Language of document : ECLI:EU:T:2009:297

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

2 septembre 2009 (*)

« Recours en annulation – Concurrence – Concentrations – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun – Engagements – Lettres de la Commission concernant les engagements – Actes non susceptibles de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑57/07,

E.ON Ruhrgas International AG, établie à Essen (Allemagne),

E.ON Földgáz Trade Zrt, établie à Budapest (Hongrie),

représentées par Mes G. Wiedemann et T. Lübbig, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. A. Bouquet et V. Di Bucci, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation des décisions prétendument contenues dans les lettres de la Commission des 19 décembre 2006 et 16 janvier 2007 concernant les engagements pris par E.ON Ruhrgas International AG, visés à l’article 3 de la décision de la Commission du 21 décembre 2005, par laquelle celle-ci a déclaré une opération de concentration compatible avec le marché commun et l’accord sur l’EEE (Affaire COMP/M.3696 – E.ON/MOL),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, D. Šváby (rapporteur) et E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        La société E.ON Ruhrgas International AG (ci-après « ERI ») et sa filiale E.ON Földgáz Trade Zrt (ci-après « EFT ») (ci-après, prises ensemble, les « requérantes ») font partie du groupe allemand E.ON dont l’activité est axée sur la fourniture d’électricité et de gaz.

2        Le 2 juin 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu notification, conformément à l’article 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), d’un projet de concentration par lequel ERI envisageait d’acquérir le contrôle exclusif de MOL Földgázellátó rt (ci-après « MOL WMT »), devenue EFT, et de MOL Földgáztároló rt, sociétés appartenant à cette date au groupe pétrolier et gazier hongrois MOL.

3        Par décision du 21 décembre 2005 (Affaire COMP/M.3696 – E.ON/MOL, ci‑après la « décision d’autorisation »), la Commission a déclaré cette opération de concentration compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 139/2004, sous réserve du respect de certaines conditions et obligations.

4        Conformément à l’engagement figurant à la section B, point III, de l’annexe de la décision d’autorisation, ERI s’est engagée à organiser et à mettre en œuvre sur le marché hongrois un programme de « cession de gaz » prévoyant des ventes aux enchères annuelles de 2006 à 2013 pour un volume total de 1 milliard de m3 de gaz. Elle était tenue d’élaborer deux mois après la décision d’autorisation, sous le contrôle du régulateur de l’énergie hongrois, les modalités techniques de la mise en œuvre des ventes aux enchères ainsi que les modalités prévues par les contrats de fourniture de gaz et de les présenter à la Commission pour approbation préalable.

5        S’agissant, en particulier, du mécanisme de fixation de prix prévu dans le programme de « cession de gaz », il ressort notamment de la section B, point III.1.3, de l’annexe de la décision d’autorisation, que le prix de mise aux enchères devait être fixé sur la base du coût moyen pondéré du gaz (« weighted average cost of gas », ci‑après le « WACOG ») de MOL WMT au moment de chaque vente annuelle. En outre, les calculs respectifs devaient être soumis à une procédure de vérification par le mandataire qui devait en informer la Commission, tandis que la méthodologie générale du calcul du WACOG devait être présentée à la Commission deux mois après la décision d’autorisation pour approbation préalable.

6        Quant aux éventuelles pertes financières dues au mécanisme de fixation de prix, il était prévu à la section B, point III.1.4, de l’annexe de la décision d’autorisation ce qui suit :

« [MOL WMT] procède à la vente aux enchères à un prix minimum ristourné équivalant à 95 % du WACOG, à condition que la perte consolidée que [MOL WMT] peut encourir du fait que le prix final d’adjudication est inférieur au WACOG ne dépasse pas un montant de 26 millions d’euros. La perte dans le cadre d’une vente aux enchères donnée est le résultat de la soustraction opérée entre le prix final d’adjudication et le WACOG correspondant multiplié par les volumes de gaz vendus dans le cadre de ladite vente aux enchères. Après chaque vente aux enchères, [MOL WMT] doit communiquer toute perte de cet ordre qu’elle aurait pu encourir au mandataire investi du pouvoir de contrôler l’information, si nécessaire. »

7        Le 27 novembre 2006, ERI a soumis à la Commission pour approbation une formule de prix révisée pour les contrats de fourniture de gaz conclus dans le cadre du programme de « cession de gaz ».

8        Par lettre du 19 décembre 2006, signée par le chef d’unité de l’unité « Concentrations I » de la direction B « Énergie, industries de bases, produits chimiques et pharmaceutiques » de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission et adressée à ERI, la Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à la formule de prix révisée qui avait été proposée. Elle a précisé que cette formule visait à permettre à EFT de calculer, au moment de la vente aux enchères, la perte qu’elle avait pu subir si le prix final d’adjudication était inférieur au WACOG.

9        En outre, la Commission a indiqué au quatrième alinéa de la lettre du 19 décembre 2006 ce qui suit :

« Une telle formule de prix révisée et un tel calcul de la perte par rapport au WACOG sont sans préjudice du fait que les pertes subies par EFT à l’occasion d’une vente aux enchères donnée (lorsque le prix final d’adjudication est inférieur au WACOG) devraient faire l’objet d’une compensation avec tous les bénéfices éventuellement obtenus par EFT lors d’autres ventes aux enchères (lorsque le prix final d’adjudication dans le cadre d’une vente aux enchères donnée est supérieur au WACOG), de sorte que les pertes consolidées tout au long de la durée du [programme de ‘cession de gaz’] demeurent inférieures à 26 millions d’euros, conformément à la [section B, point III.1.4, de l’annexe de la décision d’autorisation]. »

10      Par lettre du 4 janvier 2007, les requérantes ont contesté la lecture des engagements qui avait été faite par la Commission au quatrième alinéa de la lettre du 19 décembre 2006. Selon elles, « la Commission sembl[ait] exiger que les pertes qui pourraient découler d’un prix final d’adjudication inférieur au WACOG soient financées non seulement par le montant de 26 millions d’euros, mais également par les bénéfices que EFT pourrait réaliser à l’occasion d’autres ventes aux enchères ». Or, cela constituerait une « interprétation complètement nouvelle et […] une surprenante description de l’engagement pris à l’époque par ERI », puisqu’il ressortirait clairement des engagements que la perte consolidée correspondait à l’addition de chaque perte individuelle qui résultait d’une vente aux enchères donnée. Enfin, les requérantes ont demandé à la Commission une réponse pour prendre position.

11      Par lettre du 16 janvier 2007, signée par le chef de l’unité « Concentrations I » et adressée à ERI, la Commission a confirmé l’interprétation effectuée dans la lettre du 19 décembre 2006 de la notion de « perte consolidée », visée à la section B, point III.1.4, de l’annexe de la décision d’autorisation. En outre, la Commission a indiqué ce qui suit :

« Vous avez demandé une réponse qui vous permette de vous situer sur cette question. Bien que ce qui précède représente notre position et la base de déclarations contenues dans la lettre du 19 décembre 2006, j’attire votre attention sur le fait que ni la présente lettre ni la précédente ne constituent des décisions de la Commission. À supposer que les présentes explications complémentaires ne vous convainquent pas, nous ne pouvons que constater l’existence, à ce stade, d’un désaccord non résolu sur l’interprétation de la notion de ‘perte consolidée’ et nous espérons que, conformément à la confiance exprimée par [ERI] au moment de la négociation des engagements, les futures ventes aux enchères seront fructueuses, pour que ce désaccord reste théorique. »

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 février 2007, les requérantes ont introduit le présent recours.

13      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 mai 2007, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

14      Le 13 juillet 2007, les requérantes ont déposé leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité.

15      Dans la requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision contenue dans le quatrième alinéa de la lettre du 19 décembre 2006 ainsi que la décision contenue dans la lettre du 16 janvier 2007 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

17      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission ;

–        subsidiairement, réserver son appréciation pour sa décision définitive.

 En droit

18      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

19      En l’espèce, la Commission soulève deux fins de non-recevoir. À titre principal, elle estime que le quatrième alinéa de la lettre du 19 décembre 2006 et la lettre du 16 janvier 2007 (ci-après, prises ensemble, les « lettres attaquées ») ne constituent pas des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, puisque les lettres attaquées ne produisent pas d’effets juridiques. À titre subsidiaire, la Commission allègue que les requérantes n’ont pas d’intérêt à agir.

20      La Commission fait valoir, d’abord, que les lettres attaquées, envoyées en réponse à une lettre informelle des requérantes, n’exposent que la position de l’unité compétente au sein de la DG « Concurrence » et ne constituent pas des décisions de la Commission, comme indiqué dans la lettre du 16 janvier 2007. Elle fait observer qu’elle n’a adopté aucune décision collégiale et que rien n’indique qu’elle ait, en l’espèce, délégué ses pouvoirs au chef de l’unité « Concentration I ».

21      La Commission allègue, en outre, que les lettres attaquées n’affectent pas directement la position juridique et économique des requérantes dès lors qu’elles se limitent à clarifier l’interprétation provisoire et informelle des engagements acceptés par ERI que l’unité compétente au sein de la DG « Concurrence » a faite. Les effets juridiques contraignants seraient produits exclusivement par la décision d’autorisation adoptée collégialement, dans laquelle figurent les engagements par les requérantes. Selon la Commission, le règlement n° 139/2004 ne prévoit pas, et les termes utilisés dans les lettres ne laissent pas entendre, qu’une correspondance ultérieure de la DG « Concurrence » pourrait constituer une décision supplémentaire de la Commission.

22      Les requérantes rétorquent qu’un acte prenant la forme d’une simple lettre peut être considéré comme juridiquement contraignant en raison de son contenu.

23      Les requérantes soutiennent d’abord que toutes les circonstances pertinentes font apparaître clairement que les lettres attaquées sont imputables à la Commission. D’une part, seule la Commission aurait le pouvoir de modifier sa décision d’autorisation. D’autre part, la lettre du 19 décembre 2006 porterait approbation de la formule de prix révisée et ne saurait être considérée comme en partie informelle en ce qu’elle porte sur la notion de « perte consolidée ».

24      Dans ce contexte, les requérantes contestent la pertinence en l’espèce de l’ordonnance du Tribunal du 5 novembre 2003, Kronoply/Commission (T‑130/02, Rec. p. II‑4857). À cet égard, elles observent que l’acte attaqué dans cette affaire était la réponse à une « initiative informelle » et constituait une déclaration par laquelle la Commission exprimait son refus d’agir, alors que, en l’espèce, la Commission aurait modifié une décision définitive et obligatoire en changeant les modalités de l’engagement compris dans la décision d’approbation en ce qui concerne tant la formule de prix que la limitation à un montant de 26 millions d’euros.

25      Les requérantes contestent également la pertinence en l’espèce de l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Nefarma/Commission (T‑113/89, Rec. p. II‑797). Elles expliquent que cet arrêt ne concerne pas l’hypothèse où la Commission est dès le début compétente pour prendre, dans le domaine concerné, une décision liant les parties et que les lettres attaquées ne contenaient que de simples suggestions de mesures volontaires. Or, en l’espèce, leur libellé ferait clairement apparaître que le nouvel élément constituait un fait établi. En outre, les lettres attaquées ne contiendraient pas la moindre réserve selon laquelle la position de la Commission serait « informelle ».

26      S’agissant de la déclaration selon laquelle les lettres attaquées ne constituent pas une décision, les requérantes considèrent que, si une telle déclaration peut servir d’indice de l’intention de la Commission de ne pas émettre de décision contraignante, elle ne constitue, en aucun cas, une preuve déterminante, d’autant plus qu’elle a été faite dans la lettre du 16 janvier 2007, quand le chef de l’unité « Concentrations I » avait été informé de la position des requérantes.

27      Les requérantes allèguent, en outre, que les lettres attaquées modifient les obligations résultant de la décision d’autorisation sans qu’il soit nécessaire pour la Commission d’adopter une décision ultérieure. L’interprétation effectuée par la Commission dans les lettres attaquées ne serait ni informelle ni provisoire, étant donné que la Commission s’en servirait à l’avenir dans le cadre de l’exécution des obligations découlant de la décision d’approbation. Si la Commission n’avait pas eu l’intention d’appliquer cette définition modifiée, elle n’aurait eu aucune raison de faire cette déclaration.

28      Selon les requérantes, les lettres attaquées affectent d’ores et déjà leur comportement commercial futur concernant l’organisation des ventes aux enchères futures dans le cadre du programme de « cession de gaz ». Ainsi, si la réserve de 26 millions d’euros venait à être épuisée, les enchères ne devraient plus, conformément à la décision d’autorisation, être lancées à un prix de départ réduit. Néanmoins, si EFT venait à retirer des bénéfices des ventes aux enchères futures, l’obligation mise à leur charge de subventionner les ventes aux enchères futures en appliquant un prix de départ réduit se poursuivrait, au vu de la position exprimée par la Commission dans les lettres attaquées.

29      Les requérantes soutiennent enfin que, dans l’hypothèse où, à un stade ultérieur, elles ne se conformeraient pas à la position juridique exprimée dans les deux lettres contestées, la Commission disposerait du pouvoir de retirer sa décision d’autorisation, en vertu de l’article 8, paragraphe 6, sous b), du règlement nº 139/2004 et, le cas échéant, d’imposer des amendes, conformément à l’article 14, paragraphe 2, sous d), dudit règlement, ou encore d’infliger des astreintes, telles que prévues par l’article 15, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

 Appréciation du Tribunal

30      En vue de déterminer si les lettres attaquées constituent des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il faut s’attacher à la substance de l’acte en cause. En particulier, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9 ; ordonnances de la Cour du 17 mai 1989, Italie/Commission, 151/88, Rec. p. 1255, point 21, et du 13 juin 1991, Sunzest/Commission, C‑50/90, Rec. p. I‑2917, point 12). En revanche, la forme dans laquelle des décisions ou des actes sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation (arrêt IBM/Commission, précité, point 9, et arrêt du Tribunal du 17 février 2000, Stork Amsterdam/Commission, T‑241/97, Rec. p. II‑309).

31      Il est constant, par ailleurs, qu’une simple manifestation d’opinion écrite émanant d’une institution communautaire ne saurait constituer une décision de nature à faire l’objet d’un recours en annulation, dès lors qu’elle n’est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire des tels effets (arrêts de la Cour du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C‑308/95, Rec. p. I‑6513, point 27, et du Tribunal du 16 juillet 1998, Regione Toscana/Commission, T‑81/97, Rec. p. II‑2889, point 22). En effet, dans de telles circonstances, ce n’est pas l’interprétation proposée par la Commission qui est susceptible de produire des effets juridiques, mais son application à une situation donnée (arrêts du Tribunal Regione Toscana/Commission, précité, point 23, et du 10 avril 2003, Alessandrini e.a./Commission, T‑93/00 et T‑46/01, Rec. p. II‑1635, point 60).

32      En l’espèce, il y a lieu de considérer que les lettres attaquées ne sauraient être interprétées comme des actes décisionnels, et cela sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argument de la Commission selon lequel lesdites lettres n’exposent que la position de l’unité compétente au sein de la DG « Concurrence » et n’émanent, dès lors, pas de la Commission elle-même ni d’une personne habilitée par celle-ci à prendre une décision.

33      En effet, afin d’apprécier, à la lumière des principes susmentionnés, la nature juridique des lettres en cause et de déterminer si elles produisent des effets juridiques obligatoires, il suffit d’examiner, en l’espèce, à la fois leur contenu et le contexte dans lequel les lettres attaquées ont été adoptées.

34      S’agissant, en premier lieu, de la lettre du 19 décembre 2006, il ressort des trois premiers alinéas de cette lettre que la Commission répond à la demande d’approbation, soumise par ERI le 27 novembre 2006, d’une nouvelle formule de prix révisée pour les contrats de fourniture de gaz conclus dans le cadre du programme de « cession de gaz ».

35      Quant au quatrième alinéa de la lettre du 19 décembre 2006, il y a lieu de constater qu’il ne concerne pas la nouvelle formule de prix révisée pour les contrats de fourniture de gaz, mais porte sur l’interprétation de la Commission des dispositions contenues dans la section B, point III.1.4, de l’annexe de la décision d’autorisation, relatives aux éventuelles pertes financières dues au mécanisme de fixation de prix. En effet, il ressort du libellé de cet alinéa que la Commission a uniquement considéré que, conformément à la section B, point III.1.4, de l’annexe de la décision d’autorisation, il devait être procédé à une compensation entre les pertes subies par EFT à l’occasion d’une vente aux enchères donnée et tous les bénéfices éventuellement obtenus par EFT lors d’autres ventes aux enchères.

36      Il s’ensuit que les appréciations de la Commission relatives à la notion de « perte consolidée » ne font pas partie de la réponse de celle-ci à la demande d’approbation d’une nouvelle formule de prix révisée pour les contrats de fourniture de gaz conclus dans le cadre du programme de « cession de gaz ».

37      Cette conclusion, tirée du contenu de la lettre du 19 décembre 2006, est, en outre, confirmée par le contexte dans lequel elle a été adoptée.

38      En effet, il convient de relever, premièrement, que la demande adressée à la Commission par ERI, contenue dans sa lettre du 27 novembre 2006, s’inscrivait dans le cadre de l’engagement visé à la section B, point III, de l’annexe de la décision d’autorisation, en vertu duquel les modalités prévues par les contrats de fourniture de gaz devaient être présentées à la Commission pour approbation préalable. La Commission devait notamment approuver la méthodologie générale du calcul du WACOG (voir point 5 ci‑dessus).

39      Or, force est de constater que la notion de « perte consolidée » interprétée par la Commission au quatrième alinéa de la lettre du 19 décembre 2006, ne relève ni des modalités prévues par les contrats de fourniture de gaz ni de la méthodologie générale du calcul du WACOG pour lesquelles l’approbation préalable de la Commission serait exigée.

40      Il convient de relever, deuxièmement, que les requérantes ont expliqué que, à la suite de la première vente aux enchères, qui avait été organisée en 2006, « EFT a[vait] constaté que certains aspects particuliers de la formule de prix utilisée dans les contrats de fourniture du gaz mis aux enchères dans le cadre du programme de ‘cession de gaz’ ne permettaient pas de garantir la possibilité de prévoir avec certitude si et à quel moment le plafond de 26 millions d’euros serait atteint suite aux adjudications de gaz futures ».

41      C’est dans ce contexte que, par sa lettre du 19 décembre 2006, la Commission a non seulement approuvé la formule de prix révisée pour les contrats de fourniture de gaz, mais a également interprété la notion de « perte consolidée ». Il s’ensuit que l’interprétation de ladite notion a été effectuée, par la Commission, indépendamment de l’approbation donnée. Partant, l’interprétation de cette notion a une teneur purement informative et ne produit, par conséquent, aucun effet de droit.

42      S’agissant, en deuxième lieu, de la lettre du 16 janvier 2007, il y a lieu de constater que, dans ladite lettre, la Commission souligne expressément le caractère purement théorique de la divergence d’opinion entre les requérantes et elle. Cette lettre contient également un avertissement explicite qu’une telle lettre ne constituait pas une décision au sens de l’article 230 CE. De surcroît, la Commission précise dans cette lettre que, étant donné la « genèse » de la section B, point III.1.4, de l’annexe de la décision d’autorisation, la notion de « perte consolidée » faisait « logiquement » référence aux pertes consolidées pour toute la durée du programme de « cession de gaz ». Il ne s’agit donc, ainsi qu’il est indiqué dans cette lettre, que de « l’interprétation de la Commission de la notion de ‘perte consolidée’ » visée par cette disposition.

43      Cela est d’autant plus vrai que, par lettre du 4 janvier 2007, les requérantes, elles-mêmes, avaient contesté « la lecture de cette disposition que [la Commission] propos[ait] ». C’est, en effet, en raison de la préoccupation manifestée par les requérantes quant à la détermination du moment où il convenait de considérer que le plafond de 26 millions d’euros serait atteint que la Commission a confirmé, par lettre du 16 janvier 2007, l’interprétation effectuée dans la lettre du 19 décembre 2006 en fournissant des explications supplémentaires.

44      Il ressort des considérations qui précèdent que, si la Commission a considéré dans les lettres attaquées qu’il devait être procédé à une compensation entre les pertes subies et les bénéfices, l’interprétation retenue par la Commission de la section B, point III.1.4, de l’annexe de la décision d’autorisation n’a pas fait l’objet, à la suite des lettres attaquées, d’une application à une situation concrète.

45      En effet, il y a lieu de constater que les lettres attaquées traduisent simplement l’intention de la Commission, ou celle de l’un de ses services, de suivre une certaine ligne de conduite en ce qui concerne le calcul des éventuelles pertes financières dues au mécanisme de fixation de prix prévu dans le programme de « cession de gaz ». Or, ce n’est pas l’annonce d’une telle intention, mais l’application de la ligne de conduite à une situation donnée, en fonction des circonstances existantes à ce moment-là, qui est susceptible de produire des effets juridiques et de voir sa régularité contestée par les requérantes.

46      Il s’ensuit que ni le contenu des lettres attaquées ni le contexte dans lequel elles ont été adoptées ne démontrent que celles-ci constituent des actes produisant des effets juridiques obligatoires.

47      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel le caractère décisionnel des lettres attaquées doit être déduit de ce que celles-ci constituaient la réponse formelle de la Commission à leur initiative également formelle. En effet, il y a lieu de rappeler que les appréciations relatives à la notion de « perte consolidée » ont été effectuées indépendamment de la réponse donnée par la Commission à la demande d’approbation d’une nouvelle formule de prix révisée pour les contrats de fourniture de gaz conclus dans le cadre du programme de « cession de gaz ».

48      L’argument des requérantes selon lequel les lettres attaquées affectent leur comportement commercial concernant l’organisation des ventes aux enchères futures ne saurait pas davantage être retenu. En effet, l’interprétation en cause ne crée pas pour les requérantes l’obligation de modifier ou de reconsidérer leur comportement commercial, comme c’est le cas pour la décision d’autorisation elle-même. À supposer même que les requérantes soient obligées d’adapter leur comportement commercial en raison de résultats des ventes aux enchères futures, il convient de constater que cette circonstance n’est pas, à elle seule, de nature à conférer un caractère décisionnel au quatrième alinéa de la lettre du 19 décembre 2006 ou à la lettre du 16 janvier 2007.

49      Enfin, si comme le soutiennent les requérantes, elles risquent d’être confrontées à un retrait de la décision d’autorisation ou à des amendes en vertu du règlement n° 139/2004, dans l’hypothèse où elles ne se conformeraient pas à l’interprétation donnée par la Commission à la notion de « perte consolidée », cela constitue toutefois une simple conséquence de fait et non un effet juridique que les lettres attaquées sont destinées à produire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er décembre 2005, Italie/Commission, C‑301/03, Rec. p. I‑10217, point 30, et la jurisprudence citée).

50      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, s’agissant de la notion de « perte consolidée », les lettres attaquées produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter la situation juridique des requérantes en ce qu’elles modifient leurs obligations découlant de la décision d’autorisation sans qu’il soit nécessaire que la Commission adopte, le cas échéant, une décision ultérieure.

51      Il convient donc de conclure que les lettres attaquées ne constituent pas des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

52      Il y a donc lieu de rejeter le recours comme étant irrecevable sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir soulevée à titre subsidiaire par la Commission et tirée du fait que les requérantes n’ont pas d’intérêt à agir.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      E.ON Ruhrgas International AG et E.ON Földgáz Trade Zrt supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission des Communautés européennes.

Fait à Luxembourg, le 2 septembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.