Language of document : ECLI:EU:T:2022:526

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 septembre 2022 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Correspondance de la Commission relative aux quantités et aux délais de livraison des vaccins contre la COVID-19 de BioNTech – Recours en annulation – Décisions explicites adoptées après refus implicite d’accès – Absence de litispendance en raison de l’irrecevabilité d’un autre recours – Refus total et partiel d’accès – Exceptions relatives à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, à la protection des avis juridiques, à la protection du processus décisionnel et à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers »

Dans l’affaire T‑651/21,

Hans-Wilhelm Saure, demeurant à Berlin (Allemagne), représenté par Me C. Partsch, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann, MM. G. Gattinara et A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,


LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, R. Barents et C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 18 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Hans-Wilhelm Saure, demande l’annulation de la décision explicite de la Commission européenne, du 11 août 2021, lui accordant un accès partiel à certains documents et refusant l’accès à d’autres documents (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 14 avril 2020, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (UE) 2020/521 portant activation de l’aide d’urgence en vertu du règlement (UE) 2016/369 et modification des dispositions dudit règlement pour tenir compte de la propagation de la COVID-19 (JO 2020, L 117, p. 3). Par ce règlement, ainsi qu’il ressort de son intitulé et de ses considérants 3 et 4, le Conseil a activé l’aide d’urgence établie par le règlement (UE) 2016/369 du Conseil, du 15 mars 2016, relatif à la fourniture d’une aide d’urgence au sein de l’Union (JO 2016, L 70, p. 1), en tant que l’une des mesures devant permettre à l’Union européenne dans son ensemble de faire face à la crise liée à la pandémie de COVID-19, dans un esprit de solidarité compte tenu des contraintes liées à la propagation rapide du virus et dès lors que l’ampleur et le caractère transnational de cette propagation et de ses effets rendaient nécessaire une réponse globale.

3        Le 17 juin 2020, la Commission a publié la communication COM(2020) 245 final, « Stratégie de l’Union européenne concernant les vaccins contre la COVID-19 », visant à accélérer la mise au point, la fabrication et le déploiement de vaccins contre la COVID‑19. Selon cette communication, ladite stratégie repose sur deux piliers, dont le premier est d’assurer une production suffisante de vaccins dans l’Union et, ce faisant, un approvisionnement suffisant des États membres au moyen de contrats d’achat anticipé conclus avec des producteurs de vaccins par l’intermédiaire de l’instrument d’aide d’urgence tel qu’il a été activé par le règlement 2020/521.

4        S’agissant de ces contrats d’achat anticipé, ladite communication est notamment rédigée comme suit :

« 2.2. Contrats d’achat anticipé par l’intermédiaire de l’instrument d’aide d’urgence

Pour soutenir les entreprises dans la mise au point et la production rapides d’un vaccin, la Commission conclura des contrats avec des producteurs de vaccins individuels au nom des États membres. En échange du droit d’acheter un nombre défini de doses de vaccin dans un délai donné et à un prix donné, une partie des coûts initiaux supportés par les producteurs de vaccins seront financés grâce à l’instrument d’aide d’urgence. Cet échange prendra la forme de contrats d’achat anticipé.

[…]

En tant qu’acquéreurs finaux des vaccins, les États membres seront associés à la procédure dès le départ. Ils seront invités à partager leur expertise en ce qui concerne les candidats vaccins potentiels ainsi qu’à fournir des fonds supplémentaires (si ceux de l’instrument d’aide d’urgence ne suffisaient pas) et seront étroitement associés aux négociations. La Commission propose de conclure un accord avec les États membres participants pour formaliser leurs engagements réciproques. Tous les États membres participants seront représentés au sein d’un comité de pilotage, qui assistera la Commission sur tous les aspects du contrat d’achat anticipé avant sa signature. Une équipe conjointe de négociation, composée de la Commission et d’un petit nombre d’experts des États membres, négociera les contrats d’achat anticipé. Ces contrats seront conclus au nom de l’ensemble des États membres participants. »

5        Par lettre du 6 janvier 2021, le requérant, un journaliste travaillant pour le quotidien allemand Bild, a, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), demandé à la Commission l’accès aux copies de l’ensemble de la correspondance de cette dernière, échangée depuis le 1er avril 2020 et relative, en particulier, aux quantités de vaccins proposés par la société BioNTech SE et aux délais de livraison de ces vaccins, avec, premièrement, cette société, deuxièmement, la Chancellerie fédérale de la République fédérale d’Allemagne et concernant ladite société et ses produits et, troisièmement, le ministère fédéral de la santé de la République fédérale d’Allemagne et concernant l’achat de vaccins pour lutter contre la pandémie de COVID-19 (ci-après la « demande litigieuse »). La demande litigieuse a été enregistrée sous la référence GESTDEM 2021/0101.

6        Par lettre du 27 janvier 2021 (ci-après la « lettre du 27 janvier 2021 »), la direction générale (DG) « Santé et sécurité alimentaire » de la Commission a informé le requérant qu’elle avait identifié 34 documents relevant du champ de la demande litigieuse et, au titre de plusieurs des exceptions prévues à l’article 4 du règlement n1049/2001, a refusé de lui accorder un accès à ces documents. Ce faisant, la Commission a intégralement rejeté la demande litigieuse.

7        Par lettre du même jour, le requérant a, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, présenté une demande confirmative d’accès aux documents en cause. Cette demande a été suivie, le 29 janvier 2021, par un courrier exposant la motivation du requérant relative à ladite demande confirmative et visant à répondre à la lettre du 27 janvier 2021.

8        Le 17 février 2021, le secrétariat général de la Commission a informé le requérant que sa demande confirmative était toujours en cours de traitement, de sorte qu’il n’était pas possible de répondre à cette demande dans le délai initial de quinze jours ouvrables, expirant le jour même, et que ce délai était prolongé jusqu’au 10 mars suivant, à savoir à l’expiration des quinze jours ouvrables additionnels prévus par l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

9        Le 10 mars 2021, le secrétariat général de la Commission a informé le requérant que sa demande confirmative était en cours de traitement et que, « malheureusement, [il n’avait] pas été en mesure de collecter tous les éléments nécessaires pour procéder à une analyse complète de [cette demande] et pour prendre une décision finale ». La Commission a précisé fournir les meilleurs efforts pour lui répondre au plus vite.

10      Le 19 mars 2021, le requérant a introduit un recours dirigé contre la lettre du 27 janvier 2021, lequel a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑151/21.

11      Le 2 juin 2021, la secrétaire générale de la Commission a adopté une première décision explicite relative à la demande confirmative (ci-après la « décision du 2 juin 2021 »). Elle y a indiqué que les 34 documents initialement identifiés dans la lettre du 27 janvier 2021 constituaient en réalité 34 ensembles de documents ; que, après réexamen, il s’avérait que certains documents ne relevaient pas du champ de ladite demande ; que la Commission n’avait pas conclu son examen de divers documents, et que le requérant serait informé de l’issue de cet examen dès que possible ; qu’une version de l’un des documents, expurgée de certaines données, avait entretemps été diffusée sur le site Internet de la Commission, que la Commission divulguait entièrement quelques documents et qu’un accès partiel était accordé pour les autres documents identifiés.

12      Le 30 juillet 2021, le requérant a introduit un recours dirigé contre la décision du 2 juin 2021, lequel recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑448/21. Le 29 juillet 2021, le requérant avait également adapté la requête dans l’affaire T‑151/21 pour tenir compte de ladite décision.

13      Par lettre du 11 août 2021, la secrétaire générale de la Commission a adopté une décision explicite, à savoir la décision attaquée, couvrant les documents pour lesquels elle avait précédemment informé le requérant que leur examen était encore en cours. Par cette décision, la Commission a indiqué avoir terminé son examen de l’ensemble des documents couverts par la demande litigieuse, a accordé un accès partiel à certains de ces documents et a refusé l’accès aux autres. Elle a invoqué quatre exceptions prévues par le règlement no 1049/2001 pour justifier ces refus partiels et totaux d’accès aux documents concernés, à savoir les exceptions relatives à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, à la protection du processus décisionnel et à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers.

14      Le 6 octobre 2021, à savoir la veille de l’introduction du présent recours, le requérant a adapté la requête dans l’affaire T‑151/21 pour tenir compte de la décision attaquée (ci-après le « mémoire en adaptation du 6 octobre 2021 »).

 Conclusions des parties

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle refuse partiellement ou intégralement l’accès à des documents couverts par la demande litigieuse ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

17      Compte tenu de l’introduction du présent recours parallèlement au dépôt, dans le cadre de l’affaire T‑151/21, du mémoire en adaptation du 6 octobre 2021 visant également la décision attaquée, les parties principales ont été interrogées, par voie d’une mesure d’organisation de la procédure, sur la question d’une éventuelle situation de litispendance existant dans la présente affaire. L’attention des parties a été attirée sur le fait que la requête introduisant le recours dans la présente affaire a été déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2021 à 12 h 35, tandis que le mémoire en adaptation du 6 octobre 2021 a été déposé la veille à 17 h 42 dans le cadre de l’affaire T‑151/21.

18      Le requérant n’a pas répondu à cette mesure d’organisation de la procédure.

19      Pour sa part, la Commission a soutenu, en réponse à ladite mesure d’organisation de la procédure ainsi que dans le mémoire en défense, que, compte tenu de l’ordre d’introduction de la requête dans la présente affaire et du mémoire en adaptation du 6 octobre 2021 dans l’affaire T‑151/21, le présent recours devrait être rejeté comme étant irrecevable pour cause de litispendance. Elle a cependant précisé que cette situation de litispendance disparaitrait si le Tribunal devait considérer, ainsi qu’elle le faisait valoir, que le recours dans l’affaire T‑151/21 était irrecevable.

20      Selon une jurisprudence constante, un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, qui est fondé sur les mêmes moyens et qui tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (voir arrêts du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 39 et jurisprudence citée, et du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 32 et jurisprudence citée). Par ailleurs, aux fins de l’examen d’une situation de litispendance, le dépôt, par acte de procédure devant le greffe du Tribunal, d’une demande d’adaptation des conclusions et des moyens de la requête à l’égard d’un acte modifiant ou remplaçant l’acte initialement attaqué, équivaut sans préjudice d’une décision ultérieure du Tribunal sur la recevabilité, au dépôt d’un nouveau recours (voir arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 40 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, il ressort d’une comparaison entre, d’une part, le contenu de la requête déposée dans le cadre de la présente affaire et, d’autre part, celui du mémoire en adaptation du 6 octobre 2021 déposé dans l’affaire T‑151/21, lu en combinaison avec le mémoire en adaptation déposé antérieurement dans cette dernière affaire (voir point 12 ci-dessus), que les conclusions, les moyen soulevés et les argumentations développées au soutien de ces moyens sont, en substance, identiques dans chacune de ces deux affaires. En outre, il convient de relever, ainsi qu’il ressort du point ‎17 ci-dessus, que la requête déposée dans le cadre du présent recours a été déposée après le mémoire en adaptation du 6 octobre 2021.

22      Toutefois, il convient également de constater que le recours dans l’affaire T‑151/21, tel qu’il a été adapté par le mémoire en adaptation du 6 octobre 2021, a été rejeté comme étant manifestement irrecevable par l’ordonnance du 25 mars 2022, Saure/Commission (T‑151/21, non publiée, EU:T:2022:208).

23      Pour cette raison, le litige résultant du recours dans l’affaire T‑151/21 a cessé d’exister, de sorte que le présent recours ne se heurte plus à une litispendance et est recevable (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 30 à 33 et jurisprudence citée).

24      Il découle des considérations qui précèdent que le présent recours est recevable en ce que les conclusions en annulation sont dirigées contre la décision attaquée.

 Sur le fond

25      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée, le requérant soulève quatre moyens, tirés de diverses violations de l’article 4 du règlement no 1049/2001, à savoir de violations, premièrement, de l’article 4, paragraphe 1, sous b), deuxièmement, de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, troisièmement, de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, et, quatrièmement, de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, en ce que la Commission aurait fait une application irrégulière des quatre exceptions invoquées dans cette décision (voir point 13 ci-dessus).

26      Afin de traiter ces moyens, d’une part, le Tribunal a demandé à la Commission, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée au titre de l’article 89, paragraphe 3, sous d), et de l’article 90 du règlement de procédure, de produire les documents auxquels elle avait accordé un accès partiel par la décision attaquée. D’autre part, le Tribunal, par ordonnance du 26 avril 2022, a ordonné à la Commission, au titre de l’article 91, sous c), et de l’article 92 de ce règlement, de produire intégralement les documents auxquels elle avait totalement ou partiellement refusé l’accès, tout en précisant que, conformément à l’article 104 dudit règlement, ceux-ci ne seraient pas communiqués au requérant.

27      Ces productions de documents ont permis au Tribunal d’examiner en connaissance de cause les quatre moyens soulevés, étant toutefois précisé que, par ces moyens, le requérant n’a pas formellement allégué que les quatre exceptions invoquées par la Commission n’étaient pas applicables aux informations occultées dans les documents concernés, mais il s’est limité à contester le bien-fondé des motifs figurant dans la décision attaquée visant à établir que la divulgation de ces informations aurait porté atteinte aux intérêts protégés par lesdites quatre exceptions (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Jurašinović/Conseil, C‑576/12 P, EU:C:2013:777, points 27 et 28).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu

28      Selon le requérant, l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, qui devrait être interprétée de manière restrictive, ne s’opposerait pas à la divulgation des données à caractère personnel occultées dans les documents auxquels il a eu accès. En effet, compte tenu des enjeux sur le plan de la sécurité nationale et de la sûreté publique, cette divulgation constituerait, en vertu de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), une ingérence appropriée dans la vie privée des personnes concernées. Partant, les données à caractère personnel occultées dans les documents 14 ainsi que 25 à 31 devraient être divulguées.

29      En outre, le requérant aurait établi la nécessité de la transmission desdites données dans un but spécifique d’intérêt public et il n’existerait aucune raison de penser que cela porterait atteinte aux intérêts légitimes des personnes concernées, conformément aux exigences ressortant de la jurisprudence relative au règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1) et au règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).

30      Pour sa part, la Commission conteste cette argumentation et relève que, s’agissant du premier moyen comme de ceux qui suivent, les critiques avancées sont génériques et remettent en cause, par principe, l’application des exceptions invoquées dans la décision attaquée, mais sans contester leur application concrète telle qu’étayée par les motifs figurant dans cette décision.

31      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, les institutions de l’Union refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel.

32      Selon la jurisprudence, il en résulte que lorsqu’une demande vise à obtenir l’accès à des données à caractère personnel, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2018/1725, les dispositions de ce règlement deviennent intégralement applicables (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 44 et jurisprudence citée).

33      Ainsi, des données à caractère personnel ne peuvent faire l’objet d’une transmission à un tiers sur le fondement du règlement no 1049/2001 que lorsque cette transmission, d’une part, remplit les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous a) ou b), du règlement 2018/1725 et, d’autre part, constitue un traitement licite, conformément aux exigences de l’article 5 de ce même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 104).

34      À cet égard, selon l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, des données à caractère personnel ne sont transmises à des destinataires établis dans l’Union autres que les institutions et organes de l’Union que si le destinataire établit qu’il est nécessaire que ces données soient transmises dans un but spécifique d’intérêt public et le responsable du traitement établit, s’il existe des raisons de penser que cette transmission pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée, qu’il est proportionné de transmettre les données à caractère personnel à cette fin précise, après avoir mis en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents.

35      Partant, il ressort des termes mêmes de cette disposition que celle-ci subordonne la transmission de données à caractère personnel à la réunion de plusieurs conditions cumulatives.

36      Il incombe au demandeur d’accès de démontrer la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public. Pour remplir cette condition, il y a lieu de démontrer que la transmission des données à caractère personnel est la mesure la plus appropriée parmi les autres mesures envisageables pour atteindre l’objectif poursuivi par le demandeur et qu’elle est proportionnée à cet objectif, ce qui oblige le demandeur à présenter des justifications expresses et légitimes [voir arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission, T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 42 et jurisprudence citée]. Il en résulte que la mise en œuvre de la condition de démontrer la nécessité de la transmission des données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public conduit à reconnaître l’existence d’une exception à la règle fixée par l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 selon laquelle le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande d’accès (arrêt du 15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 55).

37      En outre, si le demandeur d’accès a démontré la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public, il appartient alors à l’institution concernée de vérifier s’il n’existe aucune raison de penser que la transmission en cause pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée et, en pareil cas, de mettre en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents en vue d’évaluer la proportionnalité de la transmission de données à caractère personnel sollicitée (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 47 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a occulté, dans certains des documents rendus publics, à savoir en particulier les documents 14 ainsi que 25 à 31, des données à caractère personnel telles que les noms de représentants de BioNTech ainsi que les noms et les fonctions de représentants de Pfizer.

39      À cet égard, le requérant ne conteste pas que les informations dont il sollicite la divulgation sont des données à caractère personnel, mais se prévaut, en substance, de deux arguments pour soutenir que ces données devraient néanmoins être transmises.

40      Par son premier argument, le requérant soutient que la divulgation des données à caractère personnel litigieuses serait compatible avec l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH. Il précise sur ce point qu’un taux de vaccination élevé parmi la population permettrait de ralentir la circulation du virus, ce qui contribuerait à la sécurité nationale et à la sûreté publique et justifierait une ingérence dans la vie privée et l’intégrité des personnes concernées.

41      Or, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que ce premier argument est formulé en des termes généraux et abstraits. En effet, le requérant n’établit aucun lien spécifique et concret entre les noms et les fonctions des personnes concernées et les justifications liées à la sauvegarde de la « sécurité nationale » et de la « sûreté publique » qu’il invoque. Tout au plus, il se borne à alléguer qu’un taux de vaccination élevé permettrait de réduire la circulation du virus au sein de la population, sans toutefois expliquer en quoi cette information démontrerait la nécessité de la transmission des données à caractère personnel occultées dans les documents auxquels il a accès.

42      En outre, même à les supposer avérées, les considérations selon lesquelles, à l’aune des justifications relatives à la « sécurité nationale » et à la « sûreté publique » déjà évoquées, l’article 8 de la CEDH admettrait une ingérence dans la vie privée des personnes concernées, sont dénuées de pertinence. En effet, c’est, en premier chef, à l’aune des exigences résultant du règlement 2018/1725 et du règlement no 1049/2001 qu’il revenait à la Commission d’apprécier si les données à caractère personnel en cause pouvaient être divulguées et le requérant n’explique pas en quoi le fait que ledit article 8 admette l’ingérence évoquée impliquerait une obligation de divulguer ces données, ni en quoi l’absence de divulgation serait contraire à un autre article de la CEDH.

43      Il convient donc d’écarter le premier argument invoqué par le requérant.

44      Par le second argument, le requérant, qui souligne les objectifs fondamentalement différents du règlement 2018/1725 et du règlement no 1049/2001, en ce que ce dernier vise à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents, soutient avoir exposé de manière détaillée le but d’intérêt public justifiant la transmission des données à caractère personnel litigieuses, en particulier dans sa lettre du 29 janvier 2021 exposant la motivation à l’appui de la demande confirmative formulée par la lettre du 27 janvier 2021. En effet, ainsi qu’il ressortirait de la couverture médiatique relative aux vaccins contre la COVID-19, les informations demandées auraient un intérêt public considérable et le requérant y demanderait l’accès en tant que journaliste afin de permettre au public « de se forger une opinion ». De plus, cela serait nécessaire pour lutter « contre la désinformation » concernant ces vaccins.

45      À cet égard, il ressort du considérant 2 du règlement no 1049/2001 que la transparence permet de conférer aux institutions de l’Union une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité à l’égard des citoyens de l’Union dans un système démocratique (voir arrêt du 22 janvier 2020, PTC Therapeutics International/EMA, C‑175/18 P, EU:C:2020:23, point 53 et jurisprudence citée). Par ailleurs, selon le considérant 28 du règlement 2018/1725, un but spécifique d’intérêt public au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, pourrait avoir trait à la transparence des institutions et organes de l’Union.

46      Dans ce contexte, le Tribunal considère que la transparence du processus suivi par la Commission lors des négociations avec les producteurs de vaccins contre la COVID‑19 et de la conclusion des contrats d’achat anticipé au nom des États membres pourrait, en effet, constituer un but spécifique d’intérêt public au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, en ce qu’elle est susceptible de contribuer à augmenter la confiance des citoyens de l’Union à l’égard de la stratégie vaccinale promue par cette institution et, par suite, à notamment lutter contre la diffusion de fausses informations en ce qui concerne les conditions entourant la négociation et la conclusion des contrats d’achat anticipé conclus par la Commission au nom des États membres.

47      Toutefois, ces considérations, relatives au but poursuivi par le requérant, ne suffisent pas à démontrer que la transmission des données à caractère personnel en cause est nécessaire, au sens de la jurisprudence citée au point ‎36 ci-dessus, en ce qu’elles ne permettent pas, à elles seules, d’établir que ladite transmission constituerait la mesure la plus appropriée parmi les autres mesures envisageables pour que le but spécifique d’intérêt public invoqué soit satisfait.

48      En effet, si le requérant a certes spécifié le but qu’il poursuivait, d’une part, il n’a néanmoins pas exposé de manière spécifique en quoi, compte tenu des informations révélées dans les documents auxquels la Commission a déjà accordé un accès partiel, la divulgation des données à caractère personnel occultées serait nécessaire pour lutter contre la diffusion de fausses informations au sujet des vaccins contre la COVID‑19.

49      D’autre part, le requérant n’a pas non plus démontré l’intérêt du public à connaître, spécifiquement, les données à caractère personnel occultées, en particulier les noms et les fonctions de représentants de laboratoires pharmaceutiques. À cet égard, à la différence des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA (C‑615/13 P, EU:C:2015:489), l’argumentation du requérant ne repose sur aucun élément concret de nature à établir la nécessité de la divulgation des données à caractère personnel en cause.

50      Il en résulte que le second argument, tiré de la nécessité de permettre au public de se forger une opinion et de lutter contre la diffusion de fausses informations au sujet des vaccins, n’est pas de nature à établir la nécessité de la transmission des données à caractère personnel en cause.

51      Les conditions fixées par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 étant cumulatives et le requérant n’ayant pas démontré que la première condition relative à la nécessité de la transmission des données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public était remplie, il y a lieu de considérer que l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 s’oppose à la divulgation des noms et fonctions qui ont été occultées dans les documents auxquels le requérant a eu accès, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions fixées par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725.

52      Partant, il y a lieu d’écarter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques

53      Le requérant conteste l’application en l’espèce de l’exception, relative à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, étant donné que cette exception serait limitée dans le temps et n’empêcherait la divulgation de documents qu’aussi longtemps que persisterait le risque d’atteinte à une telle procédure. Or, les procédures éventuellement concernées en l’espèce seraient clôturées, de sorte qu’un tel risque d’atteinte n’existerait plus.

54      À titre subsidiaire, les trois conditions cumulatives relatives à la protection des avis juridiques ne seraient pas remplies en l’espèce, à savoir les conditions selon lesquelles, premièrement, le document donné doit effectivement concerner un avis juridique, deuxièmement, la divulgation du document doit porter préjudice à l’intérêt d’une institution à demander de tels avis et à recevoir des avis francs, objectifs et complets et, troisièmement, il n’existe pas d’intérêt public supérieur justifiant une atteinte à cette protection. La Commission n’aurait d’ailleurs avancé aucune allégation sur ces conditions.

55      Plus particulièrement, s’agissant des documents 6 et 11 examinés dans la décision attaquée, ils concernaient le projet de stipulations relatives à l’indemnisation de l’une ou l’autre partie et, donc, constitueraient un fondement aux éventuels avis juridiques, ce qui, en tant que tel, ne serait pas protégé. Par ailleurs, le risque d’atteinte à la capacité de négociation de la Commission, dans le cadre de négociations, à l’avenir, relatives à d’autres contrats d’achat anticipé, serait purement hypothétique.

56      La Commission conteste cette argumentation.

57      À cet égard, en ce que le requérant soutient que les informations en cause auraient été occultées à tort dans un souci de protection des procédures juridictionnelles, ce grief est inopérant étant donné que, dans la décision attaquée, l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 est invoquée aux fins de protéger des avis juridiques et non de telles procédures.

58      S’agissant de la protection des avis juridiques, il convient de rappeler que l’examen à effectuer par une institution lorsque la divulgation d’un document lui est demandée doit nécessairement se dérouler en trois temps, correspondant aux trois critères figurant à cette disposition. Ainsi, l’institution, dans un premier temps, doit s’assurer que le document dont la divulgation est demandée concerne bien un avis juridique. Dans un deuxième temps, elle doit examiner si la divulgation des parties du document en question identifiées comme concernant des avis juridiques porterait atteinte à la protection dont doivent bénéficier ces derniers, dans le sens qu’elle porterait préjudice à l’intérêt d’une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets. Le risque d’atteinte à cet intérêt doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique. Dans un troisième et dernier temps, si l’institution considère que la divulgation d’un document porterait atteinte à la protection due aux avis juridiques telle qu’elle vient d’être définie, il lui incombe de vérifier qu’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant cette divulgation, nonobstant l’atteinte qui en résulterait à son aptitude à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets (voir arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, points 95 et 96 et jurisprudence citée).

59      En l’espèce, il convient de constater que la Commission a présenté, en particulier sous le titre 2.2 de la décision attaquée, les raisons justifiant de refuser intégralement l’accès aux documents 6 et 11, au motif de la protection des avis juridiques. Plus particulièrement, le service juridique de la Commission aurait été régulièrement consulté dans le cadre des négociations entre, d’une part, la Commission et, d’autre part, Pfizer et BioNTech, et ces documents porteraient sur divers projets de stipulations relatives à l’indemnisation de l’une ou l’autre partie, qui avaient été échangés entre ce service et des experts nationaux.

60      En outre, la décision attaquée précise que la divulgation desdits documents rendrait publics lesdits projets de stipulations, qui avaient été rédigés sous la responsabilité du service juridique de la Commission et n’étaient pas destinés à être communiqués au public, et que cela pourrait affaiblir la position de la Commission dans le cadre de négociations relatives à la conclusion de contrats d’achat anticipé avec d’autres producteurs de vaccins contre la COVID‑19 et incorporant des stipulations similaires à celles en cause en l’espèce.

61      Le requérant ne conteste pas que les documents 6 et 11 contiennent des projets de stipulations contractuelles, mais estime que ces projets ne constituent pas des avis juridiques protégés par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.

62      À cet égard, le requérant ne remet pas en cause, non plus, le fait que les projets de stipulations contractuelles en cause, intégrés dans lesdits documents 6 et 11, ont été rédigés dans le cadre de consultations avec le service juridique de la Commission, lequel service a pu commenter ces stipulations et a été invité à proposer des libellés alternatifs, et que ces projets ont pu être échangés avec des experts nationaux. Partant, contrairement à ce que fait valoir le requérant, ces documents constituent ou intègrent des conseils relatifs à une question de droit qui sont, en principe, concernés par l’exception relative aux avis juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Herbert Smith Freehills/Commission, T‑755/14, non publié, EU:T:2016:482, point 47 et jurisprudence citée).

63      Par ailleurs, le Tribunal considère que la divulgation des projets de stipulations en cause, ainsi que le fait valoir en substance la Commission, échangés dans des consultations interservices et avec des experts nationaux, élaborés aux fins de négociations entre la Commission, au nom des États membres, et des producteurs de vaccins contre la COVID-19, aurait effectivement porté atteinte, de manière prévisible, à l’intérêt de la Commission de solliciter et de recevoir des avis juridiques francs, objectifs et complets de son service juridique afin de négocier en connaissance de cause et de préparer sa position finale dans le cadre de ces négociations, de surcroît dans un contexte politique sensible et d’urgence pour remédier à une situation sanitaire délicate.

64      En effet, la franchise, l’objectivité et la complétude des consultations juridiques en cause auraient été affectées de manière prévisible, en l’espèce, si les auteurs des avis juridiques occultés, rédigés en vue notamment de déterminer l’attribution des éventuels risques financiers ou juridiques liés au développement et à la fourniture, dans les délais, de tels vaccins, avaient dû anticiper que ces avis puissent être mis à la disposition du public, en particulier compte tenu du fait que la Commission et les États membres pourraient se voir opposés lesdits avis dans le cadre de critiques émises au sujet du contenu final de contrats d’achat anticipé.

65      En outre, c’est à tort que le requérant estime que le risque d’atteinte à la capacité de négociation de la Commission est purement hypothétique. En effet, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, que, à la date d’adoption de cette décision, la Commission était encore impliquée dans des négociations avec certains producteurs de vaccins contre la COVID‑19, dont Novavax et Valneva, en vue de la conclusion de contrats d’achat anticipé, ce qui n’est pas contesté par le requérant. Or, à l’époque des consultations interservices et des demandes d’avis au service juridique de la Commission, les personnes impliquées, dont en particulier les membres dudit service, avaient connaissance du fait que cette institution était impliquée dans diverses négociations, en cours parallèlement avec plusieurs producteurs de tels vaccins, ou qu’elle pourrait être impliquée, à court terme, dans de nouvelles négociations avec d’autres producteurs de ce type. Dans ce contexte, les documents non divulgués ne concernaient pas uniquement les stipulations en cause, relatives au contrat ultimement conclu avec Pfizer et BioNTech, mais également, indirectement, d’autres contrats pour lesquels les négociations étaient en cours ou pourraient commencer.

66      Pour le reste, le requérant a également fait valoir un intérêt public supérieur à la divulgation des informations occultées et des documents occultés en cause, notamment ceux constituant des avis juridiques, et a ainsi contesté le constat figurant dans la décision attaquée selon lequel un tel intérêt public supérieur ferait défaut. En effet, la question des vaccins contre la COVID-19 ferait l’objet d’une couverture médiatique extensive, ce qui révèlerait l’intérêt du public à obtenir des « clarifications exhaustives ». En ce sens, la demande d’accès litigieuse, notamment en ce qu’elle a trait aux informations et documents actuellement occultés, permettrait au requérant d’étendre significativement ses connaissances sur cette question et d’identifier « d’autres pistes de recherche ». En outre, le manque de transparence risquerait de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens quant à la légalité d’un acte et quant à la légitimité du processus décisionnel en cause, voire d’affecter l’exercice effectif de leurs droits démocratiques. Ainsi, la nécessité d’obtenir des éclaircissements sur les agissements de la Commission quant à l’achat de tels vaccins l’emporterait sur la protection des intérêts avancés par la Commission.

67      À cet égard, les affirmations du requérant sont de nature générale et, plus particulièrement, ce dernier n’explique pas en quoi les informations et documents occultés au titre de l’exception relative à la protection des avis juridiques seraient nécessaires pour informer le public, sans autre précision et compte tenu de l’existence de la décision du 2 juin 2021 et des documents déjà rendus publics par la décision attaquée. La seule éventualité de l’identification « d’autres pistes de recherche » ne saurait suffire non plus.

68      En outre, cela n’est pas remis en cause par les considérations relatives à la légitimité du processus décisionnel en cause, étant donné que la jurisprudence invoquée par le requérant concerne le processus législatif et que les négociations relatives à l’achat de vaccins contre la COVID‑19 ne s’inscrivent pas dans un tel processus. À cet égard, si, ainsi qu’il ressort du considérant 2 du règlement no 1049/2001, une transparence accrue permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique, il découle du considérant 6 de ce règlement que l’intérêt du public à obtenir la communication d’un document au titre du principe de transparence n’a pas le même poids selon qu’il s’agit d’un document relevant d’une procédure administrative ou d’un document relatif à une procédure dans le cadre de laquelle l’institution de l’Union intervient en qualité de législateur (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2017, Deutsche Telekom/Commission, T‑210/15, EU:T:2017:224, point 67 et jurisprudence citée, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, points 90 à 92 et jurisprudence citée). La Cour a déjà précisé que l’activité administrative de la Commission n’exigeait pas un accès aux documents aussi étendu que celui concernant l’activité législative d’une institution de l’Union (voir arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 87 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑156/21, EU:C:2022:97, point 56).

69      Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur que, à la date d’adoption de la décision attaquée, la Commission s’est prévalue de l’exception afférente aux avis juridiques, étant entendu toutefois que, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, cette exception n’a pas vocation à s’appliquer pendant une période illimitée, mais seulement aussi longtemps que cette protection se justifie eu égard au contenu du document en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, points 56 et 57).

70      Partant, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme étant en partie inopérant et en partie non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection du processus décisionnel

71      Tout d’abord, le requérant considère que l’exception relative à la protection du processus décisionnel, prévue par l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, a été appliquée à tort en l’espèce, puisque cette exception, de manière similaire à l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles, serait limitée dans le temps et n’empêcherait la divulgation de documents qu’aussi longtemps que persisterait le risque d’atteinte à une telle procédure. Or, les processus décisionnels concernés seraient clôturés en l’espèce, ce que la Commission aurait expressément confirmé en affirmant que les négociations avec BioNTech étaient terminées, de sorte qu’un tel risque d’atteinte n’existait plus.

72      Ensuite, la Commission aurait considéré, à tort, qu’il convenait d’examiner le processus décisionnel de manière globale, en tenant compte de l’ensemble des procédures négociées avec des producteurs de vaccins contre la COVID-19, dont certaines seraient encore en cours. Selon le requérant, chaque procédure négociée devrait être examinée en tant que processus décisionnel individuel, d’autant plus que l’approche préconisée par la Commission retarderait indéfiniment l’accès aux documents demandés, puisqu’il y aurait toujours de nouveaux vaccins en voie de développement.

73      Ainsi, les documents 17 et 18 devraient être entièrement divulgués, car ils contiendraient uniquement un modèle de contrat anticipé d’achat et non l’un des contrats définitifs conclus avec un producteur de vaccins, de sorte que cette divulgation ne serait pas susceptible de porter atteinte à la stratégie de négociation de la Commission, ni de nuire à une concurrence loyale. De même, les documents 25 à 31, contenant des projets du contrat d’achat anticipé ultérieurement conclu avec Pfizer et BioNTech, devraient être divulgués dès lors que ce contrat a précisément été conclu et que, donc, cette divulgation ne serait pas susceptible de porter atteinte à la stratégie de négociation de la Commission.

74      Enfin et en tout état de cause, il existerait un intérêt public supérieur à la divulgation des informations occultées. En effet, la question des vaccins contre la COVID-19 ferait l’objet d’une couverture médiatique extensive et intéresserait le public. Ainsi, la nécessité d’obtenir des éclaircissements sur les agissements de la Commission quant à l’achat de tels vaccins l’emporterait sur la protection des processus décisionnels. À l’inverse, le manque de transparence risquerait de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens quant à la légalité d’un acte et quant à la légitimité de ces processus, voire d’affecter l’exercice effectif de leurs droits démocratiques.

75      La Commission conteste cette argumentation et souligne, en particulier, que l’exception invoquée viserait à protéger sa capacité de négociation dans le cadre de ses négociations avec les producteurs de vaccins contre la COVID-19.

76      Le Tribunal rappelle que l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 opère une distinction claire en fonction de la circonstance qu’une procédure est clôturée ou non. Ainsi, d’une part, selon le premier alinéa de cette disposition, relève du champ d’application de l’exception visant la protection du processus décisionnel tout document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui concerne une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision. D’autre part, le second alinéa de la même disposition prévoit que, après que la décision a été prise, l’exception en cause couvre uniquement les documents contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 78).

77      En outre, il y a lieu de relever que, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, au titre de l’exception afférente à la protection du processus décisionnel, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant aux questions de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à la protection de ce processus et de démontrer que ce risque d’atteinte est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52 et jurisprudence citée).

78      En l’espèce, la Commission a, dans la décision attaquée, entendu se prévaloir de l’exception afférente à la protection du processus décisionnel dans la mesure où cette exception couvrait les processus décisionnels non encore clôturés, tels que visés par le premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.

79      À cet égard, il ressort de la décision attaquée, laquelle renvoie également à la décision du 2 juin 2021, que les documents en cause sont liés aux procédures négociées relatives à l’achat anticipé de vaccins contre la COVID-19, lesquelles s’inscrivent dans le cadre d’un objectif commun, défini dans la communication de la Commission relative à la « Stratégie de l’Union européenne concernant les vaccins contre la COVID‑19 » et dans le règlement 2020/521, à savoir celui d’arriver à un portefeuille de tels vaccins et de contrats d’achat anticipé, notamment pour couvrir différentes technologies de développement desdits vaccins. Dans ce contexte, la décision attaquée précise que la Commission a agi comme centrale d’achat au nom et pour le compte de tous les États membres, ainsi que le permet le règlement 2016/369 (voir point 2 ci-dessus).

80      Par ailleurs, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que le contrat d’achat anticipé conclu avec Pfizer et BioNTech avait été conclu au terme d’une procédure négociée sans publication préalable, au sens de l’article 164, paragraphe 1, sous d), du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), et que ce règlement permettait d’exclure une publication de certaines informations lorsqu’une telle divulgation risquerait de nuire aux intérêts commerciaux des destinataires de fonds financés à partir du budget de l’Union ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre opérateurs économiques.

81      Or, il est également indiqué dans la décision attaquée que, la soumission d’offres n’étant pas synchronisée dans le cadre de la stratégie visant à constituer un portefeuille de contrats d’achat anticipé, la divulgation au public, en particulier, de toutes les stipulations d’un contrat donné ou de documents révélant les discussions internes relatives à certaines stipulations risquerait de nuire à la position concurrentielle d’un soumissionnaire vis-à-vis des producteurs de vaccins avec lesquels un tel contrat d’achat anticipé n’aurait pas encore été conclu ou de nuire à cette position concurrentielle dans le cadre d’un nouvel appel d’offres portant sur des services similaires.

82      À cet égard, il est constant que certaines des négociations conduites avec des producteurs de vaccins en vue de la conclusion de contrats d’achat anticipé de vaccins contre la COVID-19 avaient été clôturées à la date d’adoption de la décision attaquée, y compris les négociations avec Pfizer et BioNTech. De plus, le requérant ne conteste pas le fait que la Commission était, à cette date, engagée dans des négociations avec d’autres producteurs, en particulier avec Novavax et Valneva.

83      En outre, le Tribunal relève que la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles la divulgation des documents entièrement refusés ou des passages occultés serait susceptibles d’affecter la position ou la stratégie de la Commission dans des négociations en cours ou futures, de nuire aux intérêts commerciaux de producteurs de vaccins, notamment dans le cadre de leurs négociations avec des tiers, ou, de la même manière, d’avantager des producteurs de vaccins qui pourraient soumissionner à l’avenir. La Commission a également exposé, pour les documents ou les groupes de documents concernés, les éléments spécifiques justifiant les risques qu’elle a fait valoir pour elle-même ou pour lesdits producteurs, par exemple en ce qui concerne une version commentée d’un projet de stipulations relatives à l’indemnisation et d’un projet de liste de termes et conditions (term sheet), deux annexes au document 7.

84      Il découle des considérations qui précèdent que les diverses négociations avec différents producteurs de vaccins contre la COVID‑19 peuvent, ainsi que l’a expliqué la Commission dans la décision attaquée et comme elle le soutient dans le cadre du présent recours, être considérées comme constituant un ensemble unitaire et un processus décisionnel unique au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001. En tout état de cause, même à supposer que les diverses négociations en cause constitueraient des processus décisionnels distincts, il résulte de ces considérations que des éléments relatifs à des négociations avec certains producteurs, dont Pfizer et BioNTech, sont susceptibles d’affecter négativement des négociations en cours ou pouvant être initiées ultérieurement avec d’autres producteurs.

85      Or, l’argumentation du requérant, en particulier en ce qui concerne les documents 17 et 18, qui constituent en réalité un unique document, et les documents 25 à 31, se focalise sur la circonstance selon laquelle le contrat d’achat anticipé avec Pfizer et BioNTech avait déjà été conclu. Ce faisant, le requérant ne remet pas en cause les affirmations nuancées figurant dans la décision attaquée et visant à étayer les risques, pour des négociations en cours ou futures, pouvant résulter d’une divulgation des documents ou des passages en cause. En particulier, le requérant ne conteste pas l’importance des stipulations relatives à l’indemnisation de l’une ou l’autre partie, ni n’explique en quoi, contrairement à ce que fait valoir la Commission, la divulgation de diverses versions de ces stipulations ne saurait réduire la marge de manœuvre de cette institution dans le cadre de négociations avec des producteurs de vaccins contre la COVID-19 encore en cours postérieurement à l’adoption de ladite décision.

86      Par ailleurs, si le requérant soutient que la divulgation des documents 25 à 31, contenant des projets du contrat d’achat anticipé avec Pfizer et BioNTech, pourrait améliorer la stratégie de négociation de la Commission, voire accélérer et simplifier la tenue de négociations similaires à celles menées avec ce producteur, il n’étaye pas ses allégations.

87      Dans ces conditions, nonobstant le principe selon lequel les exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 doivent être interprétées et appliquées strictement, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que, à la date d’adoption de la décision attaquée, le risque d’atteinte grave au processus décisionnel relatif à la conclusion de contrats d’achat anticipé de vaccins contre la COVID-19 était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

88      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant selon lequel la divulgation des documents et passages occultés permettrait l’accélération et la simplification de négociations encore en cours ou à l’avenir avec des producteurs de vaccins contre la COVID‑19, ce qui accélérerait la livraison de vaccins dans l’Union et permettrait d’assurer la réalisation du principal objectif d’une vaccination, lequel serait d’atteindre une « immunité collective ». En effet, à supposer même que tel soit le principal objectif et que ladite divulgation permettrait effectivement une accélération de cette livraison, le requérant ne conteste pas la nature des informations occultées et n’explique pas en quoi leur divulgation n’affecterait pas négativement des négociations encore en cours, et ainsi se ferait aux dépens de la Commission et, à première vue, des États membres.

89      De même, en ce que le requérant affirme que les négociations avec des producteurs de vaccins contribuent à protéger la vie et de la santé humaines, lesquelles constitueraient des intérêts prévalant sur les éventuels intérêts commerciaux de la Commission ou de ses cocontractants, il n’étaye pas son propos. En particulier, il n’explique pas en quoi la vie et la santé humaines seraient mieux protégées dans des circonstances dans lesquelles la Commission se retrouverait dans une position de négociation faible, de sorte qu’il ne saurait être exclu qu’elle risquerait de payer des prix plus élevés pour les vaccins, ou d’obtenir des délais de livraison plus longs ou moins contraignants.

90      Dans la lignée de ce qui précède, en ce que le requérant fait valoir un intérêt public supérieur lié à l’information du public, les affirmations de nature générale qu’il avance, relatives au fait que la question des vaccins contre la COVID-19 est largement débattue dans les médias, ne sauraient justifier de divulguer les documents et les passages occultés au titre de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001. Comme déjà exposé en substance aux points ‎66 et ‎67 ci-dessus, si le requérant peut légitimement souhaiter obtenir des éclaircissements sur les agissements de la Commission liés à l’achat de tels vaccins, l’intérêt du public à obtenir des « clarifications exhaustives » et le souhait du requérant d’identifier « d’autres pistes de recherche » ne constituent pas, compte tenu des considérations qui précèdent, un intérêt public supérieur justifiant de divulguer, au-delà des documents et des éléments déjà rendus publics, lesdits documents et passages occultés.

91      Enfin, comme déjà exposé au point ‎68 ci-dessus, il convient de relever que la jurisprudence invoquée par le requérant et relative aux exigences de transparence liées au processus législatif n’est pas pertinente en l’espèce dès lors que les négociations relatives à l’achat de vaccins contre la COVID-19 ne s’inscrivent pas dans un tel processus.

92      Partant, le requérant n’a pas démontré un intérêt public supérieur justifiant de divulguer des documents et des passages occultés en cause.

93      Il ne reste pas moins que l’ensemble des considérations qui précèdent ne sauraient exclure que ces documents et ces passages puissent, à une date ultérieure à la date d’adoption de la décision attaquée, devoir être divulgués en cas de nouvelle demande d’accès portant sur les documents concernés, étant donné, en particulier, que l’exception prévue au premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 concerne uniquement les processus en cours et que la Commission ne saurait, en principe, se prévaloir, de manière indéfinie, du fait qu’elle serait impliquée dans la constitution d’un portefeuille de vaccins contre la COVID-19. De la même manière, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 7, de ce règlement, l’exception afférente à la protection du processus décisionnel n’a pas vocation à s’appliquer pour une période illimitée, mais seulement aussi longtemps que cette protection se justifie eu égard au contenu du document en cause (voir le point ‎69 ci-dessus).

94      À cet égard, interrogée durant l’audience sur la question de l’horizon temporel de l’ensemble des procédures de négociations visées aux points ‎79 et ‎84 ci-dessus, la Commission, d’une part, a précisé que la dernière des procédures engagées en vertu du règlement 2020/521 a pris fin le 10 novembre 2021, par la conclusion d’un contrat d’achat anticipé avec Valneva, et, d’autre part, a rappelé que, en vertu de l’article 1er de ce règlement, l’aide d’urgence activée pour permettre la conclusion de contrats d’achat anticipé couvrait des dépenses pour une période qui s’est terminée le 31 janvier 2022.

95      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers

96      Le requérant fait valoir que l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, prévue par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, ne s’oppose pas à la divulgation des informations occultées au titre de cette exception en l’espèce. En effet, ces informations ne constitueraient pas des secrets d’affaires au sens de l’article 2 de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (JO 2016, L 157, p. 1).

97      Plus généralement, les informations occultées n’auraient plus de valeur commerciale étant donné que les contrats en cause auraient désormais été conclus. D’ailleurs, les contrats conclus entre la Commission, d’une part, et CureVac et AstraZeneca, d’autre part, auraient déjà été publiés. De la même manière, les informations relatives aux technologies utilisées, aux prix et au calendrier de livraison ne sauraient constituer des secrets d’affaires étant donné, respectivement, que les vaccins à acide ribonucléique messager (ARNm) auraient fait l’objet d’une couverture médiatique détaillée, que les prix de vaccins auraient été publiés sur le compte de la secrétaire d’État au Budget du Royaume de Belgique sur le réseau social Twitter et que ledit calendrier serait connu du public, puisqu’il serait exposé sur le site Internet du ministère fédéral de la Santé de la République fédérale d’Allemagne.

98      Enfin, la Commission ne pourrait se prévaloir d’une présomption de non divulgation pour les documents 19 à 21 et aurait dû exposer des motifs précis et concrets justifiant de cacher les données en cause.

99      La Commission considère que cette argumentation ne remet pas en cause la motivation figurant dans la décision attaquée.

100    À cet égard, il y a lieu de relever que le règlement no 1049/2001 ne définit pas la notion d’intérêts commerciaux, sauf en ce qu’il précise que ces intérêts peuvent couvrir la propriété intellectuelle d’une personne physique ou morale déterminée. De plus, il convient de rappeler que, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité commerciale, mais qu’il incombe à l’institution concernée de fournir des explications quant aux questions de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts commerciaux et de démontrer que ce risque d’atteinte est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52 et jurisprudence citée, et du 27 février 2018, CEE Bankwatch Network/Commission, T‑307/16, EU:T:2018:97, points 103 à 105 et jurisprudence citée).

101    Dans ce cadre, il y a lieu de noter que toute information relative à une société et à ses relations d’affaires ne saurait être considérée comme relevant de la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, sauf à tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (voir arrêt du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 81 et jurisprudence citée). Toutefois, cette protection peut couvrir des informations commerciales sensibles, telles que des informations relatives aux stratégies commerciales d’entreprises, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, points 54 à 56, et du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 83).

102    En l’espèce, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les informations occultées au titre de l’exception afférente aux intérêts commerciaux étaient de plusieurs types. En premier lieu, les ensembles de documents 19 à 21 couvriraient l’offre et ses annexes déposées par Pfizer et BioNTech, à savoir des documents transmis par un soumissionnaire dans le cadre d’une passation de marché et seraient donc protégés par une présomption générale de confidentialité.

103    À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il est en principe loisible à une institution de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature. Il lui incombe toutefois de vérifier dans chaque cas si les considérations d’ordre général normalement applicables à un type de documents déterminé sont effectivement applicables à un document donné dont la divulgation est demandée (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50). Néanmoins, cette présomption générale n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant sa divulgation en vertu de la disposition en cause du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 126, et du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 62).

104    En outre, le juge de l’Union a déjà considéré que les offres déposées par les soumissionnaires dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres étaient susceptibles de bénéficier d’une telle présomption générale selon laquelle elles entraient dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, en raison notamment des éléments économiques et techniques confidentiels qu’elles contenaient, relatifs, par exemple, à des informations sur les compétences et les méthodes de travail du soumissionnaire donné, sur son savoir‑faire, sur son organisation interne, sur ses coûts et sur les prix proposés. Dans un tel cas, cette présomption s’applique, en principe, de manière égale à l’égard de toute personne physique ou morale, qu’elle soit un soumissionnaire retenu, un soumissionnaire écarté ou un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, ViaSat/Commission, T‑734/17, non publié, EU:T:2020:123, points 42, 52 et 53 et jurisprudence citée).

105    En l’occurrence, il ressort de la décision attaquée que Pfizer et BioNTech ont déposé l’offre et ses annexes dans le cadre d’une procédure négociée avec la Commission, cette dernière agissant comme centrale d’achat dans le cadre de la stratégie de l’Union en matière de vaccins contre la COVID-19. S’il est vrai que la Commission a mené des procédures négociées distinctes avec plusieurs producteurs de tels vaccins, dans les circonstances particulières de l’espèce, ces procédures peuvent, compte tenu de leur proximité dans le temps et de la stratégie globale relative à la livraison de tels vaccins, être apparentées à une procédure d’appel d’offres.

106    La Commission a également indiqué, dans la décision attaquée, que l’offre de Pfizer et de BioNTech et ses annexes contenaient, en particulier, des informations relatives aux méthodes et au savoir-faire de ces entreprises, des prix spécifiques, des détails sur les budgets et les calendriers impliqués, et des éléments de stratégies commerciales.

107    Dans ces circonstances, c’est à bon droit, contrairement à ce que soutient le requérant, que la Commission a considéré que les ensembles de documents 19 à 21 étaient couverts par une présomption générale selon laquelle leur divulgation porterait en principe atteinte à la protection des intérêts commerciaux de Pfizer et de BioNTech. Contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission n’avait donc pas à avancer des éléments concrets pour justifier la non divulgation de chaque document, dans son intégralité, d’autant plus que le requérant n’a pas cherché à démontrer qu’un document donné ne serait pas couvert par cette présomption.

108    En second lieu, s’agissant des informations occultées en cause dans les ensembles de documents 1, 2, 7 [en particulier, le projet de liste de termes et conditions (term sheet)] et 14, il ressort de la décision attaquée que ces informations concernent les intérêts commerciaux de Pfizer et BioNTech dont la divulgation au public risquerait d’endommager la position concurrentielle de ce producteur de vaccins. En effet, ces informations constitueraient, notamment, des secrets d’affaires, des informations sensibles liées aux produits et aux méthodes de ces entreprises, notamment quant à la technologie vaccinale utilisée, des informations détaillées sur les prix, des informations relatives à la production, aux sites de production, aux calendriers de livraison et au transport des doses de vaccin. Concernant plus particulièrement l’aperçu sur la situation financière de BioNTech intégré dans l’ensemble de documents 14, il contiendrait, en particulier, des informations financières détaillées concernant cette entreprise, dont des estimations de ses besoins financiers et des investissements envisagés, mais également des informations sur les caractéristiques du produit concerné, des détails sur la technologie appliquée et des précisions relatives au mécanisme de partage des coûts entre Pfizer et BioNTech.

109    Lesdites informations occultées seraient d’autant plus sensibles compte tenu du contexte très concurrentiel dans lequel interviennent les laboratoires pharmaceutiques, en particulier dans le contexte lié à la pandémie de COVID-19, en ce que ces laboratoires se concurrencent au niveau mondial en vue de fournir des vaccins contre ce virus également à des acquéreurs situés hors de l’Union.

110    Or, le requérant ne conteste pas ce contexte, ni la nature et la teneur des informations occultées en cause, mais fait valoir, en substance, que ces informations ne seraient pas des informations commerciales sensibles étant donné qu’elles seraient déjà connues du public. Cependant, il convient de noter que le requérant se limite à identifier des informations de nature générale relatives aux vaccins à ARNm, en renvoyant à une page du site Internet de BioNTech, et au déroulement de la campagne de vaccination en Allemagne, disponibles sur le site Internet du ministère fédéral de la Santé de la République fédérale d’Allemagne. Ces informations de nature générale ne sauraient être assimilées à des éléments détaillés relatifs, en particulier, à la technologie utilisée par Pfizer et BioNTech spécifiquement pour développer leur vaccin contre la COVID-19 et aux délais et volumes de livraison auxquels se sont engagées ces entreprises vis-à-vis de la Commission et des États membres.

111    De la même manière, la circonstance selon laquelle la secrétaire d’État au Budget du Royaume de Belgique aurait publié les prix des vaccins proposés par divers producteurs de vaccins sur son compte sur le réseau social Twitter, n’est pas de nature à justifier la divulgation des informations occultées. Outre que les prix publiés à cette occasion, relayés par les médias, ne sauraient être assimilés aux informations tarifaires détaillées communiquées dans le cadre de la procédure négociée conduite entre la Commission, d’une part, et Pfizer et BioNTech, d’autre part, une telle prise de connaissance par le biais d’une divulgation par un tiers, contraire à la volonté de la Commission, ne saurait nécessairement impliquer que cette dernière ne serait plus tenue de procéder à sa propre appréciation de l’existence d’une atteinte à l’un des intérêts protégés par l’article 4 du règlement no 1049/2001 et, partant, ne saurait, en tant que telle, justifier la divulgation de ces informations tarifaires par celle-ci, au sens de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, points 45 à 49).

112    À l’aune des considérations qui précèdent, le Tribunal juge que ces éléments justifient de considérer les informations occultées en cause comme constituant des informations commerciales sensibles et suffisent pour permettre de conclure à l’existence d’un risque raisonnablement prévisible et non purement hypothétique que la divulgation de ces informations porte atteinte à la protection des intérêts commerciaux des producteurs concernés de vaccins contre la COVID‑19 concernés (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52 et jurisprudence citée).

113    Pour le surplus, il découle de ce qui précède que c’est à tort que le requérant a réduit la notion d’intérêts commerciaux à la seule notion de secrets d’affaires au sens de la directive 2016/943. En tout état de cause, contrairement à ce que fait valoir le requérant en invoquant les conditions cumulatives énoncées à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, il suffit de constater que, à l’aune des éléments exposés dans la décision attaquée et rappelés aux points 108 et 109 ainsi que 111 et 112 ci-dessus, les informations occultées au titre de l’exception afférente à la protection des intérêts commerciaux constituent bien des informations qui ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent du genre d’informations en question, au sens de cette disposition. De plus, il ne ressort pas du dossier que ces informations n’ont pas fait l’objet de dispositions raisonnables destinées à les garder secrètes, de sorte que rien n’indique que lesdites informations seraient accessibles à des personnes autres que celles qui en ont le contrôle de façon licite.

114    Ces considérations ne sont pas remises en cause par les circonstances, avancées par le requérant, selon lesquelles les contrats conclus avec CureVac et AstraZeneca auraient été rendus publics, dès lors que, ainsi que le relève la Commission, la version de ces contrats qui a été rendue publique est une version expurgée de certaines informations commerciales sensibles. De la même manière, le fait que les questions des quantités et des délais de livraison des vaccins soient ou aient été traitées quotidiennement dans les médias européens n’implique pas que cette couverture médiatique ait permis la divulgation d’informations commerciales sensibles.

115    Enfin, en ce que le requérant fait valoir un intérêt public supérieur à la divulgation des documents et informations non divulgués au titre de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, les arguments relatifs à cette question doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points ‎66 à ‎68 ainsi que ‎88 à ‎91 ci-dessus.

116    Partant, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen comme étant non fondé.

117    Pour le reste, dans la mesure où le requérant a invoqué, indépendamment des quatre moyens qu’il soulève, une violation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, il convient d’écarter ce grief dès lors que, ainsi qu’il découle des considérations qui précèdent, le Tribunal écarte les quatre moyens relatifs aux violations alléguées des exceptions prévues par l’article 4 de ce règlement.

118    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Hans-Wilhelm Saure est condamné aux dépens.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.