Language of document : ECLI:EU:T:2022:720

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

23 novembre 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Personnel d’Europol – Retrait du Royaume-Uni de l’Union – Perte de la nationalité d’un État membre – Résiliation du contrat – Article 47, sous b), iii), du RAA – Demande de dérogation à la condition d’engagement prévue à l’article 12, paragraphe 2, sous a), du RAA – Refus d’accorder une dérogation – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Durée de la procédure administrative – Délai raisonnable – Confiance légitime – Égalité de traitement – Intérêt du service – Devoir de sollicitude – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑72/21,

Ian James Bowden, demeurant à La Haye (Pays-Bas),

Janey Young, demeurant à La Haye,

représentés par Me N. de Montigny, avocate,

parties requérantes,

contre

Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), représentée par M. A. Nunzi, Mmes O. Sajin et C. Falmagne, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

Composé, lors des délibérations, de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger, Mmes N. Półtorak (rapporteure), O. Porchia et M. Stancu, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 29 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 270 TFUE, les requérants, M. Ian James Bowden et Mme Janey Young, demandent l’annulation des décisions de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), du 30 mars 2020, par lesquelles celle-ci a refusé de leur octroyer une dérogation à la condition de nationalité prévue à l’article 12, paragraphe 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») et a, par conséquent, mis fin à leur contrat respectif sur le fondement de l’article 47, sous b), iii), du RAA (ci-après les « décisions attaquées »).

 Antécédents du litige

2        Au terme du référendum qui s’est déroulé le 23 juin 2016 au Royaume-Uni, une majorité des électeurs s’est prononcée en faveur de la sortie de cet État membre de l’Union européenne. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a, le 29 mars 2017, notifié au Conseil européen son intention de se retirer de l’Union en application de l’article 50 TUE. Le 31 janvier 2020, la sortie du Royaume-Uni de l’Union est devenue effective et la période de transition a commencé à courir à cette même date pour prendre fin le 31 décembre 2020. L’accord de retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord de retrait ») est entré en vigueur le 1er février 2020.

3        À la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union, les ressortissants du Royaume-Uni engagés, en tant qu’agents, au sein d’une institution, d’un organisme ou d’un organe de l’Union ont cessé de répondre à la condition selon laquelle ils doivent être ressortissants de l’un des États membres de l’Union, sauf dérogation accordée par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »). En effet, l’article 12 du RAA, intitulé « Conditions d’engagement », dispose à son paragraphe 2, sous a), que « [n]ul ne peut être engagé comme agent temporaire […] [s]’il n’est ressortissant d’un des États membres de l’Union, sauf dérogation accordée par l’[AHCC] », laquelle, comme toute dérogation, doit être interprétée de manière restrictive. En outre, selon l’article 47, sous b), iii), du RAA, « l’engagement de l’agent temporaire prend fin : […] b) pour les contrats à durée déterminée : […] iii) dans le cas où l’agent cesse de répondre aux conditions fixées à l’article 12, paragraphe 2, sous a), et sous réserve de l’application de la dérogation prévue à ladite disposition ».

4        Par ailleurs, l’accord sur le retrait ne contient aucune stipulation consacrée au maintien en fonction des fonctionnaires et des agents de l’Union ayant la nationalité du Royaume-Uni.

5        Les requérants qui ont la nationalité du Royaume-Uni ont été engagés par Europol en tant qu’agents temporaires sous contrat, conformément à l’article 2, sous f), du RAA. Plus particulièrement, les contrats de M. Bowden et de Mme Young ont été conclus pour une période de cinq années débutant respectivement le 16 février et le 1er mars 2018, avec possibilité de renouvellement, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et de Conseil, du 11 mai 2016, relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI (JO 2016, L 135, p. 53). M. Bowden a entrepris des démarches en vue de l’obtention de la nationalité néerlandaise.

6        Le 11 juin 2018, les membres du personnel du Royaume-Uni au sein d’Europol ont été conviés à une réunion, organisée par cette agence, afin de faire le point sur la situation relative au Brexit. Une présentation écrite, sous format de diapositives PowerPoint, reprenant les principales informations fournies, leur a été communiquée le 13 juin 2018.

7        Le 31 octobre 2018, la directrice exécutive d’Europol (ci-après la « directrice exécutive »), en tant qu’AHCC, a informé les agents concernés de la volonté d’Europol d’établir une procédure spécifique pour évaluer chaque cas individuel en fonction d’une série de critères objectifs et de l’intérêt du service, afin de décider de l’octroi éventuel d’une dérogation à la condition de nationalité, prévue à l’article 47, sous b), iii), du RAA.

8        Le 20 décembre 2018, la directrice exécutive a adressé un courrier aux membres du personnel d’Europol ayant la nationalité du Royaume-Uni en expliquant la procédure et les critères applicables.

9        Afin de déterminer l’intérêt du service qui guiderait les évaluations, les quatre critères suivants ont été établis (ci-après les « critères d’évaluation ») :

–        l’impact sur l’organisation en cas de départ de l’agent concerné ;

–        les besoins du service ;

–        le niveau de performance ;

–        l’implication dans la prise de décision stratégique.

10      Respectivement le 29 et le 30 janvier 2019, M. Bowden et Mme Young ont reçu un courriel du service des ressources humaines d’Europol comportant un formulaire d’évaluation à compléter par le membre du personnel. Sur ce formulaire, leurs supérieurs hiérarchiques ainsi que le directeur exécutif adjoint ont indiqué leurs observations, au point 2, et les requérants étaient invités à remplir le point 3 avec leurs commentaires personnels.

11      Dans ces formulaires, les supérieurs hiérarchiques des requérants ont souligné le besoin pour le service du maintien en fonction des requérants, l’impact de leur départ sur la continuité du travail ainsi que leur haut niveau de performance, en précisant que les requérants n’étaient pas impliqués dans la prise de décision stratégique. Ils ont également exprimé leur souhait que la dérogation à la condition de nationalité leur soit octroyée.

12      Respectivement le 30 janvier et le 4 février 2019, les requérants ont transmis leurs commentaires sur ces évaluations, en soulignant leur implication dans le travail d’Europol et leur volonté de continuer à faire partie du personnel de l’agence.

13      Compte tenu du report de l’entrée en vigueur du Brexit, le 10 septembre 2019, le service des ressources humaines d’Europol a indiqué aux supérieurs hiérarchiques des requérants qu’ils étaient appelés à confirmer leurs évaluations, ce qu’ils ont fait dans les deux cas. Les requérants ont présenté leurs commentaires à cet égard.

14      Par les décisions attaquées, la directrice exécutive a considéré qu’il n’était pas dans l’intérêt du service d’octroyer aux requérants une dérogation à la condition de nationalité prévue à l’article 12, paragraphe 2, sous a), du RAA.

15      Le 3 avril 2020, les requérants ont chacun eu une conversation téléphonique avec le directeur exécutif adjoint d’Europol, qui les a informés du contenu des décisions attaquées les concernant, avant que la notification formelle intervienne. Par courriel du 5 avril 2020, M. Bowden a demandé au directeur exécutif adjoint de confirmer l’objet de leur conversation téléphonique, ce qui a été effectué par réponse du 6 avril 2020.

16      Le 14 avril 2020, M. Bowden a pris connaissance de la décision attaquée le concernant tandis que Mme Young a pris connaissance de celle la concernant le 29 avril 2020. Ces décisions identiques en ce qui concerne leur motivation rappellent, tout d’abord, le contenu de l’article 12, paragraphe 2, sous a) et de l’article 47, sous b), iii), du RAA, puis que l’accord Brexit prévoit une période de transition, ensuite, que la situation particulière des requérants a fait l’objet d’une appréciation individuelle en janvier et en septembre 2019, sur laquelle les requérants ont pu fournir des commentaires à deux reprises et présenter toute autre information qu’ils jugeaient pertinente dans le cadre de cette évaluation. Enfin, les décisions attaquées informent les requérants du fait que, premièrement, en raison du poste qu’ils occupaient, qui était lié à un domaine politiquement sensible, tel que celui de la politique de sécurité et de défense commune, et à la lumière de la mission d’Europol, la directrice exécutive estimait qu’une approche restrictive quant à l’octroi de la dérogation visée à l’article 47, sous b), iii), du RAA était nécessaire ; deuxièmement, que la perte des compétences et de l’expérience des requérants dans leur domaine d’expertise ne nuirait pas à la continuité opérationnelle de l’activité et n’irait donc pas à l’encontre de l’intérêt de l’organisation ; troisièmement, que l’emploi des requérants au sein d’Europol prendrait fin à l’issue de la période de préavis mentionnée dans le contrat de travail, commençant à courir le jour suivant la fin de la période de transition visée par l’accord de retrait et, quatrièmement, que si cette période était prolongée, lesdites décisions seraient retirées et remplacées.

17      Chacun des requérants a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), le 3 juillet 2020 dans le cas de Mme Young et le 13 juillet 2020 pour M. Bowden.

18      Par courriel du 6 octobre 2020, M. Bowden a été informé, par son supérieur hiérarchique, de la transmission par ce dernier d’une note de service, le 29 septembre 2020, adressée à la directrice exécutive, visant à reconsidérer l’octroi de la dérogation à la condition de nationalité en faveur du requérant.

19      Par décisions du 3 novembre 2020 du comité des réclamations du conseil d’administration d’Europol, les réclamations présentées par les requérants ont été rejetées (ci-après les « décisions de rejet des réclamations »). À la suite de la réception de la décision de rejet de sa réclamation, du 4 novembre au 10 décembre 2020, M. Bowden a échangé plusieurs courriels relatifs à la possibilité de bénéficier de l’octroi d’une dérogation à la condition de nationalité avec le directeur exécutif adjoint d’Europol et avec son supérieur hiérarchique.

 Conclusions des parties

20      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner Europol aux dépens.

21      Europol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

22      Au soutien de leurs recours, les requérants invoquent six moyens, tirés, le premier, de la violation des délais des procédures et de l’absence de base légale ainsi que d’une erreur dans l’évaluation de l’intérêt du service du fait de l’absence de critères clairs, le deuxième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et de l’obligation de motivation, le troisième, de la violation du devoir de sollicitude, le quatrième, de la violation du droit d’être entendu, le cinquième, de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination et, le sixième, d’une erreur manifeste d’appréciation.

23      Il convient de relever d’emblée que le premier moyen se divise en deux griefs tirés, le premier, d’une violation de l’article 47, sous b), iii), du RAA et du principe de bonne administration en raison des délais de procédure et, le second, de l’absence, d’une part, de base juridique pour l’adoption des critères d’évaluation et, d’autre part, de critères clairs afin d’évaluer l’intérêt du service pour l’octroi d’une dérogation à la condition de nationalité. Le deuxième moyen se divise également en deux griefs, tirés respectivement d’une violation du principe de confiance légitime et d’un défaut de motivation.

24      Il y a lieu d’examiner, tout d’abord et ensemble, le second grief du premier moyen, en ce qui concerne l’erreur d’évaluation de l’intérêt du service en raison de l’absence de critères clairs, et le second grief du deuxième moyen, tiré du défaut de motivation. Il conviendra d’examiner ensuite le quatrième moyen, relatif à la prétendue violation du droit d’être entendu et, enfin, de manière séparée, les moyens et griefs restants.

25      Il convient de constater que, par les décisions de rejet des réclamations, l’AHCC a complété la motivation des décisions attaquées, notamment en répondant aux griefs que les requérants avaient avancés dans la réclamation. Ainsi, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans les décisions de rejet des réclamations doit également être prise en considération pour l’examen de la légalité de l’acte initial faisant grief, à savoir les décisions attaquées (voir arrêt du 16 juin 2021, RA/Cour des comptes, T‑867/19, non publié, EU:T:2021:361, point 15 et jurisprudence citée).

26      Par conséquent, le présent recours doit être considéré comme étant dirigé contre les décisions attaquées, telles que complétées par les décisions de rejet des réclamations.

 Sur le second grief du premier moyen et le second grief du deuxième moyen, tirés du défaut de motivation et de l’absence de critères clairs afin d’évaluer l’intérêt du service

27      En premier lieu, les requérants estiment que les critères qui ont été pris en considération dans les décisions attaquées ne leur ont pas été indiqués ni expliqués. Les requérants avancent que, bien que les décisions attaquées indiquent l’absence d’impact sur la continuité des affaires et sur l’organisation du service, l’AHCC a pris en compte des considérations ou des critères additionnels, sans que les requérants en aient été avertis. Un accent aurait été notamment mis sur l’appréciation restrictive de ces critères en raison du fait que le poste des requérants était « sensible ».

28      À cet égard, les décisions attaquées n’expliqueraient pas pourquoi les requérants occupaient des postes dits « sensibles » ni pourquoi la nature de ces postes justifiait une approche restrictive de la procédure de dérogation. Ainsi, les décisions attaquées seraient fondées sur des critères relatifs à leur fonction et non sur une appréciation circonstanciée de leurs compétences, de sorte que l’analyse du formulaire d’évaluation et la procédure entamée en 2019 n’auraient eu aucun intérêt.

29      La notion de « poste sensible », rattachée au risque de violation du devoir de loyauté et de neutralité de l’agent, n’aurait pas été expliquée. Il ressortirait également des décisions attaquées que, dès lors que les requérants étaient « remplaçables » sur leur poste, une dérogation ne pouvait pas être octroyée. Or, ce critère de personne « remplaçable » n’aurait pas été indiqué parmi les quatre critères d’évaluation, qui se référaient à « l’impact sur l’organisation en cas de départ de l’agent concerné » et au « besoin du service ».

30      Les requérants ajoutent que les quatre critères communiqués constituent une liste de concepts assez généraux et difficilement appréciables. Europol n’aurait pas expliqué aux requérants en quoi ils n’auraient pas rempli ces critères. Selon les requérants, la seule explication plausible quant au refus d’octroyer la dérogation serait la durée de leurs contrats.

31      En deuxième lieu, l’administration n’aurait pas transmis de précisions quant à la manière dont les critères d’évaluation seraient appréciés, elle n’aurait pas expliqué aux requérants ce qui serait pris en compte dans le cadre de l’évaluation de l’intérêt du service, ni si ces critères étaient cumulatifs, ni même mentionné l’existence de critères additionnels, tels que la durée de leur contrat et l’existence d’un possible renouvellement.

32      À cet égard, les requérants font valoir que, dans les formulaires d’évaluation, apparaît la possibilité d’octroyer une dérogation limitée dans le temps, ce qui aurait été exclu à la suite des échanges entre les agences de l’Union et la Commission européenne relatifs à cette possibilité, invoqués par Europol dans le mémoire en défense. Ainsi, dans la réplique, les requérants allèguent que la position d’Europol à cet égard a évolué au cours de la procédure, mais qu’aucune information ne leur a été fournie. Ils demandent ainsi la production des documents qui sont relatifs à ces échanges.

33      Les requérants allèguent également que l’AHCC n’a pas accepté de s’entretenir avec eux directement. Concernant la possibilité de communiquer une seconde fois des commentaires en septembre 2019, les requérants précisent n’avoir reçu aucune information de l’administration quant à ce qu’il convenait de faire au-delà de confirmer l’actualité des explications déjà fournies.

34      En outre, les requérants font valoir que les décisions attaquées se fondent sur une appréciation arbitraire des critères d’évaluation faite par la directrice exécutive, laquelle ne tient pas compte des appréciations formulées par leurs supérieures hiérarchiques. Ces derniers auraient mis en exergue l’intérêt du service au maintien en fonction des requérants.

35      De plus, les requérants estiment que l’interprétation restrictive des critères d’évaluation est contraire à l’esprit de la procédure de dérogation ainsi qu’aux recommandations de la Commission.

36      En troisième lieu, le refus de leur octroyer ladite dérogation n’aurait pas été motivé de manière suffisante. À cet égard, les requérants rappellent la jurisprudence en matière de promotion, notamment l’arrêt du 8 juillet 2020, EP/Commission (T‑605/19, non publié, EU:T:2020:326, point 66), selon lequel, si l’AHCC s’écarte d’une proposition de promotion, elle doit être d’autant plus rigoureuse dans la motivation. Ils contestent, en outre, avoir eu connaissance du contexte des décisions attaquées, lesquelles étaient standardisées et auraient pris en compte la durée de leur contrat, les agents dans le cadre de leur premier contrat n’ayant pas bénéficié de la dérogation.

37      En outre, les décisions attaquées seraient similaires en tous points, ne comportant aucune motivation qui singularise les requérants, ce qui irait à l’encontre d’une jurisprudence constante selon laquelle une motivation générale et stéréotypée équivaut à une absence totale de motivation. En particulier, les requérants se réfèrent à l’arrêt du 23 novembre 2017, PF/Commission (T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, point 34).

38      Europol conteste l’argumentation des requérants.

39      Il y a lieu d’examiner si la motivation des décisions attaquées est suffisante.

40      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

41      En outre, si la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, elle doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est, en outre, pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte est suffisante doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 118 et jurisprudence citée).

42      Il s’ensuit qu’une motivation ne doit pas être exhaustive, mais, au contraire, doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 119 et jurisprudence citée).

43      Cependant, le devoir de sollicitude se traduit par l’obligation, pour l’autorité compétente, d’indiquer, dans la motivation de la décision, les raisons l’ayant conduite à faire prévaloir l’intérêt du service (voir arrêt du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 63 et jurisprudence citée ; arrêts du 7 mai 2019, WP/EUIPO, T‑407/18, non publié, EU:T:2019:290, point 60, et du 15 décembre 2021, HB/BEI, T‑689/20, non publié, EU:T:2021:891, point 70).

44      En outre, il est de jurisprudence constante qu’une décision d’une institution ou d’un organisme de l’Union communiquée à l’ensemble du personnel et visant à garantir aux fonctionnaires et aux agents concernés un traitement identique, dans un domaine dans lequel ladite institution ou ledit organisme dispose d’un large pouvoir d’appréciation conféré par le statut, constitue une directive interne et doit, en tant que telle, être considérée comme une règle de conduite indicative que l’administration s’impose à elle-même et dont elle ne peut s’écarter sans préciser les raisons qui l’y ont amenée, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 47  et jurisprudence citée).

45      Il convient de rappeler d’emblée que les requérants ont été engagés par Europol en février et en mars 2018, pour une durée de cinq ans, à une époque où le Brexit était acquis compte tenu des résultats du référendum du 23 juin 2016 et du fait que le Royaume-Uni avait notifié, le 29 mars 2017, au Conseil européen son intention se retirer de l’Union. En outre, le 31 janvier 2020, la sortie du Royaume-Uni de l’Union est devenue effective et la période de transition a commencé à courir pour prendre fin le 31 décembre 2020. L’accord de retrait, qui est entré en vigueur le 1er février 2020, ne prévoit pas de disposition spécifique quant au sort des ressortissants du Royaume-Uni au service de l’Union. Or, les requérants ne pouvaient pas ignorer ce contexte factuel, ni au moment où ils ont signé leurs contrats d’engagement avec Europol, ni lorsqu’ils ont rempli, début 2019, les formulaires d’évaluation, ni au moment où les décisions attaquées ont été prises en mars 2020.

46      En l’espèce, il convient de relever que, par courriel du 20 décembre 2018, environ neuf mois après l’engagement des requérants, la directrice exécutive a communiqué à l’ensemble des membres du personnel d’Europol ayant la nationalité du Royaume-Uni les critères d’évaluation qui, ainsi qu’il ressort du point 7 ci-dessus, ont été établis afin d’évaluer s’il était dans l’intérêt du service de déroger à la condition de nationalité. Par les courriels des 29 et 30 janvier 2019, adressés aux requérants et à leurs supérieurs hiérarchiques par le service des ressources humaines d’Europol, un formulaire d’évaluation reprenant lesdits critères a également été transmis (voir point 8 ci-dessus).

47      En premier lieu, il convient de constater que, dans les décisions attaquées, la directrice exécutive s’est exprimée par rapport à chacun des critères d’évaluation. À cet égard, elle a reconnu la valeur de la contribution des requérants au sein d’Europol en raison de leur niveau satisfaisant de performances ainsi que le besoin du service pour des fonctions et des tâches comparables à celles des requérants, qui ne prévoyaient pas l’implication dans les décisions stratégiques. Toutefois, la directrice exécutive a considéré que le critère concernant l’impact sur l’organisation en cas de départ du membre du personnel concerné n’était pas rempli, compte tenu de l’intérêt du service d’Europol considéré dans son ensemble. Elle a indiqué qu’elle s’était fondée sur la considération selon laquelle la perte des compétences et de l’expérience des requérants ne portait pas atteinte à la continuité opérationnelle au sein d’Europol et, dès lors, n’allait pas contre l’intérêt du service.

48      En outre, dans les décisions attaquées, la directrice exécutive, premièrement, a expliqué que, à la lumière du mandat d’Europol, en prenant en considération le fait que les fonctions et les tâches des requérants, attachées aux postes classés comme étant restreints qu’ils occupaient, étaient directement liées au domaine politiquement sensible de la politique de sécurité et de défense commune, il y avait lieu d’adopter une approche restrictive quant à la possibilité d’autoriser une dérogation à la condition de nationalité.

49      Deuxièmement, elle s’est référée à la procédure mise en place au sein d’Europol et a affirmé avoir tenu compte de toutes les informations disponibles, y compris les évaluations des supérieurs hiérarchiques des requérants et les commentaires personnels de ces derniers. Lors de l’audience, Europol a précisé que la directrice exécutive avait spécifiquement pris en considération toutes les informations qui étaient présentes dans les formulaires d’évaluation, telles que le poste occupé par les requérants, les tâches dont ils étaient chargés et la durée de leurs contrats ainsi que les commentaires inscrits par les requérants au point 3 des formulaires d’évaluation.

50      Troisièmement, il ressort des décisions attaquées que, dans leurs commentaires, les requérants pouvaient indiquer toute information pertinente par rapport aux critères d’évaluation et leur intérêt personnel à bénéficier de l’octroi d’une dérogation à la condition de nationalité. Ainsi que l’a expliqué Europol dans les décisions de rejet des réclamations, les formulaires d’évaluation, au point 3 relatif aux commentaires des requérants, contiennent des informations détaillées concernant leurs intérêts personnels à continuer à travailler pour Europol et qui ont été prises en compte par la directrice exécutive.

51      S’agissant de l’obligation, pour l’autorité compétente, d’indiquer les raisons l’ayant conduite à faire prévaloir l’intérêt du service, découlant de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus, il peut être déduit des décisions attaquées que la directrice exécutive a considéré que, dans la mesure où la continuité opérationnelle au sein d’Europol n’était pas affectée par le départ des requérants, l’intérêt du service n’exigeait pas l’octroi d’une dérogation à la condition de nationalité. Ainsi, les décisions attaquées contiennent l’indication selon laquelle, en substance, la poursuite de l’intérêt du service d’Europol pouvait être assurée alors même que ces décisions allaient affecter défavorablement l’intérêt personnel des requérants. Cela a été également confirmé dans les décisions de rejet des réclamations, dans lesquelles il a été précisé que la directrice exécutive était arrivée à une telle conclusion à la lumière de l’intérêt d’Europol en tant qu’organisation dans son ensemble et malgré les opinions exprimées par les supérieurs hiérarchiques des requérants quant à l’intérêt interne du département au maintien en fonction des requérants. Lors de l’audience, Europol a ajouté que la référence aux commentaires des requérants montrait que les éléments d’ordre personnel avaient été pris en considération par la directrice exécutive et mis en balance avec l’intérêt du service.

52      Ainsi, force est de constater que, dans la motivation des décisions attaquées, la directrice exécutive a exposé, succinctement, mais de manière suffisamment claire et précise, les raisons pour lesquelles elle a décidé de ne pas octroyer une dérogation à la condition de nationalité en faveur des requérants.

53      En deuxième lieu, s’agissant des critères pris en compte pour l’adoption des décisions attaquées, il convient de souligner que la phrase figurant dans les décisions attaquées selon laquelle la directrice exécutive a pris en compte « toutes les informations disponibles, y compris les avis des supérieurs hiérarchiques et [les] commentaires [des requérants] » ne signifie pas que la directrice exécutive a pris en considération des critères d’évaluation additionnels qui n’ont pas été communiqués aux requérants ou que ces critères auraient été ignorés. En effet, ainsi que cela a été souligné par Europol lors de l’audience, cette phrase se réfère au fait que la directrice exécutive a pris en considération la totalité des informations relatives aux requérants et figurant dans le formulaire, à savoir non seulement les commentaires fournis par les requérants et l’évaluation qui a été faite par leurs supérieurs hiérarchiques, mais aussi la partie descriptive et factuelle concernant le poste occupé par les requérants, les tâches dont ils étaient chargés ainsi que la durée de leur contrat. Ainsi, si ces informations ont bien été prises en compte par la directrice exécutive pour apprécier les critères d’évaluation, elles ne constituent pas des critères additionnels qui auraient dû être communiqués aux requérants en amont de la prise de décision.

54      S’agissant en particulier de la durée des contrats des requérants, il y a lieu de relever que, ainsi qu’Europol l’a indiqué lors de l’audience, d’une part, il s’agissait d’un élément de fait objectif et connu des requérants, relatif à leur situation personnelle, dont la prise en compte était pertinente afin d’effectuer un examen cas par cas. D’autre part, cet élément ne constituait pas un critère d’évaluation additionnel par rapport aux critères d’évaluations communiqués afin d’apprécier l’intérêt du service. Partant, il ne devait pas être communiqué spécifiquement aux requérants, qui d’ailleurs étaient conscients de cet élément de fait dès le début de leur engagement en 2018.

55      S’agissant de la nature des postes occupés et des fonctions exercées par les requérants, il y a lieu de constater que, ainsi que cela est ressorti de l’audience, ces derniers étaient conscients d’occuper des postes classés comme étant restreints compte tenu des fonctions qu’ils exerçaient au sein d’Europol. En effet, ces éléments, bien connus par les requérants, font partie de l’ensemble des faits dont l’administration dispose afin d’effectuer un examen circonstancié de la situation spécifique de chaque agent. Dès lors, si ces éléments ont bien été pris en compte par la directrice exécutive dans le cadre de l’appréciation des critères d’évaluation, ils ne constituent pas des critères additionnels qui auraient dû être communiqués aux requérants en amont de la prise de décision.

56      S’agissant de l’approche dite « restrictive », adoptée par la directrice exécutive, il y a lieu de relever que, ainsi qu’Europol l’a souligné lors de l’audience, compte tenu du fait que la procédure mise en place en l’espèce visait à évaluer la possibilité d’octroyer une dérogation à la règle selon laquelle la nationalité d’un État membre de l’Union est une condition nécessaire pour pouvoir travailler dans la fonction publique de l’Union, une approche restrictive s’imposait. En tout état de cause, contrairement à ce que les requérants font valoir, les décisions attaquées expliquent que leurs postes sont classés comme étant restreints et liés au domaine sensible de la politique de sécurité et de défense commune, dans lequel Europol agit. Elles indiquent également que, au sein de l’agence, les postes occupés sont classés comme étant restreints en raison des tâches dont le membre du personnel est chargé. Par ailleurs, des informations supplémentaires ont été fournies à cet égard dans les décisions de rejet des réclamations. En particulier, Europol précise dans ces décisions que cette approche a été appliquée à tous les membres de son personnel.

57      Ainsi, les requérants ne sauraient faire valoir que l’approche restrictive est contraire aux recommandations de la Commission sollicitant une approche généreuse. À cet égard, en tout état de cause, il importe de souligner que les recommandations de la Commission étaient dépourvues de valeur juridique contraignante et ne liaient pas Europol.

58      À cet égard, il convient de souligner que, même si Europol a présenté l’approche définie par la Commission comme étant « généreuse » dans les informations communiquées à la suite de la réunion du 11 juin 2018, elle avait également précisé que la décision finale sur la procédure d’octroi d’une dérogation appartenait à la directrice exécutive et que les détails relatifs aux lignes directrices suivies par Europol n’avaient pas encore été déterminés.

59      En troisième lieu, ainsi que cela a été précisé dans les décisions de rejet des réclamations, les décisions attaquées s’inscrivent dans un contexte connu par les requérants (voir points 2 et 4 ainsi que point 45 ci-dessus). En effet, d’une part, ainsi que cela a été souligné lors de l’audience, Europol a fourni une assistance et plusieurs renseignements au personnel du Royaume-Uni quant aux possibles implications découlant du Brexit, d’autre part, il ressort du dossier que les requérants ont été informés par une lettre de la directrice exécutive du 20 décembre 2018 ainsi que par un courrier du service des ressources humaines du 10 janvier 2019 du possible résultat et de l’objectif de la procédure de dérogation mise en place ainsi que de ses étapes. Ils étaient donc sans équivoque en mesure de comprendre la portée de la mesure prise à leur égard, y compris les effets éventuellement défavorables.

60      Par ailleurs, c’est à tort que les requérants envisagent l’application, par analogie, de la jurisprudence du Tribunal en matière d’exercices de promotion, mentionnée au point 36 ci-dessus. Certes, une similitude existe du fait que, dans le cadre des exercices des promotions tout comme dans le cadre du contexte factuel de la présente affaire lié à l’exercice du pouvoir de dérogation à la condition de nationalité suite à la perte de la nationalité d’un État membre, telle qu’elle est survenue après le Brexit, l’AHCC est susceptible de s’écarter d’un avis ou d’une proposition préalablement formulés par le supérieur hiérarchique du membre du personnel concerné et n’est donc pas liée par ceux-ci.

61      Toutefois, ainsi qu’Europol l’a indiqué, à juste titre, dans les décisions de rejet des réclamations, la directrice exécutive a adopté sa décision dans la perspective plus large d’Europol prise en tant qu’organisation et non au regard de la seule situation des requérants. À cet égard, force est de constater qu’il a été expliqué à plusieurs reprises aux requérants, notamment dans le courrier du 20 décembre 2018, dans les décisions attaquées et dans celles de rejet des réclamations, que la décision appartenait à la directrice exécutive en tant qu’AHCC, que sa perspective était celle de l’intérêt du service d’Europol en tant qu’organisation et que l’avis écrit des supérieurs hiérarchiques des requérants ne liait pas la directrice exécutive.

62      En outre, il y a lieu de relever que la rédaction similaire des décisions attaquées s’explique par la position analogue dans laquelle se trouvaient les requérants dans le cadre de la procédure visant à déterminer si une dérogation à la condition de nationalité pouvait être octroyée. De plus, il ressort sans équivoque des décisions de rejet des réclamations que la situation individuelle et précise des requérants a été examinée de manière concrète eu égard aux circonstances particulières qui les singularisent. En effet, dans les formulaires d’évaluation, une description factuelle claire des fonctions et des tâches des requérants est dressée et plusieurs informations détaillées les concernant sont mentionnées, telles que leur volonté de demeurer en fonction au sein d’Europol, de sorte que la directrice exécutive a pu prendre une décision sur la base d’une vue d’ensemble, y compris de leur souhait de rester en fonction et de leur situation individuelle et précise au sein des unités et des départements d’Europol auxquels ils étaient affectés.

63      S’agissant de l’argument des requérants selon lequel Europol n’aurait pas expliqué comment les formulaires d’évaluation devaient être complétés, ni le contenu des critères d’évaluation, leur interaction et leur valeur, il ressort des courriels du 20 décembre 2018 et du 10 janvier 2019 ainsi que des formulaires d’évaluation que ces critères sont cumulatifs. En effet, il y est indiqué que les quatre critères qui y sont énumérés seront pris en compte, de sorte qu’ils doivent tous être satisfaits. En outre, il ressort de la lecture de ces formulaires que ceux-ci étaient clairs et, leurs rubriques étant auto-explicatives, ils ne nécessitaient pas d’explications supplémentaires de la part d’Europol. Par ailleurs, les requérants aussi bien que les leurs supérieurs hiérarchiques ont rempli les différentes rubriques sans formuler des interrogations sur d’éventuelles incompréhensions de leur part du contenu du formulaire d’évaluation.

64      En particulier, ainsi que l’a fait observer Europol lors de l’audience, le point de départ du raisonnement de la directrice exécutive est précisément le contexte d’une procédure dérogatoire dans lequel les décisions attaquées s’inscrivent. Ainsi, s’agissant de la mise en place d’une exception à la règle générale, la question consistait à savoir si le départ des requérants remettait en question l’organisation de l’agence et, notamment, sa continuité opérationnelle. Comme cela est indiqué dans les décisions attaquées, la directrice exécutive a considéré que tel n’était pas le cas.

65      Or, les requérants ne sauraient soutenir que, par cette interprétation de l’intérêt du service d’Europol dans son ensemble, la directrice exécutive s’est référée à un nouveau critère, à savoir celui du caractère « remplaçable » de l’agent concerné. Il s’agit, en effet, de l’approche suivie dans le cadre de la procédure de dérogation à la condition de nationalité, liée à l’interprétation stricte des exceptions à une règle.

66      Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, Europol n’est pas restée en défaut d’avoir expliqué les critères sur lesquels sa décision se fondait ainsi que l’appréciation qu’elle a tirée de leur évaluation.

67      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel Europol a violé les principes de prévisibilité et de sécurité juridique ainsi que, en substance, son devoir de motivation, en ne fournissant pas d’explications claires quant aux critères pris en compte dans les décisions attaquées, ceux-ci allèguent, en particulier, qu’Europol aurait dû apporter des clarifications quant à la manière dont ces critères seraient appréciés ainsi que leur contenu et notamment de ce qui serait pris en compte dans le cadre de l’appréciation de l’intérêt du service.

68      Selon une jurisprudence constante, il découle du principe de sécurité juridique que tout acte de l’administration qui produit des effets juridiques doit être clair et précis, afin que les intéressés puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Cette exigence s’impose, en particulier, lorsque l’acte en cause peut avoir sur les intéressés des conséquences défavorables (voir arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 47 et jurisprudence citée).

69      Or, il convient de constater que tant les supérieurs hiérarchiques que les requérants eux-mêmes ont pu commenter les critères d’évaluation, préalablement arrêtés et communiqués en temps utile, sans faire état d’une difficulté quelconque d’interprétation ou de compréhension, ce qui montre que ces critères étaient suffisamment clairs.

70      En outre, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’Europol le relève, lors de l’adoption des décisions attaquées, elle était liée par les principes généraux consacrés par le RAA et le statut, tels que les principes d’égalité, de transparence, le devoir de sollicitude et le droit à une bonne administration.

71      Ainsi, force est de constater que, comme cela ressort de la description non contestée de la chronologie factuelle et des décisions attaquées, et tel que cela a été confirmé par les décisions de rejet des réclamations, la directrice exécutive a structuré son raisonnement en différentes étapes espacées dans le temps et a tenu compte d’éléments qui ont été produits pendant la procédure annoncée préalablement et qui étaient connus des requérants ou qu’ils ne pouvaient ignorer. Elle a, en particulier, pris en compte les critères d’évaluation afin d’apprécier s’il était dans l’intérêt du service d’Europol dans son ensemble de déroger à la condition de nationalité. 

72      Par ailleurs, Europol, dans les informations fournies à la suite de la réunion du 11 juin 2018, avait précisé que la décision finale sur la procédure d’octroi d’une dérogation appartenait à la directrice exécutive et que les détails relatifs aux lignes directrices suivies par Europol n’avaient pas encore été déterminés.

73      Les requérants reprochent encore à Europol d’avoir mentionné dans les formulaires d’évaluation la possibilité d’octroyer une dérogation limitée dans le temps ou au moyen d’une réaffectation, sans pour autant leur fournir d’information sur les raisons pour lesquelles ces deux options n’ont pas été choisies. Or, le fait qu’une dérogation pouvait être octroyée n’impliquait pas que l’AHCC était tenue de motiver de manière spécifique sa décision par rapport à ce qu’elle n’avait pas décidé. Il suffit de constater qu’elle a motivé les décisions attaquées par rapport à son appréciation, dans l’intérêt du service d’Europol, de refuser la dérogation en raison de la nationalité aux requérants.

74      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second grief du premier moyen ainsi que le second grief du deuxième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

75      Les requérants font valoir qu’ils n’ont pas pu exprimer leur position sur les critères sur lesquels la directrice exécutive a en réalité fondé sa décision, tels que le type de contrat et le classement comme étant restreint de leur poste. Avant d’adopter la décision finale, Europol n’aurait pas transmis de renseignements sur ce que l’intérêt du service requerrait dans la situation des requérants. En effet, les requérants indiquent que, en raison de l’impact des décisions attaquées sur leur situation professionnelle et personnelle et compte tenu du fait que ces décisions contrastaient avec les appréciations de leurs supérieurs hiérarchiques, l’administration aurait dû respecter leur droit d’être entendus avant l’adoption desdites décisions, en ce qui concerne les décisions en elles-mêmes ainsi que la solution alternative qui aurait dû leur être proposée.

76      Selon les requérants, la possibilité de compléter et de commenter, à deux reprises, les rapports de leurs supérieurs hiérarchiques, dans les formulaires d’évaluation, n’était pas suffisante pour assurer le respect du droit d’être entendu, dès lors que ceux-ci suggéraient l’octroi de la dérogation du fait que les critères d’évaluation établis auraient été remplis.

77      En outre, les requérants ajoutent que l’AHCC ne s’est jamais entretenue avec eux sur la manière dont elle entendait analyser les critères et le formulaire d’évaluation. Elle aurait même refusé une rencontre, demandée par M. Bowden, après l’adoption de la décision attaquée.

78      Europol conteste l’argumentation des requérants.

79      Le droit d’être entendu est notamment protégé par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui dispose, à son paragraphe 2, que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

80      Ainsi, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue, dans le cadre d’un échange écrit ou oral lancé par l’administration et dont la preuve incombe à celle-ci, au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 58 et jurisprudence citée, et du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 45 et jurisprudence citée).

81      En particulier, en vertu de ce principe, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 30 et jurisprudence citée). Pour satisfaire au droit d’être entendu, l’administration doit donc porter à la connaissance de l’intéressé non seulement les divers éléments en cause, mais aussi lui faire savoir avec une précision suffisante quelles conséquences sont susceptibles d’être tirées de ces éléments au stade où il est demandé à l’intéressé de faire part de ses observations (voir arrêt du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 60 et jurisprudence citée).

82      L’obligation de respecter le droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, points 31 et 39 et jurisprudence citée).

83      En l’espèce, il est constant que les requérants ont eu la possibilité de faire valoir leur position, par rapport aux critères d’évaluation et à leur intérêt personnel, à deux reprises, par des commentaires écrits dans les formulaires d’évaluation, le 20 décembre 2018 et le 10 janvier 2019. Ils ont notamment pu commenter les évaluations de leurs supérieurs hiérarchiques et informer l’AHCC de leur situation personnelle ainsi que de toute autre information qu’ils considéraient pertinente dans le cadre de la procédure visant à une décision sur l’octroi d’une dérogation à la condition de nationalité.

84      En outre, il ressort de la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus que le droit d’être entendu peut être satisfait dans le cadre d’un échange écrit, de sorte que l’argument des requérants selon lequel la directrice exécutive aurait dû les rencontrer doit être écarté.

85      Les requérants allèguent également qu’ils auraient dû être entendus sur les éléments qui ont été effectivement pris en considération par Europol dont ils n’avaient pas été informés avant l’adoption des décisions attaquées, tel que le choix d’adopter une approche restrictive. En outre, dans la mesure où les formulaires d’évaluation contenaient une appréciation favorable à l’octroi d’une dérogation, les requérants n’auraient pu s’exprimer par rapport à la solution opposée retenue par l’agence.

86      Or, à cet égard, il convient de constater que, ainsi que cela ressort de l’examen des griefs concernant la prétendue violation de l’obligation de motivation, les décisions attaquées se fondent sur la situation factuelle personnelle des requérants et sur les critères d’évaluation qui leur ont été communiqués et sur lesquels ils ont eu la possibilité de se prononcer à deux reprises (voir point 83 ci-dessus). En outre, s’agissant du droit d’être entendu sur l’approche dite « restrictive », ainsi qu’Europol l’a fait valoir dans ses écritures et précisé lors de l’audience, une telle approche est liée au mandat de cette agence, qui est connu des requérants et n’est pas susceptible de changer en fonction des commentaires des requérants. Par conséquent, les requérants n’auraient pu avoir d’influence sur le mandat d’Europol, cet aspect ne concernant pas, en tout état de cause, la manière dont les critères d’évaluation pouvaient être satisfaits dans leur cas spécifique.

87      S’agissant de l’argument selon lequel les requérants ont été entendus sur l’appréciation positive des critères d’évaluation contenus dans les formulaires d’évaluation et pas sur celle faite par la directrice exécutive, il y a lieu de relever, premièrement, que les appréciations des supérieurs hiérarchiques des requérants et les décisions attaquées prennent en compte les quatre mêmes critères et que c’est sur ceux-ci que les requérants ont pu s’exprimer.

88      Deuxièmement, ainsi qu’Europol l’a expliqué lors de l’audience, bien que la perspective adoptée par la directrice exécutive était celle de l’organisation de l’agence dans son ensemble, tandis que les supérieurs hiérarchiques des requérants ont adopté la perspective du département, les deux appréciations étaient liées. Il résulte des décisions attaquées que la directrice exécutive a effectivement analysé les éléments contenus dans les formulaires d’évaluation.

89      Troisièmement, bien que les appréciations des supérieurs hiérarchiques des requérants ne visaient pas directement l’adoption d’une décision sur l’octroi d’une dérogation, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agissait pas de deux procédures distinctes, les formulaires d’évaluation constituant la première étape de la procédure visant à l’adoption d’une décision sur le fondement de l’article 47, sous b), iii) du RAA aux fins d’offrir à la directrice exécutive une vision d’ensemble sur les critères d’évaluation du point de vue des départements dans lesquels les requérants travaillaient.

90      Quatrièmement, il ressort des formulaires d’évaluation que, au point 3, les membres du personnel concernés pouvaient faire valoir tout commentaire qu’ils considéraient comme pertinent. Il est constant que les requérants ont fait usage de cette possibilité. En effet, d’une part, ils ne se sont pas bornés à s’exprimer sur les appréciations des critères d’évaluation effectuées par leurs supérieurs hiérarchiques par rapport à l’exercice des fonctions professionnelles et, d’autre part, ils avaient connaissance tant du contexte général que du fait que la décision finale pouvait être celle de ne pas leur octroyer une dérogation et du fait que la directrice exécutive, à laquelle seule revenait la décision finale, n’était pas liée par les avis et les commentaires contenus dans lesdits formulaires.

91      En tout état de cause, il convient d’ajouter que, à supposer que les requérants n’auraient pas été entendus, selon une jurisprudence constante, pour que la violation du droit d’être entendu puisse aboutir, en l’espèce, à l’annulation des décisions attaquées, il serait encore nécessaire d’examiner si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 72  et jurisprudence citée).

92      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ne saurait être imposé à la partie requérante qui invoque la violation de son droit d’être entendu de démontrer que la décision de l’institution de l’Union concernée aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (voir arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 94, et du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 106).

93      En l’espèce, dans la mesure où la directrice exécutive a fondé les décisions attaquées sur l’intérêt du service, compte tenu des critères d’évaluation préalablement communiqués, sur lesquels, au demeurant, les requérants ont pu s’exprimer à deux reprises, ceux-ci n’ont apporté aucun élément concret permettant de supposer que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

94      En particulier, ainsi que cela est ressorti lors de l’audience, les requérants n’ont jamais indiqué, s’agissant notamment de la durée du contrat, de la nature des postes occupés ainsi que de l’approche dite « restrictive » adoptée par la directrice exécutive, quels seraient les arguments qu’ils auraient invoqués pour faire en sorte de pouvoir changer le résultat de la procédure.

95      Par conséquent, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le premier grief du premier moyen, tiré de l’illégalité de la procédure suivie

96      Par le premier grief du premier moyen, les requérants contestent, en substance, la légalité de la procédure en raison, d’une part, des délais de procédure et, d’autre part, de l’absence de base légale des critères d’évaluation. Ils soutiennent que les décisions attaquées ont méconnu l’article 47, sous b), iii), du RAA ainsi que les principes de bonne administration, de sécurité juridique et de prévisibilité, au motif que ces principes devaient conduire l’administration à adopter les décisions attaquées dans un délai raisonnable et selon des règles claires et transparentes.

97      S’agissant des délais de procédure, premièrement, les requérants font valoir le caractère prématuré des décisions attaquées du fait qu’elles ont été adoptées avant l’expiration de la période de transition, tandis que l’article 47, sous b), iii), du RAA vise la fin d’engagement en cas de perte de nationalité d’un État membre. Deuxièmement, ils avancent que ces décisions ont été adoptées dans un délai déraisonnable, les formulaires visant à évaluer l’octroi d’une dérogation ayant été transmis en janvier 2019, tandis que les décisions finales ont été communiquées le 30 mars 2020, et que les délais étaient disproportionnés. À cet égard, ils avancent, d’abord, que la période entre la transmission des formulaires en janvier 2019 et l’adoption des décisions attaquées le 30 mars 2020 est disproportionnée. Ensuite, l’évaluation de l’intérêt du service n’aurait pas été actualisée au moment de l’approche de la fin de la période de transition. Enfin, les requérants disposaient de seulement cinq jours pour fournir leurs commentaires, ce qui serait également disproportionné. Troisièmement, ils allèguent l’absence d’actualisation de l’appréciation de l’intérêt du service au moment de l’approche de la fin de la période de transition, en soulignant que la Commission n’a adopté ses informations administratives qu’en janvier 2021.

98      L’intérêt du service n’aurait pas pu être évalué avec précision au moment de la prise de décision, comme le confirmeraient deux exemples concernant Mme Young relatifs à la possibilité de sa réaffectation à la suite de la publication, après l’adoption de la décision attaquée, d’un avis relatif à un emploi vacant de spécialiste principal dans l’environnement ainsi qu’à l’annonce d’une extension de l’équipe « Dark Web ».

99      Les requérants ajoutent, en outre, que l’adoption des décisions attaquées n’a pas mis un terme à l’insécurité juridique dans laquelle ils se trouvaient, étant donné que ces décisions pouvaient toujours être retirées ou modifiées.

100    En ce qui concerne les critères pris en considération afin d’apprécier l’octroi d’une dérogation, les requérants font valoir que les décisions attaquées ne se fondent pas sur une autre base légale qu’un courriel de la directrice exécutive, dans lequel les quatre critères d’évaluation ont été communiqués. Dès lors, ils allèguent une violation de l’article 141 du RAA.

101    Europol conteste l’argumentation des requérants.

102    En premier lieu, en ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel les décisions attaquées auraient dû être adoptées après l’expiration de la période de transition, ainsi qu’Europol le fait valoir à juste titre, il convient de rappeler que la sortie du Royaume-Uni de l’Union était prévisible. Dès lors, il était tant dans l’intérêt des requérants que dans celui d’Europol d’avancer la prise de décision, en application des principes de sécurité juridique et de bonne administration. En tout état de cause, ces décisions n’auraient pris leurs effets qu’après la fin de la période de transition et elles pouvaient être remplacées ou retirées, si la période de transition était prorogée ou à la lumière de nouveaux éléments.

103    À cet égard, il y a lieu de constater que la durée d’une procédure visant à évaluer l’octroi d’une dérogation à la condition de nationalité ne fait pas l’objet de dispositions spécifiques du droit de l’Union. Partant, c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier si l’administration a agi dans un délai raisonnable et, aux fins de cet examen, le Tribunal doit prendre en compte l’enjeu du litige pour l’intéressé, la complexité de l’affaire et le comportement des parties en présence (voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 120 ).

104    Ainsi qu’Europol l’indique, la procédure a été planifiée dès 2018 afin de favoriser la transparence, la sécurité juridique et de mieux organiser les conséquences découlant des décisions à venir. Europol a justifié avoir débuté la procédure, en ce qui concerne les requérants, en janvier 2019 en raison de l’importance de la question, de la volonté de limiter les risques et les effets préjudiciables liés à la sortie d’un État membre, tant dans l’intérêt de l’agence que dans celui des agents concernés, et des informations disponibles à l’époque sur l’état des négociations du retrait du Royaume-Uni de l’Union.

105    Or, compte tenu de ces considérations, le fait que les décisions attaquées ont été adoptées plusieurs mois après le début de ladite procédure, en mars 2020, ne saurait porter atteinte au principe du délai raisonnable, s’agissant d’une procédure prévoyant une appréciation au cas par cas de l’intérêt du service par rapport à plusieurs membres du personnel et consistant en plusieurs étapes. De plus, ainsi qu’Europol le relève, la procédure d’évaluation a été systématiquement alignée sur la date envisagée du Brexit, dans le but d’adopter une décision dans les meilleurs délais dans l’intérêt tant des agents concernés que d’Europol. En outre, en septembre 2019, les supérieurs hiérarchiques des requérants ont été appelés à confirmer les commentaires figurant sur le formulaire d’évaluation rempli en janvier 2019 et à fournir d’éventuelles informations supplémentaires, les requérants ayant pu s’exprimer sur cette actualisation.

106    En tout état de cause, il y a lieu de relever que la violation du principe du respect du délai raisonnable, à la supposer établie, ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. En effet, ce n’est que lorsque ce délai est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative que le non-respect du principe du délai raisonnable affecte la validité de la procédure administrative (voir arrêt du 17 mai 2018, Commission/AV, T‑701/16 P, EU:T:2018:276, point 46 et jurisprudence citée). Or, un tel délai ne saurait, sauf situation exceptionnelle, modifier l’appréciation, par l’AHCC, des éléments de fond de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 163).

107    Il n’est en l’occurrence pas établi, ni même allégué par les requérants, que la longueur de la procédure aurait affecté les éléments de fond au regard desquels la directrice exécutive a rendu ses conclusions. Ainsi, l’écoulement d’une durée excessive, à le supposer avéré, n’est pas susceptible d’affecter la légalité des décisions attaquées (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2018, McCoy/Comité des régions, T‑567/16, EU:T:2018:708, point 114).

108    Premièrement, cette conclusion n’est pas mise en cause par l’argument des requérants visant à contester, d’une part, le délai de cinq jours ouvrables qui leur a été octroyé en janvier 2019 pour fournir leurs premiers commentaires et, d’autre part, le fait qu’ils n’ont pas eu connaissance de la possibilité de demander une prorogation dudit délai. À cet égard, il convient d’examiner si Europol a octroyé un délai suffisant aux requérants pour qu’ils puissent se défendre utilement.

109    Il convient de relever d’emblée que le délai accordé pour fournir des observations doit prendre en compte la complexité relative de la procédure (voir, par analogie, en ce sens, du 15 décembre 2016, Infineon Technologies/Commission, T‑758/14, non publié, EU:T:2016:737, point 60).

110    En l’espèce, eu égard aux circonstances de l’espèce, du contexte général bien connu des requérants et notamment au fait que les observations à fournir concernant la situation professionnelle et personnelle ne nécessitaient pas de faire appel à des recherches spécifiques ou à des experts, ce délai de cinq jours pouvait permettre aux requérants de faire utilement valoir leurs arguments. En effet, les requérants n’ont pas établi que, en raison du délai imparti, ils n’ont pu exercer utilement leurs droits, ni que ce délai aurait eu une incidence sur le contenu même de la décision adoptée, au sens de la jurisprudence citée au point 106 ci-dessus.

111    Deuxièmement, il en est de même de l’argument des requérants selon lequel l’intérêt du service devait être actualisé et apprécié au moment de l’approche de la fin de la période de transition. À cet égard, il convient de relever, d’abord, que l’appréciation de la notion d’intérêt du service peut évoluer au fil du temps en fonction de facteurs objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2020, IR/Commission, T‑131/20, non publié, EU:T:2020:381, point 64).

112    Ensuite, ainsi que l’observent également les requérants, l’intérêt du service pouvait être anticipé. En outre, il convient de relever que, en l’espèce, les requérants ont été informés, par courriel du 31 janvier 2020, que la directrice exécutive souhaitait évaluer la possibilité d’octroyer une dérogation pendant le premier trimestre de 2020 et ils pouvaient apporter la preuve de nouveaux éléments pouvant justifier une telle dérogation. À cet égard, M. Bowden a fourni ses commentaires sur le formulaire d’évaluation actualisé le 8 janvier 2020. De même, la preuve de l’acquisition de la nationalité d’un État membre de l’Union pouvait être soumise jusqu’à la fin de la période de préavis. De plus, il ressort des décisions attaquées qu’elles pouvaient être modifiées ou retirées si la période de transition était prolongée.

113    Ainsi qu’Europol le relève, les requérants pouvaient transmettre de nouveaux éléments nécessitant une nouvelle appréciation de l’intérêt du service par leur réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou, enfin, par une demande en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, ce qu’ils n’ont pas fait.

114    Par conséquent, ces arguments doivent être rejetés.

115    En second lieu, en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 141 du RAA, les requérants allèguent que les décisions attaquées ont été adoptées en l’absence de base légale et que les critères d’évaluation de l’intérêt du service, s’écartant de la position de la Commission devant guider la manière d’agir de toutes les agences, ont été communiqués par courriel.

116    Or, il ne saurait être fait grief à Europol d’avoir communiquer les critères d’évaluation sous la forme d’un courriel de la directrice exécutive s’adressant à tout le personnel de l’agence, sans adoption d’une disposition générale d’exécution. En effet, l’article 47, sous b), iii), du RAA constitue la base juridique des décisions attaquées et l’article 12, paragraphe 2, sous a), du RAA, auquel l’article 47, sous b), iii), du RAA renvoie, prévoit seulement que la dérogation est accordée par l’AHCC. Aucune disposition générale d’exécution, au sens de l’article 141, paragraphe 1, du RAA, relative à la dérogation en question, ne devait être arrêtée, de sorte que les seules dispositions pertinentes sont celles du RAA.

117    En particulier, ainsi que cela est relevé aux points 57 et 58 ci-dessus, Europol n’était pas liée par l’approche suivie par la Commission, dans la mesure où la volonté politique a été celle de laisser à chaque institution, organisme et agence de l’Union le droit d’établir les critères spécifiques et les procédures visant à apprécier l’intérêt du service, à la lumière de leur mandat spécifique.

118    En effet, il y a lieu de rappeler que si, selon le principe d’unicité de la fonction publique, tel que consacré à l’article 9, paragraphe 3, du traité d’Amsterdam, tous les fonctionnaires des institutions de l’Union sont soumis à un statut unique, un tel principe n’implique pas que les institutions doivent user à l’identique du pouvoir d’appréciation qui leur a été reconnu par le statut, alors que, au contraire, dans la gestion de leur personnel, ces dernières jouissent d’un « principe d’autonomie ». Ainsi, une différence entre les interprétations faites par les institutions ne permet pas d’établir une violation de l’article 141 du RAA (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, KZ/Commission, T‑453/20, non publié, EU:T:2021:339, point 52 et jurisprudence citée).

119    Cette considération est corroborée par la jurisprudence selon laquelle la notion d’intérêt du service se rapporte au bon fonctionnement de l’institution en général et, en particulier, aux exigences spécifiques du poste à pourvoir (voir arrêt du 5 mars 2019, Pethke/EUIPO, T‑169/17, non publié, EU:T:2019:135, point 54 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que chaque institution, organisme et organe de l’Union peut établir ses propres critères et procédures afin de déterminer l’intérêt du service.

120    En outre, il y a lieu de reconnaître une liberté quant au choix de la modalité de communication des critères qui seront pris en compte, pour autant qu’elle vient d’une source certaine et dotée d’autorité suffisante envers ses destinataires. Or, tel était le cas en l’espèce. 

121    Eu égard à ce qui précède, le premier grief du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le premier grief du deuxième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

122     Les requérants font valoir que les décisions attaquées ont violé le principe de protection de la confiance légitime. En effet, ils auraient eu des attentes légitimes quant à la possibilité de bénéficier d’une dérogation, compte tenu de l’approche large énoncée par la Commission, qui leur aurait été présentée lors de la réunion de juin 2018, ainsi que des évaluations favorables contenues dans les formulaires d’évaluation.

123    En outre, la possibilité de recourir à une solution alternative évoquée dans le formulaire aurait créé à l’égard des requérants une attente légitime.

124    En particulier, en ce qui concerne M. Bowden, entre le 21 septembre 2020 et le 29 janvier 2021, il lui aurait été fait croire que l’intérêt du service justifiait une dérogation en sa faveur, sur la base d’un commentaire fait par son supérieur hiérarchique, d’une note de service adressée à la directrice exécutive visant au réexamen de la décision du 30 mars 2020 ainsi que d’échanges de courriels. En apposant sa signature sur ladite note de service émise par le supérieur hiérarchique de M. Bowden, la directrice exécutive aurait acquiescé au contenu de celle-ci, en créant des attentes légitimes. Cette note montrerait également la conviction dudit supérieur hiérarchique que l’intérêt du service justifiait le maintien de M. Bowden au sein d’Europol. En outre, le requérant aurait dû bénéficier du droit d’être entendu à la lumière de cette note, celle-ci ayant conduit la directrice exécutive à réexaminer sa décision, et il demande la production des échanges qui ont suivi ladite note de service adressée à la directrice exécutive.

125    De même, il ressortirait de l’intervention du supérieur hiérarchique de M. Bowden que, contrairement à ce qui est indiqué dans la décision de rejet de sa réclamation, aucun avis de vacance n’avait été publié pour le poste de M. Bowden.

126    Europol conteste ces arguments.

127    La confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêt du 12 septembre 2018, PH/Commission, T‑613/16, non publié, EU:T:2018:529, point 65).

128    Or, en l’espèce, aucune assurance précise, inconditionnelle et concordante, émanant de sources autorisées et fiables, n’a été donnée aux requérants, de nature à faire naître une quelconque confiance légitime sur le fait qu’une dérogation leur serait accordée. En effet, d’une part, bien que les supérieurs hiérarchiques des requérants aient fourni des évaluations tendant à reconnaître l’existence de l’intérêt du service au maintien des requérants au sein d’Europol, la seule source autorisée à décider de l’octroi d’une dérogation était la directrice exécutive, laquelle n’a donné aucune assurance aux requérants. D’autre part, la simple présentation de la position de la Commission lors de la réunion du 11 juin 2018 ne constitue pas une assurance que les dérogations en cause leur seraient accordées. Par ailleurs, il ressort du dossier que les informations fournies lors de cette réunion étaient préliminaires, que l’approche de la Commission ne constituait qu’une orientation et qu’il a été précisé que la décision finale appartenait à la directrice exécutive.

129    En outre, s’agissant des possibilités de recourir à une solution alternative ou d’accorder une dérogation limitée dans le temps, évoquées dans le formulaire, la mention des différentes options auxquelles la procédure pouvait aboutir ne saurait créer une attente légitime, au sens de la jurisprudence citée au point 127 ci-dessus.

130    De même, force est de constater que les prétendues assurances sur l’octroi d’une dérogation que M. Bowden affirme avoir reçu de la part du directeur exécutif adjoint n’émanent pas d’une source au sens de la jurisprudence citée au point 127 ci-dessus. À cet égard, en particulier, il ressort du dossier que les supérieurs hiérarchiques de M. Bowden ont adressé à la directrice exécutive une note de service afin de demander que le sens de la décision envisagée relative au refus d’une dérogation soit réexaminé à la lumière des qualités professionnelles et de l’investissement au sein d’Europol du requérant. Il découle de manière claire de la lecture dudit document que la directrice exécutive, en apposant sur ladite note la mention « approuvé », a simplement marqué son accord avec la proposition de réévaluer l’intérêt du service à l’égard du poste du requérant, comme Europol le précise. Ainsi, ni la prise en compte par la directrice exécutive des formulaires d’évaluation, ni la note de service, qui n’était pas destinée à M. Bowden, ne sauraient remettre en question une telle conclusion.

131    Par ailleurs, la directrice exécutive avait donné son accord seulement afin de reconsidérer la décision sur l’octroi d’une dérogation à la condition de nationalité en faveur de M. Bowden sur la base de la note de service transmise par les supérieurs hiérarchiques de celui-ci.

132    Il s’ensuit que la première des conditions cumulatives requises pour que puisse être constatée une violation du principe de protection de confiance légitime n’étant pas satisfaite, le premier grief du deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude

133    Par le troisième moyen, les requérants font valoir qu’Europol a analysé exclusivement l’intérêt du service. Les intérêts personnels des requérants à rester en fonction n’auraient même pas été abordés et aucune solution alternative, comme la possibilité d’être transférés, en raison de leurs compétences transversales, n’aurait été recherchée par l’AHCC, qui aurait refusé la demande des requérants d’organiser des entretiens individuels.

134    Les requérants ajoutent à cet égard que le formulaire d’évaluation ne contenait aucune question concernant leur intérêt personnel, qui n’aurait pas été mis en balance avec l’intérêt du service.

135    L’administration aurait dû leur fournir des informations adéquates quant à leur possible réaffectation dans un autre service ou leur expliquer les raisons pour lesquelles une telle réaffectation leur aurait été refusée.

136    Enfin, les requérants invoquent une violation du devoir de sollicitude au motif que la communication avec l’administration pour le personnel possédant la nationalité du Royaume-Uni aurait été très laborieuse et qu’aucune assistance n’aurait été mise en place en faveur des requérants à la suite des décisions attaquées. En particulier, Europol aurait dû attendre la décision relative à l’obtention de la nationalité néerlandaise par M. Bowden avant de prendre sa décision.

137    Europol conteste ces arguments.

138    Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l’administration reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut et le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents. Ce devoir ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui de l’agent concerné (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 105 et jurisprudence citée).

139    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’autorité compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service et que, partant, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si l’autorité concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêt du 4 décembre 2013, ETF/Schuerings, T‑107/11 P, EU:T:2013:624, point 91).

140    En outre, il convient de relever que le devoir de sollicitude n’impose pas à l’administration de vérifier la possibilité de réaffecter un agent dans un autre service (arrêt du 19 juillet 2017, Parlement/Meyrl, T‑699/16 P, non publié, EU:T:2017:524, point 62).

141    Or, il ressort de la jurisprudence que les exigences du devoir de sollicitude incombant à l’administration ne sauraient empêcher l’adoption des mesures que l’AHCC estime nécessaires dans l’intérêt du service. Si l’autorité qui statue sur la situation d’un fonctionnaire ou de l’agent doit tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire ou de l’agent concerné, cette considération ne saurait empêcher que l’autorité procède à une rationalisation des services si elle l’estime nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2019, RK/Conseil, T‑11/17, EU:T:2019:65, point 190 et jurisprudence citée).

142    Ainsi, en premier lieu, l’intérêt personnel des requérants à être maintenus en fonction n’est pas susceptible d’empêcher, en soi, l’adoption d’une décision mettant fin à leur contrat après mise en balance des intérêts. Dans les décisions attaquées, la directrice exécutive a indiqué avoir pris en compte l’intérêt personnel des requérants, invoqué dans tous les commentaires contenus dans les formulaires d’évaluation. Cela est affirmé également dans les décisions de rejet des réclamations, dans lesquelles il est ajouté que l’intérêt du service a prévalu sur celui des requérants dans la balance des intérêts.

143    En deuxième lieu, les requérants avancent qu’Europol aurait dû examiner la possibilité de les réaffecter dans un autre service. Or, il ressort de la jurisprudence citée au point 140 ci-dessus qu’Europol n’avait pas une telle obligation, compte tenu, notamment du contexte lié au Brexit.

144    En troisième lieu, contrairement à ce que les requérants soutiennent, il ressort du dossier qu’Europol a fourni une assistance à son personnel ayant la nationalité du Royaume-Uni et a donné aux requérants toutes les informations pertinentes concernant leurs droits à la suite des décisions attaquées.

145    S’agissant de l’argumentation des requérants selon laquelle, en vertu du devoir de sollicitude, Europol aurait dû attendre la décision relative à l’obtention de la nationalité néerlandaise par M. Bowden avant de prendre sa décision, il y a lieu de relever que ce devoir ne saurait être interprété comme imposant une telle obligation. En effet, l’administration avait connaissance des démarches mises en place par M. Bowden afin d’obtenir la nationalité néerlandaise et Europol a expliqué l’avoir soutenu dans celles-ci. En outre, bien que la décision attaquée à son égard ait été adoptée le 30 mars 2020, la preuve d’obtention de la nationalité néerlandaise pouvait être apportée jusqu’à la fin de la période de préavis.

146    Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

147    Par le cinquième moyen, les requérants font valoir une violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination sur la base de la nationalité, dans la mesure où Europol déduirait de la perte de nationalité d’un État membre de l’Union une présomption de risque de déloyauté.

148    Une telle discrimination aurait eu lieu par rapport aux collègues des requérants au sein d’Europol ayant la nationalité du Royaume-Uni auxquels aurait été offert une dérogation, sans justification quant à ce traitement différent, ainsi que par rapport aux collègues des autres institutions de l’Union possédant la nationalité du Royaume-Uni, pour lesquels la procédure d’évaluation pour l’octroi de la dérogation aurait été entamée à partir du 1er janvier 2021 et qui auraient bénéficié d’une approche généreuse et transparente, d’une assistance pour chercher des solutions alternatives au licenciement et d’un soutien pour la procédure de naturalisation.

149    Dans la réplique, les requérants précisent qu’ils ne plaident pas pour obtenir des décisions identiques à celles concernant leurs collègues, mais pour une application égalitaire, transparente et claire de tous les critères.

150    Europol conteste ces arguments.

151    Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux, dont le principe de non-discrimination énoncé à l’article 21, paragraphe 1, de ce texte est une expression particulière. Ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, points 29 et 30 et jurisprudence citée).

152    Il ressort de la jurisprudence qu’il y a violation du principe de non-discrimination lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas des différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêts du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, EU:T:1994:28, point 50, et du 16 avril 1997, Kuchlenz‑Winter/Commission, T‑66/95, EU:T:1997:56, point 55). Pour qu’une différence de traitement puisse être compatible avec le principe général de non-discrimination, cette différence doit être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et proportionnée par rapport au but poursuivi par cette différenciation (arrêt du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, EU:T:2004:59, point 83).

153    En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, de la prétendue discrimination des requérants par rapport à leurs collègues qui ont la nationalité du Royaume-Uni et occupent des postes classés comme étant restreints au sein d’Europol, l’évaluation de l’intérêt du service a été effectuée au cas par cas par la directrice exécutive et les requérants n’ont pas apporté d’éléments susceptibles de conclure que les situations dans lesquelles se trouvaient les agents concernés étaient comparables à leur propre situation.

154    En outre, en ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel les personnes n’ayant pas la nationalité d’un État membre auraient été présumées être déloyales par Europol, il convient de relever que les décisions attaquées sont fondées sur le fait objectif que les requérants ont cessé de remplir la condition de nationalité prévue à l’article 12, paragraphe 2, sous a), du RAA.

155    En ce qui concerne, en second lieu, l’allégation des requérants relative à l’existence d’une discrimination par rapport à leurs collègues ayant la nationalité du Royaume-Uni et travaillant pour les autres institutions, organismes et organes de l’Union, notamment pour la Commission, il convient de relever que la situation des agents qui possèdent la nationalité du Royaume-Uni et travaillent dans d’autres institutions, organismes et organes de l’Union ne saurait pas être qualifiée de comparable, dans la mesure où l’appréciation est faite au cas par cas, selon l’intérêt du service, qui est évalué en fonction des exigences spécifiques du poste occupé ainsi que du fonctionnement de chaque institution, organisme et organe de l’Union en question.

156    De surcroît, selon la jurisprudence, les institutions de l’Union, y compris les agences, jouissent d’un principe d’autonomie dans la gestion de leur personnel (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, KZ/Commission, T‑453/20, non publié, EU:T:2021:339, point 52 et jurisprudence citée). Ainsi, l’évaluation de l’intérêt du service relève de l’appréciation de chaque AHCC, qui est la mieux placée pour procéder à une telle évaluation, à la lumière des exigences et du mandat de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union concerné. Une différence d’interprétation de l’intérêt du service, y compris en ce qui concerne l’approche de l’octroi d’une dérogation à la condition de nationalité, à la supposer avérée, ne permet pas d’établir l’existence d’une discrimination par rapport aux membres du personnel des autres institutions, organismes et organes de l’Union.

157    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

158    Par leur sixième moyen, les requérants invoquent une erreur manifeste d’appréciation commise par Europol. En particulier, bien que leurs supérieurs hiérarchiques directs aient confirmé l’intérêt du service à maintenir les requérants dans leurs fonctions et mis en exergue leurs compétences et leurs performances, leurs évaluations ainsi que les formulaires complétés n’auraient pas été pris en considération par la directrice exécutive. En outre, la qualité des prestations des requérants, leurs performances, la nécessité pour le service de leur maintien en fonction et leur absence d’intervention dans le processus décisionnel ressortiraient des décisions attaquées. Toutefois, le caractère remplaçable de leur poste à la suite du licenciement semblerait avoir prévalu.

159    En particulier, eu égard à leurs évaluations positives et à la qualité de leurs prestations, reconnue également par la directrice exécutive, les requérants considèrent qu’il est surprenant que l’AHCC ait conclu que leur licenciement n’avait pas d’impact sur l’organisation du service.

160    II y aurait donc une erreur manifeste d’appréciation, non seulement quant à l’application d’une appréciation restrictive du fait du caractère prétendument sensible de leurs fonctions, mais en outre quant à l’absence d’impact de leur départ sur le service.

161    Europol conteste ces arguments.

162    Il y a lieu de rappeler que, compte tenu du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à cet intérêt doit se limiter à la question de savoir si l’AHCC s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêt du 4 décembre 2018, Schneider/EUIPO, T‑560/16, non publié, EU:T:2018:872, point 54 et jurisprudence citée).

163    À cet égard, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son large pouvoir d’appréciation. En conséquence, afin d’établir qu’une erreur manifeste a été commise dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue par l’administration dans sa décision. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêt du 20 octobre 2021, ZU/Commission, T‑671/18 et T‑140/19, non publié, EU:T:2021:715, point 199 et jurisprudence citée).

164    En l’espèce, il convient de rappeler que les décisions attaquées ont été adoptées sur le fondement de l’article 47, sous b), iii), du RAA, prévoyant que la fin d’engagement est la règle dans le cas où l’agent n’est plus ressortissant d’un État membre. Toutefois, une dérogation peut être accordée par l’AHCC en vertu de l’article 12, paragraphe 2, sous a), du RAA.

165    En premier lieu, il y a lieu de souligner que la directrice exécutive n’était pas liée par les avis des supérieurs hiérarchiques des requérants, exprimés dans les formulaires d’évaluation. En effet, son appréciation de l’intérêt du service était effectuée dans la perspective d’Europol en tant qu’organisation.

166    En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la directrice exécutive a vérifié si les critères d’évaluation établis et communiqués aux requérants étaient satisfaits. En effet, il ressort des décisions attaquées que la directrice exécutive a reconnu la qualité des prestations des requérants, leurs performances, la nécessité pour le service de leur maintien en fonction et leur absence d’intervention dans le processus décisionnel. Cependant, elle a estimé que la continuité opérationnelle n’était pas affectée par le départ des requérants, de sorte que le critère qui y est relatif n’était pas satisfait, ce qui, en conséquence, n’allait pas à l’encontre de l’intérêt d’Europol en tant qu’organisation. Or, il y a lieu de relever que les requérants n’ont pas apporté d’éléments de preuve suffisants pour établir une erreur factuelle ni pour priver de plausibilité l’appréciation retenue par la directrice exécutive dans les décisions attaquées.

167    S’agissant de l’argument des requérants selon lequel Europol a commis une erreur manifeste d’appréciation en déclarant que la fin de leur engagement n’aurait pas d’impact sur la continuité opérationnelle au sein de l’agence, il convient de relever que les appréciations et les évaluations des supérieurs hiérarchiques des requérants figurant dans les formulaires d’évaluation sont faites par rapport aux départements et aux services où sont affectés les requérants et ne coïncident pas nécessairement avec l’intérêt du service d’Europol dans son organisation d’ensemble, tel qu’il est visé par les critères d’évaluation communiqués en 2018 aux requérants.

168    En troisième lieu, il convient encore d’analyser si, en adoptant des critères d’évaluation autres que ceux envisagés par la Commission, Europol n’a pas manifestement méconnu les limites s’imposant à son pouvoir d’appréciation.

169    À cet égard, en l’absence d’adoption d’une réglementation contraignante et commune aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union, de même que, comme cela est rappelé au point 4 ci-dessus, de toute stipulation à ce sujet dans l’accord de retrait, il y a lieu de relever qu’Europol n’était pas liée par l’approche suivie par la Commission et pouvait adopter des critères d’évaluation plus adaptés à son mandat afin d’apprécier l’intérêt du service dans le cadre du contexte lié au Brexit. En outre, les requérants n’ont pas apporté d’éléments précis susceptibles d’établir une erreur manifeste d’appréciation d’Europol dans l’adoption des critères d’évaluation.

170    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le sixième moyen et, en conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur la demande de production des documents

171    Dans la réplique, les requérants demandent que le Tribunal sollicite, le cas échéant, auprès d’Europol les documents relatifs aux échanges intervenus entre les agences de l’Union au sujet de la possibilité d’octroyer une dérogation à la condition de nationalité limitée dans le temps ainsi que les échanges qui ont suivi la note de service relative à M. Bowden et adressée à la directrice exécutive.

172    À cet égard, il suffit de rappeler, en premier lieu, que, en vertu de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, lorsque cette demande est formulée après le premier échange de mémoires, la partie qui présente la demande doit exposer les raisons pour lesquelles elle n’a pas pu la présenter antérieurement. En l’occurrence, les requérants n’ont pas exposé ces raisons.

173    En second lieu, en tout état de cause, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette demande, l’article 90 du règlement de procédure prévoit que les mesures d’organisation de la procédure sont décidées par le Tribunal. Par ailleurs, il ressort de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure que le Tribunal est seul compétent pour apprécier l’utilité de mesures d’instruction aux fins de la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2021, IB/EUIPO, T‑22/20, EU:T:2021:689, point 163).

174    En l’espèce, le Tribunal estime que les mesures sollicitées n’apparaissent ni pertinentes ni utiles pour la solution du litige. En effet, d’une part, en ce qui concerne les échanges intervenus à la suite de la note de service, ni cette note ni les éventuels échanges intervenus ensuite n’étaient destinés à M. Bowden et ils ne pouvaient pas faire naître une confiance légitime, de sorte que ces documents sont dépourvus de pertinence. D’autre part, concernant les échanges entre les agences de l’Union et la Commission sur la possibilité d’octroyer une dérogation limitée dans le temps, les requérants n’ont pas expliqué la pertinence de ces documents pour l’analyse des moyens invoqués dans la présente affaire, dont aucun ne vise spécifiquement cette possibilité.

 Sur les dépens

175    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions d’Europol.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Ian James Bowden et Mme Janey Young sont condamnés aux dépens.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Porchia

 

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 novembre 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.