Language of document : ECLI:EU:T:2023:377

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

5 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un contenant  – Motif absolu de refus – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) no 207/2009  [devenu article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (UE) 2017/1001] – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Autorité de la chose jugée »

Dans l’affaire T‑10/22,

Wajos GmbH, établie à Dohr (Allemagne), représentée par Mes N. Böhmer, J. Schneiders et N. Gottschalk, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez et M. D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. I. Dimitrakopoulos (rapporteur) et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Wajos GmbH, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 octobre 2021 (affaire R 2958/2019‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 7 décembre 2015, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne, tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne].

3        La requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe tridimensionnel suivant :

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4        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 29, 30, 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Huiles et graisses alimentaires ; extraits d’algues à usage alimentaire ; pommes cuites ; aspics ; boissons à base de yaourt ; pâtes à tartiner à base de poisson fumé ; huiles comestibles dérivées du poisson [autres qu’huile de foie de morue] ; lait biologique ; bouillons culinaires ; consommés [potages] ; babeurre ; dattes ; desserts à base de produits laitiers ; conserves de fruits ; œufs ; caviar ; concentrés de tomate ; fruits au vinaigre ; cornichons ; poivrons marinés ; oignons marinés dans du vinaigre ; corned-beef ; poisson mariné dans du vinaigre ; légumes en saumure ; conserves, pickles ; légumes conservés ; œufs en poudre ; milk-shakes ; huile d’arachide ; huile d’arachide [à usage alimentaire] ; lait d’arachides à usage culinaire ; produits à base de fruits de mer ; huiles de lin [comestibles] ; graines comestibles ; huile d’olive extravierge ; extraits de légumes [jus] à usage culinaire ; figues préparées et transformées ; pousses de bambou fermentées cuites à l’eau et conservées dans du sel [menma] ; lait acidulé [prostokvasha] ; graines de soja fermentées [natto] ; tofu fermenté ; poisson conservé ; pâtes à tartiner aux fruits de mer et au poisson ; bouillons de poisson ; poissons, fruits de mer et mollusques ; viande ; conserves de viande ; chips de fruits ; fruits conservés dans l’alcool ; gelées de fruits ; pulpe de fruits ; marmelades de fruits ; gelées, confitures, compotes, pâtes à tartiner à base de fruits et de légumes ; produits de charcuterie ; saucisses ; olives [préparées] ; viande préparée ; fruits préparés ; fruits secs ; truffes conservées ; jus de truffes ; aloe vera préparé pour l’alimentation humaine ; extraits de tomates ; huiles alimentaires pour le glaçage de produits alimentaires ; huiles comestibles pour la cuisson de produits alimentaires ; fromages à tartiner ; huile de sésame ; huile d’olive ; boissons lactées aromatisées ; huiles de fruits à coque ; fruits cuits ; fruits conservés ; mélanges de fruits et fruits à coque ; lait ; produits laitiers ; milk-shakes ; huile de maïs ; fromages ; fruits en bocal ; légumes conservés (à l’huile) ; boissons à base de produits laitiers ; extraits de légumes à usage alimentaire ; produits laitiers et leurs succédanés ; œufs de volaille et ovoproduits ; fruits, champignons et légumes transformés [y compris fruits à coque et légumes secs] ; plats préparés, potages et bouillons, en-cas et desserts, à savoir nids d’oiseaux comestibles, ragoûts et daubes, concentrés de tomates, trempettes, biscuits au poisson, pollen préparé en tant que produit alimentaire, en-cas à base de viande de porc, préparations à base de soja, plats préparés principalement à base de viande, poisson, fruits de mer ou légumes, en-cas et accompagnements à base de pommes de terre, potages et préparations s’y rapportant, potées, fonds et bouillons, chips de yucca » ;

–        classe 30 : « Aromates pour boissons ; café, thé, cacao et leurs succédanés ; grains transformés, amidons et dérivés, préparations pour boulangerie et levures ; vinaigres aromatisés ; café aromatisé ; aromates à base de fruits ; boissons à base de café ; boissons à base de cacao ; poudres acidulées [confiserie] ; sachets de poudre acidulée ; café glacé ; thé glacé ; vinaigre ; extraits de café pour aromatiser des boissons ; sucre liquide ; essences de café ; café, thé et cacao, ainsi que leurs succédanés ; essences de café ; boissons à base de thé, non médicinales ; thé glacé non médicinal ; essences de thé ; extraits de thé ; boissons se composant principalement de thé ; boisson se composant principalement de cacao ; boisson se composant principalement de chocolat » ;

–        classe 32 : « Boissons sans alcool ; bières et produits de brasserie ; préparations pour faire des boissons ; bières ; cocktails sans alcool ; extraits de fruits sans alcool ; boissons aux fruits sans alcool ; boissons sans alcool ; boissons sans alcool aromatisées au thé ; boissons à base de jus d’aloe vera ; boissons sans alcool à l’aloe vera ; jus de pommes ; boissons au jus de pommes ; bières aromatisées ; boissons gazeuses aromatisées ; eaux aromatisées ; eaux minérales aromatisées ; boissons aux fruits ; sodas amers au citron ; boissons énergisantes ; boissons désalcoolisées ; boissons rafraîchissantes ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; jus de légumes (boissons) ; boissons à base de fruits ; boissons isotoniques ; boissons sans alcool, à faible teneur en calories ; boissons énergétiques contenant de la caféine ; boissons gazeuses sans alcool ; jus de fruits concentrés ; eaux minérales [boissons] ; moûts ; jus ; eaux minérales ; vins ; eaux gazeuses ; vin sans alcool » ;

–        classe 33 : « Préparations pour faire des boissons alcoolisées ; prémix [alcopops] ; extraits de fruits alcoolisés ; gelées alcoolisées ; boissons alcoolisées aux fruits ; cocktails alcoolisés contenant du lait ; cocktails alcoolisés sous forme de gélatines réfrigérées ; boissons énergisantes alcoolisées ; essences alcoolisées ; extraits alcoolisés ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; boissons alcoolisées prémélangées autres qu’à base de bière ; punchs alcoolisés ; vins à faible teneur en alcool ; cidres ; arak ; poiré ; vins panachés [boissons] ; eaux-de-vie ; calvados ; champagne ; spiritueux distillés [produits à boire] ; vin de fraise ; spiritueux fermentés ; cocktails de vins préparés ; vins de fruits ; boissons alcoolisées comestibles ; boissons à faible teneur en alcool ; gin ; vins chauds ; alcool de miel [hydromel] ; liqueurs ; crèmes (liqueurs) ; vins vinés amers (liqueurs) ; alcool de riz ; saké ; rhum ; punchs à base de rhum ; schnaps ; spiritueux ; vins ; vins de framboises noires (Bokbunjaju) ; eaux-de-vie de genévrier ; blended whisky ; boissons contenant du vin [spritzers] ; punchs à base de vin ; whisky ; vodka ».

5        Par décision du 28 juin 2016, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

6        Le 19 août 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

7        Par décision du 15 février 2017 (ci-après la « première décision »), la première chambre de recours a refusé l’enregistrement de la marque demandée au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

8        Le 22 mai 2017, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la première décision. Le Tribunal a accueilli le recours et a annulé cette décision [arrêt du 3 octobre 2018, Wajos/EUIPO (Forme d’un contenant), T‑313/17, non publié, EU:T:2018:638], au motif que la marque possédait un caractère distinctif. Le Tribunal a constaté que la combinaison des éléments qui constituent la marque demandée est véritablement spécifique et ne saurait être considérée comme tout à fait commune. Selon le Tribunal, cette combinaison confère au contenant en cause une apparence particulière qui, compte tenu également du résultat esthétique d’ensemble, le différencie des bouteilles usuelles existant sur le marché, les consommateurs n’étant pas habitués aux contenants présentant une forme incurvée de manière significative en leur milieu. Le Tribunal a ajouté, au point 35 dudit arrêt, que « si, ainsi que le constate l’EUIPO, le renflement qui sépare la partie supérieure plus large de la partie inférieure plus étroite est une caractéristique qui s’explique par des considérations techniques et fonctionnelles, il n’en demeure pas moins qu’une telle caractéristique apporte également une valeur esthétique à la marque demandée ».

9        Par arrêt du 12 décembre 2019, EUIPO/Wajos (C‑783/18 P, non publié, EU:C:2019:1073), la Cour a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt du 3 octobre 2018, Forme d’un contenant (T‑313/17, non publié, EU:T:2018:638).

10      Après l’arrêt du 12 décembre 2019, EUIPO/Wajos (C‑783/18 P, non publié, EU:C:2019:1073), la deuxième chambre de recours a adopté la décision attaquée. Elle a considéré que l’enregistrement de la marque demandée se heurtait au motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009 en ce qui concerne l’ensemble des produits mentionnés au point 4 ci-dessus, à l’exception des produits suivants :

–        classe 29 : « Extraits d’algues à usage alimentaire ; œufs en poudre ; produits à base de fruits de mer ; graines comestibles ; aloe vera préparé pour l’alimentation humaine ; extraits de tomates ; extraits de légumes à usage alimentaire » ;

–        classe 30 : « Grains transformés, amidons et dérivés, préparations pour boulangerie et levures ; poudres acidulées [confiserie] ; sachets de poudre acidulée ; extraits de café pour aromatiser des boissons ; essences de café ; essences de café ; essences de thé ; extraits de thé » ;

–        classe 32 : « Extraits de fruits sans alcool ».

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où cette décision a partiellement refusé l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de de l’autorité de la chose jugée et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’autorité de la chose jugée

14      Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait ignoré l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 3 octobre 2018, Forme d’un contenant (T‑313/17, non publié, EU:T:2018:638). En effet, le Tribunal aurait établi de manière définitive, dans cet arrêt, que le motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 n’était pas constitué. La requérante fait valoir que ledit arrêt indiquait que la marque demandée ne se composait pas uniquement de caractéristiques techniques et fonctionnelles. En outre, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la forme en cause correspondait aux habitudes du secteur après que le Tribunal avait jugé le contraire. Par ailleurs, la requérante estime, en substance, que la chambre de recours a porté atteinte au principe de continuité fonctionnelle.

15      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

16      Selon une jurisprudence constante, l’autorité de la chose jugée, qui constitue une expression du principe fondamental de la sécurité juridique, couvre les motifs d’un arrêt qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif et en sont, de ce fait, indissociables (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al‑Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 49 et jurisprudence citée). Ainsi, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par une décision juridictionnelle (arrêt du 13 septembre 2017, Pappalardo e.a./Commission, C‑350/16 P, EU:C:2017:672, point 37).

17      En outre, il a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, il suffit qu’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 s’applique pour qu’un signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [voir arrêt du 30 janvier 2019, Arezzo Indústria e Comércio/EUIPO (SCHUTZ), T‑256/18, non publié, EU:T:2019:38, point 36 et jurisprudence citée]. De plus, cette disposition énumère les différents motifs absolus de refus qui peuvent être opposés à l’enregistrement d’une demande de marque, sans préciser pour autant l’ordre dans lequel ces motifs devraient être examinés [arrêt du 6 octobre 2011, Bang & Olufsen/OHMI (Représentation d’un haut-parleur), T‑508/08, EU:T:2011:575, point 39].

18      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 31 et jurisprudence citée).

19      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’intérêt sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009 est d’éviter que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit (voir, par analogie, arrêt du 8 avril 2003, Linde e.a., C‑53/01 à C‑55/01, EU:C:2003:206, point 72 et jurisprudence citée). L’intérêt juridique protégé par le motif de refus prévu à cette disposition est, donc, différent de celui prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Il en va de même pour les conditions d’application de chacune de ces deux dispositions, qui sont indépendantes et exigent un examen séparé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 octobre 2011, Représentation d’un haut-parleur, T‑508/08, EU:T:2011:575, point 41).

20      En particulier, contrairement à ce qui est le cas dans l’hypothèse visée par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, où la perception du public ciblé doit impérativement être prise en compte, car elle est essentielle pour déterminer si le signe déposé en vue de l’enregistrement en tant que marque permet de distinguer les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, une telle obligation ne saurait être imposée dans le cadre du paragraphe 1, sous e), dudit article (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 75).

21      En l’espèce, il faut noter, à l’instar de la chambre de recours, que le Tribunal n’a pas examiné, dans son arrêt du 3 octobre 2018, Forme d’un contenant (T‑313/17, non publié, EU:T:2018:638), le motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009, étant donné que la première décision se fondait exclusivement sur un autre motif absolu de refus, à savoir sur l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

22      De plus, contrairement à ce que la requérante prétend, la constatation faite au point 35 de l’arrêt du 3 octobre 2018, Forme d’un contenant (T‑313/17, non publié, EU:T:2018:638), selon laquelle, « si […] le renflement […] est une caractéristique qui s’explique par des considérations techniques et fonctionnelles, il n’en demeure pas moins qu’une telle caractéristique apporte également une valeur esthétique à la marque demandée », n’est pas susceptible d’exclure l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n207/2009 en ce qui concerne la marque demandée. En effet, la considération précitée du Tribunal, qui a été formulée dans le cadre de son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, n’indique nullement que la valeur esthétique du renflement serait incompatible avec l’application, en l’espèce, de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n207/2009, eu égard à la fonctionnalité technique de cette caractéristique.

23      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la prétendue violation du principe de l’autorité de la chose jugée n’est pas établie.

24      En ce qui concerne l’argument de la requérante concernant la violation du principe de continuité fonctionnelle, en premier lieu, il y a lieu d’observer que, à supposer qu’un signe, objet d’une demande de marque de l’Union européenne, soit considéré par le Tribunal, contrairement à ce qu’avait décidé l’EUIPO, comme ne tombant pas sous le coup d’un des motifs absolus de refus d’enregistrement, visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, l’annulation par le Tribunal de la décision de l’EUIPO refusant l’enregistrement de ladite marque amènerait nécessairement l’EUIPO, auquel il incomberait de tirer les conséquences du dispositif et des motifs de l’arrêt du Tribunal, à rouvrir la procédure d’examen de la demande de marque en question et à la rejeter lorsqu’il considère que le signe concerné tombe sous le coup d’un autre motif absolu de refus visé par cette même disposition (arrêt du 6 octobre 2011, Représentation d’un haut-parleur, T‑508/08, EU:T:2011:575, point 33).

25      En l’espèce, la chambre de recours a précisément fait cela, en informant la requérante de son intention de formuler des objections partielles à l’encontre de la marque demandée, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009, et en l’invitant à présenter ses observations sur ce sujet. D’ailleurs, par courrier du 6 juillet 2020, elle a accepté de prolonger de deux mois le délai pour présenter lesdites observations, conformément à la demande de la requérante.

26      En deuxième lieu, il convient de rappeler que les motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009 ne constituent pas des motifs de refus qui devraient être examinés préalablement au motif énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2011, Représentation d’un haut-parleur, T‑508/08, EU:T:2011:575, points 40 et 46).

27      En troisième lieu, pour autant que la requérante renvoie aux directives de l’EUIPO, il suffit de rappeler que celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 49).

28      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le grief de la requérante fondé sur la violation du principe de continuité fonctionnelle doit être écarté.

29      Il convient, dès lors, d’écarter le premier moyen comme non fondé dans son intégralité.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009

30      Dans le cadre de son second moyen, la requérante fait valoir une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009.

 Sur la première branche du second moyen

31      Par la première branche de son second moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009.

32      La requérante relève que, même si le renflement qui sépare la partie supérieure plus large de la partie inférieure plus étroite de la marque demandée est une caractéristique qui s’explique par des considérations techniques et fonctionnelles, il n’en demeure pas moins qu’une telle caractéristique apporte également une valeur esthétique à la marque demandée, étant donné que cette dernière est constituée par une combinaison d’éléments la distinguant des autres formes présentes sur le marché pour les produits concernés. Elle ajoute que sa forme et ses caractéristiques essentielles ne doivent pas être évaluées comme étant exclusivement nécessaires sur le plan technique.

33      L’EUIPO conteste ces arguments.

34      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

35      Il y a lieu d’observer, à titre liminaire, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 doit être interprété à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend. L’intérêt sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 est d’éviter que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 43).

36      Il est également de jurisprudence constante que, en limitant le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement aux signes constitués « exclusivement » par la forme du produit « nécessaire » à l’obtention d’un résultat technique, le législateur a dûment considéré que toute forme de produit est, dans une certaine mesure, fonctionnelle et qu’il serait, par conséquent, inapproprié de refuser à l’enregistrement en tant que marque une forme de produit au simple motif qu’elle présente des caractéristiques utilitaires. Par les termes « exclusivement » et « nécessaire », cette disposition assure que seules les formes du produit qui ne font qu’incorporer une solution technique, et dont l’enregistrement en tant que marque gênerait donc réellement l’utilisation de cette solution technique par d’autres entreprises, soient refusées à l’enregistrement. En effet, un tel enregistrement réduirait de manière trop importante les possibilités pour les concurrents de mettre sur le marché des formes du produit qui incorporent la même solution technique (voir arrêt du 11 mai 2017, Yoshida Metal Industry/EUIPO, C‑421/15 P, EU:C:2017:360, point 26 et jurisprudence citée).

37      S’agissant de la condition tenant au fait que relève dudit motif de refus tout signe constitué « exclusivement » par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, la Cour a précisé que la présence d’un ou de quelques éléments arbitraires mineurs dans un signe dont tous les éléments essentiels sont dictés par la solution technique à laquelle ce signe donne expression est sans incidence sur la conclusion selon laquelle ledit signe est constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. En outre, le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 s’applique seulement lorsque les caractéristiques essentielles du signe sont toutes fonctionnelles, de telle sorte que l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne peut pas être refusé sur la base de cette disposition si la forme de produit en cause incorpore un élément non fonctionnel majeur, tel qu’un élément ornemental ou fantaisiste qui joue un rôle important dans ladite forme (arrêt du 11 mai 2017, Yoshida Metal Industry/EUIPO, C‑421/15 P, EU:C:2017:360, point 27).

38      S’agissant de la condition selon laquelle une forme de produit ne peut être refusée à l’enregistrement en tant que marque en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 que si elle est « nécessaire » à l’obtention du résultat technique visé, cette condition ne signifie pas que la forme en cause doive être la seule permettant d’obtenir ce résultat (arrêt du 11 mai 2017, Yoshida Metal Industry/EUIPO, C‑421/15 P, EU:C:2017:360, point 28).

39      La Cour a encore relevé qu’une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 implique que les caractéristiques essentielles du signe en cause, à savoir les éléments les plus importants du signe, soient dûment identifiées par l’autorité statuant sur la demande d’enregistrement de celui-ci en tant que marque. Dès que les caractéristiques essentielles du signe sont identifiées, il incombe à l’autorité compétente de vérifier par la suite si ces caractéristiques répondent toutes à la fonction technique du produit en cause (voir arrêt du 11 mai 2017, Yoshida Metal Industry/EUIPO, C‑421/15 P, EU:C:2017:360, point 29 et jurisprudence citée).

40      Il convient d’observer que, en l’espèce, la chambre de recours a identifié, au point 33 de la décision attaquée, les caractéristiques essentielles du signe tridimensionnel en cause. En effet, elle a établi que le signe demandé se composait des caractéristiques essentielles suivantes : un goulot d’entrée et de sortie rétréci, une partie principale bombée qui se rétrécit également vers le bas ainsi qu’un renflement qui distingue la partie supérieure plus large du contenant de la partie inférieure plus étroite.

41      La chambre de recours a également considéré, aux points 34 à 42 de la décision attaquée, que toutes ces caractéristiques correspondaient à une fonction technique pour les produits en cause. En effet, premièrement, selon la chambre de recours, le goulot avait une forme régulière qui, d’une part, permettait ou facilitait le versement du contenu et, d’autre part, empêchait ou rendait plus difficiles les fuites ou le renversement du contenu lorsque le contenant était déplacé, y compris s’agissant de produits non liquides, à l’exception de ceux habituellement prélevés avec une cuillère ou un autre outil nécessitant une ouverture plus large.

42      Deuxièmement, pour ce qui est de la partie principale bombée, la chambre de recours a considéré que cette partie permettait de recueillir les produits en cause, dès lors que la paroi du haut de la partie bombée était droite, tandis qu’elle se rétrécissait sous le renflement et se terminait par une extrémité arrondie.

43      Troisièmement, s’agissant du renflement qui distingue la partie supérieure plus large du contenant de la partie inférieure plus étroite, la chambre de recours a constaté que celui-ci permettait le stockage du contenant dans un trou, par exemple dans des étagères prévues à cet effet. Elle a précisé que le caractère bombé de la partie principale facilitait l’insertion du contenant dans un tel un trou.

44      La requérante ne conteste pas les considérations précitées de la chambre de recours concernant les caractéristiques essentielles du signe en cause et leur fonction technique.

45      En revanche, tout d’abord, la requérante fait valoir que la chambre de recours a méconnu le fait que le renflement en cause n’a pas une fonction purement technique, mais relie les formes supérieures et inférieures de la marque demandée d’une manière inhabituelle, en apportant une valeur esthétique au signe en cause. Cet argument ne saurait prospérer. En effet, eu égard aux considérations indiquées aux points 36 à 38 ci-dessus, le fait qu’un élément essentiel de la marque demandée, qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, possède, en outre, une valeur esthétique ou un caractère inhabituel ne permet pas d’exclure l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n207/2009.

46      En outre, la requérante fait valoir que la forme de la partie principale bombée de la marque demandée n’est pas nécessaire pour la mise en place du contenant, que ce soit sur une étagère ou de toute autre manière. Or, comme cela a été relevé au point 38 ci-dessus, la condition qui relève de la « nécessité » de la forme du contenant pour l’obtention d’un résultat technique, concernant la mise en place de ce contenant, n’implique pas que ladite forme doive être la seule permettant d’obtenir ce résultat.

47      Du surcroît, le renflement en cause offre plus de stabilité que, par exemple, le simple rétrécissement du corps, qui serait moins susceptible de maintenir le contenant à la verticale. À cet égard, comme le relève à juste titre l’EUIPO, la stabilité supplémentaire assurée par le renflement est particulièrement importante d’un point de vue technique et fonctionnel.

48      Par ailleurs, la requérante ne soutient nullement que la forme en cause incorpore un élément supplémentaire majeur, de caractère non fonctionnel, qui joue un rôle important dans ladite forme.

49      Enfin, l’argument de la requérante selon lequel la combinaison d’éléments individuels de présentation du contenant apporte une valeur esthétique d’ensemble, qui n’est pas purement fonctionnelle, ne saurait non plus prospérer. Le Tribunal a jugé à cet égard que le fait que la somme des éléments exclusivement fonctionnels contribue à créer une image ornementale de la marque dont l’enregistrement est demandé, reste sans incidence sur la possibilité d’enregistrement d’un signe tel que défini à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 en tant que marque de l’Union européenne [arrêt du 19 septembre 2012, Reddig/OHMI – Morleys (Manche de couteau), T‑164/11, non publié, EU:T:2012:443, point 40].

50      Au vu de ce qui précède, il n’est pas établi que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque demandée se heurtait au motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n207/2009, l’enregistrement de la marque demandée, en ce qui concerne les produits en cause.

 Sur les deuxième et troisième branches du second moyen

51      Par les deuxième et troisième branches de son second moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a considéré, à tort, que l’enregistrement de la marque demandée se heurtait aux motifs de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous e), i) et iii), du règlement no 207/2009.

52      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

53      Il y a lieu d’observer tout d’abord que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous e), point i) du règlement no 207/2009, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit. En second lieu, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit.

54      En ce qui concerne les arguments avancés par la requérante à cet égard, il suffit d’observer que, selon la jurisprudence de la Cour, il ressort clairement du libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement 207/2009 que les trois motifs de refus d’enregistrement prévus à ladite disposition sont autonomes. En effet, leur citation successive ainsi que l’emploi du terme « exclusivement » impliquent que chacun d’eux doit s’appliquer indépendamment de l’autre. À cet égard, il est sans incidence qu’un signe puisse être refusé sur le fondement de plusieurs motifs de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement no 207/2009, dès lors qu’un seul de ces motifs s’applique pleinement audit signe (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C‑205/13, EU:C:2014:2233, points 39 et 41). Ainsi, si un seul des critères mentionnés à cette disposition est rempli, le signe constitué exclusivement par la forme du produit ne peut être enregistré en tant que marque (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C‑205/13, EU:C:2014:2233, point 40 et jurisprudence citée).

55      Par conséquent, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 50 ci-dessus, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que le signe présenté à l’enregistrement se heurtait au motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 207/2009 et que ce motif justifiait à lui seul le refus d’enregistrement contesté, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner le bien-fondé des deuxième et troisième branches du second moyen, tirées d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), i) et iii), dudit règlement.

56      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen du recours dans son intégralité et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Wajos GmbH est condamnée aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Dimitrakopoulos

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.