Language of document : ECLI:EU:T:2022:553

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 septembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale SKILLTREE STUDIOS – Motifs absolus de refus – Absence de caractère descriptif – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑607/21,

Blueroots Technology GmbH, établie à Graz (Autriche), représentée par Me A. Huber-Erlenwein, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Eberl et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Christof Rezk-Salama, demeurant à Trèves (Allemagne),

Linda Breitlauch, demeurant à Trèves,

représentés par Me F. Weber, avocate,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et I. Gâlea (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Blueroots Technology GmbH, demande l’annulation et la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 juillet 2021 (affaire R 2218/2020-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 18 septembre 2014, Kalypso Media GmbH, le prédécesseur en droit des intervenants, M. Christof Rezk-Salama et Mme Linda Breitlauch, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SKILLTREE STUDIOS.

4        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels et programmes informatiques de traitement de données, en particulier logiciels de jeux informatiques, logiciels pour faire des jeux ; programmes de jeux électroniques téléchargeables ; supports de données électroniques et exploitables par une machine » ;

–        classe 41 : « Mise à disposition de jeux informatiques en ligne et services de publication en ligne ; organisation de jeux sur l’internet ; services d’informations en ligne concernant des jeux informatiques et des extensions informatiques pour jeux ; publication de produits de l’imprimerie, textes et services de publication en ligne ; services de photographe et composition photographique pour le compte de tiers ; mise en page (excepté à usage publicitaire) ; production d’animations, enregistrements audio, enregistrements musicaux et vidéo ; divertissement ; fourniture de vidéos téléchargeables en ligne et de musique numérique sur l’internet ; traduction et interprétation ; production et organisation de spectacles ; organisation et conduite de manifestations sportives et culturelles » ;

–        classe 42 : « Développement, conception et création de logiciels ; services d’un programmeur informatique ; services d’agences de conception et services de développement de jeux ; service de conception graphique ; maintenance et mise à jour de logiciels ; location d’ordinateurs et de logiciels ; sécurisation et stockage de données électroniques ; conception, création, entretien et hébergement de sites internet, y compris ceux concernant les services de conseil ».

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2014/206, du 3 novembre 2014, et la marque a été enregistrée le 10 février 2015.

6        Le 21 mars 2019, la requérante a déposé une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, sous le no 18039071, pour une marque figurative contenant l’élément verbal « skilltree » et désignant des produits et des services relevant des classes 9 et 42. Le 18 avril 2019, les intervenants ont formé opposition à l’enregistrement de cette marque, sur le fondement de la marque SKILLTREE STUDIOS mentionnée au point 3 ci-dessus. L’EUIPO n’a pas encore rendu sa décision dans le cadre de cette procédure d’opposition.

7        Le 7 octobre 2019, la requérante a demandé la nullité de la marque contestée pour les produits et les services visés au point 4 ci-dessus, sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec, notamment, l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement.

8        Le 24 septembre 2020, la division d’annulation a annulé la marque contestée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, en estimant, en substance, que cette dernière était dépourvue de caractère distinctif et était descriptive des produits et des services pour lesquels elle avait été enregistrée. Tout d’abord, la division d’annulation a indiqué que le signe contesté était composé, d’une part, du terme anglais « skilltree », signifiant « arbre de compétences », dont il pouvait être supposé, notamment grâce aux éléments de preuve produits par les parties, qu’il désignait une représentation graphique d’un système de progression hiérarchique utilisé notamment et couramment dans le domaine des jeux informatiques, et, d’autre part, du terme « studios », à savoir le pluriel du terme « studio », faisant référence au lieu d’origine des produits et des services concernés. Ensuite, la division d’annulation a estimé que le signe contesté se limitait à l’indication laudative selon laquelle les produits et les services concernés étaient liés à la représentation graphique d’un système de progression hiérarchique (« skilltree ») qui était fournie par des « studios », de sorte que ledit signe ne présentait aucune particularité qui serait perçue par le public pertinent comme étant fantaisiste, surprenante, inattendue et donc mémorable. Enfin, elle a considéré que le signe contesté transmettait également des informations directes sur la nature et la qualité des produits et sur l’objet des services, de sorte que la marque était descriptive.

9        Le 23 novembre 2020, les intervenants ont formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation. Elle a considéré, d’une part, que la requérante n’avait pas apporté la preuve du caractère descriptif de la marque contestée pour les produits et les services visés au point 4 ci-dessus, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. D’autre part, elle a constaté que la requérante n’avait avancé aucun autre motif que le caractère descriptif du terme « skilltree » pour refuser à ladite marque le caractère distinctif requis au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

11      En particulier, la chambre de recours a, tout d’abord, estimé que le public pertinent se composait tant du grand public que de spécialistes utilisant des services de développement de logiciels, disposant au moins de connaissances de base de la langue anglaise. Ensuite, s’agissant du prétendu caractère descriptif de la marque contestée, elle a constaté que celle-ci était composée du terme « skilltree », signifiant littéralement « arbre de compétences », qui était utilisé en relation avec les possibilités de développement d’un personnage dans un jeu informatique, et du terme « studios ». Au regard du terme « skilltree » et des éléments de preuve présentés par la requérante, elle a estimé que, en raison de ses différentes définitions, il n’était pas explicatif et qu’il ne permettait pas au public pertinent de le comprendre comme une référence descriptive de caractéristiques des jeux informatiques. Enfin, elle a conclu que la requérante n’avait pas apporté la preuve que ledit terme était utilisé en tant qu’indication descriptive des produits et des services en cause relevant des classes 9, 41 et 42.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner ou tenir une audience, notamment aux fins de l’audition des gérants de la requérante et de témoins ;

–        annuler la décision attaquée ou la modifier en ce sens que la marque contestée soit annulée pour les classes 9, 41 et 42 ;

–        condamner aux dépens.

13      L’EUIPO et les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À titre liminaire, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 18 septembre 2014, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

15      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures aux articles 7 et 59 du règlement 2017/1001 comme visant respectivement les articles 7 et 52 d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

16      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, les instances de l’EUIPO doivent se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir arrêt du 8 mai 2019, VI.TO./EUIPO – Bottega (Forme d’une bouteille dorée), T‑324/18, non publié, EU:T:2019:297, point 17 et jurisprudence citée].

 Sur la recevabilité du recours

17      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, les intervenants font valoir que le recours pourrait être irrecevable au motif qu’aucun grief tiré d’erreurs de droit concrètes n’a été soulevé. La requérante n’indiquerait précisément ni les moyens à l’appui du recours ni les erreurs de droit prétendument commises par la chambre de recours dans la décision attaquée.

18      Il y a lieu de rappeler que les conditions de recevabilité des recours sont des fins de non-recevoir d’ordre public que le juge de l’Union européenne doit soulever d’office le cas échéant [voir arrêt du 23 octobre 2017, Galletas Gullón/EUIPO – O2 Holdings (Forme d’un paquet de biscuits), T‑418/16, non publié, EU:T:2017:746, point 15 et jurisprudence citée].

19      Il convient également de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), et, plus spécifiquement, de l’article 177, sous d), du règlement de procédure, toute requête dans un recours dirigé contre une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit contenir l’objet du litige ainsi qu’un exposé sommaire des moyens invoqués. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais de façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours [voir arrêt du 25 septembre 2018, Grendene/EUIPO – Hipanema (HIPANEMA), T‑435/17, non publié, EU:T:2018:596, points 15 et 16 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, il convient de relever que, aux points 4, 11 et sous le titre C, de la requête, la requérante invoque la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, ce que les intervenants reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes. Selon elle, la marque contestée devrait être annulée au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif et avait un caractère purement descriptif. À cet égard, d’ailleurs, les arguments de la requérante sont présentés sous deux sous-titres distincts, à savoir « absence de caractère distinctif » et « caractère descriptif ».

21      Au demeurant, les arguments de la requérante doivent être regardés, à l’instar de l’EUIPO et des intervenants, comme constituant deux moyens, tirés, en substance, le premier, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et le second, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

22      Il ressort donc à suffisance de la requête que la requérante entend contester les conclusions de la chambre de recours afférentes à l’absence de preuve du caractère purement descriptif de la marque contestée et, partant, à la reconnaissance du caractère distinctif de cette marque.

23      Par ailleurs, il y a lieu de constater que tant l’EUIPO que les intervenants ont été en mesure, dans leurs mémoires respectifs, de préparer leur défense et de présenter des arguments structurés en réponse aux allégations de la requérante, relatives au prétendu caractère descriptif et à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée. Le Tribunal s’estime également à cet égard en mesure de statuer sur le recours et d’apprécier la légalité de la décision attaquée au regard des moyens formulés par la requérante.

24      Il s’ensuit que le présent recours est recevable.

 Sur la recevabilité du premier chef de conclusions

25      Dans le cadre de son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner ou de tenir une audience à des fins d’audition des gérants de la requérante et de témoins.

26      Il convient de rappeler que l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu conjointement avec le point 141 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure, prévoit que le Tribunal organise une audience de plaidoiries soit d’office soit à la demande d’une partie principale. En outre, l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, lu conjointement avec le point 142 des dispositions pratiques d’exécution dudit règlement, précise que la demande d’audience de plaidoiries formulée par une partie principale doit être présentée dans un délai de trois semaines à compter de la signification aux parties de la clôture de la phase écrite de la procédure et indiquer les motifs pour lesquels cette partie souhaite être entendue.

27      Force est de constater que la requérante n’a pas présenté de demande d’audience de plaidoiries dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite, de sorte que le Tribunal peut décider de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure, conformément à l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, lu conjointement avec le point 143 des dispositions pratiques d’exécution de ce règlement.

28      Au demeurant, il ressort du point 142 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure que la demande d’audience de plaidoiries doit être motivée et ne peut être confondue avec un mémoire ou des observations écrites. Or, ladite demande est contenue dans la requête en tant que chef de conclusions, sans motivation.

29      Partant, le premier chef de conclusions par lequel la requérante demande au Tribunal la tenue d’une audience, notamment à des fins d’audition de ses gérants et de témoins, est irrecevable [voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, The KaiKai Company Jaeger Wichmann/EUIPO (Appareils et articles de gymnastique ou de sport), T‑579/19, EU:T:2021:186, point 31 et jurisprudence citée].

 Sur la recevabilité des éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal

30      Les intervenants soutiennent que les annexes H, J, M et N de la requête sont irrecevables, car elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal. Ils estiment également que la référence au contenu de la page Wikipédia néerlandaise faite au point 23 de la requête et les publications citées au point 44 de celle-ci ne devraient pas être prises en considération, étant donné qu’elles ont été présentées tardivement.

31      En l’espèce, il convient tout d’abord de préciser que la référence au contenu de la page Wikipédia néerlandaise faite au point 23 de la requête renvoie en réalité à l’annexe G de la requête reproduisant ladite page.

32      S’agissant des publications citées au point 44 de la requête, elles sont reprises, en substance, dans l’annexe J de la requête.

33      En ce qui concerne les annexes H, M et N, elles contiennent, respectivement, des déclarations d’experts dans le domaine du développement de jeux informatiques, y compris des captures de sites Internet portant sur leurs qualifications ; des références sur le terme « skilltree » dans le langage courant, et de brefs articles tirés du site Internet « gamedevelopment » concernant les jeux informatiques « Diablo 3 », « Cursed Treasure 2 » et « Diablo 2 ».

34      À cet égard, il convient de rappeler, que les conditions de recevabilité d’un recours, ainsi que des moyens et des éléments de preuve présentés à son appui, sont des fins de non-recevoir d’ordre public, que le juge de l’Union doit soulever d’office le cas échéant [voir arrêt du 11 juillet 2019, Hauzenberger/EUIPO (TurboPerformance), T‑349/18, non publié, EU:T:2019:495, point 9 et jurisprudence citée].

35      En outre, selon une jurisprudence constante, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter de tels documents sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

36      En l’espèce, premièrement, s’agissant de l’annexe N, il y a lieu de constater que cet élément de preuve fait partie du dossier administratif ayant été présenté devant l’EUIPO, ainsi que cela ressort des points 4 et 32 de la décision attaquée. Dès lors, l’annexe N n’a pas été présentée pour la première fois devant le Tribunal et est donc recevable.

37      Deuxièmement, il convient de relever que l’annexe H contient, du point 2.1.1 au point 2.1.3 du document, les courriers électroniques de trois experts dans le domaine du développement de jeux informatiques, relatifs à leur définition du terme « skilltree ». Or, il ressort des points 4, 32 et 33 de la décision attaquée qu’ils ont été présentés et même pris en considération par l’EUIPO, de sorte que cette partie de l’annexe H est recevable.

38      En revanche, troisièmement, force est de constater que le reste de l’annexe H ainsi que les annexes G et M n’ont pas été soumis à l’EUIPO pendant la procédure administrative. Ces documents, produits donc pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être pris en considération, conformément à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus.

39      Quatrièmement, s’agissant des publications citées au point 44 de la requête, il y a lieu d’observer que les six premiers titres énumérés apparaissent dans les motifs de la demande en nullité, de sorte qu’ils ont été portés à la connaissance de l’EUIPO. Toutefois, ainsi que cela ressort du point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours ne les a pas pris en considération, car aucune des pièces susmentionnées n’a été produite ni fait l’objet d’une traduction dans la langue de procédure. Le fait que ces titres de publications figurent dans l’annexe J, accompagnée d’une traduction en langue de procédure et des passages pertinents desdites publications, dont l’absence avait été reprochée par la chambre de recours, ne les rend pas recevables pour autant, étant donné qu’ils ont été présentés pour la première fois devant le Tribunal, au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus. Il en est également de même des deux derniers titres de publications citées au point 44 de la requête et contenus uniquement dans l’annexe J.

40      Cinquièmement, dans la mesure où les conditions de recevabilité des éléments de preuve constituent une fin de non-recevoir d’ordre public, tel que rappelé au point 34 ci-dessus, il y a lieu de constater que l’annexe L, contenant une analyse des tendances Google concernant le terme « skilltree », n’est pas le même document que celui qui avait été présenté devant l’EUIPO, portant également sur une telle analyse. Ainsi, l’annexe L constitue un élément de preuve présenté pour la première fois devant le Tribunal, au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus. En revanche, les conclusions, tirées de l’annexe L figurant aux points 45 à 51 de la requête, sont recevables, dans la mesure où elles sont similaires à celles tirées de l’analyse des tendances Google, figurant dans les observations en réponse de la requérante au recours devant la chambre de recours.

41      Il en résulte que les annexes J, G, L, M ainsi que l’annexe H, à l’exception des points 2.1.1 à 2.1.3 de celle-ci, et les publications citées au point 44 de la requête doivent être déclarées irrecevables.

 Sur le fond

42      La requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, et le second, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

43      Le Tribunal estime plus opportun d’examiner d’abord le second moyen de la requérante.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement

44      Premièrement, en ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours a considéré que les produits et les services litigieux relevant des classes 9 et 41 s’adressaient principalement au grand public, alors que les services relevant de la classe 42 s’adressaient principalement à des spécialistes utilisant notamment des services de développement de logiciels. En outre, dans la mesure où le signe contesté est composé de termes provenant de la langue anglaise et que cette dernière est très répandue dans les secteurs de l’informatique et des jeux, elle a estimé que ledit public était composé, outre des consommateurs anglophones de l’Union, de tous les consommateurs pertinents de l’Union disposant au moins de connaissances de base de la langue anglaise. Cette appréciation n’est, au demeurant, pas contestée par les parties.

45      Deuxièmement, la chambre de recours a relevé que les parties s’accordaient sur le fait, d’une part, que l’élément « studios » décrit directement le lieu de production ou de réalisation des produits et des services en cause et, d’autre part, que le terme « skilltree », signifiant littéralement « arbre de compétences », est utilisé en relation avec les possibilités de développement d’un personnage dans un jeu informatique. Toutefois, elle a indiqué qu’il n’était pas clair quelles étaient les caractéristiques spécifiques des produits et services en cause qui étaient supposément décrites, rendant la marque contestée descriptive.

46      À cet égard, elle a constaté, sur la base des éléments de preuve produits par la requérante, que ni le terme « skilltree » ni son équivalent allemand « Fähigkeitenbaum » n’étaient explicatifs et qu’ils se définissaient différemment. Ledit terme pouvait désigner à la fois la représentation graphique et l’ordre et les choix des compétences apprises par le personnage d’un jeu. En outre, il ressort de la description du jeu « Diablo 3 », présentée par la requérante, que les « skilltrees » ne sont pas des éléments nécessaires d’un jeu, car « les jeux n’ont pas tous besoin d’un “skilltree” ».

47      Troisièmement, la chambre de recours a observé à plusieurs reprises que le lien entre le terme « skilltree » et les jeux informatiques était obscur. Elle a indiqué que, à supposer même que les jeux mentionnés par la requérante contiennent des « skilltree », cela ne permettrait pas de conclure que le terme « skilltree » serait compris par le public pertinent comme une référence descriptive aux caractéristiques spécifiques desdits jeux. En outre, l’analyse « Google Trends » ne serait pas non plus clairement pertinente à cet égard, étant donné que la fréquence d’utilisation d’un terme de recherche sur Internet ne permet pas de tirer de conclusions sur l’usage descriptif dudit terme, le moteur de recherche ne faisant pas de distinction entre les usages descriptifs et les usages en tant que marque. Dès lors, le fait que le consommateur connaisse le terme « skilltree » comme une désignation d’une représentation graphique particulière dans un jeu informatique ne permet pas, en soi, de conclure que ce terme est susceptible de décrire un jeu informatique en termes de nature, de qualité ou de destination, les documents produits par la requérante ne contenant aucune indication selon laquelle le terme « skilltree » décrirait un genre particulier de jeu informatique.

48      Quatrièmement, la chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas apporté la preuve que le terme « skilltree », et par conséquent l’expression « skilltree studios », était utilisé en tant qu’indication descriptive des produits et des services en cause relevant des classes 9 et 42. Il en serait d’autant plus ainsi pour les services relevant de la classe 41 qui n’ont aucun lien avec les jeux informatiques et pour lesquels la requérante n’a pas présenté d’arguments suggérant un lien descriptif entre le terme « skilltree » et lesdits services.

49      La requérante reproche en substance à la chambre de recours d’avoir erronément et de manière injustifiée rejeté le motif de refus tiré du caractère purement descriptif de la marque contestée, en estimant que les éléments de recherche sur le libellé de ladite marque ne démontraient pas l’existence d’une indication descriptive pour les jeux informatiques.

50      En particulier, la requérante fait valoir que le terme « skilltree » est un mot courant et usuel dans le secteur des logiciels et informatique en général. Il consisterait en une arborescence d’éléments interconnectés, servant principalement à représenter des capacités ou des propriétés spécifiques, c’est-à-dire à décrire un concept de visualisation et la représentation graphique d’un système de progression hiérarchique, notamment dans les jeux informatiques. Ainsi, un « skilltree » serait une caractéristique, à savoir un composant essentiel et indispensable d’un logiciel ou d’un jeu informatique. En outre, elle soutient qu’il n’existe pas d’alternative à la description de ces caractéristiques pour lesquelles le terme « skilltree » serait utilisé dans l’usage général et que celui-ci ne serait pas un néologisme en raison de son attestation lexicale par le site Wikipédia. Les observations d’experts dans le domaine du développement des jeux confirmeraient également le caractère courant, généralement connu et descriptif du terme « skilltree ».

51      En raison de la définition qu’elle donne du terme « skilltree » et des supposées connaissance et utilisation de ce terme dans les secteurs des logiciels et des jeux informatiques, qui seraient attestées par les éléments de preuve qu’elle a présentés pour démontrer que le terme « skilltree » désigne une caractéristique essentielle des logiciels et en particulier des jeux informatiques, la requérante estime qu’il serait clairement reconnaissable que ledit terme, en relation avec les produits et les services en cause, est un mot purement descriptif et général, qui devrait rester libre pour le grand public en relation avec les logiciels et les jeux informatiques.

52      L’EUIPO et les intervenants contestent les arguments de la requérante.

53      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

54      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée]. L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée]

55      Le choix, par le législateur de l’Union, du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par le public pertinent, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de cette disposition que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par le public pertinent comme une description de l’une desdites caractéristiques [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50, et du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, EU:T:2013:343, point 32].

56      De plus, s’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial, une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, doit néanmoins être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44 et jurisprudence citée].

57      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a conclu à tort à l’absence de caractère descriptif de la marque contestée.

58      En premier lieu, il y a lieu de constater que le signe contesté est composé des termes anglais « skilltree » et « studios ». À cet égard, les parties ne contestent pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le terme « studios », en tant que forme plurielle du mot « studio », au sens d’un atelier ou d’un site de production, décrit directement le lieu de production ou de réalisation des produits et services en cause.

59      En ce qui concerne le terme « skilltree », il convient d’observer qu’il est composé des mots anglais « skill » et « tree », qui signifient « capacité » ou « compétence », et « arbre ». Le sens littéral de ce terme, à savoir « arbre de compétences » n’est pas non plus contesté par les parties.

60      Ainsi qu’il ressort des multiples extraits de dictionnaires en ligne produits par les intervenants, le terme « skilltree » ne figure pas dans des dictionnaires et ne constitue pas un mot courant de la langue anglaise, nonobstant l’existence d’une page Wikipédia en allemand.

61      À supposer même qu’il puisse être considéré comme un néologisme ou un mot composé de plusieurs éléments, à savoir « skill » et « tree », ceux-ci, vu leur signification indiquée au point 59 ci-dessus, ne constituent évidemment pas une indication descriptive des produits et des services visés au point 4 ci-dessus. Dès lors, il y a lieu d’examiner si le terme « skilltree » peut, comme le soutient la requérante, désigner une caractéristique de ces produits et ces services, en raison d’une signification particulière qui serait attribuée par le public pertinent dans le secteur desdits produits et services.

62      En deuxième lieu, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure de nullité, l’EUIPO ne saurait être contraint d’effectuer une nouvelle fois l’examen d’office des faits pertinents mené par l’examinateur pouvant l’amener à appliquer les motifs absolus de refus. Il ressort des dispositions des articles 52 et 55 du règlement no 207/2009 que la marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. En raison de cette présomption de validité, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient donc à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [voir arrêt du 22 mars 2018, Safe Skies/EUIPO – Travel Sentry (TSA LOCK), T‑60/17, non publié, EU:T:2018:164, point 21 et jurisprudence citée].

63      Ainsi, afin de démontrer que l’élément « skilltree » est un terme largement connu et utilisé par les spécialistes et les utilisateurs moyens de logiciels et de jeux informatiques pour décrire une prétendue caractéristique des produits et des services visés par la marque contestée, à savoir un système de progression hiérarchique d’un personnage d’un jeu informatique, la requérante a présenté ou fait référence aux éléments de preuves recevables suivants :

–        la page Wikipédia allemande relative au terme « skilltree » (annexe F) ;

–        des déclarations d’experts dans le domaine du développement des jeux électroniques proposant une définition du terme « skilltree » (point 2.1.1 au point 2.1.3 de l’annexe H) ;

–        un extrait du site Internet « giantbomb » présentant 179 jeux informatiques comportant un « skilltree » (annexe I) ;

–        le jeu informatique « DAS Skilltree Saga », contenant le terme « skilltree » dans le nom et la description dudit jeu (annexe K) ;

–        les conclusions tirées d’une analyse des tendances de Google (Google Trends), figurant aux points 45 à 51 de la requête, démontrant la notoriété ainsi que l’utilisation et les recherches très répandues au moins depuis 2004 du terme « skilltree » ;

–        un article du site Internet « gamedevelopment » traitant de l’analyse des jeux informatiques et faisant référence aux jeux « Diablo 2 », « Cursed Treasure 2 » et « Diablo 3 » (annexe N).

64      Premièrement, s’agissant de la signification du terme « skilltree », la page Wikipédia allemande le définit comme « un concept de visualisation dans les jeux vidéo ». Cette page indique également qu’« il permet la représentation graphique simple d’un système de progression hiérarchique. Un arbre de compétences se compose de plusieurs nœuds [...] interconnectés [qui] peuvent être progressivement débloqués pour un personnage ou un objet ».

65      En ce qui concerne les déclarations des trois experts, reproduites au point 33 de la décision attaquée ainsi qu’aux points 2.1.1 à 2.1.3 de l’annexe H de la requête, un premier expert observe que « un skill tree est un “tech tree”, mais pour des personnages[, qui] montre quelles compétences et capacités sont déjà disponibles, lesquelles sont verrouillées et ce qu’il faut faire pour les déverrouiller ». Selon un deuxième expert, « un skill tree est un système RPG dans lequel une collection de compétences d’un personnage est mise en place dans une arborescence à partir d’une configuration de base qui se ramifie en catégories plus spécialisées ». Quant au troisième expert, il indique que « un skill tree (ou technology tree) est une représentation visuelle d’un système de progression hiérarchique, dans lequel de multiples nœuds (représentant diverses capacités, améliorations, déblocages, bonus, etc.) sont liés les uns aux autres ».

66      Il ressort de ces déclarations lues en combinaison avec la page Wikipédia que les définitions du terme « skilltree » présentent de nombreuses différences.

67      En effet, la page Wikipédia énonce un « concept de visualisation pour jeux vidéo », alors que les déclarations des experts évoquent tant une « représentation de compétences pour un personnage », qu’un « système RPG » (« role-playing game system »), à savoir un système de jeu de rôle. De plus, comme le relèvent la page Wikipédia et l’article du site Internet « gamedevelopment », alors que le jeu « Diablo 2 » fût le premier jeu contenant une plus grande profondeur en termes d’arbre de compétences, la description du jeu « Diablo 3 » souligne que celui-ci ne contient pas de « skilltree », mais des alternatives, étant donné que tous les jeux ne nécessitent pas un « skilltree ». Il ne ressort donc pas de façon évidente ni de quel genre de jeux informatiques, ni de quelle caractéristique il s’agit, dans la mesure où un « skilltree » ne semble pas concerner un genre de jeux informatiques spécifique tel que, par exemple, les jeux de rôle.

68      Ainsi que le relève également la chambre de recours, il semblerait que ces définitions désignent à la fois la représentation graphique des compétences et la circonstance que des compétences doivent être choisies ou débloquées par le joueur pour faire progresser un personnage. D’ailleurs, contrairement aux déclarations des experts citées au point 65 ci-dessus, la page Wikipédia applique les « skilltrees » tant pour des personnages que pour des objets. Il est en outre fait mention de plusieurs notions, à savoir des nœuds interconnectés, des compétences, des capacités, des améliorations, des bonus, des personnalisations, des catégories, sans indication précise, et qui, par conséquent, pourraient sensiblement varier en fonction du genre de jeu dont il est question.

69      À cet égard, il convient de relever les propos du troisième expert, figurant au point 2.1.2 de l’annexe H de la requête, selon lesquels « [...] bien que je doive admettre que l’établissement de définitions strictes autour de diverses parties de la conception de jeux est assez délicat. En particulier, parce qu’il est très difficile d’écrire quelque chose qui s’applique à la plupart des cas (il y aura toujours des exceptions) tout en gardant une forme accessible et facilement compréhensible ». Cette déclaration confirme bien le caractère imprécis et peu clair de la définition du terme « skilltree », qu’il considère par ailleurs comme un concept de jeux.

70      Il convient également de noter que le terme « skilltree » apparaît dans les éléments de preuve sous différentes orthographes ou différentes notions, à savoir « skill tree » en deux mots, « talent tree », ou encore « technology tree ». D’ailleurs, cette dernière notion, pouvant être traduite littéralement comme « arbre de technologies », ne permet pas au public pertinent d’y percevoir aisément un synonyme d’« arbre de compétences », le terme « technologie » pouvant couvrir un large éventail de définitions différentes, en fonction des domaines dans lesquels il pourrait être utilisé.

71      Ainsi, il ressort de ces éléments de preuve qu’il n’existe pas une définition unique et explicite du terme « skilltree », en ce sens que ce terme est sujet à des interprétations différentes en fonction des domaines ou des jeux visés.

72      En effet, il convient de rappeler que le public pertinent, composé tant du grand public que de spécialistes, qui, pour que le signe tombe sous le coup de l’interdiction visée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, doit percevoir immédiatement et sans autre réflexion une description ou une caractéristique, à savoir une propriété, facilement reconnaissable des produits et des services en cause, conformément à la jurisprudence citée aux points 54 et 55 ci-dessus. Par conséquent, en l’espèce, en l’absence de définition sémantique claire du terme « skilltree », il ne peut pas être établi que la requérante a apporté la preuve que cet élément sera perçu par le public pertinent, immédiatement et sans autre réflexion, comme une propriété facilement reconnaissable d’un logiciel ou d’un jeu informatique, comme elle le fait valoir.

73      Deuxièmement, au regard des 179 jeux informatiques listés sur le site Internet « giantbomb » qui comporteraient un « skilltree », il est constant que le terme en cause n’apparaît sous aucune description des jeux, de sorte que le lien entre ce terme et les jeux cités n’est pas clair. Comme le précise la chambre de recours, quand bien même tous ces jeux contiendraient effectivement un « skilltree », cette liste ne permet pas de conclure que ledit terme sera compris par le public pertinent comme une référence descriptive à une propriété des jeux cités.

74      Il en va également de même du jeu « DAS Skilltree Saga ». En effet, la présence du terme « skilltree » dans le nom et la description du jeu, évoquant des compétences de combat des personnages, ne permet pas d’établir que le public pertinent en comprendra facilement et sans réflexion la signification, ni d’en déduire facilement une indication descriptive.

75      Tel est également le cas de l’article issu du site Internet « gamedevelopment » faisant référence aux jeux « Diablo 2 », « Cursed Treasure 2 » et « Diablo 3, dont les descriptions, certes, mentionnent le terme « skilltree », mais n’en expliquent ni le lien ni la caractéristique en tant que propriété pour lesdits jeux.

76      Troisièmement, s’agissant de l’analyse des tendances Google qui démontrerait, selon la requérante, d’une part, une notoriété et une utilisation largement répandue du terme « skilltree » et, d’autre part, l’absence d’une telle reconnaissance pour la combinaison de mots « skilltree studios », il a déjà été jugé à cet égard que le nombre d’utilisateurs qui ont saisi une expression ou un terme sur le moteur de recherche Google n’importe pas pour apprécier le caractère descriptif du signe en cause. En effet, il suffit que le terme en cause puisse être compris en tant qu’indication descriptive des produits et des services. Or, l’utilisation ou non par des internautes du terme « skilltree » comme terme de recherche dans un moteur de recherche sur Internet ne permet pas d’établir en soi la compréhension qu’ont ces internautes dudit terme comme étant descriptif ou non des produits et des services en cause [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 octobre 2015, TrekStor/OHMI – MSI Technology (MovieStation), T‑636/13, non publié, EU:T:2015:801, point 46].

77      En outre, la requérante n’étaye par aucun élément de preuve le fait que les utilisateurs qui auraient recherché le terme « skilltree » sur le moteur de recherche Google, auraient manifestement associé celui-ci aux jeux informatiques, grâce à la connaissance qu’ils auraient dudit terme.

78      Par ailleurs, la circonstance que le public pertinent effectue de nombreuses recherches du terme « skilltree » sur Internet ne démontre pas que ces recherches aboutiraient uniquement à des jeux informatiques. De plus, ainsi que le font valoir l’EUIPO et les intervenants, l’usage d’un « skilltree », en tant que représentation graphique de compétences et de leur développement, peut également exister dans d’autres domaines que les jeux informatiques, tels que la planification et l’optimisation des compétences en ressources humaines dans une entreprise. Dès lors, les arguments de la requérante relatifs aux tendances de recherches sur Google ne sont pas pertinents.

79      En troisième lieu, ainsi qu’il a été rappelé aux points 55 et 56 ci-dessus, pour qu’un signe puisse être considéré comme descriptif d’une caractéristique en tant que propriété des produits et des services en cause, cette dernière doit être, outre facilement reconnaissable par le public pertinent, objective et inhérente à la nature desdits produits et services, ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ces produits et ces services.

80      Or, à supposer que les « skilltrees » soient propres aux jeux informatiques, comme le soutient la requérante, celle-ci n’apporte pas la preuve permettant d’affirmer que les utilisateurs et les spécialistes du secteur des logiciels et des jeux informatiques connaissent effectivement le terme « skilltree » ni qu’ils vont facilement le reconnaître comme étant descriptif d’une propriété, au sens de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus. Par ailleurs, outre l’absence de définition claire et de lien entre un « skilltree » et les jeux cités en exemple, la requérante ne précise aucunement de quelle caractéristique ou propriété il serait concrètement question s’agissant des produits et des services relevant des classes 9, 41 et 42 pour lesquels la marque contestée a été enregistrée, ainsi que le font remarquer les intervenants. De plus, elle n’explique ni en quoi un « skilltree » serait objectif et inhérent à la nature des jeux informatiques, ni intrinsèque et permanent pour ceux-ci, le rendant descriptif des produits et des services en cause, conformément à la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus.

81      Dans la mesure où le terme « skilltree » ne possède pas une définition concrète et ne fournit pas la description claire d’une caractéristique des jeux informatiques, il ne saurait être soutenu qu’il existe un rapport suffisamment direct et concret entre la marque contestée et les produits et les services en cause, conformément à la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus.

82      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’une signification descriptive de la marque contestée n’avait été prouvée pour aucun des produits et des services pour lesquels ladite marque a été enregistrée et qu’elle a rejeté le motif absolu de nullité visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

83      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le second moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement

84      La requérante allègue que, dès lors que le signe contesté est purement descriptif, il serait dépourvu de caractère distinctif suffisant. Selon elle, le terme « skilltree » serait habituellement utilisé pour la présentation des produits et services demandés et serait un élément essentiel et indispensable pour le développement et l’utilisation des jeux informatiques, de sorte que la combinaison des éléments verbaux « skilltree studios » ne changerait rien à l’absence de caractère distinctif. En effet, ledit terme ne serait pas fantaisiste et ne serait pas perçu par le public comme surprenant, inattendu, imaginatif et donc mémorable. Dès lors, la marque contestée ne serait pas susceptible de remplir sa fonction de distinction des produits et des services litigieux de ceux d’une autre entreprise.

85      L’EUIPO et les intervenants contestent les arguments de la requérante.

86      À l’instar de la chambre de recours et des intervenants, il convient d’observer que l’argumentation de la requérante se fonde exclusivement sur le caractère descriptif du terme « skilltree », au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, de sorte que la marque contestée serait également, en conséquence, dépourvue de caractère distinctif.

87      Or, dans la mesure où, d’une part, il résulte de l’examen du second moyen que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant à l’absence de violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et où, d’autre part, la requérante n’a avancé aucun élément de preuve à même d’établir l’absence de caractère distinctif, son argumentation ne saurait être accueillie [voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2012, Stichting Regionaal Opleidingencentrum van Amsterdam/OHMI – Investimust (COLLEGE), T‑165/11, non publié, EU:T:2012:284, point 38].

88      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande en réformation contenue dans le deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

90      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et des intervenants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Blueroots Technology GmbH est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.