Language of document : ECLI:EU:T:1999:34

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

25 février 1999 (1)

«Fonctionnaires — Avis de vacance — Nomination —

Exécution d'un arrêt du Tribunal — Détournement de pouvoir»

Dans les affaires jointes T-282/97 et T-57/98,

Antonio Giannini, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes,demeurant à Bruxelles, représenté par Mes Marc Dallemagne et Carlo Locchi,avocats au barreau de Bruxelles, 85, rue du Prince royal, Bruxelles,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. GianluigiValsesia, conseiller juridique principal, et Julian Currall, membre du servicejuridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M.Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des décisions prises par laCommission en exécution de l'arrêt du Tribunal du 19 mars 1997,Giannini/Commission (T-21/96, RecFP p. II-211), et, d'autre part, une demande deréparation du préjudice matériel et moral prétendument subi par le requérant dufait de ces décisions,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. R. M. Moura Ramos, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi,juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 10 décembre 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Le 15 décembre 1994, la Commission a publié un avis de vacance COM/151/94 (ci-après «avis COM/151/94» ou «avis initial»), pour le poste de chef de l'unité 1«négociations et gestion des accords sur les textiles; chaussures; divers» de ladirection D «questions commerciales sectorielles», de la direction généraleRelations économiques extérieures (DG I)(ci-après «poste litigieux» ou «emploilitigieux»). L'avis était intitulé comme suit:

«COM/151/94 A 3/A 4/A 5 I/D/I Chef de l'unité responsable pour la négociationet la gestion des accords sur les textiles, chaussures.»

2.
    Les qualifications minimales requises pour postuler en vue d'unemutation/promotion étaient les suivantes:

«—     appartenir à la même catégorie/cadre/carrière(s) du COM (mutation);

—    appartenir à la carrière inférieure à celle du COM (promotion, selon article45 du statut);

    —    connaissances et expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer;

—    pour les emplois nécessitant des qualifications particulières: connaissanceset expérience approfondies dans/en relation avec le secteur d'activité».

3.
    Le requérant, fonctionnaire de grade A 4, s'est porté, comme six autres personnes,candidat à l'emploi concerné. L'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après«AIPN») a nommé M. X audit poste. Par note du 28 avril 1995, le requérant a étéinformé que sa candidature n'avait pas été retenue. Après rejet de sa réclamation

introduite le 25 juillet 1995, le requérant a, le 21 février 1996, introduit un recoursvisant, d'une part, à l'annulation des décisions portant rejet de sa candidature etnomination de M. X à l'emploi litigieux et, d'autre part, à la réparation dupréjudice matériel et moral que lui auraient causé lesdites décisions. Par arrêt du19 mars 1997, Giannini/Commission, T-21/96, RecFP p. II-211 (ci-après «arrêt du19 mars 1997»), le Tribunal a fait droit à la demande en annulation et a rejeté lademande en indemnité.

4.
    Dans cet arrêt, le Tribunal a d'abord rappelé la jurisprudence de la Cour selonlaquelle l'exercice du pouvoir d'appréciation dont dispose l'AIPN en matière denomination suppose un examen scrupuleux des dossiers de candidature et uneobservation consciencieuse des exigences énoncées dans l'avis de vacance, de sorteque l'AIPN est tenue d'écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences.Dans le cas d'espèce, l'une de ces exigences était de posséder des «connaissanceset expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer» (troisième tiret desconditions générales), condition à apprécier en fonction de la description du poste,en l'occurrence «chef de l'unité responsable pour la négociation et la gestion desaccords sur les textiles, chaussures».

5.
    Le Tribunal a constaté ensuite que M. X ne répondait manifestement pas à laditecondition, étant donné qu'il ne possédait, au moment de sa candidature, aucuneexpérience ni dans le secteur des textiles ou chaussures, ni dans le domaine généraldu poste en cause, à savoir celui de la politique commerciale commune. LeTribunal a pris note, également, de ce que la Commission a confirmé que lerequérant, qui a été négociateur et gestionnaire d'accords textiles bilatéraux etmultilatéraux de la Communauté pendant une dizaine d'années et négociateurprincipal de ces accords pendant une autre période de cinq années, disposait debonnes qualifications pour ce poste.

6.
    Le Tribunal a conclu que, en nommant M. X au poste concerné, alors qu'il nerépondait pas à l'une des exigences minimales de l'avis de vacance, tout en rejetantla candidature du requérant, la Commission avait, eu égard aux considérationscomparatives qui avaient pu la conduire à son appréciation, usé de son pouvoir demanière manifestement erronée et méconnu l'intérêt du service au sens de l'article7 du statut. Par conséquent, il a annulé les décisions attaquées de l'AIPN.

7.
    Le 10 avril 1997, la Commission a publié un nouveau document portantsimultanément annulation de l'avis de vacance COM/151/94 et publication d'unnouvel avis de vacance de l'emploi litigieux (ci-après «avis COM/062/97»), libellécomme suit:

«COM/062/97 A 3 I/D/I Chef de l'unité responsable des négociations et de lagestion des accords sur les textiles; chaussures; divers. Pour le choix du candidatseront privilégiées une expérience confirmée dans le domaine de la négociationinternationale, ainsi qu'une expérience confirmée de gestion d'une unité.»

8.
    L'avis COM/062/97 prévoyait les mêmes qualifications minimales que cellesrequises par l'avis COM/151/94 (voir point 2 ci-dessus).

9.
    Le 7 mai 1997, le requérant a introduit, d'une part, une réclamation contrel'annulation de l'avis COM/151/94 et contre le nouvel avis et, d'autre part, unedemande en indemnité.

10.
    Par décision du 30 mai 1997, la partie défenderesse a de nouveau nommé M. X auposte litigieux.

11.
    La réclamation introduite par le requérant le 7 mai 1997 a fait l'objet d'unedécision explicite de rejet le 24 juillet 1997, qui lui a été notifiée le 30 juillet 1997.

12.
    Le 21 août 1997, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de lapartie défenderesse du 30 mai 1997 portant nomination de M. X au poste litigieux.Cette réclamation a également fait l'objet d'une décision explicite de rejet adoptéepar la partie défenderesse le 18 décembre 1997 et notifiée au requérant le 6 janvier1998.

Procédure et conclusions des parties

13.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement le 28 octobre 1997 etle 6 avril 1998, le requérant a introduit les présents recours.

14.
    La procédure écrite dans l'affaire T-282/97 s'est terminée le 20 février 1998. Laprocédure écrite dans l'affaire T-57/98 s'est terminée le 6 octobre 1998.

15.
    Sur demande formulée par le requérant dans sa requête du 6 avril 1998 dansl'affaire T-57/98 et en l'absence d'objections soulevées par la partie défenderesse,les deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt parordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 26 octobre 1998.

16.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses auxquestions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 10 décembre1998.

17.
    Dans l'affaire T-282/97, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     annuler la décision de la Commission du 10 avril 1997 portant annulationde l'avis COM/151/94;

—    annuler l'avis COM/062/97;

—    annuler la décision de la Commission du 24 juillet 1997 portant rejet de saréclamation du 7 mai 1997;

—    condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différenceentre son salaire et celui indûment perçu par M. X, en réparation dupréjudice moral subi depuis la nomination illégitime de ce dernier au postelitigieux;

—    condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différenceentre son salaire actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait été nommé augrade A 3 depuis le 28 avril 1995, en réparation du préjudice matériel subi;

—    condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.

18.
    Dans l'affaire T-57/98, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission du 30 mai 1997 portant nominationde M. X au poste litigieux;

—    annuler la décision de la Commission du 18 décembre 1997 portant rejet desa réclamation du 21 août 1997;

—    condamner la Commission à lui verser une somme égale à la différenceentre son salaire actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait été nommé augrade A 3 depuis le 28 avril 1995, en réparation du préjudice matériel subi;

—    condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.

19.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours;

—    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur les conclusions en annulation

Moyens et arguments des parties

20.
    Le requérant fait, d'une manière générale, valoir que les décisions attaquéestémoignent de la volonté de la Commission de confirmer à tout prix la nominationde M. X au poste litigieux. Au soutien de ses demandes tendant à l'annulationdesdites décisions, il soulève, en substance, deux moyens, le premier pris d'uneviolation de l'article 176 du traité CE et d'un détournement de pouvoir, et lesecond tiré d'une violation des principes de protection de la confiance légitime etde vocation des fonctionnaires à la carrière ainsi que d'une méconnaissance del'intérêt du service.

Sur le premier moyen

21.
    Le requérant souligne que la phrase ajoutée par la Commission à la description duposte litigieux correspond précisément à l'expérience dont M. X disposait aumoment de sa candidature et que le Tribunal avait expressément jugée insuffisanteau regard de l'avis de vacance initial. Il observe également que, malgré l'annulationde sa nomination, M. X a continué à percevoir, quasiment sans interruption, sontraitement de chef d'unité, de grade A 3, et qu'il a de nouveau été nommé au postelitigieux. Il invoque également le fait que la Commission lui a refusé l'accès auxinformations portant sur les mérites des autres candidats.

22.
    En outre, le comportement adopté par la Commission en l'espèce n'aurait en rienremédié à l'infraction à l'article 7 du statut des fonctionnaires des Communautéseuropéennes (ci-après «statut») constatée par le Tribunal dans son arrêt du19 mars 1997. A cet égard, le requérant souligne que l'argumentation de laCommission, selon laquelle les nouveaux besoins du service constitueraient uneraison objective justifiant la modification de l'avis de vacance initial, manque decrédibilité.

23.
    La défenderesse souligne que, à la suite de l'arrêt du Tribunal, M. X a été réaffectéau sein de l'unité en qualité d'administrateur principal. Elle expose, ensuite, quel'arrêt du Tribunal n'a aucune incidence sur le pouvoir discrétionnaire dont elledispose et qui l'autorise à élargir ses possibilités de choix dans l'intérêt du serviceen publiant un nouvel avis de vacance. Elle se réfère, à cet égard, à l'arrêt duTribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission (T-38/89, Rec. p. II-43), danslequel le Tribunal a reconnu à la Commission le droit d'ouvrir une nouvelleprocédure de recrutement après annulation de la nomination d'un fonctionnaire auposte litigieux. La défenderesse estime donc qu'elle avait également, dans le casd'espèce, le droit d'ouvrir une nouvelle procédure de recrutement. Elle ajoute quele nouvel avis est plus précis et plus conforme aux exigences du service.

24.
    Du reste, la défenderesse estime que les arguments du requérant ne sont que desspéculations sur ses intentions. Elle estime que, dans ces circonstances, il n'existepas d'indices objectifs, pertinents et concordants de ce qu'elle aurait commis undétournement de pouvoir.

Sur le second moyen

25.
    Le requérant souligne que la Commission a toujours affirmé que ses qualificationssatisfaisaient aux exigences du poste à pourvoir et que le Tribunal a annulé, dansson arrêt du 19 mars 1997, tant la décision de nomination de M. X que la décisionde rejet de sa propre candidature. Il estime que ces éléments constituent uneassurance précise qu'il serait finalement nommé au poste litigieux.

26.
    Dans ces circonstances, la décision de la Commission de publier un nouvel avis devacance et de formuler celui-ci d'une manière visant à favoriser M. X serait

contraire au principe de la protection de la confiance légitime et méconnaîtrait lavocation du requérant à être promu.

27.
    La défenderesse rétorque, d'une part, qu'elle n'a jamais donné au requérantd'assurances précises qu'il serait nommé au poste litigieux et, d'autre part, que leprincipe de vocation à la carrière des fonctionnaires communautaires restesubordonné à l'intérêt du service.

Appréciation du Tribunal

Sur le premier moyen, tiré d'un détournement de pouvoir et d'une violation del'article 176 du traité

28.
    Il est de jurisprudence constante que les actes des institutions communautaires,dont ceux de l'AIPN, bénéficient, en l'absence de tout indice de nature à mettreen cause leur validité, d'une présomption de légalité (arrêts de la Cour du26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005,point 10; arrêts du Tribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35/92, Rec.p. II-957, point 31, et du 19 novembre 1996, Brulant/Parlement, T-272/94, RecFPp. II-1397, point 35). Un détournement de pouvoir n'est réputé exister que s'il estprouvé que, en adoptant l'acte litigieux, l'AIPN a poursuivi un but autre que celuivisé par la réglementation en cause ou s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs,pertinents et concordants, que les actes en question ont été pris pour atteindre desfins autres que celles excipées (arrêt du Tribunal du 18 mars 1997,Rasmussen/Commission, T-35/96, RecFP p. II-187, point 70).

29.
    En l'espèce, il importe d'examiner si les décisions de la Commission, remplaçantl'avis de vacance COM/151/94 par l'avis de vacance COM/062/97 et nommant, surla base du second, le même fonctionnaire que celui nommé sur la base du premier,prétendument adoptées en exécution de l'arrêt du 19 mars 1997, ne constituent pasla manifestation d'une volonté délibérée de l'institution défenderesse de favoriserl'un des candidats à l'emploi au détriment des autres en méconnaissance del'intérêt du service.

30.
    A cet égard, il convient de constater, en premier lieu, la rupture de logique entre,d'une part, le dispositif et la motivation de l'arrêt du 19 mars 1997 et, d'autre part,la décision de la Commission, prise en exécution de cet arrêt, d'annuler l'avisCOM/151/94 et de publier un nouvel avis. En effet, loin de critiquer l'avis devacance COM/151/94, le Tribunal a, dans son arrêt du 19 mars 1997, analysé celui-ci et a conclu que M. X ne remplissait pas une des conditions minimales exigéespar ledit avis pour être nommé au poste en question, et que cette circonstance,combinée avec la reconnaissance explicite par la Commission que le requérantremplissait, lui, toutes les conditions de l'avis, faisait apparaître qu'elle avait commisune erreur manifeste d'appréciation dans l'examen comparatif des mérites descandidats. Or, la Commission a éliminé l'avis et donc en même temps les

candidatures initiales, évitant de cette façon la reprise de l'examen comparatif desmérites initial. Interrogée, lors de la procédure orale, sur les raisons justifiant leremplacement de l'avis de vacance initial, la Commission s'est, pour l'essentiel,bornée à invoquer son large pouvoir d'appréciation en la matière.

31.
    En second lieu, il importe d'observer que la seule différence essentielle entre lenouvel avis et l'avis annulé réside dans l'ajout, dans l'avis COM/062/97, de la phrasesuivante: «Pour le choix du candidat seront privilégiées une expérience confirméedans le domaine de la négociation internationale, ainsi qu'une expérience confirméede gestion d'une unité.» Force est de constater que ces deux «préférences»correspondent précisément aux qualifications que le Tribunal avait jugé acquisespar M. X (voir notamment les points 24, 26 et 27 de l'arrêt du 19 mars 1997).

32.
    Ces deux éléments, que sont la non-reprise de l'examen comparatif des méritesinitial et la préférence, dans l'avis COM/062/97, pour les deux qualités que l'arrêtdu 19 mars 1997 a reconnues à M. X constituent des indices objectifs, concordantset pertinents de ce que la Commission a cherché à contourner, en faveur de M. X,la motivation et le dispositif de l'arrêt du 19 mars 1997. Les indices retenus ci-dessus sont, par ailleurs, corroborés par le fait même que les démarches de laCommission ont mené à la nouvelle nomination de M. X, alors que sept autrescandidats s'étaient présentés et que le Tribunal avait jugé que M. X ne disposaitpas d'une des qualifications requises, à savoir une expérience dans le secteur destextiles ou des chaussures ou, à tout le moins, dans le domaine général dans lequels'inscrivent les fonctions afférentes à l'emploi à pourvoir, à savoir celui de lapolitique commerciale commune (voir notamment les points 25 et 27 de l'arrêt).

33.
    Il y a lieu de préciser que, s'il ressort des constatations précédentes que laCommission a adopté un nouvel avis de vacance où la description du poste estcomplétée par l'indication de préférences manifestement favorables à M. X, ils'avère également que la Commission s'est complètement abstenue de donner suiteà la motivation essentielle de l'arrêt du Tribunal, selon laquelle, d'une part, M. X,en dépit du fait qu'il avait une expérience en matière de négociation et de chefd'unité, ne remplissait néanmoins pas les conditions minimales de l'avis, étantdonné qu'il n'avait aucune expérience dans le domaine de l'emploi et de l'unité encause (points 23 à 27 de l'arrêt du 19 mars 1997), et, d'autre part, l'AIPN avaitdonc opéré un choix manifestement erroné (points 28 et 29 de l'arrêt du 19 mars1997). Compte tenu de ces motifs, qui constituent le soutien nécessaire du dispositifet devaient donc guider la Commission dans la détermination des mesures àprendre (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a. et Grèce/Commission,97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 27; arrêts du Tribunal du2 février 1995, Frederiksen/Parlement, T-106/92, RecFP p. II-99, point 31, et du27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T-224/95, Rec. p. II-2215, point 72),il apparaît que chacune des décisions attaquées, loin d'assurer une correcteexécution de l'arrêt, a compromis celle-ci.

34.
    Force est de constater, enfin, que les circonstances du présent litige sont fortementdifférentes de celles qui ont donné lieu à l'arrêt Hochbaum/Commission, précité,

invoqué avec insistance par la Commission. Par ledit arrêt, le Tribunal a rejeté unrecours qui avait également pour objet l'annulation de la deuxième nomination d'unfonctionnaire au même poste, après que la première nomination avait été annulée.Toutefois, dans cet autre litige, la première nomination avait été annulée pour vicede procédure (voir le point 2 dudit arrêt). Il était, dès lors, évident que laCommission pouvait renommer, moyennant correction dudit vice, la mêmepersonne au même poste.

35.
    Il ressort de tout ce qui précède que des indices objectifs, pertinents et concordantsfont apparaître que les actes litigieux ont été pris pour atteindre une fin autre quecelle d'exécuter de bonne foi l'arrêt du 19 mars 1997 et que, en tout état de cause,les actes litigieux, loin de servir l'objectif poursuivi par l'article 176 du traité, ontcompromis l'exécution d'un arrêt du Tribunal. Par conséquent, en décidant deremplacer l'avis initial par l'avis COM/062/97, exprimant des préférences favorablesà la candidature de M. X, et en renommant M. X à l'emploi litigieux, laCommission a méconnu l'article 176 du traité et commis un détournement depouvoir. Dans ces circonstances, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le secondmoyen, il y a lieu d'annuler les décisions attaquées.

Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

36.
    Le requérant fait observer que, lors d'une réunion du 11 avril 1997, il a été décidéque M. X resterait en place en tant que président du comité «textile». Parconséquent, M. X est demeuré, dans une certaine mesure, le supérieur hiérarchiquedu requérant, en dépit de l'annulation de sa nomination en tant que chef d'unité.Le requérant estime avoir subi, de ce fait, un préjudice moral et demande, à titrede réparation, le versement d'un montant correspondant à la différence entre sontraitement et celui perçu par M. X entre le 19 mars 1997, date de l'arrêt duTribunal, et le 30 mai 1997, date de la nouvelle nomination de M. X.

37.
    En outre, le requérant expose que l'irrégularité de l'avis COM/062/97 lui a causéun préjudice matériel. Il demande réparation de ce préjudice à concurrence de ladifférence entre son traitement actuel et celui qu'il aurait perçu s'il avait éténommé au grade A 3 depuis le 28 avril 1995, date à laquelle il a appris le rejet desa candidature au poste litigieux.

38.
    La défenderesse explique qu'elle a maintenu M. X à la présidence du comité«textile» pour assurer, vis-à-vis de l'extérieur, une certaine continuité dans lestravaux de ce comité. Elle estime que le requérant n'a pas pu subir un préjudicemoral de ce fait, et certainement pas à concurrence de la somme qu'il suggèrecomme réparation.

39.
    En tout état de cause, la défenderesse rappelle qu'elle n'a commis aucune violationdu droit communautaire.

Appréciation du Tribunal

40.
    Selon une jurisprudence constante, l'annulation d'un acte de l'administration peutconstituer en elle-même une réparation adéquate et, en principe, suffisante de toutpréjudice moral que le fonctionnaire requérant peut avoir subi, notamment si l'acten'a comporté aucune appréciation blessante à son égard (voir arrêt de la Cour du7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, points 25 à 29; arrêt duTribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFP p. II-77, point62, et arrêt du 19 mars 1997, point 35). Il y a lieu de constater que, en l'espèce, lesdécisions attaquées n'ont comporté aucune appréciation négative de la personnedu requérant susceptible de le blesser, de même que la décision de la Commission,prise quelques semaines après le prononcé de l'arrêt du Tribunal et avant lanouvelle nomination de M. X, de maintenir ce dernier dans sa position de présidentdu comité «textile». Il s'ensuit que, dans le cas d'espèce, l'annulation des décisionsattaquées constitue une réparation adéquate du préjudice moral subi par lerequérant.

41.
    Il convient de constater, par ailleurs, que le requérant n'est pas en mesure dedémontrer qu'il aurait été nommé au poste litigieux si M. X ne l'avait été et qu'ilaurait donc pu accéder au grade A 3, de sorte que l'existence du préjudice matérielqu'il invoque n'est pas établie.

42.
    Il s'ensuit que les conclusions en indemnité doivent être rejetées.

Sur les dépens

43.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commissionayant succombé en l'essentiel de ses conclusions et le requérant ayant conclu à lacondamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de la condamner àsupporter l'ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 10 avril 1997 annulant l'avis de vacanceCOM/151/94 pour le poste de «chef de l'unité responsable pour lanégociation et la gestion des accords sur les textiles, chaussures» et l'avisde vacance COM/062/97 pour le poste de «chef de l'unité responsable desnégociations et de la gestion des accords sur les textiles; chaussures;divers» sont annulés.

2)    La décision de la Commission du 30 mai 1997, portant nomination de M. Xà l'emploi de «chef de l'unité responsable des négociations et de la gestiondes accords sur les textiles; chaussures; divers» est annulée.

3)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

4)    La Commission supportera l'ensemble des dépens.

Moura Ramos

Tiili
Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 février 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: le français.