Language of document : ECLI:EU:T:2011:683

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 novembre 2011(*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale MPAY24 – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 207/2009 – Rectification de la décision par la chambre de recours – Acte inexistant – Règle 53 du règlement (CE) n° 2868/95 »

Dans l’affaire T‑275/10,

mPAY24 GmbH, établie à Vienne (Autriche), représentée par Mes H.‑G. Zeiner et S. Di Natale, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Ultra d.o.o. Proizvodnja elektronskih naprav, établie à Zagorje ob Savi (Slovénie),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 22 mars 2010 (affaire R 1102/2008‑1), relative à une procédure de nullité entre Ultra d.o.o. Proizvodnja elektronskih naprav et mPAY24 GmbH,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 27 septembre 2010,

vu la lettre de la requérante informant le Tribunal de la décision du 3 août 2010 rectifiant la décision de la première chambre de recours, déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2010,

vu les observations des parties sur la décision du 3 août 2010 rectifiant la décision de la première chambre de recours, déposées au greffe du Tribunal le 3 mars et le 27 avril 2011,

à la suite de l’audience du 13 juillet 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Le 4 mars 2002, la requérante, mPAY24 GmbH, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MPAY24.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 16, 35, 36 et 38 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils de transmission de données, logiciels, matériel informatique » ;

–        classe 16 : « Produits de l’imprimerie, en particulier périodiques » ;

–        classe 35 : « Publicité et affaires commerciales » ;

–        classe 36 : « Opérations financières » ;

–        classe 38 : « Télécommunications ».

4        La demande a été rejetée par l’examinateur en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 [devenus l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009]. Par décision du 21 avril 2004 (affaire R 631/2003-2), la deuxième chambre de recours a annulé la décision de l’examinateur.

5        La marque communautaire a été enregistrée le 19 avril 2005 sous le numéro 002601656.

6        Le 8 mars 2007, Ultra d.o.o. Proizvodnja elektronskih naprav, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, a introduit une demande en nullité contre l’enregistrement de la marque communautaire pour l’ensemble des produits et des services couverts. Elle a invoqué des causes de nullité absolue, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenu article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009], à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 et à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009).

7        Le 10 juin 2008, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

8        Le 24 juillet 2008, l’autre partie devant la chambre de recours a formé un recours au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009).

9        Par décision du 22 mars 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours et a annulé l’enregistrement de la marque communautaire. La chambre de recours a considéré, en substance, que la marque contestée était descriptive des produits et des services couverts par celle-ci et qu’elle était également dépourvue de caractère distinctif. En particulier, elle a considéré que les éléments « pay », signifiant payer en anglais, et « m », se référant à « mobile » ou à « multi », pris isolément et ensemble, étaient descriptifs pour tous les produits et les services en cause. Quant à l’élément « 24 », la chambre de recours a estimé qu’il sera clairement compris comme indiquant que les produits et les services sont accessibles sans interruption. Dès lors, selon elle, le signe MPAY24 sera perçu comme une combinaison de « m », de « pay » et de « 24 » et aucun effort mental ne sera nécessaire pour identifier ces différents composants. Elle a donc considéré que le consommateur comprendra au premier coup d’œil que la marque contestée fait référence à un système permettant d’effectuer des paiements par téléphone mobile 24 heures sur 24. Elle a également estimé que, considérée dans son ensemble, la marque contestée ne sera pas en mesure de distinguer les produits et les services de la requérante de ceux des autres entreprises et a considéré que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif.

10      Le 3 août 2010, la première chambre de recours a adopté un corrigendum sur la base de la règle 53 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), par lequel elle a corrigé une erreur manifeste dans la décision attaquée en ajoutant un nouveau point 29 à celle-ci.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les décisions antérieures de l’OHMI relatives au caractère distinctif de la marque contestée

13      La requérante fait remarquer que la décision attaquée annule la décision précédente de la deuxième chambre de recours du 21 avril 2004, dans laquelle il a été considéré que le motif absolu visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’était pas applicable et que la marque contestée était distinctive pour tous les produits et les services en cause. Elle fait valoir que la procédure de nullité, qui complète l’examen auquel a procédé l’OHMI lors de l’enregistrement de la marque, a pour but de permettre aux tiers d’avancer les causes de nullité n’ayant pas été examinées durant la procédure d’examen. Or, en l’espèce, l’autre partie devant la chambre de recours n’aurait avancé aucune nouvelle cause de nullité par rapport à la procédure d’enregistrement. Il s’ensuivrait que, en statuant sur les mêmes motifs que ceux avancés par la deuxième chambre de recours, la première chambre de recours aurait violé le principe général de sécurité et de prévision juridique.

14      L’OHMI conteste les affirmations de la requérante.

15      Le Tribunal a déjà jugé que le principe d’autorité de la chose jugée, qui exige que le caractère définitif d’une décision de justice ne soit pas remis en cause, n’était pas applicable dans la relation entre une décision finale en matière d’opposition et une demande en nullité, étant donné notamment, d’une part, que les procédures devant l’OHMI sont de nature administrative, et non de nature juridictionnelle, et, d’autre part, que les dispositions pertinentes du règlement n° 207/2009, à savoir l’article 53, paragraphe 4, et l’article 100, paragraphe 2, ne prévoient pas de règle en ce sens [arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Ferrero/OHMI – Tirol Milch (TiMi KiNDERJOGHURT), T‑140/08, Rec. p. II‑3941, point 34].

16      Par ailleurs, le Tribunal avait précisé que la conclusion de la chambre de recours quant au caractère contraignant des constatations effectuées dans la décision finale en matière d’opposition dans le cadre de la procédure en nullité ultérieure était erronée (arrêt TiMi KiNDERJOGHURT, précité, point 37).

17      En revanche, le Tribunal a considéré que les constatations opérées dans la décision finale en matière d’opposition ne pouvaient être totalement ignorées lorsqu’il s’agit de statuer sur la demande en nullité opposant les mêmes parties, portant sur le même objet et fondée sur les mêmes motifs, à condition que ces constatations ou les points tranchés ne soient pas affectés par de nouveaux éléments de fait, de nouvelles preuves ou de nouveaux motifs. En effet, cette affirmation n’est qu’une expression particulière de la jurisprudence selon laquelle la pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI constitue un élément qui peut être pris en considération pour apprécier si un signe est apte à être enregistré (arrêt TiMi KiNDERJOGHURT, précité, point 35).

18      Il ressort des principes susmentionnés que la première chambre de recours n’était pas tenue de suivre la décision antérieure de la deuxième chambre de recours du 21 avril 2004. Dans un cas contraire, la contestation de l’enregistrement d’une marque communautaire ayant fait l’objet d’une décision d’une chambre de recours en matière d’enregistrement dans le cadre d’une procédure de nullité portant sur le même objet et fondée sur les mêmes motifs serait privée de tout effet utile, alors même qu’elle est possible en vertu du règlement n° 207/2009, ainsi qu’il ressort des considérations présentées ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt TiMi KiNDERJOGHURT, précité, point 36).

19      Les arguments de la requérante doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le corrigendum de la décision attaquée du 3 août 2010

20      Dans ses observations sur le corrigendum de la décision attaquée du 3 août 2010, la requérante fait valoir que ce corrigendum enfreint la règle 53 du règlement n° 2868/95. Elle fait valoir en substance que, contrairement à la règle 53 du règlement n° 2868/95, la correction opérée par la chambre de recours en ajoutant le point 29 à la décision attaquée ne corrigeait pas une faute de transcription ou une erreur manifeste. Ce corrigendum devrait, par conséquent, être déclaré inadmissible.

21      L’OHMI admet que ledit corrigendum va au-delà des corrections d’ordre linguistique ou de transcription au sens de la règle 53 du règlement n° 2868/95 tout en estimant que, même sans ce corrigendum, la décision attaquée remplit les obligations de motivation à l’égard de chaque produit et chaque service en question au sens de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009.

22      Aux termes de la règle 53 du règlement n° 2868/95, dans les décisions de l’OHMI, seules les fautes linguistiques, les fautes de transcription et les erreurs manifestes peuvent être rectifiées. Elles sont rectifiées, d’office ou sur demande de l’une des parties intéressées, par l’instance qui a rendu la décision.

23      En l’espèce le corrigendum du 3 août 2010 ajoute, à la décision attaquée, le point 29 relatif au caractère descriptif de la marque contestée pour les produits et les services couverts par celle-ci. Dès lors, ainsi que le fait valoir la requérante et que l’admet l’OHMI, les précisions apportées par ledit corrigendum ne constituent pas la rectification d’une faute linguistique, d’une faute de transcription ou d’une erreur manifeste au sens de la règle 53 du règlement n° 2868/95 [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, non publié au Recueil, point 54]. Ledit corrigendum a, au contraire, porté sur la substance même de la décision attaquée et, de ce fait, ne peut pas être considéré comme la rectification de l’un des types d’erreur prévus par la règle 53 du règlement n° 2868/95.

24      Il convient également de constater que la modification introduite par le corrigendum du 3 août 2010 ne pouvait pas davantage être adoptée sur la base de l’article 80 du règlement n° 207/2009, prévoyant la possibilité pour les instances de l’OHMI de révoquer, dans un délai de six mois à partir de leur adoption, les décisions entachées d’une erreur procédurale manifeste qui leur serait imputable. En effet, les conditions d’application de l’article 80 du règlement n° 207/2009 n’étaient pas réunies en l’espèce, aucune erreur de procédure manifeste n’ayant été commise.

25      Il s’ensuit que le corrigendum du 3 août 2010 a été adopté en dehors des cas prévus par le règlement n° 207/2009, dans lesquels les chambres de recours peuvent revenir sur les décisions. Il était ainsi dépourvu de tout fondement juridique.

26      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que les actes des institutions, des organes et des organismes de l’Union européenne jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et, partant, produisent des effets juridiques, même s’ils sont entachés d’irrégularités, aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés ou retirés. Toutefois, par exception à ce principe, les actes entachés d’une irrégularité d’une gravité si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique de l’Union doivent, même d’office, être réputés n’avoir produit aucun effet juridique, c’est-à-dire être considérés comme juridiquement inexistants. Cette exception vise à préserver un équilibre entre deux exigences fondamentales, mais parfois antagonistes, auxquelles doit satisfaire un ordre juridique, à savoir la stabilité des relations juridiques et le respect de la légalité. La gravité des conséquences juridiques qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 1957, Algera e.a./Assemblée commune, 7/56 et 3/57 à 7/57, Rec. p. 81, 122 ; du 12 mai 1977, Hebrant/Parlement, 31/76, Rec. p. 883, point 23 ; du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d’Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005, points 10 et 11, et du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, points 48 à 50).

27      Les irrégularités de nature à conduire le juge de l’Union à considérer un acte comme juridiquement inexistant diffèrent des illégalités dont la constatation entraîne, en principe, l’annulation des actes soumis au contrôle de légalité prévu par le traité non par leur nature, mais par leur gravité et par leur caractère flagrant. En effet, doivent être tenus pour juridiquement inexistants les actes entachés d’irrégularités dont la gravité est évidente au point d’affecter leurs conditions essentielles (voir, en ce sens, arrêt Commission/BASF e.a., précité, points 51 et 52).

28      En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté aux points 23 à 25 ci-dessus, le corrigendum du 3 août 2010 était entaché d’irrégularités tenant aux conditions essentielles de cet acte dont la gravité et le caractère flagrant ne pouvaient, dans leur globalité, échapper aux parties.

29      En effet, après la réception dudit corrigendum, la requérante a adressé le 20 décembre 2010 au Tribunal un courrier dans lequel elle a invoqué l’inadmissibilité de celui-ci. Ensuite, elle a confirmé cette position dans ses observations sur le corrigendum en ajoutant que celui-ci était dépourvu de toute base légale.

30      De même, l’OHMI, dans ses observations sur ledit corrigendum, a également admis que celui-ci allait au-délà des circonstances prévues par la règle 53 du règlement n° 2868/95.

31      Ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, le corrigendum du 3 août 2010, qui visait en fait à modifier la substance de la décision attaquée, a été adopté en dehors de toute base juridique. Force est donc de constater que ce vice de procédure constitue une irrégularité mettant en cause les conditions essentielles de l’acte en cause, si bien qu’il doit être traité comme inexistant (voir point 27 ci-dessus).

32      Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal procédera, par conséquent, à l’analyse de la légalité de la décision attaquée sans tenir compte de la modification apportée à cette décision par le corrigendum du 3 août 2010.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

33      La requérante estime que la marque MPAY24, considérée dans son ensemble, serait tout au plus allusive ou suggestive, mais non pas directement et immédiatement descriptive des produits et des services couverts par celle-ci. Ainsi, elle conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le signe en question signifierait « système qui rend possible le paiement mobile disponible 24 heures sur 24 ». Elle ajoute que le consommateur moyen anglophone devra procéder à plusieurs opérations mentales afin de saisir la prétendue signification de la marque contestée. Selon la requérante, la chambre de recours n’aurait pas établi qu’il existait un lien direct entre la prétendue signification du signe et les produites et les services qu’il désigne. La chambre de recours aurait dû constater l’existence d’un caractère descriptif pour chacun des produits ou des services couverts par la marque ou, au moins, pour chaque catégorie ou groupe de produits.

34      L’OHMI estime que la marque contestée est descriptive pour les produits et les services en cause dès lors qu’elle ne serait que la somme des trois éléments « m », « pay » et « 24 » également descriptifs pour lesdits produits et services. Il fait également valoir que les produits et les services couverts par la marque contestée peuvent avoir une destination commune, comme l’avait estimé la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée. Ainsi, une motivation globale relative au caractère descriptif de la marque contestée pour les produits et les services en cause serait suffisante, et la violation alléguée par la requérante de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009 ne serait pas établie.

35      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 interdit l’enregistrement de marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. Ces signes descriptifs sont réputés incapables de remplir la fonction essentielle des marques d’indication de l’origine [arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 30, et arrêt du Tribunal du 2 avril 2008, Eurocopter/OHMI (STEADYCONTROL), T‑181/07, non publié au Recueil, point 35]. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 précise que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

36      Dans cette perspective, les signes et les indications visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur, à désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles un produit ou un service tel que celui pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêts du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 24, et du 19 novembre 2009, Clearwire Corporation/OHMI (CLEARWIFI), T‑399/08, non publié au Recueil, point 19].

37      Selon une jurisprudence constante, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il doit présenter avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques [arrêts du Tribunal PAPERLAB, précité, point 25, et du 11 février 2010, Deutsche BKK/OHMI (Deutsche BKK), T‑289/08, non publié au Recueil, point 34].

38      Ainsi, le caractère descriptif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception du public pertinent qui est constitué par le consommateur de ces produits ou de ces services [arrêts du Tribunal du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II‑1961, point 30, et Deutsche BKK, précité, point 36].

39      Pour tomber sous le coup de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il suffit qu’un signe verbal, en au moins une de ses significations potentielles, désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [arrêt OHMI/Wrigley, précité, point 32, et arrêt du Tribunal du 10 février 2010, O2 (Germany)/OHMI (Homezone), T‑344/07, Rec. p. II‑153, point 21].

40      Enfin, en ce qui concerne les néologismes, il convient de rappeler que la combinaison de termes descriptifs est elle-même en principe descriptive des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, sauf si, en raison du caractère inhabituel de la combinaison, le signe en cause crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments (arrêts STEADYCONTROL, précité, points 36 et 37, et CLEARWIFI, précité, point 22).

41      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent moyen.

 Sur la définition du public pertinent

42      S’agissant du public pertinent, la chambre de recours a constaté, au point 21 de la décision attaquée, qu’il est composé des consommateurs moyens anglophones. La requérante ne conteste pas cette conclusion, qui doit, par conséquent, être confirmée.

–       Sur la perception du signe verbal MPAY24 par le public pertinent

43      S’agissant de la lettre « m », la chambre de recours a considéré qu’elle représentait une abréviation des termes « mobile » ou « multi » et pourrait être comprise comme une référence à des systèmes de paiement multifonctionnels (point 22 de la décision attaquée). Cette affirmation de la chambre de recours est correcte, car à l’instar des lettres « i » et « e » qui sont les abréviations, respectivement, d’Internet et d’électronique, la lettre « m » est fréquemment utilisée comme abréviation de mobile. Ainsi c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que la lettre « m » pouvait être descriptive pour le public pertinent.

44      Quant à l’élément « pay », la chambre de recours a constaté, au point 21, qu’il avait une signification claire en anglais et que les produits et les services couverts par la marque contestée pouvaient tous être utilisés en relation directe avec des services de paiement. Par ailleurs, dans l’arrêt du Tribunal du 21 janvier 2009, giropay/OHMI (GIROPAY), (T‑399/06, non publié au Recueil, point 32) il a été constaté que, lorsque le mot « pay » est utilisé en langue anglaise dans le milieu des institutions financières, il désigne un transfert d’argent versé comme contrepartie d’un travail ou d’un service exécuté. Il est également descriptif en l’espèce.

45      En ce qui concerne l’élément « mpay », la chambre de recours a estimé que le consommateur ne devrait pas fournir un effort mental pour séparer les éléments et comprendre qu’elle est constituée de « m » et de « pay » (point 26 de la décision attaquée). Selon elle, les consommateurs professionnels ou les particuliers qui utilisent le système de paiement connaissent les aspects techniques du système et ne percevront pas cette combinaison comme un mot unique. Par ailleurs cette combinaison serait difficile à prononcer (points 25 et 26 de la décision attaquée).

46      Il y a lieu de constater, à cet égard, que le consommateur anglophone identifiera dans l’élément « mpay », sans déploiement d’efforts mentaux, le mot « pay » dont il connaît la signification. La lettre « m » serait en conséquence comprise comme associée au mot « pay » pouvant signifier « mobile » ou « multi » ainsi que cela a été constaté au point 42 ci-dessus.

47      S’agissant de l’élément « 24 », c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, au point 27 de la décision attaquée, qu’il était une abréviation de « 24 heures » indiquant que les produits et les services sont accessibles sans interruption et serait immédiatement compris de cette manière. La disponibilité des services sans interruption est particulièrement vraie dans le cadre des services de paiement.

48      Il convient donc de confirmer la position de la chambre de recours sur ce point.

49      Enfin, s’agissant du signe MPAY24, la chambre de recours, au point 28 de la décision attaquée, a estimé qu’il sera perçu comme un terme composé des éléments « m », « pay » et « 24 », sans que le consommateur ait besoin de fournir un effort mental important pour séparer ces éléments. Ce signe ferait ainsi référence à un système permettant d’effectuer des paiements par téléphone mobile 24 heures sur 24.

50      Ainsi que cela a été constaté, le signe MPAY24 est composé de trois éléments, chacun étant descriptif. Pris dans son ensemble, le signe sera également considéré comme descriptif, car le public pertinent sera en mesure d’identifier immédiatement et sans autre réflexion, dans ce signe, les trois éléments descriptifs pour les produits et les services en cause. Étant donné que le public comprendra forcément la signification du mot « pay », signifiant payer, il associera les deux autres éléments, à savoir « m » et « 24 », à l’action de payer. Ainsi, il est raisonnable d’estimer, à l’instar de la chambre de recours (point 22 de la décision attaquée), que le signe MPAY24 pourrait être compris comme faisant référence au système rendant possible le paiement par mobile 24 heures sur 24 (mobile payment) ou bien au système à paiement multifonctionnel disponible 24 heures sur 24 (multi payment). Par conséquent, l’impression qu’aura le public de ce néologisme ne sera pas suffisamment éloignée de la somme des trois éléments la composant au sens de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus.

51      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a constaté le caractère descriptif du signe MPAY24. Il convient, dès lors, d’établir s’il existe un lien suffisamment concret entre le signe en cause et les produits et les services, justifiant l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

 Sur l’existence d’un lien suffisamment direct et concret avec les produits visés

52      Il convient de rappeler, d’une part, que l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, que la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit en principe être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir ordonnance de la Cour du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, Rec. p. I–2395, point 37, et la jurisprudence citée).

53      Cependant, à l’égard de cette dernière exigence, la Cour a précisé que l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou les services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (voir ordonnance CFCMCEE/OHMI, précitée, point 38 et la jurisprudence citée).

54      En l’espèce, au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est limitée à affirmer que les produits et les services en cause pouvaient être tous être utilisés en relation directe avec des services de paiement.

55      La requérante fait valoir que les produits et les services couverts par la marque contestée ne constituent pas une catégorie permettant de procéder à une motivation globale. L’analyse de la chambre négligeant les différences entre les produits et les services en question serait, dès lors, incomplète et incorrecte. Elle ajoute que le fait que la chambre de recours ait complété sa motivation sur ce point par le corrigendum du 3 août 2010 prouverait que l’OHMI considère lui-même que la motivation était insuffisante.

56      L’OHMI, à son tour, estime que la violation alléguée de l’article 75 du règlement n° 207/2009 ne serait pas établie.

57      À cet égard, il y a également lieu de rappeler que, en vertu de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Par ailleurs, il convient d’ajouter que l’obligation de motivation des décisions de l’OHMI a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE. Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (voir arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, points 63 à 65, et la jurisprudence citée).

58      Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas effectué une analyse in concreto du caractère descriptif du signe MPAY24 en lien avec les produits et les services couverts par la marque demandée. Dès lors, en l’absence d’une telle analyse, la chambre de recours n’a pas respecté l’obligation de motivation énoncée à l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009.

59      En outre, même si, en vertu de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, une motivation globale pour un groupe ou une catégorie de produits peut être suffisante, il n’est nullement établi en l’espèce que les produits et les services couverts par la marque contestée formeraient une catégorie homogène permettant de recourir à une motivation globale.

60      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le présent moyen. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, l’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins, modèles) (OHMI) du 22 mars 2010 (affaire R  1102/2008‑1) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.