Language of document : ECLI:EU:T:2002:59

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

6 mars 2002 (1)

«Aides d'État - Notion d'aide d'État - Mesures fiscales - Caractère sélectif - Justification par la nature ou l'économie du système fiscal - Compatibilité de l'aide avec le marché commun»

Dans les affaires jointes T-127/99, T-129/99 et T-148/99,

Territorio Histórico de Álava - Diputación Foral de Álava, représenté par Mes A. Creus Carreras et B. Uriarte Valiente, avocats,

partie requérante dans l'affaire T-127/99,

Comunidad Autónoma del País Vasco,

Gasteizko Industria Lurra, SA, établie à Vitoria (Espagne),

représentées par Mes F. Pombo García, E. Garayar Gutiérrez et J. Alonso Berberena, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes dans l'affaire T-129/99,

Daewoo Electronics Manufacturing España, SA, établie à Vitoria, représentée par Mes A. Creus Carreras et B. Uriarte Valiente, avocats,

partie requérante dans l'affaire T-148/99,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Santaolalla, G. Rozet et G. Valero Jordana, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Asociación Nacional de Fabricantes de Electrodomésticos de Línea Blanca (ANFEL), ayant son siège à Madrid (Espagne), représentée par Mes M. Muñiz et M. Cortés Muleiro, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

et par

Conseil européen de la construction d'appareils domestiques (CECED), représenté par Me A. González Martínez, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante dans l'affaire T-148/99,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 1999/718/CE de la Commission, du 24 février 1999, concernant l'aide d'État mise à exécution par l'Espagne en faveur de Daewoo Electronics Manufacturing España SA (Demesa) (JO L 292, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. J. Azizi, président, K. Lenaerts, Mme V. Tiili, MM. R. M. Moura Ramos et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 juin 2001,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

Intensité d'aide maximale admise au Pays basque

1.
    Selon la carte espagnole des aides à finalité régionale, proposée par la Commission (JO 1996, C 25, p. 3), le plafond applicable à celles-ci au Pays basque est de 25 % en équivalent subvention net (ESN).

Programme d'aides à finalité régionale Ekimen de la communauté autonome du Pays basque

2.
    Par décision du 12 décembre 1996 [SG (96) D/11028 (aide d'État N 529/96)] dont l'avis a été publié (JO 1997, C 189, p. 7), la Commission a approuvé le programme d'aides à finalité régionale Ekimen de la communauté autonome du Pays basque qui lui a été notifié à l'état de projet par l'Espagne le 28 juin 1996. Ce programme a été institué par le décret n° 289/1996, du 17 décembre 1996 (ci-après le «décret Ekimen»), publié au Boletin Oficial del País Vasco n° 246, du 23 décembre 1996, p. 20138.

3.
    Ce programme couvrait la période comprise entre 1996 et 1998. Il visait à favoriser le développement régional et la création d'emplois dans la communauté autonome du Pays basque (article 1er du décret Ekimen). Les aides pouvaient être accordées sous la forme d'une subvention ou d'un prêt à taux réduit en vue de la création de nouvelles installations ou de l'extension ou de la modernisation d'infrastructures existantes (article 9 du décret Ekimen). Les coûts admissibles comprenaient les terrains, les bâtiments et les installations [article 7, sous a), du décret Ekimen].

4.
    Les entreprises industrielles étaient notamment susceptibles de bénéficier des aides (article 3 du décret Ekimen). À cette fin, l'article 5 du décret Ekimen prévoyait que les investissements devaient satisfaire aux conditions suivantes:

-    le projet d'investissement doit être viable d'un point de vue technique, économique et financier, et être mené à bien dans un délai de trois ans à compter de la date de l'octroi de l'aide;

-    le montant de l'investissement doit être supérieur à 360 millions de pesetas espagnoles (ESP);

-    le projet doit permettre la création de 30 emplois au minimum;

-    tant les investissements que la création d'emplois à prendre en considération doivent être réalisés par une seule entité juridique et, par les entreprises qui disposent de plusieurs centres de production, dans un seul de ces centres, sauf s'il est dûment établi qu'il s'agit d'un seul projet d'investissement;

-    30 % au moins de l'investissement doivent être financés au moyen de ressources propres de l'entreprise bénéficiaire.

5.
    Aux termes de l'article 10 du décret Ekimen, les aides accordées au titre de ce programme d'aides ne pouvaient dépasser 25 % de l'investissement (voir ci-après point 112).

Avantages fiscaux en vigueur sur le territoire historique d'Álava

6.
    Le cadre fiscal en vigueur au Pays basque relève du régime de la concertation économique, mis en place par la loi espagnole n° 12/1981, du 13 mai 1981, ultérieurement modifiée par la loi n° 38/1997, du 4 août 1997. En vertu de cette législation, la Diputación Foral de Álava peut, sous certaines conditions, organiser le régime fiscal applicable sur son territoire.

7.
    À ce titre, la Diputación Foral de Álava a pris diverses mesures d'aides fiscales sous la forme, notamment, d'un crédit d'impôt de 45 % et d'une réduction de la base d'imposition pour l'impôt sur les sociétés.

Crédit d'impôt de 45 %

8.
    La sixième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 22/1994, du 20 décembre 1994, portant exécution du budget du Territorio Histórico de Álava pour l'année 1995 [Boletín Oficial del Territorio Histórico de Álava (ci-après le «BOTHA») n° 5, du 13 janvier 1995] est libellée comme suit:

«Les investissements en immobilisations corporelles neuves, effectués entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995, qui excèdent 2,5 milliards de ESP selon l'accord de la Diputación Foral de Álava, bénéficieront d'un crédit d'impôt de 45 % du montant de l'investissement déterminé par la Diputación Foral de Álava, applicable au montant final d'impôt à payer.

La déduction non appliquée pour insuffisance d'impôt pourra être appliquée dans les neuf ans qui suivent l'année durant laquelle l'accord de la Diputación Foral de Álava a été conclu.

Cet accord de la Diputación Foral de Álava fixera les délais et les restrictions applicables dans chaque cas.

Les avantages reconnus en vertu de la présente disposition seront incompatibles avec tout autre avantage fiscal existant en raison de ces mêmes investissements.

La Diputación Foral de Álava déterminera également la durée du processus d'investissement, laquelle pourra englober des investissements réalisés durant la phase de préparation du projet à la base des investissements».

9.
    La validité de cette disposition a été prorogée, pour l'année 1996, par la cinquième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 33/1995, du 20 décembre 1995 (BOTHA n° 4, du 10 janvier 1996), telle que modifiée par le point 2.11 de la disposition dérogatoire unique de la Norma Foral n° 24/1996, du 5 juillet 1996 (BOTHA n° 90, du 9 août 1996). Pour l'année 1997, la mesure fiscale a été prorogée par la septième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 31/1996, du 18 décembre 1996 (BOTHA n° 148, du 30 décembre 1996). Le crédit d'impôt de 45 % du montant des investissements a été maintenu, sous une forme modifiée, pour les années 1998 et 1999, respectivement, par la onzième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 33/1997, du 19 décembre 1997 (BOTHA n° 150, du 31 décembre 1997), et par la septième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 36/1998, du 17 décembre 1998 (BOTHA n° 149, du 30 décembre 1998).

Réduction de la base d'imposition pour l'impôt sur les sociétés

10.
    L'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996, du 5 juillet 1996, visée au point précédent, prévoit ce qui suit:

«1. Les entreprises qui commencent leur activité bénéficieront d'une réduction de 99, 75, 50 et 25 %, respectivement, de la base d'imposition positive correspondant à leur résultat d'exploitation, avant compensation avec des bases d'imposition négatives des exercices d'imposition précédents, au cours des quatre périodes d'imposition consécutives, à partir du premier exercice durant lequel, dans les quatre ans qui suivent la mise en route de leur activité, elles enregistrent des bases d'imposition positives.

[...]

2. Pour bénéficier de la présente réduction, les contribuables devront respecter les conditions suivantes:

a) commencer leur activité avec un capital libéré d'au moins 20 millions de ESP;

b) [...]

c) [...]

d) ne pas avoir exercé la nouvelle activité précédemment, de manière directe ou indirecte, sous une autre dénomination;

e) exercer une nouvelle activité dans un local ou un établissement où aucune autre activité n'est exercée par d'autres personnes physiques ou morales;

f) réaliser des investissements en immobilisations corporelles au cours des deux premières années d'activité pour un montant d'au moins 80 millions de ESP, étant entendu que tous les investissements doivent être destinés à des biens affectés à l'activité, à l'exclusion de ceux qui sont loués ou cédés à un tiers pour son utilisation. À cet effet seront également considérés comme investissements en immobilisations corporelles les biens acquis par location financière, pourvu que l'acquéreur s'engage à exercer l'option d'achat;

g) créer au minimum dix emplois dans les six mois suivant le début de leur activité et maintenir à ce chiffre la moyenne annuelle du personnel à partir de ce moment et jusqu'à l'exercice où le droit d'appliquer la réduction de la base d'imposition arrive à son terme;

h) [...]

i) disposer d'un plan d'entreprise pour une période d'au moins cinq ans.

3. [...]

4. Le montant minimal d'investissements indiqué au paragraphe 2, point f), ci-dessus ainsi que le nombre d'emplois mentionné au paragraphe 2, point g), seront incompatibles avec tout autre avantage fiscal institué pour ces investissements ou cette création d'emplois.

5. La réduction établie dans la présente disposition sera sollicitée auprès de l'administration fiscale, laquelle, après vérification du respect des conditions initialement requises, communiquera le cas échéant son autorisation provisoire à la société requérante, ladite autorisation devant être avalisée par la Diputación Foral de Álava.

[...]»

Faits à l'origine du litige

11.
    Le 13 mars 1996, les autorités basques et Daewoo Electronics Co. Ltd (ci-après «Daewoo Electronics») ont signé un accord de coopération par lequel Daewoo Electronics s'est engagée à créer une usine de production de réfrigérateurs au Pays basque. De leur côté, les autorités basques se sont engagées à soutenir ce projet par l'octroi de subventions.

12.
    Conformément à cet accord, le projet susvisé était susceptible de bénéficier d'une subvention pouvant aller jusqu'à 25 % des investissements en immobilisations corporelles et des frais d'établissement, ainsi que de toute autre aide publique disponible pour les opérateurs désirant investir au Pays basque dans les domaines de l'environnement, de la recherche et du développement et des économies d'énergie.

13.
    L'entreprise créée par Daewoo Electronics était tenue de rédiger un plan d'entreprise dont l'approbation par les autorités basques était une condition préalable à la mise en oeuvre de l'accord. Ce plan, relatif à la période comprise entre 1996 et 2001, a été présenté aux autorités basques en septembre 1996. Il prévoyait un investissement de 11 835 600 000 ESP et la création de 745 emplois. Les ventes devaient démarrer en 1997, principalement sur les marchés espagnol, français et italien, puis s'étendre, en 1998, aux marchés allemand et britannique. L'essentiel du chiffre d'affaires devait au départ être réalisé sur le marché espagnol. Les exportations devaient augmenter annuellement pour représenter 60 % du chiffre d'affaires total après trois à quatre ans.

14.
    Le 7 octobre 1996 a été constituée Daewoo Electronics Manufacturing España, SA (ci-après «Demesa»), société de droit espagnol et filiale à 100 % de Daewoo Electronics.

15.
    Par lettre du 10 octobre 1996, l'entreprise Gasteizko Industria Lurra, SA (ci-après «Gasteizko Industria»), appartenant au secteur public, a fait parvenir à Demesa une offre portant sur la vente, au prix de 4 125 ESP/m2, d'un terrain viabilisé de 100 000 m2 situé à Vitoria-Gasteiz, dans la zone industrielle de Júndiz. Demesa a accepté cette offre en novembre 1996.

16.
    Vers le mois de novembre 1996, Demesa a commencé les travaux de construction de son usine de production de réfrigérateurs.

17.
    Le 24 décembre 1996, le conseil du gouvernement basque a décidé d'accorder à Demesa, sur la base du décret Ekimen (voir ci-dessus points 2 à 5), une subvention correspondant à 25 % en équivalent subvention brut (ESB) du montant global de l'investissement prévu, soit 2 958 900 000 ESP.

18.
    En vertu de l'accord n° 737/1997, du 21 octobre 1997, de la Diputación Foral de Álava, la requérante a obtenu le crédit d'impôt de 45 % visé aux points 8 et 9 ci-dessus.

19.
    Le 30 décembre 1997, jour où l'acte authentique de vente a été signé, Demesa a versé à Gasteizko Industria le prix d'achat pour le terrain, qui avait été fixé dans l'offre du 10 octobre 1996 (voir ci-dessus point 15).

20.
    Le 30 décembre 1997 a aussi été passé l'acte authentique de vente portant sur ce terrain.

Procédure administrative

21.
    Par lettre du 11 juin 1996, la Commission a reçu de l'Asociacíon Nacional de Fabricantes de Electrodomésticos de Línea Blanca (ANFEL) une plainte selon laquelle l'Espagne aurait mis à exécution une aide en faveur de Demesa, sous la forme de subventions et d'exonérations fiscales excédant les plafonds applicables aux aides régionales au Pays basque. La Commission a également reçu une plainte à ce sujet du conseil européen de la constrution d'appareils domestiques (CECED) et de l'Associazione Nazionale Industria Elettrotecniche ed Elettroniche (ANIE).

22.
    Par lettre du 26 juin 1996, la Commission a envoyé une demande d'informations aux autorités espagnoles.

23.
    Par lettre du 16 septembre 1996, les autorités espagnoles ont transmis un certain nombre d'informations à la Commission. Par lettre du 11 février 1997, les autorités basques ont communiqué des informations complémentaires à la Commission.

24.
    Par lettre du 16 décembre 1997, la Commission a informé les autorités espagnoles de sa décision, notamment «d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité en raison d'un éventuel dépassement du plafond d'aide, fixé à 25 % en ESN, applicable dans la région, dû à l'octroi [...] [d']aides à Demesa, sous la forme:

-    de mesures fiscales dans le cadre du régime fiscal de la province d'Álava (Norma Foral n° 24/1996, du 5 juillet 1996, relative à l'impôt sur les sociétés),

-    d'un crédit d'impôt consistant en une réduction de 45 % du montant dû au titre de l'impôt sur les sociétés [sixième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 22/1994, du 20 décembre 1994, relative à l'exécution du budget de la province d'Álava pour 1995, prorogée par la Norma Foral n° 33/1995, du 20 décembre 1995 (cinquième disposition additionnelle), par la Norma Foral n° 24/1996, du 5 juillet 1996 (disposition dérogatoire, point 2.11), et par la Norma Foral n° 31/1996, du 18 décembre 1996 (septième disposition additionnelle)],

-    de l'utilisation gratuite par Demesa d'une parcelle de 500 000 mètres carrés dans la zone industrielle de Júndiz depuis 1996, ainsi que d'un éventuel prix de vente non conforme aux prix du marché».

25.
    La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les prétendues aides (JO 1998, C 103, p. 3). Les autorités espagnoles ont présenté leurs observations par lettres du 23 janvier et du 6 mars 1998. La Commission a reçu des observations de la part des intéressés et les a transmises aux autorités espagnoles, qui lui ont fait part de leurs commentaires sur ces observations par lettre du 20 octobre 1998.

26.
    Par lettre du 4 juin 1998, la Commission a fait part aux autorités espagnoles de sa décision d'étendre la procédure en cours à l'aide accordée à Demesa dans le cadre du programme Ekimen, pour ce qui concerne le volet non couvert par la règle générale de l'article 10, paragraphe 1, du décret Ekimen autorisant une intensité d'aide égale à 10 % des coûts réels admissibles (voir ci-après point 112).

27.
    Elle a invité les intéressés à présenter leurs observations à ce sujet (JO 1998, C 266, p. 6). Les autorités espagnoles ont présenté leurs observations par lettres des 22 et 24 juillet 1998. La Commission a transmis les observations des autres intéressés aux autorités espagnoles, qui ont réagi à celles-ci par lettre du 3 décembre 1998.

28.
    Deux réunions ont eu lieu à Bruxelles et à Vitoria-Gasteiz entre les services de la Commission et les représentants des autorités basques, respectivement, les 29 octobre et 15 décembre 1998.

29.
    Le 24 février 1999, la Commission a adopté la décision 1999/718/CE concernant l'aide d'État mise à exécution par l'Espagne en faveur de Daewoo Electronics Manufacturing España SA (Demesa) (JO L 292, p. 1, ci-après la «décision attaquée»).

30.
    Celle-ci comprend notamment les dispositions suivantes:

«Article premier

Les aides d'État mises à exécution par l'Espagne en faveur de [Demesa], à savoir:

a)    l'avantage, chiffré à 184 075,79 euros, correspondant à l'ajournement du paiement du prix du terrain durant neuf mois à compter du moment où [Demesa] a occupé un terrain dans la zone industrielle de Júndiz (Vitoria-Gasteiz) afin de réaliser la construction projetée, jusqu'au moment du versement du prix;

b)    l'avantage, chiffré à 213 960,31 euros, correspondant à la différence entre le prix du marché et le prix payé par [Demesa] pour un terrain dans la zone industrielle de Júndiz (Vitoria-Gasteiz);

c)    l'octroi d'une subvention excédant de cinq points de pourcentage la subvention maximale autorisée de 20 % des coûts admissibles couverts par le régime d'aides Ekimen, c'est-à-dire en excluant desdits coûts les équipements évalués à 1 803 036,31 euros dans le cadre de l'audit présenté par les autorités régionales en annexe de la lettre de l'Espagne du 24 juillet 1998;

d)     l'octroi d'un crédit d'impôt d'un montant correspondant à 45 % du coût de l'investissement déterminé par la Diputación Foral de Álava dans sa décision (accord) 737/1997, du 21 octobre 1997;

e)    la réduction de la base d'imposition pour les entreprises nouvellement créées prévue à l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996, du 5 juillet 1996,

sont incompatibles avec le marché commun.

Article 2

1.    L'Espagne prend toutes les mesures nécessaires pour:

a)    récupérer auprès de leur bénéficiaire les aides visées aux points a), b) et c) de l'article 1er et illégalement mises à sa disposition;

b)    retirer les avantages procurés par les aides visées aux points d) et e) de l'article 1er et illégalement mises à la disposition du bénéficiaire.

2.    La récupération a lieu conformément aux procédures du droit national. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu'à leur récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 3

L'Espagne informera la Commission dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision des mesures prises pour s'y conformer.

Article 4

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.»

Procédure

31.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 25 mai, 26 mai et 18 juin 1999, les parties requérantes dans les affaires T-127/99, T-129/99 et T-148/99, ont introduit les présents recours en annulation de la décision attaquée.

32.
    Par actes déposés au greffe du Tribunal le 17 novembre 1999, l'ANFEL a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans les affaires T-127/99 et T-129/99.

33.
    Par actes déposés au greffe du Tribunal le 13 décembre 1999, l'ANFEL et le CECED ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans l'affaire T-148/99.

34.
    Par ordonnances du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 25 février 2000, il a été fait droit à ces demandes d'intervention.

35.
    L'ANFEL et le CECED ont déposé leurs mémoires en intervention le 12 avril 2000, au sujet desquels les parties principales concernées ont présenté leurs observations.

36.
    Par ordonnance du 5 juin 2001, les affaires T-127/99, T-129/99 et T-148/99 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

37.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale.

38.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 26 juin 2001.

Conclusions des parties

39.
    La partie requérante dans l'affaire T-127/99 conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable et fondé et annuler les articles 1er, sous d) et e), et 2, paragraphes 1, sous b), et 2, de la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

40.
    Dans l'affaire T-129/99, les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens;

-    condamner l'ANFEL aux dépens de l'instance relatifs à la procédure d'intervention.

41.
    La partie requérante dans l'affaire T-148/99 conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable et fondé;

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

42.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 demandent aussi au Tribunal d'enjoindre à la Commission de communiquer ses documents internes concernant l'adoption de la décision attaquée. Dans l'affaire T-129/99, les parties requérantes demandent la communication de l'intégralité du dossier administratif se rapportant à la décision attaquée.

43.
    Dans l'affaire T-127/99 et dans l'affaire T-148/99, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

44.
    Dans l'affaire T-129/99, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours irrecevable en ce qui concerne l'article 1er, sous d) et e), de la décision attaquée et, subsidiairement, le rejeter sur ce point comme non fondé;

-    rejeter le recours en ce qui concerne l'article 1er, sous a) à c), de la décision attaquée;

-    condamner les parties requérantes aux dépens.

45.
    La Commission estime, en outre, que les demandes des parties requérantes dans les affaires T-127/99, T-129/99 et T-148/99 portant sur la communication de certains documents ou du dossier intégral, doivent être rejetées.

46.
    Dans leurs conclusions, telles qu'elles ont été précisées à l'audience, l'ANFEL, dans les trois affaires, et le CECED, dans l'affaire T-148/99, demandent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner les parties requérantes aux dépens.

Sur l'irrecevabilité partielle du recours dans l'affaire T-129/99

47.
    La Commission soutient que le recours dans l'affaire T-129/99 est irrecevable dans la mesure où les parties requérantes cherchent à obtenir l'annulation de l'article 1er, sous d) et e), de la décision attaquée. En effet, les parties requérantes ne seraient pas directement et individuellement concernées au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE par ces dispositions.

48.
    Les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 rétorquent que la décision attaquée doit être considérée comme un tout indivisible. En outre, elles soutiennent que la Commission a globalisé les aides fiscales visées à l'article 1er, sous d) et e), et celles concernées par l'article 1er, sous a) à c), et a conclu, sur cette base, que le montant total des aides accordées à Demesa dépasse largement l'intensité maximale d'aide admise au Pays basque. Enfin, la communauté autonome du Pays basque disposerait, en vertu du droit espagnol, de compétences dans les matières fiscales concernées par l'article 1er, sous d) et e), de la décision attaquée. Il conviendrait dès lors de lui reconnaître qualité pour agir en ce qui concerne ces dispositions de ladite décision.

49.
    Le Tribunal constate d'abord que les parties requérantes dans l'affaire T-129/99, à savoir la communauté autonome du Pays basque et Gasteizko Industria, ne sont pas les destinataires de la décision attaquée. Il y a donc lieu d'examiner si ces parties peuvent être considérées comme étant directement et individuellement concernées au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE, par la décision attaquée.

50.
    À cet égard, il convient de relever, d'une part, que l'article 1er, sous a) et b), de la décision attaquée se rapporte à des aides que Gasteizko Industria aurait accordées à Demesa et, d'autre part, que l'article 1er, sous c), de la décision attaquée concerne une aide que la Communauté autonome du Pays basque aurait accordée à cette même entreprise. Les dispositions en question de la décision attaquée non seulement affectent des actes dont les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 sont les auteurs, mais, de plus, empêchent ces parties requérantes d'exercer, comme elles l'entendent, leurs compétences propres, dont elles jouissent directement en vertu du droit interne espagnol (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214/95, Rec. p. II-717, points 29 et 30, et du 15 juin 1999, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T-288/97, Rec. p. II-1871, point 31).

51.
    Il s'ensuit que Gasteizko Industria est directement et individuellement concernée par l'article 1er, sous a) et b), de la décision attaquée et que la communauté autonome du Pays basque est directement et individuellement concernée par l'article 1er, sous c), de la décision attaquée.

52.
    S'agissant d'un seul et même recours, il peut donc déjà être constaté que le recours dans l'affaire T-129/99 est recevable, pour autant qu'il vise à l'annulation de l'article 1er, sous a) à c), de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, point 31).

53.
    Quant aux mesures visées à l'article 1er, sous d) et e), de la décision attaquée, à savoir le crédit d'impôt et la réduction de la base imposable, il est constant entre les parties que ces mesures n'ont été instituées par aucune des parties requérantes dans l'affaire T-129/99.

54.
    Les parties requérantes dans cette affaire prétendent néanmoins qu'elles sont directement et individuellement concernées également par ces dispositions de la décision attaquée. À cet effet, elles se réfèrent d'abord aux compétences fiscales propres de la communauté autonome du Pays basque.

55.
    Toutefois, cet argument ne peut porter, dès lors que la communauté autonome du Pays basque n'a pas démontré que l'article 1er, sous d) et e), de la décision attaquée l'empêcherait d'exercer, comme elle l'entend, ses compétences fiscales propres (arrêt Vlaams Gewest/Commission, cité au point 50 ci-dessus, point 29).

56.
    Les parties requérantes ne sauraient non plus tirer argument de la prétendue indivisibilité de la décision attaquée. En effet, la décision attaquée s'analyse comme un faisceau de décisions relatives à différentes aides accordées à la même entreprise par des entités publiques distinctes.

57.
    En outre, contrairement à ce que prétendent les parties requérantes, la Commission n'a pas tenu compte, dans la décision attaquée, des prétendues aides visées à l'article 1er, sous d) et e), de la décision attaquée pour apprécier si les avantages accordés à Demesa au titre du programme Ekimen dépassaient le plafond autorisé reproduit dans la décision du 12 décembre 1996 (voir ci-dessus point 2). Par ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas non plus basé son appréciation selon laquelle les prétendues aides visées par la décision attaquée sont incompatibles avec le marché commun sur la constatation que l'ensemble des différents avantages dont aurait bénéficié Demesa dépasserait le plafond de 25 % en ESN fixé pour le Pays basque (voir ci-dessus point 1).

58.
    Il y a donc lieu de conclure que le recours dans l'affaire T-129/99 est irrecevable pour autant qu'il vise à obtenir l'annulation de l'article 1er, sous d) et e), de la décision attaquée, et, par voie de conséquence, également pour autant qu'il vise à l'annulation de l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée.

Sur le fond

59.
    Trois moyens communs peuvent être distingués dans les requêtes relatives aux présents recours. Le premier est tiré d'une violation de l'article 92, paragraphe 1,du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE). Le deuxième est pris d'une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique et le troisième d'une violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE).

60.
    Dans les affaires T-129/99 et T-148/99, les parties requérantes invoquent, également,un moyen tiré d'une violation des droits de la défense. Enfin, les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 invoquent, par ailleurs, un moyen tiré d'une violation de l'article 92, paragraphe 3, du traité.

I - Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité

61.
    Ce moyen comporte six branches. Les cinq premières se rapportent aux différents prétendus éléments d'aide identifiés dans le dispositif de la décision attaquée [article 1er, sous a) à e)]. La sixième branche concerne les éventuelles distorsions de la concurrence et l'affectation des échanges intracommunautaires au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

62.
    Le Tribunal estime indiqué d'examiner d'abord la branche se rapportant au prétendu élément d'aide visé par l'article 1er, sous b), de la décision attaquée avant d'apprécier la légalité des autres points de l'article 1er de la décision attaquée.

Sur la première branche, se rapportant au prix d'acquisition du terrain de 100 000 m2 visé à l'article 1er, sous b), de la décision attaquée

63.
    Dans la décision attaquée, la Commission a évalué à 4 481 ESP/m2 le prix de marché du terrain de 100 000 m2 que Gasteizko Industria a vendu à Demesa (décision attaquée, point V.2.2, dernier alinéa). Il s'agissait d'une parcelle viabilisée, comprenant les branchements à l'eau, au gaz, à l'électricité et aux égouts.

64.
    Le prix de 4 481 ESP/m2 retenu par la Commission est celui dont fait mention un rapport de Price Waterhouse de janvier 1997 (décision attaquée, point V.2.2, septième alinéa). En effet, «[c]e document fait état d'un coût unitaire par mètre carré aménagé de 4 481 ESP par mètre carré pour des terrains de 50 000 mètres carrés situés dans la même zone que celui occupé par Demesa» (décision attaquée, point III.2.1, quatrième alinéa).

65.
    Il ressort de la décision attaquée que la Commission a vérifié la fiabilité de l'estimation de Price Waterhouse en se basant sur trois autres rapports.

66.
    La Commission se réfère d'abord aux évaluations de deux experts immobiliers datées des 13 janvier et 6 février 1998, qui ont été produites au cours de laprocédure administrative par les autorités régionales basques. La décision attaquée explique à cet égard:

«La première évaluation indique [...] que le prix de vente d'un terrain aménagé de plus de 10 000 m2 devrait se situer dans une fourchette de 4 000 à 4 500 ESP/m2. La seconde évaluation, basée sur des données réelles, à savoir sur les prix de vente des terrains aménagés, de caractéristiques similaires, vendus dans les mois qui précèdent, donne un prix de 5 000 ESP/m2 pour deux terrains d'environ 33 000 m2 et 50 000 m2, qui dépassent donc largement les 10 000 m2, et conclut qu'il n'y a pas de références sur le marché pour des terrains aménagés de 100 000 m2, de sorte qu'un prix entre 4 000 ESP/m2 et 4 800 ESP/m2 semble, dans les circonstances, justifié, étant donné les coûts d'aménagement auxquels peuvent donner lieu les grands terrains, tout en soulignant le caractère politique, c'est-à-dire nécessairement influencé par des considérations non économiques, de ce type de vente.» (Décision attaquée, point V.2.2, cinquième alinéa.)

67.
    La Commission s'est encore basée sur un audit d'IDOM de juillet 1998. La décision attaquée explique que cet audit «indique que le prix au m2 d'un terrain non aménagé dans la même zone se situe autour de 5 000 ESP/m2. Le prix payé par Demesa se justifierait par un rabais offert en raison de la grandeur du terrain. Toutefois, dans ses conclusions, l'auditeur maintient le prix de 5 000 ESP/m2 et signale la divergence de son estimation par rapport au prix de 4 125 ESP/m2 fixé par les autorités régionales» (décision attaquée, point V.2.2, sixième alinéa).

68.
    La Commission conclut que la «moyenne [des] estimations [contenues dans les trois rapports précités] ne diverge pas significativement du coût unitaire moyen de 4 481 ESP/m2 aménagé estimé en janvier 1997 par Price Waterhouse, qui inclut les coûts d'aménagement» (décision attaquée, point V.2.2, septième alinéa). Ce prix constitue donc, selon la Commission, le prix de marché.

69.
    La Commission ajoute:

«Étant donné que Demesa a payé 4 125 ESP/m2, cette société a bénéficié d'un avantage correspondant à la différence entre ces deux chiffres (356 ESP/m2), soit 213 960,31 euros (35 600 000 ESP).» (Décision attaquée, point V.2.2, dernier alinéa.)

70.
    Dans ces conditions, la Commission a qualifié, à l'article 1er, sous b), de la décision attaquée, d'aide d'État «l'avantage, chiffré à 213 960,31 euros, correspondant à la différence entre le prix du marché et le prix payé par [Demesa] pour un terrain dans la zone industrielle de Júndiz (Vitoria-Gasteiz)».

71.
    Les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 font valoir que la Commission a violé l'article 92, paragraphe 1, du traité en considérant que le prix d'acquisition de 4 125 ESP/m2 ne correspondait pas au prix de marché. Elles prétendent que la Commission a fixé de manière arbitraire un prix de marché dansla décision attaquée. En effet, la Commission se serait basée sur un prix de 4 481 ESP/m2 établi par la société d'audit Price Waterhouse pour un terrain de 50 000 m2, alors que les rapports d'experts indépendants qui lui ont été adressés au cours de la procédure administrative incluraient tous le prix de vente réel de 4 125 ESP/m2 dans la fourchette des prix de marché.

72.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que la vente de biens par une autorité publique, telle que cela a été fait à travers Gasteizko Industria, à des conditions préférentielles est susceptible de constituer une aide d'État (arrêt de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 59).

73.
    Pour apprécier si, dans le cas d'espèce, Demesa a reçu une aide d'État lors de l'acquisition du terrain de 100 000 m2, il doit être examiné si cette entreprise a acheté le terrain en question à un prix qu'elle n'aurait pas pu obtenir dans des conditions normales de marché (arrêts de la Cour du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C-342/96, Rec. p. I-2459, point 41, et du 29 juin 1999, DM Transport, C-256/97, Rec. p. I-3913, point 22).

74.
    Il ressort de la décision attaquée (voir ci-dessus points 63 à 70) que la Commission a attribué un poids décisif au prix de 4 481 ESP/m2 avancé dans le rapport de Price Waterhouse. En effet, afin d'apprécier si le prix effectivement payé par Demesa pour le terrain de 100 000 m2 comportait un élément d'aide, la Commission a comparé le prix de vente au seul prix qui ressort du rapport de Price Waterhouse. Les prix fixés dans les trois autres rapports mentionnés dans la décision attaquée, à savoir les rapports des 13 janvier et 6 février 1998 et le rapport d'IDOM de juillet 1998 ont été utilisés à la seule fin de vérifier la fiabilité du prix avancé par Price Waterhouse.

75.
    Afin d'apprécier la légalité de l'article 1er, sous b), de la décision attaquée, il y a donc lieu d'examiner si la Commission a pu raisonnablement attribuer un tel poids décisif au rapport de Price Waterhouse.

76.
    À cet effet, il doit être constaté que, dans la décision attaquée, la Commission explique «que la valeur de deux évaluations [à savoir celles des 13 janvier et 6 février 1998] et d'un audit [d'IDOM] réalisés a posteriori ne peut être la même que celle d'une évaluation ex ante» (décision attaquée, point V.2.2, troisième alinéa).

77.
    Toutefois, le Tribunal rappelle que, par lettre du 10 octobre 1996, Gasteizko Industria a adressé à Demesa une offre de vente d'un terrain de 100 000 m2 dans la zone industrielle de Júndiz au prix de 4 125 ESP/m2. Il ressort, en outre, du dossier que, en novembre 1996, Demesa a verbalement accepté cette offre. Force est donc de constater que les quatre évaluations mentionnées dans la décision attaquée, y compris celle de Price Waterhouse, sont postérieures au compromis de vente. Dès lors, même s'il ressort de la communication de la Commission concernant les éléments d'aide d'État contenus dans des ventes de terrains et debâtiments par les pouvoirs publics (JO 1997, C 209, p. 3) qu'un prix de vente qui correspond à un prix estimé par un expert indépendant avant la vente ne comporte pas d'éléments d'aide, la Commission n'a pas pu raisonnablement se fonder sur la date d'établissement du rapport Price Waterhouse (janvier 1997) pour attacher un poids décisif à celui-ci.

78.
    À la suite d'une question écrite du Tribunal, la Commission a expliqué que l'estimation de Price Waterhouse, contrôleur des comptes de la société immobilière vendeuse, est la seule estimation acceptable dès lors qu'elle a été faite en vue de déterminer la valeur pécuniaire du portefeuille immobilier de cette dernière. Il s'agirait, en outre, de la seule estimation qui aurait été faite avant la décision d'ouverture de la procédure en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE). En outre, la Commission met en cause la fiabilité des rapports des 13 janvier et 6 février 1998 dès lors que le premier rapport ne se fonderait pas sur des données réelles du marché et que le second aurait opéré une révision du prix à la baisse sur la base de critères politiques.

79.
    Le Tribunal considère, d'abord, que le fait que les évaluations des 13 janvier et 6 février 1998 et le rapport d'IDOM sont postérieurs à l'ouverture de la procédure ne permet pas, dans le cas d'espèce, d'accorder un poids prépondérant au rapport de Price Waterhouse de janvier 1997. En effet, les quatre rapports, y inclus celui de Price Waterhouse, ont été établis à une époque où la Commission avait déjà commencé une investigation concernant les prétendues aides octroyées à Demesa. La première demande d'informations dans ce dossier date, en effet, de juin 1996.

80.
    Ensuite, il doit être constaté qu'aucun des quatre rapports mentionnés dans la décision attaquée ne se base directement sur des ventes de terrains d'une superficie égale à 100 000 m2. Comme il est indiqué dans la décision attaquée, il n'existe, en effet, «pas de références sur le marché pour des terrains aménagés de 100 000 m2» (point V.2.2, cinquième alinéa).

81.
    Néanmoins, les experts qui ont établi le rapport du 6 février 1998 et l'audit d'IDOM se sont efforcés, sur la base des données disponibles, d'avancer une estimation du prix de vente d'un terrain d'une telle superficie. Le rapport du 13 janvier 1998 contient, de manière globale, une estimation pour tout terrain supérieur à 10 000 m2.

82.
    En revanche, le rapport de Price Waterhouse avance une estimation du prix d'un terrain de 55 481 m2 et ne prend pas en considération la superficie réelle du terrain acheté par Demesa.

83.
    Dans ces conditions, il doit être considéré que la Commission, en retenant dans la décision attaquée le prix avancé dans le rapport de Price Waterhouse comme prix de référence décisif, a agi de manière arbitraire.

84.
    Le fait que la Commission a vérifié le prix avancé par Price Waterhouse, en le comparant à la moyenne des prix avancés dans les trois autres rapports, à savoir les rapports des 13 janvier et 6 février 1998 et l'audit d'IDOM, n'est pas de nature à infirmer cette conclusion.

85.
    D'une part, la Commission devait examiner si le prix de vente payé par Demesa était un prix de marché. Elle aurait donc dû comparer le prix de vente effectivement payé par Demesa, et non le prix déterminé par Price Waterhouse, aux prix avancés dans les différents rapports des experts dont elle disposait au cours de la procédure administrative afin d'apprécier si le prix payé par Demesa ne s'écartait pas à ce point des prix avancés dans ces rapports qu'il y aurait lieu de conclure à l'existence d'une aide d'État.

86.
    D'autre part, il doit être constaté que, dans la décision attaquée (point V.2.2, septième alinéa), le calcul de la moyenne des valeurs comprises dans les rapports des 13 janvier et 6 février 1998 et dans l'audit d'IDOM repose sur une lecture erronée de ceux-ci.

87.
    À cet égard, il doit être relevé que la Commission a expliqué, à la suite d'une question écrite du Tribunal, qu'elle a calculé la moyenne des estimations dont fait état la décision attaquée (point V.2.2, septième alinéa) de la façon suivante:

«Les valeurs minimales étaient [...]: 4 000 ESP/m2 (Agence Luis Perales [rapport du 13 janvier 1998]), 4 000 ESP/m2 (Agence Juan Calvo [rapport du 6 février 1998]) et 5 000 ESP/m2 (IDOM). La valeur minimale moyenne qui en résulte est de 4 333 ESP/m2. Les valeurs maximales étaient: 4 500 ESP/m2 (Agence Luis Perales [rapport du 13 janvier 1998]) et 4 800 ESP/m2 (Agence Juan Calvo [rapport du 6 février 1998]). La valeur maximale moyenne qui en résulte est donc de 4 650 ESP/m2. Par conséquent, la valeur moyenne résultant des trois estimations est de 4 491 ESP/m2

88.
    Force est de constater, premièrement, que la Commission a commis une erreur de fait en considérant que l'audit d'IDOM faisait ressortir une valeur minimale du terrain acheté par Demesa de 5 000 ESP/m2. Certes, l'audit d'IDOM avance un chiffre «aux alentours de 5 000 ESP/m2» («entorno a las 5 000 pesetas») pour un terrain non aménagé. Toutefois, l'audit confirme aussi que le prix final obtenu par Demesa, à savoir 4 125 ESP/m2, est un prix de marché auquel a été appliqué un rabais normal qui tient compte de la grandeur de la superficie du terrain («el precio final obtenido por Demesa es un precio de mercado con un descuento normal, teniendo en cuenta el tamaño de la superficie comprada»). En outre, bien que les conclusions finales fassent encore une fois état d'un prix de 5 000 ESP/m2, elles confirment aussi que, selon les vérifications effectuées par IDOM, l'investissement de Demesa a été réalisé aux prix de marché actuels («la inversión realizada por Demesa se ajusta a los precios de mercado actuales, tras las comprobaciones efectuadas por IDOM»). Il ressort donc de l'audit d'IDOM que,bien que le prix normal puisse être considéré comme étant 5 000 ESP/m2, le prix payé par Demesa est un prix de marché si l'on tient compte de la superficie du terrain.

89.
    Il doit être constaté, deuxièmement, qu'il ressort également des rapports des 13 janvier et 6 février 1998 que le prix de 4 125 ESP/m2 est un prix de marché. En effet, le premier rapport affirme que le prix de marché d'un terrain de plus de 10 000 m2 se situe dans une fourchette comprise entre 4 000 et 4 500 ESP/m2. Le second rapport fait état d'un prix de marché situé entre 4 000 et 4 800 ESP/m2. La Commission, en calculant une moyenne unique des valeurs exprimées dans les différents rapports, a toutefois fait une lecture erronée des rapports des 13 janvier et 6 février 1998. En effet, dès lors que le prix payé par Demesa, à savoir 4 125 ESP/m2, se rapproche, chaque fois, de la valeur minimale de la fourchette exprimée dans les rapports des 13 janvier et 6 février 1998, la Commission, en calculant une moyenne unique des valeurs, a nécessairement retenu, sur la base des rapports des 13 janvier et 6 février 1998, un prétendu prix de marché supérieur au prix payé par Demesa alors que ces mêmes rapports confirment qu'un prix de 4 125 ESP/m2 est un prix de marché.

90.
    Sur la base de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que l'approche suivie par la Commission dans la décision attaquée pour apprécier si le prix de 4 125 ESP/m2 que Demesa a payé pour le terrain de 100 000 m2 comporte un élément d'aide d'État est arbitraire. En outre, dans ses calculs, la Commission a commis des erreurs de fait.

91.
    Dans ces conditions, la Commission a violé l'article 92, paragraphe 1, du traité en considérant dans la décision attaquée que la différence entre le prix de 4 481 ESP/m2 avancé par Price Waterhouse et le prix de 4 125 ESP/m2 constituait une aide d'État.

92.
    La première branche du présent moyen est donc fondée. Partant, l'article 1er, sous b), de la décision attaquée doit être annulé dans les affaires T-129/99 et T-148/99. Il y a lieu aussi, dans les mêmes affaires, d'annuler l'article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée dans la mesure où il enjoint au royaume d'Espagne de récupérer auprès de Demesa la prétendue aide visée par l'article 1er, sous b), de la décision attaquée.

Sur la deuxième branche, se rapportant à l'ajournement du paiement du prix d'acquisition du terrain, visé à l'article 1er, sous a), de la décision attaquée

93.
    À l'article 1er, sous a), de la décision attaquée, la Commission qualifie d'aide d'État «l'avantage, chiffré à 184 075,79 euros, correspondant à l'ajournement du paiement du prix du terrain durant neuf mois à compter du moment où [Demesa] a occupé [le] terrain [de 100 000 m2 que l'entreprise publique, Gasteizko Industria, lui avendu] dans la zone industrielle de Júndiz (Vitoria-Gasteiz) afin de réaliser la construction projetée, jusqu'au moment du versement du prix».

94.
    Le dispositif d'un acte étant indissociable de sa motivation, il doit être interprété en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C-355/95 P, Rec. p. I-2549, point 21).

95.
    Or, il ressort des motifs de la décision attaquée que l'élément d'aide visé à l'article 1er, sous a), de la décision attaquée est l'avantage dont aurait bénéficié Demesa du fait de l'utilisation gratuite d'un terrain de 100 000 m2 pendant au moins neuf mois du fait du report de la passation de l'acte authentique de vente et donc du paiement du prix de vente du terrain.

96.
    En effet, le point V.2.1 de la décision attaquée se rapportant à l'article 1er, sous a), du dispositif est intitulé «utilisation gratuite d'un terrain de 100 000 m2». Dans ce point, la Commission explique que «la preuve n'a pas été fournie que Demesa ait supporté le moindre coût au cours de la période où [...] cette entreprise a occupé le terrain pour procéder à la construction de l'usine, jusqu'au moment du paiement effectif du prix de vente» (point V.2.1, second alinéa). La Commission ajoute que, «au moins durant la période comprise entre février 1997 et octobre 1997, Demesa a occupé [le] terrain [de 100 000 m2 que l'entreprise publique, Gasteizko Industria, lui a vendu] dans le but de construire ou de faire construire une usine, sans avoir payé le prix de ce terrain et sans avoir supporté le moindre coût en liaison avec cette occupation» (point V.2.1, cinquième alinéa). Elle explique encore:

«Demesa a utilisé un terrain sans être obligée de verser la contrepartie financière que la société vendeuse était en mesure d'exiger.» (Point V.2.1, septième alinéa.).

97.
    Le Tribunal rappelle que, par lettre du 10 octobre 1996, Gasteizko Industria a adressé à Demesa une offre de vente d'un terrain de 100 000 m2 dans la zone industrielle de Júndiz au prix de 4 125 ESP/m2 et que cette offre a été acceptée verbalement par Demesa en novembre 1996. Le prix de vente convenu pour le terrain a été acquitté le 30 décembre 1997, le jour où l'acte authentique de vente a été signé.

98.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, Demesa a reconnu qu'elle avait commencé les travaux en vue de construire une usine sur le terrain concerné vers le mois de novembre 1996.

99.
    Dès lors que le paiement du prix de vente n'a eu lieu que le 30 décembre 1997, la Commission était en droit de constater dans la décision attaquée que, au moins pendant neuf mois, Demesa a occupé gratuitement un terrain de 100 000 m2.

100.
    Toutefois, la Commission ne saurait déduire automatiquement de cette occupation que Gasteizko Industria a octroyé une aide d'État à Demesa. Il en seraituniquement ainsi si le comportement de Gasteizko Industria ne correspondait pas au comportement normal d'une entreprise privée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 octobre 1991, Italie/Commission, C-261/89, Rec. p. I-4437, point 8).

101.
    Or, à cet égard, les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 se réfèrent à l'article 1502 du code civil espagnol pour justifier l'ajournement de la passation de l'acte authentique et, par voie de conséquence, du paiement du prix de vente. Cette disposition énonce:

«Si l'acheteur est troublé dans la possession ou la propriété du bien acquis, ou est fondé à craindre un tel trouble en raison d'une action en revendication ou hypothécaire, il a le droit de suspendre le paiement du prix jusqu'à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble ou la menace de trouble [...]»

102.
    Les parties requérantes soutiennent que, en l'espèce, les conditions d'application de l'article 1502 du code civil espagnol étaient réunies. D'une part, Gasteizko Industria aurait dû procéder à la séparation d'une parcelle de 100 000 m2 sur deux propriétés d'une plus grande étendue. D'autre part, un groupe d'agriculteurs aurait revendiqué l'application d'un accord verbal conclu avec Gasteizko Industria, leur donnant le droit de cultiver le terrain. Ces agriculteurs auraient saisi le tribunal de Vitoria-Gasteiz et cette procédure ne se serait terminée que le 4 novembre 1997. L'avantage découlant de l'occupation du terrain avant le paiement du prix de vente ne pourrait être qualifié d'aide d'État dès lors qu'il résulte de l'application de règles générales du système de droit civil espagnol.

103.
    En réponse à cette argumentation, qui a également été présentée par les autorités basques au cours de la procédure administrative, la Commission explique dans la décision attaquée que «la preuve n'a pas été fournie que Demesa ait supporté le moindre coût au cours de la période où [...] cette entreprise a occupé le terrain pour procéder à la construction de l'usine, jusqu'au moment du paiement effectif du prix de vente» (point V.2.1, second alinéa; voir aussi point V.2.1, septième alinéa).

104.
    Ainsi, il ressort de la décision attaquée que la Commission a déduit l'existence d'une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité directement de sa constatation selon laquelle Demesa a occupé gratuitement le terrain de 100 000 m2 pendant au moins neuf mois, sans avoir examiné la question de savoir si le comportement de Gasteizko Industria aurait pu correspondre au comportement d'un opérateur privé.

105.
    Or, à la suite des explications avancées au cours de la procédure administrative énonçant les motifs du report de la passation de l'acte authentique et du paiement du prix de vente jusqu'au 30 décembre 1997, la Commission aurait dû examiner si un opérateur privé aurait pu exiger le paiement du prix de vente avant cette date et, dans l'hypothèse où tel ne devait pas être le cas, s'il aurait pu exiger le paiementd'une rémunération pour la période d'occupation du terrain avant le paiement du prix de vente de celui-ci.

106.
    À défaut d'un tel examen, il doit être constaté que la Commission n'a pas démontré à suffisance de droit que Demesa a reçu une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité du fait de son occupation gratuite du terrain de 100 000 m2 avant que soit intervenu le paiement du prix de vente, le 30 décembre 1997.

107.
    Il s'ensuit que la deuxième branche du présent moyen est fondée.

108.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler, dans les affaires T-129/99 et T-148/99, l'article 1er, sous a), de la décision attaquée. Il y a lieu aussi, dans les mêmes affaires, d'annuler l'article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée dans la mesure où il enjoint au royaume d'Espagne de récupérer auprès de Demesa l'aide visée par l'article 1er, sous a), de la décision attaquée.

Sur la troisième branche, se rapportant au prétendu dépassement du plafond fixé par le décret Ekimen, visé à l'article 1er, sous c), de la décision attaquée

109.
    À l'article 1er, sous c), de la décision attaquée, la Commission qualifie d'aide d'État incompatible avec le marché commun «l'octroi d'une subvention excédant de cinq points de pourcentage la subvention maximale autorisée de 20 % des coûts admissibles couverts par le régime d'aides Ekimen, c'est-à-dire en excluant desdits coûts les équipements évalués à 1 803 036,31 euros dans le cadre de l'audit présenté par les autorités régionales en annexe de la lettre de l'Espagne du 24 juillet 1998».

110.
    Les arguments invoqués par les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 se rapportent, d'une part, au taux de subvention maximal permis par le programme Ekimen et, d'autre part, à l'exclusion du coût de certains équipements des coûts admissibles au titre du régime d'aides Ekimen.

Taux de subvention maximal permis par le programme Ekimen

111.
    Par décision du conseil du gouvernement de la communauté autonome du Pays basque du 24 décembre 1996, une subvention équivalant à 25 % des investissements en immobilisations corporelles a été accordée à Demesa dans le cadre du programme Ekimen.

112.
    À cette époque, l'article 10 du décret Ekimen était libellé dans les termes suivants:

«Les aides accordées sous la forme de subventions non remboursables, qui ne peuvent dépasser 25 % de l'investissement admissible, seront régies par les critères suivants:

1.    Une subvention de 10 % de l'investissement considéré comme admissible sera octroyée de manière générale.

2.    En outre, pour les projets stratégiques et les projets donnant lieu à une création significative d'emplois, à savoir au minimum 50 emplois pour un investissement d'au moins 750 millions de [ESP], le pourcentage qui précède sera majoré de cinq points.

3.    En outre, les entreprises dont le projet est réalisé dans une zone d'intérêt préférentiel en vertu des dispositions de l'article 4 du présent décret bénéficieront d'une subvention supplémentaire de 5 % sur les investissements considérés comme admissibles.

4.    Enfin, le pourcentage pourra faire l'objet d'une majoration supplémentaire allant jusqu'à 5 points, en fonction des critères suivants:

    -    niveau d'intégration du projet dans le tissu industriel basque,

    -    localisation dans un secteur stratégique du Pays basque,

    -    degré de création d'emplois.»

113.
    Dans la décision du 12 décembre 1996, approuvant les éléments d'aide contenus dans le programme Ekimen (voir ci-dessus point 2), la Commission a indiqué ce qui suit:

«La Commission constate que la subvention à fonds perdus qui, exprimée en [ESB], ne devra pas dépasser 25 % au maximum, sera versée comme suit: a) une tranche de 10 % à titre général; b) une tranche de 5 % pour des projets stratégiques ou générant des emplois; c) une tranche de 5 % pour des projets situés dans des zones prioritaires et d) une tranche de 5 % pour des projets qui apportent une contribution significative au développement régional ou à la création d'emplois.»

114.
    Dans la décision attaquée, la Commission soutient que la subvention correspondant à 25 % du coût des investissements en immobilisations corporelles accordée à Demesa au titre du décret Ekimen ne respecte pas les conditions du programme Ekimen tel qu'elle l'a approuvé. Elle explique qu'«une application correcte du programme Ekimen aurait dû donner lieu à l'octroi d'une subvention maximale non remboursable de 20 % en [ESB], calculée sur le total des coûts admissibles» (décision attaquée, point V.2.3, troisième alinéa). En effet, «[l]a Commission considère que le projet d'investissement de Demesa remplit le critère de l'article10.1 du décret (10 % à titre général) ainsi que celui de l'article 10.4 (majoration supplémentaire de 5 %)» (décision attaquée, point V.2.3, huitième alinéa). En revanche, le critère de l'article 10.3 du décret Ekimen ne serait pas rempli dès lors que «Vitoria-Gasteiz, ville où est localisé l'investissement de Demesa, n'est pas une 'zone prioritaire' au sens du programme Ekimen» (décision attaquée, point V.2.3, neuvième alinéa). Enfin, «en ce qui concerne le critère de l'article 10.2 du décret, la Commission considère que l'octroi de deux tranches de 5 % en vertu dudit article constitue une application incorrecte du régime Ekimen dans les termes autorisés par la Commission dans [la décision du 12 décembre 1996]» (décision attaquée, point V.2.3, dixième alinéa). Un projet ne pourrait donc pas recevoir deux tranches de 5 % supplémentaires au titre de «projet stratégique» et de «projet donnant lieu à une création significative d'emplois». Selon la Commission, l'application de l'article 10, point 2, du décret Ekimen ne peut, en effet, donner lieu qu'à une seule majoration de 5 %.

115.
    Les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 font valoir que Demesa était en droit de recevoir la subvention de 25 % en ESB qui lui a été accordée par le gouvernement basque: 10 % sur la base de l'article 10, point 1, du décret Ekimen; 5 % en tant que projet stratégique et 5 % en tant que projet créateur d'emplois, sur la base de l'article 10, point 2; 5 % conformément aux critères fixés à l'article 10, point 4. Demesa aurait donc droit, au titre de l'article 10, point 2, du décret Ekimen, à deux majorations de 5 % de la subvention, l'une parce que l'investissement serait un projet stratégique et l'autre en raison du fait qu'il s'agirait d'un projet qui contribue sensiblement à la création d'emplois, à savoir un projet qui implique au minimum la création de 50 emplois et un investissement de 750 millions de ESP. Dans la décision du 12 décembre 1996 portant approbation du programme Ekimen, la Commission aurait constaté, à tort, que l'article 10, point 2, du décret Ekimen autorise une subvention de 5 % en faveur des projets stratégiques «ou» générant des emplois.

116.
    Les parties requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de plume dans sa décision du 12 décembre 1996, approuvant le régime Ekimen. Il y aurait lieu de considérer que la Commission a approuvé le régime tel qu'il lui a été notifié. En tout état de cause, la Commission n'aurait pas la compétence pour modifier unilatéralement un régime d'aide notifié. Si le programme Ekimen lui avait posé des problèmes, elle aurait pu ouvrir la procédure d'examen prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité et conditionner sa décision d'approbation, ce qu'elle n'aurait toutefois pas fait.

117.
    Le Tribunal constate, d'abord, qu'il est constant entre les parties que Demesa a reçu une subvention de 25 % en ESB au titre du programme Ekimen, à savoir 10 % en application de l'article 10, point 1, du décret deux fois 5 % en application de l'article 10, point 2, du décret, et 5 % en application de l'article 10, point 4, du décret. La double application de l'article 10, point 2, du décret est toutefois refusée par la Commission dans la décision attaquée.

118.
    Le Tribunal constate, ensuite, que l'article 10, point 2, du décret Ekimen ne permet qu'une seule majoration de 5 % de la subvention dont peut bénéficier un projet d'investissement au titre du régime d'aide concerné.

119.
    À cet égard, il doit être relevé que l'article 10 du décret Ekimen, qui prône le principe d'une subvention maximale de 25 %, comporte quatre points, le premier faisant état d'une subvention de 10 %, et les trois autres, à chaque fois, d'une majoration de 5 % (voir ci-dessus point 112). Afin de ne pas dépasser le montant maximal de la subvention, les points 2 à 4 de l'article 10 du décret ne peuvent donner droit, à chaque fois, qu'à une seule majoration de 5 %.

120.
    En outre, il doit être constaté que le gouvernement basque a expliqué, dans les observations qui ont été soumises à la Commission par la représentation permanente de l'Espagne, le 23 janvier 1998, qu'un projet d'investissement qui réunit tous les critères visés à l'article 10, points 1, 2 et 3, du décret Ekimen doit impérativement recevoir une subvention brute de 20 %. Si l'interprétation de l'article 10, point 2, du décret Ekimen avancée par les parties requérantes était correcte, un projet qui remplirait tous les critères de l'article 10, points 1 à 3, devrait recevoir une subvention brute de 25 %, ce qui vient d'être contredit.

121.
    Dès lors que l'article 10, point 2, du décret Ekimen ne permet qu'une majoration de 5 % de la subvention, il y a lieu de conclure que la lecture que la Commission donne de cette disposition, dans la décision du 12 décembre 1996 [«une tranche de 5 % [supplémentaire] pour les projets stratégiques ou générant des emplois» (mise en exergue ajoutée)] et dans la décision attaquée, repose sur une interprétation correcte de cette disposition.

122.
    Par voie de conséquence, le projet d'investissement de Demesa ne pouvait donner droit qu'à une seule tranche d'aide supplémentaire de 5 % au titre de l'article 10, point 2, du décret Ekimen, tel qu'il a été approuvé par la Commission dans la décision du 12 décembre 1996.

123.
    Les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 font encore valoir que la communauté autonome du Pays basque est la seule autorité à pouvoir donner une interprétation authentique à ses propres règlements.

124.
    Cet argument doit être rejeté. En effet, la Commission est seule compétente pour approuver des aides d'État tombant dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Dès lors que les aides d'État sont en principe interdites en vertu de cette disposition, une réglementation nationale comportant des éléments d'aide n'est légale que dans la mesure où les éléments d'aide ont été approuvés par la Commission. Or, il ressort de la décision du 12 décembre 1996 (voir point 113 ci-dessus) que la lecture que la communauté autonome du Pays basque donne de l'article 10, point 2, du décret Ekimen n'est pas couverte par l'autorisation donnée dans cette décision. En outre, il ressort de l'analyse qui a été faite ci-dessus que l'interprétation que la Commission donne au décret Ekimen dans la décision du 12décembre 1996 et dans la décision attaquée est parfaitement compatible avec le texte et l'esprit du décret Ekimen.

125.
    Enfin, les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 relèvent que la Commission a autorisé, en juillet 1999, le nouveau décret Ekimen (décret n° 241/1999, du 8 juin 1999, portant modification du programme Ekimen d'aide financière aux investissements industriels productifs, créateurs d'emplois), qui prévoit que, pour «les projets stratégiques et les projets d'investissement contribuant sensiblement à la création d'emplois et qui, au minimum, créent 50 emplois et réalisent des investissements de 750 millions de ESP, le pourcentage précédent sera dans chaque cas majoré de 5 points».

126.
    Toutefois, cet argument est dépourvu de pertinence pour l'appréciation de la légalité de la décision attaquée dès lors que l'autorisation de la Commission de juillet 1999 est intervenue après l'adoption de la décision attaquée et porte, de plus, sur un nouveau texte législatif (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Alitalia/Commission, T-296/97, Rec. p. II-3871, point 86).

127.
    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a, à juste titre, considéré dans la décision attaquée que la subvention maximale autorisée au titre du régime Ekimen - tel qu'elle l'avait approuvé dans la décision du 12 décembre 1996 - est de 20 % en ESB. Elle a donc correctement qualifié la subvention de cinq points excédant ce plafond, dont a bénéficié Demesa, d'aide nouvelle au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (décision attaquée, point V.2.3, quatorzième alinéa).

128.
    Le grief se rapportant au taux de subvention maximal permis par le programme Ekimen doit donc être rejeté.

Coûts admissibles dans le cadre du programme Ekimen

129.
    Dans la décision attaquée, la Commission constate que, «aux termes de l'article 7 du [décret Ekimen], les immobilisations corporelles cédées à des tiers ne sont pas admissibles au bénéfice de la subvention. Or, d'après l'audit [présenté par le gouvernement basque], une partie des équipements de production acquis par Demesa (pour une valeur de 300 millions de ESP = 1 803 036,31 EUR) a été installée dans des entreprises tierces. Par conséquent, ces équipements ne peuvent pas bénéficier des subventions du programme Ekimen, et leur financement constitue également une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité» (point V.2.3, dernier alinéa).

130.
    Les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 font observer que l'article 7 du décret Ekimen n'interdit pas la subvention d'actifs cédés à des tiers, mais se limite à indiquer qu'«en règle générale [seuls des actifs qui] n'ont pas été cédés à des tiers, avec ou sans contrepartie, [peuvent être subventionnés]». En toutétat de cause, les équipements de production (des moules et des cachets), évalués par la Commission à 300 millions de ESP (1 803 036,31 euros) au point V.2.3, dernier alinéa, de la décision attaquée, auraient été mis en dépôt dans quatre sociétés qui, pour des raisons d'efficacité, auraient été chargées par la requérante de fabriquer une partie du produit final. Cependant, la propriété de ces actifs appartiendrait exclusivement à Demesa et l'utilisation de ces actifs serait exclusivement réservée à Demesa. Ces actifs n'auraient donc pas été «cédés».

131.
    Le Tribunal constate, d'abord, que la décision 12 décembre 1996, approuvant le programme Ekimen (voir ci-dessus point 2), ne contient aucune référence spécifique à l'article 7, sous d), du décret Ekimen.

132.
    Il est constant entre les parties que cette disposition, qui n'exclut pas automatiquement le bénéfice des subventions pour les actifs cédés à des tiers, doit être interprétée en ce sens qu' elle tend à éviter des abus. En effet, l'article 7, sous d), du décret Ekimen vise à empêcher que des aides qui ont été accordées à des entreprises au titre du décret Ekimen soient transférées à des entreprises qui ne satisfont pas aux conditions dudit décret. Un tel risque d'abus peut exister non seulement lorsqu'une entreprise qui a bénéficié d'une subvention au titre du décret Ekimen cède la propriété d'un bien dont le coût d'acquisition a été pris en compte pour déterminer le montant total de l'aide, mais aussi si l'actif en question est mis à la disposition d'une autre entreprise à des conditions avantageuses. En effet, d'un point de vue économique, le régime juridique du transfert n'est pas déterminant pour apprécier si un élément d'aide a été transféré d'une entreprise à l'autre.

133.
    Vu la finalité de l'article 7, sous d), du décret Ekimen, il doit toutefois être considéré que, en l'absence d'un risque d'abus lié au transfert de l'aide en question, les coûts d'acquisition de biens, même s'ils sont ultérieurement «cédés», restent des coûts admissibles au titre du programme d'aides à finalité régionale Ekimen, tel qu'il a été approuvé par la Commission dans la décision du 12 décembre 1996 (voir ci-dessus point 2).

134.
    Il doit donc être examiné si la Commission a démontré à suffisance dans la décision attaquée que, dans le cas d'espèce, le transfert non contesté de certains biens à quatre sociétés comportait un risque d'abus lié au transfert d'éléments d'aide.

135.
    À cet égard, force est de constater que la Commission n'a fait aucune analyse, dans la décision attaquée, afin de savoir si le transfert de certains biens pour lesquels Demesa a bénéficié d'aides au titre du programme Ekimen aurait conféré un avantage aux quatre sociétés concernées qu'elles n'auraient pas obtenu dans des conditions normales du marché (voir, en ce sens, arrêts SFEI e.a., cité au point 72 ci-dessus, point 60, et Espagne/Commission, cité au point 73 ci-dessus, point 41).

136.
    En outre, il doit être constaté que, au cours de la procédure administrative, la Commission n'a jamais examiné ce point. En effet, dans la communication relative à la présente affaire, qui a été publiée au Journal officiel du 25 août 1998 (C 266,p. 6), la Commission n'a même pas suggéré qu'elle avait l'intention de ne pas prendre en considération comme coûts admissibles certains coûts relatifs à des biens qui auraient été cédés à des tiers.

137.
    En l'absence de toute preuve de risque d'abus lié au transfert d'éléments d'aide, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas démontré que les biens «cédés» à des tiers et évalués à 1 803 036,31 euros ne pouvaient pas donner lieu à une subvention au titre du décret Ekimen. Par voie de conséquence, en considérant que la subvention reçue par Demesa pour le financement des biens en question constitue une aide nouvelle non couverte par la décision du 12 décembre 1996, approuvant le décret Ekimen, la Commission a violé l'article 92, paragraphe 1, du traité.

138.
    Il y a donc lieu d'annuler, dans les affaires T-129/99 et T-148/99, l'article 1er, sous c), de la décision attaquée dans la mesure où il exclut les équipements évalués à 1 803 036,31 euros des coûts admissibles au titre du régime d'aides Ekimen. Il y a lieu aussi, dans les mêmes affaires, d'annuler l'article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée dans la mesure où il enjoint au royaume d'Espagne de récupérer auprès de Demesa des aides qu'elle aurait reçues au titre du décret Ekimen pour le financement des biens évalués à 1 803 036,31 euros, qui ont été «cédés» à des tiers.

Sur la quatrième branche, se rapportant au crédit d'impôt visé à l'article 1er, sous d), de la décision attaquée

139.
    À l'article 1er, sous d), de la décision attaquée, la Commission qualifie d'aide d'État «l'octroi d'un crédit d'impôt d'un montant correspondant à 45 % du coût de l'investissement déterminé par la Diputación Foral de Álava dans sa décision (accord) 737/1997 du 21 octobre 1997».

140.
    Dans le cadre de cette branche, les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 se réfèrent d'abord aux droits historiques du Territorio Histórico de Álava en matière fiscale. Elles contestent ensuite la spécificité de la mesure fiscale en cause. Elles prétendent que la sixième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 22/1994, du 20 décembre 1994, dont la Diputación Foral a fait application constitue une mesure fiscale générale qui profite de la même façon à tous les contribuables qui font des investissements de 2,5 milliards de ESP. Les mêmes parties requérantes font encore observer que la mesure fiscale, même si elle devait avoir un caractère spécifique, est justifiée par la nature et l'économie du système fiscal concerné. Enfin, elles soulignent que la mesure fiscale, si elle devait être qualifiée d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, devrait être considérée comme une aide existante.

Sur les droits historiques du Territorio Histórico de Álava en matière fiscale

141.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 font valoir que la Commission a omis de tenir compte, dans son appréciation du crédit d'impôt sous l'angle de l'article 92, paragraphe 1, du traité, des droits historiques du Territorio Histórico de Álava en matière fiscale. Elles rappellent à cet effet que le Territorio Histórico de Álava dispose depuis des centaines d'années d'une autonomie fiscale reconnue et protégée par la constitution de l'État espagnol.

142.
    Le Tribunal relève que le fait que, dans la présente espèce, le crédit d'impôt a été accordé sur la base d'une législation adoptée par le Territorio Histórico de Álava, et non par l'État espagnol, est sans pertinence pour l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. En effet, cette disposition, en mentionnant les aides accordées par «les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit», vise toute aide financée au moyen de ressources publiques. Il s'ensuit que les mesures prises par des entités intra-étatiques (décentralisées, fédérées, régionales ou autres) des États membres, quels que soient le statut juridique et la désignation de celles-ci, tombent, au même titre que les mesures prises par le pouvoir fédéral ou central, dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, si les conditions de cette disposition sont remplies (arrêt de la Cour du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, Rec. p. 4013, point 17).

143.
    Les arguments que les parties requérantes tirent des droits historiques du Territorio Histórico de Álava en matière fiscale ne sont donc pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée.

Sur la spécificité du crédit d'impôt

- Observations liminaires

144.
    Il doit être rappelé que l'article 92, paragraphe 1, du traité exige qu'une mesure, pour qu'elle puisse être qualifiée d'aide d'État, favorise «certaines entreprises ou certaines productions». La spécificité ou la sélectivité d'une mesure constitue donc l'une des caractéristiques de la notion d'aide d'État (arrêt de la Cour du 1er décembre 1998, Ecotrade, C-200/97, Rec. p. I-7907, point 40; arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T-55/99, Rec. p. II-3207, point 39).

145.
    Or, dans la décision attaquée (point V.2.4.1), la Commission explique que le caractère spécifique de la Norma Foral n° 22/1994 instituant un crédit d'impôt de 45 % du montant de l'investissement ressort de quatre éléments, à savoir le pouvoir discrétionnaire dont disposerait la Diputación Foral «pour déterminer quels investissements en immobilisations corporelles, d'un montant supérieur à 2,5 milliards de ESP, pouvaient bénéficier du crédit d'impôt, pour décider à quelle partie des investissements pouvait s'appliquer la réduction de 45 % et pour fixer les délais et les plafonds applicables à chaque cas» (point V.2.4.1, quatorzièmealinéa); le montant minimal d'investissement (2,5 milliards de ESP) qui limiterait de facto l'applicabilité du crédit d'impôt aux grands investisseurs sans que cette limitation soit justifiée par la nature ou l'économie du système fiscal auquel il est dérogé (point V.2.4.1, seizième alinéa); le caractère temporaire du crédit d'impôt qui laisserait «à la discrétion des autorités son octroi à des entreprises déterminées» (point V.2.4.1, dix-septième alinéa) et le «parallélisme total entre [la] mesure [fiscale] et le régime Ekimen, tant du point de vue des objectifs respectifs (le financement des nouveaux investissements) que de la portée géographique (la Communauté autonome dans un cas, la province dans l'autre), régime qui a pourtant été considéré comme une aide régionale par les autorités espagnoles et qui a été notifié en tant que tel» (point V.2.4.1, dix-huitième alinéa).

146.
    Contrairement à ce que prétendent les parties requérantes, la Commission ne s'est donc pas fondée, dans la décision attaquée, sur la constatation que la mesure fiscale en cause ne s'applique qu'à une partie du territoire espagnol, à savoir l'Álava, pour conclure à la sélectivité de la mesure. Les parties requérantes ne sauraient donc prétendre que la décision attaquée met en cause la compétence normative du Territorio Histórico de Álava d'adopter des mesures fiscales de nature générale.

147.
    Il y a lieu d'examiner, à la lumière des arguments invoqués par les parties requérantes, si les éléments sur lesquels la Commission s'est effectivement fondée dans la décision attaquée permettent de conclure que le crédit d'impôt institué par la Norma Foral n° 22/1994 constitue une mesure spécifique favorisant «certaines entreprises ou certaines productions» au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

- Sur le prétendu pouvoir discrétionnaire de la Diputación Foral

148.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 font valoir que la Diputación Foral de Álava ne dispose d'aucun pouvoir discrétionnaire, que ce soit au niveau du choix des entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt, de la modulation de l'intensité de l'avantage ou de la période d'application de la mesure fiscale. La Diputación Foral serait tenue d'appliquer le crédit d'impôt de manière uniforme et automatique, après s'être assurée que l'entreprise bénéficiaire répond aux conditions réglementaires requises. Se référant à une attestation du directeur général des finances de Álava, elles soulignent qu'aucune entreprise remplissant ces conditions réglementaires ne se serait vu refuser le bénéfice de la mesure litigieuse.

149.
    Le Tribunal rappelle que des mesures de portée purement générale ne relèvent pas de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Toutefois, la jurisprudence a déjà précisé que même des interventions qui, à première vue, sont applicables à la généralité des entreprises peuvent présenter une certaine sélectivité et, partant, être considérées comme des mesures destinées à favoriser certaines entreprises oucertaines productions. Tel est le cas, notamment, lorsque l'administration appelée à appliquer la règle générale dispose d'un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'application de l'acte (arrêts de la Cour du 26 septembre 1996, France/Commission, C-241/94, Rec. p. I-4551, points 23 et 24, Ecotrade, cité au point 144 ci-dessus, point 40, et du 17 juin 1999, Piaggio, C-295/97, Rec. p. I-3735, point 39; conclusions de l'avocat général M. La Pergola sous l'arrêt Espagne/Commission, cité au point 73 ci-dessus, Rec. p. I-2461, point 8). Ainsi, dans son arrêt France/Commission, précité (points 23 et 24), la Cour a jugé que le système de participation du fonds français de l'emploi à l'accompagnement des plans sociaux d'entreprises en difficultés était «susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d'autres et de remplir ainsi les conditions d'une aide» au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, puisque le fonds en question «dispos[ait] [en vertu des normes réglementaires relatives à la participation de l'État à l'accompagnement des plans sociaux] d'un pouvoir discrétionnaire qui lui permet[tait] de moduler l'intervention financière en fonction de diverses considérations telles que, notamment, le choix des bénéficiaires, le montant de l'intervention financière et les conditions de l'intervention».

150.
    Or, il doit être constaté que, en vertu des dispositions de la Norma Foral n° 22/1994, la Diputación Foral de Álava dispose d'un certain pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'application du crédit d'impôt. Il ressort, en effet, de la Norma Foral n° 22/1994 (voir ci-dessus point 8) que le crédit d'impôt est égal à 45 % «du montant de l'investissement déterminé par la Diputación Foral de Álava». Or, la Norma Foral n° 22/1994 qui permet à la Diputación Foral de fixer le montant de l'investissement admissible permet, en même temps, à celle-ci de moduler le montant de l'intervention financière. En outre, il doit être constaté que, aux termes de la Norma Foral n° 22/1994, la Diputación Foral est habilitée à fixer les «délais et les restrictions applicables dans chaque cas».

151.
    En octroyant à la Diputación Foral de Álava un pouvoir discrétionnaire, les dispositions de la Norma Foral n° 22/1994 relatives au crédit d'impôt sont susceptibles de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que celle d'autres entreprises. Par voie de conséquence, la mesure fiscale en cause doit être considérée comme remplissant la condition de spécificité.

152.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 ne sauraient tirer argument du fait qu'aucune entreprise remplissant les conditions réglementaires requises ne se serait vu refuser le bénéfice du crédit d'impôt. En effet, une telle affirmation ne démontre pas que toutes les demandes ont été approuvées par la Diputación Foral aux mêmes conditions.

153.
    Les parties requérantes concernées ajoutent encore que le pouvoir discrétionnaire dont disposerait la Diputación Foral de Álava ne peut pas, en tout état de cause, être considéré comme un pouvoir d'adopter des décisions arbitraires. En effet, l'arbitraire des pouvoirs publics serait interdit par l'article 9 de la constitution espagnole.

154.
    Toutefois, comme le souligne la Commission, pour écarter la qualification de mesure générale, il n'est pas nécessaire de vérifier si le comportement de l'administration fiscale revêt un caractère arbitraire. Il suffit d'établir, comme cela a été fait en l'espèce, que ladite administration dispose d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire lui permettant notamment de moduler le montant ou les conditions d'octroi de l'avantage fiscal en question en fonction des caractéristiques des projets d'investissement soumis à son appréciation.

- Sur le montant minimal d'investissement

155.
    Dans la décision attaquée, il est expliqué (point V.2.4.1, seizième alinéa) ce qui suit:

«La Commission estime que le montant minimal d'investissement (2,5 milliards de ESP) permettant de bénéficier dudit crédit d'impôt est suffisamment élevé pour limiter de facto l'applicabilité du crédit aux seuls investissements impliquant la mobilisation de ressources financières importantes, et qu'il n'est pas justifié par la nature ou l'économie du système fiscal auquel il est dérogé. Le fait que seuls des grands investisseurs peuvent avoir accès au crédit d'impôt confère à celui-ci un caractère spécifique, qui conduit à le considérer comme aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.»

156.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 soutiennent que l'exigence d'un investissement minimal de 2,5 milliards de ESP est une condition objective qui ne crée aucune discrimination entre opérateurs ou secteurs économiques. Elles rappellent que, globalement, la pression fiscale au Pays basque est supérieure à celle qui existe dans le reste de l'Espagne. Tous les systèmes fiscaux comporteraient des mesures dont l'octroi ou le respect est subordonné à un critère quantitatif. En outre, la Commission elle-même aurait eu recours à des critères quantitatifs dans plusieurs directives, recommandations ou communications dans le domaine de la fiscalité. Le critère quantitatif serait le moyen le plus objectif pour limiter le champ d'application d'une mesure fiscale donnée. En l'espèce, l'exigence relative au montant de l'investissement n'avantagerait aucune entreprise ni aucun secteur particulier. En outre, la Commission n'aurait pas indiqué le niveau au-dessous duquel une exigence de ce type ne doit pas être considérée comme un élément sélectif. Par ailleurs, si la mesure contestée devait être vue comme conférant un avantage aux grandes entreprises, il y aurait lieu de tenir compte de l'existence de nombreux programmes communautaires d'aide aux petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que des conditions d'application plus souples dont ces dernières bénéficient en ce qui concerne la réglementation sur les aides d'État.

157.
    Le Tribunal constate que, en limitant l'application du crédit d'impôt aux investissements en immobilisations corporelles neuves excédant 2,5 milliards deESP, les autorités basques ont réservé de facto l'avantage fiscal en question aux entreprises disposant de ressources financières importantes. La Commission a donc pu conclure, à juste titre, que le crédit d'impôt prévu dans la Norma Foral n° 22/1994 a pour vocation de s'appliquer de manière sélective à «certaines entreprises» au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

158.
    En admettant même que, globalement, la pression fiscale au Pays basque est supérieure à celle du reste de l'Espagne, il n'en reste pas moins que la Norma Foral n° 22/1994 réserve l'avantage fiscal en cause à certaines entreprises relevant du régime fiscal basque.

159.
    En outre, le fait que les régimes fiscaux comportent souvent des avantages au bénéfice des PME ou que la Commission recourt à des critères quantitatifs dans plusieurs directives, recommandations ou communications ne permet pas non plus de conclure que la Norma Foral n° 22/1994, en instituant un avantage fiscal favorisant les seules entreprises disposant de ressources financières importantes, échapperait à l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Il doit être souligné à cet effet que les mesures sélectives en faveur des PME n'échappent pas non plus à la qualification d'aide d'État (voir l'encadrement communautaire des aides d'État aux PME, JO 1996, C 213, p. 4).

160.
    Il résulte de tout ce qui précède que la Norma Foral n° 22/1994 instituant le crédit d'impôt constitue un avantage en faveur de «certaines entreprises» au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu d'examiner encore si le caractère temporaire de la Norma Foral n° 22/1994 et le prétendu parallélisme entre le crédit d'impôt et le régime Ekimen sont aussi de nature à conférer un caractère spécifique à la mesure examinée.

161.
    À moins que la mesure ne se justifie par la nature ou l'économie du système fiscal - ce qui sera examiné ci-après aux points 162 à 170 -, il y aura donc lieu de conclure que le crédit d'impôt prévu dans la Norma Foral n° 22/1994 constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

Sur la nature ou l'économie du système fiscal

162.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 soutiennent que le crédit d'impôt institué par la Norma Foral n° 22/1994 est justifié par la nature et l'économie du système fiscal, dès lors qu'il répond à des critères objectifs uniformément applicables et qu'il sert à la réalisation de l'objectif poursuivi par les dispositions fiscales qui l'instituent. Ces parties requérantes se réfèrent à cet effet à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (arrêts de la Cour du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, point 27, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75/97, Rec. p. I-3671, point 34; arrêt CETM/Commission, cité au point 144 ci-dessus, point 52) et à la décision 96/369/CE de la Commission,du 13 mars 1996, concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies aériennes allemandes (JO L 146, p. 42).

163.
    Le Tribunal rappelle que, même si la mesure fiscale en cause détermine son champ d'application sur la base de critères objectifs, il n'en reste pas moins qu'elle revêt un caractère sélectif (voir ci-dessus points 144 à 161). Toutefois, comme le font observer les parties requérantes, le caractère sélectif d'une mesure peut, dans certaines conditions, être justifié «par la nature ou l'économie du système». Si tel est le cas, la mesure échappe à l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité (arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 27; arrêts Belgique/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 34, et CETM/Commission, cité au point 144 ci-dessus, point 52).

164.
    Il doit toutefois être souligné que la justification fondée sur la nature ou l'économie du système fiscal renvoie à la cohérence d'une mesure fiscale spécifique avec la logique interne du système fiscal en général (voir, en ce sens, arrêt Belgique/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 39, et conclusions de l'avocat général M. La Pergola sous cet arrêt, Rec. p. I-3675, point 8; voir également conclusions de l'avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l'arrêt de la Cour du 19 mai 1999, Italie/Commission, C-6/97, Rec. p. I-2981, I-2983, point 27). Ainsi, une mesure fiscale spécifique qui est justifiée par la logique interne du système fiscal - telle que la progressivité de l'impôt qui est justifiée par la logique redistributive de celui-ci - échappera à l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

165.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 soutiennent que le crédit d'impôt visé à l'article 1er, sous d), de la décision attaquée participe de la nature et de l'économie du système fiscal espagnol. Le crédit d'impôt serait inspiré par les principes de progressivité et d'efficacité du recouvrement de l'impôt.

166.
    Toutefois, en fixant le montant minimal d'investissement à 2,5 milliards de ESP, le crédit d'impôt institué par la Norma Foral n° 22/1994 favorise uniquement les entreprises disposant de moyens financiers importants. La mesure contrevient ainsi aux principes de progressivité et de redistribution, inhérents au système fiscal espagnol. En outre, les parties requérantes concernées n'ont nullement démontré comment la mesure en question pourrait contribuer à l'efficacité du recouvrement de l'impôt.

167.
    Pour le reste, les parties requérantes se limitent à affirmer que le crédit d'impôt a pour objet de favoriser le développement économique du Pays basque, situé dans l'État membre de l'Union européenne caractérisé par le plus fort taux de chômage. Elles se réfèrent ainsi à des objectifs de politique économique externes au système fiscal concerné.

168.
    Toutefois, s'il devait être considéré que des motifs relatifs à la création ou au maintien d'emploi seraient de nature à faire échapper des mesures spécifiques à l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, cette disposition deviendrait dépourvue d'effet utile. En effet, les aides d'État sont, dans une grande partie des cas, accordées en vue de créer ou de sauvegarder des emplois. Conformément à une jurisprudence constante, il y a donc lieu de constater que l'objectif poursuivi par la mesure en cause ne peut lui permettre d'échapper à la qualification d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (arrêts France/Commission, cité au point 149 ci-dessus, point 20, Belgique/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 25, et CETM/Commission, cité au point 144 ci-dessus, point 53).

169.
    Il s'ensuit que l'argumentation des parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 fondée sur la nature et l'économie du système fiscal espagnol doit être rejetée.

170.
    Il ressort de tout ce qui précède que la Commission a pu considérer à bon droit dans la décision attaquée que le crédit d'impôt correspondant à 45 % du montant de l'investissement constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

Sur le prétendu caractère existant de l'aide en cause

171.
    Les parties requérantes font valoir que, à supposer que le crédit d'impôt prévu par la Norma Foral n° 22/1994 constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, il devrait être qualifié d'aide existante dès lors que l'origine de l'avantage fiscal en cause est antérieure à l'adhésion de l'Espagne à la Communauté européenne. Le crédit d'impôt aurait en effet été institué par la décision des Juntas Generales de Álava du 30 juillet 1984 et aurait depuis lors été prolongé par des Normas Forales successives, à savoir la Norma Foral n° 28/1988, du 18 juillet 1988, la Norma Foral n° 9/1990, du 14 février 1990, la Norma Foral n° 18/1993, du 5 juillet 1993, et la Norma Foral n° 22/1994, du 20 décembre 1994.

172.
    Le Tribunal rappelle que le traité institue des procédures distinctes selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Alors que les aides nouvelles doivent, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent pas être mises à exécution avant que la procédure n'ait abouti à une décision finale, les aides existantes peuvent, conformément à l'article 93, paragraphe 1, du traité, être régulièrement exécutées tant que la Commission n'a pas constaté leur incompatibilité (arrêt de la Cour du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C-387/92, Rec. p. I-877, point 20). Les aides existantes ne peuvent donc faire l'objet, le cas échéant, que d'une décision d'incompatibilité produisant des effets pour l'avenir.

173.
    Selon une jurisprudence bien établie, constituent des aides existantes les aides instituées avant l'entrée en vigueur du traité ou l'adhésion de l'État membreconcerné aux Communautés européennes et celles qui ont été mises régulièrement à exécution dans les conditions prévues par l'article 93, paragraphe 3, du traité (arrêt Piaggio, cité au point 149 ci-dessus, point 48). En revanche, doivent être regardées comme des aides nouvelles soumises à l'obligation de notification prévue par l'article 93, paragraphe 3, du traité les mesures qui tendent à instituer ou à modifier des aides, étant précisé que les modifications peuvent porter soit sur des aides existantes, soit sur des projets initiaux notifiés à la Commission (arrêts de la Cour du 9 octobre 1984, Heineken Brouwerijen, 91/83 et 127/83, Rec. p. 3435, points 17 et 18, et du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C-44/93, Rec. p. I-3829, point 13).

174.
    Or, il n'est pas contesté que l'aide visée par l'article 1er, sous d), de la décision attaquée a été octroyée sur la base d'un instrument juridique adopté à un moment où l'Espagne était déjà un État membre, à savoir la Norma Foral n° 22/1994, du 20 décembre 1994.

175.
    En outre, il doit être souligné que, sur le territoire historique de Álava, les instruments juridiques relatifs au crédit d'impôt sont des lois d'application temporelle limitée. Dès lors, même si, comme le prétendent les parties requérantes, l'avantage fiscal prévu dans la Norma Foral n° 22/1994 ne constituait que la «prolongation» d'une mesure fiscale qui avait déjà été instituée en 1984, il n'en resterait pas moins que, en raison de la modification de la durée de l'aide en cause, celle-ci devrait également être considérée comme une aide nouvelle.

176.
    Il y a donc lieu de conclure que l'aide visée par l'article 1er, sous d), de la décision attaquée constitue une aide nouvelle qui devait être notifiée à la Commission en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité et qui ne pouvait pas être mise à exécution avant que la Commission n'ait pris une décision finale sur la mesure concernée.

177.
    Il résulte de tout ce qui précède que la quatrième branche du présent moyen ne peut pas être accueillie.

Sur la cinquième branche, se rapportant à la réduction de la base d'imposition visée à l'article 1er, sous e), de la décision attaquée

178.
    À l'article 1er, sous e), de la décision attaquée, la Commission constate que «la réduction de la base d'imposition pour les entreprises nouvellement créées prévue à l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996, du 5 juillet 1996», a été mise à exécution par l'Espagne en faveur de Demesa et que cet avantage doit être qualifié d'aide d'État incompatible avec le marché commun.

179.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 font valoir que l'article 1er, sous e), de la décision attaquée est fondé sur une appréciation erronéedes faits. En effet, selon ces parties requérantes, Demesa n'a jamais bénéficié de la réduction de la base d'imposition prévue par l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996.

180.
    La Commission rétorque que la qualification d'élément d'aide de la réduction de la base d'imposition prévu à l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996 ne dépend pas du fait que le destinataire de la mesure en ait effectivement bénéficié ou non, mais de la réunion des critères définis à l'article 92 du traité.

181.
    Selon la Commission, la mise à exécution d'une aide d'État doit s'entendre non comme l'octroi de celle-ci aux bénéficiaires, mais comme l'adoption du mécanisme législatif permettant un tel octroi sans autre formalité. La mesure fiscale visée à l'article 1er, sous e), de la décision attaquée serait donc une aide illégale.

182.
    La circonstance que la requérante n'a pas encore fait usage de son droit à l'abattement fiscal ne pourrait, quelle qu'en soit la raison, occulter le fait qu'elle dispose d'un tel droit depuis le début de ses activités.

183.
    Le Tribunal rappelle que, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, les aides nouvelles doivent être notifiées à la Commission. En vertu de cette même disposition, celles-ci ne peuvent pas être mises à exécution avant que la Commission n'ait pris une décision finale sur leur compatibilité avec le marché commun.

184.
    L'article 93, paragraphe 3, du traité n'opère aucune distinction entre aides individuelles et régimes généraux d'aide.

185.
    Il s'ensuit que, lorsqu'un État membre ou une autorité régionale ou locale d'un État membre met en place un mécanisme législatif et/ou administratif comportant un régime général d'aide, celui-ci doit impérativement être notifié à la Commission.

186.
    Dans un tel contexte, si la décision visée par le présent recours portait, de manière générale, sur le prétendu régime d'aide institué par l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996, la question de savoir si Demesa ou d'autres entreprises ont effectivement bénéficié de l'application de cette disposition serait dépourvue de pertinence pour l'appréciation de la légalité de la décision.

    

187.
    Toutefois, la décision attaquée ne concerne pas, de manière générale, le prétendu régime d'aide institué par l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996. En effet, elle se rapporte uniquement à des aides individuelles qu'aurait reçues Demesa.

188.
    La Commission constate, en effet, dans le dispositif de la décision attaquée, que l'Espagne a «mi[s] à exécution [...] en faveur de [Demesa]» différentes mesures d'aide (article 1er de la décision attaquée), et notamment «la réduction de la base d'imposition pour les entreprises nouvellement créées prévue à l'article 26 de la Norma Foral [n°] 24/1996, du 5 juillet 1996» [article 1er, sous e)]. L'article 2, sousb), de la décision attaquée oblige l'Espagne à prendre toutes les mesures nécessaires pour «retirer les avantages procurés par [la réduction de la base d'imposition] et illégalement mis [...] à la disposition du bénéficiaire».

189.
    La décision attaquée constate donc que la réduction de la base d'imposition prévue par l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996 a été mise à exécution en faveur de Demesa. Cette constatation fait grief aussi bien aux autorités espagnoles qui auraient octroyé une aide individuelle en violation des dispositions du traité qu'à Demesa qui aurait reçu une aide illégale, laquelle est, en outre, visée par l'injonction de récupération adressée à l'Espagne à l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée.

190.
    Or, les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 contestent l'exactitude factuelle de cette constatation.

191.
    Force est de constater que la décision attaquée ne contient aucun élément de nature à démontrer que les autorités de Álava auraient mis à exécution en faveur de Demesa l'avantage prévu à l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996.

192.
    À cet égard, il y a lieu de relever qu'il ressort de l'article 26, paragraphe 5, de la Norma Foral n° 24/1996 (voir ci-dessus point 10) que, pour qu'une entreprise puisse bénéficier de la réduction de la base d'imposition, cette entreprise doit formuler une demande préalable à l'administration fiscale. Cette dernière donnera, en vertu de cette disposition, «le cas échéant son autorisation, ladite autorisation devant être avalisée par la Diputación Foral de Álava».

193.
    Au cours de la procédure administrative, le gouvernement basque a confirmé, dans une lettre qui a été communiquée par la représentation permanente de l'Espagne à la Commission, le 6 mars 1998, que, «si Demesa en faisait la demande, les réductions de la base imposable prévues à l'article 26 de la Norma Foral relative à l'impôt lui seraient applicables conformément à cette disposition» (mise en exergue ajoutée).

194.
    Toutefois, la Commission n'a pas examiné le point de savoir si Demesa avait effectivement fait une demande au sens de l'article 26, paragraphe 5, de la Norma Foral n° 24/1996. Elle n'a pas non plus vérifié si les autorités de Álava avaient accordé l'autorisation prévue par la même disposition.

195.
    En outre, lors de la procédure devant le Tribunal, les parties dans les affaires T-127/99 et T-148/99 ont expliqué, sans avoir été contredites par la Commission sur ce point, que, au moment de l'adoption de la décision attaquée, Demesa ne pouvait plus bénéficier de la réduction de la base d'imposition prévue à l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996. Elles se réfèrent, à cet effet, à l'article 25 du règlement de l'impôt sur les sociétés (Reglamento del Impuesto sobre Sociedades) en vertu duquel une entreprise voulant bénéficier de la réduction de la base d'impositiondoit présenter une demande dans un délai de trois mois, à compter du début de l'activité.

196.
    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a commis une erreur de fait en constatant, dans la décision attaquée, que la réduction de la base d'imposition prévue à l'article 26 de la Norma Foral n° 24/1996 avait été mise à exécution en faveur de Demesa.

197.
    Il s'ensuit que l'article 1er, sous e), de la décision attaquée doit être annulé dans les affaires T-127/99 et T-148/99. Il y a lieu aussi, dans les mêmes affaires, d'annuler l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée dans la mesure où il enjoint au royaume d'Espagne de retirer auprès de Demesa les avantages procurés par la prétendue aide visée par l'article 1er, sous e), de la décision attaquée.

Sur la sixième branche, tirée d'une absence de distorsion de la concurrence et d'effet sur les échanges intracommunautaires ainsi que d'un défaut de motivation sur ces points

198.
    Cette branche a été invoquée dans l'affaire T-148/99 et, sous le couvert d'une violation de l'article 190 du traité, également dans l'affaire T-127/99.

199.
    La partie requérante dans l'affaire T-148/99 fait valoir qu'une mesure qui n'affecte pas la concurrence d'une manière réelle et sensible ne constitue pas une aide d'État interdite par l'article 92, paragraphe 1, du traité. Elle se réfère à cet effet à la jurisprudence de la Cour (arrêts de la Cour du 25 juin 1970, France/Commission, 47/69, Rec. p. 487, point 16, Allemagne/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 18, et du 2 février 1988, Van der Kooy e.a., 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 58), à la communication de la Commission relative aux aides de minimis (JO 1996, C 68, p. 9) et à la publication de la Commission «Explication des règles applicables aux aides d'État, Situation en décembre 1996», Droit de la concurrence dans les Communautés européennes, volume II B. Or, la Commission n'aurait pas suffisamment examiné le point de savoir si les mesures dont a bénéficié Demesa ont entraîné, de manière sensible, une distorsion de concurrence qui a affecté les échanges intracommunautaires au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. La partie requérante dans l'affaire T-127/99 considère que la Commission a omis d'effectuer un examen concret sur les effets des mesures litigieuses sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires.

200.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 font valoir que, sur ces points, la décision attaquée est insuffisamment motivée.

201.
    Le Tribunal rappelle que, en vertu de l'article 92, paragraphe 1, du traité, seules les aides d'État qui «affectent les échanges entre États membres» et qui «faussent ou qui menacent de fausser la concurrence» sont incompatibles avec le marché commun. S'il peut ressortir, dans certains cas, des circonstances mêmes danslesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe à tout le moins à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (arrêt de la Cour du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C-15/98 et C-105/99, Rec. p. I-8855, point 66, et les références citées).

202.
    Au point V.1 de la décision attaquée, la Commission explique pourquoi elle considère que les aides que Demesa a reçues affectent la concurrence et les échanges entre États membres. Elle relève d'abord que, selon le plan d'entreprise de Demesa, cette société produira 600 000 appareils combinés réfrigérateur/congélateur par an (point V.1, premier alinéa). Elle explique que le marché des réfrigérateurs et des congélateurs est saturé en Europe occidentale (décision attaquée, point V.1, quatrième alinéa). Il y aurait une surcapacité de production sur ce marché estimée à quelque 5 000 000 d'unités pour 1997 (point V.1, sixième alinéa). Eu égard au fait que Demesa «disposera, au plus tard en 1999, d'une capacité de production annuelle de 600 000 unités, dont 30 % seront vendues sur le marché espagnol et 70 % sur d'autres marchés (initialement, la France et le Royaume-Uni)» (décision attaquée, point V.1, premier alinéa), et que «les échanges intracommunautaires sont importants», la Commission conclut que «toute mesure d'aide affectera nécessairement les échanges et la concurrence» (décision attaquée, point V.1, dernier alinéa).

203.
    Il s'ensuit que la décision attaquée expose à suffisance les motifs pour lesquels la Commission considère que les mesures contestées faussent ou menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges intracommunautaires. Cette partie de la décision attaquée satisfait donc aux exigences de l'article 190 du traité.

204.
    Quant au bien-fondé de l'appréciation de la Commission selon laquelle les aides dont Demesa a bénéficié faussent ou menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges intracommunautaires au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, il doit être rappelé qu'il ressort de la jurisprudence (arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, points 11 et 12, du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, et Belgique/Commission, cité au point 162 ci-dessus, points 47 et 48; arrêt Vlaams Gewest/Commission, cité au point 50 ci-dessus, points 48 à 50) que tout octroi d'aides à une entreprise qui exerce ses activités sur le marché communautaire est susceptible de causer des distorsions de concurrence et d'affecter les échanges entre États membres.

205.
    Or, il a déjà été constaté que la Commission a pu conclure à juste titre que Demesa a bénéficié de différents éléments d'aide d'État. En outre, il n'a pas été contesté que Demesa envisage, dans son plan d'entreprise, de produire 600 000 appareils combinés réfrigérateur/congélateur par an. Il n'est pas non plus contesté que d'autres producteurs de réfrigérateurs et congélateurs sont actifs sur le marchécommunautaire et que le plan d'entreprise de Demesa prévoit que celle-ci exportera une grande partie de sa production vers d'autres États membres, notamment vers la France et le Royaume-Uni.

206.
    En outre, le plan d'entreprise de Demesa souligne l'existence d'un «marché intérieur avec un excès d'offre».

207.
    Dans ces conditions, la Commission a pu conclure, à juste titre, que les aides octroyées à Demesa «affectent les échanges entre États membres» et «faussent ou menacent de fausser la concurrence» au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

208.
    Même si la Commission a reconnu dans sa publication «Explication des règles applicables aux aides d'État», citée au point 199 ci-dessus, que «l'aide doit avoir un effet sensible sur la concurrence» pour qu'elle tombe sous le coup de l'article 92, paragraphe 1, du traité, il n'en reste pas moins que la Commission, se référant à sa communication relative aux aides de minimis, citée au point 199 ci-dessus, a fixé ce seuil à un niveau d'aide de 100 000 euros, seuil manifestement dépassé en l'espèce (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156/98, Rec. p. I-6857, points 39 à 41).

209.
    Quant à l'argument des parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 selon lequel la concurrence aurait été renforcée avec l'arrivée d'un nouveau producteur de réfrigérateurs/congélateurs sur le marché espagnol, il doit être relevé que l'établissement d'une nouvelle entreprise a toujours un effet sur la structure de la concurrence. Toutefois, en l'espèce, l'octroi par les autorités basques de différentes aides à un nouvel entrant est de nature à fausser le jeu de la concurrence sur le marché en cause.

210.
    Au cours de la procédure écrite, la partie requérante dans l'affaire T-148/99 a expliqué que sa production est principalement destinée à des pays tiers, à savoir l'Afrique du Nord et les pays arabes. Les avantages qui lui auraient été accordés ne seraient donc pas de nature à affecter les échanges et à fausser la concurrence sur le marché communautaire.

211.
    Toutefois, il ressort du plan d'entreprise de Demesa de septembre 1996 qu'il était prévu, à cette époque, que l'entreprise allait exporter 60 à 65 % de sa production, en particulier vers la France et le Royaume-Uni. À l'audience, la partie requérante dans l'affaire T-148/99 a expliqué que les exportations ont évolué autrement que ce qui avait initialement été prévu dans le plan d'entreprise.

212.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que, dans le cadre d'un recours en annulation introduit en vertu de l'article 230 CE, la légalité d'un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'acte a été adopté (arrêt Alitalia/Commission, cité au point 126 ci-dessus, point 86).

213.
    Or, en l'absence de toute intervention de Demesa au cours de la procédure administrative, la Commission a pu raisonnablement se fonder, dans la décision attaquée, sur le plan d'entreprise de Demesa pour apprécier les effets des aides accordées à Demesa sur les échanges entre les États membres et sur la concurrence.

214.
    En tout état de cause, la partie requérante dans l'affaire T-148/99 ne conteste pas qu'une grande partie de sa production est vendue sur le marché espagnol. À l'audience, elle a avancé le chiffre de 50 à 60 %. Or, les importations des réfrigérateurs/congélateurs représentant 30 % du marché espagnol (selon le plan d'entreprise de Demesa), la production de Demesa a nécessairement affecté les chances des entreprises concurrentes établies dans d'autres États membres d'exporter leurs produits vers le marché espagnol. En outre, même si une grande partie de la production de Demesa est destinée à des pays tiers, Demesa se trouve en concurrence directe avec d'autres sociétés établies dans la Communauté en ce qui concerne les exportations vers ces pays tiers.

215.
    Les avantages qui ont été accordés à Demesa sont donc de nature à affecter les échanges et à fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, 62/87 et 72/87, Rec. p. 1573, point 13, du 13 juillet 1988, France/Commission, 102/87, Rec. p. 4067, point 19, et Belgique/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 47).

216.
    La partie requérante dans l'affaire T-148/99 dénonce encore le fait que la Commission a examiné les effets des mesures contestées sur la concurrence en se basant exclusivement sur des informations que lui ont fournies les plaignants au cours de la procédure administrative. Sur la base de ces données, la Commission aurait considéré, à tort, dans la décision attaquée, que le marché espagnol des réfrigérateurs se trouvait dans une situation de surcapacité. Se référant à un rapport de Master Cadena du 1er juillet 1998, la partie requérante dans l'affaire T-148/99 fait valoir que le marché se trouvait en réalité dans une phase d'expansion, faisant immédiatement suite à une crise générale du marché des électroménagers.

217.
    Le Tribunal rappelle que, dans la présente espèce, la Commission a ouvert une enquête après avoir reçu plusieurs plaintes concernant les aides qui avaient été octroyées à Demesa. Dès lors qu'elle a eu des doutes sérieux quant à la compatibilité de ces aides avec le marché commun, la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, dans le but d'obtenir toutes les informations nécessaires pour pouvoir prendre une décision finale dans ce dossier. Demesa, qui n'a pas cru nécessaire de déposer des observations au cours de la procédure administrative, ne saurait reprocher à la Commission de s'être fondée dans la décision attaquée sur des éléments d'information contenus dans lesdites plaintes, éléments qui n'ont pas été contredits par les informationsrecueillies à la suite de sa décision d'ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

218.
    Quant au rapport de Master Cadena, il doit être constaté qu'il contient uniquement des chiffres de vente relatifs à l'Espagne et ne contient pas d'informations sur les capacités de production. En outre, force est de constater que le plan d'entreprise de Demesa mentionne comme «point faible» l'existence d'un «marché intérieur avec un excès d'offre».

219.
    En tout état de cause, même si le rapport de Master Cadena devait démontrer qu'il n'y a pas de surcapacité sur le marché sur lequel opère Demesa - ce qui n'est pas le cas -, cette situation ne serait pas de nature à affecter la conclusion de la Commission selon laquelle les aides dont a bénéficié Demesa affectent les échanges et la concurrence. Il doit être rappelé à cet effet qu'une aide significative, telle que celle de l'espèce, accordée à une entreprise en vue de lui permettre d'entamer la production d'un certain produit dans un État membre a pour conséquence, dans un marché concurrentiel, que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres d'exporter leurs produits vers le marché de cet État membre diminuent. Une telle aide est donc susceptible d'affecter le commerce entre États membres et de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêts Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, cité au point 215 ci-dessus, point 13, du 13 juillet 1988, France/Commission, cité au point 215 ci-dessus, point 19, et Belgique/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 47).

220.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 affirment que Demesa est la seule entreprise à se consacrer exclusivement à la fabrication de réfrigérateurs «no frost». La Commission aurait dû tenir compte de cette circonstance dans la décision attaquée. Les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 soutiennent que le marché des congélateurs est distinct de celui des réfrigérateurs.

221.
    À supposer même que le marché des congélateurs soit distinct de celui des réfrigérateurs et que Demesa se consacre exclusivement à la fabrication des réfrigérateurs «no frost», les parties requérantes n'expliquent pas comment ces faits seraient de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle les aides accordées à Demesa affectent les échanges entre États membres et faussent la concurrence. L'argument doit donc être rejeté.

222.
    La requérante dans l'affaire T-148/99 avance que la Commission a totalement omis l'examen du marché dans une perspective verticale. La Commission n'aurait pas examiné l'effet produit par les mesures contestées sur les fournisseurs et les sous-traitants, ainsi que l'effet desdites mesures sur les consommateurs d'électroménager.

223.
    Toutefois, comme le souligne la Commission, la vérification de la conformité d'une aide d'État au traité ne comporte pas l'appréciation de motifs qui pourraient éventuellement justifier une exemption individuelle d'un accord, d'une pratique oud'une décision anticoncurrentielle, conformément à l'article 85, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 3, CE). Or, dès lors que la Commission a établi à suffisance de droit que les aides accordées à Demesa faussent ou menacent de fausser la concurrence (horizontale) au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et que les aides en question sont de nature à affecter les échanges entre États membres, elles sont, sauf exception, incompatibles avec le marché commun.

224.
    Enfin, les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 font observer que, pour apprécier l'effet des mesures contestées, la Commission aurait dû examiner comment le marché a réagi à l'apparition de Demesa sur celui-ci et non comment le marché fonctionnait précédemment.

225.
    Cet argument doit aussi être rejeté. En effet, si la Commission devait faire, dans sa décision, la démonstration de l'effet réel d'aides déjà accordées, cela aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides en violation du devoir de notification prévu à l'article 93, paragraphe 3, du traité au détriment de ceux qui notifient les aides à l'état de projet (arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 33). La Commission n'est donc pas tenue de faire une appréciation actualisée des effets sur la concurrence et de l'affectation du commerce entre États membres d'aides non notifiées et mises en exécution (arrêts France/Commission, précité, point 33, et Belgique/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 48).

226.
    Il résulte de tout ce qui précède que la dernière branche du premier moyen doit aussi être rejetée.

II - Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

227.
    En premier lieu, s'agissant de la subvention visée à l'article 1 er, sous c), de la décision attaquée, les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 font valoir que la décision du 12 décembre 1996, qui a autorisé le régime général d'aide Ekimen dans les termes dans lesquels il a été notifié à la Commission par les autorités nationales, c'est-à-dire dans les termes du décret publié au Boletin Oficial del País Vasco, représente une garantie particulière de la compatibilité avec le marché commun de toute subvention consentie dans le cadre de ce régime. Les parties requérantes insistent sur le fait que la Commission a approuvé le programme Ekimen très peu de temps avant que Demesa ne se soit installée sur le territoire d'Álava.

228.
    Le Tribunal rappelle que, lorsque la Commission est confrontée à une aide individuelle dont il est soutenu qu'elle a été octroyée en application d'un régime préalablement autorisé, elle ne peut d'emblée examiner cette aide directement parrapport au traité. La Commission doit se borner d'abord, avant l'ouverture de toute procédure, à contrôler si l'aide est couverte par le régime général et satisfait aux conditions fixées dans la décision d'approbation de celui-ci. Si elle ne procédait pas de la sorte, la Commission pourrait, lors de l'examen de chaque aide individuelle, revenir sur sa décision d'approbation du régime d'aides, laquelle présuppose déjà un examen au regard de l'article 92 du traité. Les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique seraient alors mis en péril tant pour les États membres que pour les opérateurs économiques, puisque des aides individuelles rigoureusement conformes à la décision d'approbation du régime d'aides pourraient à tout moment être remises en cause par la Commission (arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Italie/Commission, C-47/91, Rec. p. I-4635, point 24; arrêt du Tribunal du 27 avril 1995, AAC e.a./Commission, T-442/93, Rec. p. II-1329, point 86).

229.
    Toutefois, la Commission a constaté, à juste titre, que l'aide individuelle accordée au titre du programme Ekimen n'était pas entièrement couverte par sa décision du 12 décembre 1996 approuvant ce régime général d'aide (voir ci-dessus point 127). Dans ces conditions, elle a pu considérer, sans violer les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, que la subvention accordée au titre du programme Ekimen constituait une aide nouvelle dans la mesure où elle excédait le plafond fixé dans sa décision d'approbation (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1994, Italie/Commission, cité au point 228 ci-dessus, point 26).

230.
    Les parties requérantes ne sauraient prétendre que la décision du 12 décembre 1996 approuvant le programme Ekimen et la décision attaquée reposent sur une interprétation erronée du décret Ekimen. En effet, la lecture que la Commission donne au décret dans ces deux décisions est compatible avec le texte et l'esprit du décret (voir ci-dessus points 118 à 124).

231.
    Enfin, il doit être constaté que les parties requérantes n'avancent aucun élément de nature à démontrer que la Commission leur ait fourni des assurances précises qui auraient fait naître dans leur chef des espérances fondées quant à la compatibilité avec le marché commun de l'élément d'aide qui n'était pas couvert par la décision du 12 décembre 1996 approuvant le programme Ekimen (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 31 mars 1998, Preussag Stahl/Commission, T-129/96, Rec. p. II-609, point 78).

232.
    Il ressort de tout ce qui précède que le premier argument doit être rejeté.

233.
    En deuxième lieu, s'agissant du crédit d'impôt, les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 expliquent que la Commission a adopté, le 10 mai 1993, la décision 93/337/CEE concernant un système d'aides fiscales à l'investissement au Pays basque (JO L 134, p. 25), et notamment la Norma Foral n° 28/1988, dans laquelle elle a déclaré que certains avantages fiscaux prévus dans cette Norma Foral, notamment un crédit d'impôt pour les investissements réalisés, constituent des aides incompatibles avec le marché commun au motif qu'ellesétaient contraires à l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE). Les dispositions nécessaires pour adapter la législation régionale à la décision 93/337 auraient été arrêtées et la Commission, par lettre du 3 février 1995, aurait officiellement fait connaître aux autorités espagnoles son accord sur la solution adoptée. L'incompatibilité étant éliminée, tant les autorités espagnoles que la Commission elle-même auraient considéré que le problème lié à ces aides d'État était clos. Lesdites parties requérantes prétendent que, pour cette raison, la Commission n'a jamais ouvert de procédures relatives aux aides d'État ni soulevé d'objection contre les normes fiscales similaires, adoptées par la suite. Il s'ensuit, selon lesdites parties requérantes, que la Commission a créé une attente légitime dans le chef de Demesa, ainsi que dans le chef de tout opérateur soumis à la réglementation régionale concernée, selon laquelle les mesures fiscales prises par la Diputación Foral de Álava étaient autorisées par la Commission dans la mesure où elles ne comportent pas de violation de l'article 52 du traité.

234.
    Toutefois, le Tribunal constate que, même si la lettre de la Commission du 3 février 1995 devait être interprétée en ce sens qu'elle constate que la Norma Foral n° 28/1988 était dorénavant compatible avec le marché commun, le crédit d'impôt visé à l'article 1er, sous d), de la décision attaquée n'a pas été institué par cette Norma Foral et n'est donc couvert ni par la décision 93/337, ni par la lettre du 3 février 1995. En effet, le crédit d'impôt de la décision attaquée a été institué par la Norma Foral n° 22/1994. Ce crédit d'impôt constitue donc une aide nouvelle qui aurait dû être notifiée à la Commission, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité (voir, en ce sens, arrêt Namur-Les assurances du crédit, cité au point 173 ci-dessus, point 13).

235.
    Or, il n'est pas contesté que le crédit d'impôt visé par la décision attaquée a été institué sans notification préalable, en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité.

236.
    Ces constatations suffisent pour rejeter le présent argument. En effet, il ressort d'une jurisprudence constante que la reconnaissance d'une confiance légitime présuppose, en principe, que l'aide ait été accordée dans le respect de la procédure prévue à l'article 93 du traité, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. Il est, en effet, considéré qu'un opérateur économique et une autorité régionale diligents doivent, normalement, être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée (arrêt de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 17; arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126/96 et T-127/96, Rec. p. II-3437, point 69).

237.
    À titre surabondant, il doit encore être constaté que les parties requérantes ayant avancé le présent argument donnent une lecture erronée de la décision 93/337. En effet, dans cette décision, la Commission a qualifié les aides en cause d'incompatibles avec le marché commun non seulement parce qu'elles étaient contraires à l'article 52 du traité, mais aussi parce qu'elles ne respectaient pas lesdiverses disciplines des aides, notamment la discipline des aides régionales, la discipline des aides sectorielles, la discipline des aides aux PME et la discipline concernant le cumul des aides (point V de la décision 93/337). Quant à la lettre du 3 février 1995, il doit être constaté que la Commission y prend uniquement acte du fait que le régime fiscal en question ne viole plus l'article 52 du traité sans toutefois se prononcer sur le point de savoir si le régime en question respecte les diverses disciplines d'aides mentionnées dans la décision 93/337.

238.
    Il s'ensuit que la Commission n'a pas pu créer une attente légitime dans le chef des parties requérantes selon laquelle le crédit d'impôt institué par la Norma Foral n° 22/1994 serait considéré comme compatible avec le marché commun même s'il devait s'avérer qu'il était analogue au crédit d'impôt institué par la mesure fiscale faisant l'objet de la décision de la Commission 93/337 et de la lettre de cette dernière du 3 février 1995.

239.
    Le deuxième moyen ne peut donc pas non plus être accueilli.

III - Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 190 du traité

240.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99, T-129/99 et T-148/99 soutiennent que l'appréciation au titre de l'article 92, paragraphe 1, du traité des différentes mesures visées par le dispositif de la décision attaquée est insuffisamment motivée.

241.
    À titre liminaire, il doit être rappelé que la motivation exigée par l'article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il résulte, en outre, de la jurisprudence qu'il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86, et la jurisprudence citée).

242.
    Appliquée à la qualification d'une mesure d'aide, l'exigence de motivation suppose que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité (arrêts du Tribunal Vlaams Gewest/Commission, cité au point 50 ci-dessus, point 64, du 30 avril 1998, Cityflyer Express/Commission, T-16/96, Rec. p. II-757, point 66, et CETM/Commission, cité au point 144 ci-dessus, point 59).

243.
    En premier lieu, les parties requérantes dans les affaires T-129/99 et T-148/99 font observer que la décision attaquée ne fournit pas de définition du marché concernépar l'aide d'État prétendument consentie à Demesa. La décision attaquée n'expliquerait pas si le marché concerné est le marché de l'électroménager en général, des produits blancs, des réfrigérateurs ou un autre marché. La partie requérante dans l'affaire T-148/99 ajoute que la définition du marché concerné est une condition indispensable pour apprécier l'effet qu'une mesure susceptible d'être qualifiée d'aide d'État peut avoir sur la concurrence.

244.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 affirment que Demesa est la seule entreprise à se consacrer exclusivement à la fabrication de réfrigérateurs «no frost». Toutefois, la décision attaquée ne tiendrait pas compte de cette circonstance. Les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 soutiennent que le marché des congélateurs est distinct de celui des réfrigérateurs.

245.
    Le Tribunal constate qu'il ressort des motifs de la décision attaquée (point V.1) que la Commission a défini le marché des réfrigérateurs et congélateurs en Europe comme étant le marché pertinent. Il s'agirait d'un seul marché dès lors que «les ménages ont tendance à remplacer les réfrigérateurs et les congélateurs séparés par des appareils combinés (réfrigérateur/congélateur)» (décision attaquée, point V.1. quatrième alinéa). Le point V.1 de la décision attaquée contient une description détaillée du marché en question et satisfait donc aux exigences de l'article 190 du traité.

246.
    En deuxième lieu, la partie requérante dans l'affaire T-127/99 fait valoir que la Commission énonce, dans la décision attaquée, les éléments qui l'ont amenée à considérer comme sélectives les mesures fiscales visées à l'article 1er, sous d) et e). La décision attaquée ne préciserait pas si l'ensemble des éléments mis en avant à propos, respectivement, du mécanisme du crédit d'impôt et de la réduction de la base imposable contribue à conférer à ces mesures un caractère sélectif ou si un seul de ces éléments suffit à emporter la qualification d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

247.
    Cet argument doit aussi être rejeté. Il ressort, en effet, de la décision attaquée (point V.2.4.1, douzième à dix-huitième alinéa, et point V.2.4.2, seizième et dix-septième alinéas) que l'existence d'un élément caractérisant la sélectivité de la mesure suffit à écarter la qualification de mesure générale.

248.
    En troisième lieu, les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 soutiennent que les affirmations de la Commission, selon lesquelles les mesures fiscales litigieuses ne sont pas justifiées par la nature ou par l'économie du système, ne sont pas suffisamment motivées. La Commission n'aurait en effet procédé à aucun examen de cette question.

249.
    À cet égard, le Tribunal constate que, au point V.2.4.2, dix-septième alinéa, de la décision attaquée, la Commission explique que, dès lors qu'une mesure fiscale sélective poursuit un objectif de politique industrielle, cette mesure ne peut pasêtre considérée comme étant conforme à la nature ou à l'économie du système fiscal en question. Les motifs de la décision ont donc permis aux parties requérantes de comprendre pourquoi la Commission considérait que les mesures fiscales visées par la décision attaquée n'étaient pas justifiées par la nature ou par l'économie du système fiscal en cause.

250.
    En outre, comme le souligne la Commission, une justification tirée de la nature ou de l'économie du système fiscal en cause constitue une exception au principe d'interdiction des aides d'État et doit, par conséquent, être comprise de manière stricte. Dès lors que les autorités espagnoles n'ont soulevé aucun argument relatif à la conformité des mesures litigieuses avec les principes régissant le système fiscal concerné au cours de la procédure administrative, la Commission n'était même pas tenue de motiver sa décision sur ce point (voir, en ce sens, conclusions de l'avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l'arrêt du 19 mai 1999, Italie/Commission, citées au point 164 ci-dessus, point 27).

251.
    Ce dernier argument doit donc aussi être rejeté.

252.
    Il ressort de tout ce qui précède que le troisième moyen ne peut pas non plus être accueilli.

IV - Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense

253.
    La partie requérante dans l'affaire T-148/99 fait observer que, même si une procédure en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité n'est pas une procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, il n'en reste pas moins qu'elle peut entraîner des conséquences économiques préjudiciables pour les entreprises bénéficiaires des aides en question. Se référant à la jurisprudence (arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, et du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885; arrêts du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission, T-450/93, Rec. p. II-1177, et du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997), elle soutient que la Commission devait lui notifier l'ouverture de la procédure en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité et que la Commission devait lui impartir un délai au cours de cette procédure pour faire connaître en temps utile son point de vue sur la réalité des faits retenus et des circonstances invoquées, ainsi que sur les documents retenus par la Commission pour fonder et appuyer ses arguments quant à une violation du droit communautaire. Elle estime aussi qu'une audition spéciale aurait dû lui être accordée.

254.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que la procédure administrative en matière d'aide d'État est seulement ouverte à l'encontre de l'État membre concerné. Dans le cas d'espèce, l'Espagne est le destinataire de la décision attaquée et il n'est pas contesté que ses droits de la défense ont été respectés au cours de la procédure administrative.

255.
    Le bénéficiaire de l'aide, tel que la partie requérante dans l'affaire T-148/99, est considéré comme un «intéressé» au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité dans une procédure administrative en matière d'aide d'État. Or, les «intéressés» ne sont pas titulaires du droit invoqué dans le cadre du présent moyen. En effet, les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l'encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d'être associés à la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, points 60 et 61). À cet égard, ils disposent, en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité, du droit de soumettre des observations durant la phase d'examen visée par cette disposition.

256.
    Or, il est constant que la Commission a invité les «intéressés» à déposer des observations à propos des mesures visées par la décision attaquée par deux communications qui ont été publiées au Journal officiel (voir ci-dessus points 25 et 27).

257.
    Même si la partie requérante dans l'affaire T-148/99 n'a pas réagi à ces communications, il doit être constaté qu'elle a été invitée, comme toute autre partie intéressée, à déposer des observations dans le cadre de la procédure administrative. Les droits procéduraux que la partie requérante dans l'affaire T-148/99 tire de l'article 93, paragraphe 2, du traité ont donc été respectés.

258.
    Les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 invoquent une violation de leurs droits de la défense liée au fait que la Commission, au cours de la procédure administrative, n'aurait fait aucune référence à l'éventuel non-respect de l'article 7, sous d), du décret Ekimen.

259.
    Il doit être rappelé que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les équipements qui avaient été cédés à des tiers par Demesa ne pouvaient pas, en vertu de l'article 7, sous d), du décret Ekimen, bénéficier de subventions au titre de ce décret (décision attaquée, point V.2.3, dernier alinéa).

260.
    Comme il a déjà été constaté que l'article 1er, sous c), de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il exclut ces équipements des coûts admissibles au titre du régime d'aides Ekimen (voir ci-dessus point 138), cet argument est dépourvu d'objet.

261.
    Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième moyen n'est pas fondé.

V - Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation de l'article 92, paragraphe 3, du traité

262.
    En premier lieu, les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 soutiennent que la Commission a, à tort, refusé de considérer les éléments visés à l'article 1er, sous a) à c), de la décision attaquée comme des aides régionales au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Elles soulignent à cet effet que l'intensité maximale de l'aide admise au Pays basque est de 25 % en ESN (décision attaquée, point II.3, troisième alinéa). La subvention de 25 % en ESB accordée à Demesa correspondrait à une intensité de 18,76 % en ESN (décision attaquée, point II.4, sixième alinéa). Dans ces conditions, la subvention de 20 % en ESB, admise par la Commission dans le cadre du programme Ekimen, correspondrait à une subvention de 15 % en ESN, de sorte que l'octroi d'une subvention supplémentaire de 10 % en ESN aurait dû être autorisée conformément à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.

263.
    Force est de constater que la Commission reconnaît, dans la décision attaquée, que «Vitoria Gasteiz est située dans une région admise à bénéficier d'aides régionales au titre de [l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité]. L'intensité d'aide maximale au Pays basque est de 25 % en [ESN] (35 % dans le cas des [PME])» (décision attaquée, p. 20, deuxième alinéa).

264.
    Toutefois, le plafond de 25 % en ESN fixé par la Commission pour le Pays basque implique uniquement que la Commission sera amenée à prendre une décision favorable concernant les aides régionales basques, tombant dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) ou c), du traité, qui respectent ce plafond. Il ne signifie pas pour autant que toute aide individuelle octroyée dans le Pays basque qui reste sous ce plafond soit automatiquement compatible avec le marché commun.

265.
    Il doit être relevé que le seul régime d'aide régional approuvé par la Commission dont a bénéficié Demesa dans la présente espèce est le régime d'aide institué par le décret Ekimen. Toutefois, une partie de la subvention accordée au titre de ce décret à Demesa «revêt le caractère d'une aide nouvelle, étant donné qu'elle n'est pas couverte par le régime préalablement approuvé» (décision attaquée, point V.2.3, quatorzième alinéa). Les autres aides visées par la décision attaquée ne sont couvertes par aucun régime général d'aide régional approuvé par la Commission.

266.
    Dans ces conditions, il doit être considéré que la Commission a pu constater, à juste titre, dans la décision attaquée (page 20, troisième et quatrième alinéas) que les aides dont elle a dû examiner la compatibilité avec le marché commun revêtent un caractère ad hoc.

267.
    Une aide ad hoc ne saurait toutefois exclure une qualification de cette aide d'aide régionale au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a) ou c), du traité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278/92 à C-280/92, Rec. p. I-4103, point 49).

268.
    À cet égard, il doit être constaté que les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 ne prétendent pas que l'aide octroyée à Demesa aurait dû bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité. Selon ces parties requérantes, la Commission aurait refusé à tort de considérer les aides en question comme des aides régionales tombant dans le champ de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.

269.
    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les aides octroyées à Demesa ne peuvent pas être considérées comme des aides régionales réunissant les conditions prévues à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité pour différentes raisons. Elle a d'abord constaté une surcapacité de production au niveau communautaire sur le marché des réfrigérateurs/congélateurs, qui a donné lieu à des restructurations qui ont, à leur tour, donné lieu à des réductions de capacité ou à des transferts de production accompagnés de fortes pertes d'emplois à l'intérieur de la Communauté. Les aides octroyées à Demesa contribueraient ainsi à une détérioration de la situation (décision attaquée, p. 20, cinquième alinéa). Dans ce contexte économique, la Commission estime que les aides en cause ne déboucheront pas sur une création nette d'emplois au niveau communautaire, espagnol et même à l'intérieur du Pays basque et ne procureront pas non plus d'autres bénéfices économiques (décision attaquée, p. 20, sixième alinéa). La Commission ajoute que «[l]e fait qu'une certaine évolution favorable de la demande ait été constatée sur le marché communautaire durant l'année 1998 n'altère en rien le fait que ce secteur continue à s'adapter à la surcapacité de production de la Communauté en procédant à des suppressions d'emplois extrêmement importantes» (décision attaquée, p. 20, sixième alinéa). Elle se réfère à la suppression par le groupe MCC, établi au Pays basque, de 120 emplois liés à la fabrication de réfrigérateurs en raison de la mauvaise conjoncture (décision attaquée, p. 20, sixième alinéa).

270.
    Les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 contestent toutefois l'analyse que la Commission a faite sur ce point dans la décision attaquée et sur laquelle sa conclusion déclarant l'incompatibilité des aides a été fondée. D'une part, l'analyse du secteur espagnol de l'électroménager exposée dans le rapport de Master Cadena, leader de la distribution dans ce secteur en Espagne, montrerait que le marché des biens de consommation durables se serait accru de 5 % en 1997 par rapport à 1996. Le marché des produits blancs aurait ainsi augmenté de 5,1 % et celui des réfrigérateurs/congélateurs de 3,8 %. L'arrivée de Demesa sur le marché espagnol aurait donc pu être absorbée sans difficulté. D'autre part, une série de données adressées à la Commission relatives au secteur des réfrigérateurs ferait apparaître que, à l'exception de l'Allemagne et de l'Autriche, le marché européen a enregistré, entre 1996 et 1997, une croissance importante de l'ordre de 10 % environ dans la majorité des pays européens, voire plus aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Espagne et en Norvège. La croissance moyenne annuelle du marché des réfrigérateurs serait de 1,7 %. Le marché serait en forte expansion en Scandinavieet en Europe de l'Est. La production de réfrigérateurs aurait augmenté de 10 % en Espagne entre 1995 et 1997.

271.
    Ces informations concorderaient avec les données fournies par Eurostat et confirmeraient que la production de réfrigérateurs combinés a considérablement augmenté en Espagne. En outre, selon les prévisions de la revue «Consumer Europe», les ventes unitaires de réfrigérateurs auraient augmenté de 10 % entre 1996 et 2001.

272.
    Sur la base de ces différents éléments, les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 concluent que l'investissement de Demesa est bénéfique pour le Pays basque, confronté à de graves problèmes structurels d'emploi et de compétitivité de ses entreprises, et que les avantages accordés à cette société n'affectent pas les échanges intracommunautaires dans une mesure contraire à l'intérêt commun au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Les aides accordées à Demesa devraient dès lors être déclarées compatibles avec le marché commun, conformément à cette disposition.

273.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que le contrôle juridictionnel d'une décision concernant la compatibilité d'une aide avec le marché commun, supposant une appréciation économique complexe, doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l'auteur de la décision (arrêt du 29 février 1996, Belgique/Commission, cité au point 241 ci-dessus, point 11; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380/94, Rec. p. II-2169, point 56).

274.
    Il doit être constaté que la Commission a fondé les affirmations reproduites au point 269 ci-dessus sur des documents qui ont tous été identifiés dans la décision attaquée (point V.1). Les parties requérantes ne prétendent pas que la Commission aurait dénaturé le contenu de ces documents.

275.
    En outre, il doit être constaté qu'aucun élément apporté par les parties requérantes dans l'affaire T-129/99 ne contredit l'allégation de la Commission selon laquelle le marché des réfrigérateurs/congélateurs dans la Communauté est caractérisé par une surcapacité de production. D'une part, il doit être rappelé que la surcapacité du marché est confirmée par le plan d'entreprise de Demesa (voir ci-dessus point 218). D'autre part, une constatation selon laquelle les ventes sur le marché ont connu une croissance n'implique pas nécessairement l'élimination des surcapacités en Europe. La Commission constate même dans la décision attaquée que le «fait qu'une certaine évolution favorable de la demande ait été constatée sur le marché communautaire durant l'année 1998 n'altère en rien le fait que ce secteur continue à s'adapter à la surcapacité de production de la Communauté en procédant à dessuppressions d'emplois extrêmement importantes» (décision attaquée, p. 20, sixième alinéa).

276.
    Lesdites parties requérantes ne contestent pas l'existence des suppressions d'emplois que le secteur en question subit.

277.
    Il y a donc lieu de conclure que les affirmations des parties requérantes dans l'affaire T-129/99 ne démontrent nullement que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que des aides importantes octroyées à Demesa à l'occasion de l'installation de nouvelles capacités de production sur le marché des réfrigérateurs/congélateurs seraient incompatibles avec le marché commun.

278.
    Le cinquième moyen n'est donc pas non plus fondé.

Sur la demande tendant à la production de documents relatifs à l'adoption de la décision attaquée

279.
    Les parties requérantes dans les affaires T-127/99 et T-148/99 demandent qu'il soit ordonné à la Commission de produire ses documents internes relatifs à l'adoption de la décision attaquée. Dans l'affaire T-129/99, les parties requérantes demandent la communication de l'intégralité du dossier administratif se rapportant à la décision attaquée.

280.
    Force est toutefois de constater que les parties requérantes n'avancent aucun indice de nature à établir que les pièces dont la communication est demandée seraient utiles à leur argumentation ou au contrôle de la légalité de la décision attaquée.

281.
    Dans ces conditions, les demandes tendant à la production de documents doivent être rejetées (voir, en ce sens, arrêt Cityflyer Express/Commission, cité au point 242 ci-dessus, points 102 à 106).

Sur les dépens

282.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Les parties requérantes et la Commission ayant partiellement succombé en leurs conclusions, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

283.
    Conformément à l'article 87, paragraphe 4, dernier alinéa, du règlement de procédure, il y a lieu de décider que les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Dans l'affaire T-129/99, le recours est irrecevable pour autant qu'il vise à obtenir l'annulation de l'article 1er, sous d) et e), de la décision 1999/718/CE de la Commission, du 24 février 1999, concernant l'aide d'État mise à exécution par l'Espagne en faveur de Daewoo Electronics Manufacturing España SA (Demesa), et de l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la même décision.

2)    Dans les affaires T-129/99 et T-148/99, l'article 1er, sous a), de la décision 1999/718 est annulé.

3)    Dans les affaires T-129/99 et T-148/99, l'article 1er, sous b), de la décision 1999/718 est annulé.

4)    Dans les affaires T-129/99 et T-148/99, l'article 1er, sous c), de la décision 1999/718 est annulé dans la mesure où il exclut les équipements évalués à 1 803 036,31 euros des coûts admissibles couverts par le régime d'aides Ekimen.

5)    Dans les affaires T-127/99 et T-148/99, l'article 1er, sous e), de la décision 1999/718 est annulé.

6)    Dans les affaires T-129/99 et T-148/99, l'article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 1999/718 est annulé dans la mesure où il se réfère à l'article 1er, sous a) et b), de la même décision et dans la mesure où il enjoint au royaume d'Espagne de récupérer auprès de Demesa les aides portant sur la partie annulée de l'article 1er, sous c), de la même décision.

7)    Dans les affaires T-127/99 et T-148/99, l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 1999/718 est annulé dans la mesure où il se réfère à l'article 1er, sous e), de la même décision.

8)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

9)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Azizi

Lenaerts
Tiili

            Moura Ramos                    Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mars 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger


1: Langue de procédure: l'espagnol.