Language of document : ECLI:EU:T:2008:269

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 juillet 2008 (*)

« Marque communautaire − Demande de marque communautaire verbale Substance for Success − Motif absolu de refus − Absence de caractère distinctif − Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑58/07,

BYK‑Chemie GmbH, établie à Wesel (Allemagne), représentée par Mes J. Kroher et A. Hettenkofer, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 9 janvier 2007 (affaire R 816/2006‑4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Substance for Success comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. O. Czúcz, président, J. D. Cooke et Mme I. Labucka (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2007,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 mai 2007,

à la suite de l’audience du 2 avril 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 février 2004, la requérante, BYK-Chemie GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Substance for Success.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé relèvent des classes 1, 40, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        « produits chimiques à usage industriel, en particulier additifs pour laques, vernis et matières plastiques », relevant de la classe 1 ;

–        « services d’une entreprise chimique, à savoir production de produits chimiques spécifique au client », relevant de la classe 40 ;

–        « organisation et exécution de séminaires », relevant de la classe 41 ;

–        « conseils techniques concernant la mise en œuvre d’additifs chimiques », relevant de la classe 42.

4        Par décision du 25 avril 2006, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour défaut de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et au motif que la marque demandée était descriptive pour tous les produits et les services en cause au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

5        Le 19 juin 2006, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 9 janvier 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a rejeté ce recours au motif que la marque demandée était dépourvue de tout caractère distinctif. En substance, la chambre de recours a considéré que, pour un public spécialisé ayant des connaissances ou une expérience professionnelle dans le domaine de la chimie, l’expression « substance for success » évoquerait des substances qui apportent au client un succès, que ce soit dans le sens d’une application réussie d’un produit déterminé à des fins déterminées ou que ce soit dans le sens d’un succès de nature économique. Ainsi, cette expression se limiterait à exprimer un simple message publicitaire selon lequel les produits et les services de la requérante contribuent au succès de ses clients.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur le fond

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

10      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, lors de l’audience, et à la suite de la fin de non-recevoir soulevée par l’OHMI dans ses écritures, la requérante a renoncé au moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

11      Il s’ensuit que seul le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être examiné.

 Arguments des parties

12      La requérante fait valoir que la marque demandée n’est pas dépourvue de caractère distinctif. La marque demandée possède, selon elle, les caractéristiques, au-delà de sa signification promotionnelle, qui pourraient permettre au public pertinent de mémoriser facilement et immédiatement le slogan en tant que marque distinctive pour les biens et services désignés.

13      La marque demandée se distinguerait d’autres slogans en raison de sa structure facilement mémorisable et caractérisée par une répartition symétrique en deux parties. Cette symétrie serait renforcée par l’utilisation d’une allitération constituée des premières syllabes identiques des deux substantifs, « su ».

14       La requérante ajoute que l’expression est ambiguë et nécessite par conséquent une interprétation. Le terme « substance » pourrait être compris non seulement au sens physique, c’est-à-dire comme désignant une substance chimique, mais également au sens philosophique, signifiant « noyau, essentiel ». Dans le premier cas, la manière dont le succès sera obtenu et la nature de celui-ci resteraient obscurs. Dans le second cas, la question de savoir ce qu’est l’« essentiel » apportant le succès resterait ouverte. Le succès ne dépendrait pas d’un seul facteur mais de l’interaction de nombreux facteurs. Le contenu sémantique de la marque demandée serait donc abstrait. Cette expression susciterait la réflexion et irait donc bien au-delà d’une formule publicitaire. Elle ne véhiculerait donc pas de contenu clair, mais resterait vague, ne se prêtant dès lors pas à la désignation ou à la promotion de produits ou de services. La marque demandée serait tout au plus propre à se référer, par le biais d’associations, à la qualité des produits et des services qu’elle désigne. Toutefois, il ne s’ensuivrait pas que le slogan doive être considéré comme dépourvu de tout caractère distinctif. En outre, les consommateurs seraient habitués à ce que des slogans soient employés afin de marquer l’origine commerciale d’un produit et ne percevraient plus, désormais, les slogans comme de purs messages publicitaires.

15      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement. En effet, selon la jurisprudence, la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 23). Sont ainsi incapables d’exercer la fonction essentielle d’identification de l’origine du produit ou du service concerné les marques qui sont communément utilisées dans le commerce pour la présentation dudit produit ou service, mais aussi celles qui sont seulement susceptibles de l’être [arrêts du Tribunal du 31 mars 2004, Fieldturf/OHMI (LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS), T‑216/02, Rec. p. II‑1023, point 34, et du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, Rec. p. II‑1915, point 33].

17      Il y a également lieu de rappeler que les critères d’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques (arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec. p. I‑10031, point 34). En effet, les difficultés que pourraient comporter, du fait de leur nature même, certaines catégories de marques comme celles constituées de slogans publicitaires pour établir leur caractère distinctif et dont il est légitime de tenir compte ne justifient pas de fixer des critères spécifiques suppléant ou dérogeant au critère du caractère distinctif tel qu’interprété dans la jurisprudence (arrêt OHMI/Erpo Möbelwerk, précité, point 36).

18      Par ailleurs, s’agissant d’un signe composé de mots, un éventuel caractère distinctif peut être examiné, en partie, pour chacun de ses termes, pris séparément, mais doit, en tout état de cause, dépendre d’un examen de l’ensemble qu’ils composent. En effet, la seule circonstance que chacun de ces éléments, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif, n’exclut pas que la combinaison que ces éléments forment puisse présenter un caractère distinctif (arrêt SAT.1/OHMI, précité, point 28).

19      En outre, l’enregistrement d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque, n’est pas exclu, en tant que tel, en raison d’une telle utilisation [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec. p. II‑5179, point 19, et LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS, précité, point 25 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C‑517/99, Rec. p. I‑6959, point 40].

20      Cependant, un signe qui, tel un slogan publicitaire, remplit d’autres fonctions que celle de la marque n’est distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 que s’il peut être perçu d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de permettre au public pertinent de distinguer sans confusion possible les produits ou services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale [arrêts du Tribunal REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, précité, point 20 ; du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, Rec. p. II‑2235, point 21 ; LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS, précité, point 25, et Mehr für Ihr Geld, précité, point 25].

21      Le caractère distinctif d’un signe ne peut être apprécié que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II‑705, point 27 ; du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, point 20, et REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, précité, point 21].

22      En particulier, il importe d’examiner, dans le cas d’un slogan publicitaire, si celui-ci possède des éléments qui pourraient, au-delà de sa signification promotionnelle évidente, permettre au public pertinent de mémoriser facilement et immédiatement l’expression en tant que marque distinctive pour les produits ou services désignés. En effet, dans la mesure où le public pertinent est peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donne pas d’emblée une indication sur la provenance et/ou la destination de ce qu’il souhaite acheter, mais plutôt une information exclusivement promotionnelle et abstraite, il ne s’attardera ni à rechercher les différentes fonctions éventuelles de l’expression ni à la mémoriser en tant que marque (arrêt REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, précité, point 29).

23      En l’espèce, le public pertinent est défini, au point 15 de la décision attaquée, comme étant anglophone, spécialisé dans le domaine de la chimie, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et il est précisé que son niveau d’attention ne doit pas être considéré comme très élevé s’agissant d’un slogan publicitaire. La requérante ne conteste pas cette définition.

24      Le Tribunal considère qu’un public anglophone spécialisé dans le domaine de la chimie percevrait le signe demandé, eu égard aux produits et aux services en cause, avant tout comme une formule promotionnelle et non comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services en question. La marque demandée ne possède pas d’éléments qui pourraient, au-delà de sa signification promotionnelle, permettre au public concerné de la mémoriser facilement et immédiatement en tant que marque distinctive pour les produits et les services désignés.

25      En effet, la marque demandée est une expression simple composée de mots de langue anglaise dont la combinaison est grammaticalement correcte et qui indique de façon évidente un rapport avantageux entre l’utilisation des produits et des services désignés et le résultat à obtenir.

26      Ce constat n’est pas remis en cause par les arguments avancés par la requérante.

27      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de la structure de la marque demandée, il convient de relever que la chambre de recours a fait une analyse correcte de la marque demandée au point 22 de la décision attaquée. En effet, la marque demandée est directement accessible et n’est pas représentée sous une forme stylisée. La correspondance entre les débuts des mots ne fait pas l’effet d’être recherchée, mais est uniquement le résultat fortuit de la juxtaposition de deux mots du vocabulaire habituel.

28      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’ambiguïté de l’expression en cause, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné plusieurs significations de la marque demandée. C’est ainsi qu’elle a à juste titre conclu, aux points 16 à 18 de la décision attaquée, que la marque demandée véhiculait, dans l’esprit du consommateur, un message publicitaire selon lequel les produits et les services de la requérante contribuaient au succès de ses clients, qu’il soit attribué au mot « substance » une signification physique ou philosophique. Dans ce cadre, la notion de « succès » peut non seulement se référer au succès technique, mais également à la réussite économique. S’agissant des produits et des services désignés, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits relevant de la classe 1 peuvent être utilisés avec succès et les services relevant des classes 40 à 42 visent au succès de la production et de l’utilisation de tels produits.

29      Par ailleurs, force est de constater que, ainsi que la chambre de recours l’a indiqué à juste titre au point 19 de la décision attaquée, les autres significations invoquées par la requérante présupposent un plus grand effort intellectuel auquel le public, même composé de professionnels, ne sera pas enclin.

30      Le Tribunal constate que, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la marque demandée s’avère dépourvue de caractère distinctif. Partant, le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être rejeté.

31      Par conséquent, il convient de rejeter le recours.

 Sur les dépens

32      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      BYK‑Chemie GmbH est condamnée aux dépens.

Czúcz

Cooke

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juillet 2008 .

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : l’allemand.