Language of document : ECLI:EU:T:2002:62

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

7 mars 2002 (1)

«Recours en annulation - Concurrence - Plainte - Lettre de la Commission adressée au plaignant - Acte préparatoire - Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-95/99,

Satellimages TV 5 SA, établie à Paris (France), représentée par Me E. Marissens, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par

République française, représentée initialement par Mme K. Rispal-Bellanger, puis par MM. G. de Bergues et F. Million, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Doherty et K. Wiedner, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Deutsche Telekom AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes F. Roitzsch et K. Quack, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation de la prétendue décision de la Commission du 15 février 1999 relative à une plainte de la requérante fondée sur l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE) (IV/36.968 - Satellimages TV 5/Deutsche Telekom),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. R. M. Moura Ramos, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 11 décembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du recours

1.
    La requérante est une entreprise de télédiffusion d'intérêt public, dont les actionnaires sont des entreprises publiques de télédiffusion de langue française, de France, de Belgique, de Suisse et du Canada.

2.
    Par lettre du 18 mars 1998, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission, lui demandant de constater que, en exigeant de la part des entreprises de télédiffusion une redevance en vue de la transmission de leurs émissions sur le réseau câblé dont elle est propriétaire, Deutsche Telekom AG (ci-après «Deutsche Telekom») a abusé de sa position dominante sur le marché de la câblodistribution, violant de ce fait l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE). La requérante faisait valoir, en substance, que le principe même de l'imposition de redevances à la charge des entreprises de télédiffusion constituait, en soi, une violation de l'article 86 du traité CE, indépendamment du niveau précis de tarification.

3.
    Dans ce contexte, la requérante a également demandé à la Commission d'adopter des mesures provisoires exigeant la suspension des hausses tarifaires imposées par Deutsche Telekom dans le domaine de la câblodistribution.

4.
    Parallèlement, la requérante a déposé, le 15 juin 1998, une plainte auprès de l'instance allemande de réglementation des télécommunications et de la poste, la Regulierungsbehörde für Telekommunikation und Post relative au niveau des hausses tarifaires imposées par Deutsche Telekom dans le domaine de la câblodistribution.

5.
    Dans ses observations du 24 avril 1998 sur la demande de mesures provisoires, Deutsche Telekom s'est référée à un rapport provisoire établi par la Commission le 22 octobre 1993 dans le cadre de l'affaire IV/34.463 - VPRT/DPB Telekom, relative à la plainte déposée en septembre 1990 par l'association professionnelle VPRT regroupant des entreprises de télédiffusion commerciales exerçant leurs activités en Allemagne (ci-après, le «rapport VPRT»). Dans cette affaire, la VPRT dénonçait, en substance, la méthode de perception de redevances de Deutsche Telekom, méthode qui, selon la VPRT, comportait une discrimination entre les entreprises de télédiffusion utilisant des services de satellites privés et celles ayant recours à des services de satellites publics. Dans ce rapport, la Commission a proposé, après avoir réalisé une analyse technique et commerciale du marché de la câblodistribution, un certain nombre de mesures devant permettre à Deutsche Telekom d'obtenir un financement complémentaire de ses activités de câblodistribution, en sus des revenus issus des redevances payées par les ménages dont le foyer est câblé.

6.
    Le rapport VPRT précise, notamment, à ce sujet:

«III. Mesures proposées

Les solutions de rechanges proposées ci-après en ce qui concerne la politique des prix actuelle sont destinées à indiquer à [Deutsche] Telekom les critères qui devraient être utilisés aux fins de l'orientation de la future politique d'établissement des prix.

[...]

2. Options

La tentative de présenter certaines solutions de rechange pouvant remplacer la structure actuelle des prix n'entend pas préjuger de la position de la Commission en ce qui concerne toute solution éventuelle à imposer à [Deutsche] Telekom et doit être considérée comme une base de discussion.

[Les différentes options sont:]

(1) Répercussion des coûts sur les téléspectateurs

[...]

(2) Partage des coûts entre les réalisateurs de programmes

[...]

(3) Répartition des coûts entre les réalisateurs de programmes par le système des satellites

[...]

(4) Accords relatifs au coût avec les exploitants de satellite

[...]

IV.    Dernières observations

Compte tenu des observations ci-après, aucune communication des griefs ne sera adressée pour le moment à [Deutsche] Telekom et seules des propositions de réforme lui seront présentées. C'est là une démarche considérée comme suffisante pour les raisons ci-après:

1.    [Deutsche] Telekom a montré au cours de pourparlers officieux qu'elle était disposée à modifier sa politique de fixation des prix si la Commission estimait que c'était là une politique incompatible avec les règles de la concurrence.

2.    Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, il existe de nombreuses solutions en ce qui concerne une procédure d'établissement des prix compatible avec l'article 86 et toutes aussi acceptables pour la Commission.»

7.
    La requérante a obtenu une copie du rapport VPRT par lettre de la Commission du 17 juin 1998.

8.
    Dans ses observations écrites relatives à la plainte du 18 mars 1998, Deutsche Telekom s'est notamment employée à démontrer l'absence de rentabilité de ses activités de câblodistribution. Elle y a fait également valoir que la plainte de la requérante devait être examinée à la lumière de l'affaire VPRT/DPB Telekom.

9.
    Par lettre du 7 juillet 1998, la requérante a retiré sa demande de mesures provisoires déposée devant la Commission.

10.
    La requérante a soumis de nouvelles observations écrites à la Commission, relatives à sa plainte du 18 mars 1998, le 9 juillet 1998.

11.
    La requérante affirme avoir eu, à la suite de sa plainte et de ses observations écrites, des contacts officieux avec des représentants de l'unité compétente de la Commission. Au cours de ces contacts, ceux-ci lui auraient déclaré que leur position à propos de sa plainte n'allait pas différer de celle que la Commission avait déjà exprimée dans le rapport VPRT. Ces représentants n'auraient trouvé aucune raison justifiant que les câblodistributeurs ne prélèvent pas de redevances auprès des entreprises de télédiffusion par satellite dont ils retransmettent par câble les signaux aux foyers câblés.

12.
    C'est dans ces circonstances, et à la suite des demandes répétées de la requérante visant à obtenir une prise de position par écrit des services de la Commission, que le directeur en charge du dossier a fait parvenir à la requérante la lettre du 15 février 1999 qui fait l'objet du présent recours (ci-après l'«acte litigieux»).

13.
    L'acte litigieux est ainsi formulé:

«J'ai l'honneur de me référer à la plainte du 18 mars 1998 de votre client, aux termes de laquelle la politique d'établissement des prix de Deutsche Telekom à l'égard des entreprises de télédiffusion par satellite, telles que votre client, en ce qui concerne l'accès aux services de câblodistribution est abusive et incompatible avec l'article 86 du traité CE. De manière générale, la partie plaignante s'en prend à deux aspects distincts de la politique d'établissement des prix de Deutsche Telekom à savoir: (1) le fait qu'en ce qui concerne son réseau de câblodistribution, Deutsche Telekom applique un système de prélèvement double, en demandant une rémunération aux entreprises de télédiffusion telles que Satellimages/TV 5, ainsi qu'au consommateur final, c'est-à-dire les ménages câblés; (2) le niveau de la redevance de transmission exigée par Deutsche Telekom des entreprises de télédiffusion, et notamment leur augmentation. Vous faites valoir que le comportement de Deutsche Telekom est abusif à ces deux égards.

Mes collaborateurs, Mme Schiff et M. Haag, vous ont signalé au cours de divers entretiens téléphoniques que, selon nos observations préliminaires, le système de prélèvement double utilisé par Deutsche Telekom ne constitue pas, en soi, une exploitation abusive d'une position dominante. Tant les téléspectateurs des émissions transmises par les câblodistributeurs, que les entreprises d'émission parsatellite, telles que votre client, dont les programmes sont transmis par satellite par le réseau câblé aux fins de leur distribution finale aux téléspectateurs, bénéficient d'un service susceptible d'être rémunéré: les ménages câblés paient notamment le service de transmission des signaux de télévision par le réseau câblé à leur domicile où ils peuvent être reçus, alors que les entreprises de télédiffusion rémunèrent l'accès de leurs signaux au réseau câblé de Deutsche Telekom et leur transmission par le réseau câblé aux domiciles des téléspectateurs câblés. Notre appréciation préliminaire est que vous n'avez fait valoir aucun argument qui nous amènerait à considérer que l'article 86 pourrait être invoqué contre cet aspect de la politique d'établissement des prix de Deutsche Telekom.

En ce qui concerne le niveau de la redevance de transmission exigée par Deutsche Telekom de votre client, je crois comprendre que vous cherchez actuellement à obtenir une décision de l'autorité nationale allemande de réglementation du secteur des télécommunications. Selon moi, c'est là un aspect de la plainte qui devrait effectivement être réglé par l'autorité nationale compétente.

Je tiens à souligner que les observations exposées ci-dessus sont provisoires et fondées sur les éléments d'information dont mon service dispose actuellement. Elles ne constituent aucunement une position définitive de la Commission européenne et peuvent faire l'objet de toute observation complémentaire que vous ou votre client pourriez souhaiter présenter [...]

John Temple Lang,

Directeur»

Procédure et conclusions des parties

    

14.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 1999, la requérante a introduit le présent recours.

15.
    Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le 8 juin 1999, la Commission a, en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, soulevé une exception d'irrecevabilité.

16.
    Par ordonnances du 22 novembre et du 8 décembre 1999, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis, respectivement, l'intervention de la République française au soutien des conclusions de la requérante et celle de Deutsche Telekom au soutien des conclusions de la Commission.

17.
    Par ordonnance du 13 mars 2000, le Tribunal a joint l'exception d'irrecevabilité au fond de l'affaire.

18.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à certaines questions au cours de l'audience.

19.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 11 décembre 2001.

20.
    La requérante et la République française concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable et fondé;

-     par conséquent, annuler l'acte litigieux;

-    déclarer, au titre de l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE), que la Commission est tenue d'arrêter toutes les mesures nécessaires afin de se conformer à l'arrêt rendu;

-    condamner la Commission aux dépens, en ce compris les dépens causés par le dépôt de l'exception d'irrecevabilité.

21.
    La Commission et Deutsche Telekom concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     déclarer le recours irrecevable ou non fondé;

-     condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

22.
    La Commission soutient, tout d'abord, que l'acte litigieux ne constitue pas un acte attaquable, en ce qu'il n'a pas le caractère d'un acte final au sens de l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, Rec. p. 2639, point 10), et de l'arrêt du Tribunal 10 juillet 1990, Automec/Commission (T-64/89, Rec. p. II-367, points 45 à 47).

23.
    La Commission conteste également avoir préjugé des questions propres au cas d'espèce par l'adoption du rapport VPRT. Elle conteste, d'ailleurs, que le rapport VPRT puisse transformer en décision de rejet de plainte l'acte litigieux dont les termes indiquent clairement sa nature purement préparatoire. À cet égard, la Commission soutient que, dans la mesure où le recours est fondé sur l'effet combiné du rapport VPRT et de l'acte litigieux, le recours demeure irrecevable. En effet, le rapport VPRT ne constituerait pas, lui non plus, un acte attaquable; il s'agirait d'un document interne non contraignant, utilisé comme base de discussion en vue d'arriver à un compromis avec les parties impliquées dans une affaire qui soulevait des questions juridiques distinctes.

24.
    De plus, à suivre le raisonnement de la requérante selon lequel l'acte litigieux ne ferait que confirmer le rapport VPRT, le recours aurait dû être formé dans les deux mois à compter de la réception de ce rapport. Dès lors que la requéranteaurait attendu environ dix mois à compter de la réception du rapport VPRT avant de former le recours, celui-ci serait introduit hors délai et la requérante ne pourrait attaquer en justice l'acte litigieux qui, par hypothèse, n'aurait qu'un caractère confirmatif.

25.
    Deutsche Telekom soutient la position de la Commission.

26.
    La requérante, soutenue en cela par le gouvernement français, rappelle, tout d'abord, qu'il ne ressort nullement de l'arrêt Automec/Commission, précité, que la Commission ne peut arrêter de décision susceptibles d'un contrôle judiciaire qu'après avoir dûment respecté les trois étapes procédurales décrites dans cet arrêt. À l'appui de sa thèse, la requérante et le gouvernement français soutiennent, en substance, que l'on ne saurait subordonner le contrôle judiciaire à l'accomplissement de formalités que la Commission est toujours susceptible d'ignorer. Plus particulièrement, ainsi que l'avocat général M. Tesauro l'aurait relevé au point 12 de ses conclusions sous l'arrêt de la Cour du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission (C-282/95, Rec. p. I-1503, I-1505), la Commission ne peut tirer profit de sa propre violation de l'article 6 du règlement (CE) n° 2842/98, du 22 décembre 1998, relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (JO L 354, p. 18).

27.
    La requérante, soutenue par la République française, relève, ensuite, qu'en vertu d'une jurisprudence constante il ne doit être tenu compte que de la substance et non de la forme d'un acte en vue de vérifier si celui-ci affecte la situation juridique de la partie requérante. À cet égard, la requérante invoque trois circonstances propres au cas d'espèce, en vue de démontrer que la substance de l'acte litigieux constitue une décision rejetant sa plainte de façon définitive.

28.
    Elle fait valoir, premièrement, que l'acte litigieux prend position, sans la moindre réserve, sur le fait que la distribution par câble comprend deux services distincts, l'un destiné aux foyers câblés, l'autre aux entreprises de télédiffusion. La prémisse qui postule l'existence de deux services dans la câblodistribution ne serait pas présentée par la Commission comme ayant un caractère préliminaire, mais comme un postulat objectif et définitif sur la base duquel elle fonde une conclusion préliminaire selon laquelle l'exigence d'une rétribution par les entreprises de télédiffusion n'est pas, en tant que telle, abusive. Le constat de l'existence d'un service rendu par Deutsche Telekom entraînerait automatiquement la possibilité que le prestataire soit rétribué pour ce service rendu.

29.
    Deuxièmement, selon la requérante, l'acte litigieux prend position sur la définition de la distribution par câble de façon abstraite, de sorte qu'aucune observation complémentaire de la requérante sur les circonstances de l'espèce ne pouvait amener la Commission à adopter un point de vue différent par rapport à l'attitude que cette dernière a adoptée dans le cadre de l'affaire VPRT/DPB Telekom. Par ailleurs, la requérante indique que la Commission n'aurait jamais donné cette définition générale et abstraite si elle n'avait pas été définitive.

30.
    Troisièmement, la requérante estime que, dès lors que le principe de l'imposition d'une redevance aux entreprises de télédiffusion par satellite a été explicitement proposé par la Commission dans le rapport VPRT, il est inimaginable que la Commission puisse arriver à une position contraire dans la présente affaire sans engager la responsabilité de la Communauté. L'écoulement du temps depuis l'adoption du rapport VPRT serait sans pertinence à cet égard.

31.
    La requérante et la République française concluent dès lors que, compte tenu du contexte dans lequel l'acte litigieux a été adopté, celui-ci constitue, dans sa substance, une décision de rejet de plainte. Par conséquent, conformément à la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission, T-37/92, Rec. p. II-285, point 34), la Commission ne devrait pas être autorisée à se dissimuler derrière des formules de style afin d'éviter le contrôle du Tribunal, voire simplement afin de prolonger artificiellement l'instruction de la plainte, alors que la décision de rejet a, en réalité, déjà été arrêtée et qu'il est impossible d'en modifier le contenu.

Appréciation du Tribunal

32.
    Pour apprécier la recevabilité du présent recours, il convient de rappeler, tout d'abord, que, selon une jurisprudence constante, seules les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, constituent des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE). Lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, il résulte de cette même jurisprudence que, en principe, ne constituent un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale (arrêt IBM/Commission, précité, points 9 et 10).

33.
    Il y a lieu, dès lors, de vérifier s'il résulte de l'acte litigieux que la Commission a définitivement fixé sa position vis-à-vis de la plainte que lui a soumise la requérante.

34.
    À cet égard, il convient de relever que, dans l'acte litigieux, la Commission énonce clairement que les appréciations qui y sont portées sont de nature provisoire. La conclusion de l'acte litigieux ne saurait être formulée de façon plus nette à cet égard, puisqu'elle précise ce qui suit: «[L]es observations exposées ci-dessus sont provisoires et fondées sur les éléments d'information dont [la Commission] dispose actuellement. Elles ne constituent aucunement une position définitive de la Commission européenne et peuvent faire l'objet de toute observation complémentaire que vous ou votre client pourriez souhaiter présenter.» Contrairement à ce que la requérante affirme, rien ne permet de considérer quecette conclusion ne concerne pas l'ensemble des appréciations formulées par la Commission dans cet acte.

35.
    Ce passage de l'acte litigieux ne saurait être considéré comme une clause de style sans rapport avec la teneur de l'acte litigieux, comme l'affirment la requérante et la République française en se référant à l'arrêt BEUC et NCC/Commission, précité. En effet, concernant l'objet central de la plainte, le caractère provisoire des appréciations exprimées par les services de la Commission est souligné à plusieurs reprises, notamment en ce qu'il est précisé, dans l'acte litigieux, ce qui suit: «[S]elon nos observations préliminaires, le système de prélèvement double utilisé par Deutsche Telekom ne constitue pas, en soi, une exploitation abusive d'une position dominante [...] notre appréciation préliminaire est que [la requérante n'a] fait valoir aucun argument qui nous amènerait à considérer que l'article 86 pourrait être invoqué contre cet aspect de la politique d'établissement des prix de Deutsche Telekom.»

36.
    En outre, comme la Commission l'a fait valoir à juste titre, il ne résulte nullement de l'acte litigieux que la plainte est rejetée ou classée.

37.
    Enfin, la Commission a fait clairement apparaître que ses observations pouvaient faire l'objet d'observations complémentaires de la part de la requérante.

38.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l'acte litigieux doit s'analyser comme étant une prise de position préparatoire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 juin 1994, SFEI e.a./Commission, 39/93 P, Rec. p. I-2681, point 30).

39.
    L'existence du rapport VPRT ne saurait remettre en cause cette conclusion. En effet, sans qu'il soit nécessaire de déterminer si le rapport VPRT comporte une décision définitive de la Commission dans le cadre de l'affaire VPRT/DPB Telekom, il y a lieu d'observer que l'existence de ce rapport ne saurait conférer à l'acte litigieux la nature de position définitive de la Commission vis-à-vis de la plainte déposée par la requérante. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, dans le cadre d'une éventuelle décision définitive d'application de l'article 86 du traité CE aux faits faisant l'objet de la plainte de la requérante, la Commission est tenue de procéder à une nouvelle analyse des conditions de concurrence qui ne sera pas nécessairement fondée sur les mêmes considérations que celles ayant été à la base du rapport VPRT (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca-Cola/Commission, T-125/97 et T-127/97, Rec. p. II-1733, point 82).

40.
    Il résulte des motifs exposés ci-dessus que, dans l'acte litigieux, la Commission ne fixe pas de façon définitive sa position quant à la plainte déposée par la requérante. L'acte litigieux vise, notamment, à donner à la requérante la possibilité de développer ses allégations à la lumière de la première réaction des services de la Commission exprimée dans cet acte. La circonstance que, comme elle l'a exposé à l'audience, la requérante considère avoir exposé tous ses arguments dans sesécrits adressés à la Commission, préalablement à l'envoi par celle-ci de l'acte litigieux, n'est pas de nature à modifier cette appréciation. En effet, cette circonstance n'est pas susceptible de conférer à l'acte litigieux un caractère provisoire moindre que celui que la Commission lui a donné.

41.
    L'acte litigieux ne constituant pas une mesure qui fixe définitivement la position de la Commission, il ne produit pas d'effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante et, partant, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité CE. Dès lors, le présent recours doit être rejeté comme irrecevable sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres arguments relatifs à la recevabilité. Dans ces circonstances, il s'ensuit que le litige au fond tel que débattu par les parties ne saurait être examiné.

Sur les dépens

42.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de la Commission.

43.
    Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République française supportera ses propres dépens. De même, il apparaît équitable, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner que Deutsche Telekom supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)    La partie requérante est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission.

3)    Chaque partie intervenante supportera ses propres dépens.

Moura Ramos                Pirrung                

Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mars 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: l'anglais.