Language of document : ECLI:EU:T:2023:740

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

22 novembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Tradias – Marque de l’Union européenne verbale antérieure TRIODOS – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑32/23,

Tradias GmbH, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Me P. Bär, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Triodos Bank NV, établie à Zeist (Pays-Bas),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. P. Zilgalvis (rapporteur) et Mme E. Tichy‑Fisslberger, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tradias GmbH, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 novembre 2022 (affaire R 734/2022‑1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 26 juin 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal Tradias.

3        La marque demandée désignait les services relevant notamment de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Services financiers ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 152/2020, du 12 août 2020.

5        Le 9 novembre 2020, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, Triodos Bank NV, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée, notamment pour les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure TRIODOS, déposée le 7 mars 2003 et enregistrée le 20 décembre 2004 sous le numéro 3075801, désignant les services relevant de la classe 36 et correspondant à la description suivante : « Affaires financières et monétaires et affaires bancaires ; assurances ; services d’une banque et d’une compagnie d’assurance ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était notamment celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        Le 9 mars 2022, la division d’opposition a accueilli l’opposition et rejeté la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

9        Le 3 mai 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, sur le fondement des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours et a, en substance, considéré qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en ce qui concerne les services relevant de la classe 36. En particulier, premièrement, la chambre de recours a relevé que le public pertinent était le grand public de l’Union européenne ainsi que le public professionnel. Ce public ferait preuve d’un niveau d’attention « plus élevé ». À l’instar de la division d’opposition, elle a décidé de se concentrer sur la partie « de langue polonaise » du public pertinent. Deuxièmement, ladite chambre a considéré que les services visés par la marque demandée et ceux couverts par la marque antérieure étaient identiques. Troisièmement, elle a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique et ne pouvaient pas être comparés sur le plan conceptuel. Enfin, quatrièmement, en l’absence des éléments de preuve établissant un caractère distinctif accru de la marque antérieure, elle a conclu que cette marque jouissait d’un caractère distinctif intrinsèque moyen.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a accueilli l’opposition pour les « [s]ervices financiers » relevant de la classe 36 et rejeter l’opposition dans son intégralité ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de tenue d’une audience.

 En droit

 Sur la demande en annulation de la décision attaquée

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur dans son appréciation du degré de similitude entre les signes en conflit, en particulier dans la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle, et a procédé à une évaluation erronée des facteurs pertinents pour l’appréciation du risque global de confusion.

14      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

16      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

17      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

18      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent moyen.

19      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne remet pas en cause les appréciations de la chambre de recours relatives au public pertinent, à son niveau d’attention ainsi qu’à la comparaison des services en cause.

20      D’une part, à cet égard, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne le public pertinent, que la chambre de recours a considéré que les services en cause s’adressaient à la fois au grand public et à un public de professionnels. L’ensemble de ce public ferait preuve d’un niveau d’attention « plus élevé ». Quant au territoire pertinent, bien qu’il s’agisse de celui de l’Union, la chambre de recours a décidé de se concentrer sur le public « de langue polonaise ».

21      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le niveau d’attention du public spécialisé et du grand public pour les « [s]ervices financiers » est élevé en ce qu’ils sont susceptibles d’avoir un impact direct sur les avoirs économiques et financiers des consommateurs, qu’ils mettent généralement en jeu des sommes importantes et qu’ils peuvent avoir des conséquences financières importantes [voir arrêt du 2 mars 2022, Banco de Investimento Global/EUIPO – Banco BIC Português (EUROBIC), T‑125/21, non publié, EU:T:2022:102, point 66 et jurisprudence citée]. Tel est le cas en l’espèce dans la mesure où les services en cause sont des services financiers.

22      D’autre part, s’agissant de la comparaison des services concernés, la chambre de recours a considéré qu’ils étaient identiques dans la mesure où les services financiers visés par la marque demandée incluaient les affaires financières couvertes par la marque antérieure.

23      Il y a lieu d’approuver ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

 Sur la comparaison des signes

24      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne les similitudes visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, il y a lieu de comparer les deux signes verbaux, à savoir Tradias et TRIODOS.

26      Premièrement, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, la requérante soutient qu’ils ne sont similaires qu’à un très faible degré ou qu’ils sont dépourvus de similitude. Elle estime que la conclusion de la chambre de recours n’est pas étayée par le raisonnement de celle-ci dont il ressortirait qu’il existerait plus de différences que de similitudes, étant donné que les parties centrales étaient différentes. De même, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte des arguments relatifs à la différence significative due à la double utilisation des voyelles dans chacun des signes. Ainsi, la requérante indique que sur les sept lettres que comptent les deux signes, plus de la moitié, à savoir quatre, sont différentes. Les signes différeraient par leurs premières syllabes qui se termineraient respectivement par la lettre « i » et la lettre « a » ainsi que par les séquences « a », « d », « i » et « a » pour la marque demandée et « i », « o », « d » et « o » pour la marque antérieure. Selon la requérante, l’utilisation du double « a » dans la marque demandée et du double « o » dans la marque antérieure est un élément qui serait facilement mémorisé par les consommateurs étant donné qu’il présente un effet visuel et phonétique répétitif.

27      L’EUIPO fait valoir que les signes en conflit se composent chacun d’un seul élément verbal comportant sept lettres dont cinq sont les mêmes : leurs deux premières lettres « t » et « r » et la dernière lettre « s » sont placées dans les mêmes positions, tandis que les lettres « d » et « i » sont placées dans un ordre différent. Dès lors, les différences se limitant aux parties centrales des signes en conflit ne suffiraient pas à contrebalancer les similitudes importantes. De même, selon l’EUIPO, la circonstance selon laquelle la marque demandée comporte deux lettres « a » et la marque antérieure deux lettres « o » n’a pas d’incidence importante sur la perception visuelle desdits signes.

28      La chambre de recours a relevé que les deux signes étaient composés du même nombre de lettres, qu’ils commençaient par les mêmes lettres (« t » et « r ») et qu’ils se terminaient par la même lettre (« s »). Bien que les signes en cause contiennent également les lettres « a » et « d », placées certes à des endroits différents, ils différeraient par leurs parties centrales. Selon la chambre de recours, le degré de similitude visuelle des signes est moyen.

29      En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que les deux signes ont le même nombre de lettres, à savoir sept, commencent par les mêmes lettres (« t » et « r ») et se terminent par la lettre « s ». En revanche, les parties centrales des signes en conflit, composées des lettres « a », « d », « i » et « a » dans la marque demandée et « i », « o », « d » et « o » dans la marque antérieure, sont différentes, ainsi que l’avait reconnu la chambre de recours, même si les lettres « i » et « d » y apparaissent, il est vrai, dans un ordre différent. Force est de constater que la différence au niveau de la partie centrale des signes en conflit correspondant à quatre lettres sur les sept que comportent ces signes sera remarquée par le consommateur, notamment en raison de la présence, dans chacun des signes, de voyelles différentes, « a » pour la marque demandée et « o » pour la marque antérieure. En conséquence, le niveau de similitude visuelle est inférieur à la moyenne et non pas moyen comme l’avait considéré la chambre de recours.

30      Deuxièmement, s’agissant de la comparaison sur le plan phonétique, la requérante soutient que les signes sont différents. Elle estime que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il existerait un degré moyen de similitude sur le plan phonétique ne serait pas étayée par les motifs que celle-ci invoque. En effet, la chambre de recours aurait considéré que les sons différaient par les lettres du milieu, ce qui créerait une impression phonétique distincte. Or, une « impression phonétique distincte » exclurait toute similitude à un degré moyen.

31      Selon la requérante, l’impression phonétique d’ensemble serait sensiblement différente étant donné que la séquence de lettres différente, en particulier la séquence de voyelles différente, entraîne des sons et une prononciation différents pour chaque syllabe ainsi qu’une prononciation et une intonation d’ensemble différentes des deux signes.

32      En outre, la requérante considère que la combinaison des voyelles « a » ou « o » et de la consonne « d » entraîne une « pause phonétique » lors de la prononciation de deux signes dont découlerait un « rythme d’énonciation » différent pour ces signes, qui seront prononcés, respectivement, « trio » « dos » et « tra » « dias ».

33      L’EUIPO estime que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen. Il rappelle, en substance, ses observations formulées concernant la similitude visuelle et fait valoir que les différences existant entre les signes se limitent à leurs parties centrales et que, dès lors, elles auront moins d’incidence sur l’impression phonétique d’ensemble.

34      En ce qui concerne l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les lettres centrales des signes créent une « impression [phonétique] reconnaissable », l’EUIPO avance que celle-ci ne saurait être interprétée comme signifiant que les signes ont été considérés comme différents sur le plan phonétique. Lesdites différences auraient été jugées comme insuffisantes pour écarter les similitudes phonétiques entre les signes.

35      La chambre de recours a considéré que les signes présentaient un degré moyen de similitude phonétique dans la mesure où ils coïncidaient par le son de leurs lettres « t », « r » et « s » ainsi que par leur nombre de syllabes. De même, le rythme des mots présenterait une certaine ressemblance dans les deux signes. En revanche, les sons différeraient par les lettres du milieu créant ainsi une impression phonétique distincte.

36      À cet égard, il y a lieu de considérer, à l’instar de l’EUIPO, que les considérations de la chambre de recours ne sont pas contradictoires. L’affirmation selon laquelle les lettres du milieu des signes créeraient une impression phonétique distincte doit être comprise en ce que cette différence permettra de distinguer les deux marques, mais ne signifie pas pour autant qu’elle contrebalancera toutes les similitudes, rendant ainsi les signes différents.

37      Toutefois, il convient de constater que la chambre de recours a sous-estimé l’impact sur l’impression phonétique globale des signes en conflit résultant de la partie centrale qui est différente et qui influencera également le rythme desdits signes qui n’échappera pas au public manifestant un niveau d’attention élevé. En effet, ainsi que le soutient la requérante, la marque demandée sera prononcée en les trois syllabes « tra » « di » « as », tandis que la marque antérieure le sera en les trois syllabes « tri » « o » « dos », voire en les deux syllabes « trio » « dos ». Il en résulte que le degré de similitude phonétique dû aux lettres en commun est faible et non pas moyen.

38      Troisièmement, s’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, la requérante soutient que le public percevrait, dans la marque antérieure, l’élément « trio » qui serait associé à un groupe de trois personnes. Elle en déduit que la comparaison des signes sur le plan conceptuel distinguerait davantage les signes en conflit. Or, cette circonstance n’aurait pas été prise en compte par la division d’opposition et la chambre de recours.

39      L’EUIPO indique qu’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a dûment examiné l’argument de la requérante toutefois l’a implicitement mais nécessairement rejeté. Selon lui, il est peu probable qu’un consommateur moyen du public de langue polonaise « décompose » l’élément « trio » dans la marque antérieure et le rattache au chiffre 3. Il n’y aurait aucun élément graphique permettant de distinguer cette partie du reste du signe ; l’élément « trio » ne revêt pas une signification claire et évidente et son emploi serait limité principalement au domaine musical.

40      La chambre de recours a considéré qu’il n’était pas possible d’effectuer la comparaison conceptuelle étant donné que les signes n’avaient aucune signification sur le territoire pertinent.

41      À cet égard, il y a lieu de rappeler que lorsque les signes en conflit sont dénués de toute signification concrète ou de tout contenu sémantique, la comparaison conceptuelle n’est pas possible [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2020, FF Group Romania/EUIPO – KiK Textilien und Non-Food (_kix), T‑659/19, non publié, EU:T:2020:328, point 84 et jurisprudence citée].

42      Or, les éléments verbaux constituant les marques en conflit, « tradias » et « triodos », sont dénués de signification pour le public polonais de l’Union.

43      Quant à l’argument de la requérante selon lequel le public pertinent identifierait le terme « trio » dans la marque antérieure, il suffit de relever que, en tout état de cause, cette possibilité ne concernerait tout au plus qu’une partie dudit public, de sorte que pour le reste dudit public la marque antérieure sera dénuée de signification.

44      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la comparaison conceptuelle n’était pas possible en l’espèce.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

45      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

46      La requérante estime que la chambre de recours aurait dû conclure que les signes étaient différents sur les plans visuel et phonétique, ou tout au plus similaires seulement à un très faible degré sur le plan visuel. De même, celle-ci aurait dû tenir compte de la signification conceptuelle que le public associera à la marque antérieure. Compte tenu du niveau d’attention plutôt élevé du public pertinent, la chambre de recours aurait dû conclure à l’absence de risque de confusion. La requérante ajoute que, contrairement aux considérations de la chambre de recours, un consommateur dont le niveau d’attention est élevé n’ignorera pas les différences entre les signes, même s’il se fie à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire.

47      De même, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’une « erreur d’incohérence », dans la mesure où dans une autre procédure d’opposition concernant la marque antérieure et une marque figurative de la requérante contenant les éléments verbaux « tradias trading digital assets », la chambre de recours aurait tiré des conclusions différentes en ce qui concerne la similitude entre les éléments « triodos » et « tradias ».

48      L’EUIPO considère que compte tenu de l’identité des services concernés les similitudes que présentent les marques sont suffisantes pour que le public pertinent les confonde, même en faisant preuve d’un niveau d’attention plus élevé. Quant à la décision de la chambre de recours invoquée par la requérante, l’EUIPO relève que la marque demandée comportait des éléments figuratifs et verbaux supplémentaires dont les premiers ont influencé la conclusion de la chambre de recours portant sur la comparaison phonétique. Enfin, selon l’EUIPO, un niveau d’attention plus élevé ne saurait à lui seul exclure l’existence d’un risque de confusion. De même, il avance qu’en raison d’un souvenir imparfait le public serait susceptible de garder en mémoire les similitudes plutôt que les différences des signes.

49      La chambre de recours a considéré que, compte tenu du degré moyen de similitude des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique et de l’identité des services concernés, l’existence d’un risque de confusion ne saurait être exclue en l’espèce étant donné que le public pertinent, bien qu’il fasse preuve d’un niveau d’attention élevé, ne sera pas en mesure d’établir une stricte distinction entre les signes. Elle a ajouté que « le souvenir imparfait mentionné [pouvait] ne pas tenir compte des différences entre les signes ». En outre, elle a considéré que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était moyen en l’espèce.

50      Ainsi qu’il ressort des considérations qui précèdent, les services visés par les marques en conflit sont identiques (voir point 22 ci-dessus), les marques, quant à elles, présentent un degré de similitude inférieur à la moyenne sur le plan visuel et un degré de similitude faible sur le plan phonétique (voir points 29, 37 et 44 ci-dessus). Il en résulte que, en raison d’un niveau d’attention élevé que le public pertinent manifestera à l’égard des services financiers (voir point 21 ci-dessus), les similitudes existant entre les marques en conflit ne sont pas suffisantes pour créer un risque de confusion en l’espèce. Dans ces conditions, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant qu’il existait un risque de confusion en l’espèce pour le public polonais de l’Union.

51      Quant à l’argument de l’EUIPO selon lequel, en raison d’un souvenir imparfait, le public serait susceptible de garder en mémoire les similitudes plutôt que les différences entre les signes, il convient de relever que cet argument n’est pas soutenu par la jurisprudence à laquelle il se réfère. En effet, au point 99 de l’arrêt du 2 mars 2022, Degode/EUIPO – Leo Pharma (Skinovea) (T‑715/20, non publié, EU:T:2022:101), le Tribunal a considéré qu’en raison d’une mémoire imparfaite il était très probable que, eu égard à la présence et à la place de l’élément commun dans les marques en conflit, le public pertinent, même s’il faisait preuve d’un niveau d’attention élevé eu égard à certains des produits et des services en cause, puisse être amené à croire que les produits et les services en cause provenaient de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Or, force est de constater que ni cette jurisprudence, ni celle à laquelle s’est référé le Tribunal n’affirment que le public pertinent serait plus enclin à garder en mémoire des similitudes plutôt que des différences existant entre les marques.

52      À cet égard, il doit être rappelé que le consommateur moyen des services concernés n’effectue généralement pas de rapprochement direct entre les marques en conflit (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53). De surcroît, la notion de souvenir imparfait signifie que le consommateur ayant été confronté à la marque antérieure pourrait ne pas se souvenir de tous les éléments de cette marque et, pour cette raison, estimer que les produits ou les services portant une marque similaire proviennent de la même entreprise ou d’une entreprise économiquement liée. Toutefois, il n’est pas possible de déterminer, in abstracto, quels éléments de la marque antérieure le consommateur gardera à l’esprit.

53      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le moyen unique de la requérante et d’annuler la décision attaquée.

 Sur la seconde partie du premier chef de conclusions

54      Par la seconde partie de son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de rejeter l’opposition dans son intégralité.

55      Il y a lieu de considérer que, en l’espèce, la requérante vise, en substance, à ce que le Tribunal exerce son pouvoir de réformation pour rejeter l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les services qu’elle vise, adoptant ainsi la décision que, selon la requérante, la chambre de recours aurait dû prendre lorsqu’elle a été saisie du recours.

56      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, doit en principe être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

57      Toutefois, en l’espèce, les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal ne sont pas réunies. En effet, il résulte certes des considérations développées ci-dessus que la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’il existait un risque de confusion pour le public polonais de l’Union. Il n’en demeure pas moins qu’elle n’a pas apprécié l’existence dudit risque pour le reste du public pertinent. Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande en réformation.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59      En l’espèce, l’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

60      S’agissant de la demande de la requérante tendant à ce que l’EUIPO soit également condamné aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, il y a également lieu de condamner l’EUIPO aux dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 novembre 2022 (affaire R 734/2022-1) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO est condamné aux dépens, y compris ceux que Tradias GmbH a exposés devant la chambre de recours.

Costeira

Zilgalvis

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.