Language of document : ECLI:EU:T:2011:564

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

5 octobre 2011 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale PAKI – Motif absolu de refus – Marque contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs – Article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑526/09,

PAKI Logistics GmbH, établie à Ennepetal (Allemagne), représentée par Mes M. Bergermann, P. Mes, C. Graf von der Groeben, G. Rother, J. Bühling, A. Verhauwen, J. Künzel, D. Jestaedt, et J. Vogtmeier, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme S. Behzadi-Spencer, puis par Mme F. Penlington, en qualité d’agents, assistées de Me S. Malynicz, barrister,


partie intervenante,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 23 octobre 2009 (affaire R 1805/2007-1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal PAKI comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 décembre 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 mars 2010,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 26 mai 2010,

vu le mémoire en intervention déposé par le Royaume-Uni au greffe du Tribunal le 23 août 2010,

vu les observations de la requérante sur le mémoire en intervention déposées au greffe du Tribunal le 26 octobre 2010,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 décembre 2005, la requérante, PAKI Logistics GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PAKI.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 6, 20, 37 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Caisses, à savoir caisses à claire-voie, palettes de transport métalliques » ;

–        classe 20 : « Caisses, à savoir caisses à claire-voie, palettes de transport, tous les produits précités, en particulier en bois ou plastiques, non métalliques » ;

–        classe 37 : « Réparation, à savoir services de réparation pour palettes et caisses à claire-voie » ;

–        classe 39 : « Transport dans le domaine des palettes et caisses à claire-voie ; services de transport et de logistique pour palettes et caisses à claire-voie ; location, courtage et échange de palettes et caisses à claire-voie, localisation de palettes et caisses à claire-voie ».

4        Par décision du 18 octobre 2007, la demande d’enregistrement a été rejetée par l’examinateur au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009].

5        Le 19 novembre 2007, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 [devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009].

6        Par décision du 23 octobre 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours au motif que la marque demandée était contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs et se heurtait, par conséquent, au motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009. La chambre de recours a considéré que le terme « paki » était perçu par le public anglophone de l’Union européenne comme un terme raciste, constituant l’appellation dégradante et insultante d’un pakistanais ou, plus généralement, d’une personne originaire du sous-continent indien et vivant notamment au Royaume-Uni.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux exposés au titre de la procédure de recours.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

10      La requérante avance un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

11      L’article 7 du règlement n° 207/2009 prévoit, à son paragraphe 1, sous f), que sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs » et, à son paragraphe 2, que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l[‘Union] ».

12      L’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009 vise, en premier lieu, tout signe dont l’utilisation est interdite par une disposition du droit de l’Union ou du droit national. Toutefois, même en l’absence d’une disposition légale interdisant l’utilisation du signe, son enregistrement en tant que marque communautaire se heurtera au motif absolu de refus prévu à cette disposition s’il est profondément offensant, ainsi que l’a, en substance, relevé la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée. À cet égard, l’appréciation de l’existence de ce motif de refus ne saurait être fondée, comme l’indique la chambre de recours dans la décision attaquée, sur la perception de la partie du public pertinent qui peut être très facilement offensée ni sur celle que rien ne choque, mais doit être faite sur la base des critères d’une personne raisonnable ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance. 

13      L’argument de la requérante selon lequel l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009 doit être interprété restrictivement de sorte qu’une inscription au registre ne peut être refusée pour le motif y prévu que lorsque la marque est manifestement contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ne semble pas viser à contredire cette interprétation. En effet, même si la requérante soutient que ne se heurtent à ce motif de refus que des indications extrêmement diffamantes, discriminatoires ou abjectes, dénuées d’ambiguïté, elle n’affirme pas que l’examen doit être fait du point de vue de la partie la plus insensible de la société.

14      Par cet argument, la requérante fait, en substance, valoir qu’une marque telle que celle demandée en l’espèce ne se heurtera au motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009 que si le terme qui la compose est compris exclusivement comme une insulte et revêt donc clairement une signification discriminatoire. En revanche, l’enregistrement ne saurait être refusé lorsque le terme est également utilisé pour se référer à des produits et des services sans que lui soit associée une acception péjorative ou raciste, celle-ci ne concernant que son utilisation à l’égard de personnes. Elle ajoute que, en tout état de cause, il ne suffit pas d’examiner le terme isolément dès lors que, conformément à l’arrêt du Tribunal du 13 septembre 2005, Sportwetten/OHMI – Intertops Sportwetten (INTERTOPS) (T‑140/02, Rec. p. II‑3247, points 27 et 28), aux fins de l’application du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, il convient d’examiner le signe en relation avec les produits ou les services tels qu’ils figurent dans la demande d’enregistrement de la marque.

15      Il convient d’observer que des signes consistant en un terme qui constitue une insulte raciste se heurtent, en raison de leur caractère profondément offensant et dénigrant, aux bonnes mœurs ou à l’ordre public, quels que soient les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé, et ce d’autant plus que la lutte contre toute forme de discrimination est une valeur fondamentale de l’Union européenne tel que cela résulte des articles 2 et 3, paragraphe 3, TUE, des articles 9 TFUE et 10 TFUE et de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1).

16      S’il ne saurait, certes, être exclu qu’un terme étant à l’origine une insulte raciste puisse faire l’objet d’une évolution et ne plus être considéré comme étant offensant, le simple fait que le terme est utilisé pour se référer à certains produits et services sans qu’il lui soit accordé un sens discriminatoire ne suffit pas à considérer automatiquement que la marque constituée de ce terme ne se heurte pas au motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, dès lors que le terme ne serait pas dénué d’ambigüité. Au contraire, aussi longtemps que l’évolution des connotations du terme reste limitée et qu’il est établi que le terme continue à être considéré par le public pertinent comme étant généralement très offensant, ce motif de refus s’oppose à son enregistrement en tant que marque communautaire pour tout produit ou service non concerné par cette évolution.

17      Cette conclusion n’est pas, en outre, en contradiction avec l’arrêt INTERTOPS, invoqué par la requérante. En effet, d’une part, dans cette affaire, il n’était nullement soutenu que la marque en cause était constituée d’une insulte raciste et l’argumentation relative à son caractère prétendument contraire aux bonnes mœurs était fondée sur la circonstance alléguée qu’une disposition nationale interdisait à son titulaire d’offrir, dans l’État membre concerné, les services pour lesquels elle avait été enregistrée. L’affirmation du Tribunal, selon laquelle il convient d’examiner le signe en relation avec les produits ou les services tels qu’ils figurent dans la demande d’enregistrement de la marque, visait ainsi simplement à souligner que c’est uniquement la marque qui doit être examinée afin de vérifier l’existence de ce motif de refus ou de nullité et non des circonstances extérieures à celle-ci. D’autre part, les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé restent, en tout état de cause, importants afin d’identifier le public par référence auquel la perception du signe doit être examinée.

18      Il y a lieu, par ailleurs, de préciser à cet égard que, contrairement à ce que prétend la requérante, le public pertinent ne saurait être limité, aux fins de l’examen du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, au public auquel sont directement adressés les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Il convient, en effet, de tenir compte du fait que les signes visés par ce motif de refus choqueront non seulement le public auquel les produits et services désignés par le signe sont adressés, mais également d’autres personnes qui, sans être concernées par lesdits produits et services, seront confrontées à ce signe de manière incidente dans leur vie quotidienne.

19      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments soulevés par la requérante en relation avec la définition du public visé par les produits et les services demandés et sa perception de la marque en cause, à savoir, d’une part, que la chambre de recours, après avoir affirmé au point 22 de la décision attaquée que le public pertinent pour les services de la classe 39 n’était pas le grand public, n’a pas examiné l’impression du public pertinent pour cette classe et, d’autre part, que les autres produits et services étaient également adressés exclusivement à des entreprises de logistique et de transport et que ce public ne percevra pas le terme comme ayant une signification discriminatoire. Il suffit, en effet, de relever que, en l’espèce, rien dans le type des produits et des services visés ne permet de considérer que des personnes autres que celles auxquelles les produits et les services visés sont adressés directement ne seront pas exposées à la marque demandée lors de son utilisation sur le marché. Par conséquent, la chambre de recours s’est fondée à bon droit sur la perception du signe par le grand public et, plus concrètement, étant donné que le terme « paki » a une signification en langue anglaise, par le public anglophone de l’Union.

20      S’agissant de l’examen par la chambre de recours de cette perception, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que le terme « paki » était offensant aux yeux du public anglophone de l’Union uniquement sur la base du fait qu’il était offensant lorsque adressé à des personnes alors que, selon elle, ce terme n’avait pas un tel caractère lorsque, comme pour la marque demandée, il ne se référait pas à des personnes et qu’il n’était pas, par conséquent, univoque et discriminatoire en toute circonstance.

21      À cet égard, la requérante fait valoir, premièrement, que ledit terme est fréquemment employé en anglais d’une façon non discriminatoire pour désigner de manière abrégée un restaurant, un plat ou une épicerie pakistanais ou comme composant de noms de domaine de sites Internet contenant des informations de tout type adressées à la communauté pakistanaise.

22      Cette utilisation serait corroborée par le dictionnaire anglais-allemand Globalwörterbuch de Collins-Pons, par une recherche sur un moteur de recherche sur Internet et par divers sites Internet. Elle soutient que les dictionnaires cités par la chambre de recours, bien qu’ils indiquent que le terme « paki » constitue un terme désobligeant pour les personnes d’origine pakistanaise, n’indiquent pas qu’il soit dénigrant lorsqu’il est utilisé pour des épiceries, des restaurants ou des plats cuisinés ainsi que par rapport à des renseignements sur tout type d’information pratique. Elle ajoute que la perception du public a évolué au cours des dernières années, comme le démontrerait un article produit par l’OHMI concernant la « réhabilitation » du terme.

23      Il convient d’observer que les preuves avancées par la requérante ne suffisent pas à démontrer que le terme « paki » n’est perçu comme offensant par le public anglophone de l’Union que lorsqu’il est utilisé pour se référer à des personnes et que, par conséquent, il ne serait pas univoque et dénué d’ambiguïté.

24      D’une part, l’extrait du dictionnaire anglais/allemand qu’elle invoque ne fait référence à l’utilisation du terme par rapport à des produits ou des services qu’à l’égard de certains produits ou commerces très spécifiques et en relation toujours avec la culture pakistanaise. En outre, même si ce dictionnaire n’indique pas que l’utilisation du terme pour désigner, en tant que substantif, un restaurant, un repas ou un commerce soit péjorative, il indique que son utilisation est souvent péjorative non seulement lorsqu’il est utilisé en tant que substantif pour se référer à des personnes, comme accepté par toutes les parties, mais aussi lorsqu’il est utilisé en tant qu’adjectif, sans précisions à cet égard.

25      Par ailleurs, il ressort du dossier ainsi que des affirmations de la requérante, notamment de celle selon laquelle il est surprenant que le Royaume-Uni soutienne que l’utilisation du terme pour désigner un restaurant ou un commerce est péjorative dès lors que ce sont leurs propriétaires qui utilisent le terme, que celui-ci est utilisé sans qu’il soit perçu comme discriminatoire principalement lorsqu’il est utilisé par des membres de la communauté pakistanaise elle-même pour désigner leurs activités. L’importance et la sévérité de la réaction de la classe politique et de certains secteurs de la société du Royaume-Uni à l’utilisation du terme par un membre de la famille royale, même si certes en relation avec une personne, ainsi que l’amplitude de la couverture médiatique de cette information, qui avait dépassé les frontières du Royaume-Uni, permettent cependant de douter que son utilisation par une personne d’origine non pakistanaise pour désigner un objet ou un service puisse être perçue par le public britannique comme complètement innocente, ou encore moins, comme étant sans rapport avec son utilisation en tant qu’insulte.

26      D’autre part, quant à l’utilisation du terme par des sites Internet fournissant des informations adressées à la communauté pakistanaise, l’OHMI fait observer qu’ils sont établis aux États-Unis d’Amérique. La requérante ne conteste pas cette circonstance et semble même la confirmer implicitement, mais conteste sa pertinence en soutenant que lesdits sites reflètent néanmoins la perception du public en cause et sont adressés à l’ensemble de la communauté pakistanaise.

27      Or, le fait que ces sites utilisaient la langue anglaise et pourraient être consultés par la communauté pakistanaise de l’Union ne suffit à démontrer ni qu’ils visaient tous réellement cette communauté, ni que les membres de celle-ci y accédaient effectivement et voyaient favorablement l’utilisation du terme, ni, encore moins, que le public anglophone de l’Union, en général, ne perçoit pas le terme comme étant discriminatoire lorsqu’il n’est pas utilisé directement pour insulter une personne. Il convient de constater à cet égard qu’il ressort d’une étude mentionnée par la chambre de recours, et dont il est question ci-après (points 29 et 30), intitulée « Delete expletives ? » et visant l’attitude du public du Royaume-Uni envers les jurons et le langage offensant, que, même si ce dernier s’attendait à l’utilisation d’un langage plus « fort » dans les films réalisés aux États-Unis d’Amérique, cette utilisation était perçue comme moins offensive au motif que la culture représentée par le film n’était pas la sienne. Dans ces circonstances, la requérante ne saurait prétendre que les sites qu’elle invoque montrent la perception du public anglophone de l’Union.

28      En tout état de cause, même si l’existence des sites en cause était pertinente pour établir la perception du public anglophone de l’Union et prouvait, comme le soutient la requérante, qu’il existe une certaine évolution dans l’utilisation du terme « paki », en ce sens que les personnes d’origine pakistanaise commencent à se l’approprier, force est de constater que cette évolution est loin d’être achevée et que, tel qu’il ressort d’un article fourni par l’OHMI, intitulé « Paki-Bashing In The Age Of Subcontinental Nukes », le terme est encore utilisé, même par des membres des communautés également visées par lui lorsqu’il est employé au sens large pour se référer aux personnes provenant du subcontinent indien, telles que des indiens, comme une insulte à l’égard des pakistanais.

29      La requérante fait valoir, deuxièmement, que la référence faite par la chambre de recours à l’étude « Delete expletives ? » dont il ressortirait que 60 % de la population du Royaume-Uni perçoit le terme « paki » comme insultant, n’est pas probante dès lors que ladite étude n’était pas « ouverte », en ce sens qu’il n’avait pas été demandé aux personnes sondées de citer des termes dénigrants et que celles-ci s’étaient vu proposer une liste contenant des termes pour la plupart extrêmement offensants et dont tous sauf « paki » étaient utilisés de façon exclusivement discriminatoire et péjorative.

30      Il convient d’observer que la requérante ne précise pas de quelle manière le fait que le terme « paki » fût déjà placé sur la liste présentée aux personnes sondées aurait affecté la réponse de 60 % de celles-ci en ce sens qu’elles auraient qualifié de péjoratif un terme qui ne le serait pas prétendument dans certains cas. Il convient de relever à cet égard que rien n’empêchait les personnes sondées de considérer le terme comme n’étant pas très péjoratif si elles estimaient qu’il ne l’était pas en toute circonstance comme elles l’ont fait avec des termes tels que « juif », « jésus-christ » et « dieu ». Le terme « paki » a cependant été placé à la dixième position sur les 28 termes indiqués dans la liste.

31      La requérante fait valoir, troisièmement, que la chambre de recours contredit la jurisprudence de la grande chambre de recours de l’OHMI, dès lors que celle-ci avait autorisé le terme « pommy » défini par un dictionnaire en ligne comme un « terme australien désobligeant désignant une personne britannique » et admis l’enregistrement de marques contenant d’autres termes bien plus offensants que « paki » tels que « bastard ».

32      Il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions que les chambres de recours de l’OHMI sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 40/94, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, même s’il convient certes de prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur le fait de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 65 ; ordonnance de la Cour du 12 février 2009, Bild digital et ZVS, C‑39/08 et C‑43/08, non publiée au Recueil, point 32, et arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 71].

33      En tout état de cause, il convient de relever qu’aucune marque composée du terme « pommy » n’a été enregistrée et que la requérante n’invoque, en réalité, qu’un motif d’une décision sur une demande de marque ne contenant pas ce terme. En outre, le fait que le terme « pommy » soit un terme désobligeant en Australie n’implique pas que le public anglophone de l’Union, seul public anglophone pertinent aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire, perçoive ce terme comme étant une insulte discriminatoire. Il importe à cet égard de relever que le Royaume-Uni soutient que la marque demandée en l’espèce n’est pas comparable au signe POMMY dès lors que le terme « paki » est une « insulte raciale et culturelle manifestement malveillante » alors que le terme « pommy » n’a historiquement jamais été employé de manière péjorative au Royaume-Uni. Cette affirmation est confirmée par l’extrait d’un site Internet, fourni par l’OHMI, contenant une liste de termes considérés comme des insultes racistes en un ou plusieurs pays anglophones du monde dont il ressort que le terme « pommy » serait une insulte uniquement en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud. Le fait, invoqué par la requérante, que cet extrait est tiré d’un site Internet établi en dehors de l’Union européenne n’affecte pas la pertinence des informations y figurant. En effet, contrairement à ce qu’elle prétend, la référence à ce site ne donne pas lieu aux mêmes réticences que la référence aux sites qu’elle invoque (voir point 27 ci-dessus), dès lors que l’extrait en cause se distingue par le fait qu’il dresse une liste des termes considérés comme racistes en indiquant les différentes perceptions selon les pays et a ainsi vocation précisément à refléter le point de vue de différents publics.

34      Par ailleurs, en ce qui concerne l’enregistrement de marques contenant des termes considérés plus insultants que le terme « paki », il convient de relever que les termes cités par la requérante, s’ils sont certes des insultes, ne sont pas des insultes racistes. Or, s’il est incontestable que l’utilisation de mots vulgaires ou offensants pouvant être utilisés contre toute personne à tout moment a fait l’objet d’une certaine banalisation récemment permettant, dans certaines circonstances, d’enregistrer ces termes, il ne saurait être admis que les termes racistes puissent bénéficier de cette évolution aussi longtemps qu’ils sont perçus comme tels.

35      La requérante fait valoir, quatrièmement, qu’elle a exercé depuis de nombreuses années et de façon intensive son activité commerciale au sein de l’Union européenne, régions anglophones comprises et donc au Royaume-Uni et en Irlande, en utilisant sa dénomination sociale et ses sites Internet qui contiennent tous le terme « paki », sans jamais rencontrer de contestation.

36      Il convient de souligner que le simple fait que la requérante n’a pas reçu des plaintes en raison de l’utilisation de ce terme dans le cadre de ses activités commerciales ne démontre pas qu’aucune personne n’a été offensée. En tout état de cause, l’absence de plainte adressée à une société qui utilise un terme considéré comme raciste ne suffit pas à justifier l’enregistrement d’une marque composée d’un tel terme. 

37      Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le terme « paki » était perçu comme une insulte raciste par le public anglophone de l’Union et que, par conséquent, son enregistrement en tant que marque communautaire se heurtait au motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

38      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le moyen unique de la requérante et, par conséquent, le recours.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI conformément aux conclusions de celui-ci.

40      En vertu de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus à un litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PAKI Logistics GmbH supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.