sens, Cour EDH, 6 janvier 2004, Rouille c. France, CE:ECHR:2004:0106JUD005026899, §§ 29 à 31 ; 27 septembre 2007, Reiner et autres c. Roumanie, CE:ECHR:2007:0927JUD000150502, §§ 57 à 59, et 12 janvier 2012, Borisenko c. Ukraine, CE:ECHR:2012:0112JUD002572502, §§ 58 à 62).

97      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’une personne fait l’objet de mesures restrictives depuis plusieurs années, et ce en raison de l’existence, en substance, des mêmes enquêtes préliminaires, comme c’est le cas en l’espèce, le Conseil est tenu, préalablement à l’adoption d’une décision prorogeant l’application de ces mesures, de s’assurer du respect du droit de cette personne d’être jugée dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 104 et jurisprudence citée, et du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil, T‑292/20, non publié, EU:T:2022:188, point 114).

98      À cet égard, ainsi qu’il a été relevé au point 68 ci-dessus, il importe de rappeler la nature conservatoire du gel des avoirs du requérant et leur objet, à savoir, ainsi que l’a souligné le Conseil dans ses écritures et lors de l’audience, faciliter la constatation par les autorités ukrainiennes des détournements de fonds publics commis, au terme des procédures judiciaires engagées, et préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer, in fine, le produit de ces détournements. Il incombe donc au Conseil d’éviter qu’une telle mesure, qui se justifie précisément en vertu de sa nature temporaire, soit prolongée inutilement, au détriment des droits et des libertés du requérant, sur lesquels elle a une incidence négative importante, du seul fait que les procédures pénales, encore au stade de l’enquête préliminaire, sur lesquelles elle repose ont été laissées ouvertes, en substance, indéfiniment (voir arrêts du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 105 et jurisprudence citée, et du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil, T‑291/20, non publié, EU:T:2022:187, point 118 et jurisprudence citée).

99      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour EDH ayant trait à l’interprétation de l’article 6 de la CEDH que des retards causés par des suspensions de la procédure par les autorités, les décisions de joindre et de disjoindre les différentes procédures pénales ainsi que les renvois d’une affaire pour un complément d’enquête dans le cadre d’une même procédure peuvent être considérés comme des indices révélateurs d’une grave défaillance dans le fonctionnement du système de justice pénale (voir, en ce sens, Cour EDH, 23 juin 2016, Krivoshey c. Ukraine, CE:ECHR:2016:0623JUD000743305, § 97 et jurisprudence citée). En l’espèce, eu égard à la durée prolongée de l’enquête préliminaire en cause, il résulte de ce qui a été indiqué au point 97 ci-dessus que le Conseil était tenu, préalablement à l’adoption des actes attaqués, de s’assurer que la durée de ladite enquête n’était pas déraisonnable. Dans cette perspective, le Conseil aurait dû tenir compte de tout indice de défaillances éventuelles dans la conduite de la procédure 815, qui avait été dissociée d’une autre procédure, qui avait été suspendue et rouverte à plusieurs reprises et dont l’enquête préliminaire avait été transférée, après plusieurs années de son ouverture, à une autre autorité investigatrice (voir, notamment, point 93 ci-dessus), sans que cela ait impliqué la moindre progression.

100    Selon la réponse fournie par le BPG [confidentiel], que le Conseil a fait en quelque sorte sienne, l’absence d’évolution de la procédure [confidentiel] était justifiée par plusieurs motifs. En premier lieu, était invoquée l’impossibilité, d’une part, d’effectuer un certain nombre d’actes d’enquête et de procédure sans la participation du suspect qui se soustrayait à l’enquête et, d’autre part, de procéder in absentia dans le cadre de ladite procédure parce que les conditions établies par le code de procédure pénale, [confidentiel], n’étaient pas réunies en l’espèce. En deuxième lieu, ladite absence d’évolution aurait été justifiée par le rejet, en 2018, de la demande d’extradition par les autorités russes. En troisième lieu, était également invoquée la suspension de la procédure en raison de la recherche du requérant ainsi que de l’attente de la réponse à la demande d’entraide judiciaire internationale transmise par les autorités ukrainiennes aux autorités russes le 24 juillet 2020.

101    Il ressort du dossier de l’affaire, d’une part, que l’enquête préliminaire dans le cadre de la procédure [confidentiel] sur laquelle le Conseil s’est fondé a été suspendue pour de longues périodes et rouverte juste pour quelques jours à huit reprises, la dernière suspension ayant eu lieu par décision du bureau national anticorruption du 24 juillet 2020, adoptée à la suite de la réouverture de l’enquête [confidentiel], et ce sans que des justifications aient été fournies par le BPG, et, d’autre part, qu’aucun acte d’investigation ou procédural, mise à part ladite demande d’entraide judiciaire internationale, n’a été accompli par les autorités chargées de l’enquête, qui ont par ailleurs changé en novembre 2019 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 128). À cet égard, en réponse à une question explicite du Conseil visant à connaître les activités entreprises depuis mars 2017 afin de chercher et arrêter le requérant, le [confidentiel] se borne à indiquer que les autorités russes n’ont pas donné suite à une demande d’extradition des autorités investigatrices ukrainiennes en avril 2018 et à évoquer la décision du juge d’instruction de la Haute Cour anticorruption du 8 juillet 2020 rejetant le recours du requérant tendant à l’annulation de la décision de suspension de l’enquête préliminaire du 30 avril 2015.

102    Or, bien que le Conseil ait effectué des vérifications supplémentaires auprès des autorités ukrainiennes afin d’être éclairé sur les raisons ayant justifié la suspension de la procédure [confidentiel], il ressort du dossier qu’il s’est satisfait des explications fournies par le BPG selon lesquelles la suspension aurait été justifiée, finalement, par la nécessité de procéder à des actes de procédure dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale.

103    À cet égard, force est de constater que le Conseil ne s’est fondé que sur des attestations émanant du BPG qui se réfèrent de façon générique à l’existence d’actes de procédure menés dans le cadre de la coopération internationale (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 130 et jurisprudence citée).

104    S’agissant de l’argument avancé par le Conseil, selon lequel, conformément à la jurisprudence de la Cour EDH, la fuite d’un accusé aurait par elle‑même des répercussions sur l’étendue de la garantie offerte par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH quant à la durée de la procédure, en ce qu’il ne pourrait pas se prévaloir d’une durée déraisonnable de celle-ci pour la période postérieure à sa fuite, il doit être observé que le Conseil n’apporte aucun élément permettant de considérer que le requérant se soit effectivement soustrait à l’enquête et à la justice. En outre, force est une nouvelle fois de constater que la procédure [confidentiel], sur laquelle s’appuie le Conseil, relative à des faits prétendument commis par le requérant entre le mois de mars et le mois de novembre 2013, n’a jamais été soumise à un tribunal ukrainien sur le fond, de sorte qu’elle se trouve encore, environ sept ans à compter de son ouverture, au stade de l’enquête préliminaire.

105    Or, le BPG ne fournit pas d’informations claires au regard du fait qu’une demande d’autorisation de procéder par défaut à l’égard du requérant n’a jamais été présentée par les autorités investigatrices (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 juin 2018, Arbuzov/Conseil, T‑258/17, EU:T:2018:331, point 99). Il ressort du dossier que, aux termes du code de procédure pénale, l’une des [confidentiel] conditions qui devaient être satisfaites pour demander l’autorisation de pouvoir procéder par défaut, [confidentiel], n’était pas remplie en l’espèce. À cet égard, [confidentiel]. En réponse à une question du Conseil concernant les actions entreprises, à compter du 16 mars 2017, par les autorités ukrainiennes pour chercher le requérant, le BPG se limite, en outre, à indiquer que [confidentiel]. Par ailleurs, le BPG n’a pas répondu à la question visant à connaître les raisons pour lesquelles, durant la période allant d’avril 2015 à novembre 2018, [confidentiel], une telle action n’avait pas été entreprise par les autorités ukrainiennes. En effet, le BPG s’est borné à indiquer que le bureau national anticorruption n’était en charge de l’enquête que depuis le 18 novembre 2019 et que celui-ci n’était donc pas en possession d’informations concernant la période susmentionnée.

106    Il résulte des considérations qui précèdent que le Conseil s’est contenté de réponses vagues et imprécises du BPG, qui ne permettent pas d’établir à suffisance de droit si, et dans quelle mesure, les causes de l’inaction de longue durée de l’administration judiciaire ukrainienne sont imputables au fait que le requérant a quitté l’Ukraine ou à d’éventuelles défaillances dans la conduite de l’enquête sur laquelle il s’est fondé pour prolonger les mesures restrictives à l’encontre du requérant.

107    En définitive, le Conseil aurait dû à tout le moins apprécier tous les éléments fournis par le BPG et par le requérant et indiquer les raisons pour lesquelles, au terme d’une analyse autonome et approfondie de ces éléments, il pouvait considérer que le droit du requérant à une protection juridictionnelle effective devant l’administration judiciaire ukrainienne avait été respecté en ce qui concernait son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 131 et jurisprudence citée).

108    Il ne saurait donc être conclu, au vu des pièces du dossier, que les éléments dont le Conseil disposait lors de l’adoption des actes attaqués lui ont permis de vérifier si la décision de l’administration judiciaire ukrainienne d’engager et de mener la procédure pénale en cause avait été adoptée et mise en œuvre dans le respect des droits du requérant à une protection juridictionnelle effective et, plus particulièrement, à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable.

109    À cet égard, il convient également de relever que la jurisprudence bien établie selon laquelle, en cas d’adoption d’une mesure de gel de fonds telle que celle adoptée à l’égard du requérant dans le cadre des actes attaqués, il appartient au Conseil ou au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé non pas des enquêtes dont la personne visée par ces mesures restrictives faisait l’objet en Ukraine, mais uniquement de la décision de gel des fonds au regard du ou des documents sur lesquels cette décision a été fondée, ne saurait être interprétée en ce sens que le Conseil n’est pas tenu de vérifier si la décision de l’État tiers sur laquelle il entend fonder l’adoption desdites mesures restrictives a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 110 et jurisprudence citée).

110    Enfin, si le Conseil est en droit de se fonder sur les décisions les juridictions ukrainiennes comme preuves de l’existence d’une procédure pénale relative à des allégations de détournement de fonds publics à l’encontre du requérant, il n’en va pas de même en ce qui concerne les preuves du bon déroulement de cette procédure pénale, y compris pour ce qui est du respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. Ainsi qu’il a été rappelé au point 63 ci-dessus, pour s’assurer que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur la liste repose sur une base factuelle suffisamment solide, le Conseil doit vérifier non seulement s’il existe des procédures judiciaires en cours concernant le requérant pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics, mais également si, dans le cadre de ces procédures, lesdits droits du requérant ont été respectés (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil, T‑291/20, non publié, EU:T:2022:187, point 129 et jurisprudence citée).

111    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il n’est pas établi que le Conseil, avant l’adoption des actes attaqués, se soit assuré du respect, par l’administration judiciaire ukrainienne, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant dans le cadre de la procédure pénale sur laquelle il s’est fondé. Il s’ensuit que, en décidant de maintenir son nom sur la liste, le Conseil a commis une erreur d’appréciation.

112    Dans ces circonstances, il y a lieu d’annuler les actes attaqués en tant qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens et arguments invoqués par ce dernier.

113    Au regard de la demande présentée par le Conseil à titre subsidiaire (voir point 43, deuxième tiret, ci-dessus) tendant, en substance, au maintien des effets de la décision 2021/394 jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’introduction d’un pourvoi visant le présent arrêt, en tant qu’il annulerait le règlement d’exécution 2021/391 dans la mesure où il concerne le requérant et, au cas où un pourvoi serait introduit à cet égard, jusqu’à la décision statuant sur celui-ci, il suffit de relever que la décision 2021/394 n’a produit d’effets que jusqu’au 6 mars 2022. Par conséquent, l’annulation de celle-ci par le présent arrêt n’a pas de conséquence sur la période postérieure à cette date, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question du maintien des effets de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 113 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

114    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (PESC) 2021/394 du Conseil, du 4 mars 2021, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, et le règlement d’exécution (UE) 2021/391 du Conseil, du 4 mars 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine, sont annulés dans la mesure où le nom de M. Artem Viktorovych Pshonka a été maintenu sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.

2)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

Spielmann

Mastroianni

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le tchèque.


1 Données confidentielles occultées.