Language of document : ECLI:EU:T:2008:547

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 décembre 2008 (*)

« Recours en annulation – Tarif douanier commun – Classement dans la nomenclature combinée – Personne non individuellement concernée – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑227/06,

RSA Security Ireland Ltd, établie à Shannon (Irlande), représentée par M. B. Conway, barrister, et Mme S. Daly, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. X. Lewis et Mme J. Hottiaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 888/2006 de la Commission, du 16 juin 2006, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO L 165, p. 6),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

 Nomenclature combinée

1        Aux fins d’appliquer le tarif douanier commun ainsi que pour faciliter l’établissement des statistiques du commerce extérieur de la Communauté et d’autres politiques communautaires relatives à l’importation ou à l’exportation de marchandises, le Conseil a, par l’adoption du règlement (CEE) n° 2658/87, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1, ci-après le « règlement sur la nomenclature combinée »), instauré une nomenclature complète des marchandises faisant l’objet d’opérations d’importation ou d’exportation dans la Communauté (ci‑après la « nomenclature combinée » ou la « NC »). Cette nomenclature figure à l’annexe I dudit règlement.

2        Afin d’assurer l’application uniforme de la nomenclature combinée dans la Communauté, la Commission, avec l’assistance d’un comité de représentants des États membres (le comité du code des douanes), peut adopter un certain nombre de mesures qui sont énumérées à l’article 9 du règlement sur la nomenclature combinée. Parmi ces mesures figure notamment la possibilité pour la Commission d’adopter des règlements de classement tarifaire de marchandises particulières dans la nomenclature combinée [article 9, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement sur la nomenclature combinée].

3        Au moment de l’adoption du règlement (CE) n° 888/2006 de la Commission, du 16 juin 2006, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO L 165, p. 6, ci‑après le « règlement attaqué »), les positions tarifaires 8470, 8471 et 8543 de la nomenclature combinée étaient libellées comme suit :

–        position 8470 : « [m]achines à calculer et machines de poche permettant d’enregistrer, de reproduire et d’afficher des informations, comportant une fonction de calcul ; machines comptables, machines à affranchir, à établir les tickets et machines similaires, comportant un dispositif de calcul ; caisses enregistreuses […] » ;

–        position 8471 : « [m]achines automatiques de traitement de l’information et leurs unités ; lecteurs magnétiques ou optiques, machines de mise d’informations sur support sous forme codée et machines de traitement de ces informations, non dénommés ni compris ailleurs » ;

–        position 8543 : « [m]achines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent chapitre ».

 Renseignements tarifaires contraignants

4        En vertu de l’article 11, paragraphe 1, et de l’article 12 du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »), tel que modifié, les opérateurs économiques peuvent obtenir des renseignements tarifaires contraignants (ci-après les « RTC ») de la part des autorités douanières. Il s’agit de renseignements sur le classement tarifaire de marchandises déterminées qui lient ces autorités vis-à-vis du demandeur et/ou du titulaire du RTC.

5        L’article 12 du code des douanes énonce :

« 1. Les autorités douanières délivrent, sur demande écrite et suivant des modalités déterminées selon la procédure du comité, des [RTC] ou des renseignements contraignants en matière d’origine.

[…]

4.       Un renseignement contraignant est valable, à compter de la date de sa délivrance, pendant six ans en matière tarifaire […]

5.       Un renseignement contraignant cesse d’être valable lorsque :

a)       en matière tarifaire :

i)       par suite de l’adoption d’un règlement, il n’est pas conforme au  droit ainsi établi ;

                   […]

         La date à laquelle le renseignement contraignant cesse d’être  valable, pour les cas visés [sous] i) et ii), est la date de  publication desdites mesures […] ;

[…]

6. Le titulaire d’un renseignement contraignant qui cesse d’être valable conformément au paragraphe 5, [sous] a), ii) ou iii), ou b), ii) ou iii), peut continuer à s’en prévaloir pendant une période de six mois après cette publication ou cette notification, dès lors qu’il a conclu, sur la base du renseignement contraignant et avant l’adoption de la mesure en question, des contrats fermes et définitifs relatifs à l’achat ou à la vente des marchandises en cause. Toutefois, lorsqu’il s’agit de produits pour lesquels un certificat d’importation, d’exportation ou de préfixation est présenté lors de l’accomplissement des formalités douanières, la période pour laquelle le certificat en question reste valable se substitue à la période de six mois.

Au cas visé au paragraphe 5, [sous] a), i), et b), i), le règlement […] peut fixer un délai à l’intérieur duquel le premier alinéa s’applique.

[…] »

6        L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes (JO L 253, p. 1), tel que modifié, énonce :

« En ce qui concerne les [RTC], les autorités douanières des États membres transmettent à la Commission, dans les meilleurs délais, les éléments suivants :

a) une copie de la demande de [RTC] […] ;

b) une copie du [RTC] notifié […]

[…]

Les transmissions sont effectuées par moyens télématiques. »

7        L’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2454/93 dispose :

« En cas de divergence entre deux ou plusieurs renseignements contraignants :

–        la Commission procède, à son initiative ou à la demande du représentant d’un État membre, à l’inscription de cette question à l’ordre du jour du comité lors de sa réunion du mois suivant ou, à défaut, lors de sa plus proche réunion,

–        selon la procédure du comité, la Commission arrête, le plus tôt possible et au plus tard dans les six mois suivant la réunion mentionnée au premier tiret, une mesure assurant l’application uniforme de la réglementation en matière de nomenclature […] »

 Antécédents du litige

8        La requérante, RSA Security Ireland Ltd, est une société de droit irlandais qui fabrique, importe et commercialise au sein de la Communauté européenne un dispositif de sécurité appelé « RSA SecurID authenticator » sous deux formes principales, une forme dite « carte de crédit » et une forme dite « key fob ».

9        Le 8 février 2001, les Irish Revenue Commissioners (autorités fiscales et douanières irlandaises, ci‑après les « IRC ») ont, à la demande de la requérante, délivré un RTC classant son produit sous la sous‑position 8473 30 10 00 de la nomenclature combinée. Ledit RTC décrit le produit de la façon suivante : « [Il s’agit d’] un mécanisme de sécurité pour transactions Internet [qui] consiste en un écran à cristaux liquides (LCD), un PCB, un microcontrôleur/circuit imprimé, des capaciteurs et une pile. Tous [ces] composants […] sont contenus dans un boîtier en matière plastique. »

10      Le 1er décembre 2003, les IRC ont informé la requérante que le comité du code des douanes, section « Nomenclature tarifaire et statistique » (ci‑après le « comité nomenclature »), avait décidé que le produit devait être correctement classé selon le code NC 8543 89. Ainsi, pour se conformer aux décisions dudit comité, les IRC ont révoqué le RTC du 8 février 2001 avec effet immédiat et l’ont remplacé, le 8 avril 2004, par un autre RTC classant le type d’appareil en cause dans la sous‑position tarifaire correspondant au code NC 8543 89 95 99. Le nouveau RTC décrit ainsi le produit : « [Il s’agit d’] un dispositif de sécurité pour un ordinateur [qui] consiste en un LCD, un circuit imprimé et une pile contenus dans un boîtier en matière plastique ou dans un conteneur en forme de carte de crédit. Quand il est programmé, il fournit une sécurité d’accès à un système informatique au point de connexion en identifiant et authentifiant l’utilisateur. »

11      Le taux de droit de douane étant considérablement plus élevé sous la position 8543 que sous la position 8473, la requérante a fait appel du classement des IRC devant les Revenue Appeal Commissioners (les commissaires aux recours irlandais, ci‑après les « AC »).

12      Par décision du 10 octobre 2005, les AC ont fait droit au recours, en décidant que le classement correct du produit en cause, en vertu des règles d’interprétation et de classement du code des douanes, devait être déterminé par référence à ses caractéristiques et qualités objectives, spécifiquement en ce qu’il calcule et affiche des nombres pseudo-aléatoires. Les AC ont ainsi décidé que le produit devait être classé en tant qu’appareil de calcul relevant de la position 8470 10 00 00.

13      La décision des AC ayant pour conséquence d’invalider le RTC délivré le 8 avril 2004, les IRC en ont informé la Commission. Par la suite, les IRC ont décidé de ne pas attaquer cette décision devant les Superior Courts of Ireland (les juridictions supérieures de l’Irlande). La décision des AC concernant le classement du produit en cause est devenue, de ce fait, définitive en droit irlandais.

14      La requérante a dès lors demandé aux IRC le remboursement des droits de douane payés antérieurement pour les marchandises importées au titre du RTC du 8 avril 2004. Par lettre du 27 octobre 2005, les IRC ont formellement révoqué ledit RTC, en conformité avec la décision des AC du 10 octobre 2005 classant le produit sous la position 8470 10 00 00.

15      Le 15 novembre 2005, la Commission a soumis au comité nomenclature la note des IRC concernant le « classement tarifaire d’un dispositif de sécurité informatique dénommé ‘authentificateur SecurID’ (digipass) ». Cette demande a été examinée au cours de plusieurs réunions dudit comité.

16      Par lettre du 9 mars 2006, les IRC ont informé la requérante que le comité nomenclature avait discuté de la révocation du RTC à la suite de la décision des AC du 10 octobre 2005 et que la Commission, après l’approbation d’un projet de texte par le comité nomenclature, avait finalement adopté un règlement classant le produit en cause dans la sous-position 8543 89 97 de la nomenclature combinée. Par courriel du 23 juin 2006, les IRC ont informé la requérante de la publication du règlement attaqué, indiquant qu’il s’agissait du règlement pertinent auquel elles avaient fait référence dans ladite lettre du 9 mars 2006.

17      L’annexe du règlement attaqué établit le classement du produit litigieux en ces termes :

Désignation des marchandises

Classement (code NC)

Motivations

(1)

(2)

(3)

Dispositif de sécurité permettant d’accéder à des dossiers stockés sur une machine automatique de traitement de l’information.

Il se compose d’un écran à cristaux liquides, d’un circuit imprimé et d’une pile, contenus dans un boîtier en matière plastique. Il peut être accroché à un porte-clés.

L’appareil génère une suite de six chiffres, qui correspond à un utilisateur unique, permettant à celui-ci d’accéder aux dossiers stockés sur une machine automatique de traitement de l’information.

L’appareil ne peut pas être connecté à une machine automatique de traitement de l’information et fonctionne en toute autonomie.

8543 89 97

Le classement est déterminé par les règles générales 1 et 6 pour l’interprétation de la nomenclature combinée et par le libellé des codes 8543, 8543 89 et 8543 89 97 de la NC.

L’appareil ne relève pas de la position 8470, car il ne permet pas la saisie manuelle de données et ne comporte pas de fonction de calcul au sens de cette position (voir les notes explicatives du SH relatives à cette position).

Il ne relève pas de la position 8471, car il ne peut pas être librement programmé conformément aux besoins de l’utilisateur [voir la note 5.A a) 2) du chapitre 84]. Il ne peut pas non plus être considéré comme une unité d’une machine automatique de traitement de l’information, car il n’est pas connectable à l’unité centrale de traitement [voir note 5.B b) du chapitre 84].

L’appareil relève de la position 8543, car il s’agit d’un appareil électrique ayant une fonction propre, non dénommé ni compris ailleurs.

18      Conformément à son article 3, le règlement est entré en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 7 juillet 2006.

19      Par lettre du 11 août 2006, en réponse à une demande de renseignements adressée le 8 août 2006 par la requérante, les IRC ont confirmé que le règlement attaqué classait le « RSA SecurID authenticator sous la position 8543 89 97 », en indiquant également qu’il annulait, à compter de la date de son entrée en vigueur, la décision des AC du 10 octobre 2005 et qu’il s’appliquait au produit en cause tant sous sa forme « key fob » que sous sa forme « carte de crédit ».

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 août 2006, la requérante a introduit le présent recours.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 novembre 2006, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations écrites sur cette exception le 8 janvier 2007.

22      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        subsidiairement, surseoir à statuer sur ladite exception dans l’attente d’une décision sur le fond ;

–        annuler le règlement attaqué au motif qu’il ne classe pas son produit dans la nomenclature combinée, par référence à ses caractéristiques et qualités objectives ;

–        à titre subsidiaire, annuler le règlement attaqué, car il a été promulgué sur la base d’un détournement de pouvoir et/ou d’une violation des formes substantielles par la Commission ;

–        dire pour droit que le produit, qui est par nature une machine automatique de traitement de l’information, doit être classé sous la position 8471 de la nomenclature combinée ;

–        à titre subsidiaire, dire pour droit que la caractéristique essentielle du produit est sa capacité spécifique à générer et à réaliser des calculs mathématiques spécifiés par l’utilisateur au moment de l’achat et qu’il doit, dès lors, être classé comme une calculatrice sous la position 8470 de la nomenclature combinée ;

–        déclarer que la caractéristique essentielle du produit n’est pas celle d’un appareil de sécurité ou d’octroi d’accès à des fichiers, qu’ils soient conservés sur une machine automatique de traitement de l’information ou autrement ;

–        ordonner le remboursement des droits de douane qu’elle a payés au titre de l’importation du produit au sein de la Communauté depuis l’entrée en vigueur du règlement attaqué ainsi que le paiement des intérêts s’y rapportant ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      À titre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a, par lettre du 4 mars 2008, posé une question écrite à la Commission en l’invitant également à produire certains documents. La Commission a déféré à ces demandes dans les délais impartis.

 En droit

25      Aux termes de l’article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande sans ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

26      La Commission fait valoir que la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué.

27      Elle rappelle, tout d’abord, que, selon la jurisprudence, un recours formé par un particulier n’est pas recevable dans la mesure où il est dirigé contre un règlement de portée générale au sens de l’article 249, deuxième alinéa, CE. Elle fait valoir, en particulier, que, selon une jurisprudence constante, les opérateurs ne sont pas individuellement concernés par les règlements de classement tarifaire des marchandises dans la nomenclature combinée et que leurs recours à l’encontre de ces règlements ont été rejetés comme irrecevables.

28      Par ailleurs, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Sony Computer Entertainment Europe/Commission (T‑243/01, Rec. p. II‑4189, ci‑après l’« arrêt Sony »), serait la seule dans laquelle un opérateur a été considéré comme individuellement concerné par un règlement de classement tarifaire, et cela eu égard à l’existence de quatre facteurs combinés. Les « circonstances exceptionnelles » de cette affaire ne seraient en l’occurrence pas suffisamment établies pour pouvoir parvenir à la même conclusion.

29      Quant au premier facteur, à savoir le fait qu’à l’origine du règlement en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sony, point 28 supra, il y avait eu une demande de RTC présentée par la société Sony et qu’aucun autre produit, exception faite de sa console de jeux, n’avait fait l’objet d’une démonstration ou d’une discussion lors de la procédure ayant abouti à l’adoption dudit règlement (arrêt Sony, point 28 supra, points 64 à 66), la Commission estime qu’il ne peut que revêtir une importance minime ou nulle en l’espèce, dès lors que la procédure qui aboutit à l’adoption d’un règlement de classement tarifaire est toujours déclenchée par des difficultés liées au classement d’un produit. En outre, ainsi que la requérante l’aurait reconnu dans sa requête, le produit en cause n’aurait pas été spécifiquement examiné par le comité nomenclature et aucune photographie de ce produit n’aurait été présentée. De plus, la requérante aurait également reconnu que ledit comité avait pris en considération la situation d’un produit similaire, le « Digipass », antérieurement classé sous la même position.

30      S’agissant du deuxième facteur, à savoir le fait que Sony était le seul opérateur affecté dans sa position juridique par le règlement de classement en cause, lequel aurait exercé une influence sur l’issue du litige au niveau national (arrêt Sony, point 28 supra, points 68 et 69), la Commission fait observer que la requérante n’a pas établi l’existence d’un litige porté devant les juridictions nationales concernant le classement du produit en cause, décision dont l’issue dépendrait du règlement attaqué. En outre, la requérante ne serait pas la seule entreprise à être affectée par le règlement attaqué, ainsi qu’elle‑même l’aurait expressément reconnu dans sa requête, dès lors qu’au moins quatre entreprises différentes seraient en mesure de fabriquer et de commercialiser des produits présentant des caractéristiques soit semblables, soit très semblables, à celles du produit de la requérante et tous susceptibles d’être affectés par ledit règlement. À cet égard, si l’échange de correspondance avec les autorités irlandaises, annexée à la requête, démontrait indubitablement que le règlement attaqué est applicable à son produit, il ne démontrerait toutefois pas que son produit est le seul à être affecté par ledit règlement.

31      Quant au troisième facteur, à savoir le fait que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sony, point 28 supra, le règlement en cause concernait spécifiquement le produit de la partie requérante, étant donné qu’une photographie du produit avec le logo Sony y était annexée et qu’il n’existait pas, au moment de l’entrée en vigueur dudit règlement, d’autres produits présentant des caractéristiques identiques (arrêt Sony, point 28 supra, points 71 à 74), la Commission estime qu’il n’est pas présent en l’espèce. Le règlement attaqué ne contiendrait, en effet, aucune photographie du produit litigieux ni aucune référence à un logo, à un brevet, à une marque commerciale ou à un autre droit de propriété détenus par la requérante. Par ailleurs, la requérante n’aurait prétendu ni qu’elle était titulaire des brevets décrivant le produit litigieux, dont les extraits ont été versés au dossier, ni que le règlement attaqué exerçait une quelconque incidence sur les droits conférés par ceux-ci. La Commission estime, enfin, que la description du produit figurant dans la colonne 1 de l’annexe du règlement attaqué est générique, fondée sur les caractéristiques et propriétés techniques des marchandises en cause ainsi que sur les motivations exposées dans la colonne 3 de l’annexe, et qu’il ne saurait être déduit de cette description qu’elle s’applique uniquement au produit de la requérante, qui n’aurait d’ailleurs pas prétendu ou démontré le contraire.

32      S’agissant du quatrième facteur, la Commission fait valoir que, contrairement à Sony, qui était le seul importateur autorisé du produit classé dans le règlement en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sony, point 28 supra, la requérante n’a pas allégué qu’elle serait l’unique importateur autorisé du produit en cause.

33      La Commission estime, en définitive, qu’aucune des circonstances exceptionnelles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sony, point 28 supra, n’est applicable en l’espèce. Par conséquent, il y aurait lieu de définir le règlement attaqué en tant que mesure de portée générale au sens de l’article 249, deuxième alinéa, CE. La requérante ne serait, dès lors, pas individuellement concernée par ce règlement. La Commission rappelle, en outre, que, selon la jurisprudence, un règlement de classement tarifaire est applicable par analogie, en ce que l’examen d’un produit déterminé par le comité nomenclature concerne non seulement le produit en question, mais également les produits identiques ou similaires.

34      Enfin, la Commission fait observer qu’une décision d’irrecevabilité du recours ne priverait pas la requérante de protection juridictionnelle, dès lors qu’elle pourrait exciper de l’illégalité du règlement attaqué au soutien d’une action formée devant le juge national contre un acte national d’exécution.

35      La requérante conteste les arguments de la Commission et s’estime individuellement concernée par le règlement attaqué en raison d’une situation de fait la caractérisant par rapport à tout autre opérateur.

36      Elle fait valoir que, conformément à l’arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197, ci-après l’« arrêt Plaumann »), plusieurs facteurs spécifiques sont susceptibles de particulariser sa situation.

37      En premier lieu, les AC auraient accueilli favorablement son recours contre le classement tarifaire du produit en cause opéré par le RTC du 8 avril 2004, ce qui aurait impliqué une révocation de celui-ci.

38      En deuxième lieu, la décision des AC serait devenue définitive en droit irlandais, dès lors que les IRC auraient choisi, après avoir consulté la Commission, de ne pas exercer leur droit de recours à l’encontre de cette décision.

39      En troisième lieu, la procédure administrative menée par les IRC et par la Commission, à la suite de la décision des AC, l’aurait été spécifiquement au sujet du produit en cause.

40      En quatrième lieu, les lettres des IRC adressées à la requérante (voir points 16 et 19 ci-dessus) démontreraient indubitablement que le règlement attaqué a été rédigé dans le but précis de renverser la décision de classement tarifaire des AC.

41      En cinquième et dernier lieu, la requérante serait la seule entreprise ayant obtenu par voies de droit l’annulation d’un RTC relatif à son produit et qui, de ce fait, bénéficierait d’un classement tarifaire plus favorable, classement qui a été invalidé par le règlement attaqué.

42      La requérante fait également valoir que le règlement attaqué, bien qu’il puisse apparaître comme étant rédigé en des termes généraux et abstraits, ne saurait être analysé uniquement comme une mesure de portée générale s’appliquant à des situations déterminées objectivement et comportant des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. La nature de la participation de la Commission au choix des IRC d’abandonner leur recours contre la décision des AC, la manière dont le règlement attaqué a été rédigé ainsi que son adoption témoigneraient du fait qu’il constitue une mesure visant délibérément à annuler la décision des AC et, par conséquent, le RTC délivré par les IRC à la suite de cette décision. En définitive, le règlement attaqué ne serait qu’une décision déguisée.

43      La requérante se réfère, en outre, à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil (C‑309/89, Rec. p. I‑1853, ci‑après l’« arrêt Codorníu »), dans laquelle la partie requérante avait été considérée comme individuellement concernée, car, d’une part, elle possédait un droit légal à utiliser une marque graphique enregistrée avant l’adoption du règlement en cause et, d’autre part, ce dernier l’empêchait de bénéficier de tous les droits sur sa marque. En l’espèce, la requérante se trouverait dans une situation analogue à celle de la société Codorníu, ayant établi un droit légal, moyennant la décision des AC, à un classement tarifaire particulier, droit légal que le règlement attaqué viserait à réformer.

44      De surcroît, l’analyse faite par la Commission de la notion de personne « individuellement concernée » serait erronée au point qu’elle assimilerait subrepticement cette notion à celle de personne « singulièrement concernée ». Or, ainsi que le démontrerait l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorníu, point 43 supra, la circonstance que d’autres producteurs communautaires, éventuellement titulaires de marques, aient été pareillement touchés par le règlement en cause n’aurait pas empêché la Cour de constater que Codorníu avait établi être directement et individuellement concernée par celui-ci. La Cour n’aurait, dès lors, pas jugé que le règlement litigieux devait atteindre Codorníu spécialement et exclusivement pour lui reconnaître le droit d’introduire un recours en annulation.

45      La requérante souligne que la jurisprudence à laquelle la Commission se réfère n’est pas pertinente. Les circonstances factuelles des affaires ayant donné lieu aux arrêts de la Cour du 6 octobre 1982, Alusuisse/Conseil et Commission (307/81, Rec. p. 3463), et du 14 février 1985, Casteels/Commission (40/84, Rec. p. 667), ainsi qu’aux ordonnances du Tribunal du 29 avril 1999, Alce/Commission (T‑120/98, Rec. p. II‑1395), et du 30 janvier 2001, Iposea/Commission (T‑49/00, Rec. p. II‑163), seraient, en effet, radicalement différentes de celles de la présente espèce.

46      La requérante considère, en outre, que l’interprétation de l’arrêt Sony, point 28 supra, donnée par la Commission est erronée, en ce qu’elle vise à subordonner la recevabilité du recours en annulation d’un règlement portant classement tarifaire à l’existence des quatre facteurs combinés. Au contraire, cette affaire devrait être comprise en ce sens que c’est la présence de ces quatre facteurs qui a amené le Tribunal à conclure, par application des critères dégagés dans l’arrêt Plaumann, point 36 supra, à l’affectation individuelle de Sony.

47      La requérante conteste également le bien-fondé des arguments de la Commission relatifs aux quatre facteurs identifiés par celle‑ci. Quant au premier facteur, elle fait valoir que le contexte factuel de la présente affaire ne peut pas être ignoré dans le cadre de l’appréciation des agissements de la Commission au cours de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, dès lors qu’elle avait l’intention de lui refuser la classification tarifaire décidée par les AC. Cet aspect du contexte factuel, avec toutes les interactions intervenues entre la Commission et les IRC, démontrerait, en particulier, que le règlement attaqué est en réalité une décision déguisée identifiant la requérante comme individuellement concernée.

48      À cet égard, la requérante réfute l’allégation de la Commission qui considère comme un élément établissant l’absence d’affectation individuelle de la requérante le fait que ni le produit en cause, ni les photographies le représentant, ni le dossier de son brevet n’ont été spécifiquement examinés par le comité nomenclature. Un tel manque d’attention à l’égard de son produit témoignerait, au contraire, d’une absence de bonne administration dans la procédure d’adoption du règlement attaqué. Ainsi que le démontrerait la correspondance entre la requérante et les IRC, les membres du comité nomenclature, comme la Commission elle‑même, étaient conscients que l’objet principal de leurs travaux était d’examiner la classification tarifaire du produit opérée par les AC, étant donné que cette question leur avait été soumise par les IRC, à la suite de la décision des AC. En définitive, la seule circonstance que le droit de la requérante de bénéficier d’un classement tarifaire à la suite de la décision des AC a été délibérément écarté par le règlement attaqué permettrait de l’individualiser par rapport aux autres opérateurs.

49      S’agissant du deuxième facteur, la requérante estime que l’allégation de la Commission relative à l’inexistence, dans le cas d’espèce, d’un litige porté devant les juridictions nationales concernant le classement du produit en cause, dont l’issue dépendrait du règlement attaqué, est sans rapport avec la question de la recevabilité de son recours.

50      Elle considère, en outre, que l’allégation de la Commission selon laquelle elle n’est pas, contrairement à Sony, le seul opérateur affecté dans sa position juridique par le règlement attaqué témoignerait d’une mauvaise compréhension de l’arrêt Sony, point 28 supra. En effet, tout comme Sony, d’une part, la requérante aurait obtenu gain de cause dans son recours introduit contre un RTC délivré par les autorités douanières nationales et, d’autre part, le classement tarifaire favorable accordé par la juridiction nationale aurait été annulé et remplacé par le règlement attaqué. La requérante serait, dès lors, la seule entreprise dont la position juridique a été affectée par l’adoption de ce règlement.

51      Par ailleurs, la position juridique des autres entreprises qui sont en mesure de fabriquer et de commercialiser des produits susceptibles d’être concernés par le règlement attaqué ne serait pas affectée par celui‑ci. En effet, ces entreprises, contrairement à la requérante, n’auraient aucunement obtenu de droit particulier d’importer leurs produits dans la Communauté sous la position tarifaire 8470. Leur position juridique serait, de ce fait, analogue à celle de l’autre opérateur mentionné au point 70 de l’arrêt Sony, point 28 supra, qui s’était fait délivrer un RTC relatif à un produit semblable à la PlayStation®2 dans la position tarifaire contestée par Sony et non pas dans celle qui lui avait été accordée par le VAT and Duties Tribunal (tribunal de la TVA et des droits d’enregistrement, Royaume‑Uni).

52      S’agissant du troisième facteur, la requérante estime que l’importance attribuée par la Commission au fait que le règlement attaqué ne contient pas de photographies du produit ni d’autres références directes ou indirectes à son logo, à son brevet ou à sa marque commerciale constitue encore une déformation des constatations faites par le Tribunal dans l’arrêt Sony, point 28 supra. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la photographie du produit annexée au règlement litigieux n’aurait représenté, en effet, qu’une preuve supplémentaire et non décisive du fait que le règlement en cause devait être compris comme une décision portant classement tarifaire du produit PlayStation®2. Il ne serait pas possible de tirer de ce fait la conclusion selon laquelle le Tribunal aurait décidé que l’absence d’une telle preuve, écrite ou photographique, dans le corps d’un règlement et de ses annexes, ferait obstacle à ce que l’importateur en question soit individuellement concerné par ce règlement. Une telle conclusion serait contraire à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle l’absence dans un règlement d’éléments d’identification des opérateurs susceptibles d’être affectés n’est pas déterminante pour affirmer qu’ils ne peuvent pas être individuellement concernés, ce dernier aspect pouvant être établi, selon l’arrêt Plaumann, point 36 supra, par l’existence de faits ou de circonstances de nature à les individualiser.

53      En ce qui concerne l’argument de la Commission tiré de l’absence de valeur probante des extraits de brevets versés au dossier par la requérante, cette dernière rétorque qu’elle n’a jamais prétendu que le règlement attaqué portait atteinte aux droits qu’elle tire des brevets en cause. À cet égard, elle souligne que ce n’est pas l’existence des brevets mais la décision des AC qui détermine le lien entre les circonstances factuelles de la présente espèce et celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorníu, point 43 supra.

54      La requérante conteste également l’argument de la Commission selon lequel le quatrième facteur de l’arrêt Sony, point 28 supra, ne serait pas applicable en l’espèce, car, contrairement à Sony, elle n’est pas la seule importatrice autorisée du produit litigieux. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal n’aurait pas jugé qu’un opérateur doit être l’unique importateur agréé pour pouvoir être individuellement concerné par un règlement portant classement tarifaire, ce qui serait, par ailleurs, contraire à l’arrêt Plaumann, point 36 supra. En outre, la requérante conteste l’approche de la Commission selon laquelle la pratique du règlement de classement tarifaire par analogie rendrait tout recours contre ce type d’acte irrecevable. Le classement par analogie serait, en effet, sans incidence sur le droit d’une personne physique ou morale d’établir son affectation individuelle afin que son recours devant le juge communautaire soit déclaré recevable.

55      S’agissant, enfin, de l’argument de la Commission concernant la protection juridictionnelle effective, la requérante souligne que le présent recours constitue sa voie unique d’attaquer le règlement en cause, dans la mesure où elle ne peut plus recourir aux procédures d’appel devant les Superior Courts of Ireland, à la suite du choix des IRC de ne pas poursuivre cette option. Par ailleurs, le droit absolu et sans réserve, conféré par l’article 230, quatrième alinéa, CE aux particuliers, de saisir le Tribunal d’un recours en annulation contre un règlement s’ajouterait au droit d’exciper de l’invalidité d’un acte communautaire devant une juridiction nationale, et l’existence de voies de recours ne ferait pas, en elle‑même, obstacle à la recevabilité d’un recours en annulation introduit en application dudit article.

 Appréciation du Tribunal

56      Selon une jurisprudence bien établie, les personnes physiques et morales ne sont, en principe, pas recevables à introduire, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, des recours en annulation contre des règlements de classement tarifaire. En dépit de l’apparence concrète des descriptions qu’ils contiennent, ces actes n’en ont pas moins, à tous égards, une portée générale en ce que, d’une part, ils concernent tous les produits répondant au type décrit, quelles que soient par ailleurs leurs caractéristiques individuelles et leur provenance, et en ce que, d’autre part, ils produisent leurs effets, dans l’intérêt d’une application uniforme du tarif douanier commun, pour toutes les autorités douanières de la Communauté et à l’égard de tous les importateurs (voir arrêt Sony, point 28 supra, point 58, et la jurisprudence citée ; ordonnances du Tribunal du 19 mars 2007, Tokai Europe/Commission, T‑183/04, non publiée au Recueil, point 48, et du 19 février 2008, Apple Computer International/Commission, T‑82/06, non encore publiée au Recueil, point 45).

57      En l’espèce, l’article 1er du règlement attaqué dispose que les marchandises présentant les caractéristiques décrites dans la colonne 1 du tableau figurant en annexe doivent être classées, au sein de la nomenclature combinée, dans le code NC correspondant indiqué dans la colonne 2 du même tableau, à savoir le code NC 8543 89 97. La disposition s’applique à tous les produits analogues ou répondant au type décrit, quelles que soient par ailleurs leurs caractéristiques individuelles et leur provenance (voir, en ce sens, arrêt Casteels/Commission, point 45 supra, point 11, et ordonnance Apple Computer International/Commission, point 56 supra, point 46).

58      Cette disposition, se présentant comme une mesure de portée générale, au sens de l’article 249, deuxième alinéa, CE, s’applique à une situation déterminée objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, et notamment des importateurs du produit qu’elle décrit (voir, en ce sens, ordonnance Iposea/Commission, point 45 supra, point 24, et la jurisprudence citée).

59      Toutefois, même un acte de portée générale peut, dans certaines circonstances, concerner individuellement certains opérateurs économiques, qui peuvent donc l’attaquer sur la base de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Tel est le cas lorsque l’acte en cause les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire d’une décision (arrêts Plaumann, point 36 supra, p. 223, et Codorníu, point 43 supra, points 19 et 20 ; ordonnances Tokai Europe/Commission, point 56 supra, point 49, et Apple Computer International/Commission, point 56 supra, point 48). À cet égard, la seule circonstance qu’un acte de portée générale puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’est pas de nature à les caractériser par rapport à tous les autres opérateurs concernés, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (ordonnance de la Cour du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, C‑409/96 P, Rec. p. I‑7531, point 37 ; ordonnances du Tribunal du 25 septembre 2002, Di Lenardo/Commission, T‑178/01, non publiée au Recueil, point 52, et du 12 janvier 2007, SPM/Commission, T‑104/06, non publiée au Recueil, point 70).

60      Selon une jurisprudence constante, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’a nullement pour effet que ceux‑ci doivent être considérés comme concernés individuellement par cette mesure, dès lors que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêt Codorníu, point 43 supra, point 18 ; ordonnances Iposea/Commission, point 45 supra, point 31,  et Apple Computer International/Commission, point 56 supra, point 52).

61      Il ne suffit pas, en outre, que certains opérateurs soient économiquement plus touchés par un acte que les autres opérateurs du même secteur pour qu’ils soient considérés comme individuellement concernés par cet acte (ordonnances du Tribunal du 8 septembre 2005, Lorte e.a./Conseil, T‑287/04, Rec. p. II‑3125, point 54, et du 12 mars 2007, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑417/04, Rec. p. II‑641, point 58).

62      En l’espèce, la requérante fait, en substance, valoir que le classement en question a été déclenché par sa demande de RTC auprès des IRC, que, à la suite de son recours auprès des AC, ces derniers auraient adopté une décision définitive à l’égard du produit en cause en le classant sous le code NC 8470 et que, par conséquent, elle serait la seule entreprise bénéficiant d’un classement tarifaire particulier, annulé par la suite par le règlement attaqué. Enfin, la procédure administrative suivie par les IRC et celle ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué suivie par la Commission, à la suite de la décision des AC, auraient été menées spécifiquement au sujet de son produit.

63      Le Tribunal estime que les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de déceler une qualité qui, par dérogation aux principes énoncés aux points 56 à 58 ci‑dessus, lui serait particulière, ni une situation de fait qui la caractériserait et, de ce fait, l’individualiserait par rapport aux autres opérateurs économiques potentiellement concernés par le règlement attaqué.

64      À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que le RTC a pour objectif de donner à l’opérateur économique toute sécurité lorsqu’un doute subsiste sur le classement d’une marchandise dans la nomenclature douanière existante, le protégeant ainsi vis-à-vis de toute modification ultérieure de la position prise par les autorités douanières concernant le classement des marchandises. En revanche, un tel RTC n’a pas pour objectif et ne saurait avoir pour effet de garantir à l’opérateur que la position tarifaire à laquelle il se réfère ne sera pas par la suite modifiée par un acte adopté par le législateur communautaire, la validité limitée d’un RTC étant fixée par l’article 12 du code des douanes lui-même (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 janvier 1998, Lopex Export, C‑315/96, Rec. p. I‑317, point 28).

65      Or, le fait qu’une juridiction d’un État membre décide d’annuler un RTC et de reclasser un produit donné sous une certaine position de la nomenclature combinée n’est pas de nature, à lui seul, à individualiser la situation juridique de l’opérateur qui pourrait s’en prévaloir. En effet, si une telle décision lie les autorités douanières du même État, cela n’implique pas, comme le prétend la requérante, que cette décision soit constitutive d’un droit à importer la marchandise sous un code NC déterminé qui serait, en tant que tel, suffisant à l’individualiser. Il s’ensuit qu’en l’espèce la requérante ne saurait fonder son individualisation sur la circonstance qu’elle serait la seule entreprise ayant obtenu par voies de droit l’annulation d’un RTC et ayant acquis, de ce fait, le droit d’importer le produit en cause sous la position 8470 de la nomenclature combinée.

66      Les considérations qui précèdent ne sauraient être infirmées par les arguments de la requérante tirés de la procédure d’adoption du règlement attaqué.

67      S’il est vrai que la procédure d’adoption du règlement attaqué a été déclenchée par la demande que les autorités irlandaises ont présentée à la suite de la décision des AC, une telle circonstance n’est toutefois pas, à elle seule, de nature à individualiser la requérante au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. L’application d’un règlement de classement tarifaire s’étend en effet, en principe, à tous les produits analogues ou répondant au type décrit, quelles que soient par ailleurs leurs caractéristiques individuelles et leurs provenances.

68      Par ailleurs, s’agissant, en premier lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle les circonstances factuelles postérieures à la décision des AC démontreraient, en substance, que ladite procédure avait été poursuivie spécifiquement au sujet du produit en cause, le Tribunal observe qu’il ressort du dossier que, déjà en août 2003, la Commission avait informé les autorités douanières des États membres qu’elle avait reçu une demande de l’administration douanière polonaise visant la classification tarifaire d’un produit, dénommé « digipass », présentant des caractéristiques semblables à celles du produit en cause. Cette question a été examinée, dans un premier temps, lors de la 322e réunion du comité nomenclature, qui a eu lieu en octobre 2003 et qui a été précédée par un échange de correspondance entre la Commission et les IRC au sujet du premier RTC émis par ces dernières, à savoir celui du 8 février 2001, attribuant une position tarifaire différente de celle indiquée par un RTC délivré par les autorités douanières allemandes, qui classait un produit semblable à celui de la requérante dans la sous‑position 8543 89 95. Ce n’est qu’à la suite de l’avis du comité nomenclature, ayant conclu que le « digipass » était un dispositif de sécurité relevant de la sous-position résiduelle 8543 89, que les IRC ont annoncé, par lettre du 1er décembre 2003, avoir révoqué le RTC du 8 février 2001 et vouloir délivrer un nouveau RTC, ce qu’ils ont fait le 8 avril 2004, reclassant le produit de la requérante sous la position 8543 89 95 99, classement qui a été ensuite remis en cause par la décision des AC du 10 octobre 2005.

69      Entre-temps, la question du classement de ces produits avait été, de nouveau, réexaminée par le comité nomenclature lors de sa 350e réunion, qui a eu lieu le 20 septembre 2004, au cours de laquelle il a été conclu que « les dispositifs, sécurisés par un mot de passe permettant l’identification de l’utilisateur, qui calculent et génèrent un mot de passe spécifique, sont des appareils ayant une fonction propre relevant du n° 8543 89 ». Toutes ces circonstances ont été, d’ailleurs, clairement évoquées dans la note des IRC qui a déclenché la procédure ayant abouti, après plusieurs discussions au sein du comité nomenclature qui ont eu lieu, respectivement, lors de ses 386e, 389e et 391e réunions, à l’adoption du règlement attaqué (voir point 15 ci‑dessus).

70      Il ne serait, dès lors, pas possible, contrairement à ce que prétend la requérante, de se limiter à la constatation que la procédure qui a suivi la décision des AC a été déclenchée par la demande des IRC, dès lors qu’elle s’inscrit dans un cadre plus général et plus vaste dépassant les circonstances factuelles de l’espèce, étant entendu que, ainsi qu’il a été précisé ci‑dessus, un autre État membre avait demandé auparavant des renseignements sur un produit similaire et que la Commission avait fait état de l’existence d’une divergence entre les RTC délivrés par les autorités douanières allemandes et irlandaises, ainsi que d’une divergence d’opinion sur le classement de tels produits entre plusieurs autorités des États membres.

71      S’agissant, en deuxième lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle les lettres qu’elle a reçues des IRC démontreraient que le règlement attaqué a été rédigé dans le but précis d’invalider la décision des AC, il convient de relever que cet argument non seulement n’a pas été suffisamment étayé, mais est également dépourvu de pertinence, étant donné que lesdites lettres proviennent des autorités douanières irlandaises et non pas de la Commission et que, de ce fait, les affirmations qui y sont contenues ne sauraient avoir pour effet d’engager cette dernière. Au demeurant, ces lettres ne font que confirmer que le règlement attaqué s’applique au produit de la requérante et ne laissent nullement transparaître que le but de ce règlement était d’invalider la décision des AC. Il résulte, en particulier, de la lettre des IRC, datée du 11 août 2006, que l’invalidité de la décision des AC est la conséquence de l’entrée en vigueur du règlement attaqué et non pas le but poursuivi par son adoption.

72      S’agissant, en troisième lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle les IRC avaient choisi, après avoir consulté la Commission, de ne pas se pourvoir contre la décision des AC, il ne ressort nullement du dossier qu’une telle décision aurait été prise à la suite d’une quelconque suggestion ou pression de la part de la Commission. Au contraire, dans la note envoyée au comité nomenclature (voir point 15 ci‑dessus) ayant déclenché la procédure qui a abouti à l’adoption du règlement attaqué, les IRC ont précisé :

« L’administration fiscale a décidé de ne pas soumettre l’exposé des faits à un avis de la Haute Cour sur un point de droit étant donné que la décision [des AC] portait sur les faits. La question est maintenant transmise au comité [nomenclature] pour information. »

73      En ce qui concerne, en quatrième lieu, l’argument de la requérante tiré de ce que la décision des AC constitue une situation de fait ayant pour effet de l’individualiser d’une manière analogue à celle dont l’était Codorníu dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorníu, point 43 supra, il suffit de souligner que, contrairement au droit de marque dont bénéficiait de manière exclusive le requérant dans ladite affaire, la Cour ayant souligné, à cet égard, que celui-ci avait enregistré sa marque graphique en Espagne en 1924 et qu’il avait utilisé traditionnellement cette marque tant avant qu’après cet enregistrement, le droit pour la requérante d’importer son produit sous un code de la nomenclature combinée donné résulte uniquement de la décision des AC. Les deux situations n’étant en aucune manière comparables, la décision des AC ne saurait être considérée comme une circonstance permettant d’individualiser la requérante d’une manière analogue à celle dont l’était Codorníu, qui, en vertu du droit exclusif résultant de l’enregistrement de sa marque, se trouvait, à la suite de l’adoption du règlement en cause, dans une situation tout à fait distincte de celle de tous les autres opérateurs économiques.

74      S’agissant, en cinquième lieu, du fait que le droit de douane correspondant à la sous‑position déterminée par le règlement attaqué est plus élevé que celui dont la requérante pouvait se prévaloir en vertu de la décision des AC, il convient de rappeler qu’il ne suffit pas que certains opérateurs soient économiquement plus touchés par un acte que les autres opérateurs du même secteur pour qu’ils soient considérés comme individuellement concernés par cet acte (ordonnances Lorte e.a./Conseil, point 61 supra, point 54, et Regione Autonoma Friuli‑Venezia Giulia/Commission, point 61 supra, point 58).

75      En ce qui concerne, en sixième lieu, l’argument de la requérante tiré du défaut, d’ailleurs non établi en l’espèce, de protection juridictionnelle effective qui résulterait de l’absence de voies de recours internes permettant un contrôle de la validité du règlement attaqué, au motif qu’elle ne pourrait plus recourir aux procédures d’appel devant les Superior Courts of Ireland, la décision des AC étant devenue définitive en droit irlandais, il convient également de le rejeter.

76      En effet, une interprétation du régime des voies de recours communautaires selon laquelle un recours direct en annulation devant le juge communautaire serait ouvert dans la mesure où il pourrait être démontré, après un examen concret par ce dernier des règles procédurales nationales, que celles-ci n’autorisent pas les personnes physiques et morales à introduire un recours leur permettant de mettre en cause la validité d’un acte communautaire prétendument illégal ne saurait être admise. Un tel régime exigerait dans chaque cas concret que le juge communautaire examine et interprète le droit procédural national, ce qui excéderait sa compétence dans le cadre du contrôle de la légalité des actes communautaires (voir ordonnance Tokai Europe/Commission, point 56 supra, point 63, et la jurisprudence citée).

77      S’agissant, en septième lieu, de l’arrêt Sony, point 28 supra, également invoqué par la requérante, il convient de relever que, ainsi que cela a été précisé au point 77 de cet arrêt, ce n’est que dans les « circonstances exceptionnelles du cas d’espèce » que la partie requérante a été considérée comme individuellement concernée. Dès lors, il y a lieu de rappeler quelles ont été ces circonstances exceptionnelles afin d’établir si, comme le soutient la requérante, elles sont réunies en l’espèce.

78      Premièrement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sony, point 28 supra, Sony, une fois informée de l’existence de discussions au sein du comité nomenclature au sujet du classement tarifaire de son produit, à savoir la console de jeux vidéo dénommée PlayStation®2, avait contacté le président dudit comité et avait, sur invitation de celui‑ci, effectué une présentation du produit lors d’une réunion du comité, en répondant aux diverses questions de ses membres. Divers contacts entre Sony et les services de la Commission ont encore eu lieu, par la suite, afin de préparer la décision relative au classement de son produit.

79      Deuxièmement, à la suite d’une décision juridictionnelle, les autorités douanières du Royaume-Uni avaient délivré à Sony un RTC classant son produit dans une sous‑position qui a été par la suite invalidée et remplacée par le règlement en cause.

80      Troisièmement, le règlement mis en cause par Sony reprenait de manière détaillée l’ensemble des caractéristiques de son produit et une photographie de celui-ci y était annexée. Par ailleurs, au moment de l’entrée en vigueur de ce règlement, il n’existait pas d’autres produits présentant des caractéristiques identiques.

81      Quatrièmement, Sony était la seule importatrice autorisée de ladite console dans la Communauté.

82      Ainsi, la seule similitude entre cette affaire et la présente affaire réside dans le fait que, dans les deux cas, il y a eu une décision d’une juridiction nationale annulant un RTC délivré auparavant par les autorités douanières et classant le produit sous un autre code NC, décision qui a ensuite été renversée par l’adoption du règlement en cause devant le Tribunal. S’agissant des différences entre les deux affaires, il y a lieu de constater que celles-ci sont notables.

83      Il en est ainsi, tout d’abord, en ce qui concerne la procédure devant le comité nomenclature, à laquelle, ainsi qu’il a été déjà souligné ci‑dessus, Sony avait, contrairement à la requérante, participé d’une manière active (voir, en ce sens, ordonnance Apple Computer International/Commission, point 56 supra, points 50 et 51).

84      Il en va de même en ce qui concerne la description du produit contenue dans la colonne 1 du tableau figurant en annexe du règlement attaqué, car la requérante, contrairement à Sony, reste en défaut de prouver que cette description contient un quelconque élément se rattachant spécifiquement et uniquement à son produit. À cet égard, il importe d’observer que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sony, point 28 supra, la Commission n’avait pas seulement décrit la manière dont la console de jeux vidéo était présentée pour la vente au détail, mais également les différents éléments dont celle‑ci était composée et auxquels elle pouvait être branchée, ainsi que ses principales fonctions. Sony avait, dès lors, réussi à établir qu’une telle description correspondait exactement aux spécifications techniques de son produit communiquées à la Commission et qu’elle était à ce point précise qu’il était exclu que, à tout le moins au moment de l’entrée en vigueur du règlement en cause, elle pût s’appliquer à d’autres appareils que sa console de jeux (arrêt Sony, point 28 supra, point 72).

85      De surcroît, contrairement à la situation de Sony qui était le seul importateur autorisé du produit litigieux dans la Communauté, dans le cas d’espèce, la requérante non seulement n’a pas prétendu démontrer le contraire, mais n’a même pas contesté l’affirmation de la Commission selon laquelle il existait au moins quatre entreprises différentes en mesure de fabriquer et de commercialiser des produits dont les caractéristiques étaient susceptibles de répondre à la description contenue dans la colonne 1 du tableau figurant en annexe du règlement attaqué. Ladite description doit, dès lors, être considérée plutôt comme générique, étant donné qu’elle peut appréhender dans son champ d’application des produits autres que celui de la requérante.

86      Enfin, il y a lieu de considérer que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sony, point 28 supra, l’existence d’une photographie du produit sur lequel le logo PS2 était clairement visible, même si la marque Sony avait été effacée, a joué une importance non négligeable dans l’appréciation de la recevabilité du recours. Bien que la photographie du produit figurant dans le tableau annexé au règlement en cause dans ladite affaire ne représente, en principe, qu’une preuve supplémentaire et non pas une preuve décisive, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un indice qu’il convient de prendre en compte en vue de l’analyse de la nature des dispositions du règlement attaqué. Or, force est de constater qu’en l’espèce le règlement attaqué ne contient aucune photographie, que ce soit du produit de la requérante ou d’un autre produit.

87      La requérante n’a, dès lors, pas établi l’existence de « circonstances exceptionnelles », telles que celles identifiées dans l’arrêt Sony, point 28 supra, permettant de conclure qu’elle était individuellement concernée par le règlement attaqué d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire d’une décision.

88      Il s’ensuit que la requérante n’est concernée par le règlement attaqué qu’en sa qualité objective d’importateur de dispositifs de sécurité permettant d’accéder à des dossiers stockés sur une machine automatique de traitement de l’information tels que ceux visés dans le tableau annexé audit règlement, au même titre que tout autre opérateur se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique.

89      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué et que, par conséquent, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      RSA Security Ireland Ltd est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 3 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Azizi


* Langue de procédure : l’anglais.