Language of document : ECLI:EU:T:1998:69

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

31 mars 1998 (1)

«Aides d'État à la sidérurgie — Notification d'un projet d'aides — Expiration de la validité des dispositions pertinentes du code des aides CECA — Mise à exécution du projet d'aides — Décision constatant l'incompatibilité de l'aide et en ordonnant la restitution — Confiance légitime»

Dans l'affaire T-129/96,

Preussag Stahl AG, société de droit allemand, établie à Salzgitter (Allemagne), représentée par Me Jochim Sedemund, avocat à Berlin, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31 Grand-rue, Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par

République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, Bernd Kloke, Oberregierungsrat au même ministère, en qualité d'agents, assistés de Mes Holger Wissel et Oliver Axster, avocats à Dusseldorf,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Dimitris Triantafyllou et Paul Nemitz, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision 96/544/CECA de la Commission, du 29 mai 1996, relative à des aides d'État en faveur de la société Walzwerk Ilsenburg GmbH (JO L 233, p. 24),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. C. P. Briët, K. Lenaerts, A. Potocki et J. D. Cooke, juges,

greffier: A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 13 janvier 1998,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    L'article 4, sous c), du traité CECA (ci-après «traité») interdit toutes les aides accordées par les États membres à la sidérurgie, sous quelque forme que ce soit.

2.
    Sur le fondement de l'article 95, premier et deuxième alinéas du traité, la Commission, après avoir recueilli l'avis du comité consultatif et sur avis conforme du Conseil statuant à l'unanimité, a adopté la décision n° 3855/91/CECA, du 27 novembre 1991, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 362, p. 57), dite «cinquième code des aides à la sidérurgie» (ci-après «code»).

3.
    Selon l'article 1er, paragraphe 1, du code, toutes les aides à la sidérurgie financées par un État membre, ainsi que par des collectivités territoriales, ne peuvent être considérées comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions des articles 2 à 5.

4.
    Aux termes de l'article 1er, paragraphe 3, du code:

«Les aides prévues par [le code] ne sont mises à exécution que conformément aux procédures de l'article 6 et ne peuvent donner lieu à aucun paiement postérieur au 31 décembre 1996.

L'échéance pour le paiement des aides au titre de l'article 5 est le 31 décembre 1994, à l'exception des concessions fiscales spéciales (Investitionszulage) dans les cinq nouveaux Länder, telles que prévues dans la loi d'amendement des taxes 1991 en Allemagne, qui peuvent donner lieu à paiement jusqu'au 31 décembre 1995.»

5.
    Aux termes de l'article 5 du code:

«Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun jusqu'au 31 décembre 1994 les aides régionales aux investissements prévues par des régimes généraux à condition que:

—    [...]

—    [...]

—    l'entreprise bénéficiaire soit établie sur le territoire de l'ancienne République démocratique allemande et que l'aide soit accompagnée d'une réduction de l'ensemble de la capacité de production de ce territoire.»

6.
    En outre, l'article 6 du code prévoit:

«1.    La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations au sujet des projets tendant à instituer ou à modifier des aides visées aux articles 2 à 5. Elle est informée dans les mêmes conditions des projets tendant à appliquer au secteur sidérurgique des régimes d'aides à l'égard desquels elle s'est déjà prononcée sur la base des dispositions du traité CEE. Les notifications des projets d'aide visés au présent article doivent lui être faites au plus tard le 30 juin 1994, en ce qui concerne les aides visées à l'article 5, et le 30 juin 1996 en ce qui concerne toutes les autres aides.

[...]

3.    La Commission sollicite l'avis des États membres sur les projets [...] d'aides régionales à l'investissement, lorsque le montant de l'investissement concerné ou de la totalité des investissements aidés au cours de douze mois consécutifs dépasse dix millions d'écus et les autres projets d'aide importants qui lui sont notifiés, avant de prendre position à leur égard. Elle informe tous les États membres de la position adoptée sur chaque projet d'aide, en en précisant la nature et le volume.

4.    Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide n'est pas compatible avec les dispositions [du code], elle informe l'État membre intéressé de sa décision. La Commission prend une telle décision au plus tard trois mois après réception des informations nécessaires pour lui permettre d'apprécier l'aide en cause. Les dispositions de l'article 88 du [traité] s'appliquent au cas où un État membre ne se conforme pas à ladite décision. L'État membre intéressé ne peut mettre en oeuvre les mesures projetées visées [au paragraphe 1] qu'avec l'approbation de la Commission en se conformant aux conditions fixées par elle.

5.    Si, à compter de la date de réception de la notification du projet en question, un délai de deux mois s'est écoulé sans que la Commission ait ouvert la procédure prévue au paragraphe 4 ou fait connaître sa position de toute autre manière, les mesures projetées peuvent être mises à exécution, à condition que l'État membre ait au préalable informé la Commission de son intention. En cas de consultation des États membres en application du paragraphe 3, ce délai est porté à trois mois.

6.    Tous les cas concrets d'application des aides visées [à l'article 5] sont notifiés à la Commission dans les conditions prévues au paragraphe 1 [...]»

7.
    En vertu de son article 9, le code est entré en vigueur le 1er janvier 1992 et était applicable jusqu'au 31 décembre 1996.

Faits à l'origine du litige

8.
    L'entreprise Walzwerk Ilsenburg GmbH (ci-après «laminoir d'Ilsenburg»), établie dans le Land de Saxe-Anhalt, fait partie des entreprises d'État de l'ancienne République démocratique allemande (ci-après «RDA»). Elle a été reprise par Preussag Stahl AG (ci-après «Preussag») en 1992, sous la forme d'une filiale juridiquement indépendante. En 1995, le laminoir d'Ilsenburg a fusionné avec Preussag, qui se trouve désormais successeur aux droits du laminoir d'Ilsenburg.

9.
    Afin d'assurer la viabilité de l'entreprise dans les nouvelles conditions du marché, Preussag a dû prendre d'importantes mesures de rationalisation, dont le transfert au laminoir d'Ilsenburg de la production de tôles fortes de son usine de Salzgitter, située sur le territoire de l'ancienne Allemagne de l'Ouest.

10.
    Pour soutenir les investissements nécessaires à ce transfert, qui s'élevaient à 29,5 millions de DM, il était prévu que le Land de Saxe-Anhalt accorderait une aide qui comportait, d'une part, un concours à l'investissement de 5,850 millions de DM et, d'autre part, une concession fiscale spéciale de 0,9505 million de DM. Ces aides relevaient de deux régimes généraux d'aides régionales autorisés par la Commission conformément aux dispositions applicables des traités CE et CECA, à savoir, respectivement, le plan-cadre de l'action communautaire «amélioration des

structures économiques régionales», d'une part, et la loi sur les primes à l'investissement, d'autre part.

11.
    Le gouvernement allemand a notifié ce projet d'aides à la Commission, par télécopie du 24 novembre 1994, enregistrée le lendemain par la Commission sous le n° 777/94. Cette communication se référait expressément à la notification, intervenue le 10 mai 1994, d'un autre projet d'aides à l'investissement de 11,8 millions de DM, également destiné au laminoir d'Ilsenburg et affecté à la reconversion des sources d'énergie et à l'amélioration de la protection de l'environnement (ci-après «projet n° 308/94»).

12.
    Par lettre du 1er décembre 1994, la Commission a invité le gouvernement allemand à retirer la notification du projet d'aides n° 777/94 (ci-après «projet n° 777/94»), afin d'éviter l'ouverture d'une procédure uniquement motivée par le non-respect du délai de notification, qui était expiré depuis la fin juin 1994. La Commission a observé que le dépassement de ce délai ne faisait pas obstacle à un examen des projets d'aides, pour autant que l'institution soit encore en mesure d'adopter une décision avant la fin de l'année 1994. Toutefois, le projet n° 777/94 n'ayant été notifié que le 25 novembre 1994, soit 17 jours ouvrables seulement avant la dernière réunion de la Commission de l'année 1994, celle-ci s'estimait, même en accélérant la procédure dans toute la mesure possible, dans l'impossibilité de statuer avant la fin de l'année, la consultation des États membres étant nécessaire en raison du montant des investissements prévus.

13.
    Par lettre du 13 décembre 1994, le gouvernement fédéral a répondu à la Commission qu'il ne retirerait en aucun cas la notification du projet n° 777/94. Le gouvernement fédéral a informé Preussag de cette prise de position.

14.
    Entre-temps, Preussag avait, le 7 décembre 1994, adressé une lettre aux membres de la Commission MM. Van Miert et Bangemann, leur exposant que la tardiveté de la notification était due aux discussions prolongées et étendues qu'avait suscitées l'impact du projet n° 777/94 sur la situation de l'emploi dans la région concernée. C'est pourquoi Preussag demandait aux deux membres de la Commission de faire en sorte que les services de la Commission procèdent encore à l'examen de ce projet sous l'empire des dispositions du code.

15.
    Par télécopie du 21 décembre 1994, confirmée par lettre datée du même jour, Preussag a reçu la communication suivante:

«Martin Bangemann

Membre de la Commission européenne

Je vous remercie de votre lettre du 7 décembre 1994.

Mon collègue, Karel van Miert, et moi-même, nous partageons votre conception selon laquelle il est urgent d'adopter une décision relative aux aides aux entreprises situées dans les nouveaux Länder allemands, pour ne pas en bloquer le développement économique par des procédures administratives d'une longueur excessive.

C'est pourquoi je me réjouis de pouvoir vous informer que la Commission européenne a approuvé aujourd'hui l'aide au laminoir d'Ilsenburg, conformément à votre demande. Je formule des voeux de pleine réussite à votre entreprise.

Avec ma considération distinguée.

Signé: Martin Bangemann».

16.
    Par télex SG(94)D/37659 du 21 décembre 1994, la Commission a communiqué aux autorités allemandes les projets d'aides à l'encontre desquels elle ne soulevait pas d'objections et au nombre desquels figurait le projet n° 308/94.

17.
    Le montant du concours à l'investissement que, par décision du 20 octobre 1994, le Landesförderinstitut Sachsen-Anhalt avait consenti à Preussag, sous condition résolutoire de sa notification à la Commission, a été crédité au compte de la requérante le 23 décembre 1994.

18.
    Par lettre SG(95)D/1056, du 1er février 1995, adressée au gouvernement fédéral, la Commission a confirmé la compatibilité avec l'article 5 du code de certains projets d'aides régionales, dont le projet n° 308/94.

19.
    Le 15 février 1995, la Commission a décidé d'ouvrir, à l'égard du projet n° 777/94, la procédure d'examen prévue à l'article 6, paragraphe 4, du code. Cette décision a été communiquée aux autorités allemandes, par lettre du 10 mars 1995, ultérieurement reproduite dans une communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1995, C 289, p. 11). La Commission y a observé que la notification extrêmement tardive de ce projet l'avait placée dans l'impossibilité de se prononcer sur sa compatibilité avant le 31 décembre 1994 et que, après cette date, elle n'avait plus compétence pour statuer, selon les termes mêmes de l'article 5 du code. En outre, la Commission a invité les autres États membres et les autres intéressés à lui soumettre leurs observations sur le projet n° 777/94, dans le délai d'un mois à compter de la date de publication de la communication.

20.
    Par lettre du 23 février 1995, M. Bangemann a informé Preussag que l'autorisation visée par sa lettre du 21 décembre 1994 concernait le projet n° 308/94 et non pas le projet n° 777/94.

21.
    Le montant de la concession fiscale spéciale au titre du projet n° 777/94 a été octroyé par deux décisions du Finanzamt Wolfenbüttel, du 26 octobre 1995 et du 9 janvier 1996, à raison, respectivement, de 428 975,70 DM et de 190 052 DM, et crédité à la requérante à ces mêmes dates.

22.
    Par la décision 96/544/CECA du 29 mai 1996, relative à des aides d'État en faveur de la société Walzwerk Ilsenburg GmbH (JO L 233, p. 24, ci-après «décision attaquée»), la Commission, d'une part, a constaté que le concours à l'investissement et la concession fiscale spéciale constituaient des aides d'État incompatibles avec le marché commun et interdites en vertu des dispositions du traité et du code et, d'autre part, en a ordonné la restitution. Cette décision a été notifiée au gouvernement fédéral le 26 juin 1996, transmise par ce dernier à Preussag, le 9 juillet suivant.

Procédure contentieuse

23.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 août 1996, Preussag a introduit le présent recours en annulation contre la décision attaquée.

24.
    Par ordonnance du 11 décembre 1996, le Tribunal a accueilli la demande présentée le 31 octobre 1996 par la République fédérale d'Allemagne, aux fins d'être admise à intervenir dans le litige, au soutien des conclusions de Preussag.

Conclusions des parties

25.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    ordonner à la Commission, en vertu de l'article 23 du statut (CECA) de la Cour, de produire devant le Tribunal toutes les pièces (projets, procès-verbaux, etc.), de nature à éclairer les circonstances qui ont conduit à l'adoption de la décision attaquée;

—    accorder à la requérante l'accès aux pièces qui seront produites;

—    annuler la décision attaquée;

—    condamner la Commission aux dépens.

26.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé;

—    condamner la requérante aux dépens de l'instance.

27.
    La République fédérale d'Allemagne conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée.

28.
    Dans ses observations sur le mémoire en intervention de la République fédérale d'Allemagne, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter l'argumentation de l'intervenante;

—    condamner l'intervenante à une partie des dépens.

Sur les conclusions en annulation

Sur la recevabilité

29.
    La Commission fait valoir la tardiveté et le caractère abusif de la présente action, dès lors que, en omettant de former un recours contre la décision du 15 février 1995, portant ouverture de la procédure d'examen de l'aide litigieuse, Preussag a permis la consolidation effective d'une situation d'infraction à la procédure et au traité.

30.
    Preussag, soutenue par la partie intervenante, objecte que, même si la décision d'ouvrir la procédure d'examen de l'aide litigieuse était elle-même susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation, il ne découlerait nullement de l'article 33 du traité que la décision formelle de clôture en deviendrait inattaquable.

31.
    Il suffit, pour le Tribunal, de constater que la décision attaquée produit des effets juridiques propres, dont l'obligation de restituer l'aide versée, et que Preussag doit donc disposer d'une voie de recours à l'encontre d'une telle décision (arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 5, et du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188/92, Rec. p. I-833, point 14), qu'elle ait ou non attaqué la décision d'ouvrir la procédure d'examen de l'aide litigieuse.

32.
    Il s'ensuit que l'exception d'irrecevabilité de la Commission ne saurait prospérer.

Sur le fond

33.
    Au soutien de sa demande d'annulation, Preussag soulève, en substance, sept moyens.

Sur le premier moyen, relatif à la compétence ratione temporis de la Commission

— Argumentation des parties

34.
    Preussag allègue, en substance, qu'aucune disposition du code n'interdisait à la Commission de constater, postérieurement au 31 décembre 1994, la compatibilité des aides régionales à l'investissement visées par l'article 5 du code, pour autant que les conditions matérielles de leur autorisation aient été, comme en l'espèce, réunies avant cette date. L'échéance du 31 décembre 1994 fixée par l'article 1er, paragraphe 3, deuxième alinéa, du code viserait à limiter dans le temps le seul délai

du paiement de ces aides. En outre, la Commission ne serait pas libérée de son obligation de statuer sur la compatibilité matérielle d'une aide versée sans avoir été régulièrement notifiée ou avant d'avoir été autorisée par la Commission (arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307). Enfin, la Commission elle-même n'aurait pas estimé impossible de statuer, postérieurement au 31 décembre 1994, sur la compatibilité du projet n° 777/94, puisque, après cette date, elle a ouvert la procédure d'examen et sollicité l'avis des États membres et des autres intéressés.

35.
    La partie intervenante ajoute que, dans son arrêt du 22 octobre 1996 Skibsværftsforeningen e.a./Commission, (T-266/94, Rec. p. II-1399, points 92 et suivants), le Tribunal a considéré que la Commission avait compétence pour autoriser une aide au fonctionnement après la date limite fixée par l'article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 90/684/CEE du Conseil, du 21 décembre 1990, concernant les aides à la construction navale (JO L 380, p. 27, ci-après «directive 90/684»). En toute hypothèse, comme la concession spéciale à l'investissement aurait pu être versée jusqu'au 31 décembre 1995, la Commission aurait été en mesure, selon sa propre appréciation juridique, d'arrêter sa décision en temps voulu pour permettre un paiement avant cette date.

36.
    La Commission objecte, pour l'essentiel, que la date du 31 décembre 1994 constitue à la fois le terme du délai de versement et celui du délai pour statuer et que le versement de l'aide devait suivre la décision d'autorisation et non la précéder, les États membres ne pouvant, en vertu de l'article 6, paragraphe 4, du code, mettre en oeuvre les mesures d'aides sans l'approbation de la Commission. A partir du 1er janvier 1995, l'interdiction absolue des aides, édictée par l'article 4, sous c), du traité, aurait été rétablie et une décision prise à partir de cette date n'aurait pu légitimer une aide déjà versée. L'irrégularité procédurale tenant au dépassement du délai de notification se serait alors transformée en une incompatibilité matérielle de l'aide avec le traité et en une incompétence ratione temporis de la Commission pour autoriser cette aide. La Commission aurait été néanmoins tenue d'ouvrir la procédure d'examen en vertu des dispositions de l'article 6, paragraphes 3 et 4 du code, qui devaient être appliquées même lorsque les aides n'étaient pas compatibles avec le code.

37.
    En outre, le présent litige et l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Skibsværftsforeningen e.a./Commission, précité, présenteraient des différences considérables. Enfin, le renvoi à l'article 5 du code par son article 1er, paragraphe 3, deuxième alinéa confirmerait que le délai pour statuer expirait le 31 décembre 1994, même à l'égard des concessions fiscales spéciales.

— Appréciation du Tribunal

38.
    Le Tribunal constate que, selon les termes mêmes de l'article 1er, paragraphe 1, du code, les aides à la sidérurgie visées par le code ne pouvaient être considérées comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que pour autant qu'elles fussent conformes aux dispositions des articles 2 à 5.

39.
    En tant qu'aides régionales à l'investissement, les aides litigieuses pouvaient, aux termes de l'article 5 du code, être considérées comme compatibles avec le marché commun jusqu'au 31 décembre 1994, et l'échéance pour leur paiement était fixée, en principe, à cette même date par l'article 1er, paragraphe 3, deuxième alinéa.

40.
    Par ailleurs, l'article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, du code précisait que les aides visées par le code ne pouvaient être mises à exécution que conformément aux procédures de l'article 6. Or, ce dernier prévoyait, en son paragraphe 1, que la Commission était informée des projets tendant à instituer des aides, et en son paragraphe 4, dernière phrase, que l'État membre intéressé ne pouvait mettre en oeuvre les mesures projetées qu'avec l'approbation de la Commission en se conformant aux conditions fixées par elle.

41.
    Il s'ensuit nécessairement que les aides visées par le code ne pouvaient être mises en oeuvre qu'après avoir été préalablement autorisées par la Commission. Dans cette mesure, ainsi qu'il résulte du renvoi à l'article 5 du code par l'article 1er, paragraphe 3, deuxième alinéa, l'échéance du 31 décembre 1994 fixée pour le paiement des aides régionales à l'investissement constituait nécessairement la date limite impartie par l'article 5 à la Commission pour statuer sur la compatibilité de cette catégorie d'aides.

42.
    Il en va de même, contrairement aux allégations de la partie intervenante, à l'égard des concessions fiscales spéciales, bien que celles-ci aient pu être mises en oeuvre jusqu'au 31 décembre 1995, selon l'article 1er, paragraphe 3, deuxième alinéa, du code. En effet, ce report de l'échéance du paiement procédait uniquement de la condition de la réalisation préalable des investissements aidés, à laquelle étaitsoumis le droit aux concessions fiscales spéciales, et ne pouvait emporter prorogation du délai imparti à la Commission pour statuer sur la compatibilité de ce type d'aides.

43.
    La requérante ne saurait davantage invoquer l'obligation incombant à la Commission de statuer sur la compatibilité avec le traité CE d'une aide versée sans avoir été régulièrement notifiée ou avant d'avoir été autorisée par la Commission. Contrairement aux dispositions du traité CE relatives aux aides d'État, qui habilitent de façon permanente la Commission à statuer sur leur compatibilité, la dérogation que le code édictait au principe de l'interdiction absolue des aides posée par l'article 4, sous c), du traité était limitée dans le temps. En l'occurrence, cette dérogation doit être interprétée d'autant plus strictement que, selon le onzième considérant du code, «les aides régionales à l'investissement ayant un caractère dérogatoire, il serait injustifié de les maintenir au-delà de la période utile pour

permettre la modernisation des sidérurgies concernées, qui est évaluée à trois années».

44.
    Ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, le présent litige est sensiblement différent de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Skibsværftsforeningen e.a/Commission, précité, dans laquelle la Commission a effectivement autorisé en mai 1994 une aide au fonctionnement, alors que l'article 10 bis de la directive 90/684 disposait que, jusqu'au 31 décembre 1993, ces aides pouvaient être considérées comme compatibles avec le marché commun, à condition, notamment, qu'aucune autre aide à la production ne soit accordée pour des contrats signés entre le 1er juillet 1990 et le 31 décembre 1993.

45.
    En effet, il ressort de cette disposition que la Commission devait statuer sur la nécessité et la compatibilité non pas d'aides à l'investissement, comme dans le présent litige, mais d'aides au fonctionnement, en liaison avec des contrats spécifiques qui pouvaient être encore signés jusqu'au terme ultime de la période de référence. Aussi le Tribunal en a-t-il déduit que la Commission avait la compétence et le devoir de considérer la nécessité, et donc la compatibilité, des aides au fonctionnement versées en faveur des contrats conclus jusqu'à ce terme, ce qui impliquait la compétence de la Commission pour se prononcer à leur égard après le 31 décembre 1993 (points 95 et 96). En outre, le Tribunal a observé que, s'agissant d'aides au fonctionnement, c'est-à-dire, notamment, d'aides à la production dues à des contrats spécifiques, seul le moment de la signature du contrat importait au regard des effets des aides en cause sur le plan de la concurrence (point 96). Enfin, le Tribunal a expressément relevé que, à la différence du code, l'article 10 bis de la directive 90/684, précitée, n'imposait aucun délai de notification (point 99).

46.
    Il convient encore de relever que la décision d'ouvrir la procédure d'examen du projet n° 777/94 a été arrêtée dans le respect des dispositions de procédure de l'article 6 du code, applicables jusqu'au 31 décembre 1996, et ne saurait donc signifier que la Commission s'estimait encore compétente pour statuer sur la compatibilité matérielle de l'aide avec les dispositions du code.

47.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter le moyen.

Sur le deuxième moyen, tiré de l'adéquation du délai d'examen du projet n° 777/94

— Argumentation des parties

48.
    Selon Preussag, soutenue en substance par la République fédérale d'Allemagne, la simple inobservation du délai de notification n'aurait pas dû faire obstacle à l'examen du projet n° 777/94, puisque la Commission disposait encore jusqu'au 31 décembre 1994 d'un délai de quelque six semaines pour se prononcer. La

consultation des autres États membres prévue par l'article 6, paragraphe 3, du code n'aurait nécessité qu'une courte communication soulignant la conformité de ce projet aux conditions matérielles de l'autorisation.

49.
    Pour apprécier la compatibilité du projet n° 777/94, la Commission aurait pu se borner à constater que, ainsi qu'il ressortait de la notification du projet n° 308/94, le bénéficiaire de l'aide était localisé sur le territoire de l'ancienne RDA et que l'aide était accompagnée d'une réduction de l'ensemble de la capacité de production de ce territoire.

50.
    La Commission objecte que, même si le délai de notification des aides expirant au 30 juin 1994 n'était pas un délai de forclusion, son dépassement excessif par le gouvernement allemand ne lui aurait plus permis de se prononcer avant le 31 décembre 1994, en raison de son obligation de consulter les États membres.

51.
    L'article 5 du code aurait laissé à la Commission un pouvoir d'appréciation excluant tout automatisme, puisqu'elle devait contrôler le lieu d'établissement de l'entreprise, l'affectation de l'aide à un investissement poursuivant un objectif de modernisation, ainsi que le rapport de l'aide avec l'objectif des régimes régionaux concernés et la réduction de l'ensemble de la capacité de production du territoire en question.

— Appréciation du Tribunal

52.
    L'article 6, paragraphe 1, du code disposait expressément que la Commission était informée en temps utile pour présenter ses observations au sujet des projets d'aides visés par le code.

53.
    A cet égard, le Tribunal constate que, ainsi qu'il résulte de l'économie des dispositions procédurales du code, celui-ci avait entendu octroyer à la Commission un délai d'au moins six mois pour statuer sur la compatibilité des projets d'aides notifiés.

54.
    En effet, les aides régionales à l'investissement au sens de l'article 5 du code, à l'égard desquelles l'article 1er, paragraphe 3, deuxième alinéa, fixait au 31 décembre 1994 la date limite de paiement, sous réserve du régime dérogatoire des concessions fiscales spéciales évoqué ci-dessus, devaient être toutes notifiées avant le 30 juin 1994, aux termes de l'article 6, paragraphe 1, dernière phrase. En revanche, les aides relevant des autres catégories visées par le code, dont le paiement pouvait intervenir jusqu'au 31 décembre 1996, en vertu de l'article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, du code, pouvaient être valablement notifiées jusqu'au 30 juin 1996, selon les dispositions de l'article 6, paragraphe 1, dernière phrase.

55.
    De plus, lorsque, comme en l'espèce, la Commission devait, en vertu de l'article 6, paragraphe 3, du code, solliciter l'avis des États membres sur le projet d'aide

notifié, avant de prendre position à son égard, d'une part, l'État membre ne pouvait, en vertu de l'article 6, paragraphe 5, seconde phrase, du code, mettre à exécution les mesures projetées avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de réception de la notification du projet et, d'autre part, l'article 6, paragraphe 4, deuxième phrase, octroyait à la Commission un délai de trois mois après réception des informations nécessaires pour lui permettre d'apprécier l'aide en cause.

    

56.
    Il s'ensuit que la Commission devait, en l'espèce, disposer d'un délai d'au moins six mois avant la date limite du 31 décembre 1994 pour procéder à l'ouverture et à la clôture de la procédure avant cette date limite (arrêt Skibsværftsforeningen e.a/Commission, cité au point 44 ci-dessus, point 99).

57.
    Par conséquent, dès lors que le projet n° 777/94 a été notifié postérieurement au 30 juin 1994, la Commission n'était plus tenue d'adopter, pour le 31 décembre 1994, une décision statuant sur sa compatibilité.

58.
    Même à supposer que, comme l'allègue Preussag, la compatibilité de l'aide litigieuse n'ait fait aucun doute et que la consultation des États membres n'ait nécessité qu'une courte communication, la Commission n'était, en tout état de cause, aucunement obligée d'informer le gouvernement allemand d'une éventuelle décision de ne pas soulever d'objections à l'encontre de ce projet, avant l'expiration du délai de trois mois fixé par l'article 6, paragraphe 5, seconde phrase, du code, à compter de la notification du projet n° 777/94, ni, à plus forte raison, pour le 31 décembre 1994.

59.
    Dès lors, en maintenant, contre l'avis de la Commission (voir ci-dessus point 12), la notification du projet n° 777/94 à une date qui laissait à l'institution un délai sensiblement inférieur au délai de six mois fixé par le code, les autorités allemandes ont pris le risque de mettre la Commission dans l'impossibilité d'examiner le projet avant l'expiration de sa compétence. En l'absence de la preuve d'un manque manifeste de diligence de la part de la Commission, celle-ci ne saurait se voir reprocher la réalisation de ce risque.

60.
    Dans ces conditions, le moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 6, paragraphe 4, première et deuxième phrases, du code

61.
    Selon Preussag, la décision attaquée est illégale, en ce que la Commission s'est fondée sur une simple disposition de procédure pour déclarer l'aide incompatible avec le marché commun et en ordonner la restitution, alors que sa régularité matérielle était acquise dès le départ et que l'article 6, paragraphe 4, première et deuxième phrases, du code n'habilite la Commission à prendre une décision négative qu'en cas d'incompatibilité matérielle de l'aide.

62.
    La Commission rétorque que le présent litige n'a pas trait à la simple violation d'un délai interne, mais à son incompétence matérielle à partir du 1er janvier 1995.

63.
    Il échet de rappeler que le délai imparti à la Commission pour statuer sur la compatibilité de l'aide litigieuse expirait le 31 décembre 1994. Dans ces conditions, cette aide ne pouvait plus être considérée comme compatible avec le marché commun, sur le fondement de l'article 1er, paragraphe 1, du code, et était donc interdite en vertu de l'article 4, sous c), du traité.

64.
    Il suit de là que le moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

65.
    Preussag s'estime victime d'une discrimination injustifiée, en ce que la Commission aurait autorisé toute une série d'aides qui ont été notifiées bien après l'expiration du délai de notification.

66.
    La Commission oppose que le principe de non-discrimination n'interdit pas de traiter différemment des affaires qui ne sont pas similaires. En outre, une communication aux États membres n'aurait pas été nécessaire dans les affaires évoquées par Preussag.

67.
    Il suffit de constater que, comme il ressort du dossier, les projets d'aides auxquels Preussag s'est référée avaient été notifiés plus tôt que le projet n° 777/94 ou ne nécessitaient pas la consultation des États membres.

68.
    Il y a donc lieu d'écarter le moyen.

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de la protection de la confiance légitime

— Argumentation des parties

69.
    Preussag, soutenue en substance par la République fédérale d'Allemagne, fait valoir que le versement de l'aide litigieuse est exclusivement imputable à l'erreur administrative de la Commission dont procède la lettre du 21 décembre 1994 (voir ci-dessus point 15). Preussag n'aurait vu dans la télécopie du même jour reproduisant cette lettre que la communication écrite de l'autorisation du projet n° 777/94 que la Commission aurait décidée le même jour et aurait, enconséquence, procédé à l'attribution, dès le 28 décembre 1994, des marchés nécessaires à l'exécution de son projet d'investissement.

70.
    La jurisprudence selon laquelle une entreprise devrait régulièrement s'assurer du respect de la procédure de notification des aides ne serait pas applicable au cas d'espèce. La Commission aurait été informée du projet n° 777/94, et la communication signée par un membre de la Commission et portant sur la clôture

d'une procédure administrative serait, de par sa nature, constitutive d'une situation de confiance légitime.

71.
    La Commission n'aurait pas été en droit d'arrêter la décision attaquée sans considérer que, sur la foi de son comportement, Preussag avait arrêté de manière irréversible une production de 480 000 tonnes par an dans son usine de Salzgitter et effectué des investissements dans le laminoir d'Ilsenburg qui ne pourraient plus être récupérés.

72.
    Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime pèseraient d'un poids équivalent à celui du principe de légalité lorsqu'ils font l'objet d'une pondération (arrêt de la Cour du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, point 30). En l'espèce, la décision attaquée ne serait fondée que sur un argument tiré d'une question de délai et ne tiendrait aucunement compte de la conformité matérielle de l'aide avec le marché commun. Il n'existerait aucun intérêt public à la correction des conséquences économiques engendrées par la situation de confiance légitime.

73.
    La République fédérale d'Allemagne ajoute que le délai de notification du code, n'ayant qu'un caractère administratif, n'a pu en aucun cas ébranler la confiance de Preussag.

74.
    La Commission rappelle que les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure dont un opérateur économique diligent doit être en mesure de s'assurer. Or, le dépassement considérable, en connaissance de cause, du délai de notification aurait dû, à lui seul, empêcher la constitution d'une confiance légitime dans le chef de Preussag.

75.
    Si Preussag et le Land de Saxe-Anhalt avaient fait le nécessaire, ils auraient eu connaissance de l'envoi du télex SG(94)D/37659 de la Commission, du 21 décembre 1994, notifiant l'absence d'objections de l'institution à un certain nombre de projets d'aides, au nombre desquels figurait le projet n° 308/94 et dont il résultait que la procédure d'examen concernant le projet n° 777/94 était encore pendante. Par ailleurs, la lettre du 21 décembre 1994 signée par M. Bangemann n'aurait correspondu à aucune étape de la procédure d'examen des aides.

76.
    L'exécution des investissements prévus, dont la Commission conteste qu'elle ait effectivement eu lieu dès le 28 décembre 1994, ne pourrait, en tout état de cause, modifier la situation juridique, car Preussag n'aurait pas dû agir ainsi si elle avait été de bonne foi.

— Appréciation du Tribunal

77.
    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les entreprises bénéficiaires d'une aide d'État ne sauraient avoir une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure dont un opérateur économique diligent doit être en mesure de s'assurer (arrêt de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 14).

78.
    En outre, un particulier ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime que pour autant que l'administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître dans son chef des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 51).

79.
    Or, par lettre du 1er décembre 1994, la Commission avait invité le gouvernement allemand à retirer la notification du projet n° 777/94, dont l'exceptionnelle tardiveté faisait obstacle à l'adoption d'une décision sur sa compatibilité avant l'échéance du 31 décembre 1994 fixée par l'article 5 du code, obligatoire en tous ses éléments, en vertu de l'article 14, deuxième alinéa, du traité. Il est, par ailleurs, constant que les décisions de la Commission autorisant les aides d'État sont notifiées par les services de la Commission à l'État membre concerné. C'est ainsi que, par télex SG(94)D/37659, du 21 décembre 1994, précité, la Commission a informé officiellement les autorités allemandes qu'elle avait décidé de ne pas soulever d'objections à l'égard de 26 projets énumérés et clairement identifiés par leur numéro, au nombre desquels le projet n° 777/94 ne figurait pas. Enfin, il résulte des faits de la cause que la Commission n'avait pas encore, à la date du 21 décembre 1994, sollicité l'avis des États membres sur ce projet, en application de l'article 6, paragraphe 3, du code.

80.
    Il s'ensuit que les autorités allemandes, seul interlocuteur institutionnel de la Commission, devaient nécessairement avoir conscience que celle-ci n'avait pas approuvé le projet n° 777/94. Il en va de même pour Preussag, qui aurait dû d'autant plus s'assurer, auprès de ces autorités, de l'autorisation de ce projet qu'elle avait connaissance de la position négative de la Commission à son égard.

81.
    Dans ces conditions, la réponse apportée, dès le 21 décembre 1994, par la lettre signée par M. Bangemann à la demande d'intervention présentée par Preussag, le 7 décembre précédent, n'était pas de nature à donner à la requérante l'assurance que la Commission était revenue sur sa position.

82.
    D'ailleurs, cette lettre répondait à une demande d'intervention officieuse présentée par Preussag en marge de la procédure d'examen des aides définie par le code.

83.
    Il suit de là que Preussag ne saurait valablement prétendre que cette lettre a créé, dans son chef, une confiance légitime dans l'octroi de l'autorisation de l'aide litigieuse.

84.
    Il s'ensuit que Preussag ne peut utilement reprocher à la Commission de ne pas avoir pondéré les impératifs des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, d'une part, et du principe de légalité, d'autre part.

85.
    Il résulte des développements qui précèdent qu'il y a lieu de rejeter le moyen.

Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l'article 6, paragraphe 5, assimilant un silence de la Commission à une autorisation

— Argumentation des parties

86.
    Preussag observe que le projet n° 777/94 a pu légalement être mis à exécution, dès lors que plus de trois mois se sont écoulés entre sa notification et le 10 mars 1995, date à laquelle la Commission a informé le gouvernement fédéral de l'ouverture de la procédure d'examen, en vertu de l'article 6, paragraphe 4, du code. Le gouvernement allemand n'aurait pas été tenu d'informer préalablement la Commission de son intention de mettre ce projet à exécution, puisque la Commission avait elle-même directement averti Preussag de l'autorisation de l'aide, par la lettre du 21 décembre 1994.

87.
    La Commission réplique qu'elle n'a pas été informée de la mise à exécution de l'aide et que celle-ci a été accordée dès le courant du mois suivant celui de sa notification.

— Appréciation du Tribunal

88.
    Il est constant que l'aide litigieuse a été mise en oeuvre avant même l'expiration du délai de trois mois à compter de la notification du projet, tel que fixé par l'article 6, paragraphe 5, seconde phrase, du code.

89.
    En outre, le gouvernement allemand a omis d'informer au préalable la Commission de son intention de mettre à exécution le projet n° 777/94, contrairement aux exigences de l'article 6, paragraphe 5, première phrase, du code, alors que, ainsi qu'il résulte de l'examen du moyen précédent, il ne pouvait se considérer comme dispensé d'une telle formalité.

90.
    Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le septième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation

91.
    De l'avis de Preussag, la décision attaquée n'expose pas les raisons qui ont amené la Commission à se fonder uniquement sur un prétendu dépassement du délai de notification pour ordonner la demande de restitution, à s'estimer incompétente pour constater la compatibilité de l'aide après le 31 décembre 1994 et à ne pas retenir la confiance légitime de Preussag dans l'autorisation de l'aide litigieuse.

92.
    La Commission répond que la décision attaquée a été dûment motivée par la durée de validité limitée du code et que l'absence de confiance légitime aurait été traitée de manière tout aussi explicite.

93.
    Le Tribunal constate que, comme il découle de l'examen des moyens précédents, la motivation de la décision attaquée a, conformément aux exigences de l'article 15, premier alinéa, du traité, fait apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission et ainsi permis, d'une part, à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise, afin de défendre ses droits et de vérifier le bien-fondé de la décision attaquée, et, d'autre part, au Tribunal d'exercer son contrôle à cet égard (arrêt de la Cour du 15 mai 1997, Siemens/Commission, C-278/95 P, Rec. p. I-2507, point 17; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T-358/94, Rec. p. II-2109, point 161).

94.
    Il y a donc lieu d'écarter le moyen.

95.
    Il s'ensuit que la demande d'annulation doit, dans son ensemble, être rejetée.

Sur la demande de production de documents

96.
    Il apparaît, au vu de l'ensemble des développements ci-dessus, que le Tribunal a pu utilement statuer sur le recours sur la base des conclusions, moyens et arguments développés au cours de la procédure tant écrite qu'orale et au vu des documents déposés par les parties au cours de l'instance.

97.
    Il y a donc lieu de rejeter la demande de la requérante tendant, d'une part, à ordonner à la Commission, en vertu de l'article 23 du statut (CECA) de la Cour, de produire toutes les pièces relatives à l'affaire, de nature à éclairer les circonstances ayant conduit à l'adoption de la décision attaquée et, d'autre part, à accorder à la requérante l'accès à ces pièces.

Sur les dépens

98.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission. Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République fédérale d'Allemagne, partie intervenante au litige, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de la Commission.

3)    La République fédérale d'Allemagne supportera ses propres dépens.

Tiili
Briët
Lenaerts

Potocki Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 mars 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: l'allemand.