Language of document : ECLI:EU:T:2011:653

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 novembre 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale AYUURI NATURAL – Marques communautaires verbale et figurative antérieures AYUR – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑313/10,

Three-N-Products Private Ltd, établie à New Delhi (Inde), représentée par Me C. Jäger, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Sheilesh Shah, demeurant à Wembley (Royaume-Uni),

Akhil Shah, demeurant à Wembley,

représentés par M. M. Chapple, barrister,

parties intervenantes,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 1er juin 2010 (affaire R 1005/2009‑4), relative à une procédure d’opposition entre Three-N-Products Private Ltd et S. Shah et A. Shah, Mr M. Shah,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 16 novembre 2010,

vu le mémoire en réponse des intervenants déposé au greffe du Tribunal le 26 octobre 2010,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 avril 2007, les intervenants, Sheilesh Shah et Akhil Shah, ont présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal AYUURI NATURAL.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, produits de soins capillaires ; dentifrices ; produits de beauté » ;

–        classe 5 : « Produits d’ayurvédisme ; produits homéopathiques ; préparations pour la santé à base d’herbes ; compléments diététiques ; produits de santé ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2008/011, du 10 mars 2008.

5        Le 10 avril 2008, la requérante, Three-N-Products Private Ltd, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        enregistrement communautaire sous le numéro 5429469 de la marque verbale AYUR ;

–        enregistrement communautaire sous le numéro 2996098 de la marque figurative représentée ci-après :

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7        La marque communautaire antérieure enregistrée sous le numéro 5429469 désigne les produits relevant des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits cosmétiques, produits non médicinaux à base d’herbes pour le soin de la peau, produits non médicinaux à base d’herbes pour le soin des cheveux, lotions non médicinales pour le soin du corps ; produits de blanchissage » ;

–        classe 5 : « Produits à base d’herbes pour le traitement de la peau, le contrôle du poids, la perte de poids et le traitement du diabète ; produits et substances à base de vitamines et de minéraux ; compléments de santé à usage médical, compris dans cette classe ; produits vitaminés, produits minéraux pour le traitement de la peau, la perte de poids et le traitement du diabète ».

8        La marque communautaire antérieure enregistrée sous le numéro 2996098 désigne les produits relevant des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits cosmétiques, produits de toilette non médicinaux, préparations pour blanchir, récurer et produits de nettoyage ; ouate à usage cosmétique » ;

–        classe 5 : « Préparations à base d’herbes ; produits et substances diététiques ; produits et substances à base de vitamines et de minéraux ; produits de soins de santé ; produits vitaminés et minéraux ».

9        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

10      Le 2 juillet 2009, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

11      Le 27 août 2009, les intervenants ont formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 1er juin 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition. En substance, elle a considéré que, bien que les produits en cause soient identiques ou similaires, il n’existait pas de risque de confusion eu égard au faible caractère distinctif des marques antérieures et à la faible similitude globale des signes en conflit.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enjoindre à l’OHMI de confirmer la décision de sa division d’opposition et de rejeter la demande de marque communautaire dans son intégralité ;

–        condamner l’OHMI aux dépens ;

–        enjoindre à l’OHMI de faire supporter aux intervenants les dépens exposés par elle à l’occasion de la procédure d’opposition et du recours ultérieur.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’OHMI.

15      Les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        faire droit à leur demande de marque communautaire en vue de procéder à son enregistrement ;

–        condamner la requérante aux dépens ou, à titre subisiaire, condamner l’OHMI aux dépens ou, à titre encore plus subsidiaire, condamner solidairement la requérante et l’OHMI aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

16      Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 20, et la jurisprudence citée].

17      Partant, le deuxième chef de conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal enjoigne à l’OHMI de confirmer la décision de la division d’opposition et de rejeter la demande de marque communautaire est irrecevable.

 Sur les pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal

18      Afin de démontrer que les marques antérieures ont acquis un caractère distinctif du fait de leur usage, la requérante a produit des copies des factures émises de 2003 à 2008 par la société Ayur International.

19      Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence citée].

 Sur le fond

20      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et, deuxièmement, d’un détournement de pouvoir au sens de l’article 65, paragraphe 2, de ce même règlement.

21      Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort qu’il n’existait pas de risque de confusion dans la mesure où, d’une part, les marques antérieures ne sont pas faiblement distinctives et, d’autre part, les signes en conflit sont fortement similaires sur les plans visuel et phonétique.

22      L’OHMI considère que la référence à l’article 7 du règlement n° 207/2009 est dépourvue de pertinence et que l’appréciation du caractère distinctif des marques antérieures doit avoir lieu dans le cadre de l’analyse du risque de confusion. Par ailleurs, l’OHMI estime que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les marques antérieures avaient un caractère distinctif faible. L’OHMI ajoute que les arguments de la requérante relatifs à la similitude des signes en confit ne sont pas fondés et estime que la chambre de recours a conclu à juste titre à l’absence de risque de confusion.

23      Les intervenants contestent le bien-fondé des arguments de la requérante. Ils estiment notamment que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu au faible caractère distinctif des marques antérieures et qu’il existe des différences importantes entre les signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

24      À titre liminaire, il convient de relever que l’invocation de l’article 7 du règlement n° 207/2009 est inopérante étant donné que la chambre de recours n’a statué que sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Néanmoins, dans la mesure où les arguments de la requérante relatifs à l’article 7 du règlement n° 207/2009 visent en réalité à contester l’appréciation du caractère distinctif des marques antérieures réalisée par la chambre de recours, ils seront examinés dans le cadre de l’examen du risque de confusion.

25      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

26      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II 2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

27      Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas l’analyse de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent est celui de l’Union et les produits en cause s’adressent tant au consommateur final général qu’au public professionnel dans le domaine des produits de beauté et de soins de santé. Elle ne conteste pas non plus la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, étant donné qu’aucun des produits n’est un produit pharmaceutique utilisé sur prescription uniquement, le degré d’attention du public pertinent sera moyen.

28      Par ailleurs, aucune des parties ne conteste l’analyse développée par la chambre de recours selon laquelle les produits en cause sont identiques ou similaires.

 Sur la comparaison des signes

29      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

30      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

31      Par ailleurs rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du Tribunal du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, Rec. p. II‑1515, point 43, et la jurisprudence citée].

32      La chambre de recours a considéré que, sur le plan visuel, la similitude des marques verbales en conflit était moyenne. Elle a précisé que cette similitude était moindre s’agissant de la marque demandée et de la marque figurative antérieure. Sur le plan phonétique, elle a estimé que les marques en conflit étaient faiblement similaires. Enfin, sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré que, pour la partie du public percevant la marque demandée comme faisant allusion à la notion d’« ayurveda », il existait une similitude conceptuelle. En revanche, selon la chambre de recours, aucune comparaison conceptuelle ne peut être établie pour la partie du public qui perçoit la marque demandée comme un terme fantaisiste dépourvu de signification.

33      La requérante fait valoir que le mot « ayuuri » est l’élément dominant de la marque demandée, qu’il coïncide avec le mot « ayur » et que le public prête généralement plus attention au début des mots. Par conséquent, elle estime que les signes en conflit sont fortement similaires sur le plan visuel. De même, sur le plan phonétique, elle avance qu’il existe une forte similitude. Enfin, sur le plan conceptuel, elle estime qu’aucune des marques en conflit n’a de signification et que la comparaison conceptuelle n’a donc pas d’effet sur l’appréciation de la similitude des signes.

34      L’OHMI conteste les arguments de la requérante comme étant non fondés. En particulier, sur le plan visuel, il considère que la terminaison « ri » de la marque demande attirera plus l’attention du public. Sur le plan phonétique, l’OHMI considère que les marques en conflit ont une longueur, une structure vocalique, un rythme et une intonation nettement différents. Enfin, sur le plan conceptuel, l’OHMI considère que le mot « ayur » sera compris comme une référence au terme « ayurveda ».

35      Les intervenants affirment que les marques en conflit sont faiblement similaires sur le plan visuel, très faiblement similaires sur le plan phonétique et ne présentent pas de similitude significative sur le plan conceptuel. Ils estiment que la marque demandée doit être examinée dans son ensemble, mais que, en tout état de cause, il existe une différence substantielle et suffisante entre les marques antérieures et l’élément « ayuuri ».

36      Il y a lieu de relever que, sur le plan visuel, les marques en conflit diffèrent en raison de la présence de l’élément « natural » ainsi que de celle de deux « u » et d’un « i » dans la marque demandée AYUURI NATURAL.

37      Ainsi que l’a relevé la chambre de recours, sans être contestée par les parties, « ayuuri » est l’élément dominant de la marque demandée.

38      Or, force est de constater que toutes les lettres du terme « ayur » sont reprises, dans le même ordre, dans « ayuuri ». Les lettres « u » et « i » ajoutées en milieu et en fin de mot sont certes différentes, mais ne sont pas de nature à attirer l’attention du consommateur, dans la mesure où ce dernier attache normalement plus d’attention à la partie initiale des mots [arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aérees de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 81]. L’argument de l’OHMI selon lequel, en l’espèce, la terminaison « uri » serait plus distinctive et attirerait donc plus l’attention que le début du mot n’est pas étayé et ne saurait donc être retenu.

39      En outre, ainsi que l’affirme la chambre de recours, le terme « natural » est un terme fréquemment utilisé dans le domaine de la beauté et des soins de santé. Par conséquent, il n’aura qu’une importance secondaire dans l’impression d’ensemble laissée par la marque demandée.

40      Il ressort de ce qui précède que, prises dans leur ensemble, les deux marques verbales en conflit ont un degré élevé de similitude sur le plan visuel.

41      En ce qui concerne la comparaison entre la marque verbale demandée et la marque figurative antérieure, il y a lieu d’observer que des différences graphiques s’ajoutent aux différences entre les éléments verbaux évoquées aux points 37 et 39 ci-dessus. En effet, dans la marque figurative antérieure, un cercle entoure l’élément verbal et deux épis de céréale sont présents à la droite dudit élément.

42      Les éléments graphiques ont cependant une importance secondaire, dans la mesure où ils ne constituent pas une représentation particulièrement originale ou fantaisiste susceptible d’attirer l’attention du consommateur. De plus, ni leur dimension ni leur couleur ne sont caractéristiques au point de leur permettre de revêtir un caractère prédominant au regard de l’élément verbal de la marque [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Athinaiki Oikogeniaki Artopoiia/OHMI – Ferrero (FERRÓ), T‑35/04, Rec. p. II‑785, point 51]. Enfin, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, les représentations de céréales ou d’herbes sont couramment utilisées en ce qui concerne les produits cosmétiques et les produits de soins de beauté pour illustrer le fait qu’ils sont préparés avec des ingrédients naturels.

43      Par conséquent, il ressort de ce qui précède que, prises dans leur ensemble, la marque demandée et la marque figurative antérieure présentent un degré moyen de similitude sur le plan visuel.

44      Sur le plan phonétique, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, les marques antérieures se prononceront « ayur », avec deux syllabes, tandis que la marque demandée se compose de deux mots comportant, en tout, six syllabes.

45      Toutefois, il y a lieu de rappeler que toutes les lettres des marques antérieures sont incluses dans l’élément dominant de la marque demandée. De plus, même si, ainsi que l’affirme la chambre de recours, le consommateur tentera de prononcer la deuxième syllabe « yuu » plus longuement, il n’est pas certain que cette différence soit perceptible à l’oreille, notamment en cas de prononciation rapide. Par ailleurs, si la lettre « i » en fin de mot permet effectivement de renforcer les différences phonétiques dans les langues où la dernière syllabe est accentuée, ainsi que le relève la chambre de recours, il n’en reste pas moins qu’elle se trouve à la fin de l’élément dominant, à laquelle les consommateurs prêtent généralement moins attention.

46      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que, prises dans leur ensemble, les marques en conflit présentent des différences phonétiques qui ne sont toutefois pas suffisantes pour neutraliser les ressemblances entre l’élément dominant de la marque demandée et les marques antérieures. Par conséquent, il y a lieu de conclure que les signes en conflit présentent un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

47      Sur le plan conceptuel, il y a lieu de considérer que, contrairement aux affirmations de la chambre de recours, le public pertinent ne fera pas aisément le lien entre l’élément « ayur » et le mot « ayurveda », désignant une forme de médecine traditionnelle hindoue.

48      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi que la chambre de recours l’a relevé dans la décision attaquée, que le mot « ayurveda » existe dans plusieurs langues de l’Union. En outre, les termes « ayurveda », « ayurvedic » ou « ayur » sont mentionnés sur les sites Internet dont les pages ont été versées au dossier par les intervenants.

49      Cela n’est toutefois pas suffisant pour considérer que les consommateurs en général sont familiarisés avec le concept d’« ayurveda » en tant qu’enseignement traditionnel indien de la santé et de la médecine. En effet, s’il existe, parmi le grand public des consommateurs de l’Union, un public plus spécialisé ayant des connaissances en matière de médecine alternative, d’ésotérisme, d’hindouisme, de culture orientale et de yoga [arrêt du Tribunal du 17 septembre 2008, Prana Haus/OHMI (PRANAHAUS), T‑226/07, non publié au Recueil, points 26 et 29], rien ne permet de considérer que ce public constitue une grande partie du public pertinent, contrairement à ce qu’affirme la chambre de recours. De même, les affirmations de la chambre de recours et de l’OHMI selon lesquelles les médecines alternatives, et en particulier l’ayurveda, seraient renommées et auraient infiltré la culture européenne ne sont pas suffisamment étayées.

50      Partant, seule une partie du public pertinent, composée des professionnels dans le domaine des produits de beauté et de soins de santé ainsi que du public spécifiquement intéressé par la culture indienne ou les questions relatives aux formes alternatives de médecine, fera aisément l’association entre « ayurveda » et « ayur ». En raison de ses connaissances, ce public spécialisé percevra également l’élément « ayuuri » comme faisant allusion à « ayurveda ».

51      En revanche, pour les consommateurs qui ne sont pas familiarisés avec la culture indienne ou la médecine alternative, il y a lieu de considérer que les termes « ayur » et « ayuuri » seront dépourvus de signification.

52      La présence de l’élément « natural » dans la marque demandée ainsi que les éléments graphiques additionnels de la marque figurative antérieure ne sont pas de nature à remettre en cause ces conclusions.

53      Il s’ensuit que, pour une partie du public pertinent, il existe une certaine similitude conceptuelle entre les signes en conflit tandis que, pour les consommateurs finaux qui ne sont pas particulièrement intéressés par la culture indienne ou par les questions de médecine alternative, aucune comparaison conceptuelle n’apparaît possible.

54      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, c’est à tort que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit présentaient une faible similitude globale. Eu égard aux degrés moyen ou élevé de similitude sur le plan visuel et au degré moyen de similitude sur le plan phonétique, ainsi qu’à la similitude conceptuelle pour une partie du public pertinent, il y a lieu au contraire de considérer que les signes en conflit ont un degré global de similitude au moins moyen.

 Sur le risque de confusion

55      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

56      La chambre de recours a considéré que le terme « ayur » présente un faible caractère distinctif en raison du fait qu’une grande partie du public pertinent comprendra ce terme comme un dérivé du mot « ayurveda », qui est reconnu comme désignant une forme de médecine alternative venue d’Inde. Elle a relevé que la similitude entre les signes est basée sur l’élément « ayur », lequel est descriptif pour les produits en cause. Par conséquent, eu égard au faible caractère distinctif des marques antérieures et à la faible similitude globale des signes en conflit, la chambre de recours a conclu qu’il n’existe pas de risque de confusion, même pour les produits identiques.

57      La requérante estime que l’analyse de la chambre de recours est insuffisamment étayée. En particulier, elle souligne que le terme « ayur » n’est pas une abréviation reconnue de « ayurveda » et n’existe dans aucun dictionnaire des langues de l’Union. Elle estime que la conclusion selon laquelle le public fera facilement une association entre le terme « ayur » et les produits ayurvédiques n’est pas fondée. Elle fait également valoir que le caractère distinctif des marques antérieures a été reconnu par plusieurs offices européens des marques. Dans ce contexte, la requérante affirme que le terme « ayur » est dépourvu de toute signification et présente donc un caractère distinctif dont il devrait être tenu compte dans l’appréciation du risque de confusion.

58      L’OHMI considère que le mot « ayurveda » est reconnu par le public de l’Union et que le consommateur raisonnablement informé établira aisément un lien entre ce mot et le terme « ayur ». En outre, l’OHMI estime que les similitudes entre les signes en conflit portent uniquement sur un élément descriptif des produits en cause. Par conséquent, l’OHMI considère que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion.

59      Les intervenants considèrent que les conclusions de la chambre de recours sont exactes et fait notamment valoir que le terme « ayur » constitue une abréviation reconnue au sein de l’Union.

60      S’agissant du caractère distinctif des marques antérieures, il ressort des points 47 à 51 ci-dessus que seule une partie du public pertinent fera aisément l’association entre les termes « ayurveda » et « ayur » pour les produits en cause.

61      Par conséquent, les marques antérieures ne sauraient être considérées comme faiblement distinctives que pour une partie du public pertinent.

62      Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé précédemment, les produits en cause sont identiques ou similaires et les marques en conflit présentent un degré global de similitude au moins moyen.

63      Partant, dans la mesure où les marques antérieures ont un caractère distinctif pour une partie du public pertinent et étant donné les similitudes entre les produits et les signes en conflit, il y a lieu de conclure qu’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit.

64      En tout état de cause, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70, et la jurisprudence citée].

65      Ainsi, à supposer même que le caractère distinctif des marques antérieures doive être considéré comme faible pour l’ensemble du public pertinent, les similitudes entre les produits et les signes évoquées au point 62 ci-dessus suffiraient pour conclure à l’existence d’un risque de confusion.

66      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion. La décision attaquée doit donc être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième moyen.

 Sur les dépens

67      Conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

68      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

69      Les intervenants ayant succombé en leurs conclusions, ils supporteront leurs propres dépens.

70      En outre, il convient d’interpréter le quatrième chef de conclusions de la requérante comme visant à obtenir la condamnation des intervenants aux dépens qu’ils ont exposés dans la procédure administrative devant l’OHMI. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Il s’ensuit que la demande de la requérante tendant à ce que les intervenants soient condamnés aux dépens de la procédure administrative devant l’OHMI ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours [arrêt du Tribunal du 10 février 2010, O2 (Germany)/OHMI (Homezone), T‑344/07, Rec. p. II‑153, point 84].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 1er juin 2010 (affaire R 1005/2009-4) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de Three-N-Products Private Ltd.

3)      Sheleish Shah et Akhil Shah supporteront leurs propres dépens ainsi que les dépens indispensables exposés par Three-N-Products Private Ltd aux fins de la procédure devant la quatrième chambre de recours.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.