Language of document : ECLI:EU:T:2000:53

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

24 février 2000 (1)

«Fonctionnaires - Promotion - Absence de rapport de notation - Irrégularité de la procédure de promotion»

Dans l'affaire T-82/98,

Frans Jacobs, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Walshoutem (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis, F. Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, et F. Giuffrida, avocat au barreau de Turin, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de gestion fiduciaire SARL, 2-4, rue Beck,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes C. Berardis-Kayser et F. Duvieusart-Clotuche, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade B 4 au titre de l'exercice de promotion 1997,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 21 octobre 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 45, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«La promotion est attribuée par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination. [...] Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.

Ce minimum d'ancienneté est, pour les fonctionnaires nommés au grade de base de leur cadre ou de leur catégorie, de six mois à compter de leur titularisation [...]»

2.
    La promotion annuelle des fonctionnaires de la Commission se déroule selon une procédure décrite dans le Guide pratique à la procédure de promotion à la Commission des Communautés européennes (ci-après le «guide de la promotion»). Cette procédure, qui comprend cinq étapes, commence par la publication, par l'administration, de la liste des fonctionnaires susceptibles d'être promus en vertu de l'article 45 du statut. Puis, chaque directeur général opère une comparaison desmérites des fonctionnaires de son service et communique ses propositions de promotion, avec un ordre de priorité, au comité de promotion. Ce dernier procède, ensuite, à l'établissement d'un projet de liste des fonctionnaires les plus méritants, en comparant, notamment à l'aide des rapports de notation, les mérites des fonctionnaires susceptibles d'être promus selon une méthode adaptée au grade concerné. Après l'entérinement de cette liste par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») et sa publication par l'administration, le membre de la Commission en charge du personnel prend, enfin, la décision de promotion à partir de la liste des fonctionnaires les plus méritants.

3.
    L'article 43, premier alinéa, du statut est libellé comme suit:

«La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire [...] font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110.»

4.
    L'article 1er des dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut (ci-après les «dispositions générales»), arrêtées par la Commission le 15 mai 1997 en vertu de l'article 110 du statut, prévoit que chaque fonctionnaire doit être noté sur sa compétence, son rendement ainsi que sur sa conduite dans le service «pour autant qu'il [a] été en activité plus de six mois pendant la période de référence en tant que titulaire». Conformément à l'article 7 de ces mêmes dispositions, toute la procédure de notation doit être terminée au plus tard le 31 décembre suivant la fin de la période de référence.

5.
    Le 29 mai 1996, la Commission a adopté une décision intitulée «Prise en compte, pour les promotions sur le budget de fonctionnement, de l'ancienneté de grade des anciens agents temporaires et des fonctionnaires ayant fait l'objet d'un décloisonnement de cadre» (ci-après la «décision du 29 mai 1996»). Cette décision, rédigée en langues française, anglaise et allemande, a été publiée aux Informations administratives n° 938. Selon cette décision, les années de service effectuées en tant qu'agent temporaire sont prises en compte au titre du critère objectif de l'ancienneté de grade lors des exercices de promotion quand «la nomination de l'agent a eu lieu au même grade, à la suite immédiate de la période d'agent temporaire».

Faits à l'origine du litige et procédure

6.
    Le requérant a travaillé dans la même unité de la direction générale de la concurrence (DG IV), d'abord en tant qu'expert indépendant, du 1er mai 1990 au 30 septembre 1991, puis en qualité d'agent temporaire, du 1er octobre 1991 au 30 septembre 1994, période durant laquelle il a exercé les fonctions d'assistant adjoint.

7.
    Après une interruption de plus d'un an, il a, à nouveau, travaillé à la DG IV comme agent auxiliaire, du 16 octobre 1995 au 31 janvier 1996.

8.
    Après avoir réussi un concours de titularisation, le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire au grade B 5 le 1er février 1996 et a été affecté jusqu'au 31 décembre 1997 à la DG IV. Ayant fait l'objet d'une appréciation positive dans le rapport de fin de stage, il a été titularisé dans son poste le 1er novembre 1996.

9.
    Le requérant, qui allait disposer de l'ancienneté requise en vertu de l'article 45, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, à la date du 1er mai 1997, a été inscrit sur la liste des fonctionnaires de grade B 5 pouvant être promus au grade B 4 au titre de l'exercice de promotion 1997, liste publiée le 20 janvier 1997. Toutefois, son nom n'a pas été repris dans la liste, publiée le 16 mai 1997, des fonctionnaires proposés pour une promotion par les services.

10.
    Le 26 mai 1997, le requérant a introduit un recours auprès du comité de promotion pour la catégorie B (ci-après le «comité de promotion»), contestant le fait que la période de service de trois ans, en tant qu'agent temporaire, et celle de trois mois et demi, en tant qu'agent auxiliaire, n'avaient pas été prises en considération au seul motif de l'interruption de service du 1er octobre 1994 au 15 octobre 1995. Il soutient que, vu son expérience et les notes qu'il a obtenues, ces périodes devaient être prises en compte nonobstant toute règle contraire.

11.
    Par note du 9 juillet 1997, le président du comité de promotion a informé le requérant que le comité, en liaison avec le responsable du personnel de la DG IV, avait examiné son recours mais qu'il n'avait pas pu faire figurer son nom sur le projet de liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour l'exercice 1997.

12.
    Par note du 28 juillet 1997, le requérant a demandé la révision de cette décision en avançant, essentiellement, les mêmes arguments que ceux exposés dans son recours du 26 mai 1997.

13.
    Le requérant n'a pas été inscrit sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, publiée le 8 août 1997, ni, finalement, sur celle des fonctionnaires promus au grade B 4 au titre de l'exercice de promotion 1997, publiée le 12 août 1997.

14.
    À la suite d'un entretien téléphonique avec le requérant, le secrétaire du comité de promotion a indiqué à ce dernier, par courrier électronique du 2 septembre 1997:

«[...] il n'est pas possible de réviser les décisions de l'AIPN concernant les listes des [fonctionnaires les] plus méritants et des [fonctionnaires] promus pour l'exercice en objet. Je vous confirme également que la règle sur la prise en compte de l'ancienneté de grade en tant qu'agent temporaire ne permet pas de modifier lespoints qui vous ont été attribués au titre de l'ancienneté (à cause de l'interruption).»

15.
    Le 28 octobre 1997, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut.

16.
    Par note du 3 mars 1998, l'administration a indiqué au requérant que le rejet implicite de sa réclamation était intervenu le 28 février 1998 et qu'une réponse à sa réclamation, encore à l'étude, devait lui parvenir très prochainement.

17.
    Le 28 mai 1998, la défenderesse a adopté une décision de rejet de la réclamation dont le requérant a accusé réception le 11 juin 1998.

18.
    Le requérant a introduit le présent recours par requête du 27 mai 1998.

Conclusions des parties

19.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade B 4 au titre de l'exercice de promotion 1997;

-    condamner la Commission aux dépens.

20.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

21.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a ouvert la procédure orale et a, dans le cadre de mesures d'organisation de la procédure, posé des questions écrites aux parties ainsi que demandé la production de certains documents. Il a été satisfait à ces demandes dans les délais impartis.

Sur le fond

22.
    Dans sa requête, le requérant invoque deux moyens, tirés, premièrement, d'une violation de l'obligation de motivation et, deuxièmement, d'une violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut, du principe de non-discrimination et d'une erreur manifeste d'appréciation. Lors de l'audience, le requérant a soulevé, à la suite des réponses de la défenderesse aux questions écrites du Tribunal, un moyen nouveau, tiré de la violation de l'article 110 du statut en ce que la décision du 29 mai 1996 n'a pas été publiée dans toutes les langues officielles de la Communauté.

23.
    Le Tribunal estime opportun d'examiner, d'abord, le deuxième moyen invoqué par le requérant.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut, du principe de non-discrimination et d'une erreur manifeste d'appréciation

Argument des parties

24.
    Le requérant soutient, en premier lieu, que la défenderesse a enfreint l'article 45, paragraphe 1, du statut en décidant de ne pas le promouvoir sans qu'il ait fait l'objet d'un rapport de notation ou d'un autre rapport sur son comportement, son rendement et ses compétences. De ce fait, l'AIPN n'aurait pu procéder, sans violer le principe de non-discrimination, à l'examen de ses mérites par rapport à ceux de ses collègues avec l'impartialité requise dans ce genre de situation.

25.
    Le fait que l'article 43 du statut prévoit qu'un rapport doit être établi au moins tous les deux ans ne permettrait pas, d'ailleurs, à la défenderesse de se dispenser de l'établissement de rapports intermédiaires sur les mérites de certains fonctionnaires. En outre, le rapport de fin de stage ne saurait constituer un rapport au sens de l'article 45 du statut.

26.
    Se référant à la note du président du comité de promotion du 9 juillet 1997 (voir ci-dessus point 11), le requérant soutient encore que, eu égard à l'article 26 du statut, il n'est pas possible de remédier, d'une manière légale, à l'absence d'un rapport de notation par des indications sur les mérites de l'intéressé que le responsable du personnel de la direction générale concernée donnerait au comité de promotion.

27.
    En second lieu, le requérant affirme que la défenderesse a violé l'article 45 du statut en privilégiant des critères d'âge et d'ancienneté au détriment des mérites alors que de tels critères ne peuvent être pris en considération qu'à titre subsidiaire.

28.
    En troisième lieu, la défenderesse aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans le calcul de l'ancienneté dans le grade. En effet, elle n'aurait pu refuser de prendre en compte les années de service effectuées en tant qu'agent auxiliaire ou temporaire au seul motif que la nomination du requérant comme fonctionnaire n'aurait pas eu lieu immédiatement après la fin de sa période d'activité comme agent temporaire.

29.
    La défenderesse soutient, en premier lieu, que le comité de promotion ne pouvait et ne devait disposer, au moment de l'appréciation des mérites, d'un rapport de notation de l'intéressé. En effet, ayant été recruté en qualité de fonctionnaire stagiaire le 1er février 1996 et titularisé le 1er novembre 1996, le requérant n'aurait pu faire l'objet d'un tel rapport que pour la période allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997. Or, le rapport de notation concernant cette période ne pouvait êtreétabli qu'une fois la période de référence écoulée, soit après le 30 juin 1997, et ne devait être terminé, en vertu de l'article 7 des dispositions générales, qu'au 31 décembre 1997.

30.
    Il n'existerait, en outre, aucune disposition statutaire lui imposant d'établir un rapport intermédiaire.

31.
    En second lieu, la défenderesse allègue que, en l'absence justifiée du rapport de notation, le comité de promotion a tenu compte d'autres éléments pour procéder à l'examen des mérites du requérant. D'une part, ledit comité aurait, conformément au guide de la promotion et à la solution dégagée dans l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1992, Mergen/Commission (T-53/91, Rec. p. II-2041, point 36), suivi la liste établie par le directeur général de la DG IV proposant pour la promotion, avec un ordre de priorité, quatre fonctionnaires de la catégorie B parmi lesquels ne figurait pas le requérant. En outre, le comité de promotion aurait entendu et pris en compte les déclarations de l'assistant du directeur général de la DG IV concernant les mérites des candidats. D'autre part, le comité de promotion aurait tenu compte du profil de carrière établi conformément à une méthode de calcul appliquée à chacun des fonctionnaires de la catégorie B et dont les résultats sont fournis aux directions générales lors du lancement de la procédure de promotion. À cet égard, le requérant aurait obtenu moins de points que deux des trois fonctionnaires promus de la même direction générale. Enfin, en présence de quatre fonctionnaires de même niveau, il aurait estimé nécessaire de considérer, également, la durée de présence de ceux-ci dans leur fonction et d'exiger un minimum d'ancienneté dans le grade, ce qui serait conforme à la solution retenue dans l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement (293/87, Rec. p. 23).

32.
    En troisième lieu, la défenderesse affirme qu'aucune disposition du statut ne prévoit la nécessité de prendre en compte, à l'occasion de l'examen des mérites des fonctionnaires lors d'une procédure de promotion, la période au cours de laquelle un fonctionnaire a été au service de son institution comme agent temporaire. Elle aurait, toutefois, décidé (décision du 29 mai 1996, voir ci-dessus point 5) de prendre en considération, aux fins de l'évaluation de l'ancienneté dans le grade dans le cadre de l'exercice de promotion, les années de service effectuées en tant qu'agent temporaire lorsque la nomination comme fonctionnaire a eu lieu au même grade et immédiatement après le terme du contrat d'agent temporaire. Or, le requérant ne remplirait pas cette dernière condition, sa nomination comme fonctionnaire étant précédée d'une période d'interruption de service de plus d'une année.

Appréciation du Tribunal

33.
    Il résulte de l'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut que, dans le cadre d'une procédure de promotion, l'AIPN est tenue d'effectuer son choix après un examen comparatif des mérites respectifs des fonctionnaires pouvant être promus ainsi que des rapports de notation dont ils ont fait l'objet.

34.
    Il est de jurisprudence bien établie (arrêt de la Cour du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C-68/91 P, Rec. p. I-6849, point 16, et arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moat/Commission, T-58/92, Rec. p. II-1443, point 59), que le rapport de notation constitue un élément d'appréciation indispensable chaque fois que la carrière d'un fonctionnaire est prise en considération en vue de l'adoption d'une décision concernant sa promotion.

35.
    L'article 43, premier alinéa, du statut prévoit l'obligation pour l'administration d'établir un rapport de notation «au moins tous les deux ans». Cette disposition n'exclut donc aucunement qu'un rapport de notation soit établi pour une période inférieure à deux ans.

36.
    Toutefois, il ressort de la jurisprudence que le rapport de notation peut, dans des circonstances exceptionnelles, être remplacé par d'autres informations sur les mérites du fonctionnaire. En effet, la procédure de promotion n'est entachée d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation que pour autant que l'absence du rapport de notation a pu avoir une incidence décisive sur ladite procédure, notamment lorsque cette absence n'a pu être palliée au moyen d'autres informations relatives aux mérites du fonctionnaire concerné (voir, en ce sens, arrêt Moritz/Commission, cité au point 34 ci-dessus, point 18, ainsi que la jurisprudence citée aux points 39 et 40, ci-après).

37.
    Dans la mesure où le statut prévoit que peuvent bénéficier d'une promotion, six mois après leur titularisation, les fonctionnaires nommés au grade de base de leur cadre ou de leur catégorie, il appartient aux institutions d'assurer un traitement égal des fonctionnaires pouvant être promus, qu'ils se trouvent dans la situation du requérant ou dans celle du fonctionnaire qui, ayant plus de deux ans d'ancienneté, a fait ou aurait dû faire l'objet d'un rapport de notation, lequel constitue un élément d'appréciation statutaire essentiel pour un examen comparatif, objectif, des mérites des candidats à la promotion.

38.
    Il s'ensuit que, dans le cas où un fonctionnaire peut être promu avant l'expiration de la première période de référence le concernant, l'institution est tenue, soit, d'établir un rapport de notation intermédiaire, soit, lorsque l'établissement d'un tel rapport s'avère en pratique impossible, de fournir d'autres informations sur les mérites du fonctionnaire venant compenser l'absence dudit rapport.

39.
    À cet égard, la Cour et le Tribunal ont jugé, dans des circonstances comparables à l'espèce, que les informations suivantes sur les mérites des candidats à la promotion ne peuvent être valablement prises en compte par le comité de promotion en lieu et place du rapport de notation:

-    les déclarations du directeur général (ou de son représentant) devant le comité de promotion, dans la mesure où celui-ci n'était pas le premier notateur du candidat et que l'établissement du rapport de notation des fonctionnaires obéit à des procédures précises qui requièrent, au minimum,la participation aussi bien de deux notateurs que celle du fonctionnaire noté lui-même (arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moritz/Commission, T-20/89 RV, Rec. p. II-1423, point 38), étant observé, en outre, que ces déclarations orales, formulées dans le cadre d'une procédure de promotion et devant le comité constitué à cette fin, devraient être versées au dossier individuel du requérant, conformément à l'article 26 du statut (arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T-82/89, Rec. p. II-735, point 76);

-    un rapport classé irrégulièrement dans un dossier personnel, alors qu'il a été contesté par le fonctionnaire (arrêts de la Cour du 18 décembre 1980, Gratreau/Commission, 156/79 et 51/80, Rec. p. 3943, point 22, et du Tribunal du 21 novembre 1996, Michaël/Commission, T-144/95, RecFP p. I-A-529 et II-1429, point 52).

40.
    Il est également de jurisprudence constante que, en l'absence d'un rapport de notation, il incombe à l'institution défenderesse de rapporter la preuve, par des éléments objectifs susceptibles de faire l'objet d'un contrôle juridictionnel, qu'elle a respecté les garanties accordées par l'article 45 du statut au fonctionnaire ayant vocation à la promotion et procédé à un examen comparatif des mérites des candidats à la promotion (arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP p. I-A-195 et II-603, point 33, et Michaël/Commission, précité, point 52).

41.
    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que des éléments d'information ne peuvent remédier à l'absence d'un rapport de notation que s'ils répondent à certaines conditions dont il incombe à l'institution défenderesse de prouver la réunion. Il faut, premièrement, qu'ils soient suffisamment objectifs pour permettre un contrôle juridictionnel, deuxièmement, qu'ils contiennent une appréciation des mérites du fonctionnaire effectuée par les personnes responsables de l'établissement de son rapport de notation, troisièmement, qu'ils aient été communiqués au fonctionnaire de manière à assurer le respect des droits de la défense, quatrièmement, qu'ils soient connus par le comité de promotion au moment de son examen comparatif des mérites de tous les candidats. En effet, lorsque ces conditions sont réunies, l'absence du rapport de notation ne peut avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion.

42.
    En l'espèce, la défenderesse prétend avoir pris en compte en lieu et place du rapport de notation, d'une part, la liste des candidats proposés par le directeur général de la DG IV ainsi que les déclarations de son assistant et, d'autre part, le profil de carrière des candidats à la promotion.

43.
    Il est exact que la proposition que le directeur général fait au comité de promotion, après avoir comparé les mérites des fonctionnaires de son service susceptibles d'être promus, revêt une importance particulière et que la jurisprudence a confirméla pertinence de son intervention (arrêt Mergen/Commission, cité au point 31 ci-dessus, point 36). Il n'en reste pas moins que, à l'égard du requérant, la liste établie par le directeur général de la DG IV n'est pas de nature à permettre au comité de promotion d'effectuer un véritable examen comparatif des mérites et, en conséquence, à l'AIPN de prendre une décision de promotion en prenant, le cas échéant, à son compte ledit examen. En effet, cette liste ne mentionne pas le nom du requérant et ne contient aucune appréciation sur l'intéressé. Quant aux déclarations formulées par l'assistant du directeur général devant le comité de promotion, il y a lieu de considérer qu'elles ne pouvaient valablement compenser l'absence de rapport de notation dans la mesure où elles ne satisfont pas aux conditions énoncées au point 41 ci-dessus. En effet, elles n'émanent pas d'une personne responsable de l'établissement du rapport de notation de l'intéressé. Par ailleurs, elles ne respectent pas les droits de la défense du requérant en raison de leur caractère non contradictoire, étant rappelé que la procédure d'établissement du rapport de notation des fonctionnaires est soumise à des règles précises qui imposent, au minimum, aussi bien la participation de deux notateurs que celle du fonctionnaire noté lui-même (arrêt du 16 décembre 1993, Moritz/Commission, cité au point 39 ci-dessus, point 38).

44.
    Il convient, par ailleurs, de constater que le calcul du profil de carrière s'effectue conformément à une méthode publiée aux Informations administratives spéciales du 20 juillet 1992. Selon cette méthode, les points attribués au titre de l'ancienneté de grade et ceux attribués au titre de l'âge sont additionnés, pour ainsi donner un seul profil de carrière. Elle n'implique, donc, aucune appréciation des mérites des candidats. De ce fait, le profil de carrière ne peut constituer un facteur décisif dans le choix à effectuer par l'AIPN que lorsqu'il y a eu appréciation préalable des mérites aboutissant au constat d'une égalité des qualifications et des mérites des différents candidats (voir arrêt du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. I-A-257 et II-739, point 113), ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

45.
    Enfin, il convient de relever que c'est à juste titre que les parties ont considéré que le rapport de fin de stage établi par le directeur le 27 septembre 1996, avant le lancement de l'exercice de promotion 1997, même s'il comporte un certain nombre d'observations sur les capacités de travail du requérant, ne pouvait être pris en compte par le comité de promotion. En effet, ce rapport a des fonctions distinctes de celles d'un rapport de notation dans la mesure où il est principalement destiné à évaluer l'aptitude du fonctionnaire stagiaire à s'acquitter des attributions que comportent ses fonctions et à être titularisé (voir arrêt du Tribunal du 15 mai 1996, Dimitriadis/Cour des comptes, T-326/94, RecFP p. I-A-217 et II-613, point 84).

46.
    Il résulte de tout ce qui précède que l'AIPN n'a pas, au titre de l'exercice de promotion 1997 pour le grade B 4, effectué son choix après examen des mérites du requérant par rapport à ceux des autres candidats à la promotion, enfreignant ainsi l'article 45, paragraphe 1, du statut.

Conclusion

47.
    Sans qu'il soit nécessaire d'examiner la recevabilité et le bien-fondé des autres moyens soulevés par le requérant, le Tribunal conclut que la procédure de promotion au grade B 4 diligentée par la Commission au titre de l'exercice de promotion 1997 est entachée d'une irrégularité en ce qui concerne le requérant et doit donc être annulée à l'égard de ce dernier.

Sur les dépens

48.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu, au vu des conclusions du requérant, de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade B 4 au titre de l'exercice de promotion 1997 est annulée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

Lenaerts
Azizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 février 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: le français.